Le grand euchologe melkite de Jérusalem (1865)
Circonstances d’impression et spécificités liturgiques
p. 75-98
Résumés
Faisant suite à l’euchologe grec de Benoît XIV imprimé à Rome en 1754, le grand euchologe melkite est imprimé en 1865 à Jérusalem sous la supervision du patriarche latin Joseph Valerga. À travers l’étude des correspondances relatives à l’élaboration de l’euchologe, cet article vise à évaluer le rôle de médiateur de Valerga, ainsi que son savoir liturgique. L’étude de certains rites (chirotonie du chorévêque, rite d’indulgence pour les mourants, rite du mariage, bénédiction des cierges le jour de la présentation du Christ au temple), et d’un chapitre en particulier de l’euchologe consacré aux fonctions ecclésiastiques, nous permettent de mieux saisir en quoi l’euchologe de Jérusalem est le fruit d’une collaboration entre un savoir occidental et une hiérarchie orientale catholique dans un contexte liturgique particulier oscillant entre tendance conservatrice et tendance latinisante.
Following the Greek euchologion of Benedict XIV printed in Rome in 1754, the great Melkite euchologion was printed in 1865 in Jerusalem under the supervision of the Latin patriarch Joseph Valerga. Through the study of the correspondences pertaining to the drafting of the euchologion, this article aims to assess Valerga’s role as mediator, as well as his liturgical knowledge. The study of certain rites–chirotony of the chorepiscopos, the last rites and the rites of plenary indulgence, rite of marriage, blessing of candles on the day of the presentation of Christ at the temple–, and, particularly, of a chapter of the euchologion concerning the ecclesiastical functions, allows us to better understand how the Jerusalem euchologion is the fruit of a collaboration between Western knowledge and an Eastern Catholic hierarchy in a particular liturgical context oscillating between a conservative tendency and a Latinizing tendency
Entrées d’index
Mots-clés : Église melkite, euchologe, Joseph Valerga, latinisation, liturgie
Keywords : Melkite Church, euchologion, Joseph Valerga, liturgy, Latinization
Texte intégral
1Parmi les livres liturgiques en usage dans l’Église byzantine, le livre de l’euchologe1 a acquis une importance considérable en raison de son usage fréquent dans l’exercice du ministère pastoral. Les monastères et les bibliothèques ont conservé un grand nombre d’euchologes manuscrits antérieurs au XVIe siècle. L’apparition de l’imprimerie a conduit à une certaine uniformisation de ce livre dont la première édition grecque date de 15262. Dans le patriarcat melkite d’Antioche, une Église de tradition byzantine dont le territoire couvre principalement la Syrie et le Liban3, le syriaque a définitivement cédé la place à l’arabe au début du XVIIe siècle4. C’est dans ce contexte que le métropolite d’Alep Malātyūs Karmah (1572-1635) édite un euchologe arabe en se fondant sur les éditions vénitiennes5.
2Avec d’autres prélats, ils sollicitent Rome pour imprimer l’euchologe, en vain. Certes, depuis le début du XVIe siècle, l’Église romaine se soucie de la traduction des livres liturgiques byzantins pour les Grecs établis en Italie méridionale. Toutefois, elle nourrit une certaine méfiance à l’égard des textes liturgiques grecs en raison d’erreurs repérées dans les rituels et qui lui font suspecter la validité même des sacrements6. Elle préfère donc garder la main sur le processus d’édition et de correction des textes liturgiques pour s’assurer de l’intégrité des contenus. Si l’intérêt de la curie romaine pour l’édition de livres liturgiques orientaux s’accroît après le Concile de Trente (1545-1563), ce n’est qu’après la scission du patriarcat melkite d’Antioche (1724) et l’édition de l’euchologe grec du pape Benoît XIV (1754), que la congrégation de la Propagande, en 1851, édite à Rome un petit euchologe arabe7. En 1865, la Typographie des pères franciscains8 édite à Jérusalem un grand euchologe, sous la supervision du patriarche latin de Jérusalem Joseph Valerga. Après quoi, en 1887, le petit euchologe est réédité à l’imprimerie des pères jésuites à Beyrouth.
3Nous présentons dans cet article les enjeux et les circonstances d’impression de l’euchologe de Jérusalem en accordant une attention particulière à l’implication du patriarche Valerga ainsi qu’aux spécificités de ce livre liturgique. Nous essayons aussi de mieux concevoir comment les melkites ont opté pour un choix intermédiaire entre la liturgie latine et la liturgie byzantine : attachés à leur liturgie et à leurs spécificités liturgiques au sein des familles byzantines, ils n’hésitent pas à adopter certaines prières et dévotions de tradition latine, tout en leur donnant un aspect byzantin.
Les circonstances d’impression de l’euchologe melkite : quelle conformité avec l’original grec ?
4À partir du milieu du XIXe siècle, la Propagande s’efforce de suivre de près l’action missionnaire et la vie ecclésiale des diverses communautés catholiques de l’Empire ottoman. Cette action s’exerce dans une logique centralisatrice et latinisante que concrétise le rétablissement par Pie IX du patriarcat latin à Jérusalem9 en 1847. La nomination de Joseph Valerga10 (1847-1872) comme patriarche amorce l’édition de l’euchologe arabe.
5Si Valerga est bien un agent zélé de la latinisation en Terre sainte11, il tient néanmoins aussi à sauvegarder les rites liturgiques des communautés orientales. Résidant à Jérusalem, il a conscience des aspirations liturgiques des melkites. Aussi est-il plus à même pour mener ce travail à bien que les dicastères romains et les bureaux de la Propagande. Dans une lettre datée du 24 mai 1861, il évoque le problème que pose le recours des prêtres aux livres des « grecs schismatiques12 pleins d’hérésies13 ». Malātyūs Findī, évêque de Baalbek, rappelle par ailleurs dans une lettre du 23 mars 1863 que le préfet de la congrégation de la Propagande, Alessandro Barnabò, a demandé au patriarche melkite des copies des livres de la sainte liturgie et des offices ecclésiastiques pour qu’ils soient examinés et imprimés pour « le bien de cette pauvre nation melkite14 ». Enfin, dans un rapport adressé le 6 août 1863 à la Propagande, Bāsīlyūs Shāhiyyāt, évêque de Furzol et de la Békaa, note qu’après les guerres entre chrétiens et druzes et les incendies qui ont eu lieu en 186015, la plupart des églises ont perdu leurs livres de prières et quelques-unes emploient les livres des grecs orthodoxes imprimés à Jérusalem ; d’où la nécessité d’imprimer gracieusement les livres liturgiques pour les melkites catholiques16. L’impression de l’euchologe arabe représente donc un moyen pour garantir « la catholicité » des melkites en s’appuyant sur les livres liturgiques révisés par la curie romaine. En effet, un euchologe arabe orthodoxe a été édité par les presses orthodoxes du Saint Sépulcre en 1856. On peut craindre alors que l’usage des livres orthodoxes pendant les services liturgiques melkites constitue un facteur de rapprochement avec l’Église orthodoxe, et suscite un mouvement de conversion vers l’orthodoxie. Au contraire, la récente encyclique In suprema Petri17 (1848) a exhorté les Églises orthodoxes à revenir à la communion avec le Siège romain tout en promettant de maintenir leurs rites orientaux.
6Dans un premier temps, Valerga révise et met en ordre le petit euchologe arabe imprimé à Rome en 1851, et appose son nihil obstat18 sur la dernière page19. Cette édition ne satisfait pas le clergé melkite tant pour son contenu que pour sa présentation (absence de table des matières, suppression d’offices indispensables pour le prêtre et l’évêque, et répartition désordonnée des offices)20. Quant au grand euchologe de 1865, il semble être évoqué pour la première fois dans une lettre envoyée par les évêques melkites de Baalbeck, Homs et Zahlé21, datée du 18 juin 1862. Cette lettre évoque la pénurie des livres liturgiques, et rappelle que le Saint-Siège a demandé aux melkites catholiques de ne plus se servir des éditions orthodoxes dans leurs églises. Les évêques demandent également l’impression du triode, du pentecostaire22 et « du grand euchologe complet que notre patriarche s’est vu dénié auparavant23 ». De ce que laisse entendre cette lettre, une version, ou une ébauche, probablement réalisée par Valerga, a été proposée au patriarche melkite Clīmanḍūs Ier Baḥūth (1856-1864) sans que ce dernier ne puisse intervenir dans sa préparation. De fait, pour l’édition de 1865, Baḥūth mandate pour sa réalisation Ghrigūryūs Sayyūr, évêque d’Acre24. Enfin, dans un rapport envoyé à la Propagande en date du 5 octobre 1863, Ghrigūryūs ʿAṭa, évêque d’Homs, relate que le patriarche melkite a sollicité la Propagande pour l’impression du grand euchologue, et adresse lui aussi cette même demande25.
