Chapitre 1. Réformes administratives et Révolution romaine (1846-1850)
p. 79-167
Texte intégral
1Mgr Giovanni Mastaï Ferretti, avant de devenir pape sous le nom de Pie IX, est une figure typique de la prélature œuvrant dans les États de l’Église à cette période. Formé et ordonné prêtre à Rome1, les premières expériences qui façonnèrent sa sensibilité furent surtout pastorales. Le bref séjour qu’il accomplit au Chili en 1821 au sein de la délégation pontificale conduite par Mgr Muzi se révéla moins diplomatique que missionnaire, en raison notamment des fortes tendances juridictionnelles du gouvernement chilien. Nommé à l’évêché de Spolète par Léon XII le 24 avril 1827, il dut faire face aux troubles révolutionnaires de février-mars 1831 qui provoquèrent le départ du délégat de Spolète, Mgr Meli Lupi Soragna. Découragé par l’échec relatif de la ligne conciliante qu’il prônait, en dépit de réels acquis pastoraux, il offrit sa démission à Grégoire XVI à la fin de l’année 1831. Celui-ci le transféra sur le siège plus important d’Imola à partir de 1832, au cœur de la Romagne, dans une atmosphère de forte opposition au pouvoir temporel des papes. Une réputation de modéré, voire de libéral l’accompagna dans ces années politiquement agitées, illustrée par le mot plaisant prêté à Grégoire XVI sur la famille de son évêque : « Chez les Mastaï, tous sont des carbonari, même le chat »2.
Les « Pensées » du cardinal Mastaï
2C’est en cette qualité de pasteur d’Imola qu’en 1845 Mgr Mastaï Ferretti, entre-temps élevé au cardinalat (14 décembre 1840), rédigea des Pensieri relativi all’amministrazione pubblica dello Stato Pontificio3, envoyés à Rome, qui exposaient, en cinquante-huit points présentés sans hiérarchie, un certain nombre de dysfonctionnements et d’anomalies dans l’administration générale et locale, ainsi que des pistes d’améliorations possibles ; le document comprenait aussi quelques brèves réflexions morales et économiques (industrie et commerce, travaux publics). Le texte est certes intéressant en ce qu’il fait état des vues du futur souverain pontife sur le gouvernement central et local de l’Église, suscitant des interprétations sur la sensibilité politique de son auteur4. Il l’est tout autant comme analyse d’un haut responsable de l’État pontifical. Une attention particulière était portée aux questions de personnel administratif (treize points, soit plus du quart du texte). L’évêque d’Imola recommandait notamment de restaurer dans ses attributions la congrégation centrale du Buon Governo, ce qui permettrait une meilleure information de Rome sur l’état des provinces et battrait en brèche le trop grand pouvoir des conseils provinciaux (point n° 12). Il conviendrait également de reprendre la congrégation de la Vigilanza destinée à contrôler l’esprit, la conduite et la compétence des agents, « cause principale du discrédit [qui affecte] le gouvernement » (n° 6)5. Du point de vue de l’administration générale de l’État, l’uniformisation des pratiques mais aussi de l’esprit qui anime les différentes instances gouvernementales était indispensable pour que « tous les anneaux forment la chaîne qui les unisse et les attache à la Colonne principale » (n° 4), aujourd’hui brisée par « l’égoïsme des opinions » des dicastères et des organes locaux. Ainsi la congrégation du Concile devrait-elle être tenue de répondre aux rapports adressés ad limina par les évêques (n° 24), point auquel l’évêque Mastaï Ferretti ne pouvait qu’être sensible. Ce souci de cohérence exigeait que la secrétairerie d’État et les autres dicastères centraux – la Curie au sens organique du terme – traitent directement les affaires (n° 19) et n’utilisent plus les agents intermédiaires, véritables « fléaux de l’État », de probité douteuse et exerçant des pressions en vue du règlement des affaires de leurs provinces respectives (n° 14). Le rétablissement de l’uniformité était subordonné, pour Mgr Mastaï Ferretti, à celui de la stabilité législative, dont la responsabilité incombait au cardinal camerlingue (n° 20). Cette stabilité était inséparable de la simplification et de l’accélération des procédures judiciaires : le tribunal de la Rote, quoique très respectable, aurait fait parfois un usage quelque peu détourné de la notion d’éternité6. L’identité de conceptions et de vues était supposée s’acquérir en amont par l’instruction et la formation, à condition de pas conférer trop libéralement ni sans contrôle les grades académiques7. Il était souhaitable que la congrégation des Études devienne la direction unique de l’instruction publique (n° 16), ayant la faculté de juger et d’interdire, le cas échéant, les textes faisant l’objet d’un enseignement8. Le manque d’éducation – ou plus précisément l’abus de philosophie – semblait à l’origine de l’oisiveté coupable de beaucoup de sujets de l’État pontifical, passant leur temps dans les cafés et « empestant la fumée et les discours » (n° 18). Ce constat est un des éléments du refus, de la part du futur Pie IX, de confier aux laïcs des postes de direction au sein de l’administration romaine. Sur ce chapitre sensible, Mgr Mastaï Ferretti, après avoir admis le principe d’une réduction de la différence existant entre ecclésiastiques et laïques, disait craindre que ces derniers, faute de qualités morales, ne profitent de leur position fraîchement acquise pour « saper les fondements du gouvernement » (n° 15)9. La sécurité comme la dignité de l’État ecclésiastique exigeaient de limiter la participation laïque à une « collaboration in minoribus »10, considérée comme point d’équilibre. L’exigence de sécularisation de l’administration, apparue sur la scène publique dès le congrès de Vienne et sur laquelle le Mémorandum des puissances de mai 1831 avait déjà insisté, est abordée par le futur Pie IX de façon externe et indirecte, sans interrogation sur la nature ni le devenir du gouvernement temporel de l’Église, conformément aux approches menées jusque-là de cette question pourtant cruciale.
3Les pensées de l’évêque d’Imola ne constituaient donc pas un plan organique de réformes nourri par une connaissance approfondie de la situation11, mais plutôt un ensemble de remarques, au ton parfois vif, jetées sans ordre sur le papier et susceptibles de servir un jour ou l’autre. La réflexion restait circonscrite à l’État pontifical, sans référence aux autres États italiens ni au problème de l’unité ou de l’indépendance nationales. Grégoire XVI n’était certes pas personnellement critiqué, mais le texte fait clairement état, à plusieurs reprises, de l’impopularité du gouvernement grégorien et de l’insatisfaction des sujets. G. Martina y voit une « critique sincère et sans malice »12, inspirée par un désaccord implicite avec une politique curiale hostile à toute concession au libéralisme ; néanmoins, la reconnaissance du « caractère suranné de beaucoup d’institutions pontificales »13 et l’identification des divers maux ne débouche pas, chez Mgr Mastaï, sur une recherche des racines du mal ni sur une quelconque construction théorique. Le désir d’introduire des réformes demeurait soumis à un cadre ecclésiologique postulant l’incompatibilité entre le caractère religieux du gouvernement de l’Église et la participation effective (c’est-à-dire autre que symbolique, qui ne soit plus limitée à des emplois mineurs et très faiblement rétribués14) de la population à une hiérarchie d’abord définie par ses attributs sacrés.
4Dans une Rome où, par tradition, « tous vivent de l’Église ou veulent en vivre », un père de famille ne concevant pas de meilleur avenir pour ses fils que la carrière ecclésiastique15 ou, à défaut, un emploi laïc dans l’administration pontificale, l’idéologie libérale appuie une demande sociale accrue par les difficultés économiques de la fin du pontificat grégorien. Les arguments développés tirent parti de cette conjoncture, mettant l’accent sur le caractère doublement exogène du pouvoir des papes en Italie, considéré à la fois comme un gouvernement de prêtres et comme un gouvernement étranger. Les hauts postes de la carrière, administrative ou diplomatique, étaient réservés aux ecclésiastiques et échouaient souvent, par le jeu du cosmopolitisme de l’Église, entre les mains de non nationaux16. Un article de la Gazzetta italiana paru en octobre 1845 sous la plume de Gino Capponi recommandait de confier aux nationaux tous les emplois publics et de séparer le gouvernement ecclésiastique du gouvernement civil ; de la sorte, le pape régnerait, mais ne gouvernerait pas. L’argument renvoie à la question centrale du rapport entre un système de gouvernement et la structure sociale qui lui correspond17. Conscient d’un tel décalage et jetant un regard rétrospectif sur cette période, Mgr Corboli Bussi, qui comptait, jusqu’à son décès prématuré en 1850, parmi les conseillers très proches de Pie IX18, envisageait une laïcisation ratione materiae de la Curie, soutenant qu’il « serait bon que le clergé se libérât de l’administration des finances (denari) et de la justice, excepté naturellement le droit canonique »19.
5Pour nombre d’observateurs, la coexistence antinomique des pouvoirs temporel et spirituel nuisait tant aux libertés, notamment locales, qu’à la dignité même du gouvernement pontifical20. Aux yeux de l’autorité centrale, l’admission de laïcs dans les instances dirigeantes romaines signifiait symétriquement la dénaturation de l’essence spirituelle de l’Église, au sens de la formule hostes habent muros21. Un constat identique, celui d’une contamination du pouvoir ecclésiastique par le facteur temporel22, recevait ainsi des interprétations exactement opposées. Dès lors, le pape accorderait des « libertés dangereuses », telles celles de réunion ou de la presse, plutôt que de confier à des laïcs une part des responsabilités gouvernementales23. L’histoire de l’organisation du pouvoir central de l’Église serait prise entre réformes et révolution.
Le « mythe » Pie IX
6L’effervescence suscitée par la disparition de Grégoire XVI, au-delà des attentes suscitées et des espaces traditionnellement créés par la vacance du Siège apostolique, se manifesta dans les débats portant sur le nom et de la personnalité du successeur, en faveur d’un pape qui ressemblât à celui des utopies littéraires, celle de Gioberti en particulier, qui fût « doge et gonfalonier de la confédération italienne, arbitre paternel et pacificateur de l’Europe, instituteur et civilisateur du monde, père spirituel du genre humain, héritier et conquérant naturel et pacifique de la grandeur latine »24. Le nom du cardinal Mastaï s’imposa au terme d’un conclave bref, après seulement quatre tours de scrutin25 les 14 et 16 juin, dans lequel s’opposèrent les deux principales factions de la Curie (intransigeante ou zelante et modérée26), respectivement emmenées par le cardinal Lambruschini, secrétaire d’État de Grégoire XVI, et les cardinaux Bernetti et Gizzi (ce dernier légat de Forlì). L’élu prit le nom de Pie IX en hommage à Pie VII, le pape persécuté qu’il avait eu deux fois l’occasion de rencontrer lors-qu’il était encore au séminaire, « pour affirmer symboliquement l’indépendance de la papauté vis-à-vis de toute forme d’interférence de la part des puissances étrangères »27. Les manifestations enthousiastes de la population qui accompagnèrent son avènement, y compris dans les Légations, donnèrent naissance au premier aspect d’un « mythe » Pie IX28, celui de l’idylle entre le souverain pontife et ses sujets29, mythe appelé à connaître ensuite d’autres déclinaisons.
7La figure de Pie IX et l’histoire de son pontificat, le plus long de la succession apostolique (trente et un ans et sept mois), a mobilisé un grand nombre d’efforts de la part des apologistes comme des historiens. C’est aux premiers que l’historiographie est redevable de la confection d’une image magnifiée de ce pape30. Si la distinction – essentielle – entre apologétique et écriture historique vaut pour l’ensemble de l’histoire du christianisme, elle embrasse des enjeux et revêt une intensité particulière en un xixe siècle qui, précisément, entend fonder une écriture scientifique, positive et objective, de l’Histoire31, détachée de « cette étrange confusion de faits mal interprétés, de réminiscences folkloriques et d’identifications présomptueuses » décrite avec bonheur par René Aigrain à propos de l’hagiographie32. Pour le champ précis de l’histoire de l’Église, le tiraillement – pour ne pas dire la contradiction – est inévitable entre histoire sainte (ou sacrée) et histoire profane, et se rattache à la problématique plus large de la sécularisation entamée, dira-t-on très vite, à la Renaissance, voire un peu avant33.
8Le conflit des méthodes, des lectures et des finalités rejaillit nécessairement sur la perception de la papauté et de la Curie et en particulier sur leur action dans l’histoire. Pour Ernesto Masi, écrivant en 1918, il était possible d’opposer deux philosophies de l’Histoire, l’une selon Bossuet qui érigerait Pie IX en instrument docile de la Providence, l’autre selon Darwin en faisant du pape l’une des forces obscures agissant dans le monde moral et matériel, sans exercice de volonté propre, mais « sous l’impulsion fatidique d’une loi mystérieuse qui échappe à la perception des hommes »34. Pour beaucoup, Pie IX incarna – comme Pie VI et Pie VII avant lui, et dans la continuité de leur exemple35 – la figure d’un pape martyr et héroïque36, « angélique »37 et innocent38, souffrant à l’exacte mesure de la grandeur et de la bonté de ses intentions39, pris donc « entre le mythe et le drame »40.
9Ce drame, fait saillant du pontificat, est lié au devenir de l’idée nationale dont Pie IX fut « l’icône tragique »41 : le pape aurait encouragé, par la promesse et la réalisation partielle de réformes de l’appareil administratif de l’État pontifical, l’essor des idées libérales et nationales42, puis, à partir de l’allocution du 29 avril 1848 – souvent retenue comme l’une des principales scansions du pontificat –, trahi cet idéal unitaire, pour des raisons et selon des motivations que les contemporains peinent à élucider43. L’une des explications avancées est celle, dépendante d’une représentation répandue du gouvernement pontifical, d’un Pie IX manipulé par les cardinaux et les prélats de son entourage, rattrapé par la logique interne, profondément conservatrice, de l’appareil de la Curie44. Dans ses Considérations sur les affaires d’Italie, Carlo Cattaneo considère ainsi que « Pio IX fu fat-ta da altri, e se disfece da sè »45. Ce pape, apparu à son avènement comme un prodige heureux, ne devint bientôt qu’un « mirage »46, ou encore, en référence aux grandes figures de la succession apostolique, « le résultat mêlé d’un Alexandre VI et d’un Pie V »47, auquel on reprocherait longtemps de n’avoir pas su devenir un Grégoire VII, un Alexandre III ou un Boniface VIII48. Pour le légiste La Mantia, Pie IX était en effet « bon, sincère, étranger à toute ambition absolutiste »49, inspirant une « confiance évangélique »50. Parfois qualifié d’autocrate vaniteux, plus souvent de « fantoche peu intelligent manœuvré par des réactionnaires obtus »51, il avait lui-même eu l’occasion de rappeler qu’il n’était pas un Napoléon52 et une partie de l’historiographie voulut voir en lui un simple curé de campagne, tourmenté et dépassé par la rapidité des événements révolutionnaires de 184853. La bonté du pape, soulignée par nombre d’auteurs (le « buon curato » de Giuseppe Mazzini, le « curato d’Italia » de Tommaseo, le « prete di buona intenzione » de Montanelli, le « good and sincere man » de Lord Minto54), contraste avec le hiératisme implacable ou la malignité des collaborateurs55, et fait par là douter de l’efficacité et de la pérennité des réformes engagées, les cardinaux et les prélats de la Curie ne s’estimant pas impliqués dans le mouvement réformateur56. Le témoignage du diplomate Auguste de Liedekerke, représentant des Pays-Bas à Rome de 1831 à 1855, est l’écho de cette inquiétude : « Qui sait seulement si cet excellent Pontife, et malgré ses bonnes intentions, pourra jamais parvenir à réaliser dans ses États un progrès bien sérieux, en présence de l’opposition qu’il va rencontrer au sein même du Sacré-Collège ; de celle que lui prépare la portion fanatique, et malheureusement assez nombreuse, de son propre clergé, et enfin de la part d’employés qui, vivant d’abus séculaires, trouvent avec raison que c’est le meilleur des régimes, et se disposent, en conséquence, à le défendre comme l’arche sainte »57. Il faut donc mesurer la portée des créations institutionnelles des années 1846-1848, inspirées par le mouvement constitutionnaliste et l’essor de la science administrative de la première moitié du siècle (1), comme celle des réformes opérées dans l’administration locale et les conditions de la vie politique de l’État pontifical (2) à l’aune des résistances internes et externes qui s’exercent sur le gouvernement central de l’Église et débouchent sur une nouvelle expérience de la papauté en exil (3).
1– LE CONSTITUTIONNALISME ET LE POUVOIR CENTRAL
10Pour la péninsule italienne, comme l’écrit O. Giacchi, « le renouveau (rifiorire) du sentiment religieux populaire, le regain d’intérêt et d’admiration pour le Moyen Âge, dans lequel l’Église avait connu une telle grandeur et une telle indépendance envers l’État, les nouvelles conceptions de l’État toutes plus ou moins fondées sur la doctrine absolutiste et sur l’acceptation de la souveraineté populaire, la nouvelle vitalité de l’Église tant de l’action que de la culture, sont autant d’éléments qui fondent véritablement un ‘siècle nouveau’ »58. Les événements de 1848, dans leur diversité européenne, reflètent ce renouveau des conceptions politiques. L’Italie entreprit un « ripensamento » critique de l’expérience politique de la Restauration et de ses formes institutionnelles et réexamina son rejet de l’idéologie constitutionnelle de la Révolution et de l’Empire qui avaient tous deux prétendu ériger partout en Europe des ordres politiques fondés sur les modèles et les structures expérimentés en France59. Les constitutions du temps appartiennent pour la plupart à la catégorie des chartes octroyées, reposant sur une autolimitation de ses prérogatives de la part du souverain, qui s’interdit de ne rien retrancher du texte, d’en limiter la portée, et encore moins de l’abroger60. De ce mouvement d’idées, auquel participèrent notamment Cesare Balbo, Vincenzo Cuoco et Gian Domenico Romagnosi61, se détache la figure de Pellegrino Rossi, « peut-être le plus grand constitutionnaliste italien de la première moitié du xixe siècle »62 ; son Cours de droit constitutionnel, en renouvelant le concept d’une monarchie représentative seule adaptée à la société libérale, dont la meilleure expression était contenue dans la Charte française de 183063, devait exercer une grande influence sur la science juridique de la péninsule64. Celle-ci se montrait prompte à remettre en cause le système politique né du Congrès de Vienne une trentaine d’années plus tôt et avec lequel la hiérarchie ecclésiastique semblait s’être irrémédiablement compromise65. Assez peu sensible à l’expérience américaine, connue de sa seule fraction modérée66, le courant constitutionnaliste italien s’attachait davantage à la notion de pouvoir constituant et d’universalité (masculine) du suffrage comme source de la démocratie politique67. Dans un tel cadre, le pouvoir pontifical, bien qu’attentif à l’idée de liberté, se trouve au mieux catalogué comme une curiosité anachronique dont l’unité politique de la péninsule aurait tôt ou tard raison, dans la mesure où la mouvance constitutionnaliste posait une conception du droit différente « de la somme des intérêts particuliers, [mais bien] un ensemble de normes générales et abstraites qui tirent exclusivement leur validité de la volonté expresse du souverain, et viennent former un système de règles unitaire, logiquement homogène et cohérent, dépourvu de lacunes »68. Cette orientation, déjà implicite dans la réception du droit romain, dans les codifications absolutistes et dans le droit public, s’impose à la fin du xviiie et au long du xixe siècle69, donnant naissance à un discours juridique sur l’État marqué par l’abstraction, le formalisme, la neutralité idéologique et l’analyse des concepts. L’appréhension du particularisme et de l’exception, considérés comme des anomalies portant préjudice à l’unité juridique et politique, débouche sur un despotisme constitutionnel que le jésuite G. Roothaan dénonçait alors au secrétaire de Metternich : « Pour nous [= l’Église], la forme de gouvernement est indifférente. Mais la manière de la mettre en œuvre est la source des maux, et de fait [elle] rend les gouvernements constitutionnels autrement plus despotiques que ne le sont les gouvernements dits absolus »70.
11Les enjeux considérables du débat – et la prégnance des événements – mobilisèrent l’attention d’une partie des milieux intellectuels proches de l’Église. Antonio Rosmini, au lendemain de la publication de ses Cinq plaies de l’Église, « pierre milliaire de l’ecclésiologie du xixe siècle »71, fit paraître la Costituzione secondo la giustizia sociale72, avec un appendice sur l’unité italienne ; l’opuscule proposait l’application concrète d’un constitutionnalisme « national », fidèle aux grands principes de la matrice française et qui soit en mesure de répondre aux aspirations de liberté et d’unité propres aux mouvements péninsulaires de 184873. Aux yeux du philosophe de Rovereto, un temps pressenti comme secrétaire d’État74, affirmer la liberté de l’Église signifiait aussi aider l’État à être lui-même, c’est-àdire à se délivrer de la tentation régaliste ; l’Église libre est alors pensée comme une condition de l’État libre. Pellegrino Rossi, que l’on peut qualifier de libéral modéré, à l’instar de Rosmini, se montrait toutefois hostile au Piémont et favorable à un régime constitutionnel à la française, rejeté lui par Rosmini75. Partisan de réformes profondes, dont il avait esquissé un programme dans une lettre adressée à Guizot une quinzaine d’années plus tôt, Rossi affichait sa méfiance envers plusieurs dicastères importants du gouvernement central de l’Église, notamment le Saint Office et l’Index, placés à ses yeux « au service de toutes les oligarchies »76 et voyait dans les gouvernements constitutionnels « la force et la gloire de l’Europe », auxquelles le pouvoir romain, dont on ne pouvait mettre en doute la capacité d’adaptation, finirait nécessairement par se rallier77. C’était certes entretenir la confusion – largement véhiculée et instrumentalisée par les commentaires du temps – entre la papauté définie comme organe suprême placé à la tête de l’Église et comprise comme gouvernement temporel. Il reste que, pour beaucoup d’acteurs de la « révolution des intellectuels » de 184878, « constitution » était le mot magique, contenant toute aspiration à davantage de démocratie, entendue comme l’incarnation politique de la liberté. Il s’agissait de savoir, comme l’écrit l’apologiste français Charles Van Duerm, « si le royaume pontifical était mûr pour cet esprit de liberté et de progrès divers, qui envahissait le monde moderne, et dont l’application plus ou moins large détermine aux yeux de la politique contemporaine le degré de perfection auquel une nation est parvenue »79. Ici encore entraient en conflit, sous couvert de l’opposition entre tradition et progrès, entre exigences du siècle et conditions de l’éternité, deux notions de la perfection.
12Dans l’État pontifical, les traductions ou les formulations concrètes des idées constitutionnelles devaient être modérées, en raison notamment du faible degré d’implication des institutions universitaires romaines dans ce débat80 ; toutefois, leur apparition dans l’architecture du gouvernement de l’Église créait un contraste saisissant avec les institutions et les principes de fonctionnement traditionnels de la Curie. Soutenues par une aile modérée81 (qu’on pourrait dire « transigeante »), les créations institutionnelles du gouvernement pontifical des années 1847-1848 purent constituer, dans une certaine mesure, un « réformisme »82. Il serait exagéré d’y voir la mise en œuvre d’un programme préalablement défini de réforme de l’organisation gouvernementale de l’Église83, qui aurait peu ou prou signifié l’acceptation de la logique politique et sociale alors développée par la bourgeoisie et le capitalisme. Sans doute faut-il parler davantage d’ajustements ponctuels, et remarquer surtout que le système des congrégations et des offices fut peu affecté par les réformes constitutionnelles, ces dernières n’ayant pas pour objet le gouvernement spirituel et universel de la papauté, ni même à proprement parler l’administration temporelle, mais s’efforçant plutôt de tracer un cadre politique général.
13Le changement le plus apparent résulte par conséquent de l’adjonction d’éléments nouveaux à un socle existant, conformément à la tendance de la Curie romaine, déjà constatée pour les périodes précédentes, à une superposition des structures par sédimentation, en fonction des besoins du moment84. Le phénomène est également tributaire de l’esprit ayant guidé les réformes opérées dans ces premières années du pontificat de Pie IX. Le cardinal secrétaire d’État, s’exprimant le 22 juin 1847, dix jours après l’institution du Conseil des Ministres, soulignait la volonté « fermement résolue de progresser dans la voie des améliorations dans toutes les branches de l’administration publique susceptibles d’en avoir besoin », citant à l’appui les efforts accomplis en faveur de l’éducation, la commission formée « d’admirables juristes [specchiati giureconsulti] pour revoir et améliorer la législation »85 et le projet de refonte du statut municipal de Rome. Les changements auraient un caractère raisonnablement progressif (« La Sua Santità è decisa di non fare i miglioramenti che con saggia e ponderata graduazione ») et s’inscriraient dans des limites respectant la souveraineté du pape en général et son gouvernement temporel en particulier. À aucun moment, le pouvoir pontifical n’entendit céder aux pressions exercées en faveur d’une souveraineté populaire et d’un régime républicain, jugés étrangers à la nature du pouvoir pontifical86. Le jésuite Luigi Taparelli d’Azeglio (1793-1892) reconnaissait en 1847 la réalité d’une telle menace, tout en demandant aux « laïcs catholiques dans les mains desquels pourrait échoir le pouvoir » et le clergé de comprendre cet état de choses, pour ne pas tomber dans les travers subis par l’Église de France87. L’expérience révolutionnaire et constitutionnelle française demeurait, même réduite au rôle de repoussoir, la référence fondamentale. Elle apparut, avant la Révolution romaine, à travers trois institutions : un Conseil des ministres, un conseil ou consulte d’État, un statut fondamental.
1.1. Le Conseil des Ministres
14Dans sa configuration initiale, fixée par le motu proprio du 12 juin 1847, le Conseil des ministres, composé des sept « chefs des principales administrations de l’État », était chargé d’examiner « en commun » les affaires les plus graves de l’État avant de les soumettre au souverain lors des audiences pontificales88. Les trois cardinaux (secrétaire d’État, camerlingue, préfet des Eaux et routes) et les quatre prélats (Auditeur de la Chambre, gouverneur de Rome, trésorier général et président des armées) formant ès qualités le conseil se réunissaient ordinairement sous la présidence du secrétaire d’État, faisant ici office de Premier ministre, bien que le texte n’emploie pas ce titre. Le caractère collégial de cet organe, formé de membres choisis sur le critère des fonctions qu’ils occupent parallèlement, ne doit pas faire illusion, dans la mesure où le cardinal secrétaire d’État apparaît comme la pièce centrale de la nouvelle architecture. Ceci fait droit à la remarque générale d’H. Izdebski selon laquelle « parfois, la direction individuelle peut s’entrelacer avec la collégialité. [...] Il faut nettement distinguer l’aspect structurel et l’aspect fonctionnel – aussi bien de la collégialité que de la direction individuelle. Ainsi une autorité peut être collégiale au point de vue structurel, c’est-à-dire peut posséder à sa tête un collège, – mais en fait le pouvoir peut être exercé, entièrement ou au moins en partie, par son chef ; une telle autorité représente donc, au point de vue fonctionnel, la direction individuelle ou bien une collégialité limitée »89. La position dominante occupée par le secrétaire d’État s’inscrit dans ce cadre, et rattache nettement, en l’y subordonnant, la nouvelle institution à la Curie romaine. Le motu proprio ménage en outre la possibilité théorique que les réunions du conseil des Ministres soient présidées par le pape lui-même90, à l’instar des congrégations dont il se réserve la préfecture. Par ailleurs, même si le motu proprio reste silencieux sur ce point, le conseil des Ministres était objectivement placé en situation de concurrence avec une instance stratégique de la Curie, la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, entretenant des liens étroits avec la secrétairerie d’État91 et qui à tout moment, sur décision du pape, pouvait être saisie du dossier. Le champ de compétences du conseil des Ministres retenait l’examen des « nouvelles lois, règlements généraux et instructions les plus importantes, les interprétations ou déclarations des lois ou des règlements en vigueur » (§ 17, § 4), mais ne lui accordait aucun pouvoir décisionnel propre. Le conseil pouvait donc difficilement être considéré, en dépit de ce que sa dénomination laissait entendre, comme l’organe exécutif majeur de l’État pontifical.
15Le motu proprio du 29 décembre 1847 devait redéfinir, après l’institution de la Consulte d’État92, les contours du Conseil des ministres, en y apportant trois innovations notables. Il s’agit en premier lieu de l’institution de la responsabilité pénale individuelle des ministres devant l’ensemble du gouvernement pour les actes relevant de leur dicastère. En second lieu, et bien que le Président du Conseil des ministres (titre revenant de droit au secrétaire d’État et ministre des Affaires étrangères) et son substitut (dit segretario del Gabinetto) devaient être des ecclésiastiques, le nouveau texte admet implicitement que les autres membres du gouvernement puissent être étrangers au Sacré Collège, et appartenir par conséquent à la prélature, voire au laïcat (art. 7 : « Se poi il Ministro non è Cardinale... »). La prudence de la formulation, révélatrice des craintes de la Curie, entrouvrait néanmoins la porte à une participation des forces laïques au gouvernement pontifical, point névralgique du débat93, même si l’effectif initial du conseil comprenait seulement des ecclésiastiques94. Pellegrino Rossi le soulignait quelques jours après que le texte fut rendu public : « Cette question est le fondement de toutes les autres [...]. La caste cléricale ne peut affronter le parti radical, si le parti laïc modéré, je ne dis pas s’allie avec lui, mais seulement le laisse faire [...]. J’ai insisté pour que le prochain motu proprio [...] fasse une part aux laïcs »95. Mgr Corboli Bussi plaidait pour une sécularisation, là où elle était possible, sans constitution, configuration mieux conciliable à ses yeux avec la nécessaire indépendance politique du souverain pontife96. Pour autant, le caractère tardif de la mesure ne pouvait plus satisfaire les aspirations de la population, et apparut surtout comme une nouvelle marque de faiblesse du gouvernement central ; la décision révéla une indécision.
16La remarque n’épuise toutefois pas l’intérêt de cette nouvelle architecture, signe de la recherche d’une véritable organisation ministérielle fondée sur une répartition organique des fonctions97. Ces dernières étaient déterminées avec assez de clarté pour chaque ministère, dans la mesure où « chacun [d’entre eux] dispose d’un champ propre d’action, indépendant de tout autre dicastère, et assume une responsabilité qui, descendant jusqu’aux employés subalternes, confère au gouvernement la garantie générale à laquelle doivent être soumis tous ceux auxquels est confiée l’administration de la chose publique »98. Des incohérences dans la répartition des compétences furent relevées çà et là, à l’exemple du rattachement de l’administration des Beaux-Arts au ministère de l’agriculture, du commerce et de l’industrie plutôt qu’à celui de l’instruction publique. La nouveauté de ce schéma, calqué pour certains sur l’organisation ministérielle française, masquait mal le poids conservé par certaines structures essentielles de la Curie. Outre la secrétairerie d’État, la répartition des charges faisait une place centrale à l’un des rouages les plus anciens du gouvernement pontifical : la Chambre apostolique. Le cardinal camerlingue se voyait confier le ministère polycentrique du commerce, des beaux-arts, de l’industrie et de l’agriculture, et le prélat vice-camerlingue, auquel incombait également depuis le milieu du xve siècle la charge de gouverneur de Rome, héritait du ministère de la police. L’auditeur de la Chambre apostolique (Auditor Camerae) était aussi ministre des Grâces et de la Justice, le trésorier général détenait le ministère des Finances99 et un clerc de la Chambre celui des Armées (delle Armi). Les autres clercs (chierici di Camera) se voyaient assigner chacun la responsabilité d’une section du ministère des Finances. Si, de manière claire, les biens administrés continuèrent d’être désignés sous le nom de beni della Reverenda Camera Apostolica, le dernier trait important de la réforme de décembre 1847 consistait en un ensemble d’instructions provisoires relatives aux dépenses publiques (Istruzioni provvisorie per l’ordinamento dell’amministrazione pubblica riguardante le spese) accordant l’autonomie financière à chacun des neuf ministères, au lieu du contrôle jusqu’alors exercé par le Trésorier général et ses services100.
17Le premier ministre laïc fit son apparition dès janvier 1848, en la personne du prince Gabrielli, ministre delle Armi ; ce noble romain représentait encore une faible nouveauté, pouvant être rattaché à la tradition pluriséculaire de ce que R. Chartier a défini comme la « curialisation des guerriers »101, en l’espèce le service, d’abord militaire, rendu à la papauté par les grandes familles de la capitale. En février, la population de Rome fit parvenir au pape une proclamation demandant l’exclusion des ministres ecclésiastiques (« Abbasso i ministri sacerdoti »), pour les remplacer par des laïcs. Pie IX céda par motu proprio le 10 février ; dès le surlendemain, le ministère inclut plusieurs laïcs, parmi lesquels Francesco Sturbinetti102 aux Travaux Publics – dont la réalisation dépendait jusqu’alors de la Préfecture générale des Eaux et des Routes, créée en 1833, sous l’autorité de la congrégation homonyme103 –, Pasolini aux Beaux-Arts, Industrie et Agriculture, le prince de Teano à la Police et le prince Gabrielli, maintenu à la tête des armées. De cette date jusqu’au 10 mars, le ministère mixte de laïcs et de prélats fit progressivement place à un gouvernement majoritairement laïc. L’irruption de cette nouvelle catégorie des « monsignori laici »104 fut confirmée par la formation, le 10 mars 1848, du ministère Antonelli, successeur de Bofondi, marqué par des personnalités de tendance libérale105. La participation de laïcs libéraux n’était toutefois pas synonyme de libéralisation du système gouvernemental, même si elle ôtait à la Chambre apostolique de son influence sur les affaires de l’État. Ce fut un des fondements de l’incompréhension qui se tissait dès lors entre la papauté et ses sujets ; Luigi Carlo Farini, traduisant un sentiment répandu, relevait que « toute réforme réalisée sans prendre pour fondement l’égalité civile, l’uniformité des lois et l’instauration du laïcat au sein du gouvernement devait nécessairement passer pour insuffisante, et laisser subsister les motifs de mécontentement les plus réels et les plus anciens »106. En contrepoint, Palmerston considérait qu’une sécularisation complète de l’exécutif gouvernemental était certes souhaitable, mais qu’il serait peu sage, de la part des Romains, de pousser les choses à l’extrême. Il était naturel, à ses yeux, que le pape exigeât qu’un ecclésiastique, en l’espèce le cardinal préfet des Études, fût à la tête du ministère de l’éducation, et jugeait inutile, s’agissant de la présidence de la Chambre, de livrer combat en ce sens, dans la mesure où cette charge était peu stratégique, la Chambre étant élue librement et représentant les sentiments et les opinions du pays. Palmerston observait que « dans d’autres pays, l’histoire offrait des exemples de cardinaux qui avaient assuré, avec un réel succès, la conduite des affaires étrangères » et, s’il préférait a priori qu’elle échoie à un laïc plutôt qu’à un ecclésiastique, la question n’était pas vitale à ses yeux. Le ministre britannique conseillait aux Romains d’accepter le pape avec la constitution concédée en mars, éventuellement pourvue d’assurances de sécularisation, de manière, avec un Parlement élu, à fonder graduellement et en douceur la « raisonnable liberté et les droits légitimes du peuple romain »107.
18Ce type de position nuancée rencontrait peu d’échos, sous-estimant l’effet d’entraînement, largement incontrôlé des deux côtés, de réformes qui conservaient pourtant presque intact l’équilibre institutionnel de la Curie, affecté seulement par des remaniements techniques à forte portée symbolique. Le plus manifeste fut sans doute la disparition de la congrégation du Buon Governo, qui, tutrice traditionnelle des collectivités locales de l’État pontifical, avait déjà perdu dans la première moitié du siècle nombre de ses attributions au profit de la secrétairerie d’État, ne conservant qu’une compétence judiciaire en matière d’aliénations de biens domaniaux. À l’avènement de Pie IX, elle comptait pourtant encore quinze cardinaux membres – autant que le Saint Office et la Consistoriale à la même date – et six prélats rapporteurs des affaires. Les art. 18 et 97 du motu proprio du 29 décembre 1847 en firent un simple département du ministère de l’Intérieur108. Supprimée déjà à deux reprises, en 1798-1799 et de 1809 à 1814, la congrégation cessa définitivement son activité, après plus de deux siècles et demi d’existence.
