Annexe
Quelques trajectoires familiales
p. 1-76
Texte intégral
Présentation
1Que fait-on lorsqu’on reconstitue l’arbre généalogique d’une parentèle des XIe-XIIIe siècle ? L’opération n’est pas neutre et soulève quelques difficultés théoriques qu’il convient d’évoquer ici. P. Bourdieu résume bien les limites inhérentes à la constitution d’un de ces arbres généalogiques pourtant si courants dans les recherches des ethnologues ou des historiens :
le schéma généalogique des relations de parenté que construit l’ethnologue ne fait que reproduire la représentation officielle des structures sociales, représentation produite par l’application d’un principe de structuration qui n’est dominant que sous un certain rapport, c’est-à-dire dans certaines situations et en vue de certaines fonctions.1
2La critique est connue et trouve un écho chez les médiévistes, notamment dans les travaux d’Anita Guerreau-Jalabert et d’Alain Guerreau2. La difficulté, pour les historiens, c’est que ces figurations, qu’on désigne désormais comme des schémas de parenté ou de filiation pour les distinguer des artefacts médiévaux et des représentations des contemporains, sont aussi des instruments de connaissance permettant de mettre de l’ordre dans la documentation. Les schémas présentés ici doivent donc être considérés comme des hypothèses de travail, et des mises en ordre qui ne correspondent probablement pas exactement à la représentation officielle que les acteurs se faisaient de leur propre parentèle. Connaître la parenté « pratique », pour les siècles étudiés, paraîtrait illusoire et on s’en tient ici à des hypothèses concernant la parenté officielle, celle que les actes notariés permettent de reconstituer.
3On ne prétend aucunement, avec ces quelques schémas de filiation et reconstitutions de « trajectoires familiales » offrir au lecteur un aperçu complet de l’ensemble des parentèles de notables ruraux. Les limites de cette catégorie étant changeantes, la mobilité sociale de certaines parentèles les faisant en outre évoluer de la petite notabilité à la position aristocratique des domini, il aurait probablement été possible de multiplier les travaux sur des parentèles du contado florentin. On se contente plutôt de présenter les quelques groupes évoqués au cours de la recherche. Certains de ces groupes font l’objet d’une mise en récit visant à établir une trajectoire sociale sur plus d’une génération, pour les autres on se limite à une courte synthèse. On propose, à chaque fois, une caractérisation de ces parentèles en fonction d’une typologie qui ne doit pas être considérée comme absolue, mais permet de situer rapidement le niveau social des individus évoqués. Je me suis efforcé de faire figurer les épouses, et de ne pas privilégier la verticalité de la lignée sur les relations horizontales lorsque les documents le permettaient. On se rendra assez vite compte d’une certaine centralité du couple, de l’importance croissante des fratries et de l’inscription dans une lignée pour les parentèles les plus puissantes, et de la domination des filiations agnatiques dans la représentation officielle de la parenté3.
4Au système onomastique du XIe siècle et d’une partie du XIIe siècle s’oppose le système qu’on voit s’affirmer au Duecento et qui domine le bas Moyen-Âge4. Au XIe siècle, les intervenants de l’acte notarial étaient généralement désignés par leur nom de baptême, parfois remplacé ou accompagné par un surnom, et par le nom de leur ascendant paternel ; une règle qui valait pour les femmes, les hommes et les enfants. Voici comment on désignait, dans les années 1100-1110, un couple de laïcs agissant en tant qu’auteurs d’une action juridique : nos Gerardo filio Petri et Benesia jugalibus (sic) filia Johanni5. Si Gerardo di Petro (fils de) venait en premier, son épouse, Bensia di Giovanni (fille de), était elle aussi désignée en référence à son ascendant paternel et les deux auteurs étaient décrits comme agissant ensemble6. Il était très rare qu’une référence à un toponyme ou à une parentèle s’ajoutât à ces dénominations7. Pour Maria Elena Cortese, l’ajout de ces toponymes, comme dans le cas des domini de Cintoia ou d’une référence à une parentèle, comme dans le cas des filii Rodolfi peut d’ailleurs être interprété comme un signe de distinction et comme l’un des indices les plus probants de l’affirmation d’une conscience familiale forte8. Qu’on regarde du côté de l’aristocratie ou du côté de la population plus indistincte qui peuple la documentation, on observe, du reste, des phénomènes communs.
5Au cours du XIIe siècle, la référence à l’ascendant paternel recule jusqu’à disparaître dans la désignation des femmes mariées. C’était de plus en plus en fonction de leur époux qu’on les nommait : « femmes » ou « ex-épouses de », uxores ou uxores quondam9. Du côté des hommes, il devint en revanche plus fréquent de faire ajouter à l’onomastique traditionnelle le nom d’une parentèle, d’un lieu : tout ce qui servait, en somme, à construire une « maison »10. Cette pratique distinguait quelques casate, grandes ou petites, tandis que la plupart des Florentins, à l’extrême fin du XIIIe siècle, étaient identifiés par un système passablement long de dénomination qui avait probablement peu d’écho avec ce qu’on entendait au quotidien, hors des cadres formels du droit. On trouvait ainsi pour tout intervenant enregistré comme auteur ou destinataire d’un acte notarial : 1) un nom de baptême, parfois choisi très librement, 2) le nom de l’ascendant paternel, 3) la paroisse de rattachement, 4) le surnom éventuel11. Ainsi un homme que tous connaissaient certainement sous le nom de Malaccho devenait, sous la plume du notaire : Corso Malaccho fils du défunt Gianni de la paroisse (popolo) de Sant'Andrea in Candelli12. Aux XIIe et XIIIe siècles, à de rares exceptions, il n’existait rien de comparable à un nom de famille.
1. Des filii Guidi Bittoli aux descendants de Malcristiano : intermédiaires privilégiés entre Rignano sull'Arno et Florence (XIIe-XIIIe siècle)
6Nom : filii Guidi Bittoli au XIIe siècle, puis forte présence de l’ancêtre Malcristiano chez ses fils et petits fils.
7Patrimoine : difficile à déterminer, les parcelles échangées paraissent généralement servir de support à des transferts plus complexes, mais elles se concentrent autour du castellare de Marciano.
8Relations : à partir des premières années du XIIIe siècle, position centrale dans la relation des Vallombrosains de Santa Maria et de San Lorenzo di Coltibuono avec les Ubertini.
9Signes de distinction : onomastique caractéristique d’une petite militia rurale pour Malcristiano et son frère Tignoso.
10Activités : gestions de moulins, prêt usuraire (très probable pour Malcristiano, avéré chez ses fils).
11Trajectoire : au milieu du XIIe siècle, va-et-viens continuels de Malcristiano di Bittolo entre le castellare de Marciano et la cité de Florence, même tendance chez ses fils, émigration très probable au cours du siècle et intégration au milieu dirigeant de la période du Primo Popolo (1250-1260).
12Typologie : notables ruraux vivant précocement sur la médiation entre une localité et la cité de Florence.
La trajectoire des filii Guidi Bittoli
13Un document de 1127 désignait une terre des environs de Marciano, comme relevant des filii Guidi Bittoli13. Sur Guido et son père Bittolo, on ne sait toutefois rien. On connaît en revanche beaucoup mieux les deux fils de Guido – Bruscolo et Albertuccio – mentionnés pour la première fois en 114514. On sait que la fratrie vivait à Marciano, castellare bien documenté par les actes de l’abbaye de Coltibuono et de Vallombrosa. On sait que Bruscolo di Guido et son épouse Donzella di Vittolo étaient d’importants tenanciers de l’abbaye de Vallombrosa. Pour reprendre la main sur la terre que Bruscolo et Donzella tenaient en livello près de l’église de San Niccolò a Marciano, l’abbé Attone avait dû débourser la somme de six livres, en deniers de Lucques La renonciation avait réuni l’ensemble de la parentèle : Vittolo, le fils de Bruscolo et de Donzella, était présent et agissait aux côtés de ses parents pour confirmer la renonciation ; Albertuccio et Malcristiano, son cousin et son oncle assistaient eux aussi à la transaction. Dans cette période, on garde peu de traces de transactions mobilisant des sommes supérieures à deux livres15. Si l’on veut considérer des ventes comparables dans le territoire de Marciano, on tombe assez vite sur les affaires de prêts sur gage impliquant les meilleures parentèles des environs. Dans ces mêmes années – et si l’on en croit un acte assez étrange à la vérité – les Ubertini auraient obtenu de l’abbaye de Coltibuono un prêt de dix livres en deniers de Lucques, prêt pour lequel ils auraient laissé en gage les terres qu’ils avaient autour de l’hôpital de « Rofino »16. En 1148, pour seulement quatre livres payées en deniers de Lucques, Martino di Giallo Rossi, aussi surnommé Pazzo, avait vendu au convers de l’abbaye de Coltibuono à Marciano, le droit d’exploiter ou de faire exploiter les terres qu’il tenait lui-même en livello de son père : un ensemble assez considérable pour former une exploitation complète, avec des champs, une vigne, une part de la curtis et une parcelle dans un cultus17. L’investiture émanait cette fois d’individus appartenant explicitement au milieu des seniores, peut-être même avait-on affaire aux ancêtres des Pazzi du Valdarno18.
14La situation des filii Guidi Bittoli était différente toutefois et ces derniers n’apparaissaient jamais dans une position particulièrement dominante19. Dans les années suivantes, la figure la mieux documentée appartient à l’autre branche de la parentèle : Malcristiano di Albertuccio, attesté parmi les témoins de plusieurs actes établis entre Rignano, Marciano et Florence de 1145 à 1186. En 1159, il était le premier témoin cité de la renonciation par laquelle Martino di Ugolino di Gottolo, d’une influente parentèle locale, cédait au convers Albertinello di Marciano deux parcelles des environs qui reviendraient définitivement à l’abbaye en l’absence d’héritiers20. Quelques années plus tard, on le trouvait dans le castello de Rignano sull'Arno, dernier des témoins cités de la concession d’une terre en livello à un certain Martino di Alberello21. En 1175, il était à Florence lorsque Grazia di Rasoio renonçait aux droits qu’il pouvait encore exercer sur une terre cédée vingt-sept ans plus tôt par les fils de Giallo Russi et les cédait à Petro, convers et massarius de la curtis de Marciano. En 1185 enfin, c’était de nouveau à Florence qu’on le trouvait, comme témoin d’un acte par lequel Venerello di Ubertello, représentant probable des Ubertini, et son épouse Adalasia investissaient l’abbé Cesare de Coltibuono d’une terre située à Marciano. On ignore si l’abbé était présent physiquement, mais le notaire Rustichello, rédacteur de tous ces documents, et Malcristiano di Albertuccio, étaient tous deux bien insérés dans la petite société gravitant autour de Marciano et auraient pu servir de représentants22. Ces documents renseignent peu sur le patrimoine de Malcristiano, mais témoignent en revanche de sa bonne insertion dans la petite société qu’on voit graviter autour de la curtis de Marciano. On sait qu’il était propriétaire ou tenancier livellaire de quelques terres situées dans les environs de Rignano sull'Arno et de Volognano23. Ces déplacements d’un des possessores de Marciano pour des affaires regardant essentiellement l’abbaye de Coltibuono sont probablement le signe d’une participation de cet individu à la patiente politique d’acquisition menée dans ce territoire par les représentants de l’abbaye. Les groupes qu’il était conduit à fréquenter au cours de ces transactions appartenaient généralement au monde des milites.
15L’image qui s’offre de Malcristiano di Albertuccio est en réalité fortement influencée par ce que l’on sait de l’activité de ses fils dans les premières décennies du XIIIe siècle. Malcristiano di Albertuccio avait eu trois fils auxquels on avait attribué des noms plus propitiatoires que leur père : Boninsegna, Bonafede et Bencivenni. C’est en effet dans un contexte similaire qu’on découvre la première mention d’un Boninsegna di Malcristiano24. Il figurait parmi les témoins d’un achat réalisé par un frère convers de Coltibuono auprès d’un couple vivant dans le castello de L’Antica et cédant à l’abbaye une terre située dans les alentours de Marciano25. La même année, deux des fils de Malcristiano assistaient à l’achat d’une parcelle de terre auprès d’un certain Venerello di Ubertello Pollieri26. C’était la deuxième fois qu’on les voyait assister ainsi à une transaction impliquant probablement un possible représentant de la maison des Ubertini. Un acte un peu plus tardif fait bien ressortir la stature locale des fils de Malcristiano et la reconnaissance de leur position en dehors des alentours immédiats de ce dynamique castello. C’était encore une fois à Florence, non plus comme témoin, mais comme garant d’une vente impliquant cette fois des laïcs, qu’on trouvait un représentant de la parentèle27. Dans le même temps, les fils de Malcristiano pouvaient, à l’instar de simples colons, figurer comme simples sujets d’échanges entre propriétaires. En 1217, Guidalotto di Ildibrandino avait ainsi vendu en propriété au frère convers Restauro, de l’abbaye de Vallombrosa, une parcelle à Rignano en même temps que les droits qu’il avait acquis sur Rinaldo et Ricovero di Bernardo ainsi que sur Bencivenne di Malcristiano, le tout pour quarante-trois livres28. Doit-on considérer Bencivenne comme le simple colon d’une terre ? L’abbaye rachetait-elle le crédit qui pesait sur elle et certains de ses clients ?
16Cette position en apparence subalterne ne devait pas empêcher les représentants de la même parentèle de s’illustrer, quelques années plus tard, comme protagonistes de premier plan des négociations entre les Ubertini et les moines vallombrosains29. Parmi les documents conservés pour l’année 1219, le plus intéressant est sans doute une renonciation servant en réalité à la mise par écrit d’un accord passé entre Guido di Ubertino et l’abbaye de Coltibuono à propos de deux moulins construits sur l’Arno. Sans doute, comme il arrivait souvent, l’arbitrage s’était-il partiellement construit sur une procédure d’enquête et sur l’audition de témoins. Le seul témoignage dont on avait conservé une trace était toutefois celui de Boninsegna di Malcristiano. C’était à lui qu’on s’était prioritairement adressé pour savoir à qui appartenaient les deux moulins30. Et la réponse qu’il avait faite avait décidé les moines de Coltibuono et Guido di Ubertino à considérer ces deux constructions comme des dépendances de l’hôpital de Memugnano, lui-même dépendant de San Lorenzo di Coltibuono. Quelques mois plus tard, le même Boninsegna figurait comme témoin d’une vente consentie par les Ubertini à l’abbé Benigno de Vallombrosa, la vaste parentèle renonçant à une partie du patrimoine qu’elle avait dans la paroisse de Santo Stefano a Torri31. Les négociations entre les Ubertini et les vallombrosains s’étaient déroulées dans l’hiver 1219-1220 et avaient à chaque fois requis la présence de Boninsegna di Malcristiano. La présence de Bonafede di Malcristiano parmi les témoins d’un règlement entre différents ecclésiastiques sur le sort des pêcheries de l’Ema conduit en effet à rapprocher ce document des arbitrages précédents32.
17Les fils de Malcristiano paraissent ainsi avoir servi d’intermédiaires privilégiés entre les moines vallombrosains et d’influentes parentèles florentines. On pourrait penser que ces derniers avaient évolué depuis longtemps dans la clientèle des Ubertini, tout en développant des liens tout aussi importants avec l’abbaye de Coltibuono. Peut-être avaient-ils des intérêts plus directs dans l’activité des moulins dépendants de Memugnano. En 1225, on retrouvait encore Boninsegna di Malcristiano parmi les témoins d’une transaction portant, encore une fois, sur l’hôpital de Memugnano. Il s’agissait des suites de la vente de 1219, deux frères appartenant à la parentèle florentine des Avogati de Florence acceptaient de céder les parts qu’ils avaient acquises auprès de Guido di Uberto sur l’hôpital de Memugnano33. On ignore ce qu’étaient les activités de Boninsegna di Malcristiano lorsqu’il ne servait pas d’intermédiaires entre les moines vallombrosains et les parentèles des environs. On sait toutefois qu’il lui arrivait d’emprunter de l’argent et qu’il pouvait, à l’occasion, prêter des sommes considérables. En 1221, il engageait une parcelle qu’il avait dans la paroisse de Santo Stefano a Turri contre un prêt de sept livres en deniers de Pise34. En 1236, les moines de Coltibuono avaient envoyé un des leurs à Florence, en le chargeant de souscrire un prêt pour rembourser la dette et l’usure qu’ils avaient contracté auprès de Boninsegna di Malcristiano35. Comme d’usage, on justifiait dûment le recours au prêt par la nécessité où se trouvaient l’économe et le camérier de subvenir aux besoins de la familia, pour acquérir du lin afin d’habiller les moines et leurs dépendants. La somme était de fait considérable – 100 livres et 20 sous en deniers de Pise – et aurait pu résulter de plusieurs opérations de crédit. Ce qu’on sait de Boninsegna di Malcristiano dans les années qui précèdent et de son rôle d’intermédiaire entre les moines et de grandes parentèles florentines incite toutefois à ne pas voir en lui un simple usurier. On peut se demander s’il n’exerçait pas quelque responsabilité dans l’administration de l’hôpital ou s’il ne faisait pas partie, de façon plus informelle, d’un milieu de laïcs auxquels les moines de Coltibuono avaient l’habitude de s’adresser pour la gestion du patrimoine qu’ils avaient à Marciano et dans les environs de Rignano sull'Arno36. Du reste, quand son nom apparaissait dans les actes des années 1220-1230, c’était généralement comme celui d’un témoin assistant les moines dans les litiges qui les opposaient aux propriétaires de ce territoire37.
18La documentation n’offre pour la suite guère d’informations sur les descendants de Malcristiano. Beaucoup plus tard, en 1260, on trouve toutefois, dans le Libro di Montaperti, un dénommé Jacopus quondam Boninsegne Malcristiani qu’on pourrait identifier comme le fils de Boninsegna di Malcristiano38. Une homonymie est toujours possible, mais le nom de Malcristiano n’est pas si courant et les quelques données que l’on possède sur cette figure pourraient correspondre. Il s’agissait d’un habitant de Florence, vivant dans le sestier d’Oltrarno, dans la paroisse Santa Maria Soprarno. Dans la Commune dirigée par le Popolo, il s’agissait d’une figure qu’on jugeait digne de mener une armée. Les hommes de la commune de Pontorme avaient obtenu le droit de monter au combat avec un chef qu’ils se seraient donnés et ils avaient nommé Jacopo di Boninsegna di Malcristiano pour diriger leur troupe39. La destinée familiale, construite entre Rignano sull'Arno et Florence, dans l’ombre des institutions ecclésiastiques et dans la clientèle des Ubertini, Gibelins notoires dans les années 1250-1260 et ennemis de la Commune du Popolo, aurait ainsi pu conduire l’un des descendants de Malcristiano à certaines des plus hautes responsabilités qu’offrait alors la Commune florentine.