7En 1863, Clīmanḍūs Ier Baḥūth remet l’euchologe complet à Valerga pour qu’il soit imprimé à la Typographie de la Propagande. Pour sa révision, Valerga, n’ayant pas avec lui l’euchologe de Goar26, demande à la Propagande de confier l’examen de l’euchologe arabe à un spécialiste résidant à Rome et se déclare prêt à envoyer le manuscrit arabe. Dans le cas contraire, il demande qu’on lui envoie l’euchologe de Goar27. Vraisemblablement, cette deuxième solution est adoptée puisque le 16 avril 1863, Valerga demande encore un exemplaire de l’euchologe grec de Benoît XIV pour le confronter avec ce nouvel euchologe melkite, qui contient plusieurs offices et bénédictions absents de celui de Goar :
Le grand euchologe des grecs melkites que votre Éminence Révérendissime m’avait chargé d’examiner avec le rituel des Grecs de Goar, présente plusieurs parties variantes à savoir des rites et des bénédictions différents qui ne se trouvent pas dans ce dernier. Je suis très intéressé de savoir si ces parties manquantes de [l’euchologe de] Goar se trouvent au moins dans l’euchologe grec qui a été imprimé par la Typographie de la Propagande le siècle dernier, et si je me rappelle bien, vers la fin [du livre]. Je vous prie de m’envoyer, dès que possible, un exemplaire afin que je puisse achever l’examen de l’euchologe grec melkite susmentionné28.
8Après avoir comparé l’euchologe melkite à ceux de Goar et de Benoît XIV29, Valerga le remet à la Propagande le 25 septembre 1863, en y joignant des notes explicatives. Il mentionne qu’il a apposé l’imprimatur après plusieurs corrections faites après accord avec Sayyūr, au nom du patriarche melkite. Il souligne que cet euchologe renferme plusieurs parties manquantes dans les euchologes de Goar et de Benoît XIV tels la chirotonie du chorévêque et autres chapitres (87, 88, 89, 90, 92, 94, 95, 96 et 97)30 qui sont en majorité des rites et des bénédictions adaptées de l’Église latine comme le rite de l’indulgence plénière pour les mourants in articulo mortis, la bénédiction des récoltes et des fruits lors de la fête de l’Assomption31, ainsi que celle des cierges lors de la fête de la présentation du Christ au temple.
9Une lettre du 23 décembre 1863 atteste de l’envoi à Rome de l’euchologe arabe et de celui de Goar32. N’ayant pas pu trouver une personne à même de suivre l’impression de cet euchologe à Rome, la Propagande renvoie l’euchologe à Valerga33. Dans une lettre datée du 28 mai 1864, Valerga transmet à la Propagande le budget estimatif pour l’impression de l’euchologe par la Typographie de la Custodie de Terre sainte à Jérusalem. Il explique que les tarifs sont supérieurs à ceux pratiqués habituellement en Europe, et demande qu’on lui envoie le manuscrit avec l’indication du nombre de copies à imprimer34. Malgré le coût élevé de l’impression, la Congrégation demande un tirage de mille exemplaires35. Le nouvel euchologe intitulé Livre du grand euchologe à l’usage des prêtres grecs catholiques36 est imprimé à Jérusalem, et le 23 septembre 1865, 300 copies de l’euchologe arabe melkite sont envoyées à Rome37.
10Les correspondances montrent que Valerga est étroitement impliqué dans l’édition de l’euchologe, et se fait aider de l’évêque melkite d’Acre. Elles nous laissent aussi penser que l’euchologe de Goar, édité à Paris en 1647 et à Venise en 1730, avait acquis une importance supérieure à celui de Benoît XIV puisqu’il avait été réclamé par Valerga en premier. Voulant comparer l’euchologe arabe aux euchologes grecs de Goar et de Benoît XIV, afin de l’expurger des « erreurs », Valerga se heurte au manque d’homogénéité de ces traditions liturgiques, au manque d’informations sur ces traditions et aussi à la nécessité de prendre en compte les décisions pontificales concernant les grecs, notamment celles de Benoît XIV38. Il précise que ses corrections visent simplement à mettre la version arabe en accord avec le texte grec. Concernant les prières absentes des euchologes grecs, il s’exprime ainsi dans une lettre adressée à Barnabò :
Elles ne renferment rien d’opposé à la religion et à la piété. Et donc, si jamais vous doutiez qu’elles aient été introduites par une autorité légitime, il serait néanmoins impossible de les supprimer sans grands inconvénients : c’est pourquoi je n’ai pas hésité à les conserver d’autant que certaines d’entre elles ont déjà été imprimées dans le petit Euchologe de 185139.
11Malgré l’introduction de quelques prières latines dans cette édition, les propos de Valerga reflètent l’image d’un hiérarque latin soucieux de préserver les rites orientaux dans le cadre des directives romaines. Il prend en considération le contexte liturgique de la communauté melkite. Ainsi, parce que certaines coutumes latines sont désormais ancrées dans la liturgie et la piété des fidèles melkites, il considère nécessaire de les conserver dans l’euchologe.
Particularités melkites et adaptations latines
12L’euchologe de Jérusalem est composé de 97 chapitres. Il renferme les chirotonies et les promotions presbytérales (ch. 1-8, 11-13), les professions monastiques (ch. 13-14), les prières d’initiation chrétienne (ch. 15-22), les rites des fiançailles et du couronnement (ch. 23-26), le rite de l’huile sainte (ch. 27), les Hagiasmoi40 (ch. 28-29), les funérailles (ch. 30-33, 78), des prières sur des objets souillés (ch. 34-37), des prières sur des fondations profanes et religieuses et pour leur élévation (ch. 38-41, 58), des bénédictions liées à la vie agricole et maritime (ch. 49, 51, 57, 72), le rite du saint Myron (ch. 47), le rite de la consécration de l’antimension (ch. 48), des prières sur l’autel (ch. 42, 45, 46, 75, 91), des prières liées à la repentance et au sacrement de la confession (ch. 52-54, 56, 77, 84, 86, 90, 93), des bénédictions (ch. 9, 50, 70, 71, 80-82, 88, 89, 92, 95, 96, 97), des prières pour diverses circonstances (ch. 55, 59-61, 63, 66-69, 72-74, 76, 79), des exorcismes (ch. 62), le rite du saint lavement (ch. 64), le rite de génuflexion du dimanche de la Pentecôte (ch. 65), le rite de bénédiction du feu le Samedi saint (ch. 87) et d’autres instructions (ch. 10, 83, 85).
13La préface de l’euchologe (p. 1-2) n’évoque pas les circonstances d’impression de l’édition melkite : elle n’est que la traduction arabe de la préface de l’euchologe grec de Benoît XIV, une façon de montrer que cette édition lui fait suite. Elle est composée de quatre admonitions portant sur les diptyques, la divine liturgie, le sacrement de l’huile sainte et la prière sur les objets souillés.
14Le chapitre 10 (p. 25-30) intitulé Explication des fonctions dans les grandes Églises et leur ordre41 décrit les différentes fonctions ecclésiastiques et civiles du patriarcat de Constantinople42 dont la majorité n’ont guère existé dans le patriarcat melkite d’Antioche. Le synode d’Aïn-Traz (1909) évoque d’ailleurs cette section, tout en dressant une autre liste, plus brève, de ces fonctions : il décrit seulement les fonctions de protosyncelle, de chorévêque, d’archimandrite, d’économe, de chartophylaxe et d’exarque43. Les décrets d’un synode faisant plus autorité qu’un livre liturgique, ils rendent caduque ce chapitre de l’euchologe.
