Introduction
p. 1-25
Texte intégral
1En 1910, le savant français Léonce Célier ouvrait par ces mots son étude des origines de la Daterie apostolique : « L’organisation de la Cour pontificale n’est pas familière à beaucoup de gens, sans doute parce qu’elle est très compliquée. Les diverses administrations qui la composent ont été créées et développées selon les nécessités historiques, sans que jamais on ait songé à les coordonner d’après un plan systématique ; elles sont loin de former un ensemble logique et harmonieux ; le monde d’employés qui les remplit, avec une formation et des idées assez spéciales, s’occupe d’affaires fort éloignées des préoccupations habituelles du public, et surtout du public français : il n’y a donc pas lieu de s’étonner que celui-ci ait été dérouté par un partage de compétences qui déjoue tous les essais de classification, et par des habitudes administratives fort étrangères aux nôtres. La Curie, ses tribunaux, ses officiers, sont des choses fort peu et fort mal connues »1. Cette description assimilant les instances centrales de l’Église romaine aux continents d’une terra incognita, au-delà de l’effet rhétorique produit et de la méconnaissance qu’elle fustige à demi-mot, suggère aussi la traditionnelle part de mystère qui enveloppe l’ordre et les usages du plus ancien gouvernement du monde encore existant. L’apparente absence de logique et d’harmonie, l’étrangeté des pratiques administratives, en contraste avec la clarté rigoureuse d’une organisation française née des vues napoléoniennes, compose, à Rome, les contours et les règles du « jeu de l’ombre » décrit par le cardinal De Luca dans la seconde moitié du xviie siècle2. Les « secrets, manèges, jalousies et soupçons » évoqués en son temps par le cardinal de Bernis et soulignés par la couleur de l’habit ecclésiastique constituent le « monde noir » dont, au début du xxe siècle encore, beaucoup jugeaient inutile de vouloir forcer la porte3.
1– L’HISTORIOGRAPHIE DU GOUVERNEMENT CENTRAL DE L’ÉGLISE
2Ce sentiment de confrontation à l’opacité a pesé sur les méthodes et les objets historiographiques liés au gouvernement central de l’Église. Andrea Riccardi déplorait que l’étude scientifique de la Curie romaine demeurât encore aujourd’hui sous un « cône d’ombre »4 et partant que cet objet fût toujours tributaire des catégories du mythe, des reconstructions sommaires et du jeu confus entre la figure auréolée du pape et la réalité de l’administration dont il dispose. La pauvreté de la bibliographie, sur la Curie romaine dans son ensemble comme sur chacun de ses organes constitutifs (tribunaux, congrégations et offices), avait été regrettée en son temps par Niccolò Del Re, auteur d’une des seules synthèses d’envergure sur le sujet5. Si d’importantes entreprises de publication de documents et certaines analyses majeures ont vu le jour pour les périodes médiévale et moderne, ce constat demeure largement valable pour l’époque contemporaine. La production historique, quoique abondante, s’est longtemps déployée selon deux axes6. Le premier envisage surtout une étude politique de la Curie sous les pontificats successifs, en insistant, pour ce qui est de la secrétairerie d’État, sur les aspects diplomatiques, en particulier autour de la « Question romaine », décrite dans l’affrontement manichéen de deux pouvoirs placés face à face, l’Église et l’État7. La seconde orientation, développée plus récemment, aborde les itinéraires des principales figures de la Curie à travers une enquête prosopographique sur les formations, les itinéraires et l’exercice des charges de gouvernement (prélature et cardinalat pour l’essentiel)8, dans un contexte historiographique peinant d’ailleurs encore à assigner à la biographie une place et un rôle significatifs9. Christoph Weber notait qu’une connaissance en profondeur de la Curie à l’époque contemporaine ne pouvait se dispenser d’une plus grande familiarité avec le personnel de cette « immense organisation »10. Il ne semble pas aujourd’hui que l’historien se trouve en présence d’une contradiction fondamentale entre les objectifs et les méthodes de l’histoire institutionnelle et ceux d’une histoire politique et sociale qui a – entre autres apports – forgé les catégories d’élite et de génération. Cette évolution méthodologique, dont certains fruits ont déjà été récoltés pour d’autres champs des sciences sociales11, ouvre sur une compréhension plus fine du rapport entre hommes et institutions12. Lajos Pásztor soulignait déjà que « l’histoire des cardinaux et celle de la Curie constituent deux sujets qui peuvent, certes, être envisagés en eux-mêmes, mais [...] représentent aussi deux aspects particuliers d’une réalité plus complexe, celle de l’histoire de l’Église en général »13. Ce n’est donc pas en vertu d’un a priori méthodologique qu’est exclue de ce travail l’étude strictement prosopographie du gouvernement de l’Église. L’approche institutionnelle de l’histoire de la Curie fait privilégier l’anatomie à la physiologie14. Rencontrant au fil de la recherche les personnalités majeures de la Curie, nous en avons replacé l’itinéraire et l’action – le terme de « carrière » est certainement réducteur15 – dans leur contexte institutionnel et juridique.
3Ce contexte, ainsi que les ferments doctrinaux qui le nourrissent, apparaît, sauf exception remarquable16, peu développé ou abordé seulement rouage par rouage, sans vue d’ensemble et sous un angle statique, « sans chercher à analyser en quoi consiste le mystérieux échange entre le successeur de Pierre et ses conseillers »17. Dès la fin du xixe siècle, à l’image de Mgr Albert Battandier18, quelques canonistes en avaient pourtant souligné la nécessité. Ils furent relayés, après la promulgation du Code de droit canonique de 1917, par le cardinal Serédi19 et plus récemment par Lajos Pásztor20. L’émergence de cette exigence scientifique, au cœur de la période retenue pour cette étude, mais aussi sa validité maintenue jusqu’à nos jours illustrent bien la difficulté inhérente à une appréhension historique des outils et des concepts de la science juridique du xixe siècle, ceux-ci constituant encore un pilier méthodologique et doctrinal de la science du droit. Bruno Paradisi a souligné que « la grande leçon de la science historico-juridique du xixe siècle est demeurée en grande partie inchangée et ‘conditionnante’ pour l’historiographie juridique d’aujourd’hui »21. Dans cette perspective s’inscrivent le manifeste d’Édouard de Laboulaye dans son article-programme donné en 1855 pour la première livraison de la Revue historique de droit français et étranger22, le plaidoyer de l’historien du droit polonais Hubert Izdebski pour « une histoire comparée de l’administration centrale des États modernes »23, ou encore le vœu de François Burdeau d’approfondir l’« histoire comparée des administrations publiques »24.
2 – ROME, LA CURIE ET L’ITALIE
4La richesse de l’histoire juridique de la péninsule fait incontestablement du domaine italien un champ privilégié de cette réflexion. L. Moscati a souligné à quel point, dans les zones d’application de la codification napoléonienne, les références au droit français s’étaient graduellement intégrées jusqu’à former une composante connaturelle au système normatif initial25. Au cœur – y compris géographique – de cet ensemble spécifique et de son histoire, le cas des institutions centrales de l’Église catholique romaine est porteur de singularités supplémentaires. G. Santini a montré que « pour ce qui concerne Rome, où de 1523 à 1978 tous les pontifes furent italiens, la cour papale constitue le lieu, au moins jusqu’aux guerres de succession du xviiie siècle, d’une alternative valable à l’absence de cour royale [en Italie] et la Curie romaine, avec ses congrégations, ses offices et ses tribunaux, ainsi qu’avec ses services diplomatiques – les nonciatures – offre un appareil ministériel bureaucratique de niveau comparable à celui des grands États européens : une grande cour impériale, au sein de laquelle les Italiens étaient appelés à détenir la majorité des postes, à jouir des prébendes et à entretenir des espérances fondées de carrière »26. L’accroissement en volume du personnel administratif et le phénomène de bureaucratisation de la Curie, fruit d’un fonctionnement toujours plus centralisé, transforma aussi la perception du gouvernement pontifical au miroir des réalités italiennes.
5Ce rôle de cristallisation tenu par la Curie dans le cadre de l’Italie pré-unitaire se nourrit des aspirations à l’universalité propres à l’institution ecclésiale. En une particularité unique, l’État ou les États de l’Église27 coïncident alors, s’agissant de leurs instances centrales, avec le gouvernement de la catholicité28. La superposition est à la fois institutionnelle et géographique, et géographique parce qu’institutionnelle, au sens où l’idée de Rome, à laquelle Federico Chabod dédia des pages célèbres29, est moins porteuse d’une « expression géographique » qu’elle n’est une figure de la centralité de l’Église. L’observateur est confronté à l’identité de nature, voire à la symbiose, entre le pouvoir et le dominium, les deux notions « se fondant dans une valeur neuve, posant les fondements de cet organisme politico-religieux, valide jusqu’en 1870, particulier au Moyen Âge, sans équivalent dans l’Europe moderne, que l’histoire nomme ‘État de l’Église’, ‘État, États pontificaux’ »30. De cet État particulier, l’Église forme la structure portante, véhiculant un modèle de société hiérocratique et partant, d’État confessionnel31. La bande centrale de la péninsule italienne représente en effet le seul État où, hormis l’expérience napoléonienne, l’Église n’était pas aux prises avec un contre-pouvoir étatique et dans lequel le droit ecclésiastique recoupait en substance le droit canonique32. Pour autant, cette homogénéité est aussi, dans le cadre des États de l’Église, source de confusion entre « le règne de Dieu et l’empire de l’Église »33. Or, le pape est souverain de l’État pontifical, non de l’Église ; les cardinaux placés à la tête des légations, jouissant d’un rang élevé dans l’organigramme de la Curie, incarnent la relation mais aussi le compromis politique entre centre et périphérie.
6Cette spécificité de la construction juridique de l’Église et de son gouvernement en Italie centrale fut explicitée et revendiquée par Rome, à partir des années 1860-1870, grâce au concept d’État sui generis34. En 1879, dans un mémoire intitulé I fatti imperiali et dédié à Léon XIII, le P. Pompilio Giuseppe Gagghini rappelait « la peculiare costituzione dei Dominî Pontificî, come Stato e Regno di religione insieme »35. La dialectique, devenue classique, du temporel et du spirituel campait l’Église et l’État en deux formes spécifiques d’une notion unique et générique de société, dont le modèle était emprunté à la réflexion politique civile ; elle recelait les deux dangers de naturalisme dans son application à l’Église et de juridisme dans la manière de concevoir le droit canonique, contraint d’emprunter les mêmes catégories que le droit civil pour dialoguer avec lui d’égal à égal. Elle favorisait également la réduction du rapport Église-Monde à celui de hiérarchie ecclésiale-États pontificaux. Pour le droit romain, le modèle de l’État demeurait la cité, et par antonomase la ville de Rome, dont l’organisation essentiellement agricole et militaire avait laissé une empreinte durable dans les institutions ; la papauté conserva, jusqu’en 1870, une direction des Eaux et des Routes et même une préfecture de l’Annone ; l’économie reposait d’abord sur le « bon gouvernement » d’un patrimoine foncier36. La permanence de la notion romaine de propriété, où le paterfamilias est ici incarné par le pape, contient une part de l’explication d’un paternalisme revendiqué37 définissant une mentalité et partant un type de gouvernement prédisposé à agir au coup par coup, empiriquement38.