2. Les filii Griffi/Berardi de Celle et Capeme (Val d’Ema, XIIe siècle)
19Nom : filii Berardi, au verso d’une charte du XIIe siècle, associés, à la fin du XIIe siècle et au siècle suivant, à la figure de Pilacharo di Griffolo da Cintoia et d’Aliotto di Griffolo da Capeme.
20Patrimoine : propriété autour d’un moulin construit sur le Cesto, propriétés dans la Val d’Ema entre Celle et Cintoia, (curtis de Capeme).
21Relations : liens importants avec la parentèle des da Cintoia et dépendance de plus en plus marquée vis-à-vis des moines vallombrosains de Montescalari (oblation d’Aliotto di Griffolo en 1182, sans doute liée à un drame familial).
22Signes de distinction : onomastique caractéristique d’une petite militia rurale, qualification tardive de domini à la fin du XIIe siècle, possession d’un allodium à la même période.
23Activités : contrôle d’un moulin sur le Cesto, gestion de la curtis de Capeme, propriétaires vivant probablement des rentes de leurs biens.
24Trajectoire : forte implantation locale, mais sans progression observable du patrimoine, progressive entrée dans des formes de dépendance honorables vis-à-vis des moines de Montescalari (il doit être possible de suivre le sort des descendants de Pilacho, mais il est difficile de distinguer la parentèle des filii Griffoli da Licignano, sur ces derniers, voir le travail de C. Wickham)40.
25Typologie : domini loci ne réussissant guère à faire passer ce statut aux descendants du XIIIe siècle.
26Documentation : Diplomatico, S. Vigilio di Siena, Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1109/11/28 (3274), 1114/01/14 (3457, en 1115), 1114/02/.. (3467, en 1115), 1119/11/03 (3653, en 1112), 1137/08/26 (4400), 1145/03/18 (4712, 4713, en 1146), 1153/04/14 (5081), 1159/04/30 (5350), 1164/04/08 (5508), 1181/03/14 (6250, en 1182), 1182/12/29 (6342), 1185/01/28 (6445, en 1186), 1188/03/29 (6642),, 1191/02/23 (6797, en 1192), 1196/05/11 (7183), 1237/11/15 (12218), Sur cette parentèle, avec quelques corrections apportées ici, voir les travaux de M. E. Cortese41.
3. Les tenanciers du Molino all’Altare (XIIe siècle)
27Nom : un groupe dénommé de Altare dans la documentation et se composant de deux parentèles identifiables, les filii Guinizelli de Altare et la parentèle de Branduccio da Altare.
28Patrimoine : concentré autour du moulin construit sur un affluent de l’Ema avec quelques terres disséminées dans le castello voisin de Tizzano ou dans la villa de Mezzana.
29Relations : avec des représentants des Montebuoni et avec les moines vallombrosains de Montescalari.
30Trajectoire : affirmation rapide, mais brève, de Branduccio dans la première moitié du XIIe siècle, en lien, peut-être, avec une politique d’achat pilotée par l’abbaye de Montescalari qui finit, dans tous les cas, par récupérer les terres acquises par Branduccio.
31Typologie : parentèles subalternes de possessores.
32Documentation : Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1117/03 (3574), 1117/05/14 (3577), 1117/12/09 (3594), 1118/09/14 (3634), 1118/02/18 (3600, en 1119), 1123/03/11 (3793, en 1124), 1130/05/14 (4089), 1130/10/02 (4104), 1130/02/03 (4071, en 1131), 1130/02/26 (4080, en 1131), 1132/04 (4186, le 30 mars), 1132/03/14 (4182, en 1133), 1135/12/01 (4304), 1139/03/24 (4464), 1142/11/28 (4630), 1142/11/29 (4631), 1144/01/16 (4658, en 1145), 1145/09/29 (4739), 1146/04/16 (4771), 1149/03/13 (4918, en 1150), 1152/11/03 (5055), 1155/11/06 (5201), 1208/03/01 (8205, en 1209).
4. Les filii Liccesis : une influence seigneuriale entre montagnes et vallée (milieu XIIe-milieu XIIIe siècle)
33Nom : forte présence de Liccese, individu auquel se rattachent tous les individus identifiés de cette parentèle.
34Patrimoine : patrimoine considérable entre les castelli de Ristonchi, Magnale et de Leccio, du sommet du Pratomagno à la plaine de l’Arno, avec des droits sur des tenanciers.
35Relations : avec les habitants de Ristonchi et de Magnale, avec les abbés de Santa Maria di Vallombrosa et leurs représentants, avec l’abbesse de Sant'Ilario in Alfiano dont Liccese se déclare fidelis.
36Signes de distinction : participation aux petites guerres locales, position d’arbitre, domination probable du castello de Leccio auquel Liccese est symboliquement très lié, comme l’indique son nom.
37Activités probables : inconnues, position de rentier.
38Trajectoire : forte affirmation à la fin du XIIe siècle qui semble conduire à un éloignement des filii Liccesis des castelli de Ristonchi et Magnale, et provoquer des tensions croissantes avec les moines de Vallombrosa.
39Typologie : domini loci assurant leur indépendance.
La trajectoire des filii Liccesis
40On désigne comme filii Liccesis une branche supposée des seigneurs de Leccio dont on réussit assez bien à suivre la généalogie à la fin du XIIe siècle et dans les premières décennies du XIIIe siècle. Ce groupe, plutôt étroit, était probablement lié par des liens de consanguinité à plusieurs des parentèles de propriétaires qui évoluaient dans les territoires situés sur la rive droite de l’Arno, entre Santa Maria di Vallombrosa, les castelli du Pratomagno, le castello de Sant'Ellero et le monastère de Sant'Ilario di Alfiano et Leccio. La proximité des filii Liccesis avec les nombreuses parentèles de seigneurs, mais aussi de fideles des castelli de Ristonchi et de Magnale est un bon indicateur de la façon dont se déploie l’influence d’une parentèle seigneuriale à la fin du XIIe siècle et cette parentèle offre un bon exemple de la difficulté qu’on a à tracer une ligne de partage nette entre domini et fideles. Ce qui est remarquable, dans la documentation relative aux filii Liccesis, c’est le témoignage qu’elle offre sur l’existence de liens très solides, et qu’on ne peut se contenter de définir comme clientélistes, entre ces petits seigneurs et la population des homines de Ristonchi et Magnale.
41Le personnage le plus aisé à repérer est évidemment Liccese lui-même, dont le nom indique assez l’identification avec un lieu de vie ou une origine, le castello de Leccio ; une pratique onomastique qu’on retrouve souvent dans les parentèles évoluant autour des castelli de Leccio, Magnale et Ristonchi. On le trouve mentionné à plusieurs reprises avec ses fils et les personnes avec lesquelles il était lié entre 1172 et 121742. Du père de Liccese, Orlandino, on ne sait presque rien, son grand-père Frugerio est probablement celui qui apparaît en 1160, désigné comme le fils d’Adalasia, ex-épouse de Benzo43. Liccese di Orlandino fut, au moins une fois, en contact avec un certain Frugerio di Albertino da Grassina avec lequel il partageait peut-être un ancêtre44. Sans doute Liccese di Orlandino, en dépit de son nom, avait-il ses origines dans les montagnes du Pratomagno, entre Ristonchi et Pelago, plutôt que dans la vallée entourant Leccio45. À ma connaissance, le document le plus ancien attestant de l’existence d’une localité de ce nom remonte à 1157 et ce n’est qu’en 1169 qu’on le décrit comme un castello46. Les premières attestations de cette localité insistent d’ailleurs davantage sur la tenue d’un marché que sur son aspect défensif47. La nouveauté apparente de cette fondation est un facteur important lorsqu’on veut comprendre la trajectoire suivie par cette parentèle de petits domini de Leccio et de Ristonchi.
42En 1172, c’était de fait à Leccio que Liccese di Orlandino se trouvait, avec sa parentèle, pour s’accorder avec les représentants de l’abbaye de Vallombrosa à propos des droits qu’il exerçait, avec son épouse Iubergana et d’autres propriétaires, sur les castelli de Ristonchi et d’Altomena48. Contre vingt-cinq livres et dix sous, les époux acceptèrent de céder aux moines l’ensemble de leurs terres, de l’église de Santo Stefano a Turri, de l’autre côté de l’Arno, jusqu’à la crête du Pratomagno en abandonnant les droits qu’ils exerçaient sur les hommes, les femmes et les éventuels droits de patronage. La décision fut collective. Si Liccese et son épouse étaient cités en premiers, ils agissaient en même temps qu’un certain Vuotascutello di Azzolino et son fils Rustichino et devant un parterre de témoins nombreux et qualifiés ; on remarquait notamment la présence des consuls de Leccio49. C. Wickham a vu dans cette manifestation de la commune rurale de Leccio un indice de la subordination de celle-ci aux seigneurs du lieu. Ces consuls auraient pu jouer un simple rôle judiciaire. Le titre est toutefois trop remarquable et porteur d’autorité pour qu’on se refuse de voir dans ces consuls une manifestation de l’autorité reconnue aux hommes de Leccio. Parmi les consuls, l’un au moins venait de Ristonchi et avait dû faire le même chemin que Liccese di Orlandino, partant de la montagne voisine pour s’installer en plaine. Peut-être la mention des consuls révèle-t-elle en outre le contexte général de cette renonciation, née d’un compromis. Quelques années auparavant, des propriétaires des environs de Rignano avaient échangé des terres avec une parentèle de laïcs pour en obtenir une du côté de Leccio50. Les quelques autres documents concernant la localité dans les mêmes années mettaient en scène des individus de Leccio abandonnant leurs droits sur le castello de Magnale et ses environs51.
43S’il est probable que Liccese et son épouse aient fait le choix d’une installation dans ce nouveau castello que le notaire Alberto désignait fièrement comme un oppidum, il est certain que la parentèle continuait d’exercer son rôle dans la vie sociale du castello de Ristonchi dont elle était originaire. Dans les années 1180, Liccese di Orlandino faisait ainsi partie des boni homines participant à la pacification entre Griffo di Orlandino da Licignano et l’abbaye de Vallombrosa52. Il n’est guère possible, dans les montagnes du Pratomagno, de faire une distinction nette entre la sociabilité des petits groupes aristocratiques et l’organisation seigneuriale pesant sur les sujets de la seigneurie. En 1187, un groupe d’hommes cédait à l’abbé don Terzo de Vallombrosa une terre qu’ils tenaient du monastère en renonçant à la dîme53. Ce document faisant intervenir le massarius de l’abbaye fait davantage penser aux relations entre l’abbaye et ses sujets qu’à des négociations avec les seigneurs des environs. La présence de Liccese di Orlandino parmi les témoins suggère toutefois un rapprochement concret entre les deux formes de règlements. Une partie des intérêts et de l’activité des Liccese di Orlandino et de sa parentèle s’organisaient autour de Leccio. La documentation conservée par l’abbaye de Vallombrosa témoigne cependant de la forte présence de ces petits seigneurs dans les rouages de la seigneurie abbatiale. En 1195, alors même qu’ils avaient cédé à l’abbaye de Vallombrosa leurs droits sur le castello de Ristonchi, Liccese et ses fils continuaient, comme vassaux de l’abbaye voisine de Sant'Ellero, de tenir des terres et des hommes dans les environs. L’accord de toute la parentèle avait été nécessaire au transfert d’un paysan et de toute son exploitation de l’abbaye de Sant'Ellero à celle de Vallombrosa. En échange, Liccese, ses fils et leurs épouses reçurent en compensation un colon de Ristonchi et les treize parcelles qu’il exploitait. À l’occasion de cette renonciation, monnayée seize livres en deniers de Pise, Liccese se déclarait fidelis de l’abbaye de Sant'Ellero54.
44Liccese di Orlandino possédait un patrimoine en mouvement, ce qui pouvait nuire au contrôle exercé par l’abbaye de Vallombrosa sur les castelli voisins. On le voit ainsi acquérir de l’un des habitants de Ristonchi une terre en livello55. S’ils avaient renoncé à la propriété sur le castello de Ristonchi, les filii Liccesis revenaient ainsi sur les terres de Ristonchi comme tenanciers livellaires, avec la seule obligation de verser aux seigneurs de cette terre la pension coutumière. Rien n’indique d’ailleurs, en ce début de XIIIe siècle, que la présence de cette parentèle ait dérangé les abbés qui continuaient de se reposer sur eux comme sur des alliés56. En 1214 encore, c’était Liccese qui présidait, comme laudator, un arbitrage entre l’abbaye et ses dépendants, en présence d’un de ses fils57. Sans doute la présence de Liccese et de son fils comme médiateur était-elle ressentie par plusieurs des acteurs comme une nécessité. Un conflit entre l’abbaye de Vallombrosa et les fidèles de Sant'Ellero parmi lesquels figuraient les filii Liccesis compliquait singulièrement le réseau des solidarités et des alliances sur lequel reposait la vie sociale et économique des castelli de Sant'Ellero, Magnale, Ristonchi et Pelago.
45Les tensions devaient souvent dégénérer en rixes. Les chroniqueurs font largement connaître cet aspect de la vie florentine, à l’œuvre dès l’époque de Jean Gualbert et qui semble structurer les relations entre les communautés du contado. Il est rare toutefois que la documentation notariale se fasse l’écho des werrae que se livraient les différentes communautés. Il fallait que la violence déployée lors de la guerre entre les fidèles de Sant'Ellero et les hommes de Magnale eût été assez exceptionnelle pour que le notaire mentionnât explicitement ce contexte dans la renonciation, que firent en 1218 les fils de Liccese di Orlandino, à toutes représailles contre l’abbaye de Vallombrosa et sa familia58. On sait qu’un homme avait trouvé la mort et que les abbés et leurs représentants s’efforcèrent, dans les années suivantes, d’opérer une séparation plus nette entre les hommes du castello de Ristonchi et les filii Liccesis. Lorsqu’il voulut obtenir le renouvellement d’un bail qu’il tenait de l’abbaye de Vallombrosa, Ardimanno di Rinovardo dut promettre au camérier qu’il ne ferait pas entrer les filii Liccesis59. Ardimanno avait en effet épousé Giuliana, fille de Liccese, et on pouvait le soupçonner de complaisance envers sa belle parentèle60. La mise à l’écart des anciens seigneurs semble du reste avoir fonctionné. Au début des années 1230, les fils de Liccese paraissent vivre à Leccio, dans une résidence située non loin du castello, avec des terres situées de part et d’autre de l’Arno61. La présence de Guicciardo et de Ricciardo, fils de Liccese, parmi les témoins de plusieurs transactions opérées entre des habitants de Leccio et l’abbaye, montre l’insertion de la parentèle dans la vie communautaire de la petite agglomération de la vallée. À partir des années 1220, la parentèle paraît avoir renoncé à toute prétention sur les terres du Pratomagno et semble progressivement renoncer aux propriétés trop liées à celles de l’abbaye de Vallombrosa62.
46Les descendants de Giuliana di Liccese et d’Ardimanno di Rinovardo qui avaient fait le choix de demeurer à Ristonchi finirent eux aussi par céder aux vallombrosains les biens qu’ils contrôlaient encore autour du castello. Giuliana, devenue veuve, décida ainsi, avec l’accord de ses frères, de se donner comme conversa à l’abbaye de Vallombrosa63. Giuliana vivait dans la villa de Grassina, une dépendance qui remontait probablement aux origines de la parentèle, à quelques kilomètres de Ristonchi. Quelques années plus tard, son fils Romeo di Ardimanno se donnait à son tour aux vallombrosains, avec l’ensemble de ses biens. À la différence de sa mère, il vivait dans le castello de Ristonchi et possédait des droits sur le cassero. Le document détaillait surtout les services que lui devaient une dizaine de coloni sur lesquels il possédait la moitié ou le quart des droits64. Un de ces colons assistait en personne et comme témoin à la transaction. Avec les donations de cette branche collatérale, les moines vallombrosains récupéraient l’essentiel des biens détenus, au début du XIIIe siècle, par les filii Liccesis. La branche principale de la parentèle s’était alors définitivement installée à Leccio en ayant renoncé à exercer une influence directe sur les castelli des montagnes où elle avait autrefois posé les bases de sa domination.
5. Les nepotes Lucarelli : maître des alpages de Vallombrosa
47Nom : plusieurs références aux nepotes Lucarelli dans les confronts du XIIe siècle, on a affaire à une famille identifiée comme telle.
48Patrimoine : important autour de Vallombrosa et sur les alpages, droits sur les hommes et les terres.
49Relations : avec les abbés de Vallombrosa et l’ensemble des parentèles des environs.
50Signes de distinction : à part le nom, très présent, de Lucarello, rien de remarquable.
51Activités : encadrement des sociétés rurales de Magnale et de ses environs, position de rentiers
52Trajectoire : la parentèle devient difficile à suivre au-delà du XIIe siècle.
53Typologie : probables domini (sans le titre) de la première moitié du XIIe siècle.
54Documentation : Diplomatico, Vallombrosa, Vallombrosa, 1080/08/.. (1784), 1106/10/01 (3173), 1110/07 (3306), 1120/05 (3710), 1129/10 (4058), 1138/05 (4435), 1139/12 (4491, en septembre 1139), 1141/11 (4585), 1142/01 (4595, en 1143), 1142/01 (4597, en 1143), 1144/05 (4674), 1144/05 (4675), 1144/11/30 (4697), 1144/11/30 (4698), 1144/01 (4662, en 1145), 1145/08 (4736), 1146/12 (4811), 1149/09/02 (4934), 1155/06 (5191), 1155/11/16 (5202), 1159/05/25 (5354), 1159/07/06 (5360), 1161/03/31 (5430), 1181/02/18 (6244, en 1182), 1181/03/27 (6255), en 1182, 1184/12/21 (6438), 1184/02/12 (6394, en 1185), 1185/05/10 (6464), 1191/06/20 (6810), 1197/11/26 (7275, le 26 octobre), 1214/07/17 (8895), 1215/08/16 (8992).
6. Les filii Giratti, petits seigneurs du Pratomagno
55Nom : une référence aux filii Giratti dans les confronts d’un acte.