15Cette première liste ne fait pas mention du grade de chorévêque, même si l’euchologe en reproduit le rite d’ordination, ou chirotonie44 (p. 12-14). Le terme chorévêque désigne un évêque des villages (ἐπíσκοπος τής χώρας ou χωρεπíσκοπος), et sa mission consiste à aider l’évêque dans l’administration et la surveillance des églises secondaires relativement loin de la cité. Instaurée au Ier ou IIe siècle, cette fonction n’existe plus à Byzance au XIIIe siècle45. L’euchologe de Jérusalem reprend la chirotonie du chorévêque de celui de Karmah46. La traduction arabe du terme grec χωρεπíσκοπος peut nous induire en erreur. Χώρας qui signifie village est traduit en khūrī qui signifie curé alors qu’επíσκοπος qui signifie évêque est retranscrit en arabe : khūrī bīscūbūs47. Valerga commente ce rite ainsi :
Il ne se trouve même pas dans l’Euchologe grec des schismatiques. Il a été probablement composé par un évêque arabe48. Il n’est plus en usage chez les melkites qui n’ont plus des chorévêques. Donc, il serait possible de l’éliminer de l’Euchologe sans aucun inconvénient49.
16Les synodes melkites ont pourtant traité du rôle des chorévêques dans la hiérarchie ecclésiastique. Le synode Saint-Sauveur (1790) exige de chaque évêque qu’il ait un consultant avec le grade de chorévêque50, et sur le même sujet, le synode de Jérusalem (1849) précise que les chorévêques sont affectés au « service des autels des églises situées dans les territoires soumis sans intermédiaire à l’autorité patriarcale51 ». Ceux-ci ont préséance en fonction de la date de leur consécration sur les autres prêtres non chorévêques52. Le synode melkite de Khenchara (1864) établit toutefois que le rang de chorévêque est accordé uniquement aux supérieurs généraux des ordres religieux53. Par conséquent, après la scission de 1724, la fonction de chorévêque ne consiste plus à surveiller les villages et visiter les monastères lointains au nom de l’évêque, comme le souligne le texte de la chirotonie. Il est devenu un titre honorifique pouvant être confondu avec celui d’archimandrite. Quant au patriarcat orthodoxe d’Antioche, les euchologes imprimés ne font plus mention de ce rang. Autre dimension méritant d’être soulignée, ce rite n’est point une ordination épiscopale : le candidat ne reçoit ni l’omophorion, ni la crosse, ni la mitre et la chirotonie n’est pas du tout semblable à celle de l’évêque. Par ailleurs, l’évêque ordinant lui donne la communion dans la divine liturgie, ce qui ne serait pas le cas si le chorévêque appartenait à l’ordre épiscopal. Le chorévêque reçoit uniquement l’épigonation dont l’usage était réservé aux évêques avant d’être étendu, probablement au XVe siècle, aux archiprêtres, archimandrites, etc54. Conserver la chirotonie du chorévêque, sans en maintenir le titre, montre donc qu’il n’est pas toujours évident d’être fidèle à l’euchologe grec. Le patriarcat melkite d’Antioche a sa propre histoire et aussi ses propres spécificités liturgiques.
17L’euchologe de Jérusalem comporte un rite de l’indulgence pour les mourants55 (p. 305-30656) inspiré du rituel romain de Paul V (1614)57 avec quelques adaptations et des prières dans la forme byzantine. Nous reproduisons ci-dessous sa structure :
Les prières initiales58
« Venons adorons… »
Psaume 142
« Le Seigneur est Dieu » avec les stichères59
« Auprès de la Mère de Dieu, nous les pécheurs, accourons humblement… »
« Gloire au Père… Maintenant et toujours… »
« Jamais nous ne cesserons, ô Mère de Dieu, malgré notre indignité, de louer ta majesté… »
Prêtre : Paix à vous tous
Le servant : Et à ton esprit
Prière 1 : Seigneur tout clément, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, toi qui ne veux pas la perdition de ceux qui croient vivement en toi et qui a confiance dans ta grande miséricorde. Toi maintenant, regarde par l’œil de ta bonté tes fidèles serviteurs qui espèrent en la générosité de ta bonté. Visite-nous par ta clémence. Secours-les par ton salut et accorde-leur la rémission de tous leurs péchés, par les mérites de ton Fils unique notre Seigneur Jésus Christ, ses passions sublimes et sa mort vivifiante. Accorde-leur la rémission totale [des péchés] afin que leurs âmes après qu’elles soient purifiées par le sang de ton agneau divin, ton Fils bien aimé, de toutes ses souillures, te trouvent un juge miséricordieux et qu’elles méritent le passage à la vie éternelle, par la grâce de ce Fils unique, sa miséricorde et son amour pour les hommes, avec qui tu es bénis et avec ton Saint Esprit bon et vivifiant, maintenant et à jamais et pour les siècles des siècles.
Le servant dit à la place du mourant le confiteor60 :

18Une lecture attentive de ce rite permet de constater qu’il renferme une formule indicative, à l’instar du rite latin (A) : « Je t’accorde un pardon complet et une rémission totale de tous tes péchés » suivie d’une indulgence (B) : « Que le Seigneur puissant pardonne toutes les peines de la vie présente et prochaine. »
19Dans la tradition byzantine, la formule d’absolution est déprécative. Ce changement montre une influence latine sur la forme de l’administration du sacrement de pénitence chez les melkites. La première prière a également subi des influences latines à travers l’introduction de cette expression : « par les mérites61 de ton Fils unique notre Seigneur Jésus Christ, sa passion sublime et sa mort vivifiante ». L’euchologe de Jérusalem se limite d’indiquer : « Je confesse à Dieu tout-puissant. » Il s’avère que le confiteor était bien répandu parmi les fidèles melkites d’où le non intérêt de le reproduire. Dans la deuxième prière, le prêtre accorde la rémission totale des péchés, aussi dans une forme indicative et par le pouvoir qui lui a été accordé du Saint-Siège, ce qui met en exergue l’obédience de l’Église melkite à l’Église catholique.
20Cette prière est suivie d’une rubrique développée qui accorde à ce rite le terme synkhoritikon, un moyen d’intégrer ce rite d’inspiration latine dans la tradition byzantine. Attestés dès le XVe et XVIe siècle dans le monde orthodoxe, les synkhoritika étaient délivrés sous forme d’écrits d’absolution que l’on plaçait dans la main des défunts, ou qui étaient remis aux vivants comme recommandation ecclésiastique de la part d’un évêque ou d’un patriarche. Ils sont délivrés en faveur du pénitent en vue de le délivrer des conséquences du non acquittement des épitimia62 ou canons exigés par le confesseur. L’euchologe de Karmah renferme deux synkhoritika63 ; le journal de voyage de Būlus al-Ḥalabī relate que lui et son père, le patriarche melkite Makāryūs III ibn al-Zaʿīm64 ont imprimé à Kiev en 1654 des synkhoritika65. Būlus donne également plusieurs exemples montrant que ces pratiques étaient assez répandues dans le milieu orthodoxe66.
21Le rite de la bénédiction des cierges (p. 317-320) pour la fête de la Présentation du Christ au temple montre l’intégration d’une coutume latine ancienne (VIIe s.) dans la liturgie des melkites. Dans le rite latin, avant de célébrer la messe, on procède à la bénédiction des cierges67, à laquelle suit une procession jusqu’à l’église à la lumière de ces cierges pour symboliser la rencontre des « fils de la lumière » (Luc 16, 8) avec le Christ, « lumière des nations ». Les fidèles ont l’habitude d’emporter chez eux les cierges bénits. Néanmoins, plutôt que de traduire la prière latine, on a préféré intégrer un nouveau rite composé en 1736 par le métropolite d’Alep Maximos Hakim (1732-1760).
22Dans le rite de mariage, la prescription requérant l’expression orale du consentement figure dans les euchologes de 1851 et 1865 alors qu’elle est absente dans l’euchologe de Karmah. Aux rubriques initiales sont ajoutés les mots suivants : « Il [le prêtre] leur demande s’ils veulent vraiment et par leur liberté être unis par le sacrement du mariage68. » Cet ajout, déjà introduit dans l’euchologe de Benoît XIV, témoigne d’une influence latine selon laquelle l’échange du consentement constitue la forme sacramentelle du mariage69. Déjà les actes des synodes melkites de Saint-Sauveur (1790), Qarqafé (1806) et Aïn-Traz (1865) témoignent d’une approche latine du sacrement de mariage en demandant au curé de s’assurer du consentement des deux fiancés. Rappelons que l’euchologe de Pierre Moghila, publié à Kiev en 1646, renferme, lui aussi un échange de consentement inspiré du rituel latin de Paul V (1614)70.