7Ces éléments contribuent à expliquer l’attachement, continûment défendu par la Curie, au pouvoir temporel. Sans doute, à cette période, l’expression de « gouvernement des prêtres » servit davantage à stigmatiser qu’à décrire ou, moins encore, à analyser ; çà et là fleurirent les formules de gouvernement « monarchico-clérical »39 ou d’« hybride du pape-roi »40, le plus souvent dans le dessein de « contraindre les papes à redevenir [simples] prêtres »41. L’universalisme médiéval et son entrée en crise à partir du milieu du xve siècle – pour parler vite –, ainsi que les débuts, valables aussi pour l’État de l’Église, d’une phase de transition vers un État moderne centralisé avaient conduit certains à considérer, au début du xviie siècle, que la dignité de chef de l’Église était un ‘ajout’ à l’image désormais dominante du pape-roi42. L’observation de Ph. Boutry pour la Rome de la restauration est dès lors pleinement valable pour le second xixe siècle : l’historien doit d’un côté « rendre compte d’une idéologie politique, culturelle et sociale d’inflexion explicitement conservatrice, sinon réactionnaire ; de l’autre, il doit saisir et mesurer les processus de modernisation et de transformation qui, dans les mêmes décennies et dans le même milieu, affectent et modifient [...] l’assise structurelle de la capitale de l’État pontifical à la veille de sa disparition. Tâche paradoxale, et à certains égards contradictoire, où l’historien, confronté tel un nouveau Galilée à l’immobilité apparente des discours et des comportements [...] doit toutefois s’écrier : Eppur si muove ! »43.
3 – SOCIÉTÉ ECCLÉSIASTIQUE ET ECCLÉSIOLOGIE
8Cette conception du monde devait alimenter à son tour les orientations ecclésiologiques de la Curie. G. Miccoli a mis en lumière dans les milieux romains « l’accord, les liens, les consonances, les éléments communs en somme, avec l’univers du passé, trop nombreux et trop profondément ancrés pour ne pas rendre extrêmement tortueuse et difficile une véritable approche des problèmes majeurs et des nouvelles orientations du présent »44, leur faisant parfois confondre « la dévotion au passé avec la fidélité à l’éternel »45. L’utilisation du style apologétique et de son alternative classique, à résonance manichéenne, entre despotisme et anarchie, en est une illustration. L’habitude consistait à prodiguer et à recevoir un enseignement intemporel, suivant une méthode déductive « tombant sur les hommes comme un corps étranger à la vie »46, venue d’en haut, conformément à l’argument d’autorité, et portée à l’abstraction. Les tenants de cette position préféraient « se placer toujours au centre des principes pour en déduire les conséquences logiques »47 plutôt que de rechercher, sur le mode casuistique, les solutions adaptées à des situations concrètes. Ce mouvement descendant vers le profane, fondateur, par le mystère de l’Incarnation, de la notion de chrétienté, conduisait aussi à la sacralisation de nombreuses institutions temporelles et explique pour partie l’attachement, lui-même élevé au rang de devoir sacré, à la tradition48.
9La notion de tradition, couplée à celle d’éternité, fait écho à l’importance de l’histoire pour le canoniste – soulignée par M. Metzger49 – et rappelle que la « science historique du droit ecclésial »50 demeure encore largement à écrire, en prenant garde que ses contenus, s’ils contredisent l’analyse objective, ne fassent verser dans une histoire sainte ou sacrée, au détriment de l’histoire scientifique aujourd’hui « émancipée », selon le mot de F. Hildesheimer51. Elle ne saurait davantage être négligée, dans la mesure où les institutions ecclésiastiques constituent un indicateur précieux de « l’idée que l’Église se forme de sa propre mission, donc de la conscience [qu’elle a] d’elle-même »52. Cette particularité ouvre sur d’autres divergences, historiques, qui distinguent la construction étatique de la configuration des pouvoirs au sein de l’Église. Dans l’identification sociale du phénomène religieux, le canoniste reconnaît aux groupes, outre un corps de doctrine, un ensemble de rites et une finalité religieuse, un caractère « institutionnel ou hiérarchique, c’est-à-dire une nette distinction et une supériorité d’une ‘classe sacerdotale’53 à laquelle sont confiés la direction du groupe et l’accomplissement des rites propitiatoires envers la divinité »54. Ce caractère hiérarchique (societas inaequalis) est, dans l’ecclésiologie romaine du xixe siècle, une condition de la liberté et un argument de défense de l’identité du pouvoir ecclésiastique. Il met en jeu l’existence même de l’institution ecclésiale, dans la mesure où, comme l’écrit encore au début des années 1950 le Dictionnaire de droit canonique dirigé par le chanoine Raoul Naz, « pour toute société, la hiérarchie est une armature, donc un gage de durée et une force. Aussi ne faut-il pas s’étonner que l’on ait plus d’une fois cherché au cours des siècles à altérer le caractère hiérarchique de l’Église en donnant des interprétations fallacieuses aux paroles et aux volontés du Christ »55. Historiquement, la doctrine canonique n’a pas connu le même itinéraire ni accompli le même travail théorique que la science juridique séculière qui, du xviiie siècle à son apogée du dernier quart du xixe siècle – le « temps des cathédrales » analysé par F. Burdeau –, jeta les fondements du droit et de la science de l’administration56. Dans l’Église, l’administration ecclésiastique ne forma pas une organisation unitaire mais dépendit, dans son noyau originel, des vicissitudes de l’organisation de la hiérarchie ecclésiale. La problématique d’une répartition du travail, débouchant sur la notion d’office, expliquait « la nécessité de diviser les fonctions de l’État en plusieurs sphères, incluant des missions et des pouvoirs, à chacun desquels se rattache un office »57. C’est pourquoi, notait E. Labandeira, « lorsque l’on évoque l’organisation administrative de l’Église, on ne peut la considérer comme un système unitaire d’organes administratifs distincts des autres organisations du gouvernement. [...] Il existe donc des différences notables entre l’administration ecclésiastique et celle des sociétés civiles modernes. Dans ces dernières, l’administration devient hiérarchie en vertu de la division des pouvoirs et l’attribution qui lui est faite du pouvoir exécutif. Dans l’Église se vérifie le phénomène contraire : c’est la hiérarchie ecclésiastique qui devient administration dans la mesure où elle exerce des activités administratives »58. La potestas préexiste à tout rapport juridique ; générique, elle n’a pas un objet concret ou spécifique ; la société ecclésiastique est par excellence une « société-moyen », dont la souveraineté ne se situe pas en son centre mais dérive de son fondateur divin59. Cette conception affecte en premier lieu la typologie des pouvoirs (d’ordre, de juridiction60, de magistère) dans l’Église, qu’un large courant de la doctrine canonique du temps, représentée notamment par Phillips, Hinschius et Bouix61, tenta de faire coïncider avec la distinction des tria munera (sanctificandi, regendi, docendi). Bruno Neveu a souligné le lien intime et continu tissé par l’Église entre le savoir et le pouvoir : « On a peine aujourd’hui à comprendre qu’une même autorité soit à la fois épistémique et déontique, autrement dit qu’elle décide simultanément au cours d’un acte souverain, dans l’ordre du savoir et dans l’ordre du pouvoir, en édictant à la fois un jugement et un ordre »62. Ce travail théorique, en un sens relayé par le magistère, put suivre la distinction dégagée par la doctrine séculière entre pouvoir législatif, exécutif et judiciaire63, quitte parfois à subdiviser la puissance exécutive en judiciaire et administrative64 ; il prépara aussi le passage, entrevu mais non encore théorisé ou rationalisé, « de l’administration aux administrations »65, dont les missions s’accrurent au rythme des progrès d’une centralisation fondée sur l’uniformité, la hiérarchie et la discipline66.
10Il découle notamment de ces éléments que l’histoire de la Curie est distincte de celle de ses réformes. Si la plupart des permanences étaient perçues comme autant de résistances, alimentant l’image d’archaïsme de la Rome « momie » raillée par Gregorovius67, les canonistes considéraient sans paradoxe que le pouvoir temporel, tout comme l’ensemble du gouvernement de l’Église et dans la mesure même où il en était partie prenante, atteignait à l’atemporalité ; ils reconnaissaient au plus une sédimentation de ses structures, sans s’interroger sur les processus de mutation des institutions, dont le caractère ontologiquement parfait présumait sinon l’immutabilité, du moins l’incorruptibilité. Ce trait, caractéristique de la construction théorique de la société parfaite, postulait pour l’Église une supériorité dérivant « de sa constitution, qui est immuable dans ses traits essentiels, alors que celle des États change au gré des circonstances »68. La ratio legis débouchait sur une rationalitas qui, en intégrant la raison fondée sur la nature, devait puiser aussi à la raison suprême dictée par la charité69. En ce sens, un gouvernement de l’Église comme entité spirituelle, plus précoce et plus articulé que ses équivalents civils, pouvait déjà représenter un modèle de construction de l’État moderne » qui, irréductible à la simple domination et à ses formes d’exercice70, tendait toujours à sa propre conservation. Cette figure atypique put aussi peindre la Curie romaine en un agrégat de figures juridiques subjectives71, doté de formes (une congrégation, un tribunal, un collège de prélats) ou de finalités diverses (spirituelle, temporelle, universelle ou circonscrite à l’État pontifical) et définissant le « particularisme gigantesque » qui avait effrayé Dostoïevski72.
