Chapitre 7 – Une sociabilité de notables
p. 255-294
Texte intégral
Dall’altra parte, addossati alle case, stanno i contadini, tornati dai campi, e non si sentono le loro voci1.
1Qui nourrissait la notabilité pléthorique du contado florentin et lui permettait de vaquer à ses affaires ? La réponse la plus commode consisterait à convoquer la masse invisible des travailleurs de la terre. La documentation disponible n’autorise guère cette stratégie dilatoire. On peut toujours déplorer les lacunes et les insuffisances de la documentation : la Toscane des XIIe et XIIIe siècles reste l’un des territoires les mieux documentés et la densité documentaire permet tout de même de se faire une idée de la population présente. Les territoires envisagés renvoient certes l’image de campagnes prospères2. Plusieurs grandes disettes n’en frappèrent pas moins la Toscane, notamment à la fin du XIIe siècle et dans les années 12203. Au-delà de ces épisodes remarquables et connus par les chroniqueurs, des épisodes plus localisés ne manquèrent pas de frapper. La fragilité aux aléas et le risque constant de pénurie sont des éléments dont la portée est difficile à mesurer4. L’incertitude était sans nul doute un élément central, structurant profondément les pratiques agraires et ordonnant les priorités. La transformation qui marque le territoire florentin au Moyen Âge, avec la naissance de la mezzadria poderale et l’orientation progressive des produits agricoles vers la cité n’en apparaît que plus surprenante. Cette organisation qui ménageait des conditions de survie aux familles de métayers et leur offrait une garantie relative contre les aléas était peut-être plus rationnelle5 : c’était néanmoins une rationalité ordonnée depuis la ville et fonctionnant au profit des citadins qui s’était imposée aux dépens des équilibres existants.
2Aux XIIe et XIIIe siècles, les seigneurs ruraux, seigneurs ecclésiastiques, monastiques ou laïcs ne pouvaient pas se montrer plus insensibles que d’autres à la question de la subsistance alimentaire. Ceux d’entre eux qui disposaient des patrimoines fonciers les plus importants pouvaient profiter des produits de l’agriculture et de l’élevage sans se préoccuper directement de la mise en valeur du sol et des formes de l’exploitation6. Il n’y avait pas, cependant, que des rentiers de grand style. La participation d’une frange étendue de la population aux formes de la domination seigneuriale ouvrait à ceux qui étaient le plus proches de la production des moyens de bénéficier de la rente foncière. Un espace était donc ouvert, à l’intérieur de la seigneurie et en dehors de ses cadres, à l’affirmation de figures intermédiaires : sans doute mieux placées pour faire évoluer les régimes agraires. Ceux qu’on s’attendait à découvrir en masse comme des paysans adonnés aux seuls travaux de la terre se révèlent parfois difficiles à distinguer des membres des parentèles dominantes. On ne trouve dans la documentation aucune expression qu’on puisse traduire par « paysan » : les coloni étaient des tenanciers dont la liberté était limitée ; rien n’indique que les servi mentionnés aux XIe et XIIe siècles aient spécifiquement été employés aux travaux agricoles tandis que les massarii de la même époque étaient probablement responsables d’une exploitation agricole. La masse de la population occupait nécessairement une partie de ses journées à la culture des champs ou à l’élevage. Ces activités semblent constitutives de la condition des paysans d’Ancien Régime. Il n’est pourtant pas certain qu’on puisse identifier, aux XIIe et XIIIe siècles, une classe paysanne7. Quel était le degré de participation des figures dominant les sociétés rurales du contado florentin aux travaux manuels, à l’agriculture, à l’élevage ou à l’artisanat ? Sans que les baux fonciers constituent la source numériquement la plus importante, ni la plus facile d’interprétation, c’est de ces documents et de la population qu’ils font connaître qu’on peut attendre certaines réponses.
3Dans le contado florentin, la détention d’une terre en vertu d’un bail n’est pas l’indice suffisant d’un niveau économique ou d’un statut juridique. Dans ce territoire comme dans celui voisin d’Arezzo, les tenanciers livellaires se présentaient aux XIe et XIIe siècles, comme une « catégorie à deux faces », ce type de contrat intéressant aussi bien les plus grands aristocrates que des familles de moindre importance8. Ces livelli servaient notamment à formaliser des alliances plaçant le concessionnaire et le bénéficiaire sur un pied d’égalité9. Au XIIe siècle toutefois, ces grands contrats se firent plus rares et les livelli portèrent généralement sur de plus petits ensembles pour finir par être remplacés, à mesure que la documentation évoluait, par des concessions d’un autre type : baux emphytéotiques souvent accompagnés de la reconnaissance d’une condition de dépendant et avec des loyers plus précis, parfois en nature. À la fin de la période, les contrats conservés étaient le plus souvent à court terme, souvent six ans, et prévoyaient des versements en nature, parfois à part-de-fruit. Il est peu probable que ces évolutions aient concerné une même population qui aurait vu se transformer ainsi les formes de son exploitation. Avant la fin du XIIIe siècle, la documentation ne permet pas de décrire une classe paysanne tenue dans une dépendance économique et juridique. Au moment où se dessinent plus nettement les frontières entre la possession et la propriété, c’est un milieu relativement homogène de tenanciers qui paraît se révéler. Dans quelle mesure ces tenanciers pouvaient-ils participer aux formes locales de la notabilité ?
7.1. Tenir comme sienne la terre d’un autre
4Les tenanciers les mieux documentés sont ceux des institutions ecclésiastiques et l’on se rend compte, en les étudiant, de la continuité qui paraît exister entre ces groupes d’exploitants bien installés dans un territoire et les quelques parentèles peu hiérarchisés de possessores du XIe siècle. Les études menées sur les dépendants de l’abbaye de Passignano, dans la Val di Pesa, les recherches sur les tenanciers de l’abbaye de Settimo dans le Valdarno Inférieur et sur les locataires de l’évêque de Florence à Monte di Croce ont révélé l’existence de régimes de location assez similaires dans tout le contado10. Sans doute la situation des dépendants seigneuriaux laïques n’était-elle pas fondamentalement différente11. Il est probable que les foyers installés dans les campagnes de Florence aient connu, au XIIIe siècle, une expérience commune de leur rapport aux grands propriétaires.
7.1.1. Les livelli du XIe siècle et la redistribution de la rente foncière
5La plupart des livelli des XIe et XIIe siècles révèlent des rapports assez équilibrés entre concessionnaires. La formule selon laquelle la terre était concédée « pour être possédée (littéralement être eue), tenue, travaillée et mise à profit » ne masquait pas le fait que celui qui travaillait la terre était souvent un autre que le bénéficiaire12. Les livelli étaient, avec d’autres actes, des outils permettant d’organiser la répartition des rentes foncières. En 1045, dans le Chianti, Rodolfo di Ubertino avait obtenu, en livello, le sixième de deux manses situés dans le plébat de San Marcellino in Avane. L’un de ces manses était tenu par le massarius Gerolfo, l’autre par le ferrarius Petro. En loyer, ou plutôt en cens, Rodolfo di Ubertino devait fournir six setiers de sel : un paiement sans rapport direct avec la production agricole des deux exploitations et qui laisse supposer une participation indirecte aux profits de cette exploitation13. Dans d’autres cas, comme dans celui d’une série de livelli concédés par la Badia de Florence à plusieurs groupes du Chianti, le doute reste permis14. Il s’agit, le plus souvent, de la confirmation ou de la prolongation de concessions portant sur une seule exploitation ou du retour, sous forme de livello, de terres offertes à l’abbaye. En 1085, l’abbé de la Badia fiorentina concédait ainsi à Giovanni di Ghizo deux manses situés près du castello de Radda : l’un tenu par le massarius Bricco, l’autre par Giovanni di Ghizo lui-même15. À ce titre, les contrats les plus intéressants sont ceux qui prévoient, dès le XIIe siècle, des versements à part de fruit. En 1113, en échange d’un prêt de quarante sous, en deniers de Lucques reçu de la part d’un dénommé Pampo, qui agissait au nom de l’abbaye de Coltibuono, un propriétaire des environs de Marciano avait cédé une parcelle à Azzo di Giovanni16. Jusqu’au remboursement de la somme, dans l’année, ce dernier aurait la moitié de la récolte et offrirait l’autre moitié aux moines. Sans doute Azzo di Giovanni était-il l’exploitant traditionnel de cette parcelle, et c’était à lui que s’adressait son propriétaire pour garantir aux moines de Coltibuono les intérêts de leur prêt. L’intermédiaire de l’abbaye, Pampo, qualifié de frère convers en 1122, était probablement habitué à ce genre de transactions17. Même si ces deux documents semblent faire approcher le monde des exploitants, ils continuent d’organiser les rapports entre des individus qui apparaissent de plus en plus comme des bénéficiaires de ce qu’il faut bien appeler une rente.
7.1.2. Petits tenanciers et médiateurs seigneuriaux
6Les actes du XIIe siècle offrent, de leur côté, une image beaucoup plus détaillée des hiérarchies internes au monde des tenanciers, quoique les différents éléments connus ne soient pas toujours faciles à articuler. Quelques listes, difficiles à dater, attestent l’existence d’une catégorie de dépendants astreints à verser des loyers en nature18. On conserve, de façon significative, fort peu de listes recensant le nom de tenanciers soumis au paiement annuel de quelques deniers19. Significativement, ces sources offrent dans l’ensemble une image très différente de celle qu’on retire de l’étude des tenanciers livellaires les mieux documentés. L’abbaye de Coltibuono a légué plusieurs censiers que l’écriture permet de dater de la seconde moitié du XIIe siècle. Documents écrits sans recours aux formulaires notariaux, sans souci d’établir un acte doté des signes de validations, ces actes de la pratique s’avèrent plus difficiles à utiliser que certains de leurs équivalents septentrionaux. L’état de ceux qui sont parvenus laisse supposer qu’on a affaire, avec ces documents, à des textes provisoires et à des listes visant véritablement à des usages précis, plutôt qu’à des documents destinés à manifester la prise de l’abbaye sur la terre et les hommes. L’un de ces censiers du XIIe siècle revêtait un caractère indubitablement seigneurial. Les individus, les « maisons » (case) ou les familles (les fils de) constituaient l’unité de base de cette liste, chacune d’entre elles devant verser un loyer de quelques deniers, ainsi, éventuellement, que ce droit de gîte que les sources seigneuriales désignaient comme l’albergaria, pour une terre tenue « en fief » d’un certain Bernardo di Benno20. Ce document donnait davantage le nom des maisons alliées à la famille de Bernardo di Benno qu’il ne renseignait sur la population des dépendants. Les autres listes renvoyaient plus probablement aux modalités de perception de rentes foncières plus substantielles. Deux listes rédigées à la fin du XIIe siècle donnaient les noms de quatre-vingt-neuf tenanciers, tenus de verser à l’abbaye de Coltibuono des loyers en nature allant de quelques setiers (trois ou quatre) à plusieurs dizaines21. Qui étaient ces tenanciers ? La difficulté qu’on rencontre à retrouver leur nom dans une documentation par ailleurs assez dense indique l’existence d’une séparation assez nette entre les possessores et les tenanciers astreints à ces paiements. Les documents de ce type sont toutefois difficiles à exploiter pleinement : le contexte de rédaction est inconnu, de même que la datation précise. On connaît les loyers sans avoir aucune idée des exploitations tenues. Ce que manifestent ces courtes listes, c’est l’existence d’un environnement familier aux rédacteurs et aux probables percepteurs de ces redevances : les tenanciers étaient désignés par leur prénom, parfois accompagné d’un toponyme ; si l’individu était un nouveau venu ou était entré sur ces terres par une alliance, on se référait au membre le mieux connu du groupe des exploitants et de leur consorteria. Il en allait de même dans une liste remontant probablement à la seconde moitié du XIIe siècle qui fait connaître le nom de tenanciers astreints, cette fois, au paiement des loyers en nature : céréales et vin, en argent et comprenant souvent le don annuel de quelques « pains » et volailles22. Le lexique déployé dans cette liste avait une dimension politique qu’on ne retrouvait guère ailleurs. L’un des tenanciers devait verser deux deniers au castald23, les setiers étaient demandés « en annone24 », on attendait aussi des versements appelés obias. Cette liste, comparable à d’autres censiers toscans de la seconde moitié du XIIe siècle25, et à de nombreux autres produits plus largement en Occident, marque une inflexion remarquable du vocabulaire employé26.