56Patrimoine : patrimoine important dans la curtis de Magnale avec la répartition typique des grandes parentèles du lieu (droits sur le castello, terres cultivées et alpages), quelques droits sur les hommes.
57Relations : avec toute la communauté des hommes de Magnale et l’abbaye de Vallombrosa.
58Signes de distinction : pas de signe particulier, à part peut-être chez Orlandino, le notaire.
59Activités : inconnues, position probable de rentier.
60Trajectoire : pas de véritable évolution observable.
61Typologie : parentèle subalterne de possessores.
62Documentation : Diplomatico, Vallombrosa, 1106/10/01 (3173), 1112/10/29 (3400), 1120/05 (3710), 1132/07 (4196), 1132/08 (4201), 1132/07 (4196), 1144/05 (4674), 1146/09 (4797), 1150/04 (4956), 1150/10 (4974), 1150/12 (4982), 1153/04 (5086), 1153/07 (5102), 1159/09/18 (5365), 1184/09/19 (6426, le 16 octobre), 1184/03/11 (6400, le 12 mars 1185), 1184/11/22 (6434), 1185/04/28 (6456, le 29 avril), 1187/12/06 (6615), 1184/09/06 (6425, le 16 septembre), 1184/09/25 (6427), 1185/04/28 (6456, le 29 avril), 1191/06/20 (6810), 1191/10/02 (6830), 1191/12/02 (6840), 1192/06/15 (6879), 1192 (6905, le 28 décembre 1192), 1197/10/11 (7270), 1198/05/03 (7301), 1210/08/10 (8455), 1217/10/22 (9259) – confronts Rolando di Guglielmo, 1123/12 (3411).
7. Albertinello da Melosa et ses descendants : grands tenanciers ou petits seigneurs ?
63Nom : pas de nom particulier.
64Patrimoine : patrimoine constant en terres et en bois autour de Melosa et à Magnale après un bon mariage ; on trouve constamment les descendants d’Albertinello da Melosa possesseurs de châtaigneraies ; en 1202 toutefois, la parentèle cède massivement ses droits à l’abbaye de Vallombrosa tout en demeurant dans le castello de Magnale.
65Relations : la parentèle paraît s’en tenir aux relations avec les parentèles de Magnale et de Ristonchi et avec les abbés de Vallombrosa.
66Signes de distinction : pas de signes particuliers, les descendants de la parentèle sont bien situés dans les listes de jureurs des années 1250-1260.
67Activités : implication probable dans l’élevage et l’agriculture.
68Trajectoire : la trajectoire des descendants d’Albertinello da Melosa tient notamment au mariage avec une descendante des filii Giratti dont on retrouve ensuite l’onomastique.
69Typologie : grands tenanciers.
La trajectoire d’Albertinello da Melosa et de ses descendants
70L’une des figures de cette petite parentèle était un certain Albertinello, souvent désigné, dans les actes du XIIe siècle, comme Albertinello de Melosa. Cet Albertinello n’était pas le seul dont le nom était associé à ce toponyme et il faudrait, idéalement, proposer une étude portant sur l’ensemble des individus évoluant, aux XIIe et XIIIe siècles autour de cette localité du Pratomagno, au Nord-Ouest de l’abbaye de Vallombrosa65. On peut suivre l’histoire d’une des branches des descendants de cet Albertinello di Melosa jusqu’à la seconde moitié du XIIIe siècle, une histoire marquée par un déplacement très limité, mais significatif de la parentèle, depuis le hameau de Melosa jusqu’au castello de Magnale : les petits-fils d’Albertinello occupant, au XIIIe siècle, une place de choix dans la hiérarchie des fideles de l’abbaye de Vallombrosa.
71Dès les années 1130, un certain Albertino de Melosa, fils d’Alberto, vivait et possédait des terres dans les alentours de San Martino a Pagiano66. Les quelques attestations concernant cet Albertino da Melosa et son père Alberto ne permettent guère de se faire une idée précise du patrimoine et des relations existant entre ces derniers et les fils de Berardo67 : ce qui se dégage en revanche assez clairement de la documentation des années 1120-1140, c’est l’existence, à Melosa et dans ses environs, de deux groupes de possessores, évoluant dans la clientèle des abbés de Vallombrosa, l’un distingué par le nom de Berardo ou Bernardo, l’autre, signalé par une série de variations sur le nom d’Alberto68. En 1168, au moment où l’abbaye voulut affermir solennellement son emprise sur les hommes des castelli voisins, en contraignant les sacramentariis placés sous la responsabilité de Bruncio et d’un dénommé Magnale, à placer en gage certaines de leurs terres, on comptait, parmi les quatorze individus impliqués, un certain Albertinello, contraint de placer en gage deux setiers du Culto a Melosa69. La présence d’Albertinello et de Berardo à la fin de l’acte ne renvoie pas l’image d’une parentèle éminente, mais pourrait plus simplement s’expliquer par l’éloignement tout relatif de cette localité. À cette date, Albertinello de Melosa apparaît donc comme l’un des dépendants, pas nécessairement le mieux loti, sur lequel reposait le pouvoir de l’abbaye. Albertinello avait eu deux fils : Bonaiuto (attesté entre 1189 et 1213) et Rustichino ou Rustichello (attesté en 1191 et 1192)70.
72Avec cette génération, on assiste au déplacement de la parentèle et de ses intérêts vers le castello de Magnale. Sans que cela suffise à expliquer ce déplacement, on trouve quelques indices d’une évolution du statut de cette parentèle, au moins lorsqu’on considère Bonaiuto et ses descendants. Bonaiuto avait épousé Berta, fille de Guglielmino di Orlando, appartenant à la même parentèle que le notaire Orlandino di Giratto71. C’était sans doute dans le cadre de ce mariage qu’il dut céder à l’abbaye de Vallombrosa, la part qu’il avait acquise, par la dot de son épouse, sur les incultes du Pratomagno72. Le document témoignait à la fois de l’attention des vallombrosains à ces alpages et de l’incapacité où se trouvait Bonaiuto, de défendre sa part de ce patrimoine. Les deux époux durent placer en gage une vigne – qu’ils récupéraient en précaire – et devaient en outre promettre aux autres propriétaires un dédommagement pour le restaurum castagnetum73. L’acte avait été établi à Magnale, en présence, notamment, de Griffolo di Giratto.
73Dans ce qui apparaît de l’histoire de cette parentèle, ce bon mariage est un véritable jalon de la bonne fortune des descendants d’Albertinello da Melosa que l’on connaît essentiellement, à partir de cette date, comme les fils de Guglielmino, l’ancêtre auquel ils continuent de se référer jusqu’aux années 1240. Ce n’était plus à Melosa mais dans le castello de Magnale que se construisait désormais l’histoire de Guglielmino et de son fils Bonaiuto. Dans les années 1200-1220, les descendants d’Albertinello da Melosa apparaissent comme l’une des parentèles participant aux menus profits de l’ordre seigneurial. Installés à Magnale, Bonaiuto et son épouse Berta étaient ainsi en mesure, en 1213, de céder à l’abbé de Vallombrosa les terres et les pensiones qu’ils recevaient de deux tenanciers74. Les divisions successorales avaient rendu leurs droits plus symboliques que lucratifs. Ils n’en pesaient pas moins sur les paysans : Benincasa di Gianni leur devait chaque année deux pains et deux poules, Mancone di Faticciano avait à s’acquitter du quart d’une poule, d’une pension d’un denier et du quart d’une corvée de bœufs. Même si ces droits étaient très fractionnés, ils plaçaient leurs bénéficiaires dans le rang des seigneurs et des propriétaires. Le nom de l’épouse de Guglielmino di Bonaiuto, Castellana, évoque bien le statut acquis par cette parentèle nouvellement installée dans la petite forteresse. En échange des services que leur devaient les deux tenanciers, les nouveaux résidents du castello avaient reçu un jardin situé près du fossé. Quelques années plus tard, Guglielmino augmentait les possessions de la parentèle dans leur localité d’origine de Melosa par un échange similaire75. C’était là, désormais, que Guglielmino ou ses frères assistaient comme témoin aux transactions importantes impliquant l’abbaye de Vallombrosa et les homines de Magnale ou des environs76.
74Ce sont les mariages qui révèlent, ici encore, l’aisance de la parentèle. La dot apportée à son mari par l’arrière petite-fille d’Albertinello da Melosa, Donnadibene, fille de Guglielmino, donne une image partielle, mais fort suggestive du patrimoine acquis par la parentèle et de son organisation77. En épousant Porcellino di Martino, Donnadibene lui apportait les biens suivants : la moitié de deux maisons situées à Magnale ; quatre parcelles dont deux vignes ; les parts (le plus souvent le quart) de six pièces de terre, l’une située dans le pré du Monte Secchieta et une autre plantée en châtaigniers ; la moitié d’un podere et le quart d’un ensemble de pensiones. L’acte fait émerger les noms d’une multitude d’habitants de Magnale, cités tantôt comme tenanciers, tantôt dans les confronts ou comme témoins : près de cinquante individus apparaissent ainsi dans un village qui comptait au milieu du XIIIe siècle un peu plus d’une centaine de foyers. S’il témoigne de la prise qu’avaient les fils de Guglielmino sur la société villageoise et de l’influence diffuse que leur propriété pouvait exercer sur l’ensemble des exploitants, le document illustre aussi le lien impérieux qui liait le patrimoine de ces gros possessores à la sociabilité villageoise que les divisions familiales et les successions devaient du reste se charger de désagréger peu à peu. On sait ainsi ce qu’Arringhiere di Guglielmino, le frère de Donnadibene, avait pu arranger pour sa propre fille Rigala78. Il remettait à son futur gendre, un homme du village de Ristonchi, une dot estimée à soixante livres, en deniers de Pise qui se composait de toute une demeure dans le castello de Magnale, de quatre parcelles et des pensions et corvées de quatre tenanciers.
75Si Donnadibene, Arringhiere et ses frères étaient incontestablement d’importantes figures de la société villageoise, il est de plus en plus difficile de décrire en termes seigneuriaux la domination qu’ils exerçaient sur leurs voisins79. Sentant la mort approcher, en 1247, ou simplement prévoyant, le faber Martino di Gagliardo de Magnale établit son testament en recommandant à Ammanato di Guglielmino, avec lequel ses terres confinaient souvent, de veiller à sa bonne exécution80. Dans la documentation d’empreinte seigneuriale produite abondamment par l’abbaye dans ces mêmes années, une place honorable était significativement accordée aux fils de Guglielmino. Ils étaient systématiquement cités dans les premiers tenanciers, fideles ou feudataires appelés à jurer. C’était d’ailleurs sur les noms d’Ammanato, Pruova et Fuccio, fils de feu Guglielmino, que s’ouvrait le serment collectif prêté en 1274 par les hommes de Magnale81. Cette position correspondait probablement au rôle qu’ils jouaient, avec la bienveillance des abbés et de leurs représentants dans la vie de la commune de Magnale. Le patrimoine détenu par la parentèle autour des castelli de Magnale et de Ristonchi devait être devenu assez considérable. Vers 1275, Fuccio di Guglielmino pouvait encore vendre une châtaigneraie à l’abbaye et son nom apparaissait souvent dans les confronts82. En tant que fidèles de l’abbaye, les fils de Guglielmino n’en devaient pas moins un loyer coutumier, signe tangible de leur subordination aux abbés et à leurs représentants. En 1262, Pruova di Guglielmino da Magnale exploitait une terre dépendant du castello voisin de Ristonchi ; à ce titre il devait verser chaque année sept sous de pension, offrir trois poules, des œufs et deux jambons83. C’était plus que la plupart des tenanciers, tenus de payer un loyer de quelques deniers seulement. En 1275, pour leurs terres de Magnale, les frères étaient tenus d’offrir une poule et quinze deniers84. Difficile en revanche de savoir ce qu’il advint d’eux et de leurs fils par la suite. L’enquête pourrait peut-être être poursuivie. Il faut toutefois noter que les signes de richesse et de reconnaissance qu’on relève, comme la forte présence parmi les témoins85, ne renvoient plus l’image des petits seigneurs de la documentation des années 1190-1220 : la même condition économique plaçait désormais les fils de Guglielmino dans la situation de tenanciers aisés. Des tenanciers qui organisaient leur vie en dominant, avec d’autres, la collectivité de Magnale et celle de Ristonchi, et qui entretenaient de bonnes relations avec l’abbaye. On peut ainsi s’interroger sur l’identification d’un frère convers nommé Ammanato, attesté en 1275 avec l’un des fils de Guglielmino, tenancier aisé, mais vieillissant, et qui aurait pu trouver une honorable fonction en intégrant la familia de Vallombrosa86.
8. Les filii Griffonis de Magnale : seigneurs ou dépendants ?
76Nom : l’expression de casa Griffonis utilisée dans les confronts d’un acte de 1199 souligne la forte implantation de la parentèle autour de Magnale et des alpages.
77Patrimoine : important et consistant en droits sur le castello de Magnale et les alpages ; en 1202 toutefois, la parentèle cède massivement ses droits à l’abbaye de Vallombrosa en demeurant cependant dans le castello de Magnale.
78Relations : on connaît les filii Griffonis dans leur relation avec l’abbé de Vallombrosa ; probables liens avec des aristocraties extérieures au Pratomagno, notamment avec les parentèles de Figline.
79Signes de distinction : aucun signe particulier, hormis la possession de droits sur les alpages de Vallombrosa et l’omniprésence de cette parentèle dans les environs de Magnale.
80Activités : rentiers ? Éleveurs ?
81Trajectoire : parentèle de domini subalternes, ils acceptent de demeurer dans la fidélité des abbés et leurs descendants apparaissent, au milieu du XIIIe siècle, dans la foule des anciens coloni et fideles de l’abbaye.
82Typologie : domini loci demeurant dans la fidélité d’une seigneurie ecclésiastique, comparables aux parentèles étudiées par G. Francesconi autour de Camaldoli.
83Documentation : Diplomatico, Vallombrosa, 1199/08/22 (7378), 1129/09/23 (4052, en 1199), 1201/02/22 (7578, en 1202), 1202/04/22 (7679), 1202/05/11 (7685), 1202/09 (7717), 1209/11/06 (8369), 1210/08/22 (8459), 1211/05/12 (8540), 1214/07/17 (8895), 1214/11/14 (8921), 1215/06/28 (8988), 1217/10/22 (9259), 1218/03/16 (9305, en 1219), 1219/01/23 (9385, en 1220), 1219/03/14 (74208, en 1220), 1224/02/04 (10010, en 1225), 1227/04/26 (10480), 1230/11/03 (10986),1234/10/13 (11597), 1237/01/10 (12080, en 1238), 1241/10/01 (12782), 1247/05/19 (13850), CRSGF, 260.126.
9. Les descendants de Cacciaguerra ou le choix de la dépendance
84Nom : pas de nom particulier pour cette parentèle, à l’exception du souvenir durable de l’ancêtre Cacciaguerra.
85Patrimoine : un ensemble de parcelles situées aux endroits stratégiques de la curtis de Magnale, près du castello (fossé), dans les terres cultivées et sur les alpages.
86Relations : figures de la vie sociale du castello de Magnale, proximité avec les grandes et petites parentèles de cette localité, ainsi qu’avec les abbés de Vallombrosa dans une situation de subordination acceptée.
87Signes de distinction : aucun signe particulier, hormis le nom de Cacciaguerra et d’Altaguerra.
88Activités : probables activités agricoles, notamment d’élevage.
89Trajectoire : parentèle subalterne aux domini, ils acceptent de demeurer dans la fidélité des abbés et leurs descendants apparaissent, au milieu du XIIIe siècle, dans la foule des anciens coloni et fideles de l’abbaye.
90Typologie : tenanciers aisés.
La trajectoire des descendants de Cacciaguerra
91La petite parentèle qu’on envisage ici est assez typique des trajectoires qui s’observent aux XIIe et XIIIe siècles. Il s’agit de parentèles qui présentent certains traits aristocratiques, mais qui n’en évoluent pas moins dans la dépendance des abbés et des moines de Vallombrosa. Le cas des descendants de Cacciaguerra est intéressant dans la mesure où l’on peut parler du choix qui semble avoir été fait, par certains membres de cette parentèle, de demeurer dans la fidélité des abbés et d’engager leurs héritiers dans cette relation de dépendance. L’essentiel des données que l’on ait sur Cacciaguerra di Altaguerra et ses fils viennent du reste des documents de l’abbaye de Santa Maria di Vallombrosa. En 1168, Cacciaguerra di Altaguerra était cité parmi les sacramentariis du castello de Magnale, tous soumis, semble-t-il, à l’autorité de deux individus nommés Broncio et Magnale87. Le document avait été produit à l’issue d’un litige réglé par la négociation et par l’autorité du camérier de Vallombrosa, pour mettre fin à la querelle qui avait opposé ces hommes de Magnale à un autre groupe mené par Renuccino di Orlandino et le faber Martino, ainsi que ceux de leurs sociis. Le conflit ressemblait fort à l’une de ces querelles opposant entre eux deux groupes de la petite aristocratie, ou deux communautés – les hommes de Magnale et d’autres évoluant plus vers le castello de Leccio – mais faisait cette fois l’objet d’un règlement plus autoritaire qu’à l’accoutumée88. L’abbaye de Vallombrosa prétendait exercer l’essentiel de la juridiction sur le castello et les hommes de Magnale, c’était en tout cas l’un de ses représentants qui s’était imposé comme arbitre de la querelle. En gage de bonne conduite, ceux qui avaient été impliqués dans ces querelles devaient céder au camérier Paolo une parcelle de terre que ce dernier saisirait au cas où son jugement, son preceptum, ne serait pas respecté89. C’était donc dans le cadre d’une subordination assez stricte à l’abbé de Vallombrosa qu’on trouvait Cacciaguerra qui, loin d’intervenir en position éminente, n’était que le dix-septième cité, mais engageait en revanche une parcelle située près du fossé de Magnale. Cacciaguerra n’appartenait probablement pas aux tenanciers les plus démunis et possédait plusieurs terres autour du castello. À trois reprises, son nom apparaissait dans les confronts : il possédait des terres arables autour de Ristonchi90 ; avait quelques parcelles au beau milieu des terres de l’abbaye91 ; et possédait des terres confinant à celles d’autres tenanciers de Magnale92. Tenancier ou propriétaire ? Les données sont sur ce point peu nombreuses et l’on suspecte en outre un décalage important entre ce qu’on peut entendre, au XIIe siècle, par le verbe possidere et ce que ce verbe définit au siècle suivant. Sur ce point, l’avis de l’abbé et de ses administrateurs différait probablement de celui des possessores de Magnale. Sans doute Cacciaguerra participait-il à l’organisation d’un ordre social dominé par les abbés, mais laissant à d’autres acteurs l’exercice de formes personnelles de pouvoir. En 1200, Cacciaguerra, fils d’Altaguerra, était le premier témoin de l’acte par lequel les fils de Guido da Scopeto libéraient deux individus de leur condition de colon93. Cette présence de Cacciaguerra parmi les témoins est difficile à interpréter et l’incertitude qui plane sur son statut trouve en réalité des échos avec ce qu’on sait de son fils et ce qu’on connaît, depuis longtemps, des petites communautés de guerriers tenues dans des formes de dépendance aux XIIe et XIIIe siècles94.