11La compréhension des mécanismes de pouvoir et de leurs conditions juridiques d’exercice au sein du gouvernement central de l’Église imposait le repérage puis l’analyse de l’histoire des structures de la Curie romaine grâce aux volumineuses sources d’archives (pour l’essentiel manuscrites) romaines, italiennes comme vaticanes73, et à un riche corpus de sources imprimées74. Dans cette masse de publications, constatait un spécialiste de la période, les travaux « plus ou moins scientifiques sur la Cour de Rome sont en infime minorité [et] constituent une piste de recherche qui n’a jamais réussi à susciter le moindre intérêt »75. En dépit d’une telle faiblesse, cette historiographie « aneddotica-antiquaria »76 est une source inépuisable d’informations et de détails. Pour une sensibilité catholique rapidement qualifiée de traditionnelle, qui inspira la grande majorité de ces parutions, la figure du pape reste centrale dans la perception du schéma hiérarchique de l’Église romaine77 ; peu d’auteurs s’interrogent sur la personnalité et l’influence éventuelle de ses collaborateurs, même immédiats, ni sur la Curie en tant que telle, c’est-à-dire envisagée comme complexe institutionnel. C’est encore le cas de la monumentale Storia dei papi de Ludwig von Pastor78, qui fit date dans l’histoire de l’historiographie. Sans doute peut-on invoquer ici la médiocrité de l’enseignement de l’histoire ecclésiastique dans les universités et collèges romains au xixe siècle79. Mais ce n’est là qu’une explication partielle. La période envisagée est aussi celle où l’histoire institutionnelle, interne, de l’Église se mêle particulièrement à l’histoire politique, en connaît les vicissitudes et tente de s’y adapter graduellement. L’historiographie ne fait sur ce point que refléter l’intensité des préoccupations des contemporains. Or ce constat, qui conduira à des mises au point sur l’état des relations entre le gouvernement italien et le Saint-Siège à cette période, doit être couplé avec celui d’une évolution institutionnelle qui obéit à ses rythmes propres, ceux de l’Église en général et de son gouvernement central en particulier, composant un « mondo pontificio »80 qui, à l’instar d’autre objets historiographiques, ne se laisse aborder qu’au moyen de clefs de lecture spécifiques.
12Parmi les sources imprimées, une place devait être ménagée aux témoignages directs de cardinaux ou hauts dignitaires de la Curie ayant laissé des Mémoires. Leur utilisation appelle deux remarques, quantitative et qualitative. D’une part, alors que cette source jouit d’une importance indéniable pour l’étude du gouvernement pontifical du premier xixe siècle, elle se tarit nettement pour sa seconde partie et les premières décennies du xxe siècle ; d’autre part, et au-delà des doutes que l’historien nourrit sur leur caractère objectif, ces recueils de souvenirs sont en majorité l’œuvre de prélats ou de cardinaux ayant occupé des fonctions à la secrétairerie d’État et qui y évoquent uniquement leur activité diplomatique. Ce champ d’action, qui, grossièrement, forme le théâtre extérieur de la Curie romaine, a été exclu de la présente étude, dans la mesure où il n’entre pas à proprement parler dans le cadre du gouvernement central de l’Église81. En outre, ce type de source livre généralement peu d’informations sur le fonctionnement interne de l’institution82 et ne se démarque guère de la grille culturelle qui sous-tend la plupart des histoires générales de l’Église de cette époque83. Quelques exceptions méritent cependant d’être relevées. Il s’agit en premier lieu des très importants Mémoires du cardinal Domenico Ferrata84, rédigés dans un style alerte et truffés de mentions allusives exigeant de « comprendre entre les lignes »85 pour saisir leur portée parfois critique envers la Cour de Rome, une caractéristique rarissime, on le comprend, dans ce type de document86. D’autres hauts dignitaires ont laissé une œuvre essentiellement canonique, utile en ce qu’elle s’inscrit à la fois dans le corpus des sources liées à l’histoire de la Curie et à l’histoire de son analyse ; outre les volumineux travaux du cardinal Pietro Gasparri, maître d’œuvre de la codification de 1904-1917 et futur secrétaire d’État de Benoît XV puis de Pie XI, qui recourait à l’occasion à ses souvenirs personnels pour souligner le rôle qu’il avait joué dans l’exercice de ses diverses charges87, émerge l’œuvre des cardinaux Casimiro Gennari88 et Giovanni Soglia89.
13La présence de traits critiques ou d’éléments révélant une distance intellectuelle vis-à-vis de l’institution est intéressante à plusieurs égards. Elle s’écarte d’abord des lois dominantes de l’apologétique, tendant à gommer les aspérités et à diffuser de la société ecclésiastique une image épurée, formée à partir de catégories plus idéales qu’historiques. Surtout, elle fait apparaître les enjeux politiques et idéologiques propres à l’étude du gouvernement de l’Église, enjeux qu’il incombe à l’historien de dégager sans y conformer sa grille d’analyse. Niccolò Del Re avait mis en garde contre la tentation de recourir aux « lieux communs » que les adversaires délibérés de la Curie emploient « avec le ton de ceux qui ont des rancœurs personnelles – vraies ou supposées – contre l’institution »90. Plus récemment, Roger Aubert, rendant compte d’un ouvrage consacré aux racines politiques des accords du Latran de 1929, n’hésitait pas à affirmer : « Il est probable que c’est le fait d’avoir mis en lumière le fonctionnement concret de la Curie romaine et ses interventions durables qui explique la recension ridicule de l’ouvrage publiée dans l’Osservatore Romano des 10 et 11 septembre 1990 »91.
4 – UNE PÉRIODISATION
14L’étude de l’évolution des structures administratives des différents organismes composant la Curie romaine et du rôle de celle-ci comme instance centrale du gouvernement pontifical implique de cerner les modalités et les expressions du passage d’une mission conjointe d’administration de l’État pontifical et de direction de l’Église à celle, exclusivement catholique, du seul gouvernement de l’Église universelle. Même si, comme le rappelait R. Metz, « il est difficile de parler de moments décisifs dans l’histoire des institutions, en alléguant des dates précises »92, la périodisation retenue peut être explicitée comme celle d’un second xixe siècle entendu largement, soit jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale93, temps qui, pour l’histoire de l’Église, s’étend de l’avènement de Pie IX en juin 1846 à la fin du pontificat de Pie X en août 1914. L’obligation, pour la papauté désormais privée de ses possessions temporelles, de se consacrer exclusivement à l’exercice de ses prérogatives spirituelles, celles du moins qu’elle pouvait conserver et défendre, marque une phase complexe de détachement de la part physique de Rome et de ce que la Ville avait pu si longtemps représenter. Les événements du 20 septembre 1870 et leurs conséquences, très tôt perçues, soulevèrent d’innombrables questions chez les cardinaux et les prélats dits « de Curie » – nous reviendrons sur le sens de cette expression – qui détenaient alors les postes les plus importants du gouvernement de l’Église. Le vécu tragique, fréquemment exprimé en termes eschatologiques, de l’effondrement de la puissance temporelle commanda une remise en cause du rôle de la papauté dans un environnement inédit, qui à son tour retentit sur la définition des missions confiées à la Curie romaine et sur les instruments juridiques dont elle pouvait disposer94. L’année 1870 est bien celle d’une césure, quoiqu’elle ne corresponde pas à la fin d’un pontificat95 ; elle marque pour Rome la suspension, imposée par « le malheur des temps »96, du premier concile œcuménique du Vatican. Si sa réunion, au cœur même des lieux de pouvoir et sous la domination de la Curie romaine, constitua un événement pour la chrétienté, la fin de ses travaux, sous la pression extérieure, marqua également les esprits. Plus profondément encore, la disparition de l’État pontifical, déjà réduit en 1859-1860 à la Ville et à ses environs immédiats, signifia pour le pouvoir romain la fin d’une ère qui s’était étendue sur quinze siècles ; son souvenir, avant de se muer lentement en nostalgie, fut d’abord résolument revendicatif. L’exigence d’une indépendance spirituelle du pape conditionnée par son autonomie temporelle et matérielle fut sans doute motivée, davantage que par les moyens d’une souveraineté, par la préservation d’une identité de la papauté. Or, une part de cette identité renvoyait à un épisode harmonieux des relations Église-État, matérialisé par le récit de la donation de Constantin au pape Sylvestre ; l’expérience opposée, vécue à partir de 1870 et que nombre d’auteurs catholiques peignirent volontiers sous les traits des souffrances infligées au « prisonnier du Vatican », le vieillissant Pie IX, s’accompagna, au fil d’un temps dont l’Église avait cessé d’être maîtresse au profit de la jeune entité étatique italienne, d’expressions politiques et administratives nouvelles, déclinées tantôt en termes de reconversion et de reclassement, tantôt en espoir de restauration, à la faveur d’un retournement conjoncturel que le xixe siècle lui avait déjà offert à plusieurs reprises. C’est l’histoire de cette recomposition du gouvernement pontifical97, et plus précisément ses aspects structurels, qui retiendra ici l’attention.
15Le pontificat de Pie IX fut à la fois le plus long de l’histoire de la succession apostolique et celui du dernier « Pape-Roi », entouré et assisté d’une Curie romaine chargée du gouvernement de l’Église et de ses États (Partie I). Ses premières années de règne furent, comme celles de son prédécesseur, marquées par une profonde contestation à laquelle ni des réformes d’envergure (création d’un conseil des Ministres, d’une Consulta di Stato, d’un Consiglio di Stato et octroi d’un statut fondamental pour l’État pontifical), ni même un exil temporaire du gouvernement pontifical sous les coups de la Révolution romaine de 1848-1849, n’apportèrent de solution durable (chapitre 1). La restauration du pouvoir ecclésiastique, autoritairement menée par le cardinal Antonelli, secrétaire d’État désormais inamovible, confirma la Curie comme le conservatoire de pratiques de gouvernement spécifiques, depuis les nominations de cardinaux en consistoire et la gestion de leurs affectations au sein des dicastères jusqu’à la carrière du plus modeste des employés et à la vie quotidienne d’un réseau de bureaux à l’organisation complexe (chapitre 2). A l’orée des années 1860, la dynamique propre du mouvement unitaire italien et l’absence de réponse institutionnelle adaptée fractura le Patrimoine de Saint-Pierre en le réduisant aux dimensions d’une administration municipale, celle de Rome et de ses environs ; repliée sur elle-même, la Curie multiplia les adresses théologiques et doctrinales (Syllabus errorum et encyclique Quanta Cura, 1864), Pie IX prenant l’initiative de réunir le premier concile œcuménique du Vatican (1869-1870) qui rassembla toute la catholicité à Rome dans une assemblée dominée par la Curie romaine. La brèche de la Porta Pia, le 20 septembre 1870, entraînant la suspension des travaux conciliaires, parut alors solder le combat de l’histoire contre l’éternité (chapitre 3).
16Dépouillée de ses possessions et de ses missions temporelles, la Curie romaine devait progressivement prendre conscience de l’inéluctabilité de l’événement et s’orienter vers le seul gouvernement spirituel et universel de l’Église, dans une configuration d’État sans territoire ou, plus précisément, de « gouvernement sans État » (Partie II). Les dernières années de Pie IX, de 1870 à 1878, furent celles de la réclusion de la Curie au Vatican, partageant la condition d’un pape prisonnier et exalté comme martyr, Rome faisant de nouveau l’expérience de se retrouver sans Rome (chapitre 4). Les adaptations de l’appareil administratif, confronté à la nécessité de reconvertir les structures et les hommes dont l’activité était auparavant dédiée aux États de l’Église, mûrirent silencieusement au long des vingt-cinq années de pontificat de Léon XIII, hésitant encore entre l’espoir d’une nouvelle restauration et l’adoption de réformes sectorielles (motu propri de 1880-1882 sur l’administration des Palais apostoliques et l’organisation des finances pontificales, constitution Officiorum ac munerum révisant la législation de l’Index en 1897, réforme de la Daterie en 1897-1898) qui, surmontant « l’horreur du vide » créé en 1870, préparèrent la mutation définitive de la Curie (chapitre 5). Il revint pourtant à un pape sans expérience curiale, Pie X (1903-1914), secondé par un secrétaire d’État non-Italien, le cardinal Merry del Val, de modeler le nouveau visage de la Curie romaine (constitution Sapienti consilio du 29 juin 1908) et d’entreprendre dans le même temps la révision des assises juridiques du gouvernement de l’Église, qui aboutit à la promulgation par Benoît XV du Code de droit canonique de 1917 (chapitre 6).