7Sans être impressionnants, ces documents, par ailleurs bien étudiés par Lorenzo Tabarrini27, attestent l’existence d’une population importante de tenanciers. L’abbaye de Coltibuono, qui demeurait une petite institution hébergeant, au temps de son apogée, une dizaine de moines et autant de frères convers28, disposait donc a minima des redevances de quatre-vingt tenanciers, qu’elle avait vraisemblablement les moyens de contrôler. Ces tenanciers eux-mêmes sont rarement connus et les tenanciers les plus remarquables de la documentation du XIIe siècle se révèlent généralement d’une autre stature. On peut ainsi suivre le cas d’un petit groupe bénéficiant d’importants livelli dans la Val d’Ema, dans les environs d’une localité aujourd’hui connue comme le Molino dell’Altare29. La documentation conservée par l’abbaye de Montescalari permet de se faire une idée de la population liée à la localité d’Altare dans la première moitié du XIIe siècle30. La construction et l’entretien d’un moulin sur cette confluence entre deux petits cours d’eau de la vallée de l’Ema expliquent en partie la surreprésentation des actes relatifs à ce petit lieu-dit dans la documentation du monastère. La présence de l’abbaye dans ces parages remontait à la fin du XIe siècle avec la donation d’un moulin construit sur l’Ema31. À la fin du XIIIe siècle, les abbés vallombrosains contrôlaient encore le moulin et continuaient de concéder des terres aux alentours, contre des services visant à rappeler aux tenanciers leur statut de dépendants32. L’acquisition du moulin lui-même et des terres en amont résultait d’une longue histoire de donations, d’échanges, de locations, commencée dans le dernier tiers du XIe siècle et poursuivie tout au long du siècle suivant. Dans la première et longue phase d’acquisition, les transactions entre l’abbaye et les groupes contrôlant ce petit territoire ne se présentaient pas comme de simples transferts de propriété, mais visaient plutôt à formaliser les relations entre acteurs locaux et protagonistes plus distants sur l’usage et les profits du moulin et des terres environnantes33. Aux côtés des acteurs locaux, on relevait le nom de nombreux Florentins. La documentation fait en effet ressortir un enchevêtrement de prérogatives difficiles à hiérarchiser. En 1084 on vit ainsi deux frères, le clerc Giovanni et Gherardo di Rustico, céder à un autre clerc, Petro di Vivenzo, agissant au nom de l’abbé de Montescalari, les terres que les auteurs tenaient eux-mêmes des Caponsacchi de Florence, aux lieux-dits Altare, Mezzano et Totorgnano34. Les transactions entre les acteurs locaux impliquaient ainsi de plus importants protagonistes dont les intérêts se jouaient à l’échelle du comté de Florence35. Les Caponsacchi appartenaient en effet au groupe dirigeant de Florence et côtoyaient sur place des familles moins connues, mais possédant elles aussi des patrimoines dépassant largement le cadre de quelques paroisses36.
8C’est dans cet environnement qu’on peut suivre les acquisitions faites quelques décennies plus tard par un dénommé Branduccio di Petro da Altare37. Les archives de Montescalari conservent un petit chartrier, constitué de seize actes émanant des descendants de Branduccio di Petro. Ce petit corpus permet de reconstituer une partie de la dynamique foncière de la localité d’Altare entre 1117 et 1124, une dynamique dominée, de ce point de vue documentaire, par la patiente politique d’acquisitions de ce petit entrepreneur local. Un personnage assez semblable, quoique de moindre importance, à d’autres figures du haut Moyen Âge italien, des Abruzzes ou des environs de Lucques38. L’essentiel des acquisitions de ce Branduccio se fit auprès d’un représentant des Montebuoni : Ildibrando di Sichelmo da Tizzano qui alloua ou vendit plusieurs terres à Branduccio di Petro39. Ildibrando di Sichelmo était apparenté à la parentèle des Montebuoni/Buondelmonti40. Originaire de Tizzano, une petite localité de la Val d’Ema, il était, dans ces mêmes années, plus présent à Florence que dans ses terres familiales. C’était auprès de ce personnage que Branduccio fit le plus grand nombre d’affaires (deux concessions en livello ; de petits prêts sur gage fonciers ; des ventes). Les transactions conservées semblent en réalité porter sur un patrimoine limité et l’on observe une permanence des confronts qui laissent supposer qu’en quelques années, Branduccio acquit principalement deux « terres » : une vigne située à Meleto, tenue en livello avec son frère Ugo contre le versement annuel d’un denier et demi41 ; deux autres parcelles, situées à Altare, le long de l’Ema, qui servirent de supports à des prêts sur gage qui aboutirent à des concessions en livello, en 111742, 111843 et 112344. L’opération qu’on suit le mieux est celle de 1118. Par ce document, Branduccio obtenait la promesse d’un remboursement, dans les deux ans, de la somme de huit sous et de cinq setiers de mil45. En attendant, il tiendrait la terre contre un loyer annuel d’un denier et demi. Branduccio di Petro maniait donc avec assez d’adresse le jeu des prêts sur gage et disposait d’assez de liquidités pour pouvoir envisager ces petites opérations. On pourrait bien entendu opposer à cette approche entrepreneuriale, une approche plus politique de la même documentation : Branduccio s’inscrivant par son action dans la clientèle des Montebuoni et aidant ses maîtres. De ces premières opérations, on retire l’image d’un petit entrepreneur local se taillant un petit patrimoine dans un territoire stratégique. Au début de la décennie suivante, Branduccio obtenait du reste les confirmations des concessions dont il bénéficiait à Meleto, un patrimoine tenu en livello mais hérité de son père, tout en continuant d’accroître son patrimoine46. Dans les années suivantes, il le consolida par des achats à Meleto et Altare47 et par d’autres concessions à Altare48. Une possession pouvait aisément être menacée et Branduccio avait dû obtenir l’assurance que certains groupes ne contesteraient pas ce patrimoine49. Ce contexte ne peut être ignoré lorsqu’on envisage la raison conduisant cet individu, dont le patrimoine consistait essentiellement en des livelli, à donner son patrimoine à l’abbaye de Montescalari50. En 1142, Branduccio da Altare et son épouse offrirent aux moines vallombrosains trois petites parcelles situées près de l’Ema et cédèrent l’ensemble de leurs autres propriétés situées à Meleto, Altare et Rotole en s’en réservant toutefois l’usufruit. Les motivations pieuses n’étaient certes pas absentes, la donation était faite pro anima et visait aussi au salut de l’âme de leur fils Viviano. Cette donation ne signait pas la fin des acquisitions, mais servait probablement à stabiliser et pérenniser un patrimoine instable51. Elle consolidait certainement la position de Branduccio dans les négociations faites auprès des Florentins qui continuaient, dans les années 1140, d’exercer leurs prérogatives sur les terres d’Altare52. La donation renforçait considérablement le patrimoine de l’abbaye qui, à la mort de Branduccio, obtint l’ensemble des terres acquises, en quelques décennies, par cet individu53.
9Sans doute l’idée qu’on retire à première vue de ce petit dossier est-elle en partie faussée. Si l’on concentre l’attention sur cet individu, qui apparaît alors comme un acteur aussi isolé qu’entreprenant, on risque d’oublier le rôle probable des institutions voisines. Branduccio n’était pas le seul à être dit da Altare et un foyer, celui de Guinizello da Altare, évoluait dans ce petit territoire54. Les acquisitions de Branduccio suivaient en partie le rythme de celles de l’abbaye de Montescalari. L’année même où il avait obtenu d’Ildibrando di Sichelmo la concession en livello de quelques terres situées à Altare, ce dernier avait vendu aux moines vallombrosains trois autres parcelles des environs. On sait que Guinizello da Altare et Petro, le père de Branduccio, possédaient en commun une terre des environs. Dès les années 1080, l’abbaye de Montescalari était devenue, à Altare, l’un des propriétaires les plus importants et les plus influents. On peut raisonnablement s’interroger sur l’autonomie d’action de Branduccio da Altare dont les possessions apparaissent d’emblée enchâssées dans celles de l’abbaye. Ceux qui, en latin, étaient dits de Altare avaient souvent une part dans la gestion et l’entretien du moulin voisin et dans les bénéfices qu’il engendrait. Avec quelques années d’avance, la position de ce Branduccio évoque en réalité celle occupée, quelques décennies plus tôt et dans le même territoire, par un clerc servant d’intermédiaire entre l’abbaye rurale et les propriétaires citadins. Elle renvoie aussi à la gamme d’activités déployées, quelques décennies plus tard, par les frères convers et les agents seigneuriaux des abbayes vallombrosaines. En 1173, la gestion du patrimoine monastique d’Altare avait ainsi été confiée à un castaldus, c’est-à-dire à un agent seigneurial55. Le degré d’autonomie des individus de ce type ne doit pas être exagéré. On doit en revanche insister sur leur importance locale. Tenanciers, dépendants à ce titre des puissantes familles de Florence ou des environs, dépendants des institutions monastiques locales, ils étaient localement en mesure d’être les individus les plus influents, les mieux à mêmes de capter et d’augmenter les richesses produites56. Cette figure de tenancier du XIIe siècle donne une idée de la façon dont fonctionne à la même époque l’ordre seigneurial. Les structures mêmes de la seigneurie et les structures de la propriété laissaient une marge de manœuvre. Branduccio di Petro agissait dans un rayon d’action relativement étroit : rien ne permet a priori de supposer qu’on ait affaire à un individu totalement dégagé des besognes manuelles. La densité documentaire relative au petit territoire d’Altare fait connaître le nom de nombreux propriétaires ou ayants droit. Les tenanciers d’Altare, Branduccio et Guinizello d’Altare et leurs familles respectives sont les seuls qu’on puisse précisément situer comme des acteurs de la vie locale. Il fallait bien que quelqu’un s’occupât de cultiver les terres et d’entretenir le moulin. C’était un de ces individus qui avait peu à peu accepté, par volonté délibérée ou sous l’influence d’une contrainte sociale moins évidente, de livrer son patrimoine à l’abbaye et de se faire sur place le défenseur de ses intérêts.