Pour une meilleure compréhension du contexte liturgique melkite
23Parcourir ces spécificités liturgiques nous permet de constater qu’à la suite de la scission de 1724, les melkites catholiques vivaient une certaine dissociation identitaire qui était clairement reflétée dans leur liturgie. L’introduction de la liste des fonctions ecclésiastiques dans l’euchologe est une manière de montrer l’attachement des melkites à leurs « prédécesseurs » byzantins. D’autre part, l’introduction de la chirotonie du chorévêque témoigne de la spécificité liturgique des antiochiens au sein de la tradition byzantine. L’introduction de l’échange du consentement témoigne de l’influence de la théologie latine, très liée à des préoccupations de validité et de licéité des sacrements, qui s’exerce sur les synodes melkites et sur l’euchologe. La composition d’un nouveau rite pour la bénédiction des cierges le jour de la Présentation du Christ au temple ne doit pas être isolée du contexte liturgique de l’Église melkite aux XVIIIe et XIXe siècles où de nouvelles fêtes d’origine latine furent intégrées dans le calendrier melkite (la Fête-Dieu et saint Joseph) et de nouveaux offices suivant l’usage de l’hymnographie grecque furent composés à l’occasion, plutôt que d’adopter des offices latins. Quant au rite d’indulgence pour les mourants, les missionnaires latins propageaient au Proche-Orient cette pratique qui, apparemment, pouvait ressembler aux synkhoritika mais qui, en fait, était très différente. En effet, l’indulgence porte sur les peines temporelles dues pour les péchés ayant été absous par la confession sacramentelle, alors que les synkhoritika constituent un véritable processus pénitentiel, et surtout une forme de réconciliation qui est un lointain écho de la pénitence canonique. L’introduction de la pratique latine des indulgences brouille quelque peu les conceptions concernant la pratique traditionnelle chez les melkites des synkhoritika qui, de ce fait, sont tombées en désuétude.
24L’édition de l’euchologe de Jérusalem est à situer dans le contexte historique des relations entre l’Église romaine et les Églises orientales. À la suite de la création de la congrégation de la Propagande (1622), Rome insiste sur le strict maintien des rites orientaux et accorde une importance primordiale à la révision des livres liturgiques dans un esprit de retour à la « vraie » tradition pour que les orientaux redeviennent catholiques. Ce facteur justifie le retard de l’impression de l’euchologe grec et, à sa suite, de l’euchologe melkite. Les instances romaines veulent tout d’abord corriger l’euchologe grec afin de le comparer à la traduction latine de l’euchologe arabe de Malātyūs Karmah71. Les autorités romaines voient dans l’impression des livres liturgiques pour des Églises « schismatiques » un moyen pour les ramener à l’union, et ce, après avoir purifié leurs livres liturgiques des abus et des hérésies. C’est une dimension importante de l’Église romaine initiée après le Concile de Trente72. Avec la scission des Églises orientales, préserver les rites est désormais indispensable pour ne pas scandaliser les grecs orthodoxes, ce qui les détournerait de l’union.
25Dans la constitution Demandatam adressée au patriarche melkite Cyrille VI Tanas et à tous les évêques en 1743, Benoît XIV interdit à toute personne, y compris le patriarche ou les évêques, de modifier, d’ajouter ou d’enlever quoi que ce soit aux rites et usages grecs, et exige le respect des jeûnes et des abstinences. Néanmoins, il prend position en faveur des exercices de piété latine si les prélats melkites les jugent convenables pour la croissance spirituelle de leurs fidèles73. Dans la même ligne, le Siège romain prend des décisions parfois contradictoires dans ses relations avec les Églises orientales : la communion des enfants après le baptême, pourtant déjà condamnée par le synode maronite de 1596, est autorisée dans une réponse du Saint-Office à une question du patriarche syrien catholique d’Alep en 1658, avant d’être prohibée dans les synodes ruthène de Zamość (1720) et maronite du Mont Liban (1736). De même, alors qu’un aménagement des jeûnes avait été admis pour les maronites, Rome reste inflexible à l’égard des melkites qui demandaient la même chose74.
26Pie IX (1846-1878) reconnaît en 1862 (Amantissimus) la légitimité et l’authenticité des rites orientaux et la parfaite égalité des rites mais, d’un autre côté, il avait tendance à assimiler le droit canonique oriental au modèle latin75. D’autre part, la Propagande accepte en 1837 la demande des fidèles melkites de Nazareth de passer au catholicisme romain. Valerga lui-même parvient à doubler le nombre des catholiques, essentiellement par la conversion d’orthodoxes, et crée de nouvelles paroisses latines à Jérusalem76.
27De ces exemples, il ressort que malgré les décisions pontificales en faveur des orientaux et de leurs rites, les ecclésiastiques latins présents au Proche-Orient n’agissaient pas toujours en faveur de la conservation des rites. Dans le milieu melkite, l’histoire de l’euchologe de Jérusalem témoigne de cette oscillation entre, d’une part, une tendance conservatrice à l’égard du rite byzantin, et d’autre part, une tendance latinisante encouragée par des acteurs externes, notamment latins, mais aussi parfois des acteurs melkites eux-mêmes77. Une étude portant sur les sources arabes et grecques de l’euchologe de Jérusalem comme sur sa réception pourrait clarifier davantage le rôle joué par Valerga pour l’édition de ce livre, malgré l’insatisfaction de la hiérarchie melkite à la suite du rétablissement du patriarcat latin de Jérusalem78. Il est intéressant de souligner qu’après la démission du patriarche Baḥūth en 1864, Sayyūr est élu patriarche grâce à l’appui de Valerga qui déploie tous ses efforts pour assurer son élection79. L’euchologe de Jérusalem imprimé en 1865 acquiert dès lors d’autant plus d’importance que Sayyūr a coopéré à son édition. L’euchologe de Jérusalem est le seul grand euchologe que les melkites ont connu80. Il demeure une référence pour la vie liturgique et spirituelle des melkites et pour toute étude portant sur le mouvement liturgique au sein de l’Église melkite. Ici, un savoir occidental a contribué, avec une hiérarchie orientale, à l’édition d’un livre dans un contexte liturgique particulier oscillant entre tendance conservatrice et tendance latinisante.
Fig. 1 – Couverture de l’euchologe melkite imprimé en 1865 à la Typographie franciscaine de Jérusalem

Bibliographie
Archives
ACPF : Archives de la sacra congregatio de Propaganda fide, SC Melchiti (1858-1862)
ACEO : Archives de la congrégation pour les Églises orientales, SC melchiti (1863-1868)
ACEO : Lettere e decreti (1864-1865)
Ouvrages à caractère de source
Bellocci 1993 = U. Bellocci, Tutte le encicliche e i principali documenti pontifici emanati dal 1740, vol. 1 Benedetto XIV (1740-1758), Vatican, 1993.
Catéchisme de l’Église catholique = Catéchisme de l’Église catholique, Paris, 1992.
Charon 1906 = C. Charon, Maǧmaʿ dayr al-Mukhalliṣ al-maʿqūd taḥt ri’āsat al-baṭriyark Athanāsyūs al-ḥāmis jawhar sanat 1790, in Al-Mashreq, 22, 1906, p. 1028-1037.
Congrégation pour le culte divin 2001 = Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie principes et orientations, Vatican, 2001.
Kallas 2015 = Y. Kallas, Al-maǧmaʿ al-baṭriyarkī al-millī li-l-rūm al- kathūlīk al-mounʿaqid fī ʿayn Trāz sanat 1909, Jounieh, 2015.
Mansi 1911 = I.D. Mansi, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collection, 46, Paris, 1911.
Paul d’Alep 1950 = Paul d’Alep, Journal du patriarche Macaire d’Antioche, dans Patrologia Orientalis, 26, p. 603-717.