Notes de bas de page
1 Les dataires du xve siècle et les origines de la Daterie apostolique, Paris, 1910, p. 1. Augustin Canron, artisan d’une version française de l’Annuaire pontifical, affirmait dans sa préface de 1869 que « en général, on connaît peu la Cour de Rome en France ; beaucoup de gens, même des plus instruits parmi nos compatriotes, ignorent, nous pouvons le dire, jusqu’au premier mot de son admirable organisation » (Rome, le souverain pontife et l’Église pour 1869. Traduction en français de l’Annuario pontifici [sic], par Augustin Canron (d’Avignon), publiée pour la première fois en deux parties : statistique et histoire, Paris, 1869, p. x).
2 Sur la figure du cardinal De Luca, voir infra, p. 29-31.
3 Par exemple A. Baudrillart, Carnets 1914-1918, éd. P. Christophe, Paris, 1994, p. 523 : « Veuillot m’écrit de Rome. [...] Il est assez content de la Curie romaine, mais croit inutile d’essayer de ‘forcer’ la porte du monde noir » (passage daté du 30 mars 1917).
4 Introduction aux actes du séminaire tenu à l’École française de Rome à l’automne 1997, Les secrétaires d’État du Saint-Siège (1814-1979). Sources et méthodes, Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 110-2, 1998, p. 439-443, ici p. 442.
5 La Curia romana. Lineamenti storico-giuridici, Rome, 31970, p. xiii : « Con questi pochi mezzi di informazione, frammentaria o solo di superficie, il timore della Curia romana, di fronte ad affrettati giudici, è stato sempre quello, servatis servandis, che Tertulliano aveva a suo tempo del cristianesimo, il timore cioè ne ignorata damnetur ». La première version de cet ouvrage parut en 1941 sous le titre La Curia romana. Cenni storico-giuridici ; une quatrième édition, revue et augmentée, a vu le jour en 1998 : c’est cette dernière que nous utilisons, sauf indication contraire.
6 Pour un bilan français, voir F. Jankowiak, « La Curie romaine et le gouvernement de l’Église (1850-1914) dans l’historiographie française depuis 1950 », Rassegna storica del Risorgimento, 89/2, aprile-giugno 2003, p. 196-225.
7 Voir l’analyse historiographique de R. Aubert, « Chiesa e Stato in Italia nel primo Novecento », dans Cultura e società in Italia nel primo Novecento (1900-1915). Atti del secondo Convegno, Milano 7-11 settembre 1981, Milan, 1984, p. 4174, spéc. p. 42-45. En 1973, P. G. Camaiani constatait également la sous-représentation des études sur les aspects religieux de la Question romaine : « Se si prendono in esame i numerosi studi che hanno avuto per oggetto la questione romana [...], i motivi più propriamente religiosi sono spesso rimasti in ombra » (« Motivi e riflessi religiosi della questione romana », dans Chiesa e religiosità in Italia dopo l’Unità (1861-1878). Atti del quarto Convegno di storia della Chiesa, La Men-dola, 31 agosto-5 settembre 1971, Relazioni, II, Milan, 1973, p. 65-128, ici p. 65). Le dernier quart du xxe siècle a incontestablement connu une évolution de cet état de choses : cf. Un siècle d’histoire du christianisme en France. Bilan historiographique et perspectives. Actes du colloque de Rennes des 15-17 septembre 1999, Revue d’histoire de l’Église de France, 86, juillet-décembre 2000.
8 Sur cet aspect, on dispose des travaux de C. Weber portant sur les pontificats de Pie IX (Kardinäle und Prälaten in den letzten Jahrzehnten des Kirchenstaates. Elite-Rekrutierung, Karriere-Muster und soziale Zusammensetzung der kurialen Führungsschicht zur Zeit Pius’ IX. 1846-1878, Stuttgart, 1978, 2 vol.) et de Léon XIII (Quellen und Studien zur Kurie und zur vatikanischen Politik unter Leo XIII. Mit Berücksichtigung der Beziehungen des Hl. Stuhles zu den Dreibundmächten, Tübingen, 1973). Aucun équivalent n’existe pour les règnes de Pie X et de Benoît XV. La thèse de Ph. Boutry fournit le cadre méthodologique, appliqué à la Curie romaine de la première moitié du xixe siècle, indispensable à une telle approche (La restauration de Rome. Sainteté de la ville, tradition des croyances et recomposition de la Curie à l’âge de Léon XII et de Grégoire XVI, thèse de doctorat d’État, Université de Paris-IV-Sorbonne, 1994, 5 vol.). Voir aussi les remarques de méthode de G. Thuillier, « Le rôle des personnalités », dans Pour une histoire de la bureaucratie en France, Paris, 1999, p. 219-228. H. Wolf a signalé le projet, en cours à l’Université de Francfort, d’une étude prosopographique des personnels des congrégations du Saint Office et de l’Index (« Die ‘deutsche’ Indexreform Leos XIII. Oder der ausgefallene Fall des Altkatholischen Franz Heinrich Reusch », Historische Zeitschrift, 272, 2001, p. 63-106, ici p. 65 n. 7).
9 Cette question renvoie à un débat général, épistémologique, sur l’écriture de l’histoire, dans le détail duquel nous ne saurions entrer ici. Parmi les travaux tendant à revenir sur les exclusives posées par la tradition historiographique de l’école des Annales, voir Ph. Levillain, « Les protagonistes : de la biographie », dans R. Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Paris, 1996, p. 121-159. La richesse des enquêtes prosopographiques menées depuis une dizaine d’années porte toutefois à considérer que l’obstacle épistémologique est désormais largement levé pour la biographie collective, même si des réticences persistent s’agissant de retracer un itinéraire individuel. Pour un état des lieux en Italie, voir C. Cassina et F. Traniello (dir.), « La biografia. Un genere storiografico in trasformazione », Contemporanea, anno II, n° 2, aprile 1999, p. 287-305.
10 « Das Kardinalskollegium in den letzten Jahren Pius’ IX. », Archivum historiae pontificiae, 11, 1973, p. 323-351, cit. p. 326. L’auteur insiste aussi sur le faible nombre de sources disponibles pour une telle étude et sur leur peu de fiabilité ; à peine le chercheur pourrait-il, selon lui, exploiter les notices nécrologiques de L’Osservatore romano, pour les cardinaux et prélats non diplomates mais ayant rempli des fonctions importantes, tels l’auditeur général de la Chambre apostolique, le cardinal grand pénitencier ou le doyen de la Rote. Cf. Cl. Prudhomme, « Les hommes de la secrétairerie d’État. Carrières, réseaux, cultures », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 110, 1998-2, p. 475-493.
11 Voir surtout, pour l’histoire des institutions ecclésiastiques, le bilan critique dressé par F. Margiotta Broglio, « Diritto canonico e scienze umane », dans G. Le Bras (dir.), La Chiesa del diritto. Introduzione allo studio delle istituzioni ecclesiastiche, Bologne, 1976, p. vii-xxxvi, ainsi que les réflexions, suscitées par l’expérience allemande de l’auteur, d’O. Motte, « Pour une histoire de la science juridique française au xixe siècle », Revista de estudios historico-juridicos, 7, 1982, p. 369-386 et, du même, Sur la genèse allemande d’un nouveau paradigme de l’histoire du droit, Berne, 1986, spéc. p. 21-37. Pour les rapports spécifiques que l’histoire du droit entretient avec l’école des Annales, cf. G. Crifò, « Scuola delle Annales e storia del diritto : la situazione italiana », Mélanges de l’École française de Rome. Antiquité, 93, 1981, p. 483-494.
12 Fiorella Bartoccini admet qu’il ne s’agit pas de prétendre à un « langage interdisciplinaire », objectif sans doute exagérément optimiste, mais de nourrir l’approche historique des résultats issus d’analyses diversifiées (Roma nell’Ottocento. Il tramonto della « città santa ». Nascita di una capitale, Bologne, 1985, I, p. 7).
13 « Problèmes d’histoire du gouvernement de l’Église au xixe siècle. À propos du tome VII de la Hierarchia catholica medii et recentioris aevi », Revue d’histoire ecclésiastique, 65-2, 1970, p. 474-488, passage cité p. 485.
14 R. Bizzocchi, « Chiesa e chiese tra centro e periferia », Società e storia, 41, 1988, p. 631-639, ici p. 636. Il faut néanmoins faire droit à la remarque de G. Thuillier pour qui fait encore défaut une anthropologie administrative, qui aborde l’histoire du quotidien bureaucratique ; car, note-t-il ailleurs, « on s’est beaucoup attaché aux fonctions de l’administration, et fort peu à ce qu’est l’administration » (« Pour une prospective de l’histoire administrative contemporaine », Le mouvement social, 157, octobre-décembre 1991, p. 71-83, cit. p. 79 n. 33). Voir aussi M. Abélès, Anthropologie de l’État, Paris, 1990.
15 La fonction administrative pontificale est un service, dans certains cas une vocation, et non un métier. On ne fait pas en principe « carrière » au sein de la Curie. Comme l’écrit Cl. Prudhomme, « le service de l’Église [...] relève au départ d’une vocation, puis passe par une série d’événements imprévus qu’une perspective religieuse interprète comme l’expression d’une volonté providentielle. [...] Nous ne nions pas que les circonstances, la spiritualité propre à la vocation sacerdotale, la conviction d’obéir à un appel constituent des éléments à prendre en compte dans une carrière ecclésiastique. Mais nous souhaitons attirer l’attention sur l’autre versant, celui des déterminations externes et des enchaînements qui modèlent les jeunes clercs et favorisent la promotion de certains sujets plutôt que d’autres » (« Les hommes de la secrétairerie d’État... », art. cit., p. 475). L’expression fare carriera se rencontre toutefois assez fréquemment dans les sources. La notion corollaire de prestige social, le sentiment individuel de la position et du rang à tenir, la prégnance de l’étiquette et le jeu omniprésent des préséances sont autant d’éléments très présents dans la Curie du xixe siècle. Les notices biographiques existantes ou qu’il est possible de reconstituer laissent apparaître des étapes récurrentes et des parcours privilégiés, tantôt implicites (ainsi pour la prélature, évoquée infra, p. 287 et s.) tantôt officialisés, comme pour les postes dits cardinalices, ayant vocation à mener leur titulaire à la pourpre (voir infra, p. 318 et s.). « Il en résulte que les nominations procèdent librement du pape et que chaque pontificat connaît les « hommes du pape », dont les attributions, notamment en début de pontificat, analysées par les initiés, permettent de dessiner une ligne de politique générale ou de deviner une intention particulière » (Ph. Levillain, « Administration pontificale », dans Dictionnaire historique de la papauté, op. cit., p. 47-49, ici p. 47). En cela, la Curie est un instrument au service des desseins du souverain pontife, qui conserve les caractéristiques d’une cour adaptée aux principes d’un gouvernement universel.