7.1.3. Les ressorts de la respectabilité rurale
10À partir des années 1170 et de façon constante au cours d’un long XIIIe siècle, les sources se font l’écho d’une population plus large que celle de ces gros tenanciers : une foule plus bigarrée de coloni ou de fideles détenteurs d’une terre ou d’exploitations pour lesquels ils devaient annuellement verser quelques setiers de blés et de petits dons en nature. Ici encore les fonds légués par Santa Maria di Vallombrosa, seigneurie puissante et soucieuse du contrôle exercé sur sa population, permettent de saisir certains traits d’une population dont on ne fait, ailleurs, que deviner la condition. Certaines des parentèles étudiées jusqu’ici pourraient être définies comme des dépendants des grandes propriétés monastiques. C’était le cas des habitants du castello de Montaio, dans le Chianti et de la plupart des parentèles des castelli de Magnale et Ristonchi. Il s’agit de groupes souvent difficiles à classer et dont l’assise foncière réelle cadre mal avec l’idée qu’on se fait généralement du statut social des dépendants. On s’arrêtera ici sur deux exemples qui permettent de se faire une idée de ce qu’était la population des colons de Vallombrosa dans la première moitié du XIIIe siècle. En 1227, un dénommé Sighinolfo di Piglietto vendit à un convers de l’abbaye de Vallombrosa, contre douze livres en deniers de Pise, un ensemble de terres et une habitation qui, considérées dans leur ensemble, auraient pu fournir le cadre d’une exploitation agricole57. L’acte avait été ratifié à Paterno, un castello des environs de Vallombrosa, mais que ne dominaient pas les influents moines vallombrosains. Ce petit patrimoine se composait d’une habitation, un casolare, et d’un jardin, tous adossés au mur du village castral de Magnale, et de six parcelles réparties dans les environs de Magnale, à l’intérieur de ce que le notaire désignait comme la curtis du castello. La différence avec le patrimoine des filii Nerbotti est évidente et ce qu’on découvre ici s’organise à une échelle qui rend plus probable la gestion directe des terres. Quel était le statut de ces terres ? Quel était le statut de Sighinolfo lui-même ? Sur ce point le notaire se montrait taiseux, se contentant d’indiquer que l’auteur vendait les terres qu’il avait et tenait, directement ou que d’autres tenaient pour lui. Le parcellaire s’étendait sur un rayon qui restait relativement étendu, environ trois kilomètres autour de Magnale, dans un espace où le relief présentait d’importantes contraintes. Le formulaire de cette vente, l’identité des voisins de Sighinolfo et de son garant, Orlandino di Cacciaguerra58, conduisent à faire de cet individu l’un des tenanciers typiques du castello de Magnale. Le patrimoine qu’il possédait s’insérait étroitement dans le réseau formé par le voisinage. Dans les confronts, on identifiait des individus qui participaient activement à la vie sociale du village59. La maison qu’il cédait à l’abbaye était située dans le bourg de Magnale ; en dehors, sans doute, de l’éperon rocheux où s’élevait l’élément central de la fortification. L’un des voisins de Sighinolfo était Orlandino di Cacciaguerra, dont il a été précédemment question, et son casolare s’adossait d’autre part au mur du castello60. Rien, dans ce petit patrimoine, ne permet de faire de Sighinolfo un personnage jouissant d’une haute position sociale. Il avait toutefois quelques droits sur les hommes et bénéficiait, par ce biais, d’une part de la rente seigneuriale. La vente comprenait ainsi le versement annuel de deux coqs et d’un denier que lui devaient Guglielmino da Rosso et Ricovero di Rampa da Caticciano « en pension » ainsi que le versement annuel d’une poule et de deux ou trois deniers par Gottolo da Favale. Cette participation d’un tenancier coutumier aux instruments qui servaient par ailleurs à le dominer n’a rien qui doive surprendre. On la retrouvait à Passignano, chez bon nombre des tenanciers de l’abbaye et c’était une situation assez courante dans la Toscane des années 1170-123061. Rien ne permet toutefois de faire de Sighinolfo un intermédiaire de la seigneurie abbatiale ou l’un de ses agents. Autour de Vallombrosa, ces fonctions étaient vraisemblablement occupées par les frères convers et Sighinolfo n’était jamais désigné comme castaldus ou par un autre titre. Indépendamment des logiques de la domination seigneuriale, le jeu des échanges fonciers contribuait à faire circuler les terres et les redevances. La crainte des abbés, sans doute justifiée, était d’ailleurs de voir ces redevances et les terres sur lesquelles elles pesaient leur échapper par le jeu des échanges et du prêt62.
11On peut se faire une idée de l’environnement dans lequel vivaient les habitants de ces castelli. Bien insérés dans la vie sociale et économique des petits villages et disposant d’une modeste assise foncière, ces habitants ne présentaient guère de signes extérieurs de richesse. L’un des rares documents faisant connaître ce qui ressemble à une exploitation agricole vue de l’intérieur est un bail transmis par le fonds de Vallombrosa et remontant à l’année 122064. Deux convers de l’abbaye concédaient à Buccio di Bonacorso un podere dont certaines parties étaient décrites très précisément. Cette exploitation était constituée d’une maison près du castello de Ristonchi. L’habitation et les terres étaient louées avec un petit matériel domestique : un coffre destiné à la conservation d’effets personnels65, deux coffres probablement plus rustiques dont l’usage n’était pas précisé, deux matelas, un poignard, une houe (marronem, ou marra en italien), une hache, une buctem, un porc, une chèvre, ainsi qu’une maide destinée à la préparation du pain. En même temps que l’exploitation, Buccio récupérait aussi les dettes qui lui étaient liées, pour un total de trois livres et cinq sous en deniers de Pise66. Ce genre d’habitation aurait pu servir de centre à une petite exploitation rurale. La population des castelli de Ristonchi et de Magnale, tout en vivant en partie des rentes tirées du travail de tenanciers résidant dans les villae des alentours, consacrait une partie de son activité au travail de la terre ou à l’élevage. Sans renvoyer une impression de misère, l’habitation n’était guère impressionnante. La location était faite pour sept ans, le tenancier s’engageait à travailler, améliorer et ne pas détériorer les terres, une clause habituelle, à laquelle s’ajoutaient les clauses propres à ce bail assez particulier. La tenure était devenue vacante à la mort du précédent tenancier qui laissait une veuve, Berta, et deux enfants. Le scénario le plus probable est celui d’un arrangement fait dans l’urgence, entre les frères convers et l’un des parents de la veuve. Le repreneur, Buccio di Bonacorso, louait la moitié du podere et s’engageait à servir de tuteur aux enfants du défunt. À l’expiration du bail, ces derniers pouvaient, en versant les quarante-huit livres équivalant à la dot de Berta, racheter leur héritage. Dans le cas contraire, Buccio héritait de la moitié du podere et des terres. Il obtenait ces terres en acceptant le statut auquel elles étaient liées et s’engageait à demeurer sur ce fonds comme « homme et colon » du monastère67. Il faut s’arrêter un moment sur les protagonistes de cette transaction. Ils appartenaient, pour la plupart d’entre eux, à des parentèles bien connues des villages de Ristonchi ou de Magnale. Parmi les témoins on trouvait Orlando d'Albertinello da Grassina, Biso di Rustichello ainsi que deux hommes de Magnale. Le premier de ces témoins, Orlando da Grassina, avait sa maison dans le castello de Ristonchi, à côté de celle des filii Liccesis68. Quelques années auparavant il avait joué le rôle de témoin, à l’occasion d’une location faite par les fils de Liccese à un homme des environs69. Orlando et son frère Frugerio, les deux fils d’Albertinello da Grassina, étaient certainement liés à la parentèle des filii Liccesis. On ignore les liens unissant Orlando d'Albertinello da Grassina à Grassina di Gherarduccio da Grassina que Buccio avait demandé comme garant. Quelques années auparavant, il s’était engagé à tenir une terre comme colon de l’abbaye en louant pour cinq ans une maison dans les murs de Ristonchi70. Le statut de colon de l’abbaye renvoyait à la dépendance et au travail de la terre, mais n’élevait pas de barrière insurmontable entre les coloni et les autres habitants du village castral et de ses environs71. Buccio di Bonaccorso bénéficiait d’ailleurs d’une position reconnue dans la hiérarchie très institutionnalisée de la seigneurie de Vallombrosa ; en 1253, on l’avait placé en seconde position de la liste des homines de Ristonchi ayant prêté serment à l’abbé de Vallombrosa72. Quelques années plus tard, en 1262, il était toujours vivant et apparaissait de nouveau dans un de ces serments collectifs, sans que le document le mît cette fois en position éminente73. En 1271, il fut condamné, avec son fils Franco et dame Chiarente – sa belle fille ? – à céder à l’abbaye un podere situé près de Ristonchi74. En vertu de l’arbitrage négocié par un habitant de Ristonchi, « arbitre et ami commun » des deux parties, l’abbé don Benigno s’engageait à acheter l’exploitation et l’habitation de Buccio di Bonacorso, au prix de cent quarante-huit livres en petits florins75. Cet exploitant de Ristonchi entretenait des relations de voisinage avec des familles aux statuts et aux niveaux de richesse certes différents, sans que ces différences eussent une profonde influence sur une sociabilité fondée sur l’appartenance à une communauté d’habitants. La condition de colon, que les sources ne viennent rappeler qu’à l’occasion de procès ou de transactions particulièrement délicates, ne paraît pas dresser de frontière indépassable entre les coloni et d’autres habitants du contado ou des membres d’une petite aristocratie. Dans les villages dominés par la grande propriété et la propriété aristocratique, on peut estimer que la situation de tenancier, se présente en réalité comme la base même d’une sociabilité villageoise. Il faut, pour en juger, s’intéresser de plus près aux formes de la dépendance et à leurs évolutions.