92On possède davantage d’informations sur le fils Cacciaguerra, Orlandino, une figure parmi d’autres de la vie sociale du castello de Magnale de 1213 à 1241. Il fut témoin, probablement assez actif, de deux des actes par lesquels les petits seigneurs de Magnale cédaient en présence d’un représentant de l’abbaye, le massarius de Palco, les droits qu’ils avaient sur les terres et les hommes des alentours95. Le premier acte, remontant à 1213, illustrait le degré de dispersion de la propriété et des droits qui s’y attachaient : il avait ainsi fallu l’accord d’une dizaine d’individus appartenant à cinq parentèles de propriétaires, pour obtenir la vente d’un jardin situé dans le bourg de Magnale. Il est difficile, en s’en tenant aux indices que livre la documentation d’établir une ligne de partage nette entre certains de ces seigneurs et la parentèle d’Orlandino di Cacciaguerra96. La politique d’acquisition des parts de propriété et de droits détenus par un grand nombre d’acteurs paraît avoir fortement marqué les premières décennies du XIIIe siècle et l’abbatiat de don Benigno. Et c’est dans ce contexte qu’il faut envisager l’une des actions les plus décisives accomplies par Orlandino di Cacciaguerra, dans la définition exacte de ses relations avec les abbés de Vallombrosa. En 1220, les représentants de la commune eurent à décider du statut d’une poignée d’individus que les moines de Vallombrosa voulaient faire reconnaître comme leurs « hommes et colons ». C’était ainsi à Florence que se jouait la définition du statut d’Orlandino di Cacciaguerra et celui de six autres hommes du castello de Magnale97. Tous étaient des figures bien connues des environs et faisaient le geste de se déclarer dépendants de l’abbaye de Vallombrosa98. W. R. Day a rappelé dans sa thèse qu’une telle décision visait probablement à soustraire à l’impôt les principaux intéressés99. Elle n’en était pas moins significative. L’exemption obtenue en tant qu’homme d’un autre homme conduisait ces individus à nier leur pleine liberté et à engager leurs descendants dans la relation de dépendance de l’abbaye. Il n’était pas rare, au début du XIIIe siècle, qu’une institution ecclésiastique intentât un procès à des colons récalcitrants. S’il n’est pas exclu toutefois, que les principaux intéressés se soient présentés de leur propre chef aux juges florentins, on ne saurait faire de cette reconnaissance un simple artifice juridique. Les autorités, en exemptant de l’impôt les hommes de l’abbaye, trouvaient avec cette dernière un bon compromis. Ces hommes à l’instar des fideles de Camaldoli étudiés par G. Francesconi, trouvaient peut-être d’autres avantages à la situation100. Quelques mois auparavant, Orlandino di Cacciaguerra et son épouse Gemma avaient cédé à l’abbaye de Vallombrosa une grande partie de ce qui devait constituer leur patrimoine101 : décidant ce faisant d’ancrer leur vie sociale dans le cadre du castello de Magnale et en acceptant la subordination aux abbés et aux moines, des figures par ailleurs révérées et sur lesquelles on continuait largement de compter pour assurer le Salut et la vie éternelle en ce début de XIIIe siècle.
93La décision ne semble pas avoir eu de profondes conséquences sur le quotidien d’Orlandino di Cacciaguerra ou celui de son épouse. Orlandino continuait d’apparaître comme l’un des possessores les plus notables et détenait assez d’autorité et de biens pour pouvoir servir de garant à certains de ses voisins. Lorsque Sighinolfo vendit à un frère convers de l’abbaye tout ce qu’il avait dans la curtis de Magnale – un patrimoine conséquent comprenant la totalité ou la moitié d’une dizaine de parcelles, avec un casolare et les pensions de trois tenanciers – Orlandino di Cacciaguerra put se porter fidéiusseur102. Il avait des terres de plein droit, jure proprio, comme l’indiquaient la vente d’une parcelle et une part du pré situé sur les massifs en 1235 et 1241103. En 1247, on retrouvait ainsi le nom d’Orlandino di Cacciaguerra dans les confronts de l’acte par lequel Galliardo di Martino cédait à l’abbaye de Vallombrosa l’ensemble de son patrimoine foncier104. Cacciaguerra avait eu deux fils, Ruggero di Orlandino, attesté entre 1253 et 1273 parmi les fideles de l’abbaye, et Dato que l’on retrouve aux mêmes dates105. Ruggero avait prêté plusieurs fois serment à l’abbé, en 1253, 1262 et 1273. Il avait une maison à Magnale et possédait une parcelle au lieu-dit Ala Fossa et qu’il avait sans doute héritée de son père106. Son fils Tuccio et son frère Dato comptaient eux aussi parmi les fideles de l’abbaye. Même s’ils étaient reconnus comme colons de l’abbaye, les descendants de Cacciaguerra figuraient, avec les descendants de parentèles plus prestigieuses, dans le vaste groupe des tenanciers tantôt qualifiés de fideles, tantôt de feudatarios. Économiquement parlant, Ruggero di Orlandino di Cacciaguerra se présentait, vers 1270, comme un tenancier sans éclat particulier, gestionnaire d’une exploitation composée d’une maison, d’une aire, d’un clos et d’une vigne près du castello, au lieu-dit Ala Fossa, avec trois parcelles situées sur les hauteurs, aux lieux-dits Al Colle, Falta et sur le Monte Piscoli107.
94Si l’on connait beaucoup d’Orlandino, le nom de Cacciaguerra est en revanche plus rare. Sans doute Griffolo di Cacciaguerra da Leccio et le notaire Berignhieri di Cacciaguerra étaient-ils frères d’Orlandino. Griffolo di Cacciaguerra da Pelago n’est connu que par un document de 1229 dans lequel il se portait garant d’une transaction portant sur des biens situés dans le castello voisin de Pelago et de Ristonchi108. Les liens qui pourraient l’unir à Orlandino di Cacciaguerra restent assez hypothétiques et tiennent essentiellement au voisinage du castello de Pelago et à la présence discrète de l’abbaye dans ce document. On retrouvait par ailleurs, en 1239, un certain Beringhieri di Cacciaguerra da Leccio, notaire, achetant aux filii Griffi de Magnale une terre située près du castello de Magnale109. La somme était importante, quarante livres en deniers de Pise, et l’affaire mettait Beringhieri di Cacciaguerra avec l’une des parentèles de fideles les plus remarquables du castello de Magnale. On peut faire l’hypothèse que Beringhieri di Cacciaguerra et Orlandino appartiennent à la même parentèle110. La décision faite par Orlandino de demeurer dans la fidélité à l’abbaye et de se faire colon l’engageait individuellement, elle engageait ses héritiers, mais ne concernait pas ses frères éventuels. Des liens importants existaient entre le castello de Leccio et les castelli dépendant de l’abbaye de Vallombrosa. Dans les années 1230, le marché de Leccio exerçait une attractivité importante sur les populations des montagnes. Un des fils de Cacciaguerra, tenancier aisé de Vallombrosa, aurait pu décider de s’installer dans un territoire économiquement plus ouvert.
10. Des filii Truti et filii Sardini aux seigneurs de Tornano : la constitution d’une consorteria seigneuriale
95Nom : pas de nom particulier pour cette parentèle, on se réfère davantage à la consorteria du début du XIIIe siècle.
96Patrimoine : contrôle permanent d’un ou de plusieurs moulins sur le Masselone, possessions autour de Tornano et Lecchi in Campi, puis contrôle de ces deux castelli. Contrôle de dépendants dans la première moitié du XIIIe siècle.
97Relations : en relation avec les Firidolfi et les nepotes Rainerii dès la fin du XIe siècle, et tout au long du XIIe siècle, avec un état de guerre à l’époque des luttes impériales. Relations constantes avec l’abbaye vallombrosaine de Coltibuono.
98Signes de distinction : une onomastique signalant particulièrement ces individus au début du XIIe siècle, plus encore dans la seconde moitié du XIIe siècle. Titre de dominus pour certains membres de la consorteria du XIIIe siècle.
99Activités : contrôle d’un moulin, puis activités politiques et militaires.
100Trajectoire : de possessores sans signes distinctif particulier, les deux parentèles évoluent en domini influents et forment une consorteria solide au début du XIIIe siècle, avant le départ des deux parentèles vers Sienne.
101Typologie : grands possessores (notables du XIIe siècle), puis domini loci.
Des filii Truti et filii Sardini à la consorteria des seigneurs de Tornano et Lecchi in Chianti : une trajectoire
102Le représentant le plus notoire de cette parentèle est sans doute Guarnellotto, vivant dans les années 1160, et qui tint tête à l’empereur Barberousse et à l’anti Pape en molestant l’envoyé pontifical Trotta Minutus. L’anecdote renvoie immédiatement l’image du potentat local agissant aux dépens de son seigneur, Beringhieri di Ricasoli qui obtint, en se plaignant à l’empereur, de récupérer les castelli de Campi et de Tornano dans le haut Chianti111. L’idée qu’on se fait de la parentèle de Guarnellotto est bien différente lorsqu’on cherche à en reconstituer l’histoire. J.-P. Delumeau a été le premier à identifier deux parentèles qu’il faut ici considérer ensemble : les ancêtres de Guarnellotto, les filii Truti et leurs voisins, les filii Sardini112. Le groupe qu’on découvre, en tentant de reconstituer la généalogie des seigneurs de Tornano est en réalité une parentèle s’organisant très tôt en consorteria113. Si ce n’est qu’au début du XIIIe siècle qu’on voit se formaliser le cadre de cette consorteria, cette organisation tardive permet certainement de comprendre la façon dont deux groupes ont pu s’organiser durant les décennies précédentes. Ils parvinrent ainsi à installer pendant quelques décennies leur domination sur les castelli de Tornano, Campi et Monteluco a Lecchi, contrôlant de fait la Val d’Arbia qui ménageait une transition entre le Chianti, dépendant du territoire florentin, et les basses collines siennoises. Avant le milieu du XIIe siècle, il est toutefois difficile de déceler le caractère véritablement aristocratique de cette parentèle. La mobilité sociale est aisément perceptible lorsqu’on s’intéresse, dans les grandes lignes, aux territoires ruraux de l’Italie centrale et septentrionale aux XIe-XIIIe siècles, mais est plus difficile à saisir en s’intéressant à ce genre de parentèles. L’intérêt du petit dossier documentaire que fait émerger l’étude détaillée des filii Truti et des filii Sardini est qu’il invite à dénaturaliser le fait seigneurial.
103Les quelques documents informant sur le statut de cette parentèle, au début du XIIe siècle, reproduisent à une date assez tardive ce qu’on peut observer plus généralement dans la documentation du XIe siècle. Les actes font ressortir les dynamiques de petits groupes d’individus que l’onomastique fait supposer apparentés, mais dont les liens précis se révèlent difficiles à saisir. Ils sont en cela semblables au Lambardi della Gerda décrits par C. Wickham ou à certains petits propriétaires identifiés par E. Conti114. On sait qu’à la fin du XIe siècle, les « fils de Truto » étaient des tenanciers bien connus du haut Chianti et qui évoluaient dans la clientèle des Firidolfi115. L’un des premiers documents permettant de les connaître avec un peu de détail remonte à 1123. Gerardo, fils de Truto, et son épouse, Ermellina di Guido, obtenaient un prêt de trente sous que leur consentait l’abbaye de Coltibuono et contre lequel ils laissaient en gage une série de terres situées autour du Massellone, un torrent de la Val d’Arbia et du castello voisin de Prisciano116. On ignore tout d’Ermellina, fille de Guido, probablement originaire de Prisciano et qui appartenait peut-être aux Lambardi de ce castello117. Les deux époux avaient obtenu de pouvoir rembourser leur dette en deux ans. Ils laissaient au responsable de l’hôpital de Coltibuono, le spedalingus Gerardo, le soin de gérer et de faire fructifier les terres engagées durant ce délai. Un certain nombre d’éléments sont assez insolites dans cette cartula pignoris. Certains des loyers que récupérait l’abbaye étaient exprimés en part de fruit, le quart ou la moitié de la récolte devant aller aux représentants du monastère. Une telle précision est rare et laisse penser que les filii Truti évoluaient au plus près de leurs tenanciers, préférant ces versements directs aux quelques deniers que des aristocrates comme les nepotes Rainerii ou les Firidolfi attendaient des terres qu’ils concédaient aux membres de leur clientèle. L’une des terres engagées, située à Camprato, était déjà travaillée par des hommes de l’abbaye ; et la vigne à laquelle ils renonçaient était exploitée ou gérée par un certain Guido del Mulino118.
104Si les filii Truti entretenaient une certaine proximité avec le monde des exploitants, ils n’en participaient pas moins aux rituels typiques de la meilleure aristocratie. La reconnaissance par les Firidolfi de l’appartenance de l’abbaye de Coltibuono à la congrégation vallombrosaine avait été, en 1095, un moment important dans la construction du pouvoir des Firidolfi. La présence, parmi les témoins, d’un membre de la parentèle des filii Truti, Gerardino di Truto, était un signe de l’importance qu’on lui reconnaissait localement. En septembre 1116, à Tornano, c’était tout le gratin local qu’on avait fait venir pour la donation faite à l’abbaye de Coltibuono par Tebaldo di Rodolfo et son épouse Purpura di Ansaldo, appartenant à une parentèle de propriétaires du castello de Prisciano119. Gerardino di Truto était présent ainsi qu’Enrico et Uberto di Sardino. On a là une image, bien fugace, des figures qui dominaient alors le castello de Tornano et qu’on retrouve, plus de vingt ans plus tard, à l’occasion de nouvelles transactions120. En 1133, l’abbé Rolando avait procédé à un échange de terre avec les filii Sardini et les filii Truti qui tenaient vraisemblablement l’une de ces terres en indivision. Chacune de ces deux parentèles avait trouvé à s’allier à l’une des deux grandes maisons qui dominaient alors le Chianti. Guarnellotto di Truto, le petit-fils ou le neveu de Gerardino di Truto, avait pour mère Sibilla, la fille de Faro des nepotes Rainerii. L’un des fils de Sardino, Uberto, aussi surnommé Arapoco, littéralement « Laboure-peu », avait épousé Tedora di Guido, des Firidolfi.121
105Dans les années 1120-1130, les éléments qui permettent de rattacher ces deux parentèles à l’aristocratie du contado tiennent essentiellement à ces alliances et au contrôle exercé sur certains territoires aux côtés de ces grandes parentèles. Les mariages des filii Truti et des filii Sardini avec des parentèles de l’aristocratie du comitatus florentin, les Firidolfi et les nepotes Rainerii, sont d’autres signes de leur importance122. Du point de vue de ces parentèles dominantes, ces mariages servaient à ancrer localement leur pouvoir en nouant des alliances avec des parentèles de la petite aristocratie123. En poussant quelque peu l’interprétation proposée par M. E. Cortese et en renversant la perspective, on peut souligner les effets de ces nouvelles alliances sur le milieu des possessores locaux. Là où ne semblent évoluer que des groupes difficiles à identifier, on voit peu à peu s’affirmer des parentèles aux contours mieux définis : une évolution qui tient peut-être aux documents disponibles, mais aussi à une véritable transformation de ces parentèles. L’impression qui se dégage, lorsqu’on suit l’histoire des filii Truti et des filii Sardini est celle de parentèles de propriétaires moyens, voire de gros tenanciers, réussissant, par des unions hypergamiques, à se hisser au niveau de l’aristocratie du comitatus et s’organisant progressivement en une lignée agnatique.
106Jusqu’aux années 1120-1130, ces importants habitants de Tornano participaient aux réseaux de la sociabilité aristocratique sans avoir tous les attributs du milieu. Ils ne contrôlaient aucun castello et n’apparaissent insérés dans aucune clientèle de l’aristocratie diocésaine. De leurs activités, on ne sait pas grand-chose. On suppose toutefois qu’elles s’organisaient en partie autour d’un ou de plusieurs moulins construits sur les torrents de la Val d’Arbia. En 1133, Uberto di Sardino et son épouse Tedora di Guitto vendirent ainsi au prêtre de l’église de Santa Maria di Spaltenna la part des droits qu’ils avaient sur un moulin124. On sait que l’abbaye de Coltibuono avait fait édifier un moulin sur le Massellone à la fin du XIe siècle125. On peut faire l’hypothèse que le contrôle de ce moulin ait été l’un des enjeux autour desquels fonctionnait l’alliance des filii Truti et des filii Sardini avec les parentèles de l’aristocratie locale. Le rang occupé par la parentèle se manifestait notamment par le rôle prépondérant joué par les femmes issues d’autres parentèles. Il est vrai, en règle générale, que les actes des XIe et XIIe siècles continuaient d’accorder aux épouses, aux veuves et aux femmes remariées un rôle de premier plan126. La place plus ou moins grande qu’on accordait aux épouses tenait en même temps aux rapports de force existant entre les différentes parentèles127. Dans la cartula pignoris de 1123, c’était ainsi autour d’Ermellina di Guido que se définissaient les rôles et la position des autres intervenants128. On peut de même supposer que l’échange opéré en 1133 entre l’abbaye de Coltibuono et les propriétaires de Tornano ait été encouragé par Tedora di Guido et Sibilla di Faro qui intervenaient toutes deux dans l’acte de donation129. Les mariages ouvrirent probablement une nouvelle page dans l’histoire de ce groupe.