1.2. La Consulta di Stato
19Une circulaire du secrétaire d’État Gizzi, adressée le 19 avril 1847 aux légats et délégats de l’État pontifical, avait annoncé la création d’un conseil d’État pontifical, mais en des termes vagues et sans fixer de calendrier pour sa mise en application ; le principe arrêté était que la Consulta di Stato représenterait les provinces à travers la personne de consulteurs laïcs. Il fallut attendre six mois pour que le motu proprio du 14 octobre lui donne une existence officielle. Le texte, divisé en neuf titres et comportant soixante-seize articles109, fut le fruit des travaux d’une commission mixte composée des cardinaux Gabriele Ferretti et Antonelli, de Mgr Amici, Morichini et Pentini, du prince Barberini et de trois juristes laïcs (Armellini, Piazza et Sturbinetti), qui remania largement un projet rédigé quelques mois plus tôt par Mgr Matteucci110. La rédaction du texte expose la « ferme volonté » (determinata volontà) du pape, accompagnée d’une nécessaire « modération générale des esprits, laquelle attend de récolter le fruit de la semence déjà répandue, et manifeste au monde entier, par la voix, par la plume et par sa conduite, que lorsqu’une population est guidée par la religion, lorsqu’elle aime son chef, lorsqu’elle est dotée d’un jugement sain, elle en reçoit le bénéfice, et elle rend évidente sa reconnaissance [en manifestant] un esprit d’ordre et de modération ». Le préambule du motu proprio se référait explicitement aux institutions similaires déjà expérimentées par les autres « gouvernements et États d’Europe » institutions qui, par le passé, avaient aussi contribué à « la gloire du Saint-Siège, [une] gloire due au génie des pontifes romains ». La Consulta est présentée comme le fruit d’un retour aux sources et comme un réemploi voulu par la Curie, davantage que comme une imitation d’institutions laïques contemporaines. Les raisons politiques de ce choix rhétorique sont assez claires : la papauté pouvait difficilement rattacher publiquement la création de la Consulta à la recommandation formulée en 1831 par le Mémorandum des États européens d’un « Conseil suprême de l’État ». Pie IX avait toutefois fait rechercher des informations sur le Conseil d’État napoléonien, sarde et napolitain111 ; la Curie avait également connaissance des constructions imaginées par Gioberti ou Leopoldo Galeotti et, dans une mesure difficile à évaluer, des opinions soutenues par « la science constitutionnelle en général »112. L’urgence de la situation113 avait commandé l’établissement d’un conseil de représentants des provinces114, et la Consulta était ainsi née sans qu’aient été précisées sa composition et ses attributions. La seule nouveauté réelle résidait dans sa composition laïque, soigneusement encadrée par des conditions d’admission restrictives (art. 8-9) et par le mécanisme de présélection des noms des consulteurs parmi une liste de trois noms établie par les Conseils provinciaux (art. 6), eux-mêmes formés sur la base des terne émanant des conseils municipaux115. Les consulteurs exerceraient leur charge pendant cinq ans, avec un renouvellement annuel par cinquième (art. 10 et 11). Leurs fonctions, déclarées incompatibles avec tout emploi public exigeant une résidence hors de la capitale, étaient gratuites (art. 14), mais les provinces étaient tenues de verser une indemnité pour frais dont le barème était fixé par le motu proprio116.
20De ce point de vue, la Consulta représentait certes une évolution, bien qu’il soit difficile d’y voir un signe de laïcisation de l’appareil d’État ; elle apparaît davantage comme l’adjonction d’un organisme laïc consultatif à la structure centrale ecclésiastique, seule investie du pouvoir décisionnel, dont la Consulta dépendait en tant qu’instance auxiliaire117. Cette configuration rejoignait les vues de Pellegrino Rossi : « Placer à côté du Conseil des ministres pour l’aider dans la préparation des projets de lois, dans l’élaboration du budget, dans les questions de conflit et dans tout le contentieux administratif, un Conseil d’État, Consulte ou Congrégation (peu importe le nom) qui aurait librement discuté et donné des avis au pouvoir. Ce corps de vingt-quatre ou trente-six membres, divisé en sections qui se seraient réunies pour certaines opérations, par exemple pour l’examen du budget et la rédaction des comptes de chaque exercice, aurait été mêlé d’ecclésiastiques et de laïcs et pouvait être présidé sans difficulté par des Cardinaux ou des Prélats »118.
21Depuis plusieurs mois, la secrétairerie d’État répétait que le nouvel organe ne saurait former le début d’un Parlement. Or durant l’hiver 1847-1848 fut débattue la question de la publicité des votes de la Consulta, qui ferait franchir un nouveau pas dans la constitution d’un organe délibérant. Le 21 décembre, une adresse au pape, après avoir salué la nouveauté d’une « participation des laïcs à la chose publique », proposa un train de mesures qui pouvait constituer un véritable programme de gouvernement : réforme de la législation, qui devrait désormais répondre aux critères de justice, d’égalité civile et d’uniformité, équilibre des bilans financiers, répartition équitable des taxes et impôts, abolition des monopoles, assainissement de l’administration et de l’armée, adoption d’un nouveau cadre pour les communes. Dans ces perspectives, a priori compatibles avec les options du gouvernement pontifical, la Curie vit surtout l’expression formelle d’une pratique de type parlementaire et de la volonté d’émancipation de la Consulta. La publicité des votes, discutée lors de séances animées les 10 et 11 décembre 1847, fut interprétée dans le même sens. Le consulteur Luigi Mastai, neveu du pape, proposa sans succès que les délibérations de la Consulta se déroulent en secret à la requête d’au moins six consulteurs, et dans le cas où il s’agirait d’adopter ou de repousser un texte dans sa globalité. À une écrasante majorité (vingt-trois voix contre une) fut proclamée la publicité du vote dans tous les cas de figure, à l’exception des élections internes. Les dissensions les plus vives apparurent à propos des justifications théoriques à donner à cette mesure. Luigi Mastai tenta de faire valoir le caractère illicite de la démarche, la Consulta devant demeurer un organe consultatif et non évoluer vers une assemblée constitutionnelle. En outre, la publicité des débats pouvait susciter d’innombrables désordres. Antonelli rappela la ferme opposition de Pie IX à la publicité. La réponse de Minghetti au secrétaire d’État – qui était également président de la Consulta et apparaissait inévitablement juge et partie dans ce débat – contint la formulation décisive : la Consulta n’avait pas à connaître, fût-ce indirectement, l’avis ou la volonté du souverain, pour demeurer « vierge de toute influence extérieure sur ses délibérations » et conserver la confiance du pape comme de ses sujets119. Les consulteurs suivirent Minghetti dans ses conclusions. La décision provoqua la consternation de la Curie, qui engagea des tractations individuelles avec certains membres de la Consulta et demanda l’avis des gouvernements de Turin et de Florence plutôt que de débattre avec la Consulta en tant que telle120 ; la question resta en suspens, perdant progressivement de son actualité. Le 10 février 1848, une commission cardinalice spéciale évita une réponse frontale en se protégeant derrière la nécessité d’une entente sur ce point avec les autres États italiens121.
22Ces éléments, s’ils confirment la frilosité des milieux de la Curie, mettent surtout à jour l’immaturité et l’absence d’outils conceptuels qui seuls auraient permis un développement plus souple des institutions mises en place par le gouvernement pontifical. Comme l’écrit A.-M. Ghisalberti, l’institution de la Consulta est un exemple typique de « cette sorte d’anarchie réformatrice »122 qui prévalut à cette période. De part et d’autre, les tensions se cristallisaient sur des organes seulement ébauchés et révélaient des désaccords profonds sur leur devenir123 ; la Consulta oscilla entre un Conseil d’État à la française et une autorité administrative aux compétences d’autant plus théoriques qu’elles étaient insuffisamment définies. Ayant pour mission générique de « coadiuvare all’amministrazione pubblica » (art. 22), la Consulta, aux délibérations purement consultatives (art. 28), se divisait en quatre sections dont l’art. 17 précisait les compétences respectives : affaires juridiques (legali) et administratives, spécialement celles qui regardaient une ou plusieurs provinces, finances (incluant l’examen des bilans prévisionnels – preventivi – et réalisés – consuntivi), administration interne, commerce, industrie, agriculture, enfin armée, travaux publics et administration pénitentiaire. Ces sections seraient appelées à rendre des avis dans les sept domaines généraux énumérés à l’art. 23124. La Consulta statuait en session plénière (adunanza generale), sous la direction du cardinal-président ou, en son absence, du vice-président, sur les affaires de portée générale, notamment pour l’examen des projets de lois et de règlements administratifs. Les ministres pouvaient intervenir aux séances et y débattre, mais sans voix délibérative. Les affaires discutées par la Consulta étaient ensuite portées devant le conseil des ministres ; le souverain donnait ses instructions sur l’affaire par le canal du secrétaire d’État en sa qualité de président du Conseil des Ministres, se réservant surtout la faculté, « à chaque fois qu’il s’agirait de traiter d’affaires particulièrement graves », d’interpeller le Sacré Collège (art. 44). Partant, il ménageait la possibilité d’un recours aux cardinaux contre une décision de la Consulta. Cette disposition fut diversement interprétée. Le diplomate autrichien Lützow considérait que la Consulta était un arbitre suprême placé au-dessus du Conseil des ministres, première autorité « administrative et gouvernementale » de l’État pontifical, face à laquelle l’influence du Sacré Collège lui-même paraissait réduite à néant125. Volontariste, Minghetti relevait que la Consulta devenait « de fait un organe délibérant, parce qu’il sera bien difficile au pape d’affronter l’impopularité d’une décision contraire [à celle prise par la Consulta] »126. La plupart des observateurs jugeaient toutefois que l’art. 44, en posant un garde-fou à d’éventuelles décisions de la Consulta qui engageraient les fondements mêmes du gouvernement romain, laissait présager une ingérence fréquente de la Curie dans l’issue des débats. Le ton ferme adopté par Pie IX lors de la solennelle séance d’ouverture (sept mois après sa création) de la Consulta, le 15 novembre 1847, avait confirmé ce sentiment. Le pape avait rappelé le devoir du souverain pontife de transmettre la souveraineté intacte à ses successeurs, et en conséquence de refuser « toute institution incompatible avec la souveraineté pontificale », ce qui sous-entendait le gouvernement représentatif127 et une constitution. La discussion du règlement intérieur de la Consulta, dont la rédaction était prévue par l’art. 63 du motu proprio, buta sur la question des rapports du nouvel organe « avec les autres Dicastères »128.
23Les incertitudes nourries sur la nature de la Consulta – dans laquelle F. Orioli reconnaissait seulement un organe « vaguement constitutionnel »129 – posèrent la question de son avenir. Le diplomate hollandais A. de Liedekerke signale que « le parti du progrès [...] [a] vu dans cette mesure [...] une pierre d’attente sur laquelle [...] viendra se poser un système électoral, et qu’au lieu de députés choisis par le pouvoir, les provinces seront représentées près de lui par des mandataires que leurs propres suffrages auront désignés »130. La Consulta pouvait donc apparaître tout autant comme un organe de notables dévots (pléonasme, selon les auteurs) que comme un embryon de pouvoir constitutionnel : elle se définirait selon les tourbillons du temps131.
1.3. Le Statuto du 14 mars 1848
24L’octroi d’une constitution pour l’État pontifical s’inscrit dans un mouvement de plus grande ampleur. Ferdinand II, roi des Deux-Siciles, avait promulgué un texte analogue le 29 janvier, Léopold de Toscane le 11 février, Charles-Albert le 5 mars. Toutes ces constitutions étaient modelées sur celle, française, de 1830, bien qu’elles aient été promulguées, en général, après la chute de Louis-Philippe. Leur concession par grâce souveraine, sur le modèle implicite de la Charte – vocabulaire ancien « introduit à l’improviste dans la langue du droit public moderne »132 – octroyée par Louis XVIII en 1814, en contraste avec la souveraineté populaire proclamée en France en 1830 et en 1848, montrait la ferme intention des princes de céder le moins de terrain possible à la pression démocratique ; dès lors pourtant, rejeter la constitution les contraindraient à se tourner vers la solution de l’intervention étrangère, autrichienne en particulier. Il est difficile d’évaluer l’influence des expériences des constitutions adoptées par les autres États de l’Italie sur le Statuto des États de l’Église133 ; le texte élaboré par la papauté semble en tous cas résulter davantage des conditions particulières du gouvernement pontifical.
25Le nouveau ministre laïc Giuseppe Pasolini, entré en fonctions le 12 février 1848, avait insisté avec succès auprès du pape pour que ce dernier nomme une commission chargée d’étudier le problème de la constitution ; la chose se sut aussitôt, provoquant d’amples débats dans la presse et soulevant plusieurs grandes interrogations : le système à adopter devait-il être mono- ou bicaméral ? Recourrait-on au suffrage censitaire, selon le système déjà éprouvé pour la désignation des membres de la Consulta ? Comment s’opérerait l’équilibre entre l’autorité du « parlement » et l’indépendance de l’Église sur les questions mixtes ? La commission, uniquement composée d’ecclésiastiques – six cardinaux (Ostini, Orioli, Altieri, Vizzardelli, Antonelli et Bofondi) assistés de trois prélats (Corboli Bussi, Barnabò et Mertel) –, fut mise en place le 14 février pour réfléchir aux moyens de « développer et mieux coordonner les institutions déjà données par Sa Sainteté et proposer les systèmes de gouvernement qui soient compatibles avec l’autorité du Pontife et avec les besoins d’aujourd’hui ». Les travaux de la commission, dont sont hélas conservées très peu d’archives134, se déroulèrent du 12 février au 13 mars 1848, une fois admis le principe, lors du consistoire du 14 février, de la rédaction d’un statut fondamental pour les États de l’Église. Pie IX put par ailleurs avoir connaissance d’une étude, qu’il commanda peut-être lui-même, de Mgr Giovanni-Battista Palma, destinée comme l’indique une partie de son titre « à démontrer qu’en d’autres siècles les papes acceptèrent à Rome [la présence] d’un Sénat laïc, et ceci pour justifier par un précédent les concessions politiques de Pie IX »135. Il s’agissait donc de n’abandonner à aucun prix les droits de l’Église à une assemblée parlementaire. La discussion porta en premier lieu sur la formulation de dispositions aptes à refléter la nature particulière de l’État ecclésiastique, et sur la manière de les insérer dans le cadre général de la réflexion constitutionnelle italienne. Corboli Bussi (malade, mais qui fit parvenir ses réflexions à la commission) préconisait « l’uniformità degli ordinamenti politici in tutti gli Stati d’Italia », homogénéité qui rendrait les nouvelles institutions « plus solides face aux heurts auxquels elles pourraient à l’avenir être exposées dans chaque État pris individuellement »136.
26Dans un opuscule intitulé Sopra una Camera dei Pari nello Stato Pontificio, le P. Ventura défendait le caractère ecclésiastique de l’État pontifical, préconisant un système bicaméral dans lequel une Chambre haute cardinalice, aux fonctions de « cour politique de cassation, c’est-à-dire destinée à contrôler la légitimité des lois votées par la première Chambre et leur conformité aux principes religieux de l’État »137, serait flanquée d’une assemblée élective. Corboli Bussi, après avoir été un temps favorable aux thèses du P. Ventura, soutenait l’instauration d’une chambre haute entièrement laïque, formant donc, avec le Sacré Collège, un système tricaméral, qui avait l’avantage de préserver la distinction entre « le principe religieux et le principe démocratique »138 et de respecter la dignité des cardinaux. Cette solution, également prônée par la fraction de l’opinion favorable à une séparation plus nette des sphères temporelle et spirituelle, voire à « dare alla futura costituzione un’impronta recisamente secolare »139, devait prévaloir dans le texte définitif, au grand dam d’un Sterbini pour qui « l’équilibre indispensable entre les différents pouvoirs est atteint avec une Chambre des Cardinaux qui fasse uniquement fonction de Cour de Cassation pour les affaires ecclésiastiques, et une Chambre des députés représentant les intérêts politiques et économiques du pays », la jonction s’effectuant en la personne du « Pontife-Roi, entre la force populaire de la Chambre des Représentants et la force religieuse de la Chambre des Cardinaux »140.
27Le Statuto fondamentale del governo temporale degli Stati di S. Chiesa141, sanctionné par le pape en consistoire, comprenait soixante-neuf articles précédés d’un préambule, qui précisait que le souverain pontife entendait suivre l’exemple de confiance en leur peuple dont avaient fait preuve les autres souverains italiens en confiant à deux chambres le gouvernement du pays, restant saufs les droits et les libertés de l’Église et du Saint-Siège. Il rappelait également le souvenir des anciennes communes pontificales et du privilège dont disposaient « les Romains [...] de se gouverner eux-mêmes, avec des lois choisies par eux, sous la sanction souveraine ». Il s’agissait d’en adapter les formes et les règles aux temps nouveaux, bien que le texte reconnaisse que « à l’heure actuelle, assurément, les conditions de la civilisation nouvelle [= moderne] ne permettent pas l’établissement sous les mêmes formes d’un système dans lequel la diversité des lois et des coutumes séparait fréquemment les sociétés » et les situations. Le Statuto se présentait donc aussi comme un retour aux origines, identifiant les libertés municipales et les organes représentatifs locaux comme des précédents historiques du régime parlementaire, de sorte que nul caractère révolutionnaire ne pouvait lui être prêté. Le texte traçait la frontière entre une sphère religieuse et une sphère temporelle, la première, immuable, contenant la discipline ecclésiastique, la seconde susceptible d’évolutions et de réformes, acceptant que l’autorité s’appuie sur le consentement de l’opinion publique.
28L’exigence de fidélité à l’architecture traditionnelle des pouvoirs au sein du gouvernement pontifical explique qu’au Sacré Collège soit réservée, dès le premier article du texte, la dénomination de Sénat de l’Église, inséparable du souverain pontife. Ce point, qui avait fait débat, n’engageait pas seulement une désignation formelle. Certains avaient suggéré d’appliquer le terme de senato, suivant l’exemple des démocraties libérales, à la chambre haute, dite Alto Consiglio. La préséance reconnue au collège des cardinaux, outre sa qualité traditionnelle de pars corporis papae, découlait des prérogatives dont il jouit en temps de vacance du Siège apostolique, c’est-àdire à la période au cours de laquelle toute intervention laïque est rigoureusement inconcevable. L’art. 56 du Statuto imposait ainsi la suspension immédiate, ipso iure, des sessions des deux conseils (Alto consiglio et Consiglio dei deputati) à la mort du pape. Ils seraient toutefois convoqués de droit un mois après l’élection du nouveau pontife. Dans cette configuration, le Sacré Collège nommerait ou confirmerait les ministres et exercerait les droits attachés à la souveraineté pontificale, conformément aux constitutions apostoliques réglant le conclave et au Statuto142. En temps ordinaire et dans le cadre du consistoire secret, le Sacré Collège disposait d’un droit de regard sur les propositions de loi adoptées par les deux Conseils délibérants (art. 52), formant le dernier maillon de l’iter législatif. Le Statuto encadrait le haut Conseil et le Conseil des députés dont les sessions, convoquées et closes par le souverain pontife lui-même, ne dépasseraient pas trois mois par an (art. 14). Le pape nommait à vie et sans limitation de nombre les membres de l’Alto Consiglio (art. 19), choisis au sein de catégories d’individus déterminées avec soin (art. 20), ainsi que son président, s’il s’agissait d’un cardinal, ou ses deux vice-présidents, « pour le cas où il ne lui plairait pas de désigner un Cardinal à la présidence » (art. 21). Dans le même sens, la composition du Conseil des députés suivait des conditions strictes d’électorat et d’éligibilité (art. 23-24). La proposition de loi était faite par les ministres ou par les conseils (sans que le texte fasse la distinction sémantique entre projet et proposition de loi) à la demande d’au moins dix membres de l’un d’entre eux. Les initiatives des ministres en la matière seraient néanmoins examinées en priorité (art. 35). Aucun de ces projets, quelle qu’en soit la source, ne pouvait porter sur des questions ecclésiastiques ou mixtes143, être contraire aux canons de l’Église, tendre à modifier le Statuto (art. 36)144 ni toucher des points concernant les « relations diplomatico-religieuses du Saint-Siège à l’extérieur » (art. 38). Lois et impôts étaient discutés séparément dans les deux conseils (art. 43), en séance publique (art. 17)145, ayant force de loi seulement s’ils étaient librement consentis et munis de la sanction souveraine (art. 34). Ce point revêtait une importance particulière pour le vote de l’impôt, qui devait être renouvelé chaque année (art. 42), moyennant un certain nombre de dépenses obligatoires, parmi lesquelles le budget de fonctionnement des dicastères de la Curie (art. 49) ainsi qu’un fonds exceptionnel destiné à financer les travaux de réparation des Palais apostoliques et de leurs dépendances (art. 51).
29Le Conseil des députés pouvait mettre les ministres en accusation, qui, laïcs, seraient jugés par le Haut Conseil ; l’accusation d’un ministre ecclésiastique serait déférée au Sacré Collège « qui procédera[it] selon les formes canoniques » (art. 46). Le Statuto indiquait qu’une loi particulière déterminerait les cas et les sanctions de la responsabilité ministérielle et fixerait les modalités de la mise en accusation et du jugement (art. 54) ; hors de toute procédure contentieuse, les ministres pouvaient être invités à fournir certains éclaircissements que les conseils estimeraient nécessaires (art. 55). La justice était administrée par des juges inamovibles, étant exclu le recours à des tribunaux ou commissions extraordinaires érigés en juridictions d’exception (art. 3 et 4)146. Une autre particularité du Statuto tenait à la question du caractère confessionnel de l’État. À la différence des constitutions, adoptées dans ces mêmes semaines, du Piémont, de la Toscane et du royaume de Naples, qui contenaient toutes la reconnaissance officielle du catholicisme comme religion d’État, cette déclaration, pourtant expressément suggérée par Mgr Corboli Bussi, était étrangement absente du Statuto romain. Néanmoins l’État pontifical demeurait, plus largement qu’ailleurs147, un État confessionnel, subordonnant par l’art. 25 la concession des droits politiques à la profession de la religion catholique et maintenant en vigueur avec l’art. 69 toutes les dispositions législatives non contraires au Statuto, parmi lesquelles les différentes règles relatives à l’interdiction des cultes non catholiques et de leurs manifestations. C’était un des symptômes de l’ambiguïté d’une constitution qui, pour être créatrice d’instances nouvelles, avait vocation à s’appliquer à un pouvoir nourri de références et de pratiques propres, dont la seule explicitation eût signifié la relativisation.
30Au titre des dispositions transitoires, le Statuto fournissait aux deux conseils les grandes lignes d’un programme de travail, sous forme de propositions de lois devant être débattues « dans cette session [la première] ou dans une prochaine session ». Celles-ci porteraient sur les institutions municipales et provinciales, l’élaboration d’un Code de police, la réforme de la législation civile, criminelle et processuelle, la responsabilité ministérielle et la fonction publique (art. 65). Le texte sanctionnait également la disparition de droit de la Consulta di Stato, vingt jours après l’ouverture de la session des conseils. Elle devait partiellement être supplantée par un Consiglio di Stato chargé, « sous la direction du Gouvernement », de rédiger les projets de loi, les règlements d’administration publique et de rendre des avis dans les domaines relevant du champ de compétences du gouvernement (art. 63).
1.4. Le Consiglio di Stato
31Ainsi annoncé par un titre spécifique du Statuto, le Consiglio di Stato fut réglé, dans sa composition, ses attributions et son fonctionnement, par une « ordonnance ministérielle » portant la signature du président par intérim du Conseil des ministres, le cardinal Anton Francesco Orioli, en date du 10 mai 1848148. Son article premier disposait que le Conseil, dont les compétences demeuraient celles définies par le Statuto trois mois auparavant, était de droit (per regola) présidé par le ministre de la Justice et des Grâces, assisté d’un vice-président choisi parmi les conseillers (dix ordinaires et cinq extraordinaires149) et de vingt-quatre auditeurs dont la nomination était réservée au pape. Le Conseil était susceptible de donner son avis sur les projets de loi et « répondre à toutes les questions qui lui [seraient] soumises par les ministres » (art. 6). Il pouvait encore être chargé de la rédaction des projets de loi et était obligatoirement saisi, pour un avis toujours consultatif, des règlements d’administration publique. L’institution fonctionnait en audiences générales hebdomadaires (art. 13) ou en sections (art. 7), la validité de ses délibérations étant soumise à un quorum de dix conseillers au moins pour les audiences générales et de trois conseillers pour les réunions en formation restreinte. Les auditeurs prenaient part, sans droit de vote, aux audiences générales ; leur nombre, limité à vingt-quatre par le Statuto comme par l’art. 1er de l’ordonnance du 10 mai, fut porté à trente sur ordre du pape qui souhaitait leur adjoindre six ecclésiastiques150. Les attributions respectives des sections recoupaient les champs de compétence des divers ministères, à l’exception de ceux des affaires étrangères et de la défense, dont les ministres pouvaient s’adresser indifféremment à l’une quelconque des sections, ou encore à la formation plénière (art. 9)151. Ce fonctionnement ordinaire par sections se combinait avec une division encore plus fine du travail, par le biais de commissions ad hoc composées de quelques conseillers spécialisés. Outre une commission chargée de l’élaboration du règlement intérieur du Conseil152, fonctionnèrent une commission pour la compilation des codes (civil et criminel) de l’État pontifical, qui se réunit à vingt-quatre reprises, une autre pour la rédaction du projet de loi sur les provinces (cinq séances), une enfin chargée de rassembler en un code de police les dispositions en vigueur dans les États pontificaux (seize séances). Une commission distincte, créée par Grégoire XVI le 20 juillet 1841 et confirmée dans ses attributions par Pie IX le 6 novembre 1846, continua simultanément de travailler à la réforme de la procédure pénale153. Les dossiers abordés lors des soixante-cinq audiences générales, du 30 juin 1848 au 7 février 1849, reflètent les préoccupations de l’autorité pontificale en matière législative à cette période154 et révèlent que les questions traitées par les commissions spécialisées étaient ordinairement, après ce travail de dégrossissage, examinées en formation plénière (par exemple en matière de législation locale155). Il reste toutefois difficile de déterminer dans quelle mesure les avis du Conseil furent suivis156. Son caractère purement consultatif – il n’était nullement une juridiction administrative – le fit considérer, à l’instar de la Consulta, comme un simple « satellite du gouvernement »157, soumis aux instructions venues de l’autorité centrale158.
32La promulgation du Statuto et les modifications qu’il apportait à l’assise générale de l’État eurent une grande portée et suscitèrent de nombreux commentaires. La densité du texte rend compte de la complexité de l’objectif à atteindre, rien moins que la conciliation entre « l’indépendance du pontife en tant que chef de l’Église et l’abandon du pouvoir législatif et exécutif à d’autres organismes »159. Certes, les dispositions techniques, touchant aux conditions de cens ou à la procédure législative, s’inspiraient largement des modèles adoptés au même moment par les autres États italiens, retouchés seulement dans un sens élitiste. Y abondaient les précautions et les contrepoids d’usage, doublés de ceux propres au gouvernement ecclésiastique. Comme le souligne D. Silvagni, le gouvernement des États de l’Église, placé entre les mains d’un même chef, ne pouvait plus subsister « dans les temps modernes » qu’à une seule condition : que le souverain gouverne l’État au moyen les lois civiles et par l’intermédiaire des laïcs et qu’il régisse l’Église avec le droit canonique (« i sacri canoni ») par l’intermédiaire des ecclésiastiques. En d’autres termes, « l’union des deux couronnes était concevable si les deux pouvoirs étaient séparés »160.
33Là se trouvait précisément la source de toutes les difficultés, dans la mesure où le débat touchait la nature de l’État161. La séparation des deux pouvoirs demeurait floue, probablement par crainte de ne pouvoir opérer un retour en arrière ; plus profondément, le Statuto, dépourvu peut-être à dessein d’approche théorique, n’avait pu surmonter l’irréductibilité des deux logiques ni leur méconnaissance réciproque. Parmi les contemporains, Leopoldo Galeotti jugeait que la papauté ne pouvait perdre le pouvoir législatif ni le collège des cardinaux se transformer en un sénat qui s’opposerait continuellement à la chambre basse. Cette architecture rendrait le pape dépendant de l’État, ne pouvant par exemple procéder à la reconnaissance officielle d’un gouvernement étranger sans attendre un vote des chambres en ce sens162. Une analyse plus directement politique estimait que « les cardinaux et les prélats n’apprécient certes pas la fureur de l’anarchie, mais ils haïssent davantage encore l’ordre nouveau [= le Statuto], créé en réalité sans eux ; ils haïssent la solennité donnée à cet ordre, la possibilité de procéder régulièrement et légalement aux changements. Ainsi commençait le gouvernement constitutionnel papal, faible, mal perçu, [destiné] à ne pas durer »163. Pellegrino Rossi, ayant relevé « cet entrelacs informe de pouvoirs, de juridictions et de précautions défiantes, s’anéantissant les uns les autres »164, aurait qualifié le Statuto de « guerre légalisée entre les sujets et leur souverain »165. Le publiciste ne cachait pas sa préférence pour une législation ponctuelle, apte à réaliser graduellement une réforme sociale en répondant précisément aux besoins. La démarche escamotait la dangereuse étape de la réforme politique : l’intervention législative, loin de signifier le simple enregistrement d’un bouleversement politique, devait être l’expression d’une médiation souveraine166. Le risque de déflagration politique était vigoureusement dénoncé par Metternich : « Les gardes civiques cachent l’armement du peuple ; la municipalité de Rome est une innovation qui rendra la capitale maîtresse du gouvernement de l’État et qui prépare celui-ci à des embarras immenses ; la consulte renferme le germe d’un système représentatif qui ne s’adapte ni à l’autorité souveraine du chef de la catholicité, ni aux constitutions de l’Église ; la nouvelle organisation des ministères n’est qu’un jeu », et le diplomate prévoyait : « Si les choses suivent leur cours naturel, [Pie IX] se fera chasser de Rome »167.
34Peu crurent, comme Rosmini, que par le Statuto le Saint-Siège avait fait « œuvre romaine, originale, digne du Pontife Roi, susceptible de servir d’exemple au monde entier »168 et encore moins qu’il introduisait dans l’État pontifical un « régime représentatif complet »169. Sur ce point encore, en raison de la logique d’affrontement décrite plus haut, on peut douter que le texte de 1848 eût pu être autre chose qu’une « demi-mesure »170, a fortiori « le point de départ du revirement définitif du pontife »171 débouchant sur la remise en question du pouvoir temporel. Cette contradiction fait droit à la remarque d’A. Monti pour qui, quoiqu’il fisse, Pie IX « apparaissait aux Italiens comme un des principaux facteurs historiques de la révolution, sans comprendre à quel point influait le présupposé religieux qui formait la base de chacune de ses actions »172. Le sentiment d’inachevé laissé dans l’esprit des contemporains par les créations institutionnelles des premières années du pontificat conduisait à en souligner le caractère artificiel, à l’image d’un greffon qui, incompatible avec la nature et les logiques profondes du pouvoir pontifical, devait tôt ou tard être rejeté173. La disparition violente de Pellegrino Rossi – constitutionnaliste et ministre du pape –, assassiné sur les marches du palais de la Chancellerie le 15 novembre 1848, symbolise à elle seule l’échec de cette tentative de conciliation entre éléments hétéroclites174. Leur contradiction était apparue en pleine lumière dès le 29 avril, lors de l’allocution Non semel prononcée par Pie IX sur l’éventualité d’un conflit armé avec l’Autriche. Comme l’écrit A. Ghisalberti, « dans le pape qui priait Dieu de conserver la foi à l’Italie, on voulut voir un Jules II bénissant la guerre »175 ; l’intervention d’avril 1848 contrasta avec la bénédiction donnée par le pape le 10 février précédent à « l’Italie », dans laquelle Metternich avait reconnu une simple expression géographique. Le discours et les interprétations qui en furent faites mirent au jour la contradiction inhérente au gouvernement pontifical, survenant entre les prérogatives spirituelles du pape comme chef de la catholicité et père de tous les fidèles, et les impératifs découlant de sa souveraineté temporelle. L’opposition révélée trouvait sa traduction dans les rapports du souverain pontife et de son récent gouvernement constitutionnel, porté à considérer que le refus d’une guerre « juste et utile » pour des motifs spirituels était constitutif d’une violation d’un droit fondamental du peuple romain176. Pie IX avait manifesté cette incompréhension dès avant le 29 avril, confiant au ministre des Pays-Bas, de Liedekerke : « Mon autorité s’affaiblit chaque jour, le pouvoir que j’exerce, en ce qui concerne le temporel, n’est pour ainsi dire plus que nominal. Ne veulent-ils pas, ces hommes dont le patriotisme exalté ne connaît plus aucun frein, me faire déclarer la guerre, moi chef d’une religion qui ne veut que la paix et la concorde ? »177. Si l’idéal néo-guelfe d’une fédération italienne présidée par le pape ne disparut pas immédiatement, certains commencèrent à s’interroger ouvertement sur le bien-fondé d’une souveraineté temporelle qui se révélait nuisible à la patrie. Le ministère Mamiani, auquel prit part l’éphémère secrétaire d’État Luigi Ciacchi178, tenta bien, à partir du 4 mai, de faire fonctionner la constitution. Formé le 16 septembre après le ministère Soglia et l’interrègne du comte Fabbri, celui de Pellegrino Rossi, qui détenait personnellement les portefeuilles de l’Intérieur, de la Police et par intérim des Finances, fut, au jugement de F. Mourret, « le dernier effort [de Pie IX] pour l’établissement d’un régime régulier, libéral et durable »179, fondé sur une confiance – quelque peu désespérée – dans un homme. Mais pouvait-on concevoir « un modèle plus parfait d’irresponsabilité constitutionnelle que celui d’un Souverain qui a les pieds sur terre et la tête au ciel, qui, placé dans un espace intermédiaire entre le monde de l’au-delà et celui d’ici-bas, là-haut prie, bénit et pardonne, et ici laisse aux Ministres, humainement faillibles et pécheurs, la charge des affaires terrestres » ?180. Comme l’écrit Roger Aubert, « la question romaine, telle qu’elle allait se poser pendant les vingt années suivantes, était virtuellement ouverte »181. L’affrontement des deux logiques s’était muée en une logique d’affrontement.
2 – VIE POLITIQUE ET RÉORGANISATION TERRITORIALE
35Les deux impératifs de paix et de concorde, soulignés par Pie IX dans son allocution du 29 avril 1848, figuraient au nombre des principes régulièrement rappelés par la Curie pour l’administration d’un État pontifical qui avait « toujours été gouverné à l’amiable »182. Dans son Histoire du concile du Vatican, Eugenio Cecconi avançait que « la papauté temporelle [...] fait volontiers toutes les concessions, se prête à toutes les améliorations que demande l’état actuel des choses »183. Sans pouvoir être réduite à cette signification, la notion et le modèle de « buon governo », diffusés dans l’État pontifical à partir de l’époque moderne184 nourrissaient un système fondé sur la médiation du privilège185. Les alentours de Rome offraient la vision d’un « petit morceau (pezzettino) de Moyen Âge, accueillant et pacifique, discrètement préservé » qui donnait à la province « un air semblable à celui qu’on ressent à la vue d’un château féodal »186. Ce tableau passablement idyllique, représenté dans les nombreuses gravures du temps, masque mal les reproches d’archaïsme et d’incohérence, d’où découlaient inefficacité et arbitraire, adressés aux structures de l’État pontifical. Le réquisitoire prononcé par l’anticlérical français Edmond About contre le gouvernement des États de l’Église reprend la quasi-totalité des critiques du temps :
Ils disent [les sujets de l’État pontifical] que l’autorité à laquelle ils sont soumis, sans l’avoir demandée ni acceptée, est la plus absolue qui ait jamais été définie par Aristote ; que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont réunis, brouillés et confondus dans une même main, contrairement à l’usage des États civilisés et à la théorie de Montesquieu ; qu’en matière civile [l’infaillibilité du pape] leur paraît plus difficile à supporter ; qu’ils ne refusent pas d’obéir [...] mais qu’ils seraient bien aises d’obéir à des lois ; que le bon plaisir, si bon qu’il puisse être, ne vaut pas le Code Napoléon ; [...] qu’en vertu d’un ancien usage que rien n’a pu déraciner, le pape s’adjoint, dans le gouvernement temporel de ses États, les chefs, sous-chefs et employés spirituels de son Église ; que les cardinaux, les évêques, les prêtres, fourragent pêle-mêle à travers champs ; qu’une seule et même caste est en possession d’administrer les sacrements et les provinces, d’ordonner les sous-diacres et les arrestations, d’expédier les agonisants et les brevets de capitaine. Que cette confusion du spirituel et du temporel implante dans tous les hauts emplois une multitude d’hommes excellents sans doute aux yeux de Dieu, mais insupportables à la vue du peuple ; étrangers souvent au pays, quelquefois aux affaires, toujours à la vie de famille, qui est la base des sociétés ; sans connaissances spéciales, si ce n’est dans les choses du ciel ; sans enfants, ce qui les rend indifférents à l’avenir de la nation ; enfin, sans aucune aptitude à entendre raison, parce qu’ils croient participer de l’infaillibilité pontificale187.