7.2. Les conditions de la dépendance rurale aux XIe et XIIIe siècles
12Les communautés d’habitants ne se présentaient pas comme des communautés d’égaux et les propriétaires, les tenanciers, les hommes libres et les colons attachaient sans doute une grande importance aux statuts utiles à la définition et l’incessante redéfinition des hiérarchies. Les territoires florentin, arétin et siennois se distinguent, dans le paysage toscan, par la présence d’une importante population de dépendants ruraux dont la liberté était fortement limitée. Bonacorso, le père de Buccio qu’on vient d’évoquer, avait ainsi été vendu comme colonus à l’abbé don Terzo de Vallombrosa, en 1188. Il avait été acheté en même temps que treize autres tenanciers dépendants d’Ardimanno di Orlando da Cetinavecchia76. Le servage, comme toujours, se présente comme une réalité difficile à saisir et l’on retrouve parmi les serfs des XIIe et XIIIe siècles, des personnages forts différents : des cultivateurs et des éleveurs – comme on le suppose à Vallombrosa –, des notaires mêmes, des hommes enfin qu’on employait à des tâches militaires. Les informations dont on dispose sur les colons renvoient principalement aux activités agricoles et à l’élevage. Cela se voit parfois à l’occasion des affranchissements. En décembre 1200, à Chiusurla, les trois fils de Guido da Scopeto et leur mère Peronetta avaient fait le choix d’affranchir deux de leurs colons77. Devant le notaire, ils libéraient ainsi Rognoso di Ugolino et Ammonito di Bernardino des obligations qui marquaient leur statut de dépendants : une corvée de bœufs et une corvée manuelle à l’année, trois deniers de pension et un poulet. Ils leur concédaient en même temps l’ensemble des terres qu’ils cultivaient en leur nom. Le document ne soufflait aucun mot des motivations de l’affranchissement ou des négociations qui l’avaient précédé ; il ne s’agissait en aucun cas d’un acte gratuit78.
7.2.1. Massarii et servi
13La bibliographie sur la dépendance rurale est vaste et le phénomène a été étudié dans la plupart de ses manifestations documentaires79. Comme S. M. Collavini, de nombreux historiens sont arrivés à la conclusion que la dépendance personnelle, pour être chose fréquente dans le territoire florentin, relevait de la coutume et ne donnait qu’exceptionnellement lieu à une sanction écrite80. L’apparition du servage, dans les sources de la fin du XIIe siècle, et le travail de définition de la condition de colon qu’on observe à la même époque révèlent une attention inédite des seigneurs face à la croissance des campagnes. Il paraît en effet difficile d’établir une ligne de continuité entre les massarii mentionnés dans les sources du XIe siècle et les villani ou coloni de la fin du XIIe siècle. Les sources du XIe siècle sont marquées par une dichotomie entre d’une part des massarii, une désignation propre à l’Italie, et les servi qu’on rencontre dans tout l’Occident de la basse Antiquité et du Moyen Âge. Dans la continuité de l’histoire positiviste du droit, les historiens ne pouvaient manquer de s’intéresser aux massarii que mentionnaient les sources italiennes du haut Moyen Âge81. La documentation léguée par Coltibuono pour le XIe siècle fait connaître le nom de deux cent quatre tenanciers ; quarante-deux d’entre eux seulement, étaient qualifiés de massarii. Le terme semble désigner le tenancier agricole responsable de l’intégralité d’une sors ou mansus82. Comme d’autres tenanciers livellaires de la même époque, les massarii n’étaient mentionnés qu’incidemment dans le cadre de transactions qui voyaient les propriétaires ou les bénéficiaires de grands baux emphytéotiques s’échanger un ensemble de parcelles avec leurs exploitants. À la fin du XIe siècle, dans le Chianti, Rinaldo di Guglielmo vendit ainsi à son frère, le notaire Guido, la moitié du manse exploité autrefois par le massarius Brittolo di Giovanni et qu’exploitait son successeur Giovanni83. Pour les deux propriétaires, comme pour la plupart des protagonistes du marché de la terre au XIe siècle, l’essentiel était probablement d’avoir un nom ou un personnage auquel s’adresser pour demander ce qu’ils étaient en droit d’attendre de ces terres. Une part qui, le plus souvent, n’était pas précisée. Rien n’indiquait, dans ce contexte, une grande différence entre les tenanciers qualifiés de massarii et ceux dont on se contentait de donner le nom. En offrant à l’église de Coltibuono douze manses dont les terres se répartissaient dans les plébats du Chianti, Alberto di Ugo ne traitait pas différemment le manse de Vignala qui était exploité par le massarius Azzo avec ceux de sa consorteria et le manse de Cavriglia dont étaient responsables Petro di Lobiano et le prêtre Gherardo. Ce qui comptait, dans ces échanges, c’était davantage la terre et ses produits que le pouvoir exercé sur un homme ou une famille. Il arrivait souvent que le manse fût désigné en se référant à un individu décédé ou qui avait cessé de s’occuper de son exploitation84. On ne saurait, du reste, dire mieux que J.-P. Delumeau sur la question des massarii et de la dépendance rustique du XIe siècle et l’on se contente de renvoyer aux pages qu’il consacre à la question dans sa thèse85.
14Les massarii ou les tenanciers n’étaient pas les seuls dépendants mentionnés dans les documents du XIe siècle. Lorsqu’ils voulaient embrasser en quelques mots l’étendue d’un patrimoine aristocratique, les notaires évoquaient les servi et les ancillae dont la possession était la marque des grands. En 1084, Azzo di Geremia des Firidolfi, vendait à Ghisolfo di Ranieri deux parts de ses biens avec les « serfs et les serves, leurs fils et filles86 ». Il ne s’agissait pas là d’une simple formule : au début du XIe siècle, un certain Azzo di Adolfo avait vendu ainsi onze serfs et serves dont le notaire avait pris soin de noter les noms87. Le rapport était parfois plus personnel. À la fin du XIe siècle, dans le cadre d’une pacification, promesse avait été faite à Emilia, de ne pas contester le pouvoir qu’elle avait sur l’un de ses servi du castello de Vertine88. Il y avait donc, avant le XIIe siècle, des formes de dépendance assez distinctes : certaines étaient personnelles et pesaient sur les personnes, tandis que d’autres relevaient davantage des conditions économiques et des liens informels qui pouvaient unir les tenanciers à leurs maîtres.
7.2.2. Coloni, villani et fideles
15Il est assez hasardeux d’établir des lignes de continuité entre les quelques massarii du XIe siècle ou les servi que les sources font connaître et les villani ou coloni de la fin du XIIe siècle. On peut reprendre les observations faites par C. Wickham sur le territoire florentin. Tandis que les territoires de Lucques ou de Pise ont laissé de nombreuses disputes judiciaires opposant propriétaires et tenanciers, les conflits judiciaires légués par les territoires d’Arezzo, de Sienne et de Florence se signalent par la remarquable absence des tenanciers. On peut certainement souscrire à l’assertion de l’historien selon laquelle, dans le territoire de Florence « les locataires dépendants, en particulier ceux qui n’avaient pas de terre en propre, vivaient dans une condition semi-servile89 ». On manque, en conséquence, de données permettant de préciser la condition de ces tenanciers dépendants. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, les notaires utilisèrent de plus en plus le terme de colonus pour qualifier une certaine catégorie de dépendants agricoles90. La résurgence de ce terme résultait probablement d’une interprétation des réalités locales à l’aune du droit romain :
Les juristes, comme les historiens actuels, réalisèrent que de tels cultivateurs, libres, mais soumis à de puissants liens de dépendance, ressemblaient de très près aux coloni du bas empire (et se distinguaient notamment des servi)91.
16Juristes et notaires ne se contentaient pas d’habiller la réalité, mais œuvraient à une redéfinition des dépendances rurales. Il devenait dès lors plus facile de savoir ce qu’on entendait exactement lorsqu’on parlait de colon et l’on pouvait se référer, pour discuter de cette réalité, à un corpus juridique reconnu et respecté92. Les éléments clefs qui servaient à définir un colon étaient : la résidence sur la terre d’autrui, l’accomplissement de certains services et le versement du loyer en nature avec parfois la prestation d’un serment. On retrouvait ces éléments, au milieu du XIIIe siècle, dans les serments collectifs que les abbés de Vallombrosa faisaient jurer à la population de Magnale et Ristonchi. Qu’on qualifiât les dépendants de colons, dans les sources des années 1190-1230, ou de fidèles, dans les sources du milieu du XIIIe siècle, voire de feudataires, ne changeait guère la nature des obligations. En 1263, les hommes de Ristonchi s’étaient déclarés : « feudataires du monastère de Vallombrosa et liés (ascriptos) à la terre du monastère ». Désireux de reconnaître la fidélité qu’ils devaient à l’abbaye, ils juraient les ordres et les mandements de l’abbé Plebano et s’engageaient à ne pas aliéner les fiefs qu’ils tenaient de l’abbaye93. La convergence des statuts relevant de la fidélité vassalique et des statuts liés à la dépendance rurale est un phénomène commun à plusieurs territoires de la Méditerranée occidentale94. Cette évolution pourrait résulter de la nécessité où se trouvaient un peu partout les grands propriétaires ecclésiastiques de gérer un mécontentement latent et de tenir compte des évolutions de la condition sociale de certains de leurs dépendants. Pour B. Castiglioni, la diffusion d’une petite vassalité de service, dans le nord de l’Italie pourrait ainsi s’expliquer par une prise en compte des mobilités sociales ascendantes95. La transformation globale du langage de la domination pourrait ainsi manifester, en négatif, le dynamisme des communautés que formaient, au milieu du Duecento, les tenanciers coutumiers.