107La documentation reste toutefois assez discrète avant 1167. Lorsque Warnellotto de Tornano fit le choix, politiquement risqué, de chasser le représentant de l’anti-pape et de se rebeller contre l’empereur, il apparaissait désormais comme le maître des castelli de Tornano et de Campi130. Les guerres impériales, et les divisions autour du siège pontifical furent probablement des moments difficiles, obligeant à faire des choix et à déterminer des alliances. C’était aussi l’occasion de renégocier les positions. Il semble que les événements aient ainsi mis fin aux solidarités existant entre les maîtres de Tornano et la parentèle des Firidolfi. On peut aussi supposer que la décision prise par Guarnellotto faisait de lui la figure principale à l’intérieur même du groupe seigneurial. L’exercice du pouvoir, loin d’être solitaire, continuait de reposer sur la persistance des solidarités qui avaient marqué les filii Truti et Sardini au début du XIIe siècle. Dès que les événements le permirent, ceux qui apparaissaient désormais comme les seigneurs de Tornano et de Campi revinrent à l’alliance avec les grandes parentèles locales. En 1192, deux descendants des filii Truti, Mezzolombardo et Tolosano désormais dits de Tornano, assistèrent à la donation que fit Ruggero Sasso à sa fille Ravina et à son gendre Dietisalvi di Drudolo d’une partie de ses droits sur Monteluco a Lecchi131. Cet homme de Selvole, peut-être apparenté aux Firidolfi, faisait ainsi passer le tiers de la tour du castello le plus voisin de Tornano à un nouveau propriétaire132. On expliquerait la présence des deux frères, en supposant qu’ils possédaient tous les deux les deux autres tiers de cette tour133.
108Si le pouvoir des descendants de Truto et de Sardino s’était considérablement étoffé et militarisé en cette fin de XIIe siècle, et s’exerçait sur d’importantes parts des castelli de Tornano, Campi et Monteluco a Lecchi, il continuait toutefois de reposer sur les solidarités d’un groupe étendu qui ne négligeait pas les aspects économiques. Au début du XIIIe siècle, l’abbé de Coltibuono désignait comme domini de Tornano un groupe comprenant neuf individus : Guarnellotto et Chianti, fils de Mezzolombardo, avec leur mère Altemura ; domina Tedora, l’épouse de Barattero ; Ilidbrandino et Tolosano di Beringherio ; Martinuzzo di Arapoco, toujours vivant, son épouse Midonia et leur fils Ughizo134. Au début du XIIIe siècle, la consorteria réaffirma les liens l’attachant aux moines de Coltibuono en offrant à l’abbé Placido, une place située dans le castello de Tornano, contre une pension annuelle de quarante deniers. La concession avait certainement une portée symbolique et aurait pu servir à renforcer ou renouer des relations abîmées135. Quelques années plus tard, le même abbé Placido, agissant en territoire siennois et au nom de l’abbaye de San Jacopo de Sienne, concédait cette fois à l’ensemble de la consorteria menée en tête par Mezzolombardo, les droits relatifs à la construction d’un moulin sur le torrent coulant au pied du castello de Tornano136. Si ce surnom de Mezzolombardo n’avait rien d’insolite dans la Toscane du XIIe siècle, il n’en offrait pas moins, comme du reste l’ensemble des surnoms portés par les descendants de Guarnellotto, une belle image de la position intermédiaire dans laquelle se trouvaient ces petits seigneurs aux origines récentes : des « demi-Lombards », continuant à s’organiser en une parentèle vaste, pour défendre et préserver le patrimoine acquis dans la Val d’Arbia.
109Deux processus permettent, dans les années suivantes, de suivre l’évolution de cette consorteria. À partir des années 1180, un certain Drudolo di Ruggero da Ama initia le patient travail d’achat et de rachat systématique des droits détenus par sa parentèle sur le castello de Monteluco a Lecchi137. Cette politique de rachat a l’intérêt de faire apparaître à plusieurs reprises les membres de la consorteria et leurs descendants jusqu’au milieu du XIIIe siècle138. L’intérêt manifesté par la Commune florentine et d’autres institutions citadines pour les castelli essentiels au contrôle de sa frontière méridionale explique aussi la présence de membres de la consorteria dans des documents émanant de ces autorités. On sait ainsi qu’un Guarnellotto, citoyen de Sienne, était cité dans la longue diffinitio conduisant à l’établissement de la frontière séparant Sienne et Florence139. C’est dans le cadre de cette politique de contrôle et de mainmise des Florentins sur ce territoire que l’ensemble de la consorteria – Guarnellotto, Chianti et Mattafellone et les fils de Baracterio – vendirent à l’évêque de Florence l’ensemble de leurs droits sur le castello de Tornano140, pour le recevoir en fief des mains du même évêque, en 1217141. On sait enfin que la Commune de Florence dédommagea les seigneurs de Tornano après avoir procédé à la saisie de la tour de Monteluco a Lecchi dans le cadre de la guerre l’opposant à Sienne, en 1229142. En réalité le rachat progressif par Drudolo di Ruggero et ses fils du castello de Tornano contribue plutôt à faire progressivement disparaître de la documentation les fils de Mezzolombardo et les descendants de Tolosano da Tornano. Dans les années 1240, une bonne partie des membres de cette consorteria – dont on ne rend que partiellement compte à travers la généalogie présentée ci-contre – étaient présents à Sienne. Ils avaient vendu, depuis les années 1220, des parts importantes de leur castello. Des parts avaient été acquises par Drudolo di Ruggero da Ama à la fin du XIIe siècle. Mais la transaction la plus massive fut certainement la vente consentie par les fils de Beringhieri de toute leur part du castello de Monteluco a Lecchi avec hommes, possession et dominium sur la localité143. Le formulaire serait peu significatif s’il n’accompagnait une vente monnayée au prix fort, Dietisalvi di Drudolo acceptant de verser 1 224 livres, en deniers de Sienne, pour l’obtention de cette propriété. L’instrument avait été acté à Sienne et l’on peut supposer que les fils de Beringhieri di Tolosano avaient alors décidé de renoncer à leurs attaches dans le Chianti pour s’installer dans la cité la plus proche. Guido di Guarnellotto n’avait probablement pas eu d’enfants. En 1229, entouré de ce qui ressemblait à un groupe de fidèles – Benincasa figliuolo di Duscanello, Accorso del Papa, Ugolino balistrieri – il établissait son testament et cédait à son épouse Diana l’ensemble de ses biens144. Dans les environs de Monteluco a Lecchi, c’était désormais une figure extérieure à la consorteria qui dominait le paysage : Drudolo di Dietisalvi, principal propriétaire et recteur de la commune de Monteluco145. On sait qu’à cette date, certains descendants des filii Truti vivaient toujours dans les environs de Tornano.
110En 1246, Chianti di Mattafellone souscrivait auprès d’un Florentin un prêt de soixante-neuf livres à échéance d’un an, contre lequel il plaçait en gage plusieurs de ses possessions146. On ignore les suites de ce prêt, mais la conservation de ce parchemin par un monastère siennois laisse supposer que la dette ne fut pas immédiatement honorée. À cette date, Chianti et ses frères semblent du reste s’être installés à Sienne d’où on les voit expédier leurs dernières affaires147. En 1241, Diana, la veuve de Guido di Guarnellotto vendit ainsi une grande partie de ses possessions de Monteluco a Lecchi148.
111Un parchemin longtemps conservé par la parentèle des Ricasoli informe de la vente consentie en 1258 par Ildibrandino di Guarnellotto da Tornano, de l’ensemble du patrimoine qu’il possédait encore dans la Val d’Arbia149. Ildibrandino vivait alors à Sienne et acceptait de vendre à Ranieri di Alberto dei Ricasoli, sa propriété, qui demeurait importante, pour le prix de quatre-vingt livres, en deniers de Sienne150. Il s’agissait d’une série de loyers en nature dus par onze tenanciers et une église sur lesquels il possédait encore l’intégralité des droits et qu’il vendait en même temps que les poderi qu’ils exploitaient. Ensemble, ces foyers lui devaient chaque année un peu plus de 100 setiers de blé. La plupart étaient connus et bien identifiés. Il cédait en même temps les parts qu’il avait sur treize autres tenanciers et sur leurs redevances (la moitié du sixième ou du douzième). Le cœur de sa propriété se situait à Monteluco a Lecchi tandis que les droits les plus fractionnés étaient ceux qu’il prétendait encore exercer sur les dépendants de Tornano et des environs. On note la variété des qualificatifs employés : si le notaire parle génériquement de personas et de poderi, il évoque à l’occasion les homines et les villani et le datium dû par ces derniers ou encore les pensiones en nature. La diversité tenait peut-être à la diversité des conditions de ces homines... L’étendue du patrimoine laisse toutefois supposer que le notaire s’était appuyé sur d’autres actes notariés et reprenait, dans sa description, la terminologie employée par d’autres notaires. Il est difficile d’imaginer la façon dont Ildibrandino di Guarnellotto pouvait, à distance, gérer et contrôler des droits aussi dispersés151.
112Pris isolément, les témoignages d’une installation de la plupart des membres de la consorteria à Sienne ne sont jamais suffisants, considérés en groupe ils forment un faisceau convaincant d’indices. On verrait ainsi se reproduire, dans ces confins entre Florence et Sienne, les phénomènes d’émigration des grandes consorterie aristocratiques vers la ville. Si la reconstruction généalogique des filii Truti et filii Sardini est assez compliquée et souvent hypothétique, l’évolution générale faisant passer un groupe de possessores des environs de Tornano au statut de domini loci par agrégation de leurs parentèles respectives à la parentèle d’aristocrates florentins et par la militarisation de leur patrimoine est, pour sa part, assez plausible. On voit ainsi se construire une domination reposant sur le contrôle de la terre, des petites fortifications, par l’entretien des liens avec les parentèles dominantes, par la construction de moulins. Mais ces dynamiques du pouvoir seigneurial n’aboutirent que très partiellement à la transformation de ces groupes en une lignée clairement structurée.
11. Les Lambardi della Gerda : illustres inconnus du Chianti
113Nom : une référence tardive aux Lambardi della Gerda dans un territoire qu’on devine dominé par un groupe dont les limites sont difficiles à déterminer.
114Patrimoine : contrôle des terres autour de la localité de La Gerda, certains individus sont même fortement associés à ce petit territoire, qui est toutefois inclu dans la zone d’influence de l’abbaye de Coltibuono.
115Relations : en relation avec les Firidolfi et les nepotes Rainerii et avec une parentèle de moindre rang, les filii Corbizi du castello voisin de Prisciano. Les Lambardi della Gerda étaient en outre en relation constante avec l’abbaye vallombrosaine de Coltibuono.
116Signes de distinction : essentiellement ce nom collectif de « Lambardi ».
117Activités : inconnues.
118Trajectoire : inconnue, parentèle difficile à suivre passée la moitié du XIIe siècle.
119Typologie : grands possessores qui ne passent pas le seuil de l’aristocratie des domini castelli.
120Documentation : Diplomatico, Coltibuono, 1064/03/07 (1070, RC 52, le 4 mars 1060/61), 1065/02 (1097, RC 61, en 1066), 1068/12 (1228, RC 67), 1070 environ (1759, RC 130), 1072/08 1366, RC 81), 1074/12 (1478, RC 92), 1074/02 (1445, RC 96, en 1075), 1074/05 1458, RC 90), 1075/01 (1480, RC 94, en 1076), 1076 1576, RC 103), 1079/03/31 (1699, RC 121, en 1080), 1072/08 1367, RC 82), 1082/09/02 (1857, RC 135), 1083/07 (1893, RC 141), 1084/04/26 (1970, RC 148), 1085/10/19 (2149, RC 167), 1091/05 (2417, RC 189), 1093/10/30 (2512, RC 197), 1097 (2712, RC 207), 1109/09/12 (3268, RC 259), 1111/05 (3346, RC 269), 1133/10 (4243, RC 358), en décembre, 1139/12 (4492, RC 381), 1148/11/10 (4908, RC 407), 1149/02/24 0(4916, RC 408), 1153/01/17 (5066, RC 426, en 1154), 1154/04/17 (5132, RC 430), 116.. (5686, RC 477), 1161/01/05 (5422, RC 455, le 4 janvier 1161), 1164/04/29 (5510, RC 465) ; RC 233, archives privées, le 13 février 1102 (en 1103).
12. Les nepotes Bonizi d’Albareto : possessores et fabri du Chianti (XIe-XIIe siècle)
121Nom : plusieurs références aux fabri di Campo Corto et aux nepotes Bonizi di Albareto, la reconstruction des filiations est hypothétique, mais l’unité onomastique est manifeste.
122Patrimoine : un ensemble de terre tenues en livello et fortement encadré dans la propriété des abbés de Coltibuono et d’autres parentèles de l’aristocratie locale.
123Relations : en relation avec les Firidolfi, les Lambardi della Gerda et surtout avec les moines de Coltibuono.
124Signes de distinction : forte association à quelques localités.
125Activités : forgerons, prêteurs sur gage.
126Trajectoire : parentèle difficile à suivre passée la moitié du XIIe siècle (très proche de ce point de vue et de celui de la localisation des Lambardi dela Gerda auxquels ils pourraient être assimilés).
127Typologie : possessores moyens ne passant pas le seuil de l’aristocratie des domini castelli.
128Documentation : Diplomatico, Coltibuono, 1019/06 (0299, RC 16), 1043/05 (0685, RC 35), 1051/02/27 (0817, RC 42), 1059/07 (0956, RC 49), 1064/03/07 (1070, RC 52, le 4 mars 1060/61), 1065/02 (1097, RC 61, en 1066), 1066/08 ( 1147, RC 64), 1071/11 (1324, RC 77), 1074/02 (1445, RC 86), 1074/03 (1450, RC 87), 1074/03 ( 1449, RC 88), 1078/07 (1658, RC 112), 1078/09 (1672, RC 114), 1082/09/02 (1857, RC 135), 1082/02 (1833, RC 137, en 1083), 1082/09/02 (1857, RC 135), 1082/03 (1833, RC 139 en 1084), 1084/04/26 (1970, RC 148), 1084/01/08 (1912, RC 151, en 1085), 1084/01/20 (1914, RC 152, en 1085), 1084/01/29 (1917, RC 153, en 1085), 1084/01/29 (1918, RC 154, en 1085), 1084/01/08 (1912, RC 151, en 1085), 1084/01/29 (1917, RC 153, en 1085), 1084/03/20 (1956, RC 155, en 1085), 1084/03 (1969, RC 157, en 1085), 1085/04/30 (2070, RC 162), 1086/08/10 (2205, RC 175), 1090 (2404, RC 188), 1096 (2669, RC 205), 1100/09/13 (2859, RC 221), 1101/06/23 (2951, RC 223), 1102/05/08 (3000, RC 238), 1104/12/28 (3107, RC 245), 1106/02/21 (3154, RC 250, en 1107), 1109/09/12 (3268, RC 259), 1112/11 (3404, RC 276), 1118/04 (3616, RC 295), 1118/05/17 (3621, RC 296), 1140/12 (4536, RC 385), 1145/10 (4743, RC 396) ; RC 233, archives privées, le 13 février 1102 (ie 1103), 1107/08/15 (3197, RC 254), 1118/06 (3628, RC 298), 111... (3697, RC 306), 1123/03 (3797, RC 314, 1123 ou 1124).
13. Les fils de Forte et les fils de Barfalo da Montaio : dépendants des abbayes et notables villageois (XIIIe siècle)
129Nom : pas de nom pour ces deux petites parentèles centrées autour de différents foyers et associés au castello de Montaio.
130Patrimoine : un ensemble de terre tenues en livello ou en propriété dans les territoires des castelli de Montaio et Cavriglia (pour les Forte da Montaio).
131Relations : la parentèle de Forte da Montaio est en relation avec les hommes de Montaio et participe probablement à la vie de la commune rurale ; elle est en outre en bonnes relations avec les deux institutions religieuses locales de Cavriglia et de Coltibuono.
132Signes de distinction : rien de particulier.
133Activités : rentier, intermédiaire, usurier, très probablement, et d’autres activités inconnues.
134Trajectoire : parentèle qui maintient une place éminente au sein de la collectivité des homines de Montaio.
135Typologie : grands tenanciers, anciens coloni en voie d’émancipation.
Les fils de Forte da Montaio
136Dans le petit castello de Montaio, dans l’actuelle commune de Cavriglia, l’individu que les documents du XIIIe siècle font ressortir avec le plus d’évidence est Gianni di Forte da Montaio, attesté à plusieurs reprises entre 1236 et 1274. D’un point de vue documentaire, Gianni di Forte est notable, la question est de savoir si lui et sa parentèle appartenaient à un milieu que l’on pourrait qualifier de notables. On parle de parentèle, mais c’est ici essentiellement autour de l’activité de Gianni di Forte qu’a été conçu ce petit dossier152. Pour des raisons qui apparaîtront au cours de l’exposé, il s’est avéré nécessaire d’adjoindre à l’étude des descendants de Forte de Montaio, les informations permettant de situer socialement les descendants d’un autre individu : Barfalo de Montaio. Sans être très impressionnantes, les généalogies qu’on peut ainsi recomposer donnent à observer des petites parentèles pour lesquelles les solidarités villageoises paraissent avoir eu autant d’importance que les solidarités du sang.