36Une telle confusion des pouvoirs, découlant d’un douteux mélange des genres, paraissait aggravée, sur le plan juridique et administratif, par la trop grande diversité de règles souvent anciennes et devenues inapplicables, voire incompatibles entre elles. Le manque d’uniformité juridique, regretté dès 1816 par Pie VII dans un passage souvent cité du motu proprio sur l’administration publique188, prend implicitement acte d’une évolution des conceptions provoquée par l’occupation française et de la pénétration d’un principe que « jamais les pontifes de l’Ancien Régime n’auraient pu admettre »189, celui d’une même règle applicable dans l’ensemble de l’État. En 1828, une publication officielle reconnaissait « l’embarras dans lequel se trouve fréquemment celui qui prend part à l’administration de nos affaires publiques »190, né de la difficulté de s’orienter dans l’enchevêtrement des pouvoirs locaux et de leurs juridictions respectives. La combinaison entre une hiérarchie locale dirigée par des clercs (cardinaux placés à la tête des Légations, prélats remplissant les fonctions de délégats), assistés de conseils consultatifs laïcs, et la conception, graduellement imposée et diffusée, d’une administration à la française avait produit un type de gouvernement ecclésiastique différent de celui qui présidait traditionnellement aux destinées des États pontificaux. Ce fut là un des effets de la disparition – très progressive en raison des résistances rencontrées – des usages et privilèges locaux, de nature essentiellement fiscale et judiciaire, au profit du gouvernement central191.
2.1. Légations et délégations : l’organisation périphérique de l’État pontifical
37L’organisation de la représentation pontificale dans les provinces répondait, conformément aux règles de principe fixées par le motu proprio de 1816, aux exigences d’une administration provinciale entièrement dominée par les ecclésiastiques (ainsi l’art. 17 pour les délégats)192 et étroitement contrôlée par le pouvoir central. Les délégations étaient les entités territoriales fondamentales ; divisées en trois classes, elles prenaient en principe le nom de légation lorsqu’elles étaient destinées à être administrées par un cardinal. Le légat ou le délégat, représentant du pouvoir souverain dans les provinces en matière politique, administrative et criminelle, apparaît, écrit le délégat de Bénévent D. Valentini en 1851, « comme une émanation directe de la suprême secrétairerie d’État »193. Il était assisté par une congrégation administrative (« congregazione governativa ») qui, tout en faisant une part à la représentation des intérêts locaux, demeurait purement consultative. La seule exception concernait le district de Rome, dans lequel les ‘governi’, aux termes de l’art. 22 du motu proprio de 1816, correspondaient directement avec la secrétairerie d’État.
38Un motu proprio promulgué par Léon XII le 5 octobre 1824 avait réduit le nombre des délégations de dix-sept à treize, en créant quatre « délégations réunies » (Macerata et Camerino, Fermo et Ascoli, Spolète et Rieti, Viterbe et Civitavecchia), de dimensions plus homogènes ; le délégat résidait dans l’une des deux villes et un lieutenant, doté de pouvoirs équivalents à ceux des gouverneurs de district, dans l’autre. Un autre motu proprio, en date du 25 septembre 1827, institua une Presidenza autonome pour la Comarca di Roma (la Comarque, c’est-à-dire le district de Rome194), mais dépourvue de juridiction sur la ville elle-même ; pour la première fois, les environs de la capitale connurent une véritable organisation provinciale, la Comarque étant érigée en délégation de première classe (avec les Quatre Légations de Bologne, Ferrare, Ravenne et Forlì et la province d’Urbino et Pesaro) dans laquelle la congregazione governativa et le conseil provincial étaient unis en un « conseil administratif » de quatre membres. Chaque délégation était divisée en districts, chaque district en governi et chaque governo en podestats195. L’autorité du podestat était singulièrement fragile, son titulaire pouvant être librement révoqué non seulement par le délégat, mais aussi par le tribunal (ou congrégation) de la Consulta ou la congrégation du Buon Governo. Sur ces bases, l’édit grégorien du 5 juillet 1831 adopta une nouvelle répartition territoriale avec la Comarque, six légations et treize délégations. Les provinces septentrionales, incluant Urbino et Pesaro (de même que, à partir de 1832, celle de l’ancien statut particulier – dit « governo privativo » – de Velletri, qui devint chef-lieu de la province de Marittima), prirent le titre de Legazioni cardinalizie. Le gouvernement provincial s’élargit à de petites congrégations permanentes, auxquelles furent toutefois soustraites les compétences juridictionnelles, confiées à des cours appropriées délibérant collégialement. Une nouveauté importante résidait dans l’institution d’un conseil provincial, composé de représentants des conseils municipaux (consigli comunali), se réunissant une fois par an pour étudier le budget de la province et décider de la répartition des impositions entre les communes. Cependant, le légat ou le délégat, par le jeu de ses attributions propres et à travers ces organes, put accroître son pouvoir à l’égard des conseils communaux196, déterminés proportionnellement au nombre d’habitants, et des magistrats locaux (maires ou prieurs) qu’il choisissait en réalité. Ce système regorgeait de tempéraments et de compromis, mais constituait un nouveau pas vers l’unité administrative, sur la ligne déjà indiquée par Pie VII, en dépit de disparités subsistantes. La rationalité théorique de la répartition cadrait mal avec une dissymétrie constatée dans la pratique quotidienne : par exemple, les gouverneurs de première et de seconde classe, comme les podestats, dépendaient directement du délégat, mais sans que s’instaure entre eux et leurs ressorts territoriaux une véritable hiérarchie. Les regroupements, fréquemment révisés par la Curie, de podestats en governi et de governi en districts eurent seulement une signification formelle, affectant peu la structure administrative réelle197. Un changement sur ce plan aurait nécessité une réforme globale de l’organisation de l’État, la réévaluation des forces sociales aptes à fournir des cadres dirigeants locaux ainsi que la suppression de la domination ecclésiastique, soient les bases mêmes de l’État pontifical198. Faute d’une volonté politique en ce sens199, le gouvernement pontifical put seulement remodeler – stérilement – une architecture territoriale de l’administration publique affectée d’une fragmentation excessive et arbitraire200, source de confusions et d’inefficacité201.
39Cette fragmentation contraignait l’autorité centrale à un traitement lui-même compartimenté des affaires. L’examen des registres du protocole de la secrétairerie d’État permet de mesurer le rôle d’autorité supérieure et de courroie de transmission de cet office entre les diverses hiérarchies intéressées au gouvernement de l’État pontifical : politique et administrative (légats et délégats), ecclésiastique (archevêques et évêques), militaire, policière ou encore judiciaire202. La correspondance des légats et délégats avec la secrétairerie revêtait la forme de bulletins ou rapports qui, avec une périodicité régulière, informaient l’autorité centrale en matière judiciaire (transmission d’actes et d’instances des tribunaux locaux203), économique (envoi de listes de prix, difficultés de ravitaillement, demandes d’aides204), administratif (propositions d’amélioration, gestion du personnel local)205 et surtout politique (renseignements sur l’état de l’opinion ou spirito pubblico, agitateurs et « sectes », écrits et journaux, manifestations publiques, organisation des solennités liturgiques). Les rapports ordinaires, consistant le plus souvent en un état des effectifs et une brève appréciation d’ensemble de la situation du corps, obéissaient à un rythme bimensuel pour la police206, mensuel pour la gendarmerie et les autres corps de troupe207 ; en période de tension sociale ou politique, ils atteignaient une fréquence quotidienne, l’autorité militaire donnant communication à la secrétairerie d’État des mouvements de troupes208 et des éventuels problèmes de casernement. De son côté, la secrétairerie d’État envoyait des ordres circulaires ou des informations particulières, répondant dans la journée si l’affaire exigeait un traitement rapide. Les registres thématiques (rubricelle) de la secrétairerie fournissent des indications précises sur la nature et le volume des informations échangées entre l’autorité centrale et les correspondants locaux. Pour l’année 1846, sur un total de 1.941 actes concernant l’administration locale, les légats en traitèrent à eux seuls 1.487 (370 pour le seul légat de Bologne), soit plus des trois-quarts (76,6 %), attestant du large respect du principe hiérarchique et illustrant la forte centralisation de l’État pontifical209. Si les exemples sont peu nombreux de représentants locaux s’adressant de leur propre initiative au pouvoir central pour le règlement d’un dossier précis210, l’intervention de la secrétairerie revêtait à l’occasion la forme d’une médiation, en cas de conflit entre deux ou plusieurs de ces hiérarchies, ainsi entre le délégat et l’évêque211. Le recours à des structures plus agiles et fonctionnelles que les subdivisions officielles – géographiques ou de compétence – était également possible. À titre exceptionnel, les légats se réunirent pour débattre de questions intéressant une région entière ; en novembre 1845 par exemple, un congrès rassembla les quatre légats de Romagne en vue de déterminer les mesures à adopter face aux récents soulèvements populaires. Dans l’ensemble de ces configurations, le souci de faire remonter l’information sur l’esprit public au niveau central apparaît comme une constante de l’administration pontificale. Lors de l’organisation du voyage de Pie IX dans ses États, du 4 mai au 5 septembre 1857, minutieusement réglé par le cardinal Antonelli212, une missive du ministre de l’Intérieur aux délégats ordonna de lui faire parvenir un rapport détaillé sur l’état des esprits dans chacune des provinces retenues pour l’itinéraire213. Les exigences du pouvoir central sont identifiables grâce aux différentes rubriques (articoli) devant être remplies par les autorités locales214, et leur précision même indique l’importance, aux yeux du gouvernement, de ce canal d’information entretenu avec les autorités préposées au maintien de l’ordre public sur le territoire. Le voyage de Pie IX fournit l’occasion de recueillir une documentation abondante et à jour sur la situation des régions traversées215, même si les délégats avaient interdit aux municipalités de faire état, en présence du souverain, de leurs griefs et de leurs doléances en matière d’administration publique216.
40La figure des cardinaux-légats retint l’attention de nombreux observateurs contemporains. En 1847, L. Galeotti s’indignait de ce que les cardinaux en poste puissent suspendre, changer, modifier ou annuler une loi ; l’étendue de ce pouvoir discrétionnaire les rendait à ses yeux incomparables à toute autre institution historique, « préfets français, gouverneurs autrichiens, intendants piémontais », aux « vice-rois envoyés de la lointaine Espagne pour gouverner l’Italie » ou même aux proconsuls de l’Antiquité217. Ces analogies, répandues dans la littérature du temps, indiquent néanmoins la permanence, en Italie, de références aux modèles impériaux (antique, moderne ou contemporain) d’administration locale. Ces observations rejoignent la question plus générale de la valeur internationale négligeable reconnue à l’aristocratie du Saint-Siège, davantage considérée comme une curiosité locale : aux yeux du diplomate français d’Ideville, « tout leur prestige s’arrête aux portes de Rome, une fois franchies les frontières de l’État pontifical ; que devient le prince romain sans ses cocchi, son palais et ses petits courtisans ? »218. Sans doute, peu de contre-pouvoirs étaient en mesure de s’opposer au cardinal dans sa province, le cas le plus caractéristique étant celui de l’administration parfois dite « privée » du doyen du Sacré Collège à Ostie et, depuis 1832, à Velletri, dont il était à la fois le plus haut représentant politique et l’évêque. Pellegrino Rossi avait souligné qu’« un cardinale è un principe in Roma, un pascià [= pacha] in provincia »219. Toutefois, n’ayant pas toujours le loisir ni le désir de s’impliquer dans la gestion locale, le cardinal légat déléguait fréquemment ses attributions administratives à des fonctionnaires subalternes choisis par lui. Le cas des délégats obéit au même principe, tout en s’appliquant à une population et à un territoire plus limités. Les dénombrements effectués par C. Weber ont mis en lumière les formations et les itinéraires professionnels des délégats (ou vice-légats, c’est-à-dire administrant une légation sans être cardinaux220) avant leur accession à cette charge. L’écrasante majorité des individus est issue des divers corps de la prélature romaine, exerçant des fonctions administratives ou judiciaires au sein du tribunal de la Signature (ainsi les prélats référendaires Acton, Amat, Brignole, Vannicelli Casoni), assesseurs auprès de l’un des tribunaux romains (ce fut le cas des prélats Antonelli, A. Cagiano di Azevedo, G. Bofondi, D. Consolini, Milesi-Pironi, Pellegrini, Roberti), prélats rapporteurs auprès de la congrégation de la Consulta (Carafa, Di Pietro) ou du Buon Governo (Ciacchi, Grassellini, Pecci, T. Riario-Sforza, Spinola). Ces différentes charges leur donnaient une première expérience, quoiqu’encore théorique et ordonnée au point de vue de l’autorité centrale, de la gestion locale. Plus rarement, certains prélats envoyés dans les provinces avaient exercé des fonctions auprès de congrégations à mission universelle (prélats adjoints de la congrégation du Concile pour l’essentiel, tels D’Andrea ou Gonella) ou provenaient de la carrière diplomatique (Fabio Asquini était attaché à la nonciature de Naples, P. Gizzi internonce). La durée moyenne de maintien en poste (un peu plus de six ans), calculée sur la totalité de la population considérée, méconnaît certaines fortes disparités individuelles (de un à dix-huit ans) mais fournit une indication globale sur le rythme des parcours prélatices au sein des administrations locales.
2.2. La réforme municipale
41Au long des derniers siècles de l’État pontifical, la ville de Rome fit à la fois figure d’exception et de modèle pour l’administration locale. Avant le xixe siècle, le dernier acte concernant l’organisation de la magistrature municipale remontait au statut de 1580 octroyé par Grégoire XIII, qui fixait les règles de surveillance des marchés, de construction et d’entretien des édifices publics, le fonctionnement du tribunal d’appel des sentences des consuls ainsi que la nomination des fonctionnaires subalternes. Organe représentatif unique, la Chambre capitoline comprenait deux conseils, l’un privé (segreto) et l’autre public, formés de trois « conservateurs » appartenant à des familles d’ancienne noblesse, entourés de responsables de quartier (caporioni), qui désignaient eux-mêmes trente-neuf « chanceliers », et de quarante conseillers adjoints. Ces conseils avaient cessé de tenir des réunions régulières depuis le xviie siècle. L’administration effective de la ville était assurée directement par les services centraux du gouverneur de Rome (governorato) : la préfecture de l’Annone, dont le rôle consistait aussi à fournir ponctuellement du travail à une importante population inactive et difficilement contrôlable221, celle des Eaux et des Routes, et la Chambre apostolique, assistée par une commission dite des subsides (sussidî), chargée des secours aux pauvres et des œuvres de bienfaisance. De son côté, la bureaucratie communale, dépourvue de secrétariat général222, connaissait de graves dysfonctionnements, en dépit d’une tentative de rationalisation et de quelques réformes partielles opérées en 1831-1832223, dont il faut surtout retenir, par l’édit précité du 5 juillet 1831, la création de la Présidence de Rome et de la Comarque, qui étendit à la capitale la compétence de cette structure jusque-là limitée aux environs de Rome224. Le fossé s’élargissait entre une administration largement immobile et les exigences, en compétences et en moyens, posées par la croissance urbaine ; ce mouvement profond était créateur de tensions entre les instances municipales de Rome, demeurées « surtout décoratives »225 (un sénateur, aux fonctions essentiellement juridictionnelles, et une Chambre capitoline de quatre membres issus de la noblesse226) et la Curie, qui prenaient la forme réductrice de conflits protocolaires soulevés par une aristocratie romaine se jugeant trop peu et trop mal considérée par le gouvernement des prêtres. L’enchevêtrement des règlements et des usages réglant le quotidien des habitants et la fragmentation des compétences entre les offices favorisaient largement la fraude, la corruption et l’irresponsabilité227.
42Le motu proprio du 2 octobre 1847228 sur le ‘Municipio di Roma’, comprenant 76 articles et issu des travaux d’une commission ad hoc instituée en février précédent sous la présidence du cardinal Ludovico Altieri229, attribuait de nombreuses compétences locales, jusque-là exercées par les organes centraux du gouvernement pontifical, à la commune. Entraient dans ce cadre l’assistance et l’instruction publique – ce dernier domaine, traditionnellement sensible, à titre de gage de confiance donné par la papauté à l’administration municipale230 –, l’annone et le commerce local, la police et l’organisation sanitaire, le contrôle de la construction, la manutention des aqueducs et des routes, l’illumination des rues, les services funéraires et les spectacles publics231. Après avoir rappelé en préambule le soin spécial que les papes devaient avoir pour cette città capitale, le texte étendait en substance à Rome les dispositions de l’édit de 1831 prises pour le reste de l’État pontifical, créant un conseil de cent membres pour les deux-tiers environ [64] propriétaires, pour un tiers [32] « professionisti » et autres bourgeois, complété par quatre représentants ecclésiastiques. Ces derniers étaient nommés pour moitié par le cardinal vicaire et pour moitié par le président de Rome et de la Comarque, qui continuait à jouer le rôle d’autorité de tutelle sur les institutions municipales232. Le conseil était renouvelable par tiers tous les deux ans. Un Sénat (Senato Romano) formait la magistrature municipale avec à sa tête un sénateur choisi par le pape sur une liste de trois noms (terna) de nomination souveraine – le premier fut le prince Tommaso Corsini – et huit « conservateurs » (conservatori) désignés au sein du Conseil. Les anciens offices de la Chambre capitoline étaient supprimés. Le principe retenu par le motu proprio de 1847 et exprimé dans plusieurs de ses articles était celui de l’approbation pontificale normale des délibérations du conseil, sauf cas de vice de forme, d’excès de pouvoir ou d’illégalité. Ceci représentait un pas décisif vers l’autonomie, contrastant avec l’ancien système dans lequel la décision municipale était susceptible, à tout moment, d’annulation par le pape. On passait donc d’un contrôle de légalité et d’opportunité à un simple contrôle de légalité. Progressivement, l’administration du Campidoglio devenait une autorité « visible » et complémentaire de l’autorité centrale, battant en brèche sa configuration traditionnelle de simple émanation de la Curie qui interdisait aux organismes périphériques, surtout composés de laïcs, toute participation aux processus de décision. Le statut de Rome donna cependant lieu à quelques critiques. Pourtant favorable au gouvernement pontifical, Orioli se prononça pour un statut plus libéral qui fasse de la municipalité romaine le pilier d’un dialogue « entre l’aula et la piazza »233 ; la presse clandestine avança des arguments similaires, soulignant le parallélisme entre les attributions du Président de Rome et de la Comarque et celles des cardinaux légats en poste dans les provinces de l’État, qui aboutissaient à dénier toute autorité réelle au Sénat romain. La première réunion du Conseil, entourée des solennités d’usage, eut lieu le 24 novembre 1847. Une commission spéciale de huit conseillers, créée le 4 décembre suivant, fut préposée à l’élaboration d’un plan de répartition des compétences qui, approuvé le 20 décembre, distribuait les tâches en quatre divisions distinctes, dotées de deux sections chacune234. Un secrétaire général de la commune, personnage-clé détenteur de prérogatives « importantes, nombreuses et enviées (gelose) »235 notamment en matière de rédaction des principaux actes de la municipalité236, de maîtrise de l’ordre du jour, de contentieux administratif et de contrôle financier, fut nommé sur dossier et après audition des différents candidats en la personne de l’avocat Giuseppe Rossi, attaché à la Direction des douanes depuis 1833 et qui avait eu dans sa jeunesse l’occasion d’étudier certains statuts municipaux de villes européennes.
43L’activité du Conseil fut limitée par l’absence, dans le texte du motu proprio, d’instruments et de moyens d’action précis et par l’impossibilité de réaliser l’autonomie financière de la commune par le biais du recouvrement des impôts. Les difficultés surgirent dès la phase de passation des pouvoirs et de transfert des archives, pour ce qui regardait les compétences municipales, entre les directions du Conseil et les administrations centrales, préfectures ou ministères, chargés jusque-là des domaines correspondants. Parmi d’autres cas semblables, révélateurs de frictions aboutissant à une rétention d’information, le responsable de la 3e division, Francesco Sturbinetti, réclama en vain et à plusieurs reprises du vice-président de la préfecture des Eaux et des Routes, Mgr Francesco Pentini, la remise des documents relevant des nouvelles compétences municipales237. Cette résistance des organismes centraux ne fut guère découragée par la Curie, plutôt solidaire de ses interlocuteurs traditionnels, préférés aux organismes, toujours suspects d’orientations et d’intentions subversives, issus des réformes de Pie IX. Les principales autorités des préfectures ou même de la Chambre apostolique purent utiliser leurs réseaux d’influence personnels pour gêner et contrecarrer les initiatives des conseillers ou des conservateurs municipaux238. L’aspect fiscal eut également son importance. Les autorités municipales, sous l’impulsion du sénateur Odescalchi, furent contraintes en octobre 1849 de faire appel aux cardinaux membres de la Commission gouvernementale pour trouver une solution aux montants « quotidiens et exorbitants » dépensés par la commune au regard de la quasi-suppression des revenus de la ville. En effet, le motu proprio n’affectait explicitement le produit d’aucune recette fiscale à la commune, et fixait en revanche des postes importants de dépenses, au premier rang desquels les « travaux publics de bienfaisance » destinés à combattre le désœuvrement de la population. La Commission renvoya l’affaire au ministère des Finances, qui ne réagit pas (signe éloquent du climat d’hostilité entretenu à l’égard des nouvelles structures) ; une commission mixte, composée de trois représentants de la municipalité et de trois du gouvernatorat, fut établie et chargée de trouver une solution, à laquelle elle ne parvint pas.
44Reflet déformé des institutions romaines, les communes de l’État pontifical étaient gouvernées par un « consiglio pubblico » dirigé par un maire qui, selon la taille de la collectivité, portait le titre de gonfaloniere, podestà ou sindaco. Assisté d’un secrétaire général et d’un camerlingue (ou trésorier), le magistrat était annuellement tenu de présenter son budget prévisionnel (tabella preventiva) qu’il transmettait à la congrégation du Buon Governo. Les conseillers étaient choisis par le délégat en accord avec sa congrégation exécutive, et leur nomination ratifiée par la secrétairerie d’État239. L’édit de 1831 avait toutefois précisé qu’après cette première vague de nominations, « au fur et à mesure que se produir[aient] des vacances de sièges, l’élection des nouveaux conseillers se fer[ait] par les conseils eux-mêmes à la plurarité des voix », les conseillers sortants pouvant donc être réélus. Ceci revenait à concentrer les charges entre les mains de quelques familles, qui cooptaient le nombre nécessaire de conseillers pour compléter le nombre prévu par la loi. On retrouvait là le poids de la tradition italienne du « municipalisme », décrite par G. Monsagrati comme « un stimulant très efficace au développement civil dans les siècles du premier réveil, à partir du Moyen Âge, dégradé ensuite en instrument de conflits internes que l’Italien de la génération née après 1789, élevée le plus souvent à l’école du jacobinisme, considérait comme l’un des responsables majeurs de l’indépendance »240. Certains avaient souhaité l’institution d’une congrégation centrale, sénat consultatif nommé par le souverain, constituée de laïcs et présidée par le cardinal secrétaire d’État, qui aurait examiné les doléances des conseils généraux de chaque province, préparé les projets de loi sur proposition du gouvernement et le bilan de l’État et joué le rôle de tribunal administratif suprême241.
45Les premières années du pontificat de Pie IX furent l’occasion de contestations portant sur l’organisation et l’assise des communes, critiquant l’arbitraire et le manque de rationalité du système existant. Le gouverneur résidant dans le chef-lieu du district était fréquemment accusé d’incompétence et destiné à rester en place pour peu de temps. Si l’intérêt d’une commune entrait en conflit avec celui des particuliers, ceux-ci trouvaient systématiquement appui auprès du gouverneur, dont le favoritisme, voire le clientélisme, pouvait alors s’exercer ; certains avaient ordonné aux communes l’engagement de dépenses extraordinaires sans tenir compte de leur situation financière. Une partie des requêtes portait sur la suppression de l’échelon du gouvernatorat et préconisait l’instauration d’une dépendance directe des communes vis-à-vis des légats et des délégats. En outre, les modifications apportées en 1847 à la situation de la capitale pouvait laisser espérer des évolutions semblables dans les localités provinciales242.
2.3. La presse et le contrôle politique
46L’édit du 15 mars 1847 portant la signature du cardinal secrétaire d’État Pasquale Gizzi adoucit la censure sur la presse périodique non religieuse. Son préambule constatait que « la presse, parmi les inventions modernes, qui doit tant amplifier la puissance de la parole, et multiplier les bienfaits et les maux, les vérités et les erreurs » devait être encouragée pour son utilité et encadrée pour les dangers qu’elle recèle243 ; la multiplication du nombre des auteurs et les progrès accomplis par la technique typographique avaient nécessité des changements graduels de la législation, dont le dernier état, constitué par l’édit du cardinal Placido Zurla, vicaire de Léon XII, promulgué le 18 août 1825, sanctionnait implicitement tout propos à caractère politique (ou seulement critique) portant sur la personne du souverain, sur la Curie et ses corps constitués, ainsi que sur l’activité administrative des organes étatiques. Avant son accession au trône pontifical, Pie IX avait considéré une liberté modérée de la presse comme un mal mineur244 ; sans se risquer à une appréciation de ce type, l’édit de la secrétairerie d’État mettait en relief l’impossibilité technique de tout contrôler et donc de satisfaire l’intégralité des demandes d’autorisation de publication.
47C’est par ce biais que l’édit de 1847 devait donner naissance à une presse libre, encore chaotique et confuse mais constituant une « première et difficile expérimentation de la discussion publique et de l’information ouverte »245. La concession d’une « honnête liberté d’imprimer »246 permit le passage du stade des pétitions, des cercles et des feuilles clandestines – pour lesquels l’ancienne procédure à sept degrés de contrôle prévue par la législation précédente était devenue inopérante247 – à la circulation de véritables journaux politiques. Ceux-ci, aux termes de l’édit, pouvaient désormais traiter « de tout sujet scientifique, littéraire et artistique ; l’histoire contemporaine et les questions relevant de l’administration publique, avec les précautions mentionnées ci-après ». Les dites précautions consistaient en une interdiction absolue de tenir un propos préjudiciable « à la Religion, à l’Église, à ses dignités, à ses Ministres, mais aussi portant atteinte à l’honneur des Magistrats, de l’Armée, des familles et des citoyens, des Gouvernements et des puissances étrangères, des familles régnantes et de leurs représentants officiels ». La tolérance d’expression en matière d’« histoire contemporaine », principe nouveau et amplement souligné par la presse favorable au gouvernement248, était encadrée par la prohibition de « tout discours tendant directement ou indirectement à déprécier aux yeux de la population (rendere odiosi ai sudditi) les actes, les formes et les institutions du gouvernement pontifical, soit en alimentant les factions, soit en suscitant des soulèvements populaires contre la loi » (tit. II, art. 4). Tout dépendrait donc de l’interprétation que les autorités feraient de cette disposition, dans laquelle l’expression « histoire contemporaine » devait être entendue comme une définition restrictive du politique249. Le mécanisme de contrôle retenu par la loi de 1847 maintenait le principe de l’autorisation administrative préalable, le conseil de censure présentant à la direction générale de la police « l’ours » du périodique, c’est-à-dire son programme, les noms de ses principaux collaborateurs, son mode de publication et les ressources financières dont il disposait. Les censeurs étaient tenus d’indiquer par écrit les raisons de leur refus éventuel. Des conseils de censure indépendants seraient établis dans chaque chef-lieu de province, celui de Rome étant formé de quatre conseillers placés sous la présidence du Maître des Sacrés Palais apostoliques ; depuis 1832, le titulaire de cette charge, traditionnellement réservée à un représentant de l’ordre des Frères prêcheurs, était Mgr Domenico Buttaoni250. Parmi les membres du conseil romain, le seul apparenté au courant zelante était le marquis Carlo Antici, oncle de Giacomo Leopardi251. Les autres étaient des personnalités modérées, tel l’abbé Antonio Coppi, très dévoué à Pie IX, surnommé par un officier pontifical « le Ciceruacchio des abbés »252, l’avocat Giuseppe Vannutelli, familier des affaires de la Curie romaine, ou encore l’érudit et esthète Salvatore Betti, secrétaire de l’Académie San Luca, défenseur d’une langue italienne pure. Les conseils provinciaux confieraient l’examen des écrits politiques à des laïcs, les ecclésiastiques se chargeant des publications en matière religieuse et morale ou touchant aux lois de l’Église. L’édit de mars 1847 put constituer en réalité « non pas une libéralisation du secteur, mais sa réglementation »253 ; la simple lecture du texte ne permet pas de déterminer son degré de sévérité, susceptible de varier en fonction des circonstances mais aussi des humeurs de ceux qui, par jeu d’influence, du pape au secrétaire d’État et au directeur général de la police, Mgr Pietro Marini254, conservaient un pouvoir d’ingérence dans les appréciations du conseil de censure. La direction générale de la police devait en particulier être consultée par le conseil pour toute approbation d’un nouveau périodique, et formulait sa réponse par écrit (tit. II, art. 1°). Une note de la secrétairerie d’État adressée au délégat apostolique d’Ancône le 5 avril 1847 précisait que « de même que dans la capitale le conseil de censure est subordonné à la secrétairerie d’État pour ce qui regarde la révision des écrits de nature politique, dans les provinces le conseil établi au chef-lieu est soumis à l’autorité délégatice pour le même objet »255. Dès l’été 1847, deux édits, respectivement datés du 25 juillet et du 25 août, prévoyaient des peines sévères pour quiconque imprimerait ou diffuserait des périodiques dépourvus de l’autorisation requise. À Salvatore Betti fut bientôt confiée l’intégralité de la censure politique, le plaçant dans la situation inconfortable de « paratonnerre contre toutes les tempêtes provoquées par l’enrayement du processus de réformes »256, jusqu’à provoquer sa démission le 6 décembre 1847257. Le 19 septembre, la volonté de Pie IX de « remettre le torrent dans son lit »258 fit mettre en place, par le truchement de la secrétairerie d’État, une commission spéciale de quatre membres, dont deux avocats laïcs, présidée par Mgr Camillo Amici, secrétaire de la congrégation de la Consulta259. La circulaire du 31 décembre 1847, rédigée à la suite des conclusions de la commission, ne révoquait pas formellement l’édit du 15 mars, mais rétrocédait à la secrétairerie d’État le plein contrôle de ce secteur, en liaison avec le nouveau ministère de l’Intérieur auquel le motu proprio du 29 décembre précédent avait réservé « la direction suprême du journal officiel de Rome » et « la censure des autres journaux et de la presse périodique »260. Le bureau de censure politique, de nouveau confié à Mgr Buttaoni, était composé de quatre personnes – dont deux ecclésiastiques – travaillant par roulement et rémunérées pour cette tâche. C’était le retour à un contrôle de type curial, qui empruntait le maillage et les techniques propres au gouvernement central.
48Peut-être Pie IX percevait-il le nœud fondamental entre communication et programme de réformes. Les dispositions prises laissent néanmoins paraître au premier plan la crainte d’un développement massif de la presse clandestine, alors qu’un des enjeux d’une législation sur la presse était « la formation d’une classe de gouvernement socialement, culturellement et idéologiquement alternative »261, à savoir une bourgeoisie urbaine qui pouvait entrevoir dans la liberté de la presse le germe d’un processus devant, tôt ou tard, la placer aux commandes de l’État262. De nombreux contemporains, parmi lesquels Giuseppe Mazzini, virent dans l’édit de 1847 un texte dicté par l’Autriche263. Les aspects positifs de la réforme finirent toutefois par l’emporter dans l’opinion, au titre de « banc d’essai », encore fragile, de la (bonne) volonté pontificale. La promulgation du Statuto fit franchir une étape supplémentaire. Inclus dans la rubrique des « dispositions générales », l’art. XI proclamait l’abolition de la censure préventive en matière politique – rien n’étant modifié quant à la censure ecclésiastique – et réservait à un prochain texte la détermination de nouvelles « règles répressives »264. Il fallut attendre le 3 juin suivant, à la veille de la réunion des Chambres, pour que le pape appose sa signature au bas d’un motu proprio, que le Conseil des ministres avait d’ailleurs désapprouvé. Son texte soumettait l’exercice de la liberté de la presse à une série détaillée de conditions, tenant notamment à la qualité des responsables des périodiques (qui devaient être sujets de l’État pontifical et jouir de leurs droits civiques265) et à la nature des propos tenus266, afin que cette liberté ne dérive pas vers une licence incontrôlée.
3 – LA RÉVOLUTION ROMAINE ET LA FUITE DE GAÈTE
49L’historiographie s’accorde pour affirmer que les réformes administratives engagées par le « pape libéral » se succédèrent, à Rome et dans l’État pontifical, sans programme préétabli, pour former plutôt une « succession convulsive de stop and goes »267, parant dans l’urgence aux défauts d’un système que la vieillesse et la maladie de Grégoire XVI avaient laissé intacts et qui servit également de révélateur des incertitudes de la Curie et des faiblesses du pape268. La déception fut à la mesure des espoirs placés dans un pontife qui, par nature et dans un contexte historique en apparence favorable269, « était destiné à renouveler notre époque », selon l’expression d’Antonio Rosmini270. Sans dessein politique, l’activité gouvernementale semblait dépourvue d’élan vital ; manquait davantage un programme de gouvernement qu’un programme réformateur, d’ailleurs conçu lui aussi « in modo episodico ed unilaterale »271. Après les soubresauts de la fin de l’année 1847 et la démission d’un secrétaire d’État qui n’était plus en mesure de réguler les tensions, deux éléments émergeaient avec clarté : d’une part, les équilibres internes aux organes de pouvoir de l’Église s’étaient modifiés en un sens contraire aux attentes de renouveau et de laïcisation de l’État ; d’autre part, le réformisme politique ne paraissait plus pouvoir être séparé d’un processus de réforme de l’Église elle-même. Pour cette série de raisons, les événements de 1848 furent la « révolution des équivoques »272. L’exil de Pie IX et de la Curie à Gaète les levèrent seulement pour partie.
3.1. La problématique de l’exil
50Assiégé et menacé par la foule dans son palais du Quirinal273, le pape s’enfuit à Gaète, dans le royaume de Naples, le 24 novembre 1848. Ce premier exil du pape circonscrit à l’Italie274 fut limité à dix-sept mois, mais sa perception par les dirigeants ecclésiastiques le rattache aux exils antérieurs subis par Pie VI puis Pie VII, faisant de Pie IX un nouveau « pontife des tribulations »275. Le sentiment d’une répétition de l’histoire fut très vif ; une partie de l’entourage pontifical prôna la politique du pire (« tanto peggio, tanto meglio »), en espérant l’instauration de l’anarchie à Rome276. Comme l’écrit E. Bartoloni, « l’aventure républicaine fut brève, mais suffisamment intense et violente pour marquer profondément la conscience de la Curie »277. Rome fut de nouveau sans pape ; pour la Curie romaine, l’exil signifiait un pape sans Rome et – déjà – un gouvernement privé d’assise territoriale. L’adage « ubi Papa, ibi Roma », largement employé au cours de la période avignonnaise, trouvait ici une nouvelle occurrence278 ; comme l’écrit avec force A.-M. Ghisalberti, l’exil marqua la fin définitive du rêve néo-guelfe, « écroulé pour toujours [...] sur les marches sanglantes de la Chancellerie et derrière le carrosse d’une fuite sans Varennes »279.
51Le 25 novembre 1848, le ministère Galletti, prévenu sur ordre de Pie IX par le marquis Girolamo Sacchetti, majordome du pape, annonça que le souverain pontife, « trompé par de funestes conseils »280, avait quitté Rome et que le ministère, avec la Chambre des députés et le sénateur de Rome, pourvoirait aux mesures nécessaires. Ces éléments posèrent brutalement la question de la vacance du pouvoir. Deux jours plus tard, un motu proprio, préparé par Antonelli devenu pro-secrétaire d’État et connu à Rome le 3 décembre, confiait le gouvernement à une commission exécutive provisoire d’où émergeaient les noms du cardinal Castracane, de Mgr Roberti et du lieutenant général Zucchi281. Cet acte et la « commissione governativa fantasma »282 qu’il instituait fut jugé par les députés comme n’ayant « par lui-même aucun caractère d’authenticité, ni de publicité régulière » et ne présentant « sous aucun rapport un caractère de constitutionnalité, auquel le souverain n’est pas moins assujetti que la nation »283. Certains membres du Consiglio di Stato, attachés au Statuto, plaidaient, outre le droit de déclarer l’inconstitutionnalité d’une décision prise par un pouvoir en état de vacance, celui des représentants du peuple légalement assemblés de combler un vide menaçant l’ordre public. Il était toutefois difficile d’établir, dans le cas de l’exil de Gaète, une véritable vacance du trône pontifical. Dans une lettre adressée le 10 décembre à Antonelli, T. Mertel rappelait qu’aucune disposition du Statuto n’interdisait au gouvernement de sortir de l’État, ni n’exigeait de justifier un tel départ devant les Conseils ou les ministres ; en outre, le Statuto ôtait aux Conseils la faculté de délibérer sur un point susceptible d’altérer ou de modifier le texte du Statuto lui-même284. Le conseiller Potenziani avait en effet soutenu que le pape ne pouvait validement agir depuis un territoire étranger, mais que le peuple, par la voie de ses représentants, pouvait ratifier de telles décisions lorsque le commandaient l’urgence et le salut public. Or l’institution de la commission gouvernementale n’ayant pas fait l’objet d’une telle ratification, se trouvait dénuée d’existence légale. Le député Francesco Mayr affirmait que cette décision avait été promulguée « en vertu d’une loi non écrite dans le Statuto lui-même, mais sous-entendue dans toutes les constitutions, au point qu’il n’était jamais besoin de l’écrire, en raison de la loi de nécessité majeure »285. D’autres conseillers, tels Betti, s’en tenaient à la question de la légalité de la commission, distinguant le Statuto « des constitutions des autres peuples », le premier ayant été octroyé par le souverain, les secondes adoptées par une Constituante. En conséquence, on ne pouvait considérer que le pouvoir était vacant du seul fait de l’éloignement du pape, dans la mesure où celui-ci n’avait pas produit d’acte de renonciation expresse à sa souveraineté. D’ailleurs, toujours selon ce raisonnement, personne n’aurait songé à mettre en doute la validité d’une décision pontificale en matière religieuse, prise depuis n’importe quel endroit ; le chirographe adressé au marquis Sacchetti le 24 novembre puis le motu proprio du 27 novembre n’échappaient pas à la règle.