17On peut voir, dans le colonat du XIIIe siècle, le résultat d’une tendance à l’institutionnalisation de rapports de dépendance autrefois conçus sur un mode plus personnel. Les premières occurrences de colons ne se trouvent pas dans des documents particulièrement marqués par l’empreinte urbaine96. Ces premières occurrences émanent d’un milieu d’aristocrates dont les intérêts se jouent à l’échelle d’un territoire dépassant le cadre de quelques bourgs castraux. On trouve ainsi un acte par lequel deux habitants de Semifonte ou des environs négocient un prêt gagé sur quelques-uns de leurs coloni et villani qui offre une manifestation typique des nouvelles conditions politiques et économiques97. Il était inévitable que les villes prissent l’initiative, en faisant rapidement des justices urbaines le lieu où se définissait précisément le statut des dépendants ruraux98. Au XIIIe siècle, le poids de l’institution urbaine devint très sensible dans les questions relatives aux dépendants ruraux. Les abbés de Coltibuono, ou plutôt les notaires qui travaillaient pour eux, avaient pris soin de recopier les extraits des statuts citadins évoquant précisément la question des colons99. À l’occasion d’un procès intenté par la Badia de Florence à l’un de ses colons, les administrateurs de la seigneurie de Vico l’Abate avaient fait venir des témoins qui devaient fournir aux enquêteurs la preuve que Benivieni di Rinucciolo était bien un colonus de l’abbaye100. La procédure d’enquête permet de savoir ce qui définit, en ce début de XIIIe siècle, la condition servile : l’appartenance à une famille de colons ; la résidence sur un fonds appartenant à l’abbaye ; l’accomplissement de corvées agricoles ou militaires ; le versement des pensions ; la prestation d’un serment de fidélité101. Les actes du contado florentin n’évoquent que très rarement la présence des « villains ». Dans l’une des rares attestations rencontrées, villanus apparaît comme un équivalent de colonus, avec la possible nuance d’un pouvoir plus personnel exercé sur ce dernier et d’un terme appartenant peut-être davantage au langage commun que celui de colonus102. Le terme était beaucoup plus courant à Sienne et s’imposa en lieu et place de colonus. Dans les années 1220, on n’en estimait pas moins, chez les enquêteurs florentins, qu’une différence existait entre les deux notions. En 1220, dans le cadre du procès intenté par la Badia de Florence à l’un de ces colons, les juges citadins demandèrent à plusieurs témoins de se prononcer sur le statut de Benivieni. S’agissait-il d’un colonus ou d’un villanus ? La distinction échappait à la plupart d’entre eux, plus accoutumés qu’ils étaient à désigner comme « villain » le dépendant rural. En 1170, c’était le même terme de villain que les moines employaient, pour qualifier l’un des dépendants mobilisés contre eux par les Firidolfi103. Dans une bonne partie du territoire florentin, il est probable que le terme de villanus ait précédé, dans la langue vulgaire, le terme plus savant de colonus104. On aurait ainsi le signe d’un décalage entre la langue savante, venue de la ville, qui imposait ses normes, et une langue en léger décalage dans les campagnes. Il arrivait aux juges florentins d’appuyer les seigneuries ecclésiastiques contre leurs colons et leurs fideles et la ville n’agissait pas systématiquement dans le sens d’une émancipation des travailleurs du sol105. E. Conte souligne toutefois, en résumant les grandes lignes d’un long débat historiographique, l’importance cruciale de l’intervention des juristes dans la définition des rapports de dépendance. En codifiant ces rapports et en les soumettant à une définition juridique, ils offraient aux dépendants des armes que ces derniers pouvaient éventuellement utiliser contre leurs maîtres. On peut même relever, chez les glossateurs, des interprétations plus favorables aux homines qu’à leurs domini106. Dans la pratique, les formules mêmes qui encadraient la vente des colons étaient assez claires sur le lien qui unissait le colon à son propriétaire et à sa terre et sur la transmission héréditaire de ces liens de dépendance107. Aussi ne doit-on pas trop minimiser la portée de la loi interdisant aux seigneurs de vendre leurs colons. Prise en 1289, dans le cadre des luttes opposant le gouvernement des prieurs à l’influente famille des Ubaldini, cette décision n’était pas un affranchissement général108, mais elle contribua sans doute à l’affaiblissement de la position exercée par les seigneurs109. Les précautions prises par les moines de Coltibuono, ou de Vallombrosa qui firent copier les statuts interdisant aux colons de vendre leur tenure sans l’autorisation du seigneur, sont un indice de l’inquiétude que pouvaient susciter de telles mesures. Les procès relatifs au colonat et les difficultés rencontrées par les seigneurs pour tenir leurs dépendants dans le cadre étroit de cette sujétion sont un autre signe de la longue résistance des populations concernées à cette condition juridique et à ses contraintes.
18Les colons sur lesquels les institutions ecclésiastiques cherchaient à réaffirmer leur pouvoir étaient rarement des figures isolées et démunies : il s’agissait d’individus chez qui la condition juridique vantée par les anciens maîtres contredisait nettement le statut social acquis. Benivieni, que la Badia de Florence revendiquait comme sien, n’était en rien un personnage mineur. Émigré à Florence depuis plusieurs années, il avait pu faire construire sa maison dans les murs de la cité et l’un des points que les magistrats cherchaient à éclaircir était celui de l’appartenance ou non de ce Benivieni à la communauté des citoyens de Florence110. Quelques années auparavant, les abbés de Vallombrosa n’étaient pas parvenus à obtenir des juges florentins une confirmation totale de leurs droits sur trois colons, Petro, Compagno et Restauro, qui avaient su se faire entendre des consuls111. Certains colons étaient en position de s’opposer à leurs maîtres, des dépendants ruraux pouvaient à l’occasion échapper à leur condition, d’autres colons appartenaient à des familles que rien ne distinguait nettement de la petite aristocratie. Du point de vue économique, on est frappé par les sommes que pouvaient débourser les serfs pour s’affranchir de leurs liens de dépendance. Au XIVe siècle, plusieurs dépendants de l’abbaye de Coltibuono se libérèrent ainsi de leur statut de colon et des servitia qu’ils devaient à l’abbaye – en l’occurrence un versement annuel de quatorze setiers de grains – contre la vente d’un ensemble de biens estimé à 360 livres en petits florins112. La somme était considérable et dépassait certainement le prix de plusieurs années de ce service. Les tenures coutumières, dont l’organisation agraire devenait obsolète à mesure que se réorganisaient les terres du contado, pouvaient néanmoins se révéler d’un bon rapport. Pour acquérir leur liberté ou se débarrasser du soupçon qui risquait à tout moment de retomber sur eux, les tenanciers étaient prêts à d’importants investissements. Les procès intentés aux colons, l’attention constante des institutions ecclésiastiques à ces questions, l’établissement de généalogies indiquent le poids de ces dépendances. Ces liens, sans être les seuls éléments déterminant le rang social et la respectabilité, entravaient les mobilités sociales et géographiques.
7.2.3. Les dépendances économiques
19Cette dépendance très institutionnalisée n’était pas le lien le plus fort qui pût exister. Il est certes artificiel de vouloir distinguer trop nettement l’économie, la politique et les faits sociaux. La dépendance qui pesait sur les colons des grandes propriétés ecclésiastiques était une réalité lourde à porter et qui pouvait entraver des foyers entiers. Elle avait toutefois un aspect assez institutionnel, presque formel, et la question de la définition du colonat était davantage une affaire de tribunaux urbains qu’une question intéressant véritablement les communautés rurales. Il n’en allait pas de même des formes plus directes de la dépendance : celle qui liait au voisin, par des dettes, et plaçait en position d’obligé. C’est probablement du côté du crédit et des formes les plus fugaces de la location foncière qu’il faut chercher les premiers développements des baux fonciers qui devaient par la suite dominer le territoire florentin. La plus forte des dépendances était certainement celle qui liait à un créditeur. Certains documents permettent de savoir comment pouvait se créer une relation de dépendance économique113. En 1164, Bernardo di Bernardo s’était ainsi désaisi, au profit d’Albertinello massarius de Marciano, des droits qu’il avait sur une parcelle des environs. La vente était en réalité destinée à solder la dette de 100 sous qu’il avait vis-à-vis d’Ugolino Malcorio. Bernardo perdait tout droit de propriété sur sa terre, mais en conservait l’usage, en s’engageant à verser à Alberto, prêtre de l’église de Santo Stefano a Turri – probablement le même individu que le massarius Albertinello agissant tantôt comme intermédiaire de l’abbaye, tantôt comme prêtre de la chapelle voisine – le quart des fèves que produirait cette terre. Il serait bien entendu intéressant d’avoir des renseignements précis sur ce Bernardo. Appartenait-il à l’une des parentèles influentes dans les environs de Marciano et de Rignano sull’Arno ? On l’ignore, mais la réponse ne changerait rien, toutefois, à l’observation qu’on peut faire sur le mécanisme de l’endettement qui l’avait conduit à se dessaisir du contrôle direct qu’il exerçait sur une terre pour se recommander au desservant de l’église local. Si les dettes non honorées n’aboutissaient pas nécessairement au dessaisissement complet d’une terre, elles devaient assez souvent aboutir à des situations dans lesquelles un ancien propriétaire pouvait se retrouver dans la situation du tenancier obligé par celui qui l’avait secouru, et naturellement tenu d’acquitter la dette morale qu’il avait contractée. La tendance historiographique consistant à une réinterprétation du crédit dans son fonctionnement horizontal, comme un moyen de consolider et d’entretenir des réseaux d’alliance et d’amitié est tout à fait légitime. Elle ne doit pas empêcher d’envisager le rôle que la dette pouvait jouer dans l’établissement de hiérarchies verticales. Il arrivait du reste, bien avant le XIIIe siècle, qu’on vendît une terre pour s’acquitter d’une dette114. Dans des sociétés qui manquaient constamment de liquidités, le crédit, sous des formes diverses, était omniprésent et irriguait les relations sociales115. On trouve d’ailleurs de nombreux prêts sur gage foncier116. Pour reprendre un exemple souvent évoqué, les acquisitions faites, au XIIe siècle, par les intermédiaires des abbés de Coltibuono, autour de Marciano, passèrent par des donations, des achats et un certain nombre de cartulae pignoris. Les contrats conservés se présentaient comme des gages fonciers, dans lesquels les intérêts prévus consistaient en une part substantielle de la récolte117. On sait que l’abbaye de Coltibuono recourait ailleurs à ces mêmes pratiques et que ces prêts sur gage foncier s’inscrivaient dans des pratiques communes à tout le Nord de la péninsule italienne118. Ces cartulae pignoris ne sont que la part émergée et immédiatement lisible du crédit dans la documentation des XIe et XIIe siècle119. Il est remarquable que la plupart de ces chartes aient été ratifiées dans les temps de l’année qu’on sait les plus durs : vers février et mars ou jusqu’au printemps, moment traditionnel de la soudure.