137Sur le premier de ces individus, Forte, le père de Gianni, on sait en somme peu de choses. En 1227, dans le cadre d’une transaction faite à l’occasion d’un mariage, on trouvait en tête des témoins de Montaio, le père de Gianni, un certain Forte Bucanchi153. Le nom de Forte figurait de même dans une liste d’individus tenus de payer la dîme à l’abbaye de Coltibuono154. Ces deux éléments cadrent bien avec ce qu’on sait, du reste, de Gianni di Forte et du fils de ce dernier : des figures pleinement ancrées dans la vie et la communauté de Montaio. Le dossier documentaire est certes exigu, mais les quelques instrumenta conservés scandent de manière cohérente la progression des affaires d’une parentèle et pourraient correspondre à la récupération, par l’abbaye, d’un petit chartrier privé. L’acte le plus ancien fait apparaître Straccia di Forte sous les habits d’un procurateur155. Un habitant de Montaio le chargeait de sa défense contre deux Florentins qui entendaient se payer directement sur le dépôt d’argent que dernier avait auprès de Jacopo di Donato di Fronte. L’acte est en soi intéressant dans la mesure où il illustre, assez brutalement, les relations d’affaire qui pouvaient unir, dès les années 1230, un habitant de Montaio, l’un des castelli les plus éloignés de la ville, aux milieux d’affaires florentin. Il renseigne en même temps sur la confiance et les compétences qu’on prêtait à Straccia, capable de défendre la cause d’un habitant du castello face à un tribunal florentin156. Le reste de la documentation apporte davantage d’informations sur les affaires conduites personnellement par Gianni di Forte. Dans les années 1240, on le voit ainsi racheter sa tenure à Branduccio dela Casciaia di Ardimanno, son ancien propriétaire157. Pour acheter une terre qu’il tenait contre un service annuel de sept sous en deniers de Pise, Gianni di Forte avait accepté de débourser huit livres, ce qui représentait plus de vingt ans de ce loyer, mais demeurait dans les prix qu’on observait à la même époque pour l’achat d’une parcelle158. Quelques années plus tard, il achetait à l’abbesse Scolastica une maison située sur la place du bourg de Cavriglia159. Un achat qui s’était fait à crédit et avait été composé, par le notaire Tedesco, sur le modèle de la reconnaissance de dette. On avait donc confiance dans la capacité de remboursement de Gianni ; la cancellation de l’acte signale, du reste, sa capacité effective à s’acquitter de ce versement160. En 1260, Gianni di Forte fit deux achats fonciers importants. Il acquit une parcelle de terre sur le mont de Linari auprès de Riccardo di Casale da Montaio pour vingt-cinq petits florins161 et se fit céder une nouvelle maison sur la place de Cavriglia, pour quatre livres162. Les archives ne font guère ressortir la violence qui pouvait s’abattre sur un petit coin de campagne en apparence aussi calme que Montaio, quelques documents viennent toutefois rappeler l’omniprésence d’une réalité que l’on ne connait souvent que par la chronique163. Captif à Sienne, peut-être à l’issue de la défaite de Montaperti, le notaire Tedesco di Ranuccino da Montaio (1237-1260)164 avait fait appel à Gianni di Forte, homme de confiance de Montaio, en lui cédant, pour dix-neuf livres, le crédit qu’il avait sur deux individus du même castello dans l’espoir probable de payer une rançon165. Le rachat d’un crédit était fréquent, mais supposait ici, de la part de Gianni di Forte, une importante disponibilité en numéraire166. La présence fortuite d’événements guerriers au milieu de la documentation laissée par Gianni di Forte rappelle l’importance que continuait de jouer la guerre dans la vie et peut-être dans l’identité de la communauté de Montaio, évoquant une face cachée de ces petits hommes d’affaire.
138Les circonstances des derniers actes faisant apparaître Gianni di Forte sont toutefois plus apaisées. Il agissait d’abord dans le cadre des institutions communales, versant au camérier de la commune de Montaio, un loyer de quinze setiers pour l’exploitation d’un podere167. Mais ce sont les mariages de ses deux enfants qui révèlent le mieux la stature atteinte à la fin des années 1260 par ce petit personnage et sa parentèle. Son fils, Nuto épousa ainsi une certaine domina Berta, fille de Bosco di Barfalo da Montaio, membre d’une parentèle au statut incertain, mais assez riche pour apporter une dot de trente-six livres en florins168. Le titre de domina n’a rien de très significatif au XIIIe siècle, dans la mesure où il qualifie toutes les épouses que la documentation fait apparaître. Après le fils, c’était sa fille que Gianni avait songé à marier. Rinaldesca, apporta à son mari une dot qui, pour être moins importante, n’en restait pas moins très honnête, elle apportait vingt-sept livres et recevait un douaire de treize livres169. Ici encore, l’union se faisait avec un homme du cru, un certain Gialdo d’une parentèle de Montaio170. Si le mariage avait été scellé dans le bourg voisin de Cavriglia, petite agglomération dominée par l’abbaye féminine et où s’était installé Gianni di Forte, il s’était fait en présence du prêtre de Montaio, qui avait fait quelques centaines de mètres pour l’occasion. Ces mariages furent de nouvelles occasions d’arrondir le patrimoine familial. Nuto, le fils de Gianni, qui était désormais émancipé de la tutelle paternelle put agir de son propre chef pour racheter à son beau-père, Bosco di Barfalo, l’ensemble des possessions qu’il avait à Montaio pour vingt-cinq livres171. Gianni di Forte continuait à agir de son côté, en achetant une terre du castello de Montaio pour la coquette somme de douze livres172. Mais il n’en préparait pas moins sa succession. En 1275, Gianni di Forte et son épouse Mercatella, dont c’est la première et dernière attestation, vendaient à Accurso et à leur fils Nuto un ensemble de biens situés à Montaio173. Les connaissances sur Nuto sont assez limitées. Dans les années qui suivent, on voit un Nuto di Gianni évoluer dans un milieu plus institutionnel. En 1285, il était présent à Fiesole, comme témoin d’un procès présidé par l’archiprêtre, pour juger de l’affaire qui avait conduit à l’excommunication d’un homme de la paroisse174. En 1306, ce même Nuto était élu recteur par l’ensemble des chefs de parentèle du castello, en l’église de San Silvestro, et en présence du prêtre local175. L’identification de ce Nuto di Gianni avec le fils de Gianni di Forte est probable, mais ne peut être tenue pour certaine. Ce document semble être le dernier à informer sur la parentèle.
Les descendants de Barfalo : notables villageois ou dépendants de l’abbaye ?
139La parentèle qu’on identifie au XIIIe siècle comme celle des descendants de Barfalo était constituée de très anciens habitants du castello de Montaio. L’un des premiers actes à mentionner le village dans les documents de l’abbaye de Coltibuono est une charte de donation émanant d’un certain Barfalo di Ranieri qui offrait à sa future épouse Teberga di Gerardo le quart des biens qu’il avait en morgincap et selon la loi des Lombards. L’acte était daté de 1139, à Montaio et situe dans un environnement qu’on se représente volontiers aristocratique176. Le contraste est évident avec ce qu’on sait des « Barfalo » que font connaître les documents du XIIIe siècle. En 1227, un certain Barfalo figurait aux côtés de Forte di Bucanco, parmi les témoins d’une pacification entre deux individus177. Pour être éloignées les unes des autres, les occurrences de ces Barfalo, si elles ne renvoient certainement pas à un même individu semblent bien renvoyer à une même fonction à l’intérieur d’un castello qui semble avoir souvent servi de lieu de pacification. Si l’on se place maintenant au milieu du XIIIe siècle, on découvre une petite parentèle que l’abbaye de Coltibuono semble avoir cherché à maintenir dans sa dépendance. À en croire les documents de l’abbaye, Barfalo di Tedesco, était un ancien colon de l’abbaye. En 1255, sa veuve, Mingarda, se trouvait à Florence pour traiter quelques affaires178. C’était probablement parce qu’ils se souciaient des conséquences d’un éventuel remariage et qu’ils craignaient de voir s’échapper une partie de leur patrimoine que les administrateurs de l’abbaye de Coltibuono, ou l’abbé lui-même, avaient alors cherché à rappeler aux descendants de Barfalo les liens qui les unissaient au monastère. On sait en effet, par une copie du XVIIIe siècle, qu’on avait fouillé dans les archives de l’abbaye et dans les parchemins ou les registres du notaire Bonaparte di Ammonito pour soutenir les prétentions de l’abbaye179. Un certain Barfolo avait acheté une terre de nature servile, in accam contentam, à un dénommé Incontro. Barfolo était alors devenu l’homme et le colon du monastère, comme en attestait un instrument du notaire. Il avait laissé un fils, Tedesco, et une veuve, Mingarda, qui s’étaient donnés à l’abbaye de Coltibuono. Pour toutes ces raisons, la terre devait revenir à l’abbaye, de même que la dot de Mingarda.
140On peut faire l’hypothèse que Bosco, père de cette Berta qu’avait épousée Gianni di Forte, et son frère Arriguccio étaient eux aussi les fils de ce même Barfalo. Le prénom n’est pas si commun et on s’expliquerait ainsi l’attention constante des moines pour le patrimoine de cette parentèle. La décision que prit quelques années plus tard Arriguccio di Barfalo de se faire convers, par un acte qui ressemble davantage à un contrat d’embauche qu’à un acte de conversion à la vie d’un presque-moine, pourrait correspondre aux fonctions traditionnelles de certains membres de cette parentèle180. Le fait que Nuto di Gianni ait acheté, la même année, l’ensemble des biens possédés par Bosco di Barfalo, son beau-père, est toutefois assez surprenant et laisse supposer quelques difficultés181.
Notes de bas de page
1 Bourdieu 1980, p. 279.
2 Guerreau 1980, p. 184-191 ; Guerreau-Jalabert 1989.
3 Les dates indiquées doivent être entendues comme les extrêmes dans l’occurrence d’un individu. De même, le signe « † » doit être lu comme correspondant à un quondam ou olim, la date indiquée correspondant à la première mention du décès d’un individu, qui peut fort bien être décédé plusieurs années avant la date indiquée. Les filiations incertaines ont été indiquées avec des traits discontinus et les unions matrimoniales sont symbolisées par le signe « ∞ »
4 La Roncière 1998.
5 Diplomatico, Coltibuono, 110. (3278, RC 261).
6 Si cet ascendant était décédé, on le précisait par un quondam ou plus rarement bene memorie que l’on rend parfois en français, « fils de feu… ». Plus tard, on utilise fréquemment olim en lieu et place de quondam.
7 Faini 2009.
8 Cortese 2007.
9 Termes plus fréquents que vidua ce qui rend les remariages difficiles à repérer.
10 La préposition latine de introduisant le nom d’une parentèle (pas toujours déclinée dans ce qui serait l’ablatif du latin classique). Ainsi rendra-t-on en italien Nerecto olim Guidi, Aspectato olim Bencivenni, Brendolino olim Brendoli, Grecto olim Junte, et Gratia olim Guillielmi omnes de Ricasoli par « Neretto di Guido, Aspettato di Bencivenni, Brendolino di Brendolo, Gretto di Giunta e Grazia di Guglielmo dei/de' Ricasoli », voir CRSGF, 224.237, n° 590, p. 193-195, 590, le 29 septembre 1222.
11 Dans un registre notarial de la fin du XIIIe siècle, les noms des témoins Neri Johannes, Ghano Ridolfi, et Perlo Corsi populi Sancti Christofori in Perticaria seront rendus en mêlant la dénomination italienne et le français en disant Neri di Giovanni, Ghano di Ridolfo et Perlo di Corso de la paroisse (ou popolo) de San Cristoforo in Perticaia, voir NA, 10896, f. 35v°, enregistrement du 31 août 1295.
12 NA, 10896, f. 26v° et passim : Corso Malaccho olim Gianni populi Sancti Andree de Candegghie.
13 Diplomatico, Coltibuono, 1127/04 (3962, RC 329).
14 Ibid., Vallombrosa, 1145/08 (4736).
15 Sur trente ans, entre 1131 et 1160, une période durant laquelle les échanges monnayés sont généralement calculés par rapport à la monnaie de Lucques, les 56 actes conservés dans le fonds de Coltibuono qui informent sur des transactions monnayées permettent d’établir une moyenne à 1 livre et 3 sous en monnaie de Lucques par transaction. Avec plus de la moitié des actes portant sur des transactions inférieures à une livre.
16 Diplomatico, Coltibuono, 1156 (5247, RC 442), l’acte semble correspondre à une expédition tardive d’un document par un notaire travaillant sur la notice informe faite par un de ses collègues. On s’expliquerait ainsi les récriminations qu’il adressait, au verso, aux notaires qui effectuaient leur travail avec trop de désinvolture.
17 Diplomatico, S. Trinita, 1148/04 (4887, RC 406 et 489) : on a fait figurer sur le parchemin un acte daté de 1175 et lié au précédent. Les fils et les petits-fils de Giallo di Rosso sont souvent mentionnés dans les documents relatifs au castellare de Marciana entre 1125 et 1152.
18 On se réfère ici au fonds de Coltibuono dans la mesure où c’est là qu’on trouve le plus d’actes concernant le territoire de Marciano. Pour les transactions, comparables, voir Diplomatico, Coltibuono, , 1148/04 (4887, RC 406 et 489), 1156 (5247, RC 442), 1157/03/10 (5256, RC 445), 1157/08/06 (5274, RC 443), 1185/03/15 (6450, RC 507, en 1186)
19 La documentation du XIIe siècle atteste certes de la richesse de cette parentèle, mais fait figurer ses représentants dans une position généralement subordonnée. On peut se demander si le document cité plus haut – Diplomatico, S. Trinita, 1148/04 (4887, RC 406 et 489) – n’équivalait pas, en réalité la quittance d’une dette, contractée par l’abbaye auprès de Bruscolo di Guido Bittoli et de sa parentèle, ou, autre solution qui modifierait considérablement l’interprétation, par la parentèle elle-même contrainte de céder la terre pour une somme qu’elle avait déjà reçue.
20 Diplomatico, Coltibuono, 1159/02/06 (5331, RC 452).
21 Ibid., 1136/07/03 (4330, RC 362, en réalité en 1166).
22 Ibid., 1185/03/15 (6450, RC 507, en 1186), il manque le rogatus mais l’acte peut être attribué à Rustichello, notaire ayant laissé quelques documents dépourvus des signes de validation.
23 Diplomatico, Vallombrosa, 1171/12/27 (5764), 1193/06 (6947), pour Compiobbi, localité située sur la rive droite de l’Arno, au Nord-Ouest de Volognano et à quelques kilomètres de Florence, voir Strà 1982, n° 36, mars 1140, acte du notaire Rustichello.
24 CRSGF, 224.237, n° 552, p. 120-123, le 16 janvier 1206 (1207 de notre calendrier).
25 Repetti 1833, vol. 1, p. 93, vol. 2, p. 69-70, « Antica, Entica, Jentica, Ajentica, Aientica, Lantica, Lajantica, Laiantica »,
26 CRSGF, 224.237, p. 126-128, n° 554, le 8 avril 1208, Bonafide et Bencivenni di Malcristiano étaient les premiers témoins cités de l’achat fait par Giovanni, convers et massarius de Marciano.
27 Diplomatico, Vallombrosa, 1217/09/19 (9239), Rinaldo et Ricovero di Bernardo dei Cavalossi de San Donato vendaient à un certain Guidalotto di Ildibrandino della Campese, une parcelle située dans la plaine de Rignano, pour 43 livres en deniers de Pise. Quelques jours plus tard, Bencivenni di Malcristiano promettait à Guidalotto de se porter garant de cette vente et de défendre ses droits en cas de conflit avec un certain Boninsegna di Alamanno.
28 Ibid., 1217/09/03 (9241).
29 Ibid., Coltibuono, 1219/09/07 (9458), le règlement s’était tenu à Florence, dans l’Oltrarno, en l’église de Santa Maria Maddalena, à distinguer de l’église de Santa Maria Maddalena dei Pazzi, voir Davidsohn 1956, p. 1243, n. 46.
30 Diplomatico, Coltibuono, 1219/09/07 (9458).
31 Diplomatico, Vallombrosa, 1219/11/04 (9473), 1219/11/20 (9482) : les deux actes avaient quelque chose d’assez solennel et les Ubertini étaient massivement présents, offrant, à ces deux occasions, un beau tableau de parentèle. Guido di Ubertino agissait en présence de ses trois fils, Ubertino, Tribaldo et Ranieri, avec l’accord de leurs épouses respectives, Contelda, Gisla, Forestana, Contessa. Bernardo di Scolaio avait donné son accord, signe d’une alliance probable entre les Scolari et les Ubertini. Tout ne se jouait pas sur un plan symbolique, le camérier de l’abbaye versant aux Ubertini la somme coquette de 49 livres en deniers de Pise. Relevons enfin le nom du notaire : un dénommé Uberto.
32 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1219/01/31 (9387, en 1220), ce long document avait été produit à la suite d’un arbitrage tenu dans le cloître de l’église de Santo Stefano à Capo de Ponte, à Florence, dans l’Oltrarno, devant le Ponte Vecchio. L’abbé de San Cassiano di Montescalari, le chapelain de l’église de Sant'Angelo dei Tegolaia, le prieur de Santo Stefano a Capo di Ponte, le prieur de l’église plébane de San Miniato a Celle s’étaient mis d’accord sur un compromis. Le chapelain de Sant'Angelo dei Tegolaia aurait droit de se servir encore un mois de l’eau du fleuve, à la suite de quoi il céderait les retenues d’eau à l’abbé de Montescalari qui pourrait utiliser les cailloux de ces retenues d’eau, mais devrait verser 50 livres en deniers de Pise.
33 Diplomatico, Vallombrosa, 1225/12/11 (10270).
34 Ibid., 1221/12/22 (9751), le document illustre la difficulté que l’on a aujourd’hui à saisir la nature de ces affaires de prêt sur gage. La terre était engagée auprès d’un frère convers de l’abbaye de Vallombrosa, mais le prêt était consenti par un intermédiaire, Guido del Sarnese.
35 Diplomatico, Coltibuono, 1236/06/03 (11937), pour éteindre la dette, le moine devait souscrire un prêt auprès d’un descendant des Firidolfi, Jacopo di Biliotto di Albertesco.
36 Preuve de l’entente des moines avec Boninsegna di Malcristiano, ce dernier figurait comme témoin, d’une procédure d’arbitrage entre les moines de Coltibuono et Orlando di Unganello qui réclamait d’être payé de certaines sommes par l’hôpital de Memugnano, ibid., 1236/09/30 (12011).
37 CRSGF, 224.237, p. 198-200, n° 592, le 9 mars 1224 (en 1225 de notre calendrier), Boninsegna était témoin de la vente consentie par les fils de Liccese au massarius de San Niccolò di Marciano. Diplomatico, Vallombrosa, 1236/10/20 (12019), il s’agissait cette fois d’un conflit entre Vallombrosa et un certain Ugo di Rinaldo, avec comme arbitre Benincasa di Balsamo. Boninsegna di Malcristiano était plus en retrait, se contentant d’assister au règlement comme simple témoin.
38 Paoli 1889, p. 36, le 28 février 1260 (style moderne), Jacopus quondam Boninsegne Malcristiani populi Sancte Mario Soprarno, sextus Ultrarni : capitaneus electus Communis de Pontormo per Capitaneos exercitus dicto die , pro servitiis exercitus melius faciendis.
39 Pontorme, village de naissance du Pontormo se trouve dans le long de l’Arno, sur la rive gauche, et fait désormais partie de l’agglomération et de la commune d’Empoli.