Paul d’Alep 2014 = Paul d’Alep, Jurnal de câlâtorie în Moldova şi Valahia (Paul of Aleppo, Travel notes from Moldavia and Wallachia), trad. par I. Feodorov, Bucarest, 2014.
Paul V 1614 = Paul V, Rituale Romanum, Rome, 1614.
Propaganda Fide, 1907 = Collectanea S. congregationis de Propaganda fide seu decreta instructiones rescripta pro apostolicis missionibus 1, Rome, 1907.
Rahal 2009 = E. Rahal, Kanīsat al-rūm al-malakiyyīn al-kathūlīk nash’atuha wa-mawqiʿuha al-maskūnī. Sīnūdus Kanīsat al-rūm al-malakiyyīn al-kathūlīk al-mounʿaqid fī ‘Ūrashalīm sanat 1849 dirāsah tārīkhiyyah wa-lahūtiyyah wa-qanūniyyah, Jounieh, 2009.
Études secondaires
Bacha 1939 = C. Bacha, Tārīkh ṭā’ifat al-rūm al-malakiyyah wa-l-ruhbāniyyah al-mukhalliṣiyyah 2, Saïda, 1939.
Breydy 1981-1982 = M. Breydy, Abraham Ecchelensis et les canons arabes de Nicée, dans Parole de l’Orient, 10, 1981-1982, p. 223-255.
Bricout 2005 = H. Bricout, Le ministre du sacrement de mariage : aux origines de la controverse : Melchior Cano et Robert Bellarmin, dans La Maison Dieu, 244, 2005, p. 69-90.
Bricout 2015 = H. Bricout, Le mariage entre consentement et bénédiction. Le sacrement et son ministre, Paris, 2015 (Lex orandi Nouvelle série, 4).
Broggio et al. 2009 = P. Broggio et al., Administrer les sacrements en Europe et au nouveau monde : la curie romaine et les dubia circa sacramenta. Le temps des doutes : les sacrements et l’Église romaine aux dimensions du monde, dans MFRIM, 121/1, 2009, p. 5-22.
Chammas 2002 = J. Chammas, Khūlāṣat al-kanīsah al-malakiyyah, Jounieh, 2002.
Cheikho 1995 = L. Cheikho, Tārīh̲ fann al-ṭibaʿah fī al-mašriq, Beyrouth, 1995.
Dalmais 1956 = I.-H. Dalmais, Euchologe, dans Catholicisme, 4, Paris, 1956, col. 663-664.
De Clerck 2018 = Dima De Clerck et al. (dir.), 1860 Histoires et mémoires d’un conflit, Beyrouth, 2015.
De Vries 1967 = W. De Vries, Orthodoxie et catholicisme, Paris, 1967.
Fouilloux 1982 = É. Fouilloux, Les catholiques et l’unité chrétienne du XIXe au XXe siècle : itinéraires européens d’expression française, Paris, 1982.
Fouilloux 2004 = É. Fouilloux, De l’unionisme à l’œcuménisme, dans Catholiques et orthodoxes : les enjeux de l’uniatisme : dans le sillage de Balamand, Paris, 2004, p. 201-219.
Getcha 2009 = J. Getcha, Le Typicon décrypté manuel de liturgie byzantine, Paris, 2009 (Liturgie, 18).
Gillmann 1903 = F. Gillmann, Das Institut der Chorbischöfe im Orient : historisch-kanonistische Studie, Munich, 1903.
Girard 2013 = A. Girard, Nihil esse innovandum ? Maintien des rites orientaux et négociation de l’union des Églises orientales avec Rome (fin XVIe-mi-XVIIIe s.), dans M.-H. Blanchet, F. Gabriel (dir.), Réduire le schisme ? Ecclésiologies et politiques de l’Union entre Orient et Occident, (XIIIe-XVIIIe siècles), Paris, 2013, p. 337-355.
Heyberger 2014 = B. Heyberger, Les chrétiens du Proche-Orient au temps de la réforme catholique Syrie, Liban, Palestine, XVIIe-XVIIIe siècles, Rome, 2014.
Kéramé 1961 = O. Kéramé, Catholicisme ou latinisme. À propos du patriarcat latin de Jérusalem, Harissa, 1961.
Leclercq 1948 = H. Leclercq, Chorévêques, dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, III.1, Paris, 1948, col. 1424-1452.
Nasrallah 1979 = J. Nasrallah, Histoire du mouvement littéraire dans l’Église melchite du Ve au XXe siècle, IV.1, Louvain, 1979.
Nassif 2017 = C. Nassif, L’euchologe melkite depuis Malatios Karmé jusqu’à nos jours. Les enjeux des évolutions d’un livre liturgique, thèse soutenue à l’Institut catholique de Paris, sous la direction de P. Prétot et J. Getcha, 2017.
Nassif 2018a = C. Nassif, Autour de l’euchologe melkite de Malatios Karmé (†1635), dans Proche-Orient chrétien, 68, 2018, p. 46-61.
Nassif 2018b = C. Nassif, Liturgie et religiosité chez les grecs melkites catholiques aux XVIIIe-XIXe siècles : entre « latinisation » et conservatisme, dans A. Lossky, G. Sekulovski, T. Pott (dir.), Liturgie et religiosité, 64e Semaine d’études liturgiques, Munster, 2018, p. 91-108.
Pantelakis 1936 = E. Pantelakis, Les livres ecclésiastiques de l’orthodoxie, dans Irénikon, 13, 1936, p. 521-557.
Papadakis 1991 = A. Papadakis, Epitimion, dans A. Kazdhan (éd.), The Oxford dictionary of Byzantium, I, Oxford, 1991, p. 723-724.
Parisot 1901 = J. Parisot, Les chorévêques, dans Revue de l’Orient chrétien, 6, 1901, p. 419-443.
Patelos 1981 = C. Patelos, Vatican I et les évêques uniates une étape éclairante de la politique romaine à l’égard des Orientaux (1867-1870), Louvain, 1981.
Pie IX 1929 = Pie IX, Lettre de N.S.P. le Pape Pie XI aux chrétiens de l’Orient, dans Irénikon, 6, 1929, p. 666-678.
Pieraccini 2010 = P. Pieraccini, Le rétablissement du patriarcat latin de Jérusalem en 1847 et la Custodie de Terre sainte, dans Chronos, 21, 2010, p. 35-72.
Raquez 1973 = O. Raquez, La Congrégation pour la correction des livres de l’Église orientale (1719-1862), dans J. Metzler, Sacrae Congregationis de Propaganda Fide Memoria Rerum,1622-1972 350 anni a servizio delle missioni, vol. II, 1700-1815, Rome-Freiburg, 1973, p. 514-534.
Rivière 1947 = J. Rivière, Le mérite du Christ d’après le magistère ordinaire de l’Église, dans Revue des Sciences religieuses, 21, 1947, p. 53-89.
Senyk 1981 = S. Senyk, Rites and charters of remission evidence of a seventeenth-century source, dans Orientalia Christiana Periodica, 47, 1981, p. 426-440.
Woodfin 2012 = S. Woodfin, The embodied icon liturgical vestments and sacramental power in Byzantium, Oxford, 2012.
Notes de bas de page
1 Ce livre contient les trois divines liturgies, les prières secrètes des vêpres et des matines, les rites des sacrements, des bénédictions, des exorcismes, les rites des funérailles et de la profession monastique, ceux de la dédicace des églises et la consécration des autels ainsi que quelques canons paraclitiques et parfois la liste des lectures de la divine liturgie. Les divines liturgies sont absentes des euchologes melkites (manuscrits et livres imprimés).
2 Elle a été réalisée par les soins de Kerkurarios Andronikos Noukios. Elle contient les vêpres, les matines, les divines liturgies, des prières en cas de sécheresse, pour la consécration d’une église, pour les malades, les funérailles, différents canons dédiés au Christ, à la Sainte Trinité, à la Théotokos, aux apôtres et d’autres saints, les canons des conciles œcuméniques et la liste des offices de Sainte-Sophie à Constantinople : Pantelakis 1936, p. 523.
3 Notons que le siège du patriarcat d’Antioche fut transféré à Damas au cours du XIVe siècle.
4 Le syriaque reste en usage à Maaloula et dans ses environs (nord-est de Damas) jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et même au commencement du XIXe siècle : Nasrallah 1979, p. 257.