20Le crédit était aussi un instrument de recomposition des hiérarchies sociales. Le voisinage et l’appartenance à un même milieu d’interconnaissances ne constituaient pas une garantie de voir le statut social ou le niveau de richesse se perpétuer. Dans un acte de 1125, quelques individus des environs de Rignano offraient à l’abbaye une terre que leurs parents avaient acquise « dans une période de faim120 ». Une indication qu’il faut sans doute prendre au sérieux et qui rappelle la dépendance de l’ensemble des populations étudiées aux aléas climatiques et aux hasards de la vie politique121. De tels épisodes pouvaient avoir d’importantes conséquences sur les hiérarchies locales : le manque de céréales et le renchérissement des prix n’étaient pas des catastrophes pour ceux qui avaient quelques réserves et pouvaient, en aidant à peu de frais leurs voisins, profiter des prix affaissés du foncier122. L’acte de 1125 est un cas isolé, mais intéressant qui révèle à la fois la fragilité des populations à la conjoncture et rappelle, dans le même temps, le jugement négatif qui risquait de peser sur ceux qui auraient profité trop ouvertement, et sans offrir de contreparties, des difficultés de leurs voisins. Quand de nouveaux contrats fonciers font leur apparition, au cours du XIIIe siècle, ils participent souvent à la diffusion de formes très contraignantes de crédit. Les baux ecclésiastiques se révèlent ici moins utiles que les contrats laïques pour saisir le fonctionnement de ces formes nouvelles d’exploitation123. Moyen de paiement usuel d’une société thésaurisant peu et manquant constamment de liquidités, le crédit pouvait servir à tisser les solidarités des communautés locales et ne fonctionnait pas nécessairement comme une fabrique à misère124. On peut toutefois reconnaître la pratique agressive des usuriers de l’Italie des XIIe et XIIIe siècles, à l’image des Mangiavillano étudiés à Padoue par G. Rippe125. Plus près de Florence, sur le marché de Leccio, dans la vallée supérieure de l’Arno, Corso Malaccho di Gianni était, à la fin du XIIIe siècle, le procurator de ser Tommaso di Spigliato dei Mozzi pour tout ce qui avait trait aux locations de ses terres. La plupart des baux fonciers dont il s’occupait étaient accompagnés de l’ouverture d’un crédit. En février 1295, il reconduisit Salvi di Corbaccino sur un podere des environs de Rignano126. Il s’agissait d’une location pour six ans, avec un loyer total de huit muids de céréales prévoyant le versement de quelques œufs et volailles. Avec le podere, le locataire obtenait la concession d’une parcelle sur une « île » de l’Arno contre un loyer consistant en une moitié du mil récolté127. Au terme de cette location, Salvi di Corbaccino s’engageait à rembourser le prêt de trente-trois livres qu’il avait reçu pour faire fonctionner l’exploitation. Dans la même journée, le fils de Salvi di Corbaccino, avait souscrit, en son nom et auprès de Corso Malaccho, un prêt de quatorze livres et dix sous à rembourser dans l’année, à Florence128. À l’instar de la plupart des affaires dont se chargeait Corso Malaccho, ces deux actes contrats avaient été cassés en présence des deux parties129. On aurait tort de trop dramatiser ces opérations et les familles d’exploitants étaient sans nul doute habituées à vivre avec ces crédits et les contraintes qu’ils entraînaient.
21Une étude des prêts consentis par ce fattore des Mozzi révélerait sans doute une petite société d’interconnaissance où le crédit fonctionnait entre gens de confiance. Pour être classique, l’analyse qu’on a longtemps faite de ces prêts « pour l’achat des bœufs » reste toutefois valide130. Il s’agissait, pour le propriétaire, de placer l’exploitant dans une situation de dépendance économique et dans un rapport de subordination dont le padrone tirait le plus grand profit131. Le succès, au XIVe siècle et dans les siècles suivants, des pratiques consistant à associer un prêt à la location d’une terre ou d’une exploitation témoigne d’ailleurs de l’intérêt qu’ont longtemps trouvé les propriétaires florentins à l’établissement de ces contrats. Dès le XIIIe siècle, sans que le phénomène fût généralisé, on trouvait d’ailleurs des exemples parfaits de ces baux associant un prêt à l’exploitant et un contrat de métayage à court terme et à part de fruit. Tout innovants que pussent alors paraître ces baux, ils s’inscrivaient dans des pratiques anciennes dont ils proposaient une version plus systématique et organisée – c’était inédit – autour d’exploitations restructurées et recomposées.
7.3. Petits tenanciers et grands fermiers
22Les documents du XIIe siècle font rarement connaître d’autres tenanciers que ces figures, qu’on devine déjà assez importantes, et dont le patrimoine semble s’organiser à l’ombre des institutions seigneuriales. Au XIIIe siècle, sans que les données sur les tenanciers soient véritablement massives, on peut se faire une idée plus nette des hiérarchies séparant différentes formes de location de la terre : certaines destinées à encadrer de petites unités, des exploitations rurales familiales, d’autres servant à encadrer la concession d’importantes unités foncières. L’attention légitime pour les nouvelles formes de location – la mezzadria poderale et ce qui s’en approche – ne doit pas faire oublier la résistance, durant tout le XIIIe siècle et au-delà, de formes plus anciennes de conduction des terres.
7.3.1. Les tenanciers coutumiers : la persistance des baux emphytéotiques
23Les registres notariaux et les fonds ecclésiastiques offrent ici un contraste évident. Tandis que les premiers renseignent sur les nouvelles pratiques, et portent le souvenir des contrats à court terme et méritant d’être conservés, les archives ecclésiastiques donnent à voir la persistance de ces locations soumises à des charges « coutumières », en ce sens qu’elles échappent généralement au contrat écrit. Ces charges coutumières avaient en réalité connu de fortes évolutions, et E. Conti a bien mis en évidence le mouvement général de conversion des redevances, d’abord demandées en argent, puis en nature, dans la première moitié du XIIIe siècle132. Sans doute ce mouvement de conversion s’accompagnait-il d’une évolution générale de la documentation et des pratiques écrites consistant à encadrer par l’écrit un niveau de transactions qu’on confiait auparavant à la mémoire des hommes. En remontant plus loin, vers le XIIe siècle, comme l’a fait L. Tabarrini, il est probable que ces baux coutumiers aient longtemps été associés à des demandes de corvées qui tendaient à se raréfier dans la documentation relative au Duecento133. Quand on considère les témoignages relatifs au contado florentin, on ne peut que constater l’importance de loyers qui pour être dans l’ensemble assez différents, ont ceci en commun d’accompagner des baux emphytéotiques, associant aux versements en nature, de petits versements en argent et beaucoup plus rarement des services ou des corvées. Lorsqu’ils en avaient l’occasion, les grands propriétaires pouvaient être tentés – mais ce n’était pas une règle systématique – de convertir ces redevances et de réorganiser leur patrimoine foncier. Dans l’environnement monastique, à Passignano, à Camaldoli et à Vallombrosa, les abbés conservèrent assez longtemps les liens de fidélité et de sujétion associant leur communauté à une familia plus vaste de laïcs. Ces baux emphytéotiques, quoiqu’habituellement liés à une condition contraignante, n’étaient pas nécessairement d’un mauvais rapport pour leur bénéficiaire. C’est globalement ce que souligne Renzo Nelli dans son étude sur la population des tenanciers de l’évêque florentin à Monte di Croce. En s’intéressant à l’une des villae dépendant de l’antique castello des comtes Guidi, il offre un remarquable tableau de ces tenanciers coutumiers. Certains pouvaient se livrer à des activités plus lucratives, l’élevage en soccida notamment, en sous-louant leurs terres à d’autres exploitants, d’autres pouvaient ouvrir de petites boutiques en ville. Il tempère toutefois, à très juste titre, le caractère positif de cette condition de tenancier coutumier. D’autres parcours, mal documentés, témoignent a contrario de la fragilité de ces mêmes tenanciers :
Le fait même que les autres tenanciers, dans leur grande majorité, ne parviennent presque jamais à émerger des fonds pour faire sentir leur propre voix témoigne de la pauvreté relative de leur condition, sinon de leur indigence véritable134.
24À ce tableau déjà assez complet, il faut encore ajouter la forte présence des tenures coutumières à Vallombrosa et dans le Chianti. À Vallombrosa, les copies effectuées sur le registre de Jacopo da Magnale par le notaire Guido di Domenico témoignent des faibles transformations des loyers135. F. Salvestrini a déjà souligné le caractère tardif et peu massif des conversions de loyer dans cet environnement montagnard136. Il faut en effet attendre le XIVe siècle pour assister à la diffusion des contrats à court terme. Avant cette date, les loyers demandés pour la terre étaient massivement des loyers en nature, allant de la mine de froment à quelques setiers de blé ou de châtaignes.
25Si l’on demeure incertain sur les unités de mesure aux XIe et XIIe siècles, les choses deviennent plus simples au siècle suivant. Certains territoires maintenaient leurs particularismes. À Passignano, le versement des redevances se faisait à la mesure de Passignano, un élément loin d’être anodin et qui participait à l’affirmation seigneuriale des abbés. À Vallombrosa, l’unité de mesure était vraisemblablement le setier de Florence, de 24,36 litres, ce qui signifiait que l’un des plus hauts loyers en nature s’élevait à environ 268 litres de céréales panifiables et autant d’avoine, un peu plus ou un peu moins de la capacité usuelle d’une barrique. En l’absence de données précises sur les rendements et les surfaces exploitées, les jugements portés sur ces redevances demeurent impressionnistes. Au vu des poderi qui sont connus, une telle quantité ne paraît pas trop peser sur la production. Les montants demandés pour une exploitation complète, entre une dizaine et une vingtaine de setiers par an, sont ceux qu’on retrouve dans d’autres contextes, au début du XIIIe siècle, sur les terres des évêques de Florence137. La plupart du temps, les loyers demandés étaient beaucoup plus faibles, quelques setiers par an seulement138. À Monte di Croce, les loyers allaient jusqu’à cinq ou quinze setiers pour une parcelle, mais les montants les plus fréquents – les deux tiers –, étaient inférieurs à cinq setiers et plus de la moitié étaient inférieurs à deux setiers139. La documentation donne le point de vue du propriétaire qui recevait quelques setiers, quelques deniers et d’autres denrées, se présentant en ordre dispersé. Les tenanciers pour leur part avaient à gérer cette même diversité et la perspective de devoir verser, aux mêmes époques, diverses redevances à une multitude d’ayants droit. Les institutions religieuses rencontraient certainement des difficultés lorsqu’elles voulaient faire évoluer leur patrimoine foncier, mais elles avaient des moyens de contrôle que n’avaient pas d’autres propriétaires, confrontés aux conséquences des divisions familiales et souvent conduits à s’éloigner des lieux de production. L’un des descendants des seigneurs de Tornano, Ildibrando di Guarnellotto (1201 ; 1258), alors qu’il vivait à Sienne, détenait encore sur les colons et tenanciers du Chianti une multitude de droits matériellement difficiles à réclamer. C’est cet ensemble de terres et de prélèvements qu’il vendit, en 1258, à un autre aristocrate local, pour le prix de quatre-vingts livres en deniers de Sienne140. D’une dizaine de tenanciers, dont une église, il pouvait attendre près de quatre muids de blé par an : une belle quantité, suffisante probablement pour ses besoins immédiats et qu’il était possible de commercialiser, mais probablement difficile à prélever. Il fallait en effet ne pas perdre de vue les tenanciers, organiser un éventuel transport ; toutes choses qui devenaient plus difficiles à distance. D’autres tenanciers devaient annuellement des quantités si dérisoires que ces loyers étaient calculés à des échéances beaucoup plus longues, de six ou sept ans141, qui en préparaient l’oubli.