52Les rapports de forces étaient toutefois propices au basculement : à défaut de vacance stricto sensu du pouvoir, Rome en ressentit le vide. Le 12 décembre, le Conseil des députés présidé par Sturbinetti et le haut conseil instituèrent un conseil ou junte (Giunta) provisoire d’État, déclarant exercer au nom du pape « les fonctions ressortissant au Chef du Pouvoir exécutif selon les termes du Statuto »286. Pie IX la déclara nulle dès le 17 décembre et rappela, le 1er janvier 1849, le canon du concile de Trente prononçant l’excommunication contre les auteurs d’atteintes aux droits temporels de l’Église ; ceci fit disparaître de la scène politique le groupe constitutionnel comme entité organisée, réduisant ses membres à l’exercice d’une influence personnelle limitée. À Rome, une Assemblée constituante proclama la République (9 février 1849287) avec à la tête du gouvernement un triumvirat composé de Giuseppe Mazzini, d’Aurelio Saffi et de l’avocat Carlo Armellini, dont Pie IX, dans une lettre à Mgr Corboli Bussi, regrettait d’autant plus amèrement le rôle qu’il était « père et frère de deux jésuites »288. Le 21 février, un décret déclarait propriété de la République romaine tous les biens ecclésiastiques ; quatre jours plus tard, les Palais apostoliques étaient placés sous la dépendance directe du ministère des Travaux publics. Les archives vaticanes étaient scellées, tandis que leur préfet, Mgr Marino Marini, était contraint d’en remettre les clefs aux autorités républicaines. Dans l’esprit des patriotes, la « troisième Rome », celle du peuple, succédait à la Rome des Césars et à celle des papes ; elle se réclamait, tout autant que celles qui l’avaient précédée, de l’universalité289. Mais ce n’était pas là le seul héritage. Mazzini insista à plusieurs reprises sur le caractère « religieux, éducatif et moral » de l’œuvre entreprise par la jeune République290. Celle-ci devait voir le triomphe « du principe du bien sur celui du mal, du droit commun sur l’arbitraire d’un petit nombre, de la sainte égalité que Dieu impose à toutes les âmes sur le privilège et sur le despotisme »291.
3.2. L’organisation du pouvoir à Gaète
53La période de la République romaine et de l’exil du pape cristallisa les oppositions. Parmi les diplomates ayant rejoint Gaète à la fin décembre 1848292, certains estimaient que si Pie IX avait agi seul, selon sa nature généreuse, la crise n’aurait jamais atteint un tel degré de gravité. Ce sont ses conseillers, « italiens et étrangers », qui, profitant de son manque de confiance en lui et des scrupules d’une conscience désireuse d’éloigner toute responsabilité, avaient œuvré pour éviter une conciliation293. Ce reproche fut également adressé à la cour de Ferdinand II, parfois qualifié de « Salomon du despotisme »294 et soupçonné d’encourager en sous-main l’hostilité envers le régime constitutionnel. L’installation à Gaète d’une partie de la cour pontificale acheva, notamment aux yeux de Cavour, d’en faire le cœur de la réaction absolutiste en Europe. Ce « centre du conservatisme italien et européen »295 reposait largement, selon les contemporains, sur la « camarilla » mystique296, parfois appelée « parti de l’antichambre »297, formant l’entourage immédiat de Pie IX et stimulant en lui la tendance à la piété et au mysticisme298. Ce cercle restreint réserva un excellent accueil à un groupe de philosophes jésuites néo-thomistes, représenté à Gaète par Taparelli d’Azeglio et Carlo-Maria Curci, se posant en champion de l’autorité pontificale qu’il entendait défendre grâce à un système de pensée complet et inébranlable299 fondé sur la logique déductive et qui devint rapidement un des principaux éléments de la culture catholique intransigeante300. L’archevêque de Naples, Sisto Riario Sforza, très apprécié du clergé local et considéré comme le chef de file de l’Église du Mezzogiorno italien301, se hissa au rang de personne de confiance, entraînant dans son sillage les professeurs de théologie Francesco Celentano, Andrea Ferrigni Pisone (1799-1859) et le futur cardinal Francesco Saverio Apuzzo (1807-1880).
54Incontestablement, la dispersion des membres du Sacré Collège au moment de l’exil et de façon générale la diminution des forces humaines et matérielles de la Curie ouvrirent des brèches dans lesquelles s’engouffrèrent un certain nombre de groupes de pression et d’individualités fortes. Ce fut également le cas du « parti des Génois », très conservateur et « lié aux fastes du pontificat grégorien »302, emmené par les cardinaux Luigi Lambruschini et Giacomo-Luigi Brignole303. Tous deux issus de la noblesse génoise, ils furent suffisamment influents pour provoquer le départ du cardinal Giovanni Soglia du secrétariat d’État, le 29 novembre 1848. Lambruschini réussit parallèlement à entrer dans la congrégation de l’Index, poussant à la démission le cardinal Angelo Mai qui en détenait la préfecture304 ; exerçant diverses pressions sur la Curie305, il prôna l’abandon d’une constitution considérée comme « incompatible avec la condition politique du Saint-Siège » et à plus forte raison de la sécularisation de l’État, qui ôterait tout frein à ses sujets306, pour ne conserver qu’un conseil d’État pour les finances au rôle purement consultatif.
55La recomposition du gouvernement pontifical à Gaète toucha particulièrement la secrétairerie d’État dans sa fonction d’instance centrale de prise de décision. Comme l’écrit sommairement L. Chaillot, tandis que « les demandes de faveurs spirituelles affluaient à Gaète, lorsqu’on apprit que le pape y était, force fut d’y ouvrir des secrétariats, au moins à titre provisoire »307. Les contemporains s’accordèrent à penser que deux clans, porteurs de deux sensibilités distinctes, « se disputèrent [alors] l’esprit du pape, l’un victorieux avec Antonelli, l’autre vaincu avec Antonio Rosmini »308. Dans une biographie inédite de Pie IX conservée aux Archives vaticanes, Mgr Tizzani voyait dans l’éviction de Rosmini le fruit de l’action délibérée d’Antonelli visant à abattre un homme qui, par les entretiens fréquents dont il bénéficiait auprès du pape, lui paraissait en mesure d’exercer sur Pie IX une influence que le pro-secrétaire d’État ne pouvait tolérer et qui risquait de mettre en péril la position qu’il avait acquise309. Si on ne peut affirmer sans nuance que « c’est à Gaète que prévalut la politique antonellienne »310, la personne du cardinal – d’ailleurs peu estimée de Lambruschini et de son petit groupe de « collaborateurs ou rivaux »311 – apparut graduellement « toute-puissante à la Cour, toute-puissante dans le Sacré Collège »312, faisant parfois employer à son propos l’expression de « secrétaire d’État in partibus »313, bientôt appelé à une fonction permanente314.
56Dans le même temps, la secrétairerie d’État connut la phase « la plus critique de son existence pluriséculaire »315 ; Mgr Corboli Bussi resta d’abord à Rome, dans des conditions que le prélat décrivit lui-même comme problématiques316, en qualité de secrétaire des Affaires ecclésiastiques extraordinaires317. Secondé par le sous-secrétaire Luigi Ferrari, il fut notamment chargé de transmettre aux autorités de Gaète un état détaillé de la situation politique dans la capitale. À Gaète, les affaires ecclésiastiques étaient traitées, de façon dispersée, par Antonelli, Carlo Vizzardelli – ancien ministre du gouvernement Rossi318 – et Mgr Gonella. Les bureaux de la secrétairerie d’État, tenus par les deux substituts Vincenzo Santucci, en poste depuis 1844 (qui après la disparition de Corboli Bussi, le 3 juillet 1850, assuma simultanément le secrétariat de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires319), et Gaetano Bedini320, continuèrent d’agir avec régularité, mais cantonnés aux affaires purement ecclésiastiques, pendant la période du gouvernement provisoire, dans leur siège du palais du Quirinal ; à partir du 9 février 1849, le registre du protocole fut fermé, avec une annotation en ce sens321. L’enregistrement des actes reprit en juillet 1849, après l’entrée dans Rome des troupes françaises. Une importante réunion de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, tenue le 4 mars 1850 dans les locaux du collège des Barnabites à Naples, chez le cardinal Lambruschini, et à laquelle intervinrent Macchi, Fransoni, Vizzardelli et le secrétaire, Mgr Gonella, put ainsi régler certains dossiers concernant l’Amérique latine. Le compte-rendu de cette séance, conservé dans le Spoglio Gonella aux Archives vaticanes322, fait apparaître une volonté de réorganisation des compétences. Rejetant d’emblée le projet d’érection d’une congrégation permanente pour l’Amérique, certains cardinaux envisageaient le recrutement d’un ou deux minutanti auxquels seraient confiés les rapports en ce domaine. Était également suggérée la mise en relation des deux secrétaires de la Propagande et des Affaires ecclésiastiques, chacun devenant consulteur ès qualités (consultore nato) de l’autre dicastère, comme le secrétaire de la Propagande l’était déjà du Saint Office323. La proposition ne fut pas suivie d’effet, mais cette tentative fait supposer que la promiscuité des hommes et des structures provoquée par l’exil favorisa une décantation et, à terme, une clarification des difficultés d’organisation rencontrées.
57Le tribunal de la Rote poursuivit également son activité, prenant même des mesures de simplification des frais de procédure (12 janvier 1849) et abolissant diverses taxes de chancellerie. Les autres dicastères fonctionnèrent au ralenti, avec un nombre restreint de cardinaux, même si la pratique de la Curie n’exigeait pas de quorum particulier pour la validité des décisions prises en réunion plénière. La Curie expérimenta un mode de gouvernement par des dicastères réduits de facto à la dimension d’une commission spécialisée ; par ailleurs, de nouvelles structures de ce type furent mises sur pied pour traiter divers dossiers, parmi lesquels la révision du concordat signé en 1818 avec le royaume des DeuxSiciles324. Il semble toutefois que Pie IX, peu attentif aux questions politiques, ait été absorbé par des problèmes d’une autre nature et touchant d’autres horizons, tels la situation du catholicisme en Inde et le règlement de la question du droit de patronage du gouvernement portugais sur Goa. Dès le 6 décembre 1848, le pape réunit une commission cardinalice spéciale non pas sur la façon de rétablir le pouvoir temporel, mais sur l’opportunité d’une définition dogmatique de l’Immaculée Conception325. Temps de certains attachements personnels, la période de Gaète fut aussi celle de choix décisifs en matière religieuse et politique.
3.3. Un nouveau Pie IX ?
58Le décalage entre les préoccupations profondes du pape et les vicissitudes de la situation faite à l’Église et à son gouvernement modifièrent l’attitude générale de Pie IX. Des conversations menées avec Rosmini à Gaète, il ressort que le pape entendit dans un premier temps préserver le passé récent, « qu’il avait donné la constitution avec l’accord de tous les cardinaux qu’il avait consultés à trois reprises, et qu’aujourd’hui, quand bien même le Sacré Collège tout entier souhaiterait qu’il l’abolisse, il ne le ferait pas »326. S’il est possible que les orientations prises par la République le troublèrent jusqu’à lui faire envisager l’abdication327, le changement se produisit au cours de l’hiver 1849 : le pape « ne donnerait plus la constitution, même si on la taillait en petits morceaux »328. Dans une allocution prononcée en consistoire secret le 20 avril, Pie IX déplora que la Consulta di Stato, créée à l’origine pour « la prospérité de l’administration publique », ait été retournée par les ennemis du Saint-Siège contre « les intérêts publics des peuples »329 et donc détournée de son sens. Aux yeux du pape, le Statuto lui-même avait été l’occasion pour les conspirateurs (les « macchinatori di frodi ») d’appeler à la proclamation de la République et d’éradiquer dans l’État pontifical « tout principe de justice, d’équité, de vertu, d’honnêteté, de religion, et d’introduire, de propager, d’assurer la domination en tout lieu, au grand dommage et pour la ruine de toute la société humaine, l’horrible et fatal système du Socialisme, ou encore Communisme, essentiellement contraire au droit et à la raison naturelle »330. Le ton du discours et les termes utilisés attestent la « conversion » d’un Pie IX qui n’aurait plus jamais d’indulgence pour les États constitutionnels et « ammodernati », selon le mot de Taparelli d’Azeglio ; l’expérience de 1848-1849 ne se réduirait pas dans son esprit à un épisode contingent, mais signifierait la démonstration flagrante de l’incompatibilité fondamentale entre deux systèmes théoriques et deux catégories idéales.
59Le 11 août 1849, la 12e session de la Conférence de Gaète reçut du secrétaire d’État la communication de la base générale sur laquelle le pape comptait rétablir son système de gouvernement temporel331. L’exposé du cardinal Antonelli se bornait à évoquer des retouches à la législation civile, criminelle et administrative, à l’ordre judiciaire ; les conseils communaux et provinciaux seraient établis sur une base censitaire rigide, avec choix par le haut ; une Consulta rénovée serait chargée des budgets prévisionnels, des comptes d’exercice et des impôts, sans préciser toutefois la nature juridique de ses délibérations. Les membres de la Consulta feraient l’objet d’une nomination par le souverain, proportionnellement à la densité démographique des provinces, avec la possibilité pour le pape d’en nommer librement d’autres pour éviter toute dérive vers un régime représentatif ainsi que l’instrumentalisation de la Consulta par telle ou telle faction. Un Conseil d’État donnerait son avis sur les lois avant leur promulgation par le pape, et sur les questions législatives et administratives majeures ; le choix des conseillers serait effectué par le pape parmi les juristes et les fonctionnaires les plus compétents. Le ministre français des Affaires étrangères, Rayneval, souhaita que ces dispositions permettent d’assurer la liberté individuelle et l’inviolabilité de la propriété, et revint sur la question de la laïcisation de l’administration pontificale332. Antonelli répondit par une statistique purement quantitative, ne tenant pas compte de la nature des emplois considérés : 104 ecclésiastiques contre 5.023 laïcs333.
60Pie IX rentra dans Rome le 12 avril 1850, au lendemain de la promulgation, le 9 avril, de la loi issue du projet Siccardi qui abolissait les immunités ecclésiastiques. La déception profonde ressentie par les meneurs politiques et les théoriciens de l’unité italienne d’alors devait retentir sur la perception de Pie IX et de l’Église romaine elle-même334. Nombre d’observateurs passèrent brutalement de l’enthousiasme pour le pape libéral – comme si, notait déjà La Farina, ils avaient oublié « la nature de la papauté et du principat ecclésiastique »335 – à une critique violente de son action, « les uns dépeignant un éden perturbé seulement par quelques poignées de factieux irréductibles, les autres chargeant de noir les hommes et les actes de la Rome pontificale »336. Filippo De Boni, après avoir exalté la politique libérale et anti-autrichienne de la Curie dans son ouvrage La congiura di Roma e Pio IX, publié à Lausanne en 1847, avait entrepris de démontrer que la politique de Pie IX était en réalité bien pire que celle menée par Grégoire XVI337. D’autres, à l’image du radical Giuseppe Gabussi, discernaient en Pie IX plusieurs personnalités différentes, voire plusieurs individus en un seul : le pape apparaissait tantôt « sournois [subdulo] et infidèle », tantôt « inflexible et simulateur », enfin « cruel et impitoyable [spietato] ». L’affectueux Pio Nono fit place à un Pie IX plus froid et plus officiel338. Farini se montra plus dur envers ses contemporains, ayant eu la crédulité de penser (ou d’oublier) que « l’homme qui en juillet était pape n’aurait pas été cardinal en juin »339. Gioberti laisserait un jugement célèbre et sans appel : « Un homme médiocre ». La diabolisation du personnage répondit bien sûr aux louanges qu’on lui avait largement dispensées avant 1848. S’il y eut quelques analyses plus modérées, leur faible écho est significatif de l’incompréhension qui s’installa dès lors durablement entre les « Italiens » et la papauté, voile obscurcissant rappelant l’obscurantisme dont l’Église était accusée depuis des temps immémoriaux ; ce « néo-obscurantisme », plus politique que culturel, devait creuser dans les dernières décennies de l’État pontifical un fossé tout aussi large. La crainte de la Révolution et des excès d’une restauration, appuyée le cas échéant par l’intervention armée des États européens plaça le gouvernement pontifical dans le fragile équilibre d’un « entre deux peurs »340.
Notes de bas de page
1 Né le 13 mai 1792 à Senigallia dans une famille de petite noblesse provinciale, « ni très riche, ni très ancienne » (E. Masi, Nell’Ottocento..., op. cit., p. 144), Giovanni Mastaï Ferretti accomplit ses études à Volterra puis au Collège romain. De violentes crises d’épilepsie, dont il souffrait depuis l’enfance, lui interdisirent d’abord la carrière militaire à laquelle il aspirait (un poste dans la Garde Noble pontificale) et le tinrent un temps à l’écart des ordres sacrés, mais « la faveur de Pie VII lui permit de surmonter les obstacles » (R. Aubert, Le pontificat de Pie IX (1846-1878), Paris, 21963, p. 14). V. Brizzolesi (Da Pio IX a Pio XI, Lancia-no, 1929, p. 4) rapporte que son oncle, le chanoine Paolino, alors sous-secrétaire des Mémoriaux, déconseilla vivement au jeune Mastaï de poursuivre ses études ecclésiastiques. Ordonné prêtre le 10 avril 1819, il administra pendant quelques années de l’orphelinat de Tata Giovanni. Formé à une spiritualité de sensibilité ignatienne par le cardinal Carlo Odescalchi, dont il demeura toujours très proche (cf. P. Pirri, Vita del Servio di Dio Carlo Odescalchi, già cardinale di Santa Chiesa e Vicario di Roma, morto religioso della Compagnia di Gesù, Isola del Liri, 1935, p. 77), l’abbé Mastaï songea sérieusement à entrer dans la compagnie de Jésus, mais les avis répétés de son confesseur, le chanoine Starace, et du maître des novices de Saint-André du Quirinal l’en dissuadèrent. Sur la jeunesse et la formation du futur pontife, voir C. Falconi, Il giovane Mastaï. Il futuro Pio IX dall’infanzia a Senigallia alla Roma della Restaurazione, Milan, 1981.
2 « In casa Mastai è Carbonaro, persino il gatto » (E. Masi, Nell’Ottocento..., op. cit., p. 155). R. Aubert donne de cette boutade une version légèrement différente : « In casa dei Mastai, tutti sono liberali, fino al gatto » (Le pontificat de Pie IX, op. cit., p. 15 n. 1.). En dépit de ces variantes, le mot paraît authentique. Cf. F. Mourret, L’Église contemporaine..., op. cit., p. 337 n. 1, et J. Martin, « L’humour de Pie IX », Pio IX, 3, 1981, p. 203-209. Cette réputation était connue de l’intéressé, qui écrivait en août 1834 dans une lettre adressée à Mgr Polidori : « Si è procurato di dipingermi in Roma come un vescovo poco meno che liberale » (cité par E. Masi, Nell’Ottocento..., op. cit., p. 156).
3 Le document est conservé aux Archives vaticanes, Archivio personale Pio IX. Oggetti varî, n° 423 ; sur la page de garde figure la mention manuscrite « Scritto autografo di Sua Santità, contenente utili riforme dello Stato pontificio, redatto nel 1845 », avec le numéro d’ordre [423]. Le texte a été publié par G. Soranzo, « ’Pensieri relativi all’amministrazione pubblica dello Stato pontificio. 1845’ del futuro Pio IX », Aevum, 27, 1953, p. 22-46, texte p. 40-46.
4 Cf. infra, p. 85 et s., sur l’historiographie de la période « libérale » des premières années du pontificat de Pie IX.
5 « Tenere a freno gl’Impiegati, i quali nella maggior parte sono la causa del discredito del Governo ». Sur la congregazione de Vigilanza, qui avait cessé ses activités quinze ans plus tôt, en 1829, voir supra, p. 64. L’évêque d’Imola recommande plus loin l’établissement d’un règlement spécifique pour les employés romains (point n° 35).
6 « I Tribunali siano più spediti. La Sacra Rota, quantunque rispettabilissima, pure talvolta è eterna » (n° 38). ».
7 Mgr Mastaï Ferretti évoque par deux fois ce « grave inconvénient » qui « multiplie les soi-disant docteurs dans les différentes Universités » (points n° 17 et 52), avant de reconnaître (n° 53) « les graves difficultés rencontrées pour introduire des réformes utiles ».
8 Ceci est particulièrement valable, aux yeux de l’évêque d’Imola, pour les textes philosophiques, discipline « dont on abuse de nos jours : qui ne connaît les aberrations allemandes et françaises ? » (n° 16). Alors même que la Curie paraît avoir renoncé à lutter contre le phénomène, le futur Pie IX suggère la fondation de chaires de philosophie religieuse dans les universités, dont l’enseignement reposerait sur le dogme révélé, et le choix, imposé par la congrégation des Études, des manuels utilisés. Le dicastère romain se bornait en effet alors à approuver ou désapprouver l’emploi de tel ou tel ouvrage. Cf. Fr. Gasnault, « La réglementation des universités... », art. cit., p. 1.111.
9 E. About décrit avec vigueur un Pie IX « homme qui n’a pas voulu être laïque [et] qui plaint les laïques d’être laïques » (La question romaine, Paris, 21861, p. 122) ; l’auteur livre plus loin (p. 125) une description personnelle du gouvernement pontifical : « Songez que, dans le gouvernement de Rome, le pape est tout, le secrétaire d’État est presque tout, les cardinaux sont quelque chose, les prélats sont en passe de devenir quelque chose ; mais la nation laïque, mariée et qui fait des enfants, n’est et ne sera jamais rien ».
10 G. Soranzo, « Pensieri relativi... », art. cit., p. 31.
11 Contrairement à ce qu’affirme par exemple, à la suite d’A. Serafini (Pio Nono. Giovanni Mastaï Ferretti dalla giovinezza alla morte nei suoi scritti e discorsi editi ed inediti, 1. – Le vie della Divina Provvidenza (1792-1846), Cité du Vatican, 1958, p. 1397-1429), G. L. Masetti Zannini, « La spiritualità di Pio IX prima del pontificato », Rivista di storia della Chiesa in Italia, 14, 1960, p. 283-298, ici p. 295 : « Un piano di riforma dimostrando una perfetta conoscenza delle condizioni dello Stato Pontificio ».
12 G. Martina, Pio IX 1846-1850, op. cit., p. 55. Voir aussi P. Pirri, « La missione di mons. Corboli Bussi in Lombardia e la crisi della politica italiana di Pio IX », Rivista di storia della Chiesa in Italia, 1, 1947, p. 38-84, ici p. 38.
13 R. Aubert, Le pontificat de Pie IX, op. cit., p. 15.
14 Aux laïcs étaient accessibles les emplois des postes, douanes, télégraphes, tribunaux de première instance. Les observateurs contemporains admettent pour preuve du monopole ecclésiastique des postes de direction la disproportion des rémunérations (stipendi) : au sein d’une masse salariale par ailleurs mal définie. Voir quelques éléments statistiques plus précis infra, p. 165.
15 S. Negro, Seconda Roma..., op. cit., p. 191.
16 L’argument est développé notamment par Leopoldo Galeotti dans son ouvrage Della sovranità e del governo temporale dei Papi (Lausanne, 1847). La part réelle prise par les non-Italiens dans le gouvernement pontifical était relativement faible, mais la plupart des sources, s’en tenant à la composition du Sacré Collège, omettent de distinguer les cardinaux de curie de ceux qui détiennent, hors de Rome et de ses sièges suburbicaires, une charge épiscopale ou archiépiscopale résidentielle ; voir sur ce point infra, p. 306 et s.
17 Aux yeux de D. Demarco, excellent connaisseur de la Rome du xixe siècle, la vie sociale romaine s’articulait schématiquement autour de « deux axes parallèles, le clergé et le laïcat. Le premier est formé du Collège des cardinaux, de la prélature et du bas-clergé, le second de l’aristocratie, de la bourgeoisie et du petit peuple (popolo minuto). Au sommet [trônent] le Sacré Collège et l’aristocratie, au ‘milieu’ la prélature et la bourgeoisie, à la base le peuple et le bas-clergé, séculier et régulier » (« L’economia degli Stati italiani prima dell’unità », Rassegna storica del Risorgimento, 44, 1957, p. 191-258, ici p. 255).
18 Mgr Giovanni Corboli Bussi, né à Urbino le 24 septembre 1813, ordonné prêtre en 1840, était prélat référendaire des Signatures de Grâce et de Justice, ayant prêté serment le 14 janvier 1841. Consulteur de la congrégation des Évêques et Réguliers, de la Propagande et des Affaires ecclésiastiques extraordinaires (1843), il fut nommé en 1846 secrétaire du Sacré Collège et de la congrégation Consistoriale (Notizie per l’anno 1846, p. 218). Substitut de la première section de la secrétairerie d’État et secrétaire des Affaires ecclésiastiques extraordinaires en 1847 (Notizie per l’anno 1847, p. 201), ses qualités d’ouverture, de désintéressement et de fidélité le firent parfois croire animé « d’idées qu’on dirait aujourd’hui socialistes » (M. Minghetti, Miei ricordi, 1. – Anni 1818-1848, Turin, 1888, p. 211). Il fut le principal rédacteur du texte de l’amnistie du 16 juillet 1846, qui accordait sur ce chapitre les différentes tendances animant la Curie : la majorité des prélats conseillaient de limiter l’indulgence pontificale à quelques grâces individuelles, d’autres prônaient une amnistie générale. Contesté dans les mois suivants, il conserva néanmoins la confiance de Pie IX qui reconnaissait en lui « le meilleur élément dont disposait alors la Curie » (G. Martina, Pio IX 1846-1850, op. cit., p. 154) et le chargea, au printemps 1848, de négocier à Turin les conditions d’établissement d’une union douanière (lega doganale) avec les autres souverains italiens. Il décéda le 30 juillet 1850. Cf. G. Martina, « Corboli Bussi », dans Dizionario biografico degli Italiani, 28, 1983, p. 775-778, avec quelques inexactitudes de dates. Sur la constitution manquée de la ligue douanière, épisode révélateur des conceptions de la Curie en matière économique, cf. F. Gentili, « I preliminari della lega doganale e il protesoriere Morichini », Rassegna storica del Risorgimento, 1, 1914, p. 563-640 et les travaux de P. Pirri, « La missione di mons. Corboli Bus-si... », art. cit., ainsi que « La politica italiana di Pio IX dalla lega doganale alla lega italica », Rivista di storia della Chiesa in Italia, 2, 1948, p. 183-214.
19 A. Manno, L’opinione religiosa e conservatrice in Italia dal 1830 al 1850 ricercata nelle corrispondenze e confidenze di mons. Giovanni Corboli Bussi, Turin, 1910, p. 262 ; il faut entendre ici l’expression de « droit canonique » (gius canonico) au sens de privilège du for ecclésiastique. Le prélat ajoutait que « le comte Rossi [...] m’a dit plusieurs fois que la vraie question s’agissant de l’État pontifical était celle de la sécularisation des charges [...]. J’ose exprimer cette idée, non pas tant pour des considérations politiques que pour des considérations religieuses : surtout parce qu’il me semble que les actions odieuses, les soupçons, les médisances qui entourent quiconque a en charge l’argent et la justice sont une des causes principales qui minent l’efficacité morale du clergé sur notre peuple. Dans l’esprit de ces gens, qui ne peuvent ou ne veulent pas faire la différence, les saintes paroles du bon prêtre sont trop souvent dénaturées par l’image du Prélat, et restent infructueuses, car elles ne sont pas tenues pour sincères. Et pourtant, conduire les âmes à Dieu [...] n’est pas seulement le premier devoir du clergé, mais c’est aussi le premier besoin de la politique » (ibidem).
20 Voir D. Demarco, Lo Stato Pontificio..., op. cit., I, p. 165-173.
21 La solidité de cette conviction reposait notamment sur la conscience, de la part du clergé, de former une catégorie compacte au sein de la société et « de détenir individuellement et collectivement des fonctions de gouvernement mais aussi un rôle de garant de l’ordre et du bien-être social » (M. Lupi, Il clero a Perugia..., op. cit., p. 80). Ce sentiment, déjà répandu au xviiie siècle, avait d’ailleurs été encouragé par les gouvernements révolutionnaires comme gage de tranquillité publique, dans une optique où le facteur religieux se réduisait souvent à un ciment social.
22 Ce fut une des lignes d’argumentation utilisées par le Saint-Siège pour s’opposer aux projets de ligue douanière : l’État pontifical, qui avait conservé jusque-là un certain nombre de traits spécifiques (et notamment le monopole ecclésiastique des fonctions), aurait dû dès lors se transformer en un État ordinaire, poursuivant des finalités identiques (l’intérêt matériel de ses citoyens) et se serait exposé à un éventuel conflit entre la fonction pontificale et les intérêts supérieurs de l’État.
23 R. Aubert, Le pontificat de Pie IX..., op. cit., p. 28. Ce jugement était aussi celui de lord Stanley, représentant de l’Angleterre à Rome en 1847, qui « riconosceva al presente papa numerose doti di amabilità, sincerità e buone intenzioni, ma riteneva prematuro formulare un giudizio sulle sue doti di uomo politico : gli ultimi avvenimenti, infatti, stavano a dimostrare che, certamente, non era un uomo prudente e che, anzi, si era affrettatamente e sconsideratamente ingaggiato in premature riforme » (L. De Ruggiero, « Inghilterra e Stato pontificio nel primo triennio del pontificato di Pio IX », Archivio della società romana di storia patria, 76, 1953, p. 51-172, ici p. 111).
24 V. Gioberti, Del primato morale e civile degli Italiani, Bruxelles, 1843. Cette vision d’une architecture politique possible pour l’Italie met en lumière l’originalité profonde de la pensée de Gioberti. Le succès de son ouvrage et son importance historique se comprennent à la lumière du souvenir rapporté par L. Settembrini (Ricordanze della mia vita, ch. 17) : « Nous étions esclaves, divisés, diminués, dépréciés par les étrangers [...], Italie terre de morts et non d’hommes vivants, pas autre chose qu’un nom resté dans la géographie [...] ; nous-mêmes nous nous tenions pour inférieurs à tous les autres [...] lorsque celui-ci [Gioberti] nous dit : – Vous, Italiens, êtes le premier peuple du monde. – Nous ? – Oui, vous détenez le primat civil et moral sur tous. [...] L’effet du livre fut prodigieux, secouant et soulevant la conscience d’un peuple prostré ».
25 Pour le détail des scrutins et la répartition des voix, voir A. Monti, Pio IX nel Risorgimento italiano, Bari, 1928, p. 60, qui en reproduit les listes en fac-similé.
26 Ce groupe modéré, parfois surnommé « delle Corone », était favorable à une révision des rapports entre l’Église et les États, et à une orientation réformiste du gouvernement temporel de l’Église. Les cardinaux Luigi Amat, alors légat de Ravenne, et Mastaï-Ferretti en faisaient partie.
27 S. J. Woolf, « La storia politica e sociale », art. cit., p. 369 ; voir aussi F. Jankowiak, « Les noms de Pierre... », art. cit., p. 129 n. 2 et G. Berthelet, Conclavi pontefici e Cardinali nel secolo xix, Paris, 1903, p. 51. Pie VII avait également été le prédécesseur du cardinal Mastaï sur le siège épiscopal d’Imola. Cf. la brochure d’Ignazio Costa Della Torre, Pio VII e Pio IX. Reminiscenze e conforti, Milan, 1860.
28 R. Cessi, Il mito di Pio IX (dal carteggio di G. B. Castellani), Udine, 1953. Dans une lettre adressée à S. Betti le 6 octobre 1846, l’anticlérical Pietro Giordani évoque « questo vero miracolo di papa » (Epistolario, éd. A. Gussalli, Milan, 1854-1855, t. VII, p. 181).
29 Cf. A.-M. Ghisalberti, « Una fonte importante sul Risorgimento romano », Archivio della Società romana di storia patria, 73, 1953, p. 173-209, surtout p. 181. R. Palmarocchi évoque, pour la phase achevée en avril 1848, « un coro unanime di esaltazioni iperboliche » (« Alcuni aspetti della politica di Pio IX... », art. cit., p. 699).
30 Ainsi l’un des plus volumineux ouvrages consacrés au pontificat de Pie IX, celui de l’abbé A. Pougeois (Histoire de Pie IX, de son pontificat et de son siècle, Paris, 1877-1886, 6 vol.) abonde plus, au jugement de Mourret, « en développements oratoires qu’en renseignements précis » (L’Église contemporaine..., op. cit., p. 15). Parmi les meilleures biographies du temps, Mourret relève celles de Ville-franche (Pie IX, sa vie, son histoire, son œuvre, Paris, 191889), d’A. de Saint-Albin (Pie IX, Paris, 1870), de Charles Sylvain (Histoire de Pie IX et de son pontificat, Paris, 1885, 3 vol.), de Marocco (Pio IX, Turin, 1861-1864, 5 vol.), de T.-A. Trollope (The Life of Pius IX, Londres, 1878, 2 vol.), de Stepischnegg (Papst Pius IX und seine Zeit, Cologne, 1879, 2 vol.) et du jésuite Ballerini (Les premières pages du pontificat de Pie IX, trad. fr., Rome, 1909).
31 Voir H.-I. Marrou, De la connaissance historique, Paris, 1954, rééd. 1973 ; G. Bourdé, H. Martin, Les écoles historiques, Paris, 1983 ; S.-A. Leterrier, Le xixe siècle historien. Anthologie raisonnée, Paris, 1997. Sur la naissance et les principes de la science catholique, consulter le volume collectif Cent ans de sciences religieuses en France à l’École pratique des hautes études, Paris, 1987, et notamment l’article d’É. Poulat, « L’‘institution’ des sciences religieuses », p. 49-78, ainsi que Cl. Langlois et F. Laplanche (dir.), La science catholique, Paris, 1992. Voir aussi R. J. Baird, « How Religion became scientific », dans Religion in the Making. The Emergence of the Sciences of Religion, Leyde, 1998, p. 205-229, et la synthèse publiée sous la direction d’Y.-M. Hilaire, De Renan à Marrou. L’histoire du christianisme et les progrès de la méthode historique, Lille, 1999.
32 R. Aigrain, L’hagiographie. Ses sources, ses méthodes, son histoire, Bruxelles, rééd. 2000, p. 375.
33 Voir D. Latour-Jankowiak, Regards sur un concept : l’Antiquité. Les contributions de l’histoire juridique et littéraire à l’émergence d’un concept périodologique, th. droit, Université Paris-X, 1999, spéc. p. 32-37.
34 E. Masi, Nell’Ottocento..., op. cit., p. 132-133.
35 Voir M. Caffiero, « L’importanza del nome. Pio VII, Pio VIII e la costruzione di una continuità », dans S. Bernardi (éd.), La religione e il trono. Pio VIII nell’Europa del suo tempo. Convegno di Studi, Cingoli 12-13 giugno 1993, Rome, 1995, p. 203-220 (art. repris dans Religione e modernità in Italia (secoli xvii-xix), Rome, 2000).
36 Cf. L. Giampaoli, L’eroe del sec. XIX, ossia Cenni storici-apologetici del pontificato di N. S. Pio Papa IX fino ai nostri giorni, con appendici di documenti, Naples, 1874.
37 Voir par exemple, au lendemain des événements de 1870, l’adresse de la députation des associations catholiques autrichiennes, dans Das Ende der Kirchenstaates, N. Miko et E. Weinzierl (éd.), IV, Munich, 1970, doc. 2976, p. 75-76, et G. Boschi, Il pretismo e il progresso, Rome, 1848, p. 11 : « Prima che Iddio mandasse in terra uno dei suoi Angeli nella persona di Pio IX ».