5 Malātyūs Karmah est né à Hama en 1572. Il embrasse la vie monastique au monastère Saint-Sabbas à Jérusalem où il apprend le grec. Devenu métropolite d’Alep en 1612, il entreprend un travail de révision des traductions des livres liturgiques en arabe en vue de les compléter. Il est élu patriarche d’Antioche en 1634. Cf. Nasrallah 1979, p. 70-86.
6 Raquez 1973, p. 515 ; Broggio 2009, p. 5-22.
7 Le petit euchologe est un abrégé du grand euchologe. Il renferme les prières principales à l’usage d’un prêtre et exclut les prières occasionnelles ou liées à l’évêque. Nous n’avons pas pu trouver de trace concernant l’impression du petit euchologe de 1851 ni dans les archives de la Propagande, ni dans celles de la Congrégation pour les Églises orientales. Néanmoins, une lettre du 17 juillet 1861 envoyée à Rome par le patriarche Joseph Valerga traitant de l’impression du grand euchologe nous informe que c’est lui qui a aussi révisé et préparé cette édition : ACPF (Archives de la sacra congregatio de Propaganda fide), SC Melchiti (1858-1862), fol. 893 ; Raquez 1973, p. 525.
8 La situation de la Palestine, en tant que terre de pèlerinage pour le judaïsme, le christianisme et l’islam, conduit à l’afflux de pèlerins venant avec leurs livres de prière, ce qui entraîne la création des imprimeries pour répondre aux besoins des pèlerins comme des résidents. Les franciscains instaurent leur imprimerie en 1846, les arméniens en 1846, puis les grecs orthodoxes en 1849 : Cheikho 1995, p. 157-169.
9 Pieraccini 2010, p. 35-72.
10 Né en 1813 en Sardaigne, Joseph Valerga est ordonné prêtre en 1836. Il obtient un doctorat en théologie de l’université La Sapienza de Rome. Pendant son séjour romain, il apprend au collège grec les langues orientales. Nommé délégué apostolique à Alep, il parcourt la Syrie, la Mésopotamie et l’Iran. Devenu évêque en 1847, sa juridiction s’étend sur la Palestine et Chypre : il a ainsi la juridiction d’un patriarche sans en avoir encore le titre. À la suite à la restauration après plus de quatre siècles du siège patriarcal latin le 23 juillet 1847 par le pape Pie IX, il est nommé patriarche. Il arrive à Jérusalem le 17 janvier 1848 et prend possession de son siège. Valerga examine le travail du synode melkite de Jérusalem (1849) et remet à la Propagande en 1851 une série de remarques dont certaines ont été reproduites en note dans Mansi 46, col. 1021-1140. Ce synode finit par ne pas être approuvé par Rome suite au votum du père Van Everbroeck qui décèle l’influence indirecte du concile de Pistoie sur ses actes. Patelos 1981, p. 107-111.
11 Valerga parvient à multiplier par deux le nombre de catholiques latins, de 4 500 à 9 000. À sa mort en 1872, douze nouvelles paroisses latines ont été créées. Ibid., p. 108.
12 Il s’agit des ouvrages des grecs-orthodoxes.
13 ACPF, SC melchiti (1858-1862), fol. 872. Cette question a été évoquée par la commission préparatoire pour les Églises orientales et les missions au concile Vatican I. À titre d’exemple, le triode renferme l’office de Grégoire Palamas et le synaxaire commémore Photios et Marc d’Éphèse. Patelos 1981, p. 129.
14 ACEO (Archives de la congrégation pour les Églises orientales), SC melchiti (1863-1868), fol. 23 : « E stata conoscenza di Mgr patriarca quel che Vostra Eminenza ebbe il piacere di scrivermi, relativamente ai libri della santa liturgia e officii ecclesiastici, di cui Vostra Eminenza domanda copia per esaminarli ed ordinarli alla stampa ; per il bene di questa povera nazione melchita. »
15 La bataille de Zahlé (capitale de la Békaa) fait partie des massacres des chrétiens par les druzes au Mont-Liban et par les sunnites à Damas. L’expédition française en 1860-1861 met fin à ces tragiques événements. De Clerck 2015.
16 ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 62r : « فقد اكثرها من الكنايس الكاثوليكية في حادثة مصيبة سوريا السالفة وحريق كنايسها الامر الذي وجب فيه الاضطرار لبعض الكنايس بان تستخدم كتب فروض الروم المشاقين المطبوعة في اورشليم لتكميل الطقس فلاجل تتميم نية الكرسي الرسولي ونفوذ اوامره الصادرة برفع هذه الكتب الخارجية من كنايس الروم الكاثوليكية بسهولة يستلزم صدور الامر في طبعها مجانًا. »
17 Pie IX 1929, p. 666-678.
18 Traduction littérale : « rien ne s’oppose ». Expression utilisée par un dignitaire latin pour autoriser la publication d’un livre qui ne contient rien de contraire à la foi catholique.
19 Nihil obstat Josephus Patriarcha Hierosolymitanus Imprimatur Fr. Th. M. Larco O.P.S.P.A.M Socius Imprimatur F.A. Ligi Archiep. Icon. Vicesgerens.
20 ACPF, SC Melchiti (1858-1862), fol. 893 : « Nel 1851, fù pubblicato coi tipi di Propaganda, un piccolo Eucologio, o rituale in lingua araba, che per incarico della medesima Propaganda era stato da me riveduto, e collazionato. Esso è corretto, ma i vescovi ed i sacerdoti qui si lagnano che esso sia troppo ristretto, e manchino ivi molti riti, e molte preghiere che spesso occorrono nell’esercizio del ministero. Ho della pena a credere che questa edizione sia stata esaurita in così breve tempo, e però se in cotesta stamperia ne esistono ancora degli esemplari, prego Vostra Eminenza ad ordinare che me ne siano spediti tanti quanto è possibile, per accorciare in qualche modo alla attuale penuria. Nel caso poi che l’edizione sia esaurita, non converrà farlo ristampare se non dopo che si saranno preparate le aggiunte necessarie, al quale scopo ho già parlato con qualche vescovo, e tratterò alla prima occasione col patriarca. »
21 Malātyūs Findī, évêque de Baalbeck, Ghrigūryūs ʿAṭa, évêque de Homs et Bāsīlyūs Shāhiyyāt évêque de Zahlé.
22 Le triode est le livre liturgique comprenant les chants et lectures des offices de la période du pré-Carême et du grand Carême, jusqu’à l’office du soir du Samedi saint. Le pentecostaire est le livre liturgique utilisé pendant la période pascale (de Pâques jusqu’à la Pentecôte).
23 ACPF, SC melchiti (1858-1862), vol. 24, fol. 1124 : «ثامنا رسمتم ان نعرض لسدتكم عن الكتب اللازمة والضرورية للفوايد الروحية في هذه البلاد الشرقية فمن ذلك نجيب لا شك في ان الطوايف الشرقية الكاثوليكية هي دايمًا تحتاج الى طبع الكتب الروحية التي شأنها ليس فقط أن تنعش في قلوب المؤمنين الفوايد الخلاصية والامانة الكاثوليكية بل لكي تقمع من حقل الرب النقي زوان الهرتقات الفاسد لا سيما في هذه الازمنة التعيسة وعلى الخصوص من بعد فقدان من بين ايدي المؤمنين الكتب الضرورية الروحية والكتب الكنايسية المختصة بالفروض [...] تاسعًا من حيث أن الكتب المختصة بالفروض الكنايسية كرتبة طقسنا التي كانت مستعملة في اديرة وكنايس طائفتنا قد عدمت وتلاشت كلية في المواقع البربرية السالفة ورسمتم ان نعرض عن الكتب اللازمة لذلك نجيب انه إذا انعطفت ارائكم السنية بصدور امركم الرسولي بشأن طبعها فهي الاتي ذكرها كتاب المعيد وكتاب التريودي وكتاب الفصحي وكتاب الافخولوجيون الكبير الكامل الذي اعرض عنه سيادة بطريركنا قبلاً. »
24 Né en Égypte en 1823, Grigūryūs Sayyūr est ordonné prêtre dans l’ordre basilien salvatorien en 1852. Élu archevêque de Saint-Jean-D’Acre en 1856 et patriarche d’Antioche en 1864. Il participe activement au concile Vatican I (1869-1870) en s’opposant au dogme de l’infaillibilité papale. Il meurt à Damas le 13 juillet 1897. Chammas 2002, p. 496-508.