16 Ainsi, pour la congrégation de la Propagande, Cl. Prudhomme, Stratégie missionnaire du Saint-Siège sous Léon XIII (1878-1903). Centralisation romaine et défis culturels, Rome, 1994.
17 L. Chevailler, « Réflexions sociologiques sur la Curie romaine et sur ses méthodes de gouvernement durant le pontificat de Pie X », dans Études juridiques et historiques dédiées à Monsieur le Chanoine Raoul Naz, Chambéry – La Tronche, 1971, p. 23-29, ici p. 23.
18 Revenant en 1902 sur les notices très informées qu’il publiait depuis quelques années dans les livraisons de son Annuaire pontifical catholique, A. Battandier exprimait le vœu que « au bout d’un certain nombre d’années, si Dieu nous prête vie et forces, le lecteur aura dans cette publication toute une petite encyclopédie de Curia Romana » (« Les congrégations romaines », dans Annuaire pontifical catholique, 5, 1902, p. 480).
19 Dans une lettre à son ancien professeur de droit canonique, le cardinal hongrois Justinian Serédi, qui édita avec le cardinal Gasparri le catalogue monumental des sources du Code de droit canonique de 1917, confiait en 1939 avoir en projet une Storia giuridica della Curia romana, qu’il craignait toutefois de ne jamais voir aboutir en raison de ses multiples obligations. Cette crainte était hélas fondée. Texte de la lettre dans J. Bánk, « Kardinal Serédi, der Kanonist. Zur Erinnerung an des 40. Jahrestag des Inkrafftretens des Codex Iuris Canonici », Zeitschrift der Savigny-Stifung für Rechtsgeschichte. Kanonistische Abteilung, 75, 1958, p. 209-236, ici p. 236. Sur l’œuvre canonique du cardinal Serédi, voir A. Linage Conde, « El cardenal benedictino Justiniano Serédi y la codificación canónica », dans Abadía. II Jornadas de Historia en la Abadía de Alcalá la Real. Homenaje a Don Antonio Linage Conde, 12-14 noviembre de 1998, coord. F. Toro Ceballos, Jaén, 1999, p. 241-254.
20 « Il cardinale Mertel e il Concilio Vaticano I », Rivista di storia della Chiesa in Italia, 23, 1969, p. 441-467, ici p. 442 n. 3 : « Particolarmente scarse sono le nostre informazioni concernenti gli interessi culturali dominanti nella Curia romana, come d’altro canto manca tuttora una storia criticamente valida della stessa Curia, che attraversa invece durante il pontificato di Pio IX un periodo particolarmente travagliato della sua storia ».
21 « Questioni fondamentali per una moderna storia del diritto », Quaderni fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, 1, 1972, p. 7-43, ici p. 18. Sauf mention contraire, les traductions de l’italien sont nôtres.
22 « De la méthode historique en jurisprudence et de son avenir », Revue historique de droit français et étranger, 1, 1855, p. 1-23.
23 « Direction collégiale ou personnelle ? Pour une histoire comparée de l’administration centrale des États modernes », dans P. Legendre (dir.), La bureaucratie et le droit, n° spécial (hors-série) de la Revue historique de droit français et étranger, 1975, p. 196-198.
24 Histoire de l’administration française du 18e au 20e siècle, Paris, 21994, p. 12.
25 « Insegnamento e scienza giuridica nelle esperienze italiane preunitarie », dans Studi di storia del diritto medioevale e moderno, F. Liotta (éd.), Bologne, 1999, p. 277-321.
26 G. Santini, « L’identità d’Italia e l’esperienza giuridica. Unità e diversità nella storia giuridica italiana. Un’ipotesi di lavoro », Rivista di storia del diritto italiano, 71, 1998, p. 166 Ce texte est la version préparatoire d’une communication que l’auteur devait prononcer devant la Société d’histoire du droit de Paris le 25 avril 1998. Il fut lu en sa mémoire. Cf. M. Rosa, « Curia romana e pensioni ecclesiastiche, secoli xvi-xviii », Quaderni storici, 14, 1979, p. 1015-1055, ainsi que les essais de G. Melville, « Institutionen als geschichtswissenschaftliches Thema. Eine Einleitung », dans Institutionen und Geschichte. Theoretische Aspekte und mittelalterliche Befunde, Cologne, 1992, p. 1-24, et de K. Acham, « Struktur, Funktion und Genese von Institutionen aus Sozialwissenschaftlicher Sicht », idem, p. 25-71.
27 Les deux formes s’emploient indifféremment, même si en français le pluriel est plus usité ; cf. G. Pécout, Naissance de l’Italie contemporaine, Paris, 1997, p. 63.
28 M. Caravale – A. Caracciolo, Lo Stato pontificio da Martino V a Pio IX, Turin, 1986, p. 739. Comme l’écrit G. Galasso, « la coincidenza tra la direzione del governo civile dello Stato e il centro dell’amministrazione della Chiesa è completa. Le stesse congregazioni cardinalizie che amministrano questa, governano anche quello ; le alte cariche dello Stato sono anche le alte cariche della Chiesa e sono anch’esse coperte da cardinale ; i nunzi, che trattano le questioni di politica ecclesiastica nei vari paesi con cui il Vaticano è in relazione, curano anche gli interessi dello Stato pontificio ; e così via » (« Le forme del potere, classi e gerarchie sociali », dans Storia d’Italia Einaudi, VI/1. – I caratteri originali, Turin, 1989, p. 399-599, cit. p. 493).
29 F. Chabod, Storia della politica estera italiana dal 1870 al 1896, Bari, nouv. éd. 1997, chap. 2 : « L’idea di Roma », p. 179-314. Bien que concernant surtout la Rome de l’après 20 septembre 1870, ce chapitre contient nombre d’indications valables pour les décennies précédentes.
30 O. Bertolini, « Le origini del potere temporale e del dominio temporale dei papi », dans I problemi dell’Occidente nel secolo viii, Spolète, 1973, p. 231-255, ici p. 231.
31 G. Miccoli, Fra mito della cristianità e secolarizzazione. Studi sul rapporto Chiesa-società nell’età contemporanea, Turin, 1985, p. 73. Sur cette notion, voir surtout P. A. D’Avack, « Lo Stato della Città del Vaticano come figura giuridica di Stato ierocratico », Annali dell’Università di Ferrara, 1, 1936, art. repris dans P. A. D’Avack, Vaticano e Santa Sede, éd. C. Cardia, Bologne, 1994, p. 147-186.
32 Cf. M. Lupi, Il clero a Perugia durante l’episcopato di Gioacchino Pecci (1846-1878) tra Stato pontificio e Stato unitario, Rome, 1998, p. xii.
33 Nous reprenons ici le titre de l’article d’É. Poulat, « Regno di Dio e impero della Chiesa. Alle origini del ‘Movimento cattolico’ contemporaneo », Rivista di storia e letteratura religiosa, 19, 1983, p. 45-62.
34 Voir infra, p. 351 et s.
35 ASV. Spoglio Rampolla, b. 1, manuscrit, 70 p., ici p. 3.
36 Sur cette notion, voir infra, p.51et s.
37 Dans une lettre adressée le 2 novembre 1849 à l’avocat Gaetano Mordioni, le futur cardinal D’Andrea expliquait que le gouvernement pontifical « deve essere paternale, e per questo il sommo pontefice non si appella né imperatore, né re, né czar, né gran signore, né duca, ma santo Padre » (ASV. Spoglio D’Andrea, b. 5, cité par S. da Campagnola, « Il ‘Commissariato Pontificio Straordinario’ di Mons. Girolamo d’Andrea a Perugia (1849-1851) e il vescovo Gioacchino Pecci », dans Dalla Chiesa antica alla Chiesa moderna. Miscellanea per il Cinquantesimo della Facoltà di Storia Ecclesiastica della Pontificia Università Gregoriana, Rome, 1983, p. 389-404, ici p. 393 n. 16).
38 Nous faisons droit ici à l’affirmation d’A. Lodolini : « Nel governo temporale della Chiesa, l’adattamento della legislazione alle dottrine avviene sempre in modo empirico, ispirato a quel paternalismo che, lungi però dall’essere una forma scadente di governo, è un modo di concepire la vita, cioè è la massima espressione morale cui può pervenire un regime » (« Le finanze pontificie e i ‘Monti’ », Rassegna storica del Risorgimento, 44, 1957, p. 421-428, cit. p. 421). Mgr Gerbet en expliquait les racines, pour lui naturelles : « On ne conçoit le genre humain se développant harmoniquement comme une seule et immense famille qu’autant qu’il aurait été dirigé par une autorité commune [...]. [Pour son organisation] nous pourrons déterminer deux principes constitutifs parce qu’ils sont renfermés nécessairement dans l’idée même de la société et de l’unité humaines ; d’une part, l’autorité des pères de familles ; d’autre part, une autorité ou paternité suprême et centrale [...]. Le plan d’organisation unitaire du genre humain n’est qu’un rêve si on le confronte avec les faits de l’histoire purement humaine. Mais ce rêve se trouve être une puissante réalité dans l’Église » ; en effet, « le chef de l’Église est le Père des Pères [...] la constitution de l’Église implique donc la restauration spirituelle du genre humain [...] et, comme la papauté est la clef de voûte de l’Église, cette restauration de l’unité doit se réfléchir dans les signes extérieurs dont la papauté est revêtue et entourée » (Esquisse de Rome chrétienne, Paris, 1875, II, p. 6-7 et p. 9).
39 L’expression se rencontre sous la plume du légiste italien Vito La Mantia, Storia della legislazione italiana, 1. – Roma e lo Stato romano, Rome-Turin, 1884, p. 642.
40 G. Arnaldi, « Lo Stato della Chiesa nella lunga durata », La Cultura, 37, 1999, p. 197-217, ici p. 208.
41 B. Pandolfi, Il papa ed il re. Opuscolo politico, Palerme, 1860, p. 8.
42 Cf. P. Prodi, Il sovrano pontefice. Un corpo e due anime : la monarchia papale nella prima età moderna, Bologne, 1982, p. 52.