26Les tenanciers eux-mêmes ne sauraient être confondus en une seule classe économique. Si la condition juridique qui pesait sur ces derniers, au moins comme une menace, était celle de colon – un terme qui se transmit d’ailleurs en italien pour désigner par la suite les tenanciers de la mezzadria –, les foyers qui étaient soumis à ces prélèvements pouvaient connaître des sorts extrêmement différents. Ils n’étaient en revanche pas les mieux placés pour commercialiser d’importantes denrées agricoles. La documentation disponible témoigne de l’attention croissante portée par les propriétaires aux prélèvements auxquels ils avaient droit. Des prélèvements certes légers, mais contraignants par leur temporalité et qui intervenaient peu de temps après la récolte. On serait en réalité tenté de généraliser le jugement mesuré porté par R. Nelli sur les tenanciers de Monte di Croce. Les tenures coutumières permettaient certainement de vivre. Dans la majorité des cas, elles ne devaient guère autoriser autre chose qu’une survie à peu près digne. Les transformations initiées au XIIIe siècle, et plus sensibles dans la vallée de l’Arno, avec les premiers contrats à court terme, ne devaient guère changer cet état de choses. La lecture des registres du notaire Guido di Bandino da Leccio donne une idée du poids acquis, à la fin du XIIIe siècle, sur le marché des céréales par Tommaso di Spigliato dei Mozzi, qui pouvait attendre chaque année 125 muids de blé de ses seuls poderi de Rignano sull’Arno142. Être à la tête d’une bonne tenure, disposer d’une insertion satisfaisante dans la communauté locale et entretenir de bonnes relations avec les autorités locales, c’était toutefois disposer des moyens d’envisager d’autres activités : le notariat ; l’élevage ou encore l’activité artisanale. Il n’est pas impossible que les tenanciers de Ristonchi et Magnale se soient adonnés, dès le XIIIe siècle, au travail du bois et la confection de petits meubles143. Ces activités échappent aux prélèvements seigneuriaux et sont en conséquence assez mal documentées.
7.3.2. Les exploitations nouvelles
27À côté des petites tenures ou des parcelles dont les bénéficiaires versaient quelques setiers, on repère dans les sources du XIIIe siècle, l’existence de grosses tenures dont on attendait des quantités plus importantes de céréales. Un acte transmis par l’abbaye de Coltibuono fait ainsi connaître l’existence de loyers s’élevant à onze muids de froment par an, à verser au quinze août, au titre d’un contrat de trois ans seulement pour une exploitation située dans la Val d’Arbia, à Argenina144. Dans un censier qu’on suppose daté du XIIe siècle, mais remontant probablement aux dernières années du siècle, et écrit en langue vulgaire, les sept tenanciers du lieu devaient, tous ensemble, moins de trois muids de céréales145. Les loyers exprimés étaient typiques de ceux qu’on retrouvait en d’autres territoires, une certaine Aghina devant ainsi six setiers et un setier de céréales à la mesure de Sienne. Il avait fallu une transformation de l’ensemble de ce petit territoire pour qu’on pût en attendre, au XIIIe siècle, quelque chose comme onze muids de céréales. L’acte pourrait remonter au milieu du Duecento, à une époque où les moines de Coltibuono utilisaient cette curtis productive pour rembourser leurs dettes. En 1258, un certain magister de Montegrossi remettait à Montigiano di Ubertino, agissant en lieu et place du convers et castaldus de la cour d’Argenina, les biens qu’il avait saisis sur la cour en question et faisait quittance des quatre muids de blé que lui devait l’abbaye de Coltibuono146. Si le patrimoine monastique était ancien dans ce territoire, la donation d’un prêtre, à l’extrême fin du XIIe siècle, avait dû représenter l’apport considérable d’un ensemble productif et déjà restructuré147. Le prêtre Giovanni s’était donné à l’abbaye de Coltibuono, en apportant avec lui vingt-cinq livres pisanes versées par les moines pour sa terre d’Argenina. Il conservait le droit de demander, à sa volonté, douze setiers de froment issus de cette terra et serait reçu par les moines quand il le souhaiterait. Il offrait en outre un muid de blé (triticum) et six livres qu’il possédait sur une mule. Ce document laconique est un indice, parmi d’autres, de la vitalité économique de ces campagnes et de la capacité des moines et d’autres acteurs, à transformer une curtis et un ensemble disséminé de parcelles en un ensemble productif. Sans doute la curtis de Marciano, dans le Valdarno, avait-elle été le cœur d’une semblable transformation. Au XIIIe siècle, la curtis de Marciano, gérée par un castald, à l’instar de celle de Largnano (Argenina), était dominée par une vaste terre en faire-valoir direct, au lieu-dit Al Baleno148. Les basses collines de Rignano, comme celles de la vallée de l’Arbia étaient sans doute plus propices à la céréaliculture que les hautes collines du Chianti, mais ces grandes unités, que les moines concédaient volontiers pour rembourser leurs dettes, constituaient des propriétés plus fragiles. La curtis de Marciano fut ainsi mobilisée à de multiples reprises pour éteindre les dettes des moines et échappait de plus en plus à l’emprise de ces derniers.
28À côté de ces grands ensembles, les moines ou leurs administrateurs avaient aussi mis sur pied des exploitations de dimensions sans doute plus raisonnables, mais dont on attendait de substantiels loyers en nature. Le petit dossier légué par les seigneurs da Cacchiano informe sur l’existence de pratiques similaires chez des laïcs entreprenants, les moines vallombrosains n’apparaissant en l’occurrence ni comme des précurseurs ni comme des imitateurs tardifs de leurs voisins. Certaines de ces grosses exploitations continuaient d’être concédées pour de très longues durées, souvent plus de vingt ans149. Le cas le plus remarquable était la concession faite par Ciampolo, fils de ser Salvi di Drudolo da Monteluco a Lecchi en 1299. Avec son procurateur, ce florentin descendant de la famille des da Cacchiano louait à Casetto di Boninsegna un podere que ses héritiers et lui-même tiendraient quatre-vingt-sept ans contre un loyer annuel de trois muids et dix-huit setiers de grain150. La plupart des nouveaux baux fonciers, qui n’avaient pas vocation à demeurer dans les archives des abbayes et qui ont dû être beaucoup plus nombreux que ce que la documentation disponible peut laisser supposer, fonctionnaient sur une échéance de six ans, avec un loyer composé de quelques muids de céréales, souvent accompagné d’une redevance en œufs et d’une somme destinée au rachat d’un prélèvement sur le bétail151. À peine ouvre-t-on un registre notarial qu’on découvre la fréquence de ces contrats, plus courants, jusqu’à la fin du XIIIe siècle, que les véritables métayages. Dans le Valdarno Supérieur, à côté des locations qui prévoyaient un prêt initial et plaçaient les tenanciers en situation d’obligés, les Mozzi de Florence établissaient avec certains de leurs locataires des contrats plus simples et supposant la concession d’importantes unités foncières. En 1295, par le biais de son procurateur local, Corso Malaccho di Gianni, ser Tommaso di Spigliato dei Mozzi avait loué à Gianni di Gottolo et à son fils tous les biens qu’il possédait dans les deux paroisses de Leccio, à l’exception des bois et des incultes. Ces terres devaient, en six ans, lui apporter cent deux muids de blé, à raison de dix-sept muids par an152. D’autres prenaient en location des terres sur lesquelles on trouvait déjà un laborator153. Le tenancier était ici un grand entrepreneur, mais tous les tenanciers ne sont pas reconductibles à cette situation d’aisance relative.
29Le statut de dépendant des colons pouvait offrir une certaine sécurité, mais il donnait aux seigneurs un avantage considérable lorsqu’ils entendaient restructurer certaines de leurs propriétés. Ce n’est sans doute pas un hasard si les fonds de l’abbaye de Coltibuono font surgir à peu près au même moment les contrats d’exploitations réorganisés et les mentions les plus fournies de coloni. Dans les années 1250, le renouvellement des baux emphytéotiques classiques était assorti d’un serment des bénéficiaires reconnaissant leur condition de dépendants154. On comprend mieux, à cet égard, le souci qu’avaient de petits notables de racheter à leurs propriétaires des terres tenues contre des loyers assez insignifiants155. Était-ce toujours de bon gré et par piété que certains tenanciers renonçaient à certaines de leurs possessions ? En 1253, en l’église de Coltibuono, Ranieri di Tebaldo da Montaio et son épouse Imeldina renonçaient aux terres qu’avaient tenues leurs ancêtres contre un service de deux deniers de Pise : quatre parcelles et des droits sur certains prés et incultes des environs156. Le lexique de la « libération » était largement et volontairement employé. C’était parce qu’ils voulaient se « libérer du servitium » de deux deniers qu’ils offraient ces terres à l’abbé de Coltibuono157, et l’acte avait d’ailleurs été écrit dans les mêmes termes qu’un affranchissement158. À la fin du XIIIe siècle, quand l’évolution documentaire vient éclairer d’un jour nouveau le sort des campagnes florentines, les hiérarchies entre grands propriétaires, propriétaires moyens, grands tenanciers et petits tenanciers paraissent dans l’ensemble mieux affirmées. Le marché de la terre demeurait très animé et les patrimoines familiaux, qu’ils fussent constitués de terres tenues en propriété, de locations à court terme ou de baux emphytéotiques, continuaient de présenter une grande diversité. Du point de vue d’une historiographie soucieuse de classer et de définir des hiérarchies, la situation est toutefois plus simple qu’aux XIe et XIIe siècles, les sources ne faisant plus connaître de vastes groupes de possessores au profil social incertain. Au XIIIe siècle, les campagnes de Florence étaient peuplées d’une population relevant d’une condition de colon devenue courante. Cette condition juridique et qui se définissait par un certain rapport à la propriété d’autrui n’interdisait pas d’être soi-même propriétaire et n’encadrait pas une population présentant un profil homogène d’un point de vue économique.