25 ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 138r.
26 Jacques Goar (1601-1653) est un dominicain français célèbre pour ses travaux de philologie grecque. Il fait un séjour à l’île de Chios de 1631 à 1637 et revient à Rome où il noue de relations avec des savants italo-grecs contemporains comme Leo Allatius. Il publie en 1647 un euchologe bilingue grec-latin Euchologion sive rituale graecorum, qui est une compilation de tous les textes qu’il a pu recueillir à partir de trois euchologes du fonds Barberini (gr. 336 et gr. 329 et gr. 390) de la Bibliothèque vaticane. L’édition de Goar fut considérée comme un livre de référence jusqu’à ce que les recherches sur les manuscrits au XIXe siècle viennent en montrer les lacunes. Le liturgiste russe Aleksij Dmitrievskij a montré que sur les cent soixante-deux euchologes qu’il a recensés, aucun n’est identique ni par son contenu ni par son ampleur : Dalmais 1956, col. 664 ; Getcha 2009, p. 53-54 ; J. Goar, Euchologion sive Rituale Græcorum complectens ritus et ordines divinæ liturgiæ, Paris, 1647 ; seconde édition corrigée, Venise, 1730, réimpression Graz, 1960.
27 ACPF, SC melchiti (1858-1862), vol. 942r : « Mgr Patriarca Clemente mi ha rimesso l’eucologio completo che vorrebbe fosse stampato in cotesta tipografia di Propaganda. Io potrei rivederlo sotto il rapporto del dogma, e della morale. Ma non avendo il testo del Goar, non mi é possibile collazionarlo. Se V.E. ha in Roma persone che possano fare questa operazione, prego a darmene avviso ed io spedirò quanto prima il testo arabo. Nel caso contrario, e qualora V.E. voglia che esso venga da me collazionato, sarebbe d’uopo mi si mandasse l’opera sopra citata del Goar (liturgia greca). Comunque prego V.E. a farmi conoscere ciò che debbo fare. »
28 ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 28 : « Il grande euchologio dei Greci Melchiti che Vostra E. Reverendissima mi incaricava di esaminare collazionani lo col rituale Graecorum del Goar, presenta varie parti ossia varii riti, benedizioni etc. che non si trovano in parti ques’ultimo. Interesserebbe molto di sapere se queste parti mancanti nel Goar si trovano almeno nell Euchologio greco che si è stampato coi tipi di Propagande nel secolo passato e sebben mi rammenta verso la fine (un volume in 4°). Prego per ciò Vostra Eminenza Rev.ma a voler ordinare che me ne venga spedito quanto prima un esemplare affinché io possa quanto prima dar compimento all’esame del su accennato Euchologio Greco Melchita. » Le 12 avril 1863, la Propagande promet à Valerga de lui envoyer un exemplaire de l’euchologe grec à condition qu’il le lui remette ensuite, parce qu’elle n’en détient qu’un seul exemplaire. ACEO, Lettere e decreti 1863, fol. 176.
29 L’euchologe de Benoît XIV a été envoyé le 15 mai 1863. ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 28v.
30 ACEO, SC melchiti (1863-1868) fol. 180rv.
31 D’origine germanique (Xe siècle), la coutume de bénir des fruits et des herbes aromatiques fut intégrée dans le rituel romain. Cf. Congrégation pour le culte divin 2001, no. 181.
32 ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 148.
33 ACEO, Lettere e decreti 1864-1865, fol. 143v.
34 ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 196rv : « Finalmente ho parlato al P. Custode di Terra Santa intorno alla stampa dall’Eucologio dei Greci-Melchiti, ed esso si mostrò disposto a farla eseguire nell’imprimeria di Terrasanta sotto la sorveglianza di uno de’ miei sacredoti : ho dimandato qual sarebbe il montar delle spese ed egli me ne diede la nota come segue
Un foglio di stampa in 4° con 8 pagine
1– per la composizione fr. 38
2– per la stampa fr. 8
3– per la carta fr. 10 per 500 fogli 200 per 1000
V.E. troverà ciò certamente abbastanza caro. Ma tanto qui quanto in Beirut le spese della stamperia sono enormemente maggiori che non in Europa. Se l’E.V. approva quanto sopra la prego d’inviarmi al più presto il manoscritto e a dirmi quante copie se ne hanno a tirare. »
35 ACEO, Lettere e decreti (1864-1865), fol. 204v.
36 كتاب الافخولوجيون الكبير. استعمال كهنة الروم الكاثوليك.
37 ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 488.
38 Benoît XIV se montre soucieux de la correction des liturgies et particulièrement de l’euchologe grec dont l’impression est vue comme un moyen de ramener vers l’union à Rome les Orientaux non-catholiques. Par la constitution Etsi pastoralis du 26 mai 1742, il demande aux Italo-Grecs de garder soigneusement leurs coutumes, institutions et rites reçus des pères grecs et de ne faire aucune modification allant dans le sens d’une latinisation exprimant obéissance et respect envers l’Église romaine. Toutefois, ce texte consacre une véritable latinisation des traditions orientales au niveau juridique en assujettissant aux ordinaires latins les évêques grecs dont le rôle est désormais réduit aux questions rituelles. Dans l’encyclique Allatae Sunt publiée le 26 juillet 1755, Benoît XIV insiste sur l’observance des rites orientaux dans leur pureté originelle et ordonne de n’accorder, en aucune circonstance et sous aucun prétexte, aux catholiques orientaux une dispense dans le domaine de jeûnes et des prières prescrits par leur rite et de ne pas les contraindre à abandonner leurs rites propres pour se considérer, en quelque sorte, membres de l’Église latine. Dans l’encyclique Ex quo primum publiée le 1er mars 1756, le pape invite tous les Orientaux catholiques de rite byzantin à utiliser la nouvelle édition de l’euchologe de 1754 qui a été édité après un long examen de chaque détail et une correction minutieuse : Propaganda fide, 1907, p. 118-130 ; 234-254 ; Bellocci 1993, p. 361-408.
39 ACEO, SC melchiti (1863-1868), fol. 28v : « Esse nulla contengono di contrario alla religione ed alla pietà; e quindi sebbene si possa per avventura dubitare che siano introdotte nel rituale con legittima autorità, ora tuttavia sarebbe impossibile l’abolirle senza grandissimi inconvienti; ed è dietro questo riflesso che io non ho esitato a conservarle, tanto più che alcune di esse si trovano già stampate nell’ Eucologio piccolo del 1851. »
40 Bénédiction de l’eau.
41 شرح وظايف الكنيسة العظمى ونظام ترتيبها.
42 Le texte énumère 29 fonctions : économe, chartophylax, protonotaire, exarque, protoprêtre, logothète, proximos, protopsaltis, photistis, lambadari, etc.
43 Kallas 2015, can. 452-461. Le protsyncelle est le vicaire d’un hiérarque, l’archimandrite est un titre accordé aux higoumènes (supérieurs de monastère) mais aussi aux prêtres ayant des fonctions importantes. L’économe est le gérant des biens ecclésiastiques, le chartophylaxe est le gardien des chartes et des registres, l’exarque est un dignitaire ecclésiastique qui gouverne un territoire au nom de celui qui l’a nommé.
44 Du grec χειροτονία, qui signifie imposition des mains. Pendant les rites d’ordination, la grâce divine est transmise à l’ordinand par le geste de l’imposition des mains de l’évêque.
45 F. Gillmann fait remonter leur institution jusqu’au Ier ou IIe siècle de l’ère chrétienne puisque, dès cette époque, les chrétiens se multipliaient rapidement dans les villages et les campagnes. Le canon 13 du Concile d’Ancyre (314-315) semble être le premier texte législatif à parler des chorévêques. La plupart des attestations relatives aux chorévêques se rapportent à la partie orientale de l’Asie mineure (Pont, Galatie, Cappadoce, Cilicie, Isaurie et Bithynie). La compilation orientale produite sous le nom de canons arabes de Nicée nous informe que l’élection des chorévêques est « proclamée » à l’église par le diacre, l’évêque prononce la « prière accoutumée » et donne à l’ordinand la bénédiction : Gillmann 2013 ; Leclercq 1948, col. 431 ; Breydy 1981-1982, p. 223-225 ; Parisot 1901, p. 167-171.