43 Ph. Boutry, « Les silencieuses mutations de la prélature romaine (1814-1846) », dans Roma fra la Restaurazione e l’elezione di Pio IX. Amministrazione, economia, società e cultura, A. L. Bonella, A. Pompeo, M. I. Venzo (éd.), Rome – Vienne, 1997, p. 33-54, ici p. 33.
44 G. Miccoli, Fra mito della cristianità e secolarizzazione..., op. cit., p. 68-69.
45 Suivant la formule d’É. Poulat à propos des « adversaires de toute ouverture » lors de la crise moderniste (Intégrisme et catholicisme intégral. Un réseau international antimoderniste, « La Sapinière » (1909-1921), Tournai – Paris, 1969, p. 78).
46 J.-M. Aubert, « Les grandes encycliques et la société moderne », dans Le droit et les institutions de l’Église catholique latine de la fin du xviiie siècle à 1978. Église et sociétés, Paris, 1984, p. 467-486, ici p. 476.
47 C. Constantin, « Libéralisme catholique », dans Dictionnaire de théologie catholique, 9, 1926, col. 506-629, ici col. 581.
48 Une définition de l’apologiste a été donnée par Y. Congar à propos de certains auteurs du XVIIIe et du premier xixe siècle : « Ce ne sont pas des chercheurs, mais des apologistes. Ils ne cherchent pas la vérité historique sans plus. Leurs positions sont prises, leurs convictions formées ; ils utilisent, avec une grande habileté de mise en œuvre et d’argumentation, tous les textes, tous les raisonnements possibles pour étayer leur unique idée : celle de l’autorité de l’Église ayant pour forme la monarchie pontificale, et pour propriété, en son chef suprême, l’infaillibilité » (« L’ecclésiologie de la Révolution française au concile du Vatican sous le signe de l’affirmation de l’autorité », dans L’Ecclésiologie au xixe siècle (Strasbourg, 26-28 novembre 1959), Revue des sciences religieuses, 34, 2-4, 1960, p. 77-114, cit. p. 93). Sur la notion de tradition, voir W. Kasper, Die Lehre von der Tradition in der Römischen Schule, Fribourg-en-Brisgau – Bâle – Vienne, 1962.
49 M. Metzger, « L’importance de l’histoire pour le canoniste », Revue de droit canonique, 47, 1997, p. 21-39 ; l’auteur y voit un « droit historique » (p. 22) et « une référence obligatoire » (p. 29) obéissant au commandement du « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc, 22 : 19 ; 1 Cor. 11 : 24).
50 R. Bertolino (éd.), Scienza giuridica e diritto canonico, Turin, 1991, p. v [préface].
51 F. Hildesheimer, L’histoire religieuse, Paris, 1996, p. 83 et 95. M. Lagrée et F. Monfrin relèvent que « aujourd’hui, la plupart [des historiens] reconnaissent la nécessité d’une recherche indépendante, mais aussi, et c’est plus nouveau, la nécessité de la culture théologique, conçue désormais comme objet, et non plus comme instance critique, de l’histoire » (« Histoire religieuse et sciences humaines », Revue d’histoire de l’Église de France, 86, 2000, p. 519-538, ici p. 520). Sur la part d’apologétique dans le corpus de sources que nous avons étudié, voir infra, p.87 et s.
52 S. Boesch Gajano, « La Chiesa e il potere politico. Questioni di confine e permeabilità », Società e storia, 41, 1988, p. 625-629, ici p. 626. Voir aussi l’introduction méthodologique de G. Chittolini et G. Miccoli au volume, publié sous leur direction, La Chiesa e il potere politico dal medioevo all’età contemporanea, Turin, 1986, p. i-xxiv.
53 Ce qui, au sens strict, est une tautologie, le sacer désignant précisément ce qui est séparé, donc distingué. Cf. M. Eliade, Le sacré et le profane, Paris, 1965.
54 P. A. D’Avack, Corso di diritto canonico, 1. – Introduzione sistematica al diritto della Chiesa, Milan, 1956, p. 4.
55 E. Fogliasso – R. Naz, « Église », dans R. Naz (dir.), Dictionnaire de droit canonique, 5, Paris, 1953, c. 157-171, ici c. 161.
56 Voir F. Burdeau, Histoire du droit administratif, Paris, 1995, ch. III : « Doctrine : le temps des cathédrales », p. 323-362, notamment les p. 325-329 consacrées aux principales publications françaises de droit administratif depuis les deux volumes du Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux d’Édouard Laferrière (1887-1888) et le Précis de droit administratif et de droit public général de Maurice Hauriou (11892, 111927) jusqu’aux années 1920.
57 De Valles, Teoria giuridica dell’organizzazione dello Stato, I, Padoue, 1931, p. 78.
58 E. Labandeira, Trattato di diritto amministrativo canonico, trad. it., Milan, 1994, p. 130, s’opposant à l’affirmation d’E. Graziani : « Cum publica administratio, etsi in variis gradibus articulata, semper ensuite unum maneat » (« De supremi organismi contenzioso-administrativi natura », Periodica di re morali, canonica, liturgica, 67, 1978, p. 537-545, ici p. 538).
59 O. Giacchi, « La norma nel diritto canonico », dans La norma en el derecho canonico. Actas del III. Congreso internacional de derecho canonico, Pamplona 1015 de octubre 1976, I, Pampelune, 1979, p. 21-34, ici p. 26-27. Selon le mot de Chateaubriand, écrit à propos du conclave qui suivit la disparition de Léon XII : « Au premier anneau de la chaîne pontificale se trouve un Dieu » (Mémoires d’Outre-Tombe, éd. M. Levaillant et G. Moulinier, Paris, 1951, II, livre 31, ch. 2, p. 314).
60 Sur la typologie des pouvoirs dans l’Église, voir Ch. Lefebvre, « Les pouvoirs dans l’Église », dans Le droit et les institutions de l’Église catholique latine de la fin du xviiie siècle à 1978. Organismes collégiaux et moyens de gouvernement, Paris, 1983, p. 189-299 ; J.-B. D’Onorio, Le pape et le gouvernement de l’Église, Paris, 1992, spécialement p. 117-125 ; E. Labandeira (Trattato di diritto amministrativo canonico, op. cit., p. 45-76, ch. 3 : La potestà di governo o di giurisdizione nella Chiesa) le caractérise comme un « ius imperandi seu obligandi alios ad finem publicum » (p. 45).
61 G. Phillips, Kirchenrecht, VI, Regensburg, 1864, § 32 ; P. Hinschius, System des katholisches Kirchenrechts mit besonderer Rücksicht auf Deutschland, I, Ber-lin, 1859, p. 170 ; D. Bouix, Tractatus de principiis juris canonici, Lyon – Paris, 21862, p. 521-526.
62 B. Neveu, « Pouvoir et savoir : l’Église et la régulation théologique », Communio, 20, 1995, p. 112. Voir, plus largement, B. Neveu, L’erreur et son juge. Remarques sur les censures doctrinales à l’époque moderne, Naples, 1993. Au xixe siècle, cet aspect fut renforcé par la revendication pour l’Église de Rome du monopole de la diffusion de la parole, notamment à travers la traduction et les commentaires de l’Écriture ; voir en particulier les textes de Pie VIII (encyclique Traditi humilitati nostrae, 24 mai 1829, dans Bullari romani continuatio, 18, 1856, p. 17-20) et de Grégoire XVI (encyclique Probe nostris, 18 septembre 1840, dans Acta Gregorii Papae XVI, 3, 1902, p. 83-86 et surtout encyclique Inter praecipuas machinationes, 8 mai 1844, idem, p. 332-336). Pour cette période, se reporter à l’essai de P. Thibault, Savoir et pouvoir. Philosophie thomiste et politique cléricale au xixe siècle, Québec, 1972.
63 Ainsi F. Cavagnis, Institutiones Iuris Publici Ecclesiastici quas in scholis Pontificii Seminarii romani tradidit, I, Rome, 31898, p. 56.
64 B. Ojetti, De romana Curia. Commentarium in Constitutionem apostolicam ‘Sapienti consilio’, seu de Curiae Piana reformatione, Rome, 1910, p. 20 et 23.
65 S. Agrifoglio, « Ufficio (dir. amm.) », dans Enciclopedia del diritto, 45, Milan, 1992, p. 669-680, cit. p. 673.
66 G. Thuillier, J. Tulard, Histoire de l’administration française, Paris, 1994, p. 16.
67 F. Gregorovius, Diari romani, éd. A. M. Arpino, Rome, 1982, p. 108. Cf. G. Arnaldi, « Lo Stato della Chiesa... », art. cit., p. 206. Lui fait écho le mal-être existentiel et la mélancolie des poètes contemporains de la dite scuola romana.
68 E. Fogliasso – R. Naz, « Église », art. cit., col. 163.
69 O. Giacchi, « La norma nel diritto canonico », art. cit., p. 32.
70 Voir sur ces notions M. Senellart, Les arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, 1995, p. 19 et s.
71 Selon l’expression de M. S. Giannini, « Organi (teoria generale) », dans Enciclopedia del diritto, 31, Milan, 1981, p. 37-60, ici p. 59.
72 F. Dostoïevski, Journal d’un écrivain, trad. fr. G. Aucouturier, Paris, 1972, p. 455-456 : « Un particularisme trop gigantesque, trop empli des aspirations les plus démesurées et les plus irréductibles » (« Force morte et forces en marche », passage écrit en mars 1876). La formule est répétée plus loin (p. 460), pour dénoncer « le plus terrible particularisme de tous ceux qui menacent la paix du monde ».
73 Voir la présentation des sources d’archives, infra, p. 685 et s.
74 Cet ensemble de sources (cf. pour le détail la présentation des sources imprimées, infra, p. 714 et s.), met en relief la place occupée au long de la période par les spécialistes français du droit canonique (environ deux cents ouvrages et articles recensés de 1850 à 1914, contre cent cinquante pour l’Italie et une centaine de références pour l’Allemagne et l’Espagne chacune) dont, de façon générale, la culture juridique « concordataire » évolue graduellement vers une prise en compte de l’aspect et des enjeux juridiques de la Question romaine, jusque-là largement ignorés au profit des analyses politiques et diplomatiques, et des exigences d’une rénovation du gouvernement universel de l’Église catholique. L’histoire de la doctrine canonique européenne – et en particulier française – à cette période demeure à écrire, mais des indications importantes sont données par B. Basdevant-Gaudemet (Le jeu concordataire dans la France du xixe siècle. Le clergé devant le Conseil d’État, Paris, 1988 et « Le Conseil d’État et les libertés religieuses au xixe siècle », dans Le Conseil d’État et la liberté religieuse. Deux siècles d’histoire, n° spécial de la Revue administrative, 52, 1999, p. 16-30) ainsi que, sous l’angle des formations intellectuelles des évêques français et de leur entourage ecclésiastique, par J.-O. Boudon (L’épiscopat français à l’époque concordataire..., op. cit.) et du même « Le Saint-Siège et le recrutement des évêques français au lendemain de la Séparation. Une enquête de 1908 sur les candidats à l’épiscopat », Revue d’histoire ecclésiastique, 90, 1995, p. 443-470. Sur les positions adoptées par les canonistes et le rôle de la science juridique au regard de la Curie romaine, voir infra, p. 587 et s.