38 Ainsi l’adresse rédigée par les « étudiants en rhétorique » du séminaire diocésain de Palestrina à l’occasion du 17e anniversaire du couronnement de Pie IX (juin 1863) et transmise au cardinal Amat, Vice-Chancelier de la S.R.E. et évêque de Palestrina : « La voce a Dio solleva di ogni lido | Il versato d’Abel sangue innocente | Dall’empia mano del fratello infido » (ASR, Min. Interno, Affari ecclesiastici, vol. 3 Provvidenze generali e Sommo Pontefice 1861-1870, b. 1, fasc. 3, impr. de 6 pages, 2 juillet 1863, ici p. 5).
39 Pour Juan Francisco Donoso Cortés (1809-1853), noble et philosophe espagnol célèbre par les articles, dans la veine de J. de Maistre et de Barruel, qu’il publia dans le journal madrilène El Faro, « Pie IX a été crucifié par les libéraux, comme son Maître l’a été par les Juifs. Malheur aux Juifs ! Malheur aux libéraux !... Dans l’un et l’autre cas, il y eut un appel, suivi d’une catastrophe ; dans l’un et l’autre cas, en dépit de la catastrophe, on doit considérer que l’appel fut bien fait » (Lettre au duc de Valmy du 20 juillet 1850, dans Œuvres de Donoso Cor-tés, Lyon, 31876, II, p. 130). Cf. R. Camilleri, Juan Donoso Cortès. Il padre del Sillabo, Gênes, 1998. La figure du nouveau pape « pouvait aisément se rapprocher de celle d’un messie » (A. C. Jemolo, Chiesa e Stato..., op. cit., p. 50), « démiurge d’un avenir différent » (L. Nasto, Le feste civiche a Roma nell’Ottocento, Rome, 1994, p. 25). Un relevé systématique de ce type d’observations, qui puisse déboucher sur une typologie, fait encore défaut.
40 « Pio IX tra mito e dramma », titre retenu par A. M. Ghisalberti pour le premier chapitre de son Roma da Mazzini a Pio IX. Ricerche sulla restaurazione papale del 1849-1850, Milan, 1958, p. 1-18.
41 L’expression est employée par G. Monsagrati, « Roma nel crepuscolo del potere temporale », dans L. Fiorani et A. Prosperi (éd.), Roma, la città del papa Vita civile e religiosa dal giubileo di Bonifacio VIII al giubileo di papa Wojtyla, Turin, 2000, p. 1005-1058, ici p. 1056..
42 En témoigne un anagramme circulant alors à Rome : « Giovanni Maria Mastaï Ferretti = Grati animi, amnistia e ferrata via » (rapporté par A. Ravaglioli, « Un papa troppo amato. Pio IX dalle ovazioni all’esilio », Strenna dei Romanisti, 57, 1996, p. 563-578, ici p. 573).
43 Sur le thème de la trahison, voir D. Massè, Pio IX e il gran tradimento del’48, Alba, 1848. M. Vaussard tient la date de l’allocution pour l’un des principaux repères de la période : « L’élection de Pie IX [...] donna le branle à une série d’événements découlant les uns des autres, qu’on figurerait assez bien par un graphique représentant une ligne ascendante jusqu’au 29 avril 1848, puis une droite horizontale entre le 29 avril et le 15 novembre, et une ligne descendante du 15 novembre 1848 au 4 juillet 1849 ramenant au niveau du point de départ, mais située beaucoup plus loin » (La fin du pouvoir temporel des papes, Paris, 1964, p. 46-47). Sur les interprétations données à cette allocution, cf. G. Cittadini, La fuga e il soggiorno di Pio IX nel regno di Napoli, Naples, 1989, p. 9-21, et infra, p. 125-126.
44 Ainsi C. Van Duerm, Vicissitudes politiques du pouvoir temporel des papes de 1790 à nos jours, Lille, 1890, p. 167 : « Ce n’est [pas] le Roi-Pontife qui est en cause. À sa place on découvre ou des conseillers craintifs ou intimidés, ou des ministres traîtres ou parjures, ou des sujets en révolte ».
45 C. Cattaneo, Considerazioni sulle cose d’Italia, Capolago, 1850-1855. C’est là une allusion au célèbre mot de Charles-Albert prononcé en 1848 lors de la guerre contre l’Autriche. Cattaneo ajoutait : « Pio IX era una favola immaginata per insegnare al popolo una verità ; Pio IX era una poesia ». Mais il ne dit pas qui aurait imaginé cette « fable », ni dans quel but précis. Le motif critique stigmatisant un chef de l’État manipulé par ses proches est cependant loin d’être réservé au pape, et fonctionne comme une formule rhétorique ; Mgr Charvaz, ancien précepteur de la famille royale, écrit au cardinal Antonelli le 19 février 1850 que Victor-Emmanuel II « est totalement sous la dépendance de ses ministres, qui font avorter ses meilleures dispositions. Il promet, il veut bien, mais il a les bras liés et il ne pourra le faire qu’en prenant quelque mesure extraordinaire et en faisant quelque chose de semblable à un coup d’État » (doc. reproduit dans P. Pirri (éd.), Pio IX e Vittorio Emanuele II dal loro carteggio privato, I, Rome, 1945, p. 65).
46 Expression employée par J.-D. Durand, « L’Italie entre renouveau et question nationale (1830-1849) », dans J. Gadille et J.-M. Mayeur (dir.), Libéralisme, industrialisation, expansion européenne 1830-1914, Paris, 1995, p. 276.
47 E. Masi, Nell’Ottocento..., op. cit., p. 134. L’énergie réformatrice de Sixte-Quint est fréquemment évoquée lorsqu’il s’agit de critiquer l’inertie ou l’impuissance du gouvernement pontifical face aux difficultés ; évoquant en août 1855 le problème endémique du brigandage dans l’État pontifical, le diplomate hollandais Liederkerke décrit « ce mal, surtout depuis les dernières agitations révolutionnaires, [qui] y a poussé de si profondes racines, qu’une tâche aussi ardue ne pourrait y être bien remplie que, comme au seizième siècle, par un nouveau Sixte-Quint à la main de fer et inaugurant ses réformes par le clergé » (rapport du 9 août 1855, cité par A.-M. Ghisalberti, « Appunti sull’attentato al cardinale Antonelli », dans Chiesa e Stato nell’Ottocento..., op. cit., I, p. 297-312, ici p. 310).
48 L’enthousiasme pour l’image de l’Italie médiévale se poursuit tout au long du xixe siècle, et sera l’un des éléments majeurs de « l’idée de Rome » au moment de l’unification. Sur cet aspect, voir B. Croce, Storia della storiografia italiana nel secolo decimonono, Bari, 1921, I, p. 113 et s., et l’essai d’A. Vauchez et A. Giardina, Il mito di Roma. Da Carlo Magno a Mussolini, Bari, 2000, spéc. p. 170-177. Ainsi sous la plume de l’apologiste Charles Van Duerm : « Comme saint Grégoire VII à la fin du onzième siècle et Innocent III à l’aurore du treizième, ainsi Pie IX doit être un phare lumineux au commencement de la dernière moitié du xixe siècle. Comme Grégoire VII et Innocent III, Pie IX sera dans le monde un objet de haine pour plusieurs et un sujet de continuelles contradictions » (Vicissitudes politiques..., op. cit., p. 166-167).
49 Storia della legislazione italiana..., op. cit., p. 619.
50 Costumi di Roma antica e moderna. Dialogo fra Angelo Brunetti detto Ciciruacchio ed altri popolani esposto dal Cav. Giuseppe d’Este per trattenimento alla guardia civica dello Stato Pontificio, Rome, 1847.
51 R. Aubert, Vatican I, Paris, 1964, p. 35. Le caractère nuisible prêté à l’entourage du pape est l’une des explications avancées en 1851 par Gioberti dans son ouvrage Del Rinnovamento civile d’Italia (éd. F. Nicolini, Bari, 1911, II, p. 78) : « In Pio come uomo e come sacerdote non via ha che riprendere [...] Ha una di quelle nature buone, candide, amorevoli, ma deboli e irresolute, che, non sapendo deliberare da se medesime, sono ludibrio dei raggiri altrui e preda dei falsi consigli » ; pour autant, selon lui, la compatibilité du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel est chose « difficile, mais pas impossible » (idem, II, p. 263). L’obstacle naît donc moins de la nature des choses que de celle des hommes.
52 « Mi vogliono un Napoleone, diceva, mentre io non sono che un povero cura-to di campagna ! », propos rapporté par E. Masi (Nell’Ottocento..., op. cit., p. 186) qui observe plus loin (p. 198) que « si l’on mettait un Napoléon à la place du pauvre curé de campagne, le résultat pourrait bien être différent ».
53 Ce trait put également nourrir des regrets, tels ceux exprimés par A. Dansette : « Il eût fallu que Pie IX fût un politique de génie pour imposer un gouvernement libéral à l’État le plus arriéré de l’Europe, malgré la sourde opposition de cardinaux acharnés à défendre les abus, qu’ils prenaient pour des traditions, et la surenchère des démagogues pressés de s’emparer du pouvoir » (Histoire religieuse de la France contemporaine. L’Église dans la mêlée politique et sociale, I, Paris, 1948, p. 359).
54 G. Mazzini, Scritti editi ed inediti. Appendice, a cura di A. Monti, VI, Imola, 1925, p. 527 ; N. Tommaseo, lettre à G. Capponi du 4 octobre 1847, dans N. Tommaseo – G. Capponi. Carteggio inedito dal 1833 al 1874, 2. – 1837-1849, éd. I. Del Lungo et P. Prunas, Bologne, 1914, p. 544 ; G. Montanelli, Memorie sull’Italia e specialmente sulla Toscana dal 1814 al 1850, Florence, 1963, p. 288 ; Lettre de Lord Pinto à Palmerston du 12 novembre 1847, dans Gran Bretagna e Italia nei documenti della missione Minto, 1. – 21 agosto 1847 – 4 febbraio 1848, a cura di F. Cura-to, Rome, 1970, p. 183.
55 Le juriste italien E. Poggi évoque un Pie IX « mal consigliato dai più astuti nemici della causa italiana » (« Del dominio temporale dei papi, a proposito della legge sulle annessioni. Lettera al senator Silvestro Centofanti, 25 ottobre 1860 », dans Discorsi economici, storici e giuridici, Florence, 1861, p. 337-365, cit. p. 353). À cette défiance de la Curie est supposée s’associer celle des éléments les plus rétrogrades du clergé romain : « Intanto i preti aristocratici maledivano per ogni parte in coro al Pontefice ; lo screditavano in tutti i luoghi i gesuiti per mezzo dei loro affigliai maschi e femmine » (G. Boschi, Il pretismo e il progresso..., op. cit., p. 15).
56 Aux yeux de Filippo Perfetti, cette distanciation des dirigeants de la Curie fut une grave erreur politique : « Il primo errore degli Italiani fu di confidare in Pio IX senza conoscerlo ; il secondo fu di non compromettere codesti cardinali e prelati, scopertisi all’improvviso Italianissimi : parve un sommo accorgimento isolare il capo dalle membra » (Ricordi di Roma, Florence, 1861, p. 48).
57 Rapport du 28 juillet 1846, reproduit dans A.-M. Ghisalberti, Nuove ricerche sugli inizi del pontificato di Pio IX e sulla Consulta di Stato, Rome, 1940, p. 25. G. B. Castellani, chargé de mission diplomatique de la République véni tienne à Rome dans les années 1848-1849, y voyait un argument en faveur de la non responsabilité du pape : « Pio IX fu quegli degli uomini, che per bontà e per mancanza di genio, sono destinati ad essere strumento del più forte senza pure saperlo, responsabili in minima parte sia del bene che del male » (rapport du 8 février 1849, dans M. Cessi Drudi (éd.), La Repubblica veneta nel 1848-1849, 2. – Documenti diplomatici. Carteggio di G. B. Castellani (ministro di Venezia a Roma, 1848-1849), Padoue, 1954, p. 579-580).
58 O. Giacchi, « Il concordato del Laterano e la tradizione italiana », dans Libertà della Chiesa e autorità dello Stato. Studi, Milan, 1963, p. 69.
59 C. Ghisalberti, Storia costituzionale d’Italia 1848-1948, Bari, 1998, p. 20-21.
60 Sur l’histoire des doctrines constitutionnelles en Italie à cette période, voir A. Giannini, « Gli studi di diritto costituzionale in Italia (1848-1948) », Rassegna di diritto pubblico, 1949, 1, p. 79 et s. et M. Galizia, « Diritto costituzionale : profili storici », dans Enciclopedia del diritto, 12, 1964, p. 962 et s. La limitation des pouvoirs du souverain tend à faire ranger ces textes dans la catégorie des pactes, émanant non pas de la seule volonté populaire ni de la seule décision du prince (système de l’octroi), mais ayant une origine mixte et s’analysant en un contrat entre deux puissances affrontées. Cette classification est notamment proposée par P. Bastid, Les institutions politiques de la monarchie parlementaire française (1814-1848), Paris, 1954, p. 141-142.
61 Sur V. Cuoco (1770-1823), voir la notice de M. Themelly, sub voce, dans le Dizionario biografico degli Italiani, 31, 1985, p. 388-402. G. D. Romagnosi, Della costituzione di una monarchia nazionale rappresentativa (La scienza delle costituzioni), éd. G. Astuti, Rome, 1937, 2 vol. Cf. C. Ghisalberti, « Appunti per una storia costituzionale dell’Italia liberale », Rassegna storica del Risorgimento, 58/4, 1971, p. 503-531, ici p. 509-510.
62 C. Ghisalberti, Storia costituzionale d’Italia..., op. cit., p. 23. Émigré politique à Genève à partir de 1815, professeur de droit grec et romain de cette université, collaborateur assidu de plusieurs revues juridiques et économiques, il est chargé par la Diète confédérale helvétique de rédiger un nouveau texte constitutionnel pour la Suisse, qui toutefois ne fut pas adopté. Professeur d’économie politique au Collège de France en 1833, puis de droit constitutionnel à la Sorbonne à partir de l’année suivante (premier titulaire de la chaire de droit constitutionnel créée à la Faculté de droit de Paris), il est l’auteur d’un Cours d’économie politique publié en 1840-1841. Président de l’Académie des sciences morales et politiques, il est ensuite absorbé par l’activité politique en qualité de Pair de France (1839) et de conseiller de Louis-Philippe, puis d’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la France près le Saint-Siège (4 mars 1845) pour régler avec la Curie le délicat dossier des Jésuites dont une partie de l’opinion publique française réclamait l’expulsion. Ayant obtenu « un franc succès » (S. Mastellone, « Pellegrino Rossi ambasciatore francese a Roma e il problema italiano secondo la corripondenza particolare », Rivista storica italiana, 61, 1949, p. 77), il est nommé ambassadeur de France à Rome le 17 mai 1846, charge qu’il occupe jusqu’à la chute de Louis-Philippe en février 1848. Cf. C. Cavour, Diari (1833-1856), II, a cura di A. Bogge, Rome, 1991, p. 566 n. 76. Fernand Mourret, évoquant la participation de P. Rossi au gouvernement pontifical, juge que « peu d’hommes étaient, à cette époque, plus versés dans la science théorique et pratique du droit public et du droit constitutionnel » (L’Église contemporaine..., op. cit., p. 351).
63 Aux yeux de P. Rossi, la Charte octroyée de 1814 avait donné naissance à un système intermédiaire entre la monarchie tempérée et le régime parlementaire, fruit du compromis entre les conceptions de l’Ancien Régime et le principe révolutionnaire de la souveraineté nationale, mais ne prévoyait pas en détail les modalités d’exercice du pouvoir. Charles X avait cru pouvoir empêcher, par la renonciation au maintien d’une relation de confiance entre le gouvernement et les deux Chambres, l’affermissement du régime parlementaire. La vertu originelle de la Charte révisée de 1830 était d’apparaître, avec la notion de pacte, comme un lien contractuel entre le souverain et la nation, et dans la conciliation entre la légitimité dynastique du « roi des Français » et une souveraineté nationale assortie d’une série de garanties d’exercice des libertés, de la transformation de la pairie héréditaire en pairie élective, et de l’extension du suffrage (J.-J. Chevallier, Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à nos jours, Paris, 71985, p. 195-197). Sur le jugement porté par P. Rossi sur les documents constitutionnels français, voir surtout C. Ghisalberti, « Pellegrino Rossi e il costituzionalismo della monarchia di Luglio », Rassegna storica del Risorgimento, 55/4, 1968, p. 515 et s. et, du même, Stato e costituzione nel Risorgimento, Milan, 1973, p.163 et s.
64 P. Rossi, Cours de droit constitutionnel, professé à la Faculté de droit de Paris, recueilli par M. A. Borée, précédé par une introduction par M. C. Boncompagni, dans Œuvres complètes, publiées sous les auspices du Gouvernement italien, Paris, 1866-1867, t. I. (divisé en quatre livres). L’auteur voit dans la constitution, au sens formel, « la loi des pays libres, [ceux] qui se sont soustraits au règne du privilège [entendu comme « loi privée »] et ont réussi à se doter d’organisations libres » (p. 7-8). Sur la genèse du libéralisme constitutionnel français, voir G. Conac et J. P. Machelon (dir.), La constitution de l’an III. Boissy d’Anglas et la naissance du libéralisme constitutionnel, Paris, 1999, et J.-P. Clément, Aux sources du libéralisme français. Boissy d’Anglas, Daunou, Lanjuinais, Paris, 2000.
65 Sur la question du contraste entre l’organisation politico-administrative de l’Église et les idées de la Révolution française, voir C. Ghisalberti, « Il costituzionalismo del ’48 », Rassegna storica del Risorgimento. Numero speciale per il 150° anniversario del 1848, 85, 1998, p. 39-48, surtout p. 40.
66 Cf. S. Mastellone, « La costituzione degli Stati Uniti d’America e gli uomini del Risorgimento (1820-1860) », dans Italia e Stati Uniti nell’età del Risorgimento e della guerra civile, Florence, 1961, p. 261 et s., et C. Ghisalberti, Stato, nazione e costituzione nell’Italia contemporanea, Naples, 1999, p. 51 et s. Le modèle anglais était en revanche prôné pour l’État pontifical par nombre d’observateurs étrangers. Stendhal fut de ceux-là dès 1817 : « L’Italie, ne pouvant plus espérer cette École polytechnique qui aurait mis la noblesse du côté des idées libérales, il lui faut faire son éducation, mais la faire avec les gens les plus différents d’ellemême. Cela facilitera le moment du départ. Elle est du Midi, il lui faut des maîtres du Nord ; elle est éminemment catholique, il lui faut des maîtres protestants ; elle a dans le sang trois siècles de despotisme, il lui faut des maîtres constitutionnels : tout cela lui indique l’Ecosse et l’Angleterre ». (Rome, Naples et Florence en 1817, dans Voyages en Italie. Textes établis, annotés, présentés par V. Del Litto, Paris, 1973, p. 146, passage daté du 18 juillet 1817).
67 Voir les réflexions de C. Ghisalberti, « Il costituzionalismo democratico nel 1848-1849 », Rassegna storica del Risorgimento. Numero speciale per il 150° anniversario della Repubblica romana del 1849, 86, 2000, p. 175-188, spécialement p. 179-181.
68 G. Poggi, La vicenda dello Stato moderno. Profilo sociologico, Bologne, 21995, p. 131.
69 G. Ermini reconnaît dans le mouvement des codifications nationales du xixe siècle « l’évidente et persistante universalité du droit romain », les codes révélant « leur origine romaine commune par les fréquentes identités ou affinités de structures et de terminologies, de principes et de normes » (« Tradizione di Roma e unità giuridica europea », Archivio della Romana deputazione di storia patria, 67, 1944, repris dans Scritti di diritto comune, D. Segoloni (éd.), Padoue, 1976, p. 59-126, extrait cité p. 113-114).
70 G. Roothaan à I. A. de Pilat, lettre du 4 mars 1848, dans Epistolae Ioannis Phil. Roothaan, III, 2, p. 222. Sur la figure du P. Roothaan, voir P. Pirri, P. Giovanni Roothaan XXI Generale della Compagnia di Gesù, Isola del Liri, 1930.
71 G. Campanini, « Dalle ‘Cinque Piaghe’ alla ‘missione a Roma’. Il progetto riformatore di Antonio Rosmini », Ricerche di storia sociale e religiosa, 56, 1999, p. 205-212, ici p. 205. L’ouvrage fut rédigé entre novembre 1832 et mars 1833, dans les premiers temps du pontificat de Grégoire XVI, mais l’auteur « tint prudemment secret ce programme de réformes jusqu’à l’avènement de Pie IX » (L. Mauro, « Le tematiche relative alla riforma della Chiesa entro la missione a Roma », dans Della missione a Roma di Antonio Rosmini Serbati negli anni 1848-1849, éd. L. Malusa, Stresa, 1998, p. clix-clxxiii, ici p. clxii). L’ouvrage fut publié à Lugano sans nom d’auteur avec le sous-titre « Trattato dedicato al clero cattolico » ; il fut mis à l’Index, sur les rapports du théologien dominicain Giacinto De Ferrari et probablement de Mgr Corboli Bussi, par décret du 30 mai 1849. Voir G. Martina, « La censura romana del 1848 alle opere del Rosmini », Rivista Rosmi niana, 62, 1968, p. 384-409 ; 63, 1969, p. 24-49, et L. Malusa, « In margine al ‘commentario’ rosminiano : gli ‘argomenti’ della congregazione dell’Indice », Ricerche di storia sociale e religiosa, 56, 1999, p. 213-238, spéc. p. 218-230. Les cinq maux identifiés par Rosmini étaient le fruit de l’élargissement d’un fossé entre le clergé et les fidèles, provoqué par l’usage du latin dans la liturgie, l’insuffisante formation du clergé, l’excessive dépendance des évêques envers les princes, l’absence de rôle du bas clergé et des fidèles en matière de nomination des évêques, et de contrôle des biens de l’Église par les pouvoirs civils. Cf. P. Marangon, Il risorgimento della Chiesa. Genesi e ricezione delle ‘Cinque piaghe’ di A. Rosmini, Rome, 2000.
72 L’opuscule parut simultanément à Milan (Redaelli, 1848, 112 p.) et à Naples (C. Batelli, 1848, 72 p.), en appendice aux réflexions de Rosmini Sull’unità d’Italia.
73 Voir F. Traniello, « Rosmini e Gioberti e le rivoluzioni del ‘48 », Ricerche di storia sociale e religiosa, nouv. sér., 55, 1999, p. 93-104, spécialement p. 95, et Rosmini e la cultura del Risorgimento. Attualità di un pensiero storico-politico, Atti del V Convegno Sacrense, 7-8 giugno 1996, U. Muratore (éd.), Stresa, 1997.
74 Cf. R. Aubert, Le pontificat de Pie IX..., op. cit., p. 32. L’abbé piémontais jouit dans un premier temps d’une certaine faveur dans les milieux de la Curie, que traduit sa nomination le 2 octobre 1848 en qualité de consulteur de la congrégation de l’Index ; cependant, sa pensée, profondément originale, fut bientôt jugée dangereuse à Rome, en ce qu’elle confinait à un « populopapisme » prenant le relais du césaropapisme depuis longtemps décrié. Augustin Theiner écrit ainsi en 1849 : « Nous avons eu dans l’histoire un césaro-papisme, et l’Église s’en est plainte à larmes amères. Rosmini, sans le vouloir [...] conduit avec ses principes à un populopapisme (populopapismo) dont les chaînes seraient certainement encore plus lourdes et terribles que celles du césaro-papisme » (Lettere storicocritiche intorno alle Cinque Piaghe, Naples, 1849, p. 192). Mgr Theiner, consulteur de l’Index en 1840 – où il fut donc le collègue de Rosmini – fut ensuite nommé consulteur du Saint Office (5 mai 1850) et de la congrégation des Évêques et Réguliers (12 mai 1850). Ces nominations figurent dans les Protocolli de la secrétairerie d’État (ASV. Segr. Stato. Protocolli, vol. 203, respectivement n° 15622 et 15778). Le 14 mars 1851, Mgr Theiner devint préfet coadjuteur des Archives vaticanes.
75 Rosmini voyait dans les deux postulats de l’inviolabilité « de tous les droits et des droits de tous » le seul antidote aux « vices » des « constitutions à la française ». Cf. E. Botto, « Il pensiero politico rosminiano », dans Della missione a Roma..., op. cit., p. lxxi-xcvi, ici p. xciv. Voir aussi F. Traniello, Società religiosa e società civile in Rosmini, Bologne, 1966 ; G. Campanini, Antonio Rosmini e il problema dello Stato, Brescia, 1983, et l’ouvrage collectif coordonné par L. De Finis, Antonio Rosmini e il suo tempo nel bicentenario della nascità. Atti del seminario 20 febbraio-5 giugno 1997, Trente, 1998.
76 P. Rossi, « Sur l’histoire de France sous Napoléon », Mélanges d’économie politique, II, Paris, 1857, p. 238 : « [Rome] en tant qu’État avait déserté la cause de la civilisation pour celle du privilège, celle de l’intelligence pour celle du pouvoir et avait mis au service de toutes les oligarchies l’Inquisition et l’Index ». Cf. L. Chevailler, « Pellegrino Rossi, ministre de Pie IX », dans Des libertés et des peines. Actes du colloque Pellegrino Rossi, Genève, 23-24 novembre 1979, Genève, 1980, p. 249-262.
77 Voir P. Rossi, « Chronique politique du 31 octobre 1842 », publiée dans la Revue des Deux-Mondes (livraison de 1842) : « Les gouvernements constitutionnels sont aujourd’hui la force et la gloire de l’Europe ; l’avenir de Rome est là, dans son alliance intime avec les gouvernements constitutionnels. [...] Rome sait proportionner l’instrument séculier aux temps, aux circonstances, aux besoins. Elle ne se sépare jamais définitivement de l’avenir et celui-ci appartient aujourd’hui aux gouvernements constitutionnels ».
78 Selon le titre de l’ouvrage de L. Namier, 1848 : The Revolution of the Intellectuals, Londres, 1946 (trad. ital., Turin, 1957).
79 C. Van Duerm, Vicissitudes politiques..., op. cit., p. 172.
80 Cette inertie des juristes de la Rome pontificale tient à un ensemble complexe de facteurs, parmi lesquels la persistance d’une culture juridique essentiellement privatiste, dominante dans toute l’Italie et une large partie de l’Europe, « imperméable aux nouvelles méthodes » (L. Moscati, « Insegnamento e scienza giuridica... », art. cit., p. 304), et la difficulté de tracer une ligne fiable de démarcation entre droit civil et droit canonique, dépendant largement lui aussi de concepts et d’outils hérités du droit privé. De façon générale, Savigny, séjournant à Rome en 1827, avait constaté la faiblesse théorique des enseignements dispensés à la Sapienza, relayé sur ce point en 1830 par l’archichancelier de l’Université, le cardinal Galleffi, dans un rapport très critique sur le niveau didactique et scientifique des professeurs de droit. Voir sur ce point L. Moscati, « Savigny a Roma », Rivista di storia del diritto italiano, 69, 1996, p. 29-48. À ce cadre conceptuel s’ajoute la position plutôt marginale occupée par les enseignants universitaires dans la vie juridique de l’État romain, la Curie préférant recourir aux juristes dépendant directement d’elle (auditeurs de Rote et avocats consistoriaux surtout). Sur la situation de la science juridique à Rome et son évolution, voir infra, p. 587 et s.
81 L’adjectif est ici entendu en un sens général, en conservant à l’esprit le caractère approximatif de telles étiquettes. On peut retenir, en suivant la typologie sommaire et très originale proposée par G. Spada, trois « sections » politiques du temps, composées « la prima degli uomini che sembravano volere, almeno per allora, la conservazione del papato ammoderato bensì è portato alle idee del giorno. La seconda degli uomini che miravano ad entrare nella sala dorata della repubblica, passando prima per l’anticamera del papato costituzionale. La terza di quei che il diritto giungere volevano alla repubblica senza passare per tante trafile nè di papato, nè di ordini rappresentativi ; e questo ci sembra essere stato allora il partito più abile e coerente, o per lo meno (senza approvarne lo scopo e le dottrine) il più sincero » (Storia della rivoluzione di Roma e della restaurazione del Governo pontificio dal 1° giugno 1846 al 15 luglio 1849, I, Florence, 1868, p. 44-45). L’auteur admettait du reste que ces trois catégories pouvaient s’interpénétrer (idem, p. 46).
82 L’expression de « période réformiste du pontificat de Pie IX », assez fréquemment employée par l’historiographie, est acceptable à condition de ne pas conférer à ce terme, né des luttes électorales qui aboutirent en Grande-Bretagne à l’adoption du Reform Act en 1832, la signification précise qu’il possède aujourd’hui en histoire des idées politiques. Cf. l’article « réformisme » de J. Julliard, dans Encyclopaedia Universalis, 13, 1968, p. 1068-1069. Dans un ouvrage récent, X. de Montclos emploie le terme au sens d’histoire des mouvements de réforme dans l’Église (Réformer l’Église. Histoire du réformisme catholique en France de la Révolution à nos jours, Paris, 1998), reprenant à son compte la critique largement répandue du pontificat grégorien : « L’État pontifical offrait l’exemple d’un archaïsme déplorable » (p. 92). Voir aussi A. Ara, « La fase liberale e riformatrice di Pio IX », dans T. Heydenreich (éd.), Pius IX. und der Kirchenstaat in den Jahren 1860-1870. Ein deustch-italienisches Kolloquium, Erlangen, 1995, p. 9-25.
83 D. Silvagni sous-entend un aveuglement dangereux de la part de Pie IX : « Intento è positivo che il Principe non sapeva nè donde cominciare, nè ove finire ; procedeva incerto e sospettoso, e pareva a lui che ogni nuova larghezza che accorda-va, ogni istituzione a cui dava vita, dovessero essere le colonne d’Ercole delle sue liberalità politiche » (La Corte e la società romana nei secoli xviii e xix, Naples, réimpr. 1967, III, p. 421).
84 Voir supra, à propos du Sacré Collège et du système des congrégations à l’époque moderne, p. 44 et s.
85 Cf. V. La Mantia, Storia della legislazione italiana..., op. cit., p. 621 n. 2. Un article (dont l’auteur est seulement désigné par les initiales ‘M. M.’) publié dans Il Felsineo le 1er juillet 1847 encourageait ce type de recours à l’expertise pour que « nelle cose temporali il Pontefice [unisse] alla volontà sua la volontà dei sapienti, e de’migliori dei suoi Stati raccolti a discutere delle cose pubbliche intorno al suo trono paterno » (« Intorno alla notificazione del 22 giugno del Cardinale Gizzi, segretario di Stato », p. 9).
86 Interpellant au Parlement de Turin le député G.-B. Michelini à propos d’une circulaire prise par l’évêque de S. Jean-de-Maurienne, le député de Moutiers Antoine Jacquemoud donnait en décembre 1848 un résumé assez fidèle des termes du débat : « Ramener, s’il était possible, à la vieille théocratie, à l’absolutisme sacerdotal, pour lequel, quoiqu’on en dise, ces messieurs crossés et mitrés conservent toujours une secrète prédilection. Par de telles manœuvres [...] on présente aux yeux des peuples un Ministère démocratique comme un véritable Antéchrist. [...] Aussi bien qu’eux [les évêques] nous voulons le pouvoir spirituel, parce que nous le croyons tout à fait propre à moraliser l’âme du peuple, quand il est contenu dans les vraies limites apostoliques [...]. L’Italie reconnaît avec respect dans Pie IX le prêtre du Christ et non plus le prince temporel [...]. Le lambeau de la robe nazaréenne et le lambeau du manteau princier sont deux morceaux d’étoffe qui désormais ne peuvent plus se coudre ensemble » (Atti del Parlemento subalpino. Sessione 1848. Camera dei deputati. Discussioni, Turin, 1856, p. 1165-1166 – séance du 15 décembre 1848). La déchirure de la « tunique sans couture » du Christ s’était opérée cette fois intérieurement et in capite.
87 Cf. Carteggi del P. Luigi Taparelli d’Azeglio, P. Pirri (éd.), Turin, 1932, p. 215. Né à Turin en 1793, frère de Massimo d’Azeglio, Taparelli avait compté parmi les premiers novices de la Compagnie de Jésus après le rétablissement de celle-ci le 7 août 1814. Recteur du Collège romain (1824), il s’attacha à remettre à l’honneur le thomisme ; provincial de Naples (1829-1833), il réunit autour de lui de jeunes jésuites, tels les P. Curci et Liberatore, et quelques auditeurs extérieurs, au nombre desquels Gioacchino Pecci. De 1840 à 1843, il fit paraître à Palerme le monumental Saggio teoretico di Diritto naturale appogiato sul fatto, en cinq volumes. Figurant parmi les premiers rédacteurs de la Civiltà Cattolica, il s’y consacra jusqu’à sa mort le 21 septembre 1862. Voir Ch. Teisseyre, « Taparelli d’Azeglio (Luigi) », Catholicisme, XIV/66, 1995, c. 765-768.
88 Le texte du motu proprio s’ouvrait par cette phrase : « Ottimo sarà l’adunare in un Consiglio i Capi delle Amministrazioni principali dello Stato, e in quello far proporre ed esaminare in comune i più gravi almeno tra gli affari che soglionsi portare per la suprema sanzione alla Nostra Udienza » (texte reproduit dans V. La Mantia, Storia della legislazione italiana..., op. cit., p. 621). Un rapport manuscrit de dix pages, conservé aux archives vaticanes (Spoglio Antonelli, b. 3B, fasc. C) et intitulé « Formazione del Consiglio di Stato de’Ministri, della Segreteria di Stato e del Consiglio de’Ministri », fut peut-être un des documents qui servirent de base de réflexion à l’institution du Conseil des Ministres. Ne portant ni date ni nom d’auteur, le projet entendait « supprimer le flottement (oscillazione) qui, au détriment des affaires publiques, dérive de la promiscuité des attributions des différentes Dicastères supérieurs de l’État pontifical » (f. 1r), et suggérait la création d’une Congregazione di Stato chargée d’examiner les projets de loi et les actes du gouvernement afin d’assurer « l’uniformité des lois et leur exécution régulière » (f. 1v) ; cette congrégation d’État, présidée par le pape (f. 2r) et formée d’au moins douze cardinaux de Curie (f. 2v), absorberait les compétences des congrégations du Buon Governo, des Eaux et Routes, du Censo et des Études. La vice-présidence – c’est-à-dire la direction effective – de la congrégation serait confiée au cardinal camerlingue, « che per la di lui dignità e per le Costituzioni Apostoliche è il primo Magistrato della R. C. A. » (f. 2v), assisté des Clercs de la Chambre qui dirigeraient les quatre sections de la congrégation (Justice et Police, Armée, Intérieur et Instruction publique, Finances). Leurs résolutions seraient communiquées aux ministères, placés sous « la haute direction d’un Cardinal avec le titre de secrétaire d’État » (f. 4v). Détenteurs du pouvoir exécutif et judiciaire [et donc conçus sur le modèle des congrégations romaines les plus importantes], les ministères seraient l’expression de « quella centralità de’poteri che, massime ne’tempi presenti, è indispensabile ad ogni Governo » (f. 4v). Dirigés par des prélats, habitués à la gestion de l’État et aussi plus naturellement soumis à l’autorité du cardinal secrétaire d’État (f. 5r), qui en outre les nommerait et les révoquerait (f. 5v), leur réunion hebdomadaire donnerait lieu à un rapport présenté au pape par le secrétaire d’État. Sept ministères paraissaient « indispensables » (f. 6r) : Justice, Armée, Police, Buon Governo ou Intérieur, Finances, Instruction publique et Beaux-Arts, Travaux publics, Eaux et routes. Enfin, les ministres trouveraient des interlocuteurs en la personne de deux des trois substituts de la secrétairerie d’État, « il primo per gli affari relativi all’ordine diplomatico riservato totalmente all’Em.o Cardinale Segretario di Stato, il secondo per quelli concernenti l’amministrazione della Giustizia, della Polizia, e della forza pubblica, ed il terzo in fine per gli affari di Stato interni » (f. 10r).
89 H. Izdebski, « Direction collégiale... », art. cit., p. 196. « La présence de plusieurs personnes dans l’organisation [collégiale] ne doit pas faire conclure que l’office est pluripersonnel, en donnant à ce terme une signification juridique précise. L’adjectif « pluripersonnel » fournit seulement une description superficielle de l’organisation, sans conséquence juridique. [...] Les pouvoirs sont attribués au collège et non à leurs composantes individuelles » (G.-B. Verbari, « Organi collegiali », dans Enciclopedia del diritto, 31, Milan, 1981, p. 60-83, ici p. 60).