46 Rome, BAV ar. 618, fol. 15r-16v.
47 Le synode de Jérusalem (1849) reprend la même appellation alors que le synode d’Aïn-Traz fait des deux noms un seul nom خوربيسكبوس.
48 Une étude sur les manuscrits antérieurs à la révision de Karmah pourrait apporter plus de précisions sur l’hypothèse de Valerga.
49 ACEO, SC melchiti (1863-1868), 180r.
50 « .ليكن لكل اسقف مشير بمنزلة خوربيسكوبوس متعمّق بالعلوم حسب الامكان ويتمم الواجبات المختصة به ممّا توجبه القوانين المقدسة. (Charon 1906, p. 1030).
51 « على خدمة مذابح الكنائس الكائنة ضمن حدود الأبرشيّات الخاضعة بدون واسطة لولايته البطريركية الخصوصية. » (Rahal 2009, p. 324).
52 فالمكرّسون من هؤلاء بوظيفة خوري بيسكوبوس، لهم التقدّم أحدهم على الآخر بحسب أزمنة تكريسهم بهذه الوظيفة، كما أنهم يتقدّمون على إخوتهم الكهنة كافّة" ذوي المصاف المذكور، الغير المكرّسين بها الذين يتقدّم أحدهم على الآخر تبعًا لأزمنة ارتسامهم كهنة. (ibid.).
53 Mansi 1911, col. 1187-1188.
54 Woodfin 2012, p. 17-18.
55 Catéchisme de l’Église catholique, n. 1471, qui renvoie à Paul VI, Constitution apostolique Indulgentiarum doctrina, Norme 1 : « L’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints. »
56 رتبة منح الغفران للمدنفين على الموت. Dans l’euchologe manuscrit Rome, BAV Sbath 217, fol. 129r- 132v, du début du XIXe siècle, cette prière est intitulée : rituel de l’indulgence plénière accordée aux agonisants selon le rite de la sainte Église romaine : ترتيب منح الغفران الكامل للمشرفين على الموت بموجب الرتبة الرومانية المقدسة
57 Paul V 1614, p. 55-59.
58 « Béni soit, Gloire à toi Seigneur Gloire à toi, Roi céleste, Dieu saint (3 fois), Gloire au Père, Maintenant et toujours, Très Sainte Trinité, Gloire au Père, Maintenant et toujours, Notre Père, car c’est à toi qu’appartiennent, Seigneur prends pitié » (12 fois).
59 Un texte court intercalé entre des versets psalmiques.
60 La formule de confession prescrite par le rituel romain avant l’aveu des péchés.
61 Les mérites du Christ, terme utilisé dans la théologie latine, désignent la passion et la mort du Christ qui nous satisfont devant la justice divine. Voir Rivière 1947, p. 53-89.
62 L’épitimion imposé après la confession est une thérapie spirituelle composée d’un jeûne eucharistique et alimentaire accompagné de prières et des métanoia qui concrétisent le repentir du pécheur. Ces pratiques ne sont pas des peines infligées en compensation d’un péché, mais des remèdes prescrits avec discernement par le confesseur en vue d’une guérison spirituelle. Voir Papadikis 1991, p. 723-724.
63 Rome, BAV ar. 618, fol. 352v-354v.
64 Makāryūs III ibn al-Zaʿīm est né à Alep vers la fin du XVIe siècle. Devenu veuf avec son enfant Būlus, il se retire de 1627 à 1634 au monastère Saint-Sabbas avant d’être élu métropolite d’Alep en 1635. Devenu patriarche en 1647, son fils Būlus est nommé archidiacre du patriarcat. Makāryūs entreprend deux voyages à travers les pays orthodoxes notamment à Constantinople, en Géorgie, Valachie, Moldavie, Ukraine et Russie (1652-1659 et 1666-1668). Le patriarche meurt en 1672. Le premier voyage est relaté par son fils qui rédige un journal riche en informations sur l’histoire profane et religieuse, les pratiques liturgiques et surtout sur la vie sociale des pays qu’il a visités.
65 ستيخورتيكونات Malheureusement, nous ne conservons pas des synkhoritika imprimés à Kiev et à Moscou avant 1668. Paul d’Alep 1950, p. 699.
66 À la demande de la supérieure du monastère de l’Ascension à Kiev, le patriarche Makāryūs célèbre la liturgie et prononce cette formule prière pénitentielle pour les religieuses. Il ajoute qu’après avoir pris l’autorisation du patriarche, les religieuses rédigent sur une grande feuille une prière pénitentielle synkhoritikon pour toutes les religieuses que le patriarche signe. Lors de son passage en Moldavie, Makāryūs visite un cimetière en vue d’y faire une prière pénitentielle pour un défunt : on chante les prières habituelles pour les morts, et après les prières de l’absoute, le patriarche prononce le synkhoritikon et asperge le corps – le tombeau étant ouvert à l’occasion – d’eau bénite. De même, à l’occasion du dimanche des laitages, des femmes moldaves de la noblesse viennent chez le patriarche Makāryūs le prier de leur lire la prière d’absolution. Elles s’agenouillent à terre devant lui avec leurs riches vêtements, jusqu’à ce qu’il finisse la prière et leurs maris font de même jusqu’au soir. En Valachie, les boïars présents à la célébration du Jeudi saint demandent au patriarche de réciter sur leurs têtes une prière pénitentielle. Makāryūs lit un synkhoritikon aux funérailles du prince valaque Pierre. Avant son départ de la ville de Targoviste, en Valachie, Makāryūs donne un synkhoritikon au prince et prononce une prière pénitentielle pour tous les moines du couvent et les négociants de la ville. Paul d’Alep 1950, p. 559-560, 545-546, 564, 583, 594-596 ; id. 2014, p. 472, 501, 503, 509, 513 ; Senyk 1981.
67 Dans la tradition latine, cette fête est communément appelée la Chandeleur (la fête des lumières) pour faire allusion à la bénédiction des cierges.
68 ثم يسالهما الكاهن هل يريدان بحقيقة اختيارهما ان يجتمعا بسر الزيجة. Les euchologes de Karmah et de Rome (1851) sont identiques dans la suite des rubriques initiales : « Il leur fait trois fois le signe de croix sur la tête et leur remet à chacun un cierge allumé. »
69 Bricout 2005, p. 69-90 ; id. 2015.
70 Nassif 2017, p. 217-224.
71 Nassif 2018a, p. 46-61.
72 Girard 2013, p. 337-355 ; Nassif 2017, p. 50-66.
73 ونسمح فقط في ان البطريرك المذكور والاساقفة الكاثولكيين ان يقبلوا ويثبتوا بعض رياضات روحية متعلقة بالعبادة ان راوها بفطنتهم مناسبة ومفيدة بالرب لنمو المؤمنين. Voir Bacha 1939, p. 299.
74 Heyberger 2014, p. 236-237.
75 Au début de son pontificat, Pie IX soutenait encore la thèse traditionnelle de la supériorité du rite latin sur les autres rites. Mais dans une lettre adressée à la hiérarchie catholique d’Orient (1862), il exprime la valeur de ces rites en tant qu’ils mettent en lumière la dignité et la beauté de l’Église. Voir De Vries 1967, p. 148 ; Fouilloux 1982 ; Fouilloux 2004, p. 201-219
76 Patelos 1981, p. 108.
77 Nassif 2018b, p. 91-108.
78 Kéramé 1961.
79 Patelos 1981, p. 312-315.
80 Outre la réédition du petit euchologe de Rome en 1887, l’Église melkite a édité un petit euchologe réalisé par Mgr Antūnyūs Faraj en Égypte en 1924 et un autre élaboré par la commission liturgique sous la supervision du saint synode au Liban en 1968. De sa propre initiative, l’imprimerie pauliste, imprimerie dépendant de la société melkite des missionnaires de Saint-Paul, publie la même année une édition allégée de ce dernier.
Auteur
Université Saint-Joseph – CEDRAC – charbel23@hotmail.com
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002