40 Wickham 1996.
41 Cortese 2007, p. 303, table 5/1 ; Cortese 2008.
42 Diplomatico, Vallombrosa, 1171/03/04 (5738, en 1172), 1171/03/04 (5739, en 1172), 1184 (6443, date hypothétique), 1187/12/06 (6615), 1195/05/20 (7102), 1195/05/20 (7103), 1200/09/03 (7469), 1201 (7635), 1202/09 (7717), 1214/11/14 (8921), 1217/07/24 (9227).
43 Ibid., 1160/10 (5417), on pourrait rattacher ces deux individus à de nombreuses autres parentèles, mais l’acte n’offre guère de prise concrète pour situer précisément ces personnages.
44 Ibid., 1184 (6443, date hypothétique). Ces liens, en l’état de la documentation, demeurent à l’état d’hypothèse, mais sont très probables. On sait qu’Albertinello da Grassina évoluait entre Pelago et Ristonchi, en 1188, il était présent sur le marché de ce castello. Son père portait le nom assez insolite de Frugerio. On sait en outre, et c’est l’argument central, que les filii Liccesis et les descendants d’Albertinello da Grassina se partageaient une partie des propriétés sur la villa de Grassina. En 1210, le fils de Liccese et le fils d’Albertinello da Grassina, tous deux nommés Orlando, se trouvaient ensemble à Ristonchi, dans la demeure de Liccese, pour conclure la location de terres situées autour de Grassina. L’acte semble avoir été l’occasion d’une petite réunion de parentèle. À la fin de sa vie, une des filles de Liccese, Giuliana, vivait dans la villa de Grassina. voir ibid., 1188/05/07 (6651), 1210/12 (8488), 1229/05/21 (10801).
45 Ibid., 1229/05/21 (10801). La villa de Grassina qu’on trouve dans les actes de l’abbaye de Vallombrosa doit probablement être identifiée avec le lieu-dit situé immédiatement à proximité du bourg actuel de Pelago et non pas avec un lieu-dit du même nom situé dans la commune de Bagno a Ripoli et qu’E. Repetti décrivait à tort comme un castello en s’appuyant sur un document le décrivant comme une villa, voir Repetti 1833, vol. 2, p. 502.
46 Repetti 1833, vol. 2, p. 670, « Leccio, Casa Castello (a SE) », Diplomatico, Vallombrosa,1157/02/21 (5253, en 1158), 1169/10/26 (5675).
47 Diplomatico, Coltibuono, 1176/02 (5975, RC 492, en 1177), 1187/12/30 (6621, RC 509).
48 Diplomatico, Vallombrosa, 1171/03/04 (5738, en 1172), 1171/03/04 (5739, en 1172).
49 Sur ce point, voir Wickham 2001, p. 251, n. 50.
50 Diplomatico, Vallombrosa, 1157/02/21 (5253, en 1158).
51 Ibid., 1169/10/26 (5675), 1170/02/27 (5696, en 1171), 1191/12 (6848).
52 Un lieu-dit Lucignano (podere Lucignano) se trouve aujourd’hui dans la commune de Pelago, à l’Est de l’ancien castello de Diacceto ; le nom pourrait davantage correspondre que celui de Lucignano dans le Chianti et plus encore que le village plus connu de la Val d’Arbia, ibid., 1184 (6443, date hypothétique).
53 Ibid., 1187/12/06 (6615).
54 Ibid., 1195/05/20 (7103), cet acte et le précédent sont précieux dans notre connaissance de la parentèle car ils font connaître l’épouse de Liccese, Berta, et ses nombreux fils avec leurs épouses respectives. Ils illustrent aussi la proximité qu’entretenaient les Liccesi avec la population locale. Autre transaction concernant les terres de Ristonchi, Ibid.,1202/09 (7717).
55 Ibid., 1200/09/03 (7469).
56 Ibid., 1201 (7635), présence de Liccese di Orlandino parmi les témoins d’un échange entre la Vallombreuse et l’abbaye de Tagliafuni.
57 Ibid., 1214/11/14 (8921).
58 Ibid., 1217/01/11 (9154, 1218), Liccese était décédé et l’action était dirigée par trois de ses fils, Orlandino, Guicciardo et Romolo, agissant avec Uberto le fils d’Uberto.
59 Ibid., 1221/04/13 (9664).
60 Ibid., 1229/05/21 (10801).
61 Ibid., 1233/05/08 (11363), 1236/03/02 (11879), 1236/07/02 (11945 et 00011946) ; CRSGF, 224.237, n° 592, p. 198-200, acte du 09 mars 1224 (1225 en style moderne), autrefois dans le fonds de l’abbaye de Coltibuono.
62 Diplomatico, Vallombrosa, 1224/01/23 (9999, en 1225), dans les confronts, 1233/05/08 (11363), les filii Liccesis vendaient une parcelle située à Rignano et entourée sur tous les côtés par la propriété de l’abbaye.
63 Ibid., 1229/05/21 (10801).
64 Ibid., 1234/11/24 (11615), les tenanciers qu’il contrôlait comme colons étaient Jacopo di Ciardo de Ristonchi, Berta et Mercatella di Villano de Ristonchi, Brunetto, le mari de cette dernière, Testa et Guineldo di Conio, Ristonchi di Graziano, Piero et Leggero di Ruffolo de Certine, Bonacorso di Benincasa de Certine, Rigolo, gendre d’Ugolino di Gianni di Ranieri, Ammanato son fils, Ubertino di Bonsignore et Bonaiuto. Le premier de ces colons était enregistré comme témoin de la transaction.
65 Le toponyme Melosa correspond aujourd’hui à deux lieux-dits. Il y a dans la commune de Reggello, un hameau appelé Pian di Melosa, et le sommet de Melosa se trouve sur l’autre rive du Vicano, au Nord, dans la commune de Pelago. La proximité du premier lieu-dit avec le castello de Magnale, dans la zone d’influence de l’abbaye conduit à privilégier l’identification avec ce premier site. Dans tous les cas, les toponymes ne sont pas éloignés par plus de deux kilomètres et le nom aurait fort bien pu s’appliquer, comme cela arrivait souvent, à un territoire situé en amont du torrent du Vicano, vers le sommet, correspondant aux deux rives de ce petit affluent de l’Arno.
66 Ibid., 1137/07 (4396), on trouvait, dans les confronts, un certain Albertino de Melosa et l’un des témoins se nommait Albertino di Alberto. La vente se faisait très vraisemblablement entre des possessores locaux que rien ne rattachait ostensiblement aux grandes parentèles du contado.
67 Ibid., 1134/11/08 (4277, 4276), 1142/04/24 (4606).
68 On voit des représentants de ces deux groupes agir ensemble en juillet 1153, ibid., 1153/07 (5102).
69 Ibid., 1167/01/23 (5577, en 1168). Les autres tenanciers avaient été contraints d’engager une terre délimitée précisément. On trouve là une bonne indication de ce que les notaires pouvaient indiquer comme un cultus : une terre plutôt vaste et qui n’était pas soumise à la parcellarisation et l’appropriation individuelle qu’on trouvait dans le reste du finage.
70 Ibid., 1189/04/24 (6709), 1191/09/18 (6828), 1192/06/15 (6879), 1213/12/08 (8820). Sur Rustichino, cité dans l’acte de 1191, on ne sait pas grand-chose, un autre Rustichino, souvent cité comme témoin, mais sans qu’on précise son ascendant pourrait aussi bien être notre individu qu’un autre, tout aussi actif, surnommé Rustichino dalla Riva, de Ripa.
71 Ibid., 1192/06/15 (6879), 1213/12/08 (8820).
72 Ibid., 1192/06/15 (6879), l’acte précisait que la terre cédée venait de Guglielmino di Orlando et venait de l’héritage de Lucarello. Ces terres appartenaient à cette date à Bonaiuto et Berta d’une part, et à Giannico Tricco et son épouse Cascitta d’autre part. Sans doute cette dernière était-elle la sœur de Berta.
73 Ibid., Bonaiuto renonçait ainsi à la pension de deux pains et deux poules que lui devait annuellement Gianni Malegusta da Chiusura, au quart de poule (ou une poule à offrir tous les quatre ans) que lui devait le fils de Mancone da Caticciano, une pension d’un denier et le quart, ici encore, d’une corvée de bœufs.
74 Diplomatico, Vallombrosa, 1213/12/08 (8820).
75 Ibid., 1220/09/06 (9563) : Guglielmino da Magnale de feu Bonaiuto, donnait au massarius de Magnale, le convers Benincasa, la pension qu’il recevait de Mancone dal Trebbio dans la villa de Caticciano, à savoir une poule à Noël, un pension de deux deniers et demi ou d’un denier, la moitié d’un poulet à remettre au quinze août, la moitié d’une corvée de bœufs et le droit de gîte, albergaria, pour une personne. Il recevait en échange un casolare et une aire dans la villa de Melosa ; autres cas semblable, ibid., 1236/07/07 (11948), 1243/06/15 (13045), 1247/05/19 (13850).
76 Ibid., 1215/06/28 (8988), 1236/07/02 (11945), 1236/07/02 (11946).
77 Ibid., 1224/02/04 (10010, en 1225).
78 Ibid., 1230/11/03 (10986).
79 Ibid., 1243/06/15 (13045), Ammanato di Guglielmino di Bonaiuto cité comme témoin.
80 Ibid., 1247/05/19 (13850), Guglielmino di Bonaiuto cité dans les confronts, dans le dernier acte, le faber Martino di Gagliardo de Magnale faisait d’Ammanato di Guglielmino le garant de son testament.
81 CRSGF, 260.121, fol. 55 v°-56 v° le 7 février 1273 (style florentin) le nom un peu insolite de Pruova est très commun dans le castello de Ristonchi où l’on en compte trois dans les années 1240-1270. Pour les autres serments, dans l’ordre chronologique, ibid, fol. 110 v°, 94 v°, 56 v°-57 v°, 55 r°-v°. Dans ce dernier serment apparaissait le nom de Niccoleto dont on ignore presque tout, mais qui pourrait être Arringhiere désigné sous son nom de baptême.
82 Ibid., fol. 104 r°, on le payait 52 sous en petits florins, cité en confronts, ibid., fol. 103v° et 104r°, en 1275 (style moderne).
83 Ibid., fol. 93 r°, en 1262 (style moderne).
84 Ibid., fol. 103 r°, en 1275 (style moderne).
85 Ibid., fol. 103 r°, Ammanato, fol. 104r°, témoin, Pruova, , fol. 96 v°, 98 r°, 99 v°, 110 v°.
86 Ibid., fol. 105 r°, le 26 octobre 1275, Diotaiuti di Somma da Caticciano vendait à Ammanato, convers de l’abbaye, deux parcelles pour le prix de quatre livres en petits florins.
87 Diplomatico, Vallombrosa, 1167/01/23 (5577, en 1168).
88 Wickham 2000.
89 Diplomatico, Vallombrosa, 1167/01/23 (5577, en 1168).
90 Ibid., 1184/01 (6390).
91 Ibid., 1191/09/18 (6828).
92 Ibid., 1200/03 (7448).
93 Ibid., 1200/12/11 (7481).
94 Brancoli Busdraghi 1996 ; Lefeuvre 2018.
95 Diplomatico, Vallombrosa, 1213/06/06 (8763), 1213/06/06 (8763), Bonaccorso et Rimbaldo di Rustichino da Ripa, Ardimanno di Baldovino da Campi, Ugolino di Manfreduccio, Bernardo di Ranuccino, ainsi que Benvenuto di Bencivenne, Alberto di Griffolo et sa sœur Magnalese, Data épouse de Benvenuto et Gemma l’épouse d’Alberto, tous ensemble, cédaient à Martino di Gianni Palmieri un jardin situé sous dans le bourg dépendant du castello de Magnale pour le prix de 44 sous en deniers de Pise (23 sous pour un groupe et 21 pour l’autre) en présence du massarius de Palco, le frère convers Benincasa.
96 Ibid., 1209/11/06 (8369), ce parchemin porte trois actes, Orlandino di Cacciaguerra n’apparaît comme témoin que dans le dernier de ces actes, une vente de janvier 1214 (1215 en style moderne). Les actes qu’on avait retranscrit sur cette même peau avaient en commun d’émaner de représentants des filii Griffi de Magnale. Un seul de ces individus, Giovanni di Griffolo, avait droit au titre de dominus, les autres étaient mentionnés simplement par leur nom et celui de leur père. Cet ensemble documentaire renseignait les administrateurs de l’abbaye sur la récupération des droits autrefois exercés par la fratrie sur un tenancier et son exploitation : Perino di Gianni.
97 Ibid., 1219/03/10 (9404, en 1220), voir Santini 1895, p. 297-298, n° VI.
98 Ainsi on trouvait, parmi les colons déclarés de l’abbaye, un certain Galliardo di Martino fabbro, descendant très certainement du faber Martino cité dans un acte de 1167. Les noms qu’on retrouve dans ce document – Galliardo di Martino fabbro, Ughiccione di Ildibrandino da Tremolito, Bencivenne di Bonaccino da Palaja, Nomaio di Losco, Martino di Granno Palmieri, Orlandino di Cacciaguerra et, Benintende di Gianni Birci – correspondent d’ailleurs à ceux d’individus très souvent cités dans les actes légués par l’abbaye de Vallombrosa dans ces mêmes années.
99 Day 2000, p. 106, n.173.
100 Francesconi 2005, p. 244-246.
101 Diplomatico, Vallombrosa, 1214/11/14 (8921), il s’agit, ici encore, d’un parchemin portant un ensemble de quatre actes. Tous ces actes avaient en commun de résulter d’une politique consciente visant à obtenir la rétrocession, la vente ou la donation de terres par la population du castello de Magnale, pour Orlandino di Cacciaguerra, déclaré emancipatus et son épouse, on lit que ces derniers cédaient omnes terras, vineas, casas et vineas (sic) et possessiones et silvas et res omnes mobiles quas habemus et reliquam.
102 Ibid., 1227/04/26 (10480), parmi les biens cédés, ceux qui classaient le plus le vendeur étaient les pensions coutumières que lui devaient Guglielmo da Rosso et Ricovero di Rampa da Caticciano (deux coqs et un denier par an) et Gottolo da Favale (une poule et deux ou trois deniers par an, à la veille de Noël). Il fut payé douze livres en deniers de Pise et reçut en outre deux fromages.
103 Ibid., 1235/12/30 (11837), 1241/08/25 (12765)
104 Ibid., 1247/04/02 (13822), Galliardo descendait du faber Martino, bien attesté dans les documents du XIIe siècle et appartenant exactement au même milieu que Cacciaguerra.
105 Pour l’identification de ce Ruggero di Orlandino di Cacciaguerra voir ibid., 1270/11/15 (18164).
106 CRSGF, 260.126, fol. 60ro-61ro, serment de fidélité des hommes de Magnale, présence de Ruggero di Orlandino et de son fils Tuccio parmi les fideles de l’abbé, le 22 février 1273 (1274 style moderne), fol. 68ro-69ro, serment de fidélité des hommes de Magnale, présence de Ruggero et de son frère Donato, fils de feu Orlandino de Magnale parmi les fideles de l’abbaye, le 12 décembre 1262, fol. 106 r°, location du 3 mars 1275 (1276 en style moderne) d’une terre au lieu-dit La Fossa contre un loyer d’une mine de blé chaque année, fol. 110vo, serment de fidélité des hommes de Magnale, présence de Ruggero di Orlandino parmi les homines de la paroisse de San Niccolò, le 15 août 1253.
107 Diplomatico, Vallombrosa, 1270/11/15 (18164).
108 Ibid., 1229/11/22 (10867).
109 Ibid., 1239/07/15 (12490),1234/03/11 (11502).
110 Il serait en revanche plus hasardeux d’identifier comme un membre de la parentèle le notaire Bonamico di Cacciaguerra, notaire de Florence résidant dans le popolo de Bertelda, authentifiant quelques documents conservés par l’abbaye de Vallombrosa, et attesté à plusieurs reprises dans le Libro de Montaperti, comme participant aux délibérations, comme fidéjusseur et responsable de l’encadrement des arbalétriers (en 1260). ibid., 1234/12/12 (11627) ; Paoli 1889, p. 14, 30, 193.
111 Appelt – Herkenrath – Koch 1979, p. 461-462, n° 521.
112 Delumeau 1996, vol. 2, p.1069, n.290, p.1081, n.322, généalogie 8 « Ff. Germie et collatéraux, ff. Sardini et Truti ».
113 Sur cette consorteria, voir Lefeuvre 2018.
114 Conti 1965, p. 192-210 ; Wickham 1989.
115 Diplomatico, Coltibuono, 1085/03 (2053, RC 160), Alberto di Ugo, des Firidolfi, achetait à Guglielmo di Azzo et à Imildina di Saraceno, que l’on ne saurait rattacher précisément à aucune parentèle, les biens qu’ils avaient à Ulpi, probable localité du Chianti, pour le prix de 40 sous. On faisait une exception pour la portion de cette terre (le sixième) que tenaient les « fils de Truto ». Ibid., 1095/09/30 (74073, RC 201), Gerardino di Truto figurait parmi les témoins de l’acte solennel par lequel plusieurs membres de la parentèle des Firidolfi, Ranieri di Guido, Guido et Ugo di Alberto, confirmaient l’appartenance de l’oratoire de Coltibuono à la congrégation vallombrosaine et demandaient à être ensevelis auprès du monastère.
116 Ibid., 1123/05 (3804, RC 315).
117 Peut-être Ermellina n’était-elle finalement liée à aucun des deux groupes. Le nom de son père (Guido) et celui d’un des témoins (Ugo di Guido, dit Monaco) font songer aux Firidolfi dont les filii Truti sont par ailleurs proches. On sait que les filii Truti et les filii Sardini sont liés à des parentèles de propriétaires de Prisciano, un castello du Chianti dominé par un groupe difficile à saisir. M. E. Cortese identifie les filii Corbizi comme les principaux seigneurs de ce castello et l’on peut reprendre l’expression de Longobardi de Prisciano, qu’on trouve dans un acte de 1078 pour évoquer ce groupe constitué des filii Corbizi, mais aussi des filii Saraceni et d’autres fratries plus difficiles à identifier. Pour la référence aux Lambardi de Prisciano, Diplomatico, Coltibuono, 1073/09 (1423, RC 84). Prisciano, située dans l’actuelle commune de Gaiole in Chianti, sur le sommet d’une colline où l’on trouve aujourd’hui le lieu-dit Bricciano, est mentionné tardivement comme castello au début du XIIe siècle.