90 « Il Cardinal Segretario di Stato è il Presidente del Consiglio : le sessioni si terranno innanzi di lui, quando non sieno presiedute dal Sovrano » (§ II).
91 Sur cette congrégation, voir infra, p. 238 et s.
92 Voir infra, p. 107 et s.
93 L. Wollemborg voit dans l’art. 7 du motu proprio l’expression de « il più arduo e caratteristico problema che si potesse presentare per la nuova organizzazione degli Stati pontifici quale l’auspicava la corrente moderata nel nome del Papa riformatore » (« Lo Statuto Pontificio nel quadro costituzionale del 1848 », Rassegna storica del Risorgimento, 22, 1935, p. 527-594, cit. p. 530). L.-C. Farini y reconnaît « uno degli atti più importanti del pontificato, quello cioè per cui il potere esecutivo ebbe costituzione degna d’uno Stato civile, nuovissima pel pontificio » (Lo Stato romano dall’anno 1815 al 1850, Florence, 31853, II, p. 283)
94 Outre le cardinal Gabriele Ferretti, secrétaire d’État et ministre des Affaires Étrangères, le ministère était composé, à la fin de 1847, de Mgr Camillo Amici (Président de la Consulta et ministre de l’Intérieur), du cardinal Giuseppe Mezzofanti (ministre de l’Instruction publique et préfet de la congrégation des Études, connu pour son érudition et sa maîtrise d’un grand nombre de langues), de Mgr Roberti (Justice et Grâces), de Mgr Carlo-Luigi Morichini (Finances), du cardinal camerlingue Tommaso Riario Sforza (Commerce), du cardinal Francesco Saverio Massimo (Travaux Publics), de Mgr Rusconi (Armée) et de Mgr Savelli (Police).
95 G. Martina, Pio IX 1846-1850, op. cit., p. 178. Le journal modéré La Bilancia, dans son numéro du 4 janvier 1848, donnait un juste résumé des débats : « Les uns veulent la sécularisation des hautes charges de l’État, les autres que ces postes soient confiés exclusivement à la Prélature [...]. Pour les uns, il ne saurait y avoir ni dignité, ni sécurité, ni esprit civique, si les hommes qui gouvernent appartiennent à l’Église et en portent les insignes [...]. Les autres affirment que dès lors qu’un laïc se sera assis à l’un quelconque des plus hauts sièges du gouvernement, le pouvoir du Saint-Siège sera démantelé, hostes habent muros... » (ibidem). La presse accueillit le motu proprio avec réserve, pointant une responsabilité ministérielle illusoire
96 ASV. Arch. Pio IX. Varia, n°93 : « Per questo, allorchè il Cardinale Ferretti nei principii del suo Segretariato di Stato diceva a certi liberali : secolarizzazione no, costituzione sì ; io in cuor moi dicevo : costituzione no, secolarizzazione dove si può ; non solo perchè la secolarizzazione poteva stare senza la costituzione, mentre la costituzione trascinava dietro per necessità la secolarizzazione ; ma ancora perchè la secolarizzazione, esclusi i punti realmente connessi col Governo della Chiesa, era meglio compatibile con l’indipendenza del Papato, che non una costituzione ».
97 G. Martina relève que cette vague constitutionnelle « achevait presque l’évolution, commencée par Consalvi, du système de gouvernement ‘de chambre’, avec le chevauchement de diverses juridictions, au ‘gouvernement ministériel’ centralisé » (« Pie IX », dans Dictionnaire historique de la papauté, op. cit., p. 1343-1349, ici p. 1346).
98 A. Ventrone, L’amministrazione dello Stato pontificio dal 1814 al 1870, Rome, 1942, p. 8.
99 L’institution d’un ministère des Finances provoqua la disparition de la congrégation Economica, déjà affaiblie avant 1847. Les Notizie per l’anno 1847 précisaient que « in virtù de’nuovi ordinamenti introdotti nell’amministrazione dello Stato dalla Santità di N. S. Papa Pio IX, essendo cessati il Consiglio Supremo Camerale e la Congregazione Economica, è d’uopo cancellare i nomi degli Em.i e R.mi sig. Card. Micara, Lambruschini, Mattei, Brignole, Tosti, T. Riario-Sforza et Bernetti, già componenti il Consiglio e Congregazione suddetta » (p. 435).
100 Un Regolamento organico amministrativo per le Finanze pontificie, dont un exemplaire est conservé aux ASV. Spoglio Antonelli, b. 2A (s. d., mss., 14 p.) explique que ce système centralisé entendait rationaliser ce domaine et éviter en particulier « les opérations superflues qui, bien que multipliant les contacts, rendent plus longues et plus complexes les opérations comptables » (f. 1r).
101 R. Chartier, préface à N. Elias, La société de cour, op. cit., p. iv. Le processus décrit est celui de la transformation d’une aristocratie militaire en noblesse de cour.
102 Francesco Sturbinetti, licencié en droit, avocat et passionné d’antiquité classique, est présenté par Giuseppe Spada, observateur au ton souvent acide, comme « uno dei luminari del Foro romano e [...] uno dei più caldi ammiratori della romana grandezza » (Storia della rivoluzione di Roma..., op. cit., II, p. 101).
103 Cf. R. Santoro, « L’amministrazione dei lavori pubblici nello Stato Pontificio dalla prima restaurazione a Pio IX », Rassegna dell’Archivio di Stato, 49, 1989, p. 45-94.
104 S. Negro, Seconda Roma, op. cit., p. 206.
105 Le ministère de l’Intérieur était dirigé par Recchi, assisté par le sous-secrétaire Farini, Minghetti tenant les Travaux publics, Sturbinetti la Justice, le prince Aldobrandini l’Armée, Pasolini l’Agriculture, Galletti la Police, tandis que le cardinal Mezzofanti, préfet de la congrégation des Études, conservait le portefeuille de l’Instruction publique et Mgr Morichini celui des Finances jusqu’à son remplacement par le laïc Simonetti, prince d’Ancône. Neuf portefeuilles, sur un total de douze, étaient donc détenus par des laïcs.
106 L.-C. Farini, Lo Stato romano..., op. cit., II, p. 178-179.
107 Cité par L. De Ruggiero, « Inghilterra e Stato pontificio... », art. cit., p. 154-155. Sur la figure de Palmerston, voir M. de Leonardis, L’Inghilterra e la Questione romana 1859-1870, Milan, 1980, en particulier le ch. IV, p. 34-45, intitulé « Il trio filo-italiano : Palmerston, Russell, Gladstone ».
108 Une ordinanza de la secrétairerie d’État du 31 décembre délégua provisoirement au tribunal de la Piena Camera la charge des affaires contentieuses que la suppression du dicastère laissait pendantes.
109 Texte du motu proprio dans ASV. Spoglio Antonelli, b. 2B et dans les Atti del S. Pio IX, op. cit., II/1, p. 150-166.
110 G. Martina, Pio IX 1846-1850, op. cit., p. 172. Le même auteur a souligné ailleurs que « per tutto il periodo delle riforme 46-48, e non solo per quanto riguarda la concessione dello Statuto, la documentazione superstite è estremamente scarsa. Non possediamo nulla che ci informi sui dibattiti che precedettero la concessione della legge sulla stampa del 15 marzo 1847, la promessa e l’istituzione della Consulta, la formazione del Municipio romano e del Consiglio dei Ministri » (« Nuovi studi sulle riforme e sullo statuto di Pio IX », Rivista di storia della Chiesa in Italia, 21, 1967, p. 131-145, cit. p. 133).
111 Information donnée sans références par A.-M. Ghisalberti, Nuove ricerche..., op. cit., p. 39.
112 M. Caravale – A. Caracciolo, Lo Stato pontificio..., op. cit., p. 647. L. Galeotti prônait la création d’un « Conseil général » composé de députés choisis pour partie par le gouvernement sur des terne présentées par les conseils provinciaux, et pour partie par des représentants des autres corps et institutions de l’État, ainsi que d’une « Congrégation centrale », véritable « Sénat consultatif », dont les membres seraient nommés à vie par le pape (Della sovranità e del governo temporale..., op. cit., p. 249-251). Sur ce projet, voir en particulier G. Calamari, Leopoldo Galeotti e il moderatismo toscano, Modène, 1879, p. 1-44. Gioberti avait quant à lui envisagé un « Conseil civil », à la fois « magistrature suprême » et « sénat légal et administratif » (Del primato morale e civile..., op. cit., I, p. 156-161).
113 S. Spaziani et L. Palumbo soulignent le contraste entre la modération souhaitée par la Curie et une évolution de l’opinion qui, à partir d’avril 1847, passe de la revendication d’une représentation consultative à celle d’une représentation délibérante (La Repubblica romana del 1849 e i Bolli di Roma, Rome, s. d., p. 11).
114 Cf. F. A. Gualterio, Gli ultimi rivolgimenti italiani, I, Florence, 1851, p. 240-242.
115 Sur les organes locaux et leurs relations avec le pouvoir central, voir infra, p.143 et s.
116 Aux termes de l’art. 14, celle-ci s’élevait à 600 écus pour les représentants des Légations, 500 pour ceux des délégations de 1e classe, 400 pour ceux des délégations de 2e classe, 300 aux consulteurs désignés par la province de Rome et de la Comarque comme à tous ceux qui résidaient déjà dans la capitale. Le fait d’avoir laissé aux provinces cette charge financière explique pour partie les réticences et les lenteurs auxquelles la Curie se heurta pour la désignation des consulteurs provinciaux, notamment ceux de Bénévent. Voir sur ce point A.-M. Ghisalberti, Nuove ricerche..., op. cit., p. 42-50.
117 G. Ferrari, « Ausiliari organi (diritto costituzionale) », dans Enciclopedia del diritto, 4, Milan, 1959, p. 319-324, emploie l’expression d’« inautonomia dell’ausiliarietà » pour désigner ce type de rapports juridiques (p. 319). Ce qui lui valut l’appellation péjorative de Parlamentino (par exemple A. Lodolini, « Un archivio segreto del cardinale Antonelli », Studi romani, 1, 1953, p. 510-520, ici p. 512).
118 Lettre de Pellegrino Rossi à Guizot, 28 juillet 1847, citée par L. Ledermann, Pellegrino Rossi. L’homme et l’économiste 1797-1848. Une grande carrière internationale au xixe siècle, Paris, 1929, p. 338. De son côté, dans les premiers mois de 1847, Mgr Matteucci soutenait le projet d’un organe consultatif laïc placé aux côtés du Conseil des ministres.
119 Avec pragmatisme, Mgr Corboli Bussi observa plus tard que « negare la pubblicità legale non chiuderà le mille vie della pubblicità illegale, e.... la pubblicità legale preverrà le menzogne » (cité par A. Manno, L’opinione religiosa..., op. cit., p. 174-175).
120 Minghetti se plaignit de cette marginalisation de la Consulta en ces termes : « Quando i nostri rapporti erano presentati al governo, lodavansi grande-mente, e si mostrava di prendere grande interesse alle proposte fatte. Ma poi sorgevano le difficoltà, si frapponevano indugi all’attuazione loro, e spesso le proposte medesime erano messe nel dimenticatoio » (Miei ricordi..., op. cit., I, p. 314).
121 ASV. Arch. Pio IX, Varia, n° 325 : « Dilata et ad mentem. E la mente è che in questo articolo si procuri di andare d’accordo con gli altri governi d’Italia ».
122 A.-M. Ghisalberti, Nuove ricerche..., op. cit., p. 59 et 75-76.
123 Au jugement de Frédéric Ozanam, « Le silence du découragement régnait dans les États romains, où l’on n’espérait plus rien, ni du pouvoir ni de l’insurrection » (article publié dans l’Ère nouvelle du 16 avril 1848).
124 Les sections de la Consulta, à raison de leur objet, intervenaient : « 1. Negli affari governativi che tocchino l’interesse o generale dello Stato, o speciale di una e più Provincie [affaires pour lesquelles était prévue la réunion conjointe d’une ou plusieurs sections, voire une réunion plénière de la Consulta] ; 2. Nel compilare, riformare e modificare leggi, come pure rediggere ed esaminare regolamenti amministrativi ; 3. Nel creare ed ammortizzare debiti, imporre, togliere e diminuere dazj, alienare benj e diritti proprj dello Stato ; 4. Nel concedere nuovi appalti, e confer-mare quelli esistenti ; 5. Nel determinare le tariffe doganali, e stabilire trattati di commercio ; 6. Nell’esaminare i preventivi, e rivedere i consuntivi tanto generali quanto delle singoli amministrazioni dello Stato, pronunciando su i medesimi le relative sentenze sindicatorie ; 7. Nel rivedere, e riformare le attuali organizzazioni dei Consigli communali e provinciali ».
125 Rapport de Lützow à Metternich, 16 octobre 1847, reproduit par A.-M. Ghisalberti, Nuove ricerche..., op. cit., p. 55-56, ici p. 55 : « Je croirais déroger à la dignité et à la haute importance dont le Pape a voulu doter Sa création en rendant la dénomination de Consulta par Conseil d’État : j’y vois un suprême arbitre placé au-dessus du Conseil des ministres, la première de toutes les autorités administratives et gouvernementales de cet État, puisque, ainsi que le prouve l’article 44 de cette loi, le Sacré Collège est réduit à une influence tellement minime et rare qu’elle pourra être considérée comme nulle ». Dans un rapport ultérieur (23 octobre), le diplomate autrichien affirmait que « le parti dominant considère la Consulta, c’est-à-dire les vingt-quatre consulteurs, comme représentant la Chambre des députés, tandis qu’au Conseil des ministres on accordera la valeur d’une Chambre des pairs » (idem, p. 58).
126 Miei ricordi, op. cit., I, p. 298.
127 A. C. Jemolo, Chiesa e Stato..., op. cit., p. 55. A. Balleydier avance que le discours de Pie IX avait été « improvisé à l’instant même, et par conséquent ignoré de ses ministres » (Histoire de la révolution de Rome. Tableau religieux, politique et militaire de années 1846-1850 en Italie, Genève, 1851, p. 58).
128 « Un regolamento speciale da redigersi dalla sezione amministrativa, e da discutersi in adunanza generale, determinerà le regole che la Consulta di Stato debba tenere in trattare, deliberare e sindicare gli affari, come pure marcherà i rapporti della medesima cogli altri Dicasteri ».
129 « Sopra il motu proprio della Consulta di Stato », La Bilancia, 17 octobre 1847. Professeur d’Université et avocat, F. Orioli fut député et conseiller d’État en 1848.
130 Rapport d’Auguste De Liedekerke Beaufort, 26 avril 1847, cité par A.-M. Ghisalberti, Nuove ricerche..., op. cit., p. 35.
131 Les réactions de la presse à la publication du motu proprio ont été présentées par A. Ara, Lo Statuto fondamentale dello Stato della Chiesa (14 marzo 1848). Contributo ad uno studio delle idee costituzionali nello Stato Pontificio nel periodo delle riforme di Pio IX, Milan, 1966, p. 46-53.
132 P. Bastid, Les institutions politiques..., op. cit., p. 139. Certes, en 1814, le terme de constitution avait été employé par Louis XVIII dans la Déclaration de Saint-Ouen, mais il s’agissait là d’un emploi de circonstance. Le vocable de charte (ou celui d’« ordonnance de réformation », préconisé par le chancelier Dambray) correspondait davantage à la pensée des fondateurs de la Restauration, et évoquait naturellement pour les libéraux la Magna Carta anglaise de 1215 et les libertés communales de la France médiévale. Ce qu’écrit P. Bastid à propos de la France de Louis XVIII semble valoir largement pour les États pontificaux des débuts du pontificat de Pie IX : « En la forme, elle [la Charte] émane du Roi seul ; mais, pour peu qu’on aille au fond des choses, on s’aperçoit que la volonté du Roi n’était pas libre. Dans la situation morale et politique où se trouvait alors la France, Louis XVIII n’aurait jamais pu se faire accepter par le pays s’il n’avait pas satisfait en quelque manière ses aspirations à la liberté » (idem, p. 140).
133 Nombre de constitutions de la péninsule adoptent cette dénomination de Statuto : ainsi les décrets organiques du royaume d’Italie (1805 et 1810), la constitution napolitaine de 1808, puis, pour la seule année 1848, la charte toscane (5 février), la constitution piémontaise (4 mars, dite Statuto albertino du nom du souverain Charles-Albert) et la constitution sicilienne du 19 mars. Cf. V. Italia, « Statuto », dans Enciclopedia del diritto, 43, 1990, p. 977-981, et P. Biscaretti di Ruffia, « Statuto albertino », idem, p. 981-998. On ne peut donc, pour une simple question de chronologie, faire droit à l’affirmation très favorable à la papauté de F. Mourret selon laquelle « en 1846, Pie IX avait essayé de diriger ce grand courant [d’une Italie une et constitutionnelle]. Il avait convié les princes italiens à rajeunir leur gouvernement, à se dessaisir d’une partie de leurs attributions pour mieux gagner la confiance de leurs peuples ; et lui-même, donnant l’exemple, avait inauguré dans ses États, aux applaudissements de ses sujets et du monde, le régime constitutionnel » (L’Église contemporaine..., VIII/1, op. cit., p. 395).
134 G. Martina, « Nuove studi sulle riforme e sullo Statuto di Pio IX », Rivista di storia della Chiesa in Italia, 20, 1967, p. 131-139, ici p. 133. Voir cependant ASV. Segr. Stato, rubr. 165, fasc. 7, f. 103-107, un projet anonyme et non daté de Statuto, en douze articles, peut-être de la main de Mgr Mertel, dont certains, tels D. Klitsche de la Grange Annesi (« Un ministro di Pio IX : il cardinale Mertel », Roma, 19, 1941, p. 265-276) et R. U. Montini (« Mertel, Teodolfo », dans Enciclopedia cattolica, VIII, Cité du Vatican, 1952, col. 748-749) font à tort le seul auteur d’un projet de Statuto qui aurait été accueilli par Pie IX sans aucune modification. Voir aussi L. Pásztor, « Il cardinale Mertel... », art. cit., p. 444 n. 14.
135 [G. B. Palma], Statuto costituzionale. Studi di mons. Palma per dimostrare che i papi accettarono a Roma in altri secoli un Senato laico e ciò per giustificare col mezzo di un precedente le concessioni politiche di Pio IX, Rome, s. d. Mgr Palma, né à Rome le 26 mars 1791, consulteur de la congrégation de l’Index, était secrétaire du collège théologique de l’université romaine, où il enseignait également l’histoire ecclésiastique. Il fut nommé (peut-être à la suite du rapport précité) secrétaire des Lettres Latines en avril 1848. Auteur des Praelectiones Historiae Ecclesiasticae (Rome, 1838), son nom reste attaché à l’épisode sanglant dont il fut victime, le 16 novembre 1848, atteint par une balle tirée à travers une des fenêtres du palais du Quirinal.
136 Rapport du 15 février 1848, cité par L. Wollemborg, « Lo Statuto Pontificio... », art. cit., p. 561.
137 G. Martina, « Nuove studi sulle riforme... », art. cit., p. 132. Cette définition correspond davantage à celle d’une instance de contrôle de constitutionnalité des lois que d’une cour de cassation stricto sensu. Marco Minghetti voyait, dans l’identification de la chambre haute au Sacré Collège et donc de celui-ci à un « corps politique », une composante irréductible de l’identité du pouvoir pontifical, mais aussi un élément purement « italien » (Miei ricordi..., op. cit., I, p. 336-337).
138 A. Manno, L’opinione religiosa..., op. cit., p. 191.
139 L. Wollemborg, « Lo Statuto Pontificio... », art. cit., p. 564.
140 Sterbini, Il Contemporaneo, 26 février 1848.
141 Atti del S. P. Pio IX, I, pars 2a, Rome, 1857, p. 222-238 ; Le Costituzioni italiane, A. Aquarone, M. D’Addio, G. Negri (éd.), Milan, 1958, p. 597-607.
142 Statuto, art. 61. R. Palmarocchi affirme qu’au Sacré Collège était ainsi réservé une sorte de droit de veto, qu’il pouvait exercer en toute immunité, dans la mesure où ses délibérations demeuraient secrètes (« Alcuni aspetti della politica di Pio IX... », art. cit., p. 706).
143 La définition des questions mixtes fut source de difficultés, s’agissant « di realizzare nello spirito e nel testo del Statuto questo tour de force giuridico-politico : distinguere nella persona del Sovrano il Pontefice ed il Principe, delimitare le due sfere d’attribuzioni, per poter tracciare precisi confini a quel potere legislativo, temporale e laico, che veniva a porsi accanto al potere esecutivo del Pontefice in quanto Principe costituzionale » (L. Wollemborg, « Lo Statuto Pontificio », art. cit., p. 568). Le Statuto ménage néanmoins la possibilité pour les conseils d’être consultés sur les matières mixtes, mais sans pouvoir de décision : « Negli affari misti possono in via consultiva essere interpellati i Consigli » (art. 37).
144 De manière générale, le Statuto ne prévoyait aucune modalité pour sa propre révision ; il s’écartait en cela d’une définition stricte de la constitution qui se conçoit « du document qui, s’énonçant régulièrement lui-même comme constitutionnel, ne peut être régulièrement modifié, abrogé ou violé que par une règle interne élaborée selon une procédure spécifique qu’il définit seul » (D. de Béchillon, Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l’État, Paris, 1996, p. 55).
145 Le Statuto appliquait pour les deux conseils une solution proche de celle qui avait été recommandée par Luigi Mastai pour les débats de la Consulta : à la requête de dix de ses membres, chacun des conseils pouvait siéger en formation secrète (Comitato segreto).
146 Voir sur ce point infra, p. 200.
147 Dans les autres États italiens, la confessionalité connaissait une graduation : à Naples était exclu l’exercice de toute autre religion ; à Turin, les autres cultes étaient tolérés, à Florence autorisés. Comme le suggère G. Martina, les lois fondamentales adoptées alors à Naples, à Florence et à Turin « offrono larga mate-ria di meditazione allo storico e al giurista » (« Nuovi studi sulle riforme... », art. cit., p. 137). La remarque vaut pour les caractères de la propriété (art. 9 du Statuto romain, à confronter avec les dispositions plus ouvertes ou « libérales » de la constitution mazzinienne de 1849), la défense des droits fondamentaux du citoyen (art. 6), l’égalité de ceux-ci devant la loi (art. 4) ou encore l’indépendance des organes de l’État (art. 34).
148 Raccolta delle leggi e disposizioni di pubblica amministrazione nello Stato Pontificio emanate nel pontificato di papa Pio IX, II. – Atti pubblicati dal I gennaio al dì 15 novembre 1848, Rome, 1850.
149 Les noms des quinze premiers conseillers (onze laïcs et quatre ecclésiastiques) furent publiés le 13 mai 1848. Parmi les laïcs, trois étaient professeurs d’université (Francesco Orioli, Salvatore Betti, Pietro Carpi) et sept avvocati, c’est-à-dire praticiens du droit (Giuseppe Giuliani, Giuseppe Piacentini, Michele Adriani, Filippo Bonacci, Pietro Pagani, Francesco Sturbinetti, Marco Antonio Ridolfi). Le marquis Ludovico Potenziani était le seul représentant de la noblesse romaine. Outre Mgr Ignazio Alberghini (voir sur lui infra, p. 122), les ecclésiastiques étaient représentés par Ildebrando Rufini, Giovanni Battista Palma (cf. sur lui supra, p. 115), et Carlo Luigi Morichini. Ce dernier, né à Rome en 1805, prélat référendaire des deux Signatures en 1833, rapporteur (ponente) de la congrégation du Buon Governo, membre de la congrégation de révision des comptes de l’État pontifical, clerc de la Chambre apostolique puis nonce en Bavière en avril 1845, avait été élevé par Pie IX à la charge de pro-Trésorier général en 1847, en remplacement d’Antonelli, et de ministre des Finances dans le gouvernement formé le 10 mai 1848. Conseiller et vice-président du Consiglio di Stato, Mgr Morichini devint Trésorier général en titre après la restauration de 1850 ; consulteur des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, de la Fabrique de Saint-Pierre et de la congrégation pour la reconstruction de la basilique Saint-Paul, élevé au cardinalat au consistoire du 15 mars 1852, membre de cinq congrégations (Visite apostolique, Évêques et Réguliers, Immunité, Rites, Censo), il eut un rôle actif dans la préparation du concile Vatican I. Il décéda à Rome le 14 mai 1879. L’historienne Ferdinanda Gentili lui a consacré un grand nombre d’articles, parmi lesquels « Il cardinale Morichini. Sue vicende politiche dalla proclamazione della Repubblica romana (9 febbraio 1849) all’arresto in Jesi (23 aprile 1864) », Rassegna storica del Risorgimento, 9, 1922, p. 94-129 ; « Il Consiglio di Stato romano e il suo presidente C. L. Morichini », Rassegna storica del Risorgimento, 6, 1919, p. 476-496 ; « Un giovane amico di Pio IX. C. L. Morichini », Rassegna nazionale, 38, 1916, p. 210-236. Voir aussi, plus récemment, C. Lodolini Tupputi, « Ricerche sul Consiglio di Stato Pontificio 1848-1849 », Archivio della Società romana di Storia Patria, 95, 1972, p. 251-252 (l’auteur consacre une longue partie de cet article aux itinéraires des conseillers d’État, p. 240-264), et, sur l’ensemble de son parcours, R. Molinelli, « Un vescovo marchigiano dal neo-guelfismo alle prigioni dell’Italia unita », Fonti e Documenti per la Storia del Modernismo, 14, 1985, p. 403-418.
150 Consiglio di Stato au ministre de la Justice et des Grâces, 15 octobre 1848, dans ASR, Consiglio di Stato del 1848, b. 3, fasc. 37. Les vingt-quatre auditeurs laïques furent choisis parmi les auditeurs de l’ancienne Consulta di Stato, qui y avaient été recrutés sur concours. Cf. l’Elenco degli uditori già ammessi per esperimento alla cessata Consulta di Stato ed ora esistenti presso il Consiglio di Stato, daté du 15 février 1849, dans ASR, Consiglio di Stato del 1848, b. 4, fasc. 62. Parmi les six ecclésiastiques désignés par le pape se remarque le nom de Mgr Lorenzo Ilarione Randi, futur cardinal en 1875.
151 La première section couvrait les finances, le commerce, les beaux-arts, l’industrie, l’agriculture et les travaux publics ; la deuxième section les affaires judiciaires et l’instruction publique ; la troisième les sujets relevant des ministères de l’Intérieur et de la police (art. 8 du motu proprio).
152 Sa composition et son activité ne sont pas connues avec précision ; seul est conservé un projet de règlement intérieur, dans ASR, Consiglio di Stato del 1848, b. 2, fasc. 7.
153 Cette commission, exclusivement composée de juristes (« giureconsulti »), pour la plupart auditeurs de Rote, avait été instituée sur ordre de la secrétairerie d’État pour les affaires internes aux fins de revoir la procédure criminelle en vigueur au sein de l’État pontifical et proposer des réformes. Parmi ses membres figurait Mgr Ignazio Alberghini, frère du cardinal Giuseppe Alberghini, auditeur de Rote depuis 1836, appelé en mai 1848 à faire partie du corps des conseillers d’État. Après la restauration de 1849, et conformément au motu proprio dit de Portici dont l’article 5 annonçait la création de commissions pour la réforme de la législation civile et criminelle, la commission créée en 1841 fut rappelée à la vie et Alberghini reprit son poste. Par ailleurs consulteur de la congrégation des Rites (1851), Mgr Alberghini devint doyen des auditeurs de Rote en 1859. Il disparut en 1869. Cf. C. Lodolini Tupputi, La Commissione governativa di Stato nella Restaurazione pontificia (17 luglio 1849 – 12 aprile 1850), Milan, 1970, p. 105-106. Une autre commission chargée de la rédaction d’un nouveau code pénal pour l’État pontifical vit le jour en 1854 et poursuivit ses travaux jusqu’en 1858.
154 Furent ainsi examinés les projets de loi sur l’administration municipale et provinciale, sur la réorganisation du système judiciaire, sur la réforme de la Controlleria generale (instance de contrôle financier), sur l’abolition des tribunaux extraordinaires (en conformité avec les principes énoncés aux articles 3 et 4 du Statuto), mais aussi sur les droits civiques à accorder aux juifs, sur les poids et mesures en vigueur dans l’État ou encore sur les modalités de mobilisation de la garde civique. Cf. C. Ghisalberti, Contributi alla storia delle amministrazioni preunitarie, Milan, 1963, p. 185-216 (chapitre consacré au Consiglio di Stato). Les documents s’y rapportant forment un petit noyau d’archives (ASR. Consiglio di Stato del 1848) composé de 72 fascicules, regroupés en quatre cartons, et d’un journal administratif (registre de protocole) comptant 353 entrées (« posizioni ») du 3 juin 1848 au 19 juillet 1849.
155 Le conseil d’État comprenait également un secrétariat général et quelques employés issus de la congrégation di revisione (soit un archiviste chargé de la rédaction des protocoles et quatre scrittori).
156 Le Consiglio di Stato fut dissous par un décret de l’assemblée constituante du 17 février 1849, dont l’article second chargeait le Comité exécutif et le Conseil des ministres de « nommer, sous leur propre responsabilité, une Commission, qui remplira provisoirement la fonction de Conseil d’État, jusqu’à la promulgation des lois organiques ». La présidence de la commission fut confiée à Carlo Emanuele Muzzarelli.
157 Selon la brochure anonyme intitulée Costituzioni e riforme nello Stato romano, Florence, 1859, p. 67 : « Ma che è altro questo consiglio se non un satellite del governo ? ».
158 Le Consiglio di Stato, écrit A. C. Jemolo, fut « uno degli organi che ha risentito in modo più diretto l’influenza di primaria importanza nel pensiero politico e degli indirizzi di governo dominante » (« Il Consiglio di Stato tra il 1848 e il 1861 », Rivista di diritto pubblico, 1, 1931, p. 442).
159 G. Martina, « Pie IX », art. cit., p. 1346.
160 D. Silvagni, La Corte romana..., op. cit., III, p. 505.
161 Comme le souligne J.-P. Viallet, « les consciences libérales furent choquées beaucoup moins par le nombre des ‘crimes’ imputés au gouvernement pontifical que par la nature même de ce gouvernement » (L’anticléricalisme en Italie (1867-1915), thèse de doctorat d’État, Université Paris-X-Nanterre, 1991, 7 vol, ici II, p. 160).
162 L. Galeotti, Della sovranità e del governo temporale..., op. cit. ; voir A. C. Jemolo, Chiesa e Stato..., op. cit., p. 45-46.
163 F. Perfetti, Ricordi di Roma, op. cit., p. 48. La faiblesse de la nouvelle architecture était également perçue dans le camp des partisans de la constitution, pour lesquels, à l’image de G. Gabussi, cette constitution « était ce que l’on pouvait espérer obtenir d’une souveraineté qui par nature, si ce n’est par essence, ne peut qu’être absolue ou ne pas être » (Memorie per servire alla storia della rivoluzione degli Stati romani dall’elezione di Pio IX al pontificato sino alla caduta della Repubblica, Gênes, 1851, I, p. 163). Naturellement, la fraction libérale de l’opinion doutait de la signification d’« un régime constitutionnel sans liberté de presse en matière religieuse, avec un Parlement qui ne peut voter de lois sur l’instruction publique, sur les actes publics regardant les naissances, les mariages, les décès, sur les fors exceptionnels, sur les deux-tiers des tribunaux existant dans l’État, sur les corporations religieuses, sur les biens du clergé » (G. La Farina, Storia d’Italia dal 1815 al 1850, Milan, 1851, III, p. 195). Voir dans le même sens le jugement du modéré Luigi Carlo Farini (Lo Stato romano..., op. cit., 11850, I, p. 217-218, et IV, conclusion, p. 1149-1150), estimant qu’il faudrait être bien crédule pour penser que le pape puisse donner à l’État pontifical une constitution à la française ou à l’anglaise.
164 Cité par E. Masi, Nell’Ottocento..., op. cit., p. 200.
165 Selon D. Silvagni, La Corte romana..., op. cit., III, p. 641 ; voir aussi F. T. Perrens, Deux ans de révolution en Italie, Paris, 1857, p. 46, qui évoque « la constitution bâclée ».
166 Voir M. Sbriccoli, « Pellegrino Rossi et la science juridique », dans Des libertés et des peines..., op. cit., p. 179-194, notamment p. 190.
167 Metternich, Mémoires, VII, p. 439.
168 Cité par L. Mauro, « Le tematiche relative alla riforma della Chiesa... », art. cit., p. clxx.
169 J. Pautet, Le pape, l’Autriche et l’Italie, Paris, 1859, p. 27.
170 R. Aubert, Le pontificat de Pie IX..., op. cit., p. 28.
171 M. Caravale – A. Caracciolo, Lo Stato pontificio..., op. cit., p. 649.
172 A. Monti, Pio IX nel Risorgimento italiano, op. cit., p. 89.
173 En témoigne la réflexion du périodique La Scienza e la Fede en mai 1847 : « Con in mano lo Statuto e un’Amnistia, ed ora sarebbe cosa probabile, che il Papa diventi niente altro che il protettore ufficiale di una Repubblica Romana Apostolica ! » (vol. 17, fasc. 101, p. 304 – les mises en valeur sont dans le texte).
174 Le 17 mai 1854, Luigi Grandoni et Sante Costantini furent condamnés aux galères à vie pour cet assassinat ; le véritable meutrier, Luigi Brunetti, le fils aîné de Ciceruacchio, était décédé cinq ans auparavant.
175 A. Ghisalberti, « Pio IX », dans Enciclopedia italiana, 27, p. 321. Nous suivons la traduction donnée par R. Aubert, Le pontificat de Pie IX..., op. cit., p. 30. Le texte de la proclamation du 10 février se trouve dans L.-C. Farini, Lo Stato romano..., op. cit., 11850, I, p. 340-342. Dans un parallèle saisissant – mais qui mériterait discussion –, Ennio Innocenti affirme que « l’instrumentalisation fasciste de la bénédiction de Pie XI à l’Italie de la Conciliazione ne fut rien au regard de celle que le libéralisme quarantehuitard (quarantottesco) déploya envers la bénédiction de Pie IX » (Storia del potere temporale dei papi, Rome, 21973, p. 381).
176 E. Botto, « Il pensiero politico rosminiano », art. cit., p. xciii. Refuser le droit de déclarer la guerre à la population de l’État pontifical plaçait inévitablement cette dernière en état d’infériorité par rapport aux autres peuples (cf. A. C. Jemolo, Chiesa e Stato..., op. cit., p. 83).
177 A. de Liedekerke de Beaufort, Rapporti delle cose di Roma (1848-1849), éd. A.-M. Ghisalberti, Rome, 1949, p. 39, rapport du 28 avril 1848. Pie IX ajoutait, en menaçant de ce que l’on peut comprendre comme une renonciation à la tiare, ce qui eût été une autre forme d’exil : « Eh bien ! je protesterai ; l’Europe saura la violence qu’on m’a faite, et si l’on veut continuer à exiger de moi des choses que ma conscience repousse, je me retirerai comme je l’ai déclaré un jour aux officiers de la garde nationale, dans un couvent pour y pleurer sur les malheurs de Rome, livrée à tous les désordres de cette anarchie, dont ma retraite deviendra le signal. Au reste, de quelque côté que l’on se tourne, l’on ne voit à l’horizon aucune ouverture, c’est la main de Dieu qui visiblement s’étend sur nous, et quand il lui plaît de donner des leçons, elles sont grandes et terribles » (ibidem). L’allusion à une déclaration similaire faite aux officiers de la garde civique se réfère à une allocution du 11 février précédent (A.-M. Ghisalberti, « Intorno alla fuga di Pio IX », Rivista storica italiana, 81, 1969, p. 109-140, ici p. 114).
178 Luigi Ciacchi, né à Pesaro le 16 août 1788, s’était d’abord intéressé à l’agronomie, proposant dans un mémoire adressé à Léon XII un système de soutien des prix agricoles à l’exportation et de restriction progressive des importations par le biais du développement des manufactures nationales ; il fonda en 1827 l’académie agraire de Pesaro. Camérier secret (17 février 1822), prélat domestique (2 février 1825), prélat ponente de la congrégation du Buon Governo en 1826, délégat de Frosinone (1827) puis de Spolète (juin 1829), Ciacchi fut brièvement pro-légat de Bologne puis délégat de Macerata (13 juillet 1830). Revenu à Rome en qualité de directeur général de la police (1834-1838), il fut créé cardinal au consistoire du 12 février 1838. Légat de Ferrare (29 mars 1847), chahuté par l’invasion autrichienne et ses conséquences, il fut nommé secrétaire d’État et président du Consiglio di Stato le 4 mai 1848, jusqu’à sa démission et son remplacement par le cardinal Soglia, le 14 juin suivant. Le cardinal Ciacchi se retira alors dans sa ville natale, puis à Urbino, et décéda à Rome le 17 décembre 1865. Cf. G. Monsagrati, « Ciacchi, Luigi », Dizionario biografico degli Italiani, 25, 1981, p. 80-83.