75 C. Weber, « La Corte di Roma nell’Ottocento », dans La Corte nella cultura e nella storiografia. Immagini e posizioni tra Otto e Novecento, éd. C. Mozzarelli et G. Olmi, Rome, 1983, p. 167-204, ici p. 170 : « I lavori più o meno scientifici sopra la Corte di Roma siano in un infima minoranza, anzi, costituiscono una linea di ricerca che non è mai riuscita a suscitare il minimo interesse ». Ce qui fait droit à la remarque (formulée pour le cas français) de D. Julia selon laquelle « l’histoire religieuse est restée [...] le champ d’investigation privilégié d’historiens catholiques ou protestants », provoquant chez eux un « encadrement apologétique du travail historique » (« La religion – histoire religieuse », dans Faire de l’histoire, op. cit., II, p. 142). Significativement, cet article n’aborde pas les aspects institutionnels, distincts de la simple dimension collective des phénomènes, de l’histoire religieuse.
76 C. Weber, « La Corte di Roma... », art. cit., p. 171.
77 R. Aubert, rendant compte du douzième volume de la collection de l’Histoire du christianisme (Guerres mondiales et totalitarismes, Paris, 1990), rappelait cette donnée : « Certains pourraient être tentés de reprocher à J.-M. Mayeur [directeur du volume] de commencer le volume par cette présentation des trois papes [de la période], en faisant observer qu’une histoire de l’Église et surtout une histoire du christianisme n’est pas une histoire de la papauté. Mais le choix du professeur Mayeur est tout à fait justifié étant donné la place tenue par les papes dans l’Église catholique contemporaine : même si le rôle de la ‘périphérie’ demeure important, l’orientation donnée à l’Église par chaque pape est vraiment capitale et l’historien, quelles que soient ses préférences idéologiques, doit tenir compte de ce fait » (dans Revue d’histoire ecclésiastique, 91-2, 1996, p. 884-890, ici p. 888 n. 6).
78 L. von Pastor, Storia dei Papi dalla fine del Medio evo compilata col sussidio dell’Archivio segreto pontificio e di molti altri archivi, trad. it., Trente-Rome, 1890-1943, 17 vol. (1e éd. Fribourg-en-Brisgau, 1899-1907). Sur le contexte épistémologique de cette œuvre, voir R. Manselli, « Ludwig von Pastor. Der Historiker der Päpste. Katholische Tradition und positivische Methodologie in der Geschichtsschreibung », Römische Historische Mitteilungen, 21, 1979, p. 111-116 et C. Weber, « Auf dem Wege zum Papsthistoriker. Ludwig Pastors Auseinandersetzung mit Wilhelm Wattenbachs ‘Geschichte des römischen Papstthums’ aus dem Jahre 1876 », Zeitschrift des Aachener Geschichtsvereins, 102, 1999-2000, p. 367-412.
79 Pour un survol, cf. A. Walz, « La storia ecclesiastica negli atenei romani dal secolo xvii al 1932 », dans Studi storiografici, Rome, 1940, p. 40-69. Les recherches en cours sur l’histoire des universités italiennes bénéficient aujourd’hui d’un fort dynamisme ; en témoignent notamment les travaux de Fr. Gasnault, « La Congrégation des Études de 1824 à 1870 », Archivum historiae pontificiae, 22, 1984, p. 153-225, et du même auteur « La réglementation des universités pontificales au xixe siècle. II. Pie IX et le monopole universitaire », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 96, 1984, p. 1105-1168. Pour un état des lieux, voir La Storia delle Università italiane. Archivi, fonti, indirizzi di ricerca. Atti del convegno, Padova, 27-29 ottobre 1994, Padoue, 1996, en particulier la contribution de G. Adorni, « L’Università di Roma e i suoi archivi », p. 109-131 (les dix dernières pages portent sur le xixe siècle).
80 A. C. Jemolo, Chiesa e Stato in Italia negli ultimi cento anni, Turin, 1955, p. 20.
81 En outre, les nonciatures, les consulats, les vicariats, les préfectures et les délégations apostoliques entretiennent des relations presque exclusives avec la secrétairerie d’État dont ils dépendent directement. Leur contact avec les autres dicastères est exceptionnel, et même dans ce cas la secrétairerie d’État joue le rôle d’intermédiaire et de courroie de transmission. Sur les attributions de la secrétairerie d’État et son statut d’organe de coordination, voir infra, p. 231 et s.
82 Pour la première moitié du xixe siècle, l’historien dispose des témoignages des cardinaux Consalvi [Memorie del cardinale Ercole Consalvi, éd. M. Nasalli Rocca di Corneliano, Rome, 1950] et Pacca [Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique du dix-neuvième siècle, trad. fr. à partir de la 3e éd. italienne, Bruxelles, 1839 ; pour son second ministère au lendemain de la restauration de 1814, cf. A. Quacquarelli, La ricostituzione dello Stato Pontificio (con una memoria inedita su « Il mio secondo Ministero » del card. Pacca), Città di Castello – Bari, 1945]. Le cardinal Pacca, on le sait, fit subir un certain nombre d’édulcorations et de suppressions à ses Mémoires, et en particulier quatre passages sur la Curie, dont l’un constituait une réponse de Pacca « à une critique de Napoléon reprochant à la Cour romaine de recruter trop étroitement ses prélats et théologiens dans les petits pays des environs de Rome » (J. Leflon, Ch. Perrat, « Les suppressions et édulcorations qu’a fait subir à ses ‘Mémoires’ le cardinal Pacca », dans Chiesa e Stato nell’Ottocento. Miscellanea in onore di P. Pirri, Padoue, II, 1962, p. 355-381, citation p. 376). Les souvenirs laissés par le cardinal Luigi Lambruschini n’évoquent que sa nonciature à Paris de 1826 à 1831 [La mia nunziatura in Francia, éd. P. Pirri, Bologne, 1934]. Une analyse de ces témoignages dans Ph. Boutry, « Les écrits autobiographiques des cardinaux secrétaires d’État du premier xixe siècle », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 102, 1998-2, p. 591-607. Pour les pontificats de Pie IX à Pie X, assez peu de sources de ce type se sont révélées exploitables. On peut tout de même mentionner les ouvrages d’un des secrétaires du premier Concile du Vatican, Mgr Joseph Fessler [Concile du Vatican. Son caractère et ses actes, Paris, Plon, 1877 ; La vraie et la fausse infaillibilité des papes, trad. fr. Paris, Plon, 1873. (E.O. Die wahre und die falsche Unfehlbarkeit der Päpste, Vienne, 1871, conservée aux Archives Vaticanes (ASV. Concilio Vaticano I, dossier 564) ; Sammlung vermischten Schriften über Kirchengeschichte und Kirchenrecht, Fribourg-en-Brisgau, 1869, 288 p.]. Beaucoup de ces ouvrages versent dans l’apologétique ou dans le discours polémique, à l’image de ceux de M. Celesia (Il Pontificato Romano e i barbari e Pio IX e la civiltà, Rome, 1866), de G. Grassellini (Des rapports du pouvoir temporel avec la souveraineté spirituelle des pontifes romains, trad. fr., Paris, 1864) et du cardinal François-Désiré Mathieu (Le pouvoir temporel des papes justifié par l’histoire. Étude sur l’origine, l’exercice et l’influence de la souveraineté pontificale, Paris, 1863 – l’auteur, cardinal en 1899, était archevêque de Toulouse). La Recollection of the last four Popes and of Rome in their Times, du cardinal Nicholas Wiseman, publiée à Londres en 1858 (trad. fr. par Goemaere, Souvenirs sur les quatre derniers papes, Bruxelles, 1858, puis par R. Viot sous le titre Les quatre derniers papes et Rome pendant leur pontificat, Tours, 1878) est jugée par Fernand Mourret comme des souvenirs « purement descriptifs et anecdotiques et [qui] ne répondent pas à ce qu’on pourrait attendre de la grandeur du sujet et de la valeur de l’écrivain » (L’Église contemporaine. Première partie (1823-1878), Paris, 1924, p. 10).
83 Cf. D. Moulinet, « Regard sur les Histoires générales de l’Église publiées en France au cours du xxe siècle », dans Un siècle d’histoire du christianisme en France..., op. cit., p. 657-667.
84 Publiées en trois forts volumes (Rome, Tip. Cuggiani, 1920, 3 vol, VII-431, 535 et 427 p.). Voir également les Discorsi del cardinale Domenico Ferrata (Rome, Tipografia Pontificia nell’Istituto Pio IX, 1910, 317 p.). Ces recueils de témoignages valent surtout par la personnalité et l’itinéraire de leur auteur au sein de la Curie. Né en 1847, formé à l’Apollinaire, Domenico Ferrata était docteur en théologie et in utroque iure, puis professeur de droit canonique au Séminaire romain et à la Propagande. D’abord affecté à la congrégation des Rites, auditeur du préfet de la congrégation des Études, le cardinal Martinelli, puis avocat à la congrégation du Concile, Pie IX l’attacha en 1877 à la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, dont il devint sous-secrétaire en 1883 (ASV. Segr. Stato, Protocolli, vol. 353, n. 52718) puis, en 1889, le secrétaire. Président de l’Académie des Nobles ecclésiastiques « sur sa demande » (R. Aubert, « Ferrata, Domenico », dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, 16, 1967, c. 1229-1234, ici c. 1230) en décembre 1884, nonce en Belgique (29 mars 1885) puis à Paris (juillet 1891), il fut élevé au cardinalat le 22 juin 1896, et détint la préfecture de la congrégation des Évêques et Réguliers et de celle de la Discipline régulière, puis de celle des Rites (1902). Membre de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, « il fut alors l’un des conseillers les plus écoutés de Léon XIII » (idem, c. 1233). Il prit une part importante aux travaux de codification du droit canonique dès leur lancement en 1904, fut préfet de la congrégation pour la Discipline des Sacrements du 20 octobre 1908 au 2 septembre 1914 – revenant ainsi aux débuts de sa carrière – puis secrétaire d’État de Benoît XV du 4 septembre jusqu’à sa disparition le 10 octobre 1914, tout en assurant les fonctions de secrétaire du Saint Office (du 2 janvier au 10 octobre 1914). La publication des Mémoires du cardinal, par les soins de son frère Nazzareno sur le désir de Benoît XV, donna lieu à de nombreux commentaires, dont la plupart se félicitèrent de l’objectivité avec laquelle le cardinal rapportait ses souvenirs. Charles Terlinden en particulier reconnaissait que « c’est avec la plus grande prudence que l’historien doit [...] consulter les mémoires et les notes autobiographiques laissés par les personnages mêlés aux grands événements de la politique internationale. Dans la plupart des cas le désir de faire valoir ses services, de montrer sous un jour favorable le rôle qu’il a joué, de s’assurer une gloire posthume [...] provoque chez l’auteur l’hypertrophie du moi et lui fait exposer et juger les faits d’après un angle qui ne concorde pas avec la réalité. Toute autre est l’impression que laissera la lecture des trois gros volumes du cardinal Ferrata » (Revue d’histoire ecclésiastique, 19, 1923, p. 274-279, ici p. 174-275). Avec davantage de recul, R. Aubert (« Ferrata, Domenico », art. cit., c. 1234) reconnaît en eux « une source historique importante, tout en constituant une apologie discrète, et forcément parfois un peu unilatérale, de l’œuvre diplomatique du prélat ». De ces Mémoires, le canoniste et historien allemand Ulrich Stutz tira une étude critique encore utile : Die päpstliche Diplomatie unter Leo XIII. Nach den Denkwürdigkeiten des Kardinals Domenico Ferrata, Berlin, 1926. Mise au point biographique la plus récente dans G. Fagioli Vercellone, « Ferrata, Domenico », dans Dizionario biografico degli Italiani, 46, 1996, p. 755-760.