118 L’onomastique de ce groupe est dominée par deux noms : Truto et Gerardo. C’étaient les filii Gherardi qui exploitaient une partie des terres. Ermellina était la fille d’un certain Guido, décédé au moment de cet acte, et c’était un dénommé Guido del Molino qui exploitait la vigne de Camprato. Comme il arrive souvent dans ces cas, le spedalingus qui représentait ici l’abbaye de Coltibuono était un dénommé Gerardo. La simple vogue qu’aurait pu avoir ce prénom ne saurait certainement pas rendre compte de ces multiples coïncidences.
119 Diplomatico, Coltibuono, 1116/09 (3566, RC 291).
120 Ibid., 1111/06/25 (3347, RC 270), 1128/05 (3994, RC 335), 1133/02 (4213, RC 353), 1133/02 (4214 RC 355), 1133/05 (4228, RC 356).
121 Sur les filii Sardini, voir Delumeau 1996, vol. 2, généalogie 8. ; Cortese 2007, p. 316-317, table 7.
122 Pour les premières attestations des filii Truti, voir Diplomatico, Coltibuono, 1085/03 (2053, RC 160), 1095/09/30 (74073, RC 201), 1123/05 (3804, RC 315), 1133/02 (4214, RC 355), 1133/02 (4215, RC 355.
123 Cortese 2007, p. 85, « Infine, le relazioni costituite dai diversi rami dei nepotes Rainerii con la piccola aristocrazia chiantigiana rientravano probabilmente in una logica che mirava al consolidamento del controllo su questo settore del territorio ».
124 Diplomatico, Coltibuono, 1133/05 (4228, RC 356).
125 Ibid., 1090/12/29 (2399, RC 187).
126 Si le munduald, un juge ou le notaire lui-même se devaient de garantir leur bonne foi, les plaçant de facto en position d’infériorité, elles apparaissaient cependant comme auteurs des actes, aux côtés de leurs époux ou de leurs fils et l’on n’omettait pas de mentionner leur ascendant. Par contraste, dans les instrumenta du XIIIe siècle, l’accord des épouses et des femmes était relégué à la fin de l’acte, souvent après la completio du notaire et l’on ignore le plus souvent l’ascendant de ces dernières, désignées par leur seul prénom et celui de leur époux, sur ces questions, voir Faini 2009.
127 Même s’il ne s’agit pas du même niveau social, ni des mêmes époques, on voit, dans la Toscane des XIe et XIIe siècles, et dans les couches inférieures de l’aristocratie, se répéter les évolutions semblables à celles qui avaient conduit à la réorganisation hiérarchique des parentèles dans l’Occident carolingien, voir Le Jan 2001, p. 224-238.
128 Diplomatico, Coltibuono, 1123/05 (3804, RC 315).
129 Ibid., 1133/02 (4214, RC 355), 1133/02 (4213, RC 355).
130 Appelt – Herkenrath – Koch 1979, p. 461-462, n° 521, si l’appartenance de ce Warnellottus à la parentèle semble acquise, il est plus hasardeux de faire de ce Guarnellotto da Tornano le même qu’on voyait agir en 1133 et qui était déjà adulte. Cette identification ne peut toutefois pas être exclue et l’on sait, malgré les guerres, que l’on pouvait couler de beaux jours dans la Toscane des XIIe et XIIIe siècle, l’exemple le plus connu étant celui de l’abbesse de Rosano sull'Arno qui se souvenait, au début du XIIIe siècle, d’événements remontant aux années 1120, voir Passerini 1876.
131 Diplomatico, Vallombrosa, 1191/01/06 (6783, en 1192). L’érudition du XIXe siècle, toujours soucieuse d’identification, a rattaché ces différentes figures aux Ricasoli, en s’appuyant plutôt sur l’idée qu’on se fait du patrimoine de la parentèle et de sa répartition (il en va de même pour les filii Truti et Sardini). Voir Repetti 1833, vol. 4, p. 746-747, « Ricasoli ».
132 Diplomatico, Coltibuono, 1158/02/27 (5294, RC 444), Ruggero Sasso était le fils de Sasso di Rodolfino, attesté à Selvole en 1158.
133 Repetti 1833, vol. 1 et 2, p. 303-304, p. 667-668, « Monteluco della Berardenga, Monte Luco a Lecchi, a Lecchio ».
134 CRSGF, 224.237, n° 541, p. 106-107, le 21 août 1201.
135 Diplomatico, Coltibuono, 119. (7396, RC 537), l’abbaye avait fait établir, à la fin du XIIe siècle, une liste de ses propriétés autour du castello de Tornano et le long du torrent local nommé Massellone.
136 CRSGF, 224.237, n° 545, p. 112-113, le 16 février 1203 (1204 dans notre style).
137 Repetti 1833, vol. 1, p. 377-378, « Cacchiano ».
138 Diplomatico, Vallombrosa, 1191/01/06 (6783, en 1192), 1197/12/31 (7278), 1210/08/11 (8456), 1211/01/03 (8493, en 1212), 1227/11/02 (10582), 1229/04/23 (10791),00012612, 1240/03/28 (12608, en 1241), 1245/12/31 (13570), 1246/04/24 (13652)
139 Santini 1895, p. 114-121, n° 45, le 23 mai 1203, p. 118, aussi édité dans Redon 1994, p. 216-220.
140 Manoscritti, 48, (Bullettone), p. 165, je n’ai pas pu consulter la version la plus ancienne du Bullettone, mais ce régeste réalisé au XIVe siècle est du reste connu depuis longtemps ; on en trouve une version éditée par Lami 1758, vol. 2, p. 729.
141 Manoscritti, 48, (Bullettone), p. 165.
142 Santini 1895, n° XXV, p. 394-395, n° 25, original dans Diplomatico, Vallombrosa, 1229/10/04 (10843), la présence de ces actes dans les archives de Vallombrosa s’explique toutefois par la politique d’acquisition des da Cacchiano dont le chartrier privé a fini par échouer dans les archives de Vallombrosa.
143 Diplomatico, Vallombrosa, 1227/11/02 (10582), les vendeurs étaient Orlando, Pietro, Ranuccino, Crescenzo, Contadino, Beringhieri et Ranieri. Certains d’entre eux sont connus comme fils de Beringhieri, peut-être s’agissait-il de la fratrie au grand complet ou de la fratrie à laquelle s’étaient adjoints d’autres hommes, unis par un éventuel mariage. Le document ne nous dit rien des relations de parenté unissant ces hommes, on suppose en revanche que toute la branche issue de Beringhieri di Tolosano renonçait par cet acte, à l’ensemble de ses droits sur Tornano.
144 Ibid., 1229/04/23 (10791).
145 Ibid., 1245/12/31 (13570).
146 ASS, Diplomatico, S. Agostino di Siena, 1246/08/31, document cité sur la foi du régeste établi par Lisini – Sordini 1908.
147 Diplomatico, Vallombrosa, 1246/04/24 (13652). On peut s’interroger sur la présence à Sienne, des descendants de Mezzolombardo di Mattafellone. En 1243 et 1248, deux documents siennois mentionnaient Uguccione, Mezzolombardo et Ranuccio, fils du juge Mezzolombardo. Ces attestations restent toutefois trop allusives pour qu’on puisse sur cette base tenter la moindre identification, le nom de Mezzolombardo n’étant pas particulièrement rare.
148 Ibid., , 1240/03/28 (12608, en 1241), on peut suppose qu’il s’agissait de cette même Diana, remariée à un certain Bonagrazia di Simonetto et agissant depuis Sienne.
149 Ricasoli, Parte antica, Pergamene, n° 14, le 1er avril 1258, instrumentum venditionis (330x540 mm.), en bon état de conservation.
150 Ibid. : la vente comprenait la moitié d’une maison en indivision de Monteluco a Lecchi, trois parcelles situées dans la même localité, deux parcelles et une vigne situées à Tornano et plusieurs personas avec leurs poderi et leurs loyers (affictum). Il vendait ainsi : Vertine di Bongianni et son loyer annuel de 34 setiers de blé, plus un autre loyer de 3 setiers ; le podere autrefois tenu par Toscanello da Monteluco ; Martino di Conte et le podere autrefois tenu par Zacchino (4 setiers par an) ; les fils de Giovanni di Subitello (18 setiers) ; le podere de Liccese di Riccardo (4 setiers) ; Bencivenne di Anselmino (22 setiers) ; Orlando di Bonagrazia et le podere autrefois tenu par Graziano di Toscanello (8 setiers) ; le podere situé dans le castellare (Monteluco ?) tenu par Soldano (5 setiers) ; le servitium de 2 setiers que devait annuellement une église plébane (non identifiée) ; un podere situé à Argenina (Gaiole in Chianti), tenu par Giovanni di Bosco (1 setier) ; Ugolino da Ama et son podere (1 setier) ; le podere autrefois tenu par Petro di Bonco dans la curia de Tornano dont on demandait 14 setiers de blé pour sept ans ; un autre podere tenu par Piero de Refreno devant 6 setiers de blé en sept ans ; la moitié du sixième de plusieurs poderi de Tornano, le podere autrefois tenu par Ficarello (6 setiers sur 7 ans) ; celui que tenait Guarnieri (6 setiers sur 7 ans) ; celui de Filippo (1 setier sur 7 ans) ; celui de Donato (10 setiers sur 7 ans) ; un podere situé à Cacchiano et tenu par Bernardino di Tosi (5 setiers) ; la moitié du sixième des poderi de la curia de Barbischio hominum et villanorum, le datium dû par Burnaccio di Burnetto et son podere, le loyer et la pension (pensio) de Iacopo et Guido di Spinello ; la moitié du douzième des poderi et des personnes de Benincasa di Casella dans la cour de Stielle, le podere de Guito di Sacco, le podere d’Allegretto, le podere de Gualtieri da Stielle qui devait une pensio de vin, de pain et de citriminus, Ugolino da Riecine et son podere (1 setier).
151 On peut faire l’hypothèse d’une appartenance d’Uguccione, Mezzolombardo et Ranuccio, les fils du juge Mezzolombardo, à la parentèle des seigneurs de Tornano. Ces derniers sont cités comme habitants de la contrada du Valdimontone dans les années 1240 : ASS, Diplomatico, S. Agostino di Siena, 1246/08/31, Diplomatico, Archivio Riformagioni, 1248/08/06. On sait toutefois qu’il existait à Sienne, à la même époque un Mezzolombardo di Squarcia et il faudrait travailler sur les originaux, et non sur les régestes, pour prétendre aller plus loin, ASS, Diplomatico, Spedale di S. Maria della Scala, 1243/06/25.
152 Diplomatico, Coltibuono, 1236/08/22 (11969), 1246/09/02 (13722), 1247/02/25 (13806, en 1248), 1260/06/14 (16419), 1260/11/13 (16482), 1261/02/06 (16515, en 1262), 1268/10/14 (17745), 1270/01/18 (18002, en 1271), 1274/10/02 (19030),
153 CRSGF, 224.237, n° 598, p. 211-214, le 14 février 1226 (1227, en style moderne).
154 Diplomatico, Coltibuono, XIIe siècle (7504, RC 546), la liste doit certainement être datée de l’extrême fin du XIIe siècle ou des premières années du XIIIe siècle.
155 Ibid., 1236/08/22 (11969), ce premier document conforte l’identification de Forte di Bacanco avec le père de Gianni, ce dernier étant désigné comme Gianni di Forte di Bacanco.
156 Il existait un notaire dénommé Straccia, mais celui-ci doit être distingué de notre Staccia di Forte. On ne le connaît que par un seul instrumentum, établi après la mort de ce notaire, sous le podestat ser Danise Crivelli de Milan (1259), date à laquelle Straccia di Forte était encore vivant. voir Diplomatico, Coltibuono, 1257/04/14 (15679), ce notaire était sans doute originaire de Castelnuovo dei Sabbioni, un peu plus au nord dans le Chianti.
157 Diplomatico, Coltibuono, 1246/09/02 (13722), pour l’identification de Branduccio di Ardimanno, dont le nom n’apparaît pas complètement sur ce parchemin, voir ibid., 1256/09/14 (15500) et un autre acte, connu par sa transcription moderne, CRSGF, 224.237, n° 731, p. 514-518. Les informations recueillies sur ce Branduccio di Ardimanno sont maigres, mais suffisent pour savoir qu’il s’agissait d’un grand propriétaire des environs. Il existe un lieu-dit Le Casciaie près de Rietine (Commune de Gaiole in Chianti) qui pourrait correspondre. La parentèle possédait en effet des terres à Meleto, et les autres propriétaires, cités dans les confronts, venaient essentiellement de Rietine et Montegrossi.
158 Diplomatico, Coltibuono, 1253/12/22 (14811), on vendait deux parcelles pour le prix de 5 livres en deniers de Pise. Voir ibid., Vallombrosa, 1244/03/07 (13201), pour le prix de 5 livres et 9 sous, on achetait, dans les mêmes années, une parcelle sur les pentes du Pratomagno.
159 Diplomatico, Coltibuono, 1247/02/25 (13806, en 1248).
160 L’acte avait été cassé par des coupures nettes pratiquées au couteau dans le parchemin.
161 Diplomatico, Coltibuono, 1259/02/03 (16118, en 1260), l’achat concernait la part d’un patrimoine que les trois fils de Casale da Montaio s’étaient divisé quelques années auparavant, voir Diplomatico, Coltibuono, 1242/05/03 (12870), un patrimoine composé d’une maison dans le cassero de Montaio, c’est-à-dire dans la partie fortifiée du castello, une parcelle désignée comme campus à Linari, deux autres parcelles aux lieux-dits Piscinesecche et Ala Nebbiaia, dont un bois, avec les pensions annuelles de 6 deniers dues par deux parentèles. Le puy de Linari peut être identifié avec le massif sur lequel s’élève aujourd’hui le petit hameau de Linari, près de Fieri (commune de Gaiole in Chianti) et doit, à notre sens, être distingué du castello de Linari dans la Valdelsa.
162 Diplomatico, Coltibuono, 1260/06/14 (16419), Rodolfo di Benvenuto da Montaio agissait au nom de sa femme et vendait une maison que les confronts permettent de différencier de la précédente.
163 Villani 1990, vol. 1, livre VII, chap. 48, p. 341-343. En 1253, si l’on suit le récit de Giovanni Villani, les impériaux s’étaient emparés du castello de Montaio. La contre-attaque des Florentins aboutit à un siège victorieux et à la destruction des murs du castello. C’est sûrement à cette défaite gibeline qu’on peut associer les conversions massives des Firidolfi à la vie monastique à l’été 1253 : forme de captivité ou recherche de protection, la chronique trouve ici une confirmation.
164 On conserve 22 actes ratifiés par ce notaire dans la série Coltibuono du Diplomatico, entre 1237 et 1260, il est en outre mentionné comme notaire dans 3 actes, sur ce dernier voir Lefeuvre 2019.
165 Diplomatico, Coltibuono, 1260/11/13 (16482), 1261/02/06 (16515, en 1262).
166 Sur le rôle du crédit ce qu’on observe dans la documentation florentine se rapproche des observations faites sur la documentation bergamasque de la même époque, voir Nobili 2012.
167 Diplomatico, Coltibuono, 1261/08/07 (16598).
168 Ibid., 1268/10/14 (17745), la pratique consistant, pour l’époux, à offrir un Morgengabe ou morgincap, un « don du matin » représentant le quart des biens de l’homme se maintenait, dans les documents de l’époque, comme une simple formalité. On exprimait, dans le même document la valeur de la dot, celle du douaire, tandis qu’on semble souvent s’être contenté d’un seul versement. Sur l’effacement progressif du douaire dans les mariages florentins, voir Klapisch-Zuber 1982.
169 Diplomatico, 1270/01/18 (18002, en 1271).
170 Le nom du père n’est guère lisible et c’est, à notre connaissance, la seule occurrence qu’on ait de cet individu.
171 Ibid., 1272/07/20 (18525). Gianni achetait ainsi un casolare situé à Montaio avec trois parcelles situées dans les environs de Montaio.
172 Ibid., 1274/10/02 (19030), la vente se faisait en indivision, on ignore si Gianni était déjà possesseur de l’autre moitié.
173 Ibid., 1275 (19176, en juin), le parchemin est en mauvais état et de lecture difficile et la transcription faite au XVIIIe siècle témoigne que le document n’était guère plus lisible il y a trois siècles, CRSGF, n° 806, p. 688-691.
174 Diplomatico, Coltibuono, 1285/09/16 (21868), don Bernardo, archiprêtre de Fiesole, libérait Biccio di Gianni de la paroisse de San Silvestro de Montaio de l’excommunication qui avait été prononcée contre lui pour avoir frappé d’un couteau la figure de Jésus Christ en croix placée à Santa Maria di Cavriglia ce qui lui avait valu une mise au ban de 50 livres.
175 Diplomatico, Coltibuono, 1306/05/29 (29592).
176 Ibid., 1139/12 (4492, RC 381), pour une autre attestation du même Barfalo di Ranieri, ibid., 110. (3278, RC 261), acte non daté ou Barfaluto di Ranieri était cité comme témoin d’une promesse de non agression, au milieu d’autres boni homines.
177 CRSGF, 224.237, n° 598, p. 211-214.
178 Diplomatico, Coltibuono, 1255/05/13 (15154), 1268/10/14 (17745).
179 CRSGF, 224.237, n° 588, p. 190-191 : Factum tale est quidam nomine Barfolus emit terram in accam contentam, a quodam nomine Incontro, unde est scriptura facta manu [...] qui Barfolus erat homo et colonus monasterii <monasterii Cultus>buoni, unde est instrumentum factum manu Bonaparte notarii ; qui Barfolus mortuus est relicto filio nomine Tedescho et eius uxore Mingarda matre ipsius Tedeschi. Qui Tedeschus et Mingarda intraverunt monasterium Cultus Buoni et se, et sua, obtulerunt, ut continetur in instrumento facto manu Bonaparte, et sic terra contenta in accam facta per Vaccam, sindicum dicti monasterii ; supradictis rationibus, tum ea ratione quia erat colonus dictus Bartholus (sic) tum ea ratione quia filius eius Tedeschus ingressus est monasterium, et per ingressum omnia sunt bona sua monasterii, tum etiam ratione dotis dicte Mingarde occasione cuius dotis ipsa habebat tenutam in Curia ut de hiis omnibus est instrumentum factum manu dicti Bonaparte et Frederici notarii.
180 Diplomatico, Coltibuono, 1272/07/20 (18525).
181 CRSGF, 224.237, n° 797, p. 663-666, le 1er janvier 1272 (1273 en style moderne).
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