179 F. Mourret, L’Église contemporaine..., VIII/1, op. cit., p. 351.
180 E. Masi, Nell’Ottocento..., op. cit., p. 204-205.
181 R. Aubert, Le pontificat de Pie IX..., op. cit., p. 32.
182 E. About, Rome contemporaine, Paris, 41861, p. 239. Ce point de vue est également celui de R. De Cesare qui, après avoir rappelé la structure hiérarchique de la société romaine, remarque que « la società era così da secoli, né vi erano ribelli, perché generale e quasi fatale il consenso » (Roma e lo Stato di Papa. Dal ritorno di Pio IX al XX Settembre, Milan, réimpr. 1970, p. 72).
183 E. Cecconi, Histoire du concile du Vatican..., op. cit., p. 55.
184 Cf. par exemple B. G. Zenobi, Le ‘ben regolate Città’. Modelli politici nel governo delle periferie pontificie in età moderna, Rome, 1994.
185 D’après le titre de l’ouvrage de C. Casanova, Le mediazioni del privilegio. Economie e poteri nelle legazioni pontificie del ’700, Bologne, 1984.
186 A. Gabelli, préface aux Monografie della città di Roma e della campagna romana éditées par la Direzione generale della statistica del Ministero di Agricoltura, Industria e Commercio, Rome, 1881, p. vi-vii.
187 E. About, La question romaine, op. cit., p. 3-5. Sur cet ouvrage, publié en Belgique et rapidement interdit de diffusion en France, voir A. C. Jemolo, Chiesa e Stato..., op. cit., p. 232.
188 Voir supra, p. 61.
189 R. Volpi, Le Regioni introvabili. Centralizzazione e regionalizzazione dello Stato Pontificio, Bologne, 1983, p. 265.
190 Indice alfabetico di tutti i luoghi dello Stato pontificio colle rispettive dipendenze ecclesiastiche e governative, Rome, 1828, p. 1.
191 L’abolition des juridictions privées d’ancien régime, entamée sous le pontificat de Pie VII en vue d’instaurer le monopole étatique de la justice, laissait encore subsister en 1822 quelques quarante-cinq juridictions baronales différentes pour la seule province de Marittima e Campagna. Dans la partie septentrionale de l’État, les observateurs relevèrent une frilosité à se fier aux choix opérés par Rome et dans le sud une tiédeur à se départir des anciennes magistratures locales ; leur remplacement progressif, voulu par la Curie, par l’administration communale fut en outre biaisé par le poids social des élites locales, les anciens feudataires demeurant les plus grands propriétaires fonciers et maintenant par là le plus souvent leur position dominante. Le choix leur fut laissé d’abandonner la juridiction baronale ou de l’exercer à leurs frais sous contrôle de la secrétairerie d’État. En revanche, ils ne purent détenir, à l’image des préfets laïcs institués durant la période napoléonienne, les rênes du pouvoir régional, qui demeurèrent réservés aux dignitaires ecclésiastiques.
192 A. Aquarone, « La restaurazione nello Stato Pontificio e i suoi indirizzi legislativi », Archivio della Società romana di storia patria, 78, 1955, p. 119-188, ici p. 153 ; C. Semeraro, Restaurazione, Chiesa e società. La « seconda ricupera » e la rinascità degli ordini religiosi nello Stato Pontificio (Marche e Legazioni 1815-1823), Rome, 1982, p. 62-65 ; analyse du cas de Pérouse dans M. Lupi, Il clero a Perugia..., op. cit., p. 13.
193 ASV. Segr. Stato, 1852, rubr. 89, f. 3r-4v, D. Valentini à Antonelli, 22 novembre 1851 [num. prot. 31425]. Valentini défendait l’idée que légats et délégats, en tant qu’émanations de la secrétairerie, étaient comme elle investis de fonctions diplomatiques et détenaient à ce titre le monopole des relations avec les autorités gouvernementales et judiciaires d’un État étranger (en l’espèce, le royaume des Deux-Siciles) : « Hanno essi [les légats et délégats] l’esercizio delle funzioni diplomatiche e corrispondono i soli con le autorità governative e giudiziarie di uno estero Regno » (f. 3v).
194 L’origine du terme de Comarque est obscure ; il est connu avant 1816, mais trouve probablement dans le motu proprio du 6 juillet son premier emploi dans un acte officiel, même s’il désigne encore un simple espace géographique. Les limites du district de Rome, après de longues incertitudes, furent fixées dans un périmètre de 40 milles entourant la ville de Grégoire XIII et au sein duquel le Sénat romain jouissait de la pleine juridiction civile et criminelle. Voir sur ce point A. Lodolini, L’archivio di Stato di Roma. Epitome di una guida degli archivi dell’amministrazione centrale dello Stato Pontificio, Rome, 1960, p. 217.
195 Cf. R. Colapietra, « Amministrazione e burocrazia nello Stato Pontificio della Restaurazione », Rassegna di politica e storia, 139, 1966, p. 42-145.
196 L’édit du 5 juillet 1831 avait en effet ôté à la congrégation du Buon Governo la tutelle administrative des communes, limitant sa compétence aux seules affaires judiciaires. Cf. A. Lodolini, L’archivio di Stato di Roma..., op. cit., p. 217-218 et T. Torriani, Roma e Comarca. Breve storia della provincia di Roma dal 1831 al 1870, Rome, 1927.
197 Cf. M. F. Mellano, « Gli editti gregoriani di riforma amministrativa (5 luglio 1831) alla luce di nuovi documenti », Archivum historiae pontificiae, 22, 1984, p. 227-297.
198 Sur la permanence des « grandes familles », souvent latifondiaires, formant l’élite sociale de l’État pontifical, voir C. Weber, Genealogien zur Papstgeschichte. Unter Mitwirkung von Michael Becker, I, Stuttgart, 1999 (remarques méthodologiques introductives, p. XIX-XXXVI) et l’article du même auteur intitulé « Papstgeschichte und Genealogie », Römische Quartalschrift, 84, 1989, p. 331-400.
199 Après les gages donnés aux puissances européennes, la tendance de fond fut celle d’un repli de Rome sur l’administration courante, les mesures de détail ou de portée géographique limitée.
200 R. Volpi, Le Regioni introvabili..., op. cit., p. 303, donne l’exemple du governo de Matelica, dans les Marches, qui dépendait de Camerino pour les affaires administratives, civiles et fiscales de la province, et de Macerata pour les causes criminelles et la gestion locale. Les variations territoriales incessantes devaient se poursuivre après l’unification : cf. F. Galluccio, Il ritaglio impossibile. Lettura storico-geografica delle variazioni territoriali del Lazio dal 1871 al 1991, Rome, 1998.
201 Aux archives vaticanes, le fonds Archivio Pio IX. Varia contient de nombreux exemples d’erreurs ou d’abus commis par l’administration locale ; ainsi la nouvelle caserne de Senigallia, pouvant accueillir sept cents chevaux et autant de cavaliers, fut achevée en 1852 mais des défauts de conception la rendaient inutilisable (n° 960). Un rapport transmis par la province de Viterbe (n.° 1859) et annoté de la main de Pie IX contenait des informations inquiétantes sur la qualité morale et professionnelle des responsables locaux : « Vetralla = Forcini = sessegenario con moglie di anni 20 e con quello che segue. Av[ocat]. Paolocci. Questo magistrato è una nullità [...] Acquapendente = Colantoni = mangione [= profiteur], visionario, pauroso [...] Toscanella = Zoffoli = uomo doppio ». Selon ce document, sur quinze governatori exerçant dans cette province, deux seulement étaient intelligents, actifs, honnêtes ; trois étaient honnêtes, mais poltrons ou instables ; deux se montraient peu loyaux avec le gouvernement et huit étaient de simples nullités.
202 Le système judiciaire local de l’État pontifical se caractérisait par un enchevêtrement des juridictions et des procédures auquel les réformes successives de Pie VII, Léon XII et surtout Grégoire XVI ne purent remédier que partiellement. De façon schématique, on notera seulement tout chef-lieu de district (governo) possédait son tribunal ou, à défaut, un assesseur légal. Les chefs-lieux de province (c’est-à-dire les Légations et Délégations) étaient dotés d’un tribunal civil qui statuait collégialement. Deux tribunaux supérieurs, dits d’appel, siégeant respectivement à Bologne et à Macerata et composés chacun d’un président et de six juges, couvraient l’ensemble de l’État, à l’exception de Rome et de la Comarca, dotés de leurs propres organes judiciaires. La congrégation de la Consulta jouait à leur égard le rôle d’une cour de cassation. Sur les juridictions centrales de Rome, voir infra, p. 188 et s.
203 Le 5 mars 1846, le président du tribunal de Fermo s’adressa ainsi à la secrétairerie d’État pour connaître « les lois en vigueur dans le royaume de Naples quant à la contrebande de tabac » pour une affaire pendante devant le tribunal (ASV. Segr. Stato, Protocolli, vol. 185, n. 58449).
204 En octobre-novembre 1846, le légat de Forlì envoya cinq dossiers relatifs à l’approvisionnement de la région en céréales (ASV. Segr. Stato, Protocolli, vol. 189, n. 64838, 65129, 65249, 65322, 65657 et une table récapitulative – ‘tabella annonae’, n. 66474).
205 Par exemple ASV. Segr. Stato, Protocolli, vol. 185, n. 57551 (délégat de Bologne, observations sur l’amélioration de l’administration des troupes pontificales, 23 janvier 1846).
206 ASV. Segr. Stato, rubr. 155 (rapports de police sur l’état de l’esprit public dans les provinces). Cette subdivision du fonds de la secrétairerie d’État contient pour les années concernées un grand nombre de documents, classés par semestre (janvier-juin et juillet-décembre) puis répartis par provinces. Un classement séparé est adopté pour les « Porte di Roma », mais sans se confondre avec la rubrique « Roma e Comarca ».
207 La rubrique 190 du fonds de la secrétairerie d’État est ainsi distribuée en une section générale (« Reggimenti Guardie. Censura militare. Ingaggi e arruolamento di truppe estere per Sua Santità. Progetti diversi ») et en une section recueillant les états périodiques des forces militaires. Des rubriques spécifiques sont affectées aux délits contre la sécurité publique (rubr. 166) et aux mesures de police prises par l’autorité centrale à l’occasion de manifestations publiques et rendues applicables dans les provinces (rubr. 149, parfois dénommée, comme c’est le cas en 1854, « Provvidenze generali di Sicurezza interna »).
208 Onze actes très rapprochés ont ainsi trait au déplacement d’une bande armée dans la région de Naples en février 1846 (ASV. Segr. Stato, Protocolli, vol. 185, n. 57955 à 57966).
209 Des chiffres complémentaires éclairent cette réalité. Pour la même année, les actes émanant de ou adressés à des autorités centrales autres que la secrétairerie (Presidente delle Armi, chefs de corps de la gendarmerie et de la police, trésorier général) atteignent un total de 1.703.
210 Cf. ASV. Segr. Stato, Protocolli, vol. 185, n. 58768 : le maire d’Orvieto présente à la secrétairerie d’État pour les affaires internes les plans d’une route provinciale devant relier sa ville à celle de Foligno, et en demande l’approbation (14 mars 1846).
211 Voir ASV. Segr. Stato, 1848, rubr. 19, fasc. 1, f. 127 : l’évêque de Terni, Mgr Vincenzo Tizzani, s’était violemment opposé au secrétaire général de la ville, jugé corrompu et nourrissant des ambitions démesurées, à l’image du théâtre municipal « del quale la città non può vedere la fine, perché mentre si riedifica da una parte cade da due » ; le comportement de l’évêque éveilla les soupçons du délégat de Spolète, B. Zacchia, dont dépendait le district de Terni, qui en fit part, dans plusieurs rapports de janvier 1847, à la secrétairerie d’État. Cf. G. M. Croce, « Una fonte importante per la storia del pontificato di Pio IX e del Concilio Vaticano I : I manoscritti inediti di Vincenzo Tizzani », Archivum historiae pontificiae, 23, 1985, p. 217-345, spéc. p. 226 n. 39.
212 Sur les détails de cet itinéraire, voir M. Martelli, « Pio IX in Romagna nel 1857 », Pio IX, 16, 1987, p. 166-175 et 292-313 ; 17, 1988, p. 254-297. L’année précédente, le substitut de la secrétairerie d’État, Mgr Berardi, avait accompli un périple de reconnaissance dans les Légations et dans les Marches (cf. R. De Cesare, Roma e lo Stato..., op. cit., p. 252-277). Voir aussi G. Maioli, « Pio IX. Il primo e l’ultimo viaggio del papa attraverso i suoi Stati (1857) », dans Atti e Memorie della Reale deputazione di Storia Patria per le provincie delle Marche, ser. IV, 4, 1927, p. 117-140.
213 Une lettre du secrétariat général de la délégation de Velletri en date du 26 avril 1863 fait mention du dispaccio du ministère de l’Intérieur du 14 avril 1863 (n. 85172), dans ASR, Min. Interno, Affari ecclesiastici, vol. 3 Provvidenze generali e Sommo Pontefice 1861-1870, b. 1, fasc. 3. Ce voyage revêtait un caractère à la fois pastoral et politique, s’agissant notamment de diffuser au sein de la population le dogme de l’Immaculée Conception proclamé trois années plus tôt.
214 Le Bolletino politico degli avvenimenti verificati nella giurisdizione del Governo di Penzano, dans la province de la Comarque, pour la période allant du 18 juillet au 20 août 1865 (dans ASR, Min. Interno, Affari ecclesiastici, vol. 3 Provvidenze generali e Sommo Pontefice 1861-1870, b. 1, fasc. 5) met en regard, sous forme de tableau, quinze rubriques détaillant l’exposé des faits, les fondements de leur appréciation (motivi di credibilità) et les mesures « adoptées ou à adopter ». Ces divisions portent successivement sur (1) les individus suspectés de vagabondage, (2) la presse et les livres, (3) le ravitaillement, (4) l’administration publique, (5) les mœurs publiques, (6) la sécurité (incolumità), (7) la conduite des fonctionnaires, (8) l’état de la force publique, (9) les spectacles et les fêtes, (10) les foires et marchés, (11) les personnes étrangères (forestieri), (12) les délits, (13) les structures pénitentiaires (carceri), (14) les cas fortuits et (15) l’esprit public, qualifié en l’espèce de « tranquilla generalmente ».
215 Une partie de cette documentation se trouve dans ASV. Segr. Stato, rubr. 1, fasc. 1 A à 1 D (« Carte riportate dal viaggio del S. Padre »). Le premier fascicule contient en particulier les « rendiconti statistici della provincia di Forlì per gli anni 1852, 1853, 1855, 1856 e della provincia di Ferrara per gli anni 1854 e 1855 ». Voir aussi le fasc. 1 C, b. 2 à 4, qui renferme nombre de documents politiques ainsi que le détail des mesures exceptionnelles adoptées par les autorités locales lors du passage du pape.
216 Cf. M. Minghetti, Miei ricordi, op. cit., III, p. 171. Au retour de Pie IX à Rome, Napoléon III lui fit connaître ses sentiments : « J’ai été heureux d’apprendre que Votre Sainteté avait été satisfaite de son voyage et qu’Elle y avait reçu un accueil digne du représentant de Jésus-Christ sur la terre. Je sais qu’on avait beaucoup parlé des suppliques qui devaient être présentées à Votre Sainteté ; et je dois vous avouer que j’ai contribué pour ma part à déconseiller à ceux qui s’étaient adressés à moi, de troubler par des plaintes le voyage de Votre Sainteté. Lorque le moment sera venu et que Votre Sainteté voudra bien le permettre, je lui ferai communiquer par mon ambassadeur les seuls points sur lesquels je voudrais appeler l’attention de votre gouvernement » (lettre du 14 décembre 1857, citée par G. Martina, Pio IX 1846-1850, op. cit., p. 29). La Curie présenta le succès du voyage comme « un démenti formel infligé aux éternels ennemis du gouvernement pontifical » ; un ample rapport sur l’administration de l’État romain, rédigé après le voyage (ASV. Archivio Pio IX, Varia, n. 1306), tout en mettant l’accent sur l’accueil triomphal réservé au pape, relevait sans ambiguïté les défauts et abus de l’administration : coût excessif des organes locaux, délinquance, situation préoccupante des prisons, corruption généralisée de la police, de la gendarmerie et des douanes. Le périple de 1857 contribua sans doute à apaiser les appréhensions du pape et à donner à certains l’impression d’une réelle stabilité du régime.
217 L. Galeotti, Della sovranità e del governo temporale..., op. cit., p. 141.
218 Comte Henri Amédée d’Ideville, Diario diplomatico romano 1862-1866, trad. it. G. Artum, Milan, 1979, p. 134.
219 Cité par D. Demarco, Lo Stato Pontificio..., op. cit., I, p. 26-27.
220 Dans son essai de définition de la prélature, Moroni rappelle toutefois que « de nombreuses charges cardinalices étaient anciennement prélatices [...] pour cette raison certaines conservèrent longtemps le pro, comme le fit en dernier lieu le secrétaire des Mémoriaux [et aujourd’hui] encore le Dataire » (« Prelato », dans Dizionario..., op. cit., 55, Venise, 1852, p. 141-155, ici p. 153).
221 Le premier recensement effectué à Rome après 1870 dénombrait encore, sur une population d’environ 245.000 habitants, une moitié de sans profession, vivant de la charité officielle.
222 Cf. la synthèse de Z. Boeche, « Amministrazioni e uffici municipali di Roma dalla restaurazione postnapoleonica alla caduta del potere temporale (1814-1870) », dans Atti del V. Congresso nazionale di Studi romani, Rome, 1942, p. 182-204.
223 Durant la domination française, la ville avait tenté, sous l’impulsion du préfet Camille de Tournon, de faire émerger une classe dirigeante locale et d’envisager d’un point de vue rationnel les besoins de la capitale, comme en témoignent les travaux d’évaluation statistique commandés par les autorités gouvernementales (cf. C. de Tournon, Études statistiques sur Rome et la partie occidentale des États romains, Paris, 1831). À la suite du Mémorandum des puissances de 1831, l’abbé Antonio Coppi fut chargé de rédiger un projet de réforme, qui proposa la création d’un Conseil urbain et une plus grande responsabilité de l’élite possédante et commerçante dans la gestion municipale, tout en réservant au clergé la direction des services de l’Annone, des Eaux et des Routes. Ces propositions, soumises à l’examen d’une commission spéciale, furent rejetées malgré l’intérêt que parut leur porter Grégoire XVI.
224 Cf. E. Lodolini, « L’amministrazione periferica e locale nello Stato Pontificio dopo la Restaurazione. Con note su Ferrara », Ferrara Viva, 1, mai 1959, p. 532, spéc. p. 13.
225 G. Monsagrati, « Roma nel crepuscolo del potere temporale », art. cit., p. 1030 (« meramente decorativa »).
226 Le tribunal du sénateur de Rome, communément appelé tribunale del Campidoglio, exerçait une juridiction sur les laïcs, concurremment au tribunal de l’Auditeur de la Chambre (Auditor Camerae, souvent abrégé A. C.). Le senatore di Roma en détenait la présidence, assisté par deux juges collatéraux, d’un auditeur, d’un juge des affaires commerciales et d’un juge adjoint, avocat du fisc de la Chambre capitoline.
227 Cf. les exemples présentés par M. Bocci, Il municipio di Roma tra riforma e rivoluzione (1847-1851), Rome, 1995, p. 29-35. L’avocat Angelini, déplorant le chaos normatif qui enlisait la ville, préconisait l’adoption d’un Code municipal qui supprimerait l’arbitraire des décisions administratives et le phénomène des circulaires contradictoires prises sans concertation préalable par les différents ministères, qui avaient pour effet de paralyser les instances représentatives de la commune (« Veduta fondamentale sul regime municipale », Il Contemporaneo, an-no I, 35, 28 août 1847).
228 Texte du motu proprio dans Atti del S. P. Pio IX, II/1, Rome, 1852, p. 122-144, sous le titre complet de Moto-proprio della Santità di N. S. papa Pio IX sulla organizzazione del Consiglio e Senato di Roma e sue attribuzioni, esibito negli atti dell’Apolloni segretario di Camera il giorno 2 ottobre MDCCCLVII.
229 Outre son président, la commission comptait dans ses rangs Tommaso Corsini, Ottavio del Bufalo, Marcantonio Borghese, Domenico Orsini, Ferdinando dei Cinque Quintili et Giuseppe Bartoli ; Carlo Armellini en était le secrétaire. La commission élabora un premier projet de statut, qui fut revu et corrigé par le cardinal Antonelli et Marcantonio Ridolfi, minutante de la secrétairerie d’État. La Curie fit à cette occasion rechercher et étudier les statuts communaux d’autres villes italiennes, notamment ceux de Florence et Naples.
230 E. Bartoloni, « L’amministrazione di Roma sotto il pontificato di Pio IX », dans L’amministrazione comunale di Roma. Legislazione, fonti archivistiche e documentarie, storiografia, N. De Nicolò (éd.), Bologne, 1996, p. 35-54, ici p. 39. La tutelle sur les universités demeurait en revanche de la compétence du ministère de l’Instruction publique, dirigé par le cardinal-préfet de la congrégation des Études.
231 Cf. P. Pavan, « L’archivio capitolino e la sua documentazione sulla Repubblica romana », Rassegna storica del Risorgimento. Numero speciale per il 150° anniversario della Repubblica romana del 1849, 86, 2000, p. 369-376, ici p. 370-371.
232 M. Bocci, Il municipio di Roma..., op. cit., p. 21. Plusieurs voix, parmi lesquelles celle du juriste romain Filippo Ugolini, dénonçaient « l’immixtion de l’autorité tutélaire dans les moindres actes [de l’administration communale] », qui exerçait ainsi « un droit de censure sur les choses sans importance [mais qui] étouffait tout élan d’amour pour la patrie et même tout sentiment noble, les contraignant à végéter et non à vivre » (F. Ugolini, Discorsi sulla riforma dei Comuni dello Stato pontificio, Cagli, 1847, p. 9). Cette présence ecclésiastique au sein des conseils municipaux formait un point de contact entre la municipalité et le clergé, alors que la politique romaine se souciait beaucoup de l’évolution de l’institution communale, y compris face aux corporations privilégiées et au puissant clergé séculier (cf. T. Armellini, « Gli ecclesiastici negli consigli comunali dello Stato pontificio del secolo xix », Il diritto ecclesiastico italiano, ser. II, 9, 1916, p. 124-142). Sur « le rapport à plusieurs dimensions qui, à Rome, lie la représentation citadine et le gouvernement central », voir A. Ciampani, « Il Senato di Roma e le dinamiche del governo capitolino tra riforme e rivoluzione (1847-1851) », Rassegna storica del Risorgimento. Numero speciale per il 150° anniversario della Repubblica romana del 1849, 86, 2000, p. 87-114, formule citée p. 87.
233 M. Bocci, Il municipio di Roma..., op. cit., p. 47.
234 Le schéma retenu était le suivant : Division I, section I : instruction publique, direction du patrimoine (« monumenti antichi e moderni ») ; section II : annone, commerce et industrie, police rurale ; Division II, section I : œuvres de bienfaisance et secours aux pauvres (auparavant du ressort de l’Elemosineria apostolica et de la Commissione dei Sussidi) ; section II : santé publique et assainissement (salubrità) ; Division III, section I et II (la répartition interne des compétences était flottante) : eaux et routes, sécurité et bien-être (comodo) publics ; Division IV, section I : état civil, statistique, garde civique, employés municipaux (service du personnel), archives ; section II : direction des recettes (introiti) communales. Une section spéciale, consacrée aux théâtres et aux spectacles publics, était placée sous l’autorité directe du Sénateur.
235 « Della scelta del segretario del Municipio », L’Unione, a. I, n°11, 3 décembre 1847.
236 Ce qui incluait l’état civil, la 1e section de la division IV du Conseil s’occupant seulement de sa conservation.
237 Si la mauvaise volonté put largement s’exprimer de cette manière, les lacunes documentaires constatées dans les services de l’administration pontificale étaient le plus souvent dues à une organisation déficiente de leurs archives et des circuits d’information ; ainsi le directeur général de la police, Mgr Pietro Marini, sollicité par Mgr Corboli Bussi, secrétaire de la congrégation spéciale chargée notamment de la rédaction du texte de l’amnistie de 1846, fut incapable de fournir une liste à jour des condamnés politiques, des réfugiés et des détenus faisant l’objet d’une procédure en cours. Le prélat suggéra de s’adresser au tribunal de la Consulta, auquel avaient été remises les pièces relatives aux instructions, mais ce dicastère protesta, par la voix de son secrétaire Mgr Antonio Matteucci, de ce que tous les documents étaient encore aux mains des policiers chargés de l’enquête. Voir sur cet épisode P. Pirri, « L’amnistia di Pio IX... », art. cit., p. 216-218.
238 Les administrations centrales s’estimaient certes lésées dans leurs prérogatives traditionnelles au profit de structures créées ex nihilo qui leur inspiraient la défiance ; de façon plus prosaïque, le retrait de certaines de leurs compétences entraînait aussi une diminution des recettes et un manque à gagner, en primes et avantages divers, pour leurs employés, au profit des personnels attachés à la municipalité de Rome, dont le nombre oscille entre 500 et 700 selon les estimations. G. Friz avance le chiffre de 659 employés d’après un état nominatif pour l’année 1853 (Burocrati e soldati nello Stato pontificio 1800-1870, Turin, 1974, p. 213-226).
239 Le Mémorandum de mai 1831 avait parlé de « municipi detti dalla popolazione ». F. Rizzi note que « tous les édits avaient laissé aux organes centraux du gouvernement la nomination des conseillers » (La coccarda e le campane. Comunità rurali e Repubblica romana nel Lazio (1848-1849), Milan, 1988, p. 144).
240 G. Monsagrati, « Roma nel crepuscolo del potere temporale », art. cit., p. 1011.
241 L. Galeotti, Della sovranità e del governo temporale..., op. cit.
242 R. Volpi, Le Regioni introvabili..., op. cit., p. 306.
243 Texte reproduit dans R. Lefebvre, « Le riforme di Pio IX e la libertà di stampa », Studi romani, 3, 1955, p. 667-694 (texte p. 688-694), et dans Atti del Sommo Pontefice Pio IX felicemente regnante, Parte IIa, che comprende i motuproprii, chirographi, editi, notificazioni, ec. per lo Stato Pontificio, 1, Rome, 1857, p. 40-45, ici p. 40.
244 Cf. A. Serafini, Pio Nono, Giovanni Mastai Ferretti..., op. cit., 1, p. 1417.
245 F. Bartoccini, Roma nell’Ottocento..., op. cit., I, p. 31.
246 Cette expression, qui figure dans le préambule de l’édit du 15 mars, a été abondamment commentée. Voir par exemple A. Montanari, La legge sulla stampa del 15 marzo e la circolare del 19 aprile 1847 emanate in nome del Pontefice Pio IX dal Card. Gizzi segretario di Stato. Commenti, Bologne, 1847, p. 8.
247 Aux termes de l’édit de 1825, tout écrit imprimé dans la capitale – à l’exception des « objets purement décoratifs ne contenant aucune allusion suspecte » devait être présenté par l’auteur au Maître des Sacrés Palais, qui le transmettait pour examen à l’une des cinq sections, correspondant aux cinq collèges universitaires (théologie, droit, médecine, philosophie et mathématiques, philologie) du Consiglio di Revisione siégeant à Rome ; la section désignait un censeur, qui rendait un avis écrit et motivé, avec indication, le cas échéant, des passages à corriger ou à supprimer ; l’ouvrage était ensuite revu par le collège théologique, sous l’angle « des intérêts sacrés de la religion et de la morale », qui donnait son avis motivé (obstat ou nihil obstat). Muni de ce double jugement favorable, le Maître des Sacrés Palais pouvait apposer son imprimatur, sous réserve que le cardinal vicaire ait lui aussi donné son approbation. La congrégation des Études pouvait être saisie en appel. Dans le cas où le censeur du conseil de révision repérait des passages susceptibles d’offenser les États et les gouvernements étrangers, l’ouvrage devait également être soumis pour examen à la secrétairerie d’État. Les ouvrages imprimés dans l’État pontifical avaient fait l’objet d’une réglementation en 1836, restant sauves les dispositions de 1825 propres à la production imprimée de Rome ; la congrégation des Études confirmait la compétence croisée du prélat Inquisiteur du Saint Office, de l’Ordinaire du lieu et de la secrétairerie d’État. Voir sur cette procédure R. Lefebvre, « Le riforme di Pio IX... », art. cit., p. 668-669, passage repris en substance par G. Martina, Pio IX 1846-1850, op. cit., p. 123.
248 Ainsi Francesco Orioli, dans une lettre publique du 19 mars 1847 adressée à M. d’Azeglio (« Sopra l’editto di Segreteria di Stato del 15 Marzo 1847 », p. 5), remarquait que « tuttavia i non conteni avrebbero a ricordarsi che non siamo in Inghilterra... che non siamo nè manco in Francia, paese il quale pur si dice libero... paese che ha una Costituzione ed una Carta così chiamate per antonomasia... e dove nondimeno sono in vigore le famose leggi del 9 Settembre 1835 rispetto alle quali l’essere repressive, se ben si pondera, è men carità e più pericolo ».
249 L’auteur anonyme des Brevi considerazioni sopra una lunga lettera del Sig. M. Massimo d’Azeglio, datées du 3 avril 1847, fait état de telles inquiétudes : « Starà poi nell’arbitrio dei ministri di restringere quando vorranno, e come piacerà loro quell’onesta libertà che fu accordata alla stampa, e che per un poco di tempo continuerà ad essere accordata per gettar polvere agli occhi. Quando i Censori responsabili dovranno eseguire alla lettera l’articolo che proibisce i discorsi tendenti direttamente o indirettamente a rendere odiosi gli atti, le forme, e le istituzioni del governo, avranno una latitudine senza limiti per proibire appoggiandosi alla legge » (p. 4). Voir A. Galante Garrone et F. Della Peruta, La stampa italiana nel Risorgimento, Bari, 1979, p. 261.
250 Né en 1792 (la même année que Pie IX) près de Civitavecchia, dans une famille qui avait depuis le xviiie siècle fourni nombre de serviteurs à la Curie, Domenico Buttaoni remplissait alors les fonctions de consulteur du Saint Office, de membre de la congrégation des Rites et de la congrégation pour la Correction des livres de l’Église orientale, ainsi que d’« assistant perpétuel » auprès de la congrégation de l’Index (Notizie per l’anno 1845, p. 220) ; il était par ailleurs consulteur de la congrégation de la Discipline régulière, des Indulgences et Reliques, et de la congrégation pour l’Examen des Évêques en théologie.
251 Opposant résolu à la politique de Consalvi, proche de l’Accademia di religione cattolica, le marquis Carlo Antici soutenait la dimension universaliste de la papauté, dans le sillage du fameux Trionfo della Santa Sede du futur Grégoire XVI. Antici ne devait siéger que peu de temps au conseil, appelé bientôt à faire partie de la Consulta di Stato puis du Haut Conseil. Cf. A. Angelini, Ritratto storico, politico, letterario del marchese Carlo Antici, Rome, 1854.
252 N. Roncalli, Cronaca di Roma 1844-1870, 1. – 1844-1848, a cura di M. L. Trebiliani, Rome, 1972, p. 278. Voir aussi supra, p. 138.
253 G. Monsagrati, « Una moderata libertà... », art. cit., p. 153.
254 Sur la figure de Pietro Marini (1794-1863), auditeur de Rote et prélat votante de la Signature apostolique, voir C. Weber, Kardinäle und Prälaten..., op. cit., I, p. 479-480 et N. Del Re, Monsignor Governatore di Roma, Rome, 1972. Ce prélat proposa en novembre 1846 de publier à Rome un journal politique modéré qui constituerait un organe officieux de la Curie et permettrait au pouvoir central de défendre, à armes égales avec la presse libérale, ses positions en matière politique et administrative. L’initiative, prudemment repoussée dans un premier temps par la secrétairerie d’État, trouva un commencement de réalisation dans les quelques livraisons de l’hebdomadaire Il Contemporaneo, que le programme éditorial décrivait comme « le journal du progrès, mais tempéré, auquel aspirent les honnêtes gens [...] et voulu par l’excellent Prince [Principe ottimo] ».
255 ASV. Segr. Stato, 1847, rubr. 157, fasc. 3. Ce maillage local était plutôt efficace, comme en témoigne plaisamment le compositeur français Henri Maréchal : « En passant, le voiturier nous montra la petite maisonnette précédemment occupée par les douaniers pontificaux [à la frontière des États de l’Église], et il ajouta ces mots que j’ai toujours retenus : ‘Ici, Messieurs, il y a six mois, on passait plus facilement en fraude une pièce de vin qu’un livre !’ » (Rome. Souvenirs d’un musicien, Paris, 1904, p. 67-68).
256 G. Monsagrati, « Una moderata libertà... », art. cit., p. 166.
257 Lettre au cardinal secrétaire d’État Ferretti, dans ASV. Segr. Stato, 1847, rubr. 157, fasc. 3. Cette démission, qui ne concernait que la charge spécifique de la révision unique, entraîna également le départ forcé de Betti du conseil de censure, dans lequel l’intéressé aurait souhaité continuer à siéger. Betti retourna à l’Académie San Luca, et fut quelque temps après membre de la Consulta di Stato. Il décéda à Rome le 4 octobre 1882.
258 « Rimettere il torrente nell’alveo ». L’expression figure dans une lettre de Pie IX au cardinal Amat datée du 3 janvier 1848 (Pio IX da vescovo a pontefice. Lettere al cardinale Luigi Amat (agosto 1839 – luglio 1848), G. Maioli (éd.), Modène, 1949, p. 115).
259 Il s’agissait de Lunati et de Benedetti ; les deux ecclésiastiques étaient le dominicain Angelo V. Modena, théologien de l’université de la Sapienza, plus tard secrétaire de la congrégation de l’Index, et Paolo Mazio, un ancien jésuite. Le président, Mgr Camillo Amici, était un modéré ; délégat de Spolète (1839-1840), secrétaire de la commission spéciale sur les chemins de fer pour laquelle il rédigea un rapport rendu public en 1847, secrétaire du Conseil des ministres et membre de la commission chargée de la rédaction du règlement de la Consulta, vice-président de la Consulta du 2 novembre 1847 au 12 février 1848 (remplacé à cette date par Mgr Pentini), il occupa lors de la restauration de 1849 le poste clé de commissaire pontifical extraordinaire pour les Marches puis devint ministre de l’Intérieur et de la Police. Ministre du Commerce et des Beaux-Arts en 1859, consulteur de la congrégation des Évêques et Réguliers, il s’éteignit à Rome le 1er avril 1877. Cf. l’art. sub voce de M.-L. Trebiliani, dans Dizionario biografico degli Italiani, 2, Rome, 1960, p. 777-778.
260 Le célèbre Diario di Roma, chronique mi-officielle, mi-officieuse, devint quotidien en janvier 1848 sous le titre de Gazzetta di Roma, publiée sous les auspices du ministère de l’Intérieur. Son objectif, formulé par une circulaire du 13 janvier, était d’« éclairer l’opinion publique, en lui fournissant des informations soignées (accurate) et exactes, et de la tenir informée de l’activité générale et spéciale de chacune des branches de l’administration de l’État », ainsi que « de démentir ou de rectifier les allégations (narrazioni) des autres journaux ». Quelques mois plus tard, Il Giornale romano se présentait comme organe officiel de la Curie, face à la Gazzetta, organe officiel du gouvernement.
261 G. Monsagrati, « Una moderata libertà... », art. cit., p. 152. Sur les appréhensions du gouvernement romain envers ce que l’Église désignera plus tard sous l’expression de « moyens de communication sociale », voir F. Jankowiak, « ’Fides ex auditu’. L’Église et les moyens de communication sociale à l’époque contemporaine », dans Églises et médias. Doctrine et droit. Actes du colloque franco-italien de Rome, 20-21 mars 1998, L’Année canonique, 41, 1999, p. 7-40, notamment p. 9-11.
262 U. Levra a fait remarquer que cette catégorie sociale, vivier de la pensée libérale et réformiste, connaissait, plus que les autres, un rapport direct et naturel entre politique et journalisme (« Gli uomini e la cultura delle riforme », dans L’Italia tra rivoluzioni e riforme 1831-1846. Atti del LVI congresso di storia del Risorgimento italiano, Piacenza, 15-18 ottobre 1992, Rome, 1994, p. 144).