85 C. Weber, « La Corte di Roma nell’Ottocento », art. cit., p. 179. Sur « la reticenza conseguente di Ferrata concernente tutta la ‘Corte’ » (idem, p. 179 n. 25), voir C. Weber, Quellen und Studien zur Kurie..., op. cit., p. 113 et 158.
86 Évoquant, au début du pontificat de Pie X, de possibles réformes de la Curie, l’auteur (anonyme, mais probablement Mgr Giuseppe Clementi) d’un opuscule intitulé Questioni politico-religiose. Dopo gli « atti ed intendimenti di Pio X ». Osservazioni di un Prelato Romano (Rome, Forzani, 1905, 62 p., reproduit par L. Bedeschi, Riforma religiosa e Curia romana all’inizio del secolo, Milan, 1968, p. 173-216) écrivait : « Il y aurait encore beaucoup à dire sur la réforme de la Cour et des dicastères du Vatican ; mais ceci est un domaine trop direct du Pontife pour qu’il nous soit permis d’en parler davantage » (p. 190). Revenant sur son activité de secrétaire de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, D. Ferrata reconnaissait qu’il lui serait « difficile de donner un aperçu des questions et des affaires importantes qui furent traitées durant ma gestion. Le secret professionnel ne me permet pas d’en parler, et il me faudrait de plus longues pages pour en traiter de façon suffisante » (Mémoires, op. cit., I, p. 424).
87 Ainsi le témoignage laissé par Gasparri dans une conférence prononcée lors d’un congrès international en 1934 le pose en initiateur de l’entreprise de codification du droit canonique en 1904 (« Storia della codificazione del diritto canonico per la Chiesa latina », dans Acta congressus juridici internationalis VII saeculo a decretalibus Gregorii IX et XIV a Codice Justiniano promulgatis, Rome 12-17 novembre 1934, 4, Rome, 1937, p. 3-10), version aujourd’hui jugée inacceptable par l’historiographie (ainsi par G. Feliciani, « Gasparri et le droit de la codification », L’Année canonique, 38, 1995-1996, p. 25-37, ici p. 25) ; voir aussi G. Spadolini (éd.), « Il cardinale Gasparri e la Questione Romana (con brani delle Memorie inedite) », Nuova Antologia, 513, 1971, p. 159-209 (rééd. en volume, Florence, 1972), et les observations critiques d’A. Corsetti, « Le ‘Memorie’ del cardinal Gasparri. Osservazioni e congetture », dans Scritti in ricordo di G. Buratti, Pise, 1981, p. 85-141 et d’É. Poulat en appendice à son Catholicisme, démocratie et socialisme, Paris – Tournai, 1977 (appendice IV, « Histoire et mémoire », p. 536-543). Sur la figure de Pietro Gasparri et son rôle dans l’élaboration du Codex iuris canonici, voir infra, p. 609 et s.
88 Né en décembre 1839, il fonda dans son diocèse une revue de droit canonique, Il Monitore Ecclesiastico, qui connut une diffusion importante. Assesseur du Saint Office puis cardinal (15 avril 1901), il participa aux travaux de codification tout en assurant la direction (préfecture) de la congrégation du Concile, du 20 octobre 1908 au 31 janvier 1914. Il a laissé notamment de nombreuses Consultations. Questions de morale, de droit canon et de liturgie (Paris, 1912-1918, 6 vol.) et plusieurs commentaires de la législation de l’Index (Della nuova disciplina sulla proibizione e sulla censura dei libri, Rome, 1903 ; La costituzione « Officiorum », Rome, 1913).
89 Né près d’Imola en 1779, cardinal le 18 février 1839, secrétaire d’État de Pie IX du 4 juin au 29 novembre 1848, il fit paraître d’importants traités de droit canonique, parmi lesquels des Institutiones juris publici ecclesiastici (Paris, 1859), complétées l’année suivante par les Institutiones juris privati ecclesiastici (Paris, 1860), qui furent fréquemment réimprimées (notamment à Paris, A. Courcier, 1883, XVI-406 p.), puis par les Addimenti ad institutiones juris publici et privati ecclesiastici (Paris, Roger et Chernovitz, 1898, 123 p.). Il fut membre des congrégations des Évêques et Réguliers, du Concile, de la Propagande, des Études et de la Reconstruction de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Voir C. Grillantini, « Il cardinale Giovanni Soglia Ceroni, vescovo di Osimo, segretario di stato di Pio IX », Pio IX, 3, 1974, p. 144-156.
90 N. Del Re, La Curia romana..., op. cit., p. xiii n.1 : « Ricorrere all’uso di luoghi comuni, che avversari deliberati della Curia romana hanno coniato con l’accento di chi aveva veri o supposti rancori personali con l’Istituto ». Le pamphlet publié en 1999 sous le nom collectif de « I Millenari » et intitulé Via col vento nel Vaticano (Rome, Kaos, 297 p.), faisant suite à plus d’une dizaine de recueils dirigés contre la Curie, démontre l’actualité d’un tel débat. Pour un essai de typologie de ces critiques de Pie IX à Benoît XV, voir infra, p. 357 et s.
91 R. Aubert, compte-rendu d’A. Erba, ‘Proletariato di Chiesa’. La FACI tra la Curia romana e fascismo dalle origini alla Conciliazione (Rome, 1990, 2 vol.), dans Revue d’histoire ecclésiastique, 91, 1996, p. 993-999, ici p. 998.
92 R. Metz, « Conclusion générale », dans Le droit et les institutions de l’Église catholique latine de la fin du xviiie siècle à 1978. Église et sociétés, Paris, 1984, p. 575-585, ici p. 577.
93 Ph. Bernard, La fin d’un monde 1919-1929, Paris, 1975. Les problèmes de périodisation appliqués à l’histoire contemporaine ont retenu l’attention de quelques historiens, parmi lesquels J.-Cl. Caron (« Le xixe siècle existe-t-il ? Réflexions sur la périodisation et sur la place du xixe siècle dans l’historiographie actuelle », dans Périodisations. La construction du temps historique, Actes du Ve colloque d’Histoire au Présent, Sources. Travaux historiques, 23-24, 1991, p. 115-122), qui fait état, non sans les discuter ensuite, de « bornes quasi-unanimement reconnues et acceptées, 1815-1914 » (p. 117). Voir aussi L’invention du xixe siècle. Le xixe siècle par lui-même, Paris, 1999, et notamment les deux contributions de J.-Cl. Caron, F. Chauvaud et al., « La concordance des temps. Histoire, objets et catégories en construction au xixe siècle » (p. 141-152) et de J.-M. Mayeur, « L’Église et le monde moderne » (p. 323-327). Pour l’Italie contemporaine, les grands repères sont donnés par B. Buongiovanni, « Storiografia e periodizzazione », dans B. Buongiovanni et N. Tranfaglia (dir.), Dizionario storico dell’Italia unita, Rome – Bari, 1996, p. 882-896. H. Lutz propose pour sa part une scansion caractérisée par le conflit entre la Rome pontificale (Urbs) et le reste du monde (Orbis), délimitant une période allant de Luther et Galilée jusqu’au début du xxe siècle, et incluant donc le phénomène de la sécularisation (« Rom in der Neuzeit – Perspektiven und Methodenfragen », dans Rom in der Neuzeit. Politische, Kirchliche und kulturelle Aspekte, Vienne, 1976, p. 9-18, spéc. p. 13-16).
94 Juxtaposant les deux dates de 1870 et 1917 (promulgation du Code de droit canonique), R. Metz affirme que « les deux événements sont importants dans l’histoire de la pensée canonique : l’un et l’autre ont contribué, dans la seconde moitié du xixe siècle et dans la première moitié du XXe, à forger la nouvelle façon de considérer le problème de l’Église et de son droit » (« Le problème d’un droit de l’Église dans les milieux catholiques de la seconde moitié du xixe siècle à la période post-conciliaire (1870-1983) », Revue de droit canonique, 35, 1985, p. 222-244, cit. p. 223).
95 L’historiographie religieuse dite classique ou « traditionnelle » a le plus souvent retenu les pontificats comme césures dans l’histoire générale de l’Église. Pour autant, certains observateurs ont noté qu’il était inexact « de regarder le règne de chaque pape comme une étape nécessairement tranchée du changement. Bien des raisons interviennent qui corrigent très souvent ce que la volonté personnelle du pontife pourrait souhaiter de modifications rapides et profondes : permanence des rouages majeurs de la vie ecclésiastique, lenteur traditionnelle des réformes romaines, aspect nouveau sous lequel les responsabilités de sa charge invitent l’élu du conclave à considérer les choses, etc. » (Ch. Ledré, « À propos de plusieurs livres récents. Sur quelques aspects du gouvernement de Pie X », Revue d’histoire ecclésiastique, 40, 1954, p. 249-267, ici p. 249-250).
96 Cette expression est employée par l’un des premiers historiens du Concile, Eugenio Cecconi (Histoire du concile du Vatican d’après les documents originaux, 1. – Préliminaires du Concile. Récit, trad. fr., Paris, 1887, p. 5).
97 Nous employons cette expression au sens que lui a conféré Philippe Boutry pour le premier xixe siècle dans son travail fondamental : La restauration de Rome. Sainteté de la ville, tradition des croyances et recomposition de la Curie à l’âge de Léon XII et de Grégoire XVI, thèse de doctorat d’État, op. cit.
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