30Du XIe siècle aux premières années du XIVe siècle, le territoire florentin fut ainsi marqué par la présence constante d’une population dominée, mais exerçant un contrôle important sur l’essentiel des moyens de production. Il faut se faire à l’idée que des degrés nombreux pouvaient différencier insensiblement les individus et les familles les plus pauvres des familles dominantes. Que penser, dans ce contexte, de la progressive émergence des baux emphytéotiques en nature ? Il y avait sans doute eu, de la part des seigneurs ecclésiastiques, et sans doute de la part des laïcs, un mouvement de conversion des corvées au XIIe siècle159. L’affirmation plus nette des hiérarchies entre les différents ayants droit, la politique d’achat et de rétrocession de terres que conduisirent les abbayes auraient en revanche conduit ces dernières, à l’instar d’autres grands propriétaires, à exercer un contrôle plus direct sur la population des tenanciers coutumiers. C’était sur des redevances en nature qu’aurait ainsi vécu, depuis longtemps, la population des tenanciers livellaires, et c’était ces pratiques que faisaient parfois ressortir les opérations de prêt sur gage. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, la compétition plus nette entre différents pouvoirs et la tendance à délimiter plus précisément les aires de domination respectives conduisirent à réaffirmer et réorganiser la situation des tenanciers. Le contado florentin qu’on découvre au XIIIe siècle apparaît ainsi peuplé d’une population massive de tenanciers soumis un peu partout aux mêmes conditions : locataires d’exploitations relativement cohérentes, mais au parcellaire dispersé, ils devaient des redevances en nature de quelques setiers auxquelles s’ajoutaient des cadeaux annuels. Les corvées étaient très résiduelles et souvent rachetées et remplacées par ces baux en nature qui libéraient les bras des tenanciers et permettaient éventuellement au maître de consommer ou commercialiser une partie des récoltes160. La domination plus ou moins étroite qu’exerçait le maître pouvait se concrétiser dans la revendication par celui-ci d’un contrôle plus étroit sur la personne du chef de famille : villanus ou colonus. Cette situation de tenancier coutumier fut sans doute, dans la première moitié du XIIIe siècle, une expérience commune de la domination subie. Une telle condition n’élevait en revanche pas de barrière infranchissable entre bénéficiaires de la rente foncière et exploitants. La difficulté qu’on ressent lorsqu’on cherche à comprendre les hiérarchies de ces sociétés rurales vient sans doute de la constante participation d’une frange non négligeable de la population dominée aux structures mêmes de leur domination : petits possessores concluant des livelli des terres dont ils étaient les exploitants ; tenanciers coutumiers possédant une parcelle de droits sur d’autres colons ; familles de fideles associées aux décisions des seigneurs locaux. La transformation la plus importante fut celle qui s’opéra à partir du XIIIe siècle et contribua à faire évoluer, non seulement les modes de conduction des tenures, les baux à court terme s’imposant peu à peu, mais aussi les structures mêmes de la vie agraire.
31L’arrivée des contrats fonctionnant davantage sur la dépendance économique est l’un des grands problèmes posés par la documentation de l’époque communale. La réponse classique consiste à interpréter ces contrats comme un moyen de réaffirmer l’hégémonie de la propriété foncière sur les petits producteurs agricoles, dans un contexte de dépréciation monétaire et de délitement des structures de l’encadrement seigneurial161. Propriétaires citadins, ruraux émigrés en ville ou demeurés dans leur village, seigneurs laïques ou ecclésiastiques n’agirent pas différemment, réorganisant, au gré de leurs priorités et de leurs possibilités, les terres qu’ils possédaient dans le contado florentin162. Cette thèse classique a le défaut de lisser les contours d’une évolution qu’on devine assez brutale et qui correspond localement à une redéfinition rapide des normes et des hiérarchies. Aussi la situation qui se dessine progressivement dans la seconde moitié du XIIIe siècle apparaît-elle plus contrastée : de grandes fermes s’opposant à de plus petites exploitations. On doit supposer que la réorganisation du foncier se faisait avec une émigration devenue plus massive vers Florence et les bourgs intermédiaires. C’était moins la propriété ou la possession qui servaient à classer les individus que la répartition entre une longue série de bénéficiaires des prélèvements effectués sur le travail des femmes et des hommes de peine. La seigneurie ne jouait pas un rôle exclusif dans l’extorsion et la redistribution des rentes foncières163. La compétition qu’on croit deviner dans les campagnes des XIIe et XIIIe siècles n’était pas un jeu portant sur des objets rares ou sur une part symbolique du travail agricole ou artisanal. Seigneurs, propriétaires ou possessores aisés cherchaient à capter les parts les plus substantielles de la production agricole164. On peut faire de la situation de rentier – une situation qui s’envisage par degrés de participation à des formes multiples d’extorsion des produits de la terre – l’un des éléments premiers de l’obtention d’une forme locale de notabilité. Le cercle des notables, définis en ce sens comme dignes de considération et admis à discuter des questions relatives à la distribution de ces bénéfices, incluait à la fois les plus hauts seigneurs, des rentiers détachés des contraintes d’un travail de subsistance et des cultivateurs admis eux aussi à faire entendre leur voix.
Notes de bas de page
1 Levi 1946, p. 21.
2 Sur la crise du Trecento voir Bourin – Menant 2011.
3 Benito i Monclús 2011, Tabarrini 2019, p. 92, plusieurs disettes touchent Florence et la Toscane en même temps que d’autres régions en 1175-1177, en 1181-1182, en 1190-1191 ainsi qu’entre 1224 et 1228 et autour de 1227.
4 Toubert 2008.
5 Conti 1965a, p. 214.
6 Carocci 2004.
7 Guerreau 1980, p. 183 : « On peut encore avancer une autre preuve de la nature de la relation de dominium : l’absence dans l’Europe féodale de la notion de paysan, au sens où on l’entend d’ordinaire. »
8 Delumeau 1996, vol. 1, p. 82.
9 Cortese 2007, p. 138-139.
10 Bloch 1936 ; Nelli 1985 ; Conti 1985 ; La Roncière 1990 ; Casini 2009b.
11 Au milieu du XIIIe siècle, la situation des tenanciers des seigneurs de Tornano était très semblable à celle des tenanciers de la grande propriété ecclésiastique, mieux documentée et plus stable, voir Ricasoli, Parte antica, Pergamene, n° 14, le 1er avril 1258, instrumentum venditionis (330 × 540 mm).
12 La formule classique est ad habendum, tenendum, laborandum et fruendum.
13 Diplomatico, Coltibuono, 1045/03 (720, RC 37, en mars).
14 Ibid., 1069/02 (1246, RC 74), 1076/01 (1536, RC 105, Badia 113), 1079/05/01 (1711, RC 122, en mai), 1085/08 (2139, RC 165), 1085/08 (2140, RC 166), 1085/12 (2157, RC 170). Il faut ici faire une exception pour le livello de 1076/1077 qui englobe des biens disséminés dans le territoire de plusieurs églises plébanes.
15 Ibid., 1085/08 (2140, RC 166).
16 Ibid., 1113/06 (3433, RC 280).
17 Ibid., 1121/02 (3730, RC 310), le frère convers Pampo obtenait une parcelle en s’engageant à fournir pendant trois ans le tiers des fruits et du blé, puis la moitié de la récolte pour les jours restant à l’ancien propriétaire ; il s’agissait sans doute, pour ce dernier, de donner une terre à l’abbaye et de s’assurer, dans le même temps, les moyens de sa subsistance ; le loyer modéré des trois premières années était probablement lié au besoin de restructurer ces vignes.
18 C’est l’abbaye de Coltibuono qui a transmis l’essentiel de ces listes ; voir ainsi ibid., XIIe siècle (7508, RC 549), une liste de 39 individus tenus de payer des loyers de 2 à 22 setiers pour les terres possédées autours des localités de La Torricella, Monte, Cacchiano et Argenina ; il existe alors trois unités de mesure possibles, à savoir le petit setiers alo picculo, le setier siennois et le setier pour lequel on ne précise rien ; on trouve par ailleurs des listes de paiement en deniers et en nature, ibid., XIIe siècle (7503).
19 L’une des rares listes mentionnant des loyers en argent fait davantage penser à des opérations de conversion ou à la récupération de loyers impayés qu’à une liste de tenanciers « livellaires » ; l’un des documents conservés renvoie à un conflit entre Spinello dei Firidolfi et ses tenanciers et peut-être, au-delà, avec un autre propriétaire.
20 Ibid., 114(*) (4945, RC 409), l’écriture déployée incite à dater ce document de la première moitié du XIIe siècle ; on sait que l’héritage de ce Bernardo était l’objet d’un conflit entre les nepotes Rainerii et les filii Tebaldi et qu’il avait finalement rejoint le patrimoine de l’abbaye ; les individus listés dans ce censier appartenaient plutôt à la petite aristocratie, Malaspina di Anselmino da Cascia qui apparaissait parmi les détenteurs de fief, figurait ainsi, en 1111, parmi les destinataires d’un acte de renonciation et recevait une compensation de 10 livres pour la part acquise sur un castello par Bernardo di Benno, ibid., 1111/08 (3355, RC 271).
21 Ibid., XIIe siècle (7508, RC 549), 118(*) (6736, RC 515), en tout, les deux listes donnent les noms de 89 tenanciers ; on retrouve mentionné deux fois Salvetto di Boccacino (pour des loyers de 5 et 30 setiers) et quelques autres recoupements peuvent être faits ; ainsi trouve-t-on Biccio di Musingo dans une liste et Piero di Musingo dans une autre, on ne rencontre en revanche nulle part ailleurs les noms de ces individus.
22 Ibid., XIIe siècle, (7508, RC 549), Guglielmo da Colle devait ainsi donner chaque année 20 deniers et demi, trois setiers de grain, trois pains et demi, un poulet et demi ainsi qu’un setier de vin.
23 Ibid., ii denarios de castaldo.
24 Ibid., iii staria annone.
25 Nishimura 2011.
26 Entre autres exemples, voir Aubrun 2000, p. 275-276.
27 Tabarrini 2019, p. 147-148.
28 Un instrument de procuration de 1230 faisait intervenir dix moines (dont l’abbé) et huit frères convers rassemblés dans le cloître de l’abbaye pour désigner les deux procuratores gérant les relations entre l’abbaye et l’évêque de Chiusi pour l’établissement d’une soccida, voir Diplomatico, Coltibuono, 1230/08/03 (10954).
29 Commune de Greve in Chianti, à la confluence de l’Ema avec un autre petit torrent.
30 Sur ces tenanciers voir, en annexe de ce livre, n° 3 « Les tenanciers du Molino all’Altare (XIIe siècle) ».
31 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1084/03/18 (1953, Le carte... 49).
32 Ibid., 1277/01/09 (19474, en 1278), Francesco, abbé de Montescalari, reprenait la terre et la pescaia (retenue d’eau des moulins, généralement utilisée pour la pisciculture), tenue par Beringherio di Benincasa, Giuntino, Spinello et Marcuccio di Chiaro, ainsi que par Fede di Rustichino et les libérait de l’obligation qu’ils avaient chaque année de préparer un repas pour l’abbaye.
33 Ibid., 1079/01/28 (1690, Le carte... 30, en 1180), 1082/09/03 (1858, Le carte... 34), 1083/08 (1895, 1896, Le carte... 41), 1084/02/18 (1934, Le carte... 47), 1084/03/18 (1953, Le carte... 49), 1084/06 (1984, Le carte... 54), 1084/08 (1996, Le carte... 55), 1085/04 (2083, Le carte... 64), 1087/02 (2231, Le carte... 81).
34 Ibid., 1084/02/18 (1934, Le carte... 47).
35 Les fils de Rustico étaient tenanciers d’autres terres dans les environs, ibid., 1084/02/29 (1938, Le carte… 60, le 28 février 1085), 1085/04 (2083, Le carte... 64) ; Petro di Vivenzo en revanche, appartenait à une famille continuant d’évoluer entre Florence et la Val d’