263 Scritti editi ed inediti, XXXII, Imola, 1925, p. 90 (lettre de Mazzini à sa mère, 27 mars 1847) : « Un editto sulla Stampa suggerito dall’Austria rivela che a qualunque nota un po’energica egli [Pie IX] cederà ».
264 L’art. 64 al. 2 du Statuto, au titre des dispositions transitoires, annonçait la promulgation prochaine de « la legge repressiva della stampa » mentionnée à l’art. XI.
265 Les publications pouvaient aussi être imprimées et diffusées par une « entité morale légalement constituée dans l’État », mais à la condition de désigner un directeur juridiquement responsable (motu proprio du 3 juin 1848, tit. II., art. 7 et 8). Le texte du motu proprio est reproduit dans R. Lefebvre, « Le riforme di Pio IX... », art. cit., p. 691-694, passage cité p. 691.
266 L’art. 19 du motu proprio, ouvrant un titre III consacré aux « délits et contraventions spéciaux », c’est-à-dire commis par voie de presse, prévoyait une peine d’emprisonnement de six mois à un an et une amende de soixante à cent écus pour tout outrage commis à l’encontre « de la Religion, des bonnes mœurs, de l’Église et de ses ministres », ce qui constituait un spectre particulièrement large ; l’art. 20 réprimait plus précisément les responsables de presse qui se rendraient coupables d’attaques envers « 1) l’autorité temporelle du souverain pontife, le mode de son élection, la forme actuelle du gouvernement ; 2) [qui auraient attribué] à la personne sacrée du souverain pontife et du Sacré Collège le blâme et la responsabilité des actes du gouvernement ; 3) [qui auraient] outragé les souverains ou les chefs de gouvernement étrangers, leurs ambassadeurs, envoyés et agents diplomatiques accrédités auprès de l’État ; 4) [qui auraient] outragé l’Alto Consiglio, le Conseil des Députés ou les membres de ces derniers ».
267 G. Monsagrati, « Una moderata libertà... », art. cit., p. 168.
268 Cf. A. C. Jemolo, Chiesa e Stato..., op. cit., p. 57-58, qui explique également cet échec par l’absence, au sein de l’État pontifical, d’un élément « que tous les autres États italiens possédaient : une classe active moyenne [...] curieuse et attentive aux évolutions politiques de la France et de la Grande-Bretagne et [...] ainsi préparée, même sommairement, à la vie des États constitutionnels ». Les aspirations ne pouvaient ici dépasser le stade des réformes administratives.
269 F. Traniello, « Riforma della Chiesa e del ’48. Il caso delle ‘Cinque piaghe’ di Rosmini », Contemporanea, 1/3, 1998, p. 407-426.
270 Delle cinque piaghe della Santa Chiesa, éd. A. Valle, Rome, 1981, p. 205. Rosmini traduit le sentiment répandu que quelque chose d’extraordinaire devait se produire dans l’atmophère enfiévrée d’alors : « Ma ora [1846] che il Capo invisibile della Chiesa collocò sulla Sedia di Pietro un Pontefice che par destinato a rinnovare l’età nostra e a dare alla Chiesa quel novello impulso che deve spingere per nuove vie ad un corso quanto impreveduto altrettanto maraviglioso e glorioso ». Voir sur ce point G. Procacci, Storia degli Italiani, Bari, 1993, p. 357.
271 L’expression se trouve sous la plume de C. M. Travaglini, Il dibattito sull’agricoltura romana nel secolo xix (1815-1870). Le Accademie e le Società Agrarie, Rome, 1981, p. 100.
272 M. P. Donato, « Roma in rivoluzione (1798, 1848, 1870) », dans L. Fiorani et A. Prosperi (éd.), Roma, la città del papa... op. cit., p. 905-933, ici p. 921.
273 Dans sa déclaration au corps diplomatique, le 17 novembre, Pie IX avait fait l’aveu de son ressentiment et déclaré l’illégalité des actes du gouvernement : « Io son fatto quasi prigioniero. Hanno usato la forza, mi hanno tolta la mia guardia, e mi trovo circondato d’altre persone. Ho ceduto, perchè il solo criterio che mi dirige in questi momenti è la necessità che sia risparmiata l’effusione di sangue fraterno. Ma in faccia al corpo diplomatico, perchè lo sappia e l’Europa e il mondo, dichiaro ch’io non riconoscerò mai verun atto del presente ministero, imposto dalla forza, e ho già dat’ordine che in tutti gli atti sia soppressa la formula udito il volere di S. S. ». Cf. G. B. Castellani au gouvernement vénitien, 18 novembre 1848, dans M. Cessi Drudi (éd.), Carteggio di G. B. Castellani, ministro di Venezia a Roma (1848-1849), 2. – Documenti diplomatici, Padoue, 1954, p. 445. Le diplomate De Liedekerke a démenti cette version d’un emprisonnement de fait, indiquant dans un de ses rapports que « il n’[était] nullement question de surveillance personnelle tant pour le dedans que pour le dehors ». L’éventualité d’un voyage pontifical n’était pas davantage à redouter : « Sa Sainteté aurait même pu s’éloigner de sa capitale sans prendre aucune précaution extraordinaire et comme il ne lui fallait que quelques heures pour gagner la frontière, traversant une contrée presque déserte et d’ailleurs dévouée, les personnes qui l’accompagnaient pas plus qu’elle [le pape] ne couraient aucun sérieux danger » (Rapporti delle cose di Roma (1848-1849), op. cit., p. 148).
274 Le consul des États-Unis à Rome, Brown, parlera d’un « ignominious flight » (L. F. Stock, Consular Relations between the United States and the Papal States, Instructions and Despatches, Washington, 1945, p. 134, rapport du 12 décembre 1848). Sur la prise de décision et les circonstances de la fuite, on dispose des récits anciens mais détaillés de De Gérardin (« La fuite de Pie IX (novembre 1848) d’après des documents inédits », Revue des études historiques, 1927, p. 392-401), du prince de Ligne (« Le pape Pie IX à Gaète. Souvenirs inédits », Le Correspondant, 25 avril 1929, p. 172-195) et surtout de Guillaume Mollat (« La fuite de Pie IX à Gaète (24 novembre 1848) », Revue d’histoire ecclésiastique, 35, 1939, p. 265-282). L’hésitation de la Curie entre Majorque et la France a été évoquée par G. de Chambrun (« Un projet de séjour en France du pape Pie IX », Revue d’histoire diplomatique, 1936, p. 8-31), E. Michel (« Documenti relativi al mancato viaggio in Francia di Pio IX (1848-1849) », Rassegna storica del Risorgimento, 23/3, 1936, p. 945-956) et P. Pirri (« Relazione inedita di Sebastiano Liebl sulla fuga di Pio IX a Gaeta », dans Miscellanea Pio Paschini. Studi di storia ecclesiastica, Rome, 1949, II, p. 421-451).
275 Selon le mot de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, op. cit., I, livre 14, ch. 7, p. 498 : « Pie VII, pâle, triste et religieux, était le vrai pontife des tribulations » [écrit en 1803].
276 La Curie multiplia les déclarations en ce sens, décrivant une ville sous l’emprise de la barbarie et jonchée de ruines, qui compromettrait l’action du gouvernement pontifical une fois restauré : « L’aspetto di Roma et dello Stato non potrebbe essere più luttuoso. Si accumulano l’empietà, le devastazioni, le prede, gli orrori ; la sede del cristianesimo si è convertita in teatri di delitti e in cattedra d’irreligione. Le potenze con la loro lentezza avranno la gloria di restituire al Pontefice non uno Stato ma un cumulo di spaventose ruine » (formulations d’Antonelli dans une lettre adressée au nonce de Lisbonne, 23 avril 1849, dans ASV. Segr. Stato, Gaeta e Portici 1848-1850, r. 165, fasc. 25, f. 99)
277 E. Bartoloni, « L’amministrazione di Roma... », art. cit., p. 44. En 1918 encore, ce qui éclaire sur la portée de l’événement, Ernesto Masi voyait dans l’assassinat du comte Pellegrino Rossi et la fuite à Gaète la césure de la vie du pape Mastaï (Nell’Ottocento..., op. cit., p. 132). Pour l’apologiste Jules Pautet, « depuis l’assassinat de César au milieu du Sénat, rien d’aussi abominable n’avait été accompli » (Le pape, l’Autriche et l’Italie, op. cit., p. 21).
278 J. Gaudemet rappelle que « cette formule, bien frappée, figure dans le commentaire de la Décrétale ubi periculum (ou Sexte) du cardinal français Jean Lemoine, légat de Boniface VIII en France et qui connut les débuts de la papauté avignonnaise. Un ancien canoniste français, Jesselin de Cassagne († 1334), professeur à Montpellier, avant d’être attaché à l’audience des causes apostoliques à Avignon, affirme de son côté ‘là où est le pape, là est la cour romaine’. Formule moins brutale, qui ne met plus en cause la Ville éternelle mais les services ‘romains’ » (« Ubi papa, ibi Roma ? », dans P. Catalano, P. Siniscalco (éd.), Roma fuori di Roma : Istituzioni e immagini, Rome, 1985, p. 69-80, ici p. 69). Voir aussi M. Maccarone, « Ubi est papa, ibi est Roma », dans Aus Kirche und Reich. Festschrift für Fr. Kempf, Sigmaringen, 1983, p. 371-382 et E. Kantorowicz, Les deux corps du roi, trad. fr., Paris, 1989, p. 204-205. Voir aussi supra, p. 28.
279 A.-M. Ghisalberti, « Mazzini e la repubblica dei Romani », Il Risorgimento, 1, 1952, p. 6-27, article reproduit dans Un’antologia per mezzo secolo. Numero speciale del Cinquantenario, Il Risorgimento, 50, 1998, p. 103-122, ici p. 105.
280 Texte du billet dans G. Cittadini, La fuga e il soggiorno..., op. cit., p. 87 (« trascinato da funesti consigli »). Aux yeux du gouvernement italien, cette décision de Pie IX lui était au contraire entièrement personnelle, le pape n’ayant pas prévenu son entourage. Voir la réponse faite par le ministre de l’Intérieur à l’interpellation à la Chambre du député Lanza, le 29 novembre 1848, dans Atti del Parlamento subalpino. Sessione 1848. Camera dei deputati. Discussioni, Turin, 1856, p. 939 : « Una risoluzione assolutamente a lui personale, talchè niuno dei suoi famigliari ne era edotto ».
281 Il s’agissait, indiquait Pie IX, de « ne pas laisser acéphale à Rome le gouvernement de notre État ». Sur les réalisations de cette commission exécutive, voir L. Pásztor, « La Segreteria di Stato di Pio IX durante il triennio 1848-1850 », Annali della Fondatione italiana per la storia amministrativa, 3, 1966, p. 308-365, spéc. p. 341 et s. La période allant du 25 novembre 1848 au 9 février 1849 fut celle du gouvernement provisoire, dont les actes ont été rassemblés dans la Raccolta delle leggi e disposizioni del Governo provvisorio che incominciò col 25 novembre 1848, ed ebbe termine il 9 febbraio 1849 (Rome, 1849).
282 M. Caravale – A. Caracciolo, Lo Stato pontificio..., op. cit., p. 659.
283 Notification du conseil des députés « aux peuples de l’État pontifical », 4 décembre 1848.
284 « Lo Statuto non ha alcune disposizioni che vieti al governo di uscire dallo Stato. La condizione speciale del Papa è che può essere chiamato da un dovere a partire né dev’essere obbligato a darne ragione ai Consigli e al ministero. Quella tan-to meno, per la ragione accennata sopra. Inoltre lo Statuto toglie ai Consigli la facoltà di deliberare sulla alterazione o modifica dello stesso Statuto » (ASV. Spoglio card. Mertel, b. 42). Sur cette interdiction, voir supra, p. 118.
285 Cité par C. Panigada, « Governo e Stato Pontificio nei giudizi d’un deputato del ’48 », Rassegna storica del Risorgimento, 24, 1937, p. 1773-1802, cit. p. 1789.
286 Le terme de « provisoire » aurait été ajouté pour manifester la soumission de la Junte au pouvoir pontifical (G.-B. Guerri, Gli Italiani sotto la Chiesa..., op. cit., p. 183).
287 Lors de la séance de l’assemblée constituante du 8 février avait été voté le célèbre ordre du jour Quirico Filopanti, qui disposait : « Art. 1. Il papato è decaduto di fatto e di diritto dal governo temporale dello Stato romano ; Art. 2. Il pontefice romano avrà tutte le guarantigie necessarie per la indipendenza nell’esercizio della sua potestà spirituale ; Art. 3. La forma del governo dello Stato romano sarà la democrazia pura, e prenderà il glorioso nome di Repubblica romana ; Art. 4. La Repubblica romana avrà col resto d’Italia le relazioni che esige la nazionalità comune ».
288 Cf. R. De Felice, « Armellini, Carlo », dans Dizionario biografico degli Italiani, 4, Rome, 1962, p. 228-229, et M. Severini, Armellini il moderato, Rome, 1995.
289 Voir le texte de Mazzini, Agli Italiani (1853) : « Da Roma, dal Campidoglio e dal Vaticano, si svolge nel passato la storia dell’umana unificazione » (Scritti editi ed inediti, op. cit., 51, p. 55). Mazzini ajoutait avec emphase six ans plus tard : « Ed è la Trinità della Storia il cui Verbo è in Roma » (Ai giovani d’Italia, 1859, idem, 64, p. 180).
290 Sur la « religion civile » défendue par Mazzini et ses développements, voir Roland Sarti, Giuseppe Mazzini. La politica come religione civile, Bari, 2000, spéc. ch. VI « Quello che non è stato, sarà (1848-1853) », p. 155-202. G. Monsagrati retient « les deux prédications de la décennie précédente, la mazzinienne et la giobertienne » (« Roma nel crepuscolo del potere temporale », art. cit., p. 1041-1042).
291 G. Mazzini, Scritti editi ed inediti, op. cit., 41, p. 89-90. On connaît la source d’inspiration que constituait pour Mazzini le prophétisme médiéval, en particulier celui du moine calabrais Joachim de Flore. La notion de la Troisième Rome est à prendre ici dans un sens temporel et non spatial : c’est l’ère de l’Esprit-Saint, période de paix, de travail et de justice pour tous. Sur la postérité des conceptions joachimites, voir en premier lieu M. Reeves, Joachim of Fiore and the Myth of the Eternal Evangel in the Nineteenth Century, Oxford, 1987.
292 Liste dans G. Spada, Storia della rivoluzione di Roma..., op. cit., II, p. 73-81.
293 Ainsi le rapport de De Liedekerke, en date du 31 décembre 1848 (Rapporti delle cose di Roma..., op. cit., p. 133-136). Ghisalberti relève qu’il s’agit là de « l’argument favori » du diplomate (« Intorno alla fuga di Pio IX », art. cit., p. 129). Il s’agissait « d’ancrer Pie IX dans sa conversion à la cause rétrograde, le compromettre aux yeux des libéraux, le faire demeurer à Gaète » (G. de Chambrun, « Un projet de séjour en France du pape Pie IX », art. cit., p. 31). Sur les pressions exercées par un entourage perçu comme « obscurantiste et autrichien », voir A. Capograssi, La Conferenza di Gaeta del 1849 e Antonio Rosmini, Rome, 1941, p. 9-19.
294 F. Perfetti, Ricordi di Roma, op. cit., p. 53.
295 G. Andrisani, L’esilio di Pio IX, Florence, 1988, p. 211.
296 Voir en ce sens les violentes attaques formulées par Diomede Pantaleoni : « Quello che havvi di più sinistro nel caso nostro è l’entourage immediato del Papa, la sua Casa così. Gli è difficile immaginare un personale più stolido [= stupide], più insensato, più eccessivo nelle idee. Sono tutti devoti ai’Gesuiti, devoti all’Austria che con quelli è tutt’uno, e poi si poveri d’intelligenza, che non vi ha modo di convincerli. Mons. Talbot, Mons. Stella, Mons. De Merode, Mons. Ricci, ecc., sono quelli che vivendo attorno al Papa esercitano su di Lui animo un’influenza più grande, ed è difficile l’immaginarla più malefica » (Pio IX e Vittorio Emanuele II..., II/1. op. cit., p. 70, passage écrit en novembre 1860).
297 Expression du duc de Gramont, dans L. Thouvenel, Le secret de l’Empereur, I, Paris, 1889, p. 275.
298 Cf. E. Guerriero et A. Zambarbieri (dir.), La Chiesa e la società industriale 1878-1922, I, Cinisello Balsamo [Milan], 1990, p. 436 n. 94, ainsi que C. Weber, Kardinäle und Prälaten..., op. cit., I, p. 193-197 et II, p. 548-550.
299 A. Gough, Paris et Rome. Les catholiques français et le pape au xixe siècle, trad. fr., Paris, 1996, p. 169 ; le titre original anglais de cet ouvrage est plus suggestif : Paris and Rome. The gallican Church and the ultramontane Campaign 1848-1853 (Oxford, 1986).
300 Cf. G. Verucci, « Per una storia del cattolicesimo intransigente in Italia dal 1815 al 1848 », Rassegna storica toscana, 4, 1958, p. 251-285.
301 Voir Il cardinale Sisto Riario Sforza. Arcivescovo di Napoli (1845-1877), U. Parente et A. Terracciano (dir.), Rome, 1998. R. Esposito emploie à son propos l’expression de « leader di tutta l’ecclesialità meridionale » (Pio IX. La Chiesa in conflitto col mondo. La Santa Sede, la Massoneria e il radicalismo settario, Rome, 1979, p. 357).
302 L. Malusa, « In margine al ‘commentario rosminiano’... », art. cit., p. 224 ; voir C. Weber, Kardinäle und Prälaten..., op. cit., I, p. 285-299.
303 Né à Gênes le 8 mai 1797, G. L. Brignole s’était spécialisé dans les aspects financiers de la gestion de l’État pontifical, présidant simultanément la congrégation de la Révision des comptes (1842-1847) et la commission des Subsides (1843-1847). Cardinal depuis le 20 janvier 1834, il siégeait en outre dans onze congrégations (Visite apostolique, Evêques et Réguliers, Concile, Propagande, Index, Rites, Indulgences et Reliques, Examen des évêques en droit canonique, Économique, Études, Reconstruction de la basilique S. Paul). En 1852, il fut appelé à présider la Consulta di Stato pour les Finances, jusqu’à son décès survenu à Rome le 23 juin 1853.
304 Après cet épisode, le cardinal Mai détint toutefois la préfecture de la congrégation du Concile de 1851 à juillet 1853. Il disparut en 1854.
305 En 1849, Lambruschini s’adressa ainsi par lettre au cardinal Vizzardelli pour appuyer la cause d’un supérieur général d’ordre religieux s’estimant lésé par le Saint-Siège (S.C. AA.EE.SS., Inventario. I/11. Italia, pos. 280 fasc 91).
306 Ces arguments sont développés par Lambruschini dans une lettre à Pie IX le 2 juillet 1849 : « A me pare che, ferma la massima di non ammettere la Costituzione, incompatibile affatto colla condizione anche politiche della S. Sede, esclusa pure in massima la secolarizzazione dello Stato, V. S. potrà combinare un piano di regime che sia utile ai sudditi. [...] Il suffragio dei esaltati, e dei fanatici non debbe curarsi. L’ammissione di qualche probo ed abile Laico a scelta di V. S. nell’ammi nistrazione della cosa pubblica ; una moderata libertà alli [sic] Comuninell’amministrazione dei loro affari ; ed un Consiglio di Stato misto per la parte segnatamente delle finanze potrebbero essere la base di una buona organizzazione. Ma questo Consiglio di Stato non abbia che il voto consultivo. Altrimenti si rinnoveranno presto i funesti disordini dei quali siamo vittime. I popoli debbono essere condotti con un freno ; il freno sia moderatamente dolce, ma sia freno » (citée par P. Tufari, « La vita religiosa a Roma prima e dopo il 20 settembre 1870 : il significato di una data », dans P. Droulers, G. Martina, P. Tufari (éd.), La vita religiosa a Roma intorno al 1870. Ricerche di storia e sociologia, Rome, 1971, p. 235-273, ici p. 271 n. 81).
307 L. Chaillot, Souvenirs d’un prélat romain sur Rome et la Cour pontificale au temps de Pie IX, Paris, 1896, p. 45 n. 2.
308 F. Vistalli, Il cardinale Francesco di Paola Cassetta nella sua età e nella sua opera, Bergame, 1933, p. 30.
309 V. Tizzani, Pio IX, ouvrage inédit conservé aux ASV. Spogli Leone XIII. Curia romana, b. 12, § 96 : « Imperroché temeva egli [Antonelli] da quelle frequenza di visite [...] di essere sbalzato per la mobilità dell’animo di Pio IX dalla sua posizione di pro-Segretario di Stato e di vedere per conseguenza preclusa la via alla dominazione cui aspirava con la sua mal dissimulata ambizione ». Sur les rapports entre Antonelli et Rosmini à Gaète, voir C. Falconi, Il cardinale Antonelli. Vita e carriera del Richelieu italiano nella Chiesa di Pio IX, Milan, 1983, p. 193-200 et les remarques critiques de G. Martina dans la revue Pio IX, 13, 1984, p. 192. La position privilégiée de Rosmini causa d’autres mécontentements. Dans une lettre à l’intéressé du 4 août 1849, le cardinal Castracane indique : « Le confesso che quanto Le è accaduto nella sua stazione a Gaeta e presentemente Le accade, se non nel dettaglio, nell’insieme l’ho preveduto, conoscendo abbastanza le disposizioni niente a Lei favorevoli de’Cardinali miei colleghi, le gelosie di chi sta al timone degli affari, e il dispiacere che il freguente di Lei accesso alla persona di Sua Santità avrebbe cagionato nella corte pontificia, temendo della di Lei influenza sull’animo di Sua Santità » (cité sans références par G. Radice, « Pio IX e Antonio Rosmini alla luce di nuovi documenti d’archivio », Pio IX, 1, 1972, p. 22-957, cit. p. 76 n. 133).
310 G. Cittadini, La fuga e il soggiorno..., op. cit., p. 40.
311 M. Caravale – A. Caracciolo, Lo Stato pontificio..., op. cit., p. 679. A. Omodeo soutient que « a Gaeta il papa fu tutto sotto la sua influenza » (« Antonelli Giacomo, cardinale », Rassegna storica del Risorgimento, 47, 1960, p. 319-324, cit. p. 320).
312 L.-C. Farini, Lo Stato romano..., op. cit., p. 294.
313 E. About, La question romaine, op. cit., p. 113.
314 De Liedekerke en exprime la conviction dans un rapport du 18 avril 1850 : « Cette Éminence me paraît, du reste, mieux affermie que jamais dans sa position de premier ministre, de ministre dirigeant et même il est probable qu’elle ne tardera pas à échanger son titre actuel de pro-secrétaire contre celui définitif de secrétaire d’État » (cité par A.-M. Ghisalberti, Roma da Mazzini a Pio IX..., op. cit., p. 274).
315 L. Pásztor, « La Segreteria di Stato di Pio IX... », art. cit., p. 308.
316 Cf. S.C. AA.EE.SS., Inventario. Stati Ecclesiastici I, pos. 825 fasc. 288, rapport de Corboli Bussi au pro-secrétaire d’État Antonelli, à Gaète, sur les vicissitudes rencontrées par les employés et les archives de la secrétairerie d’État et du secrétariat des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, joint à un autre mémoire du sous-secrétaire Ferrari sur la même question ; voir aussi la lettre de Corboli Bussi, rédigée sur la base d’articles parus dans le Giornale officiale di Roma et jugés par le prélat « poco convenienti ad un giornale della S. Sede » (idem, pos. 832 fasc. 288).
317 Le 21 juillet 1848, Pie IX avait donné ordre aux représentants du Saint-Siège à l’étranger de correspondre, jusqu’à nouvel ordre, avec le secrétariat des Affaires ecclésiastiques extraordinaires (L. Pásztor, « La Congregazione degli Affari ecclesiastici straordinari tra il 1814 e il 1850 », Archivum historiae pontificiae, 6, 1968, p. 191-318, ici p. 291).
318 Carlo Vizzardelli, issu d’une vieille famille de la noblesse des États pontificaux, avait été professeur de droit ecclésiastique à l’université de Bologne, avant de devenir secrétaire des Lettres Latines (1832) puis secrétaire de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires en 1842, dont il réorganisa les archives. Élevé au cardinalat lors du consistoire du 17 janvier 1848, il demeura très proche de Pie IX au moment de l’exil en terre napolitaine. St. Gizzi a consacré nombre de travaux (à caractère plutôt apologétique, mais d’une grande richesse factuelle) à ce personnage ; voir en particulier « Un insigne prelato della Curia Romana elevato alla porpora dal ven. Pio IX nel 1848. Il cardinale Carlo Vizzardel li », Pio IX, 26, 1997, p. 62-98 et 151-180, et le compte-rendu de cet article par Roger Aubert dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 93, 1998, p. 297-298. Membre de la commission cardinalice chargée d’examiner le projet de constitution pour l’État pontifical, l’homme « qui ne souriait jamais » (selon l’expression de Mgr Corboli Bussi, qui le décrivait comme un individu « ingiallito sui libri ») s’y exprima « de manière à ne pas soulever de doutes quant à sa défiance envers les principes libéraux ». Antonelli se déchargea sur ce canoniste averti du règlement des affaires ecclésiastiques ; une lettre de Rosmini confirme le « rôle de premier plan joué par le cardinal à Gaète ». Après la restauration du gouvernement pontifical, il intervint encore dans le rétablissement de la hiérarchie épiscopale en Grande-Bretagne. Il disparut le 24 mai 1851.
319 Vincenzo Santucci (1796-1861), originaire du diocèse de Terracine, commença comme minutante à la secrétairerie d’État, dont il devint le substitut et secrétaire du chiffre en 1844 (Notizie per l’anno 1845..., p. 333) ; secrétaire des Affaires ecclésiastiques extraordinaires en 1850, il fut élevé au cardinalat en 1853. Pour M. De Camillis, il était « una delle persone più intelligenti, aperte e moderate del Sacro Collegio » (« Santucci, Vincenzo », dans Enciclopedia cattolica, 10, 1953, p. 1884-1885). Voir aussi C. Weber, Kardinäle und Prälaten..., op. cit., I, p. 527-528.
320 Secrétaire de nonciature à Vienne de 1836 à 1845, internonce au Brésil de 1845 à 1847, G. Bedini fut commissaire extraordinaire des Légations pontificales en Italie septentrionale de 1849 à 1852. Jugé par certains comme un diplomate ‘in ganti gialli’, il fut envoyé aux Etats-Unis en 1853, au lendemain de la réunion du concile plénier de Baltimore tenu en mai de l’année précédente.
321 Au bas de la page du registre (ASV. Segr. Stato, Protocolli, vol. 201), après le dernier acte enregistré (portant le n° 10350), l’employé de la secrétairerie d’État inscrivit la mention suivante : « In questo giorno 9 febbrajo 1849 la proclamazione della Repubblica fece si, che l’archivio della Segreteria di Stato di Sua Santità cessasse di prestarsi a registrare le materie trattate nel ministero degli affari esteri divenuto intruso ; quindi l’archivio du chiuso e sospeso il presente protocollo ». Le registre fut rouvert le 12 juillet 1849, sur le même volume et au numéro d’acte suivant immédiatement [10351].
322 Né en 1811, Matteo-Eustachio Gonella, d’abord prélat référendaire de la Signature de grâce et de justice, ayant prêté serment le 17 février 1842, avait été prélat adjoint de la congrégation du Concile jusqu’en 1846 et consulteur des Affaires ecclésiastiques extraordinaires (Notizie per l’anno 1845..., p. 214, 238 et 258 ; Notizie per l’anno 1846..., p. 221). Créé cardinal en 1868, il disparut en 1870. La référence à cette réunion figure dans les registres de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires sous le n. 286.
323 Dans une lettre écrite à Mgr Gonella le 5 janvier 1850, Corboli Bussi avait souligné l’importance et la complémentarité des secrétaires de la Propagande et des Affaires ecclésiastiques extraordinaires en affirmant qu’ils représentaient chacun « uno dei due emisferi della Chiesa ». Dès 1848, une réunion de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires avait tenté de « fixer une ligne de démarcation entre les affaires à traiter par cette congrégation [la Propagande] et celles devant être considérées comme relevant des compétences des autres congrégations » (AA.EE.SS. Inventario, I/1. America I, pos. 31, fasc. 7, 1848).
324 Créée en octobre 1849, cette commission était composée des cardinaux Lambruschini, Fransoni, Orioli, Ferretti, Vizzardelli et Antonelli, avec pour secrétaire Andrea Bizzarri. Cf. la lettre que celui-ci adresse le 3 novembre 1849, depuis Portici, à Antonelli, dans ASV. Spoglio Antonelli, b. 2A, et les papiers relatifs à la réunion de la commission, partiellement conservés à la S.C. AA.EE.SS. (Inventario, I/11. Italia, pos. 296 fasc. 95).
325 G. Martina, « La Repubblica romana e le carte dell’Archivio segreto Vaticano », Rassegna storica del Risorgimento. Numero speciale per il 150° anniversario della Repubblica romana del 1849, 86, 2000, p. 351-368, ici p. 352-353.
326 Diario della Carità, 9 juin 1849, dans A. Rosmini, Scritti autobiografici inediti, A. Castelli (éd.), Rome, 1934, p. 405-406. Corboli Bussi, tout en faisant preuve de scepticisme quant au devenir des constitutions octroyées, avait pensé que Pie IX, sous peine de se placer en butte à l’hostilité des constitutionnels, ne devait pas être le premier à abolir le Statuto (cf. A. C. Jemolo, Chiesa e Stato..., op. cit., p. 67).
327 En mars 1849, selon le marquis de Ségur, « on vit le pape se décourager et songer un moment à déposer la tiare » (Vie de l’abbé Bernard, Paris, 1883, p. 104). Le doute semble s’être manifesté plus tard, au cours de l’hiver 1849 ; voir sur ce point A.-M. Ghisalberti, Roma da Mazzini a Pio IX..., op. cit., p. 227-258, ch. 8 : « Inverno inquieto ».
328 Ibidem.
329 Texte de cette allocution dans L.-C. Farini, Lo Stato romano..., op. cit., 31853, IV, p. 21-48, passage cité p. 24-25. Pie IX rappelle que dès son allocution consistoriale du 4 octobre 1847, il avait mis en garde contre de tels détournements préjudiciables à la préservation de « la maison du Père commun des Fidèles, c’est-à-dire l’État de l’Église » (idem, p. 26).
330 Idem, p. 27-28.
331 Cf. M. Cessi Druidi, « Contributo alla storia della Conferenza di Gaeta », Rassegna storica del Risorgimento, 45, 1958, p. 219-272.
332 Cette intervention devait se prolonger par une note destinée au cardinal Antonelli, le 29 août, rédigée avec la collaboration de Corcelle, qui préconisait les points suivants : la reconnaissance formelle de certains principes fondamentaux contenus dans les premiers articles du Statuto du 14 mars 1848, de façon à garantir la liberté individuelle et la propriété privée, considérées comme principes de base de toute société civile, indépendamment de ses formes de gouvernement ; une nouvelle organisation des tribunaux, pour assurer de réelles garanties judiciaires aux citoyens ; la promulgation de lois civiles analogues à celles en vigueur en Piémont et dans le royaume de Naples, dérivées des codes français ; la création d’assemblées communales et provinciales ; la sécularisation de l’administration. Le texte de la note Rayneval-Corcelle est reproduit dans N. Bianchi, Storia documentata della diplomazia europea in Italia dallo anno 1814 all’anno 1861, VI, Rome, 1872, p. 508-515. Claude-François de Corcelle (1802-1892), apparenté à Mgr de Merode, était chargé au nom du gouvernement français d’assurer la liberté et la sécurité personnelles de Pie IX et, si besoin était, sa retraite dans l’hexagone (A. Pougeois, Histoire de Pie IX et de son pontificat, op. cit., II, p. 222).
333 Dans une autre note, datée du 30 septembre suivant, le pro-secrétaire d’État revient sur « ce dont on a accusé le Gouvernement pontifical, spécialement sur le monopole des emplois qu’on dit détenu par les ecclésiastiques », et avance le chiffre de 160 clercs titulaires « des charges et emplois des tribunaux et congrégations ecclésiastiques » contre 319 laïcs, et de 238 « places occupées par des ecclésiastiques » contre 5.037 tenues par des laïcs. La notice « Italie » du Dictionnaire encyclopédique de la théologie catholique (t. 12, Paris, 1870, p. 24) avance des chiffres semblables : 243 fonctionnaires ecclésiastiques pour 5.039 laïques ; mais alors qu’ils ne sont que trois contre 2.017 au finances, ils représentent 156 fonctionnaires sur 1.411 au ministère de l’Intérieur, c’est-à-dire à la direction générale de l’État. Les chiffres des traitements versés font apparaître une forte distorsion au profit des ecclésiastiques : 52.000 écus pour les ecclésiastiques contre 254.000 pour les laïcs à l’Intérieur (soit une rémunération moyenne de 333 écus pour les ecclésiastiques et de 180 écus pour les laïcs), 5.680 écus contre 514.772 aux Finances (moyenne de 1893 écus perçus par les ecclésiastiques contre 255 aux laïcs), 2.000 écus pour le seul ecclésiastique relevant du ministère du Commerce contre 13.136 pour les 161 laïcs (81,6 écus en moyenne), enfin 4.119 écus pour deux ecclésiastiques et 75.052 écus pour 404 laïcs au ministère de la Police. Il est difficile de trouver un critère valable de comparaison entre, par exemple, les deux ecclésiastiques en poste au ministère des Finances et les 2.017 laïcs officiellement employés dans ce dicastère. Le même constat s’impose s’agissant des deux seuls ecclésiastiques du ministère de la police et des 404 agents et employés laïcs. Le rapport entre le nombre des postes et le degré de qualification des emplois met en évidence une subordination des laïcs. Certes, le tribunal de la Pénitencerie emploie vingt-six ecclésiastiques pour deux laïcs, et la congrégation des Évêques et Réguliers treize pour deux, mais « ne nous berçons pas d’illusions [en pensant que] les 87 laïcs de la Révérende Fabrique de Saint-Pierre, les Sanpietrini, ont plus de voix au chapitre [sic] que les trois dirigeants ecclésiastiques » (A.-M. Ghisalberti, Roma da Mazzini a Pio IX..., op. cit., p. 180 n. 31). La littérature avait en effet insisté sur le fait que « le pape avait déjà appelé, pour remplir des fonctions mi-parties religieuses, mi-parties civiles, un plus grand nombre de laïques qu’il n’y avait d’ecclésiastiques et de monsignori dans les postes civils. Je me rappelle, en effet, avoir vu, en 1846 et 1847, nombre d’employés laïques dans les bureaux de la Secrétairerie des brefs et dans ceux de la Secrétairerie d’État. J’en trouvai même dans les congrégations qui traitent de choses purement ecclésiastiques » (P. Rocfer, avant-propos à L. Chaillot, Souvenirs d’un prélat romain..., op. cit., p. 14).
334 F. Rizzi a montré la tiédeur des réactions de la population à l’annonce du retour du pape dans ses États (La coccarda e le campane..., op. cit., ch.8 : « La restaurazione », p. 207-227). Cette analyse contredit les nombreux récits lyriques composés à cette occasion ; celui de L. Pompili Olivieri détaille le voyage de retour du pape et de sa cour sans omettre un seul nom des dignitaires qui l’accompagnèrent ou l’accueillirent aux différentes étapes (Il Senato romano nelle sette epoche di svariato governo da Romolo fino a noi, colla serie cronologicaragionata dei senatori dall’anno 1473 fino al 1870, Rome, 1886, III, p. 235-269) et insiste sur le fait qu’après « les plus terribles soubresauts politiques, il est remarquable qu’aucun désordre, même minime, ne se produisit » (p. 269).
335 Storia d’Italia dal 1815 al 1850..., op. cit., II, p. 21.
336 A.-M. Ghisalberti, « Una restaurazione ‘reazionaria e imperita’ », Archivio della Società romana di storia patria, 72, 1949, p. 139-178, ici p. 159.
337 Il papa Pio IX, Capolago, 1849.
338 Cf. le titre donné par Vincent Viaene au ch. 11 de son Belgium and the Holy See from Gregory XVI to Pius IX (1831-1859). Catholic revival, society and poli-tics in 19th century Europe, Louvain, 2001 : « From Pio Nono to Pius IX (1848-1851) ».
339 L.-C. Farini, Lo Stato romano..., op. cit., II, p. 154-155.
340 Nous empruntons cette expression à R. De Cesare, qui écrit alors : « Un urto fra quelle potenze [européennes], e la sorte dello Stato del papa era decisa : il governo pontificio rappresentava come l’equilibrio fra due paure » (Roma e lo Stato..., op. cit., p. 249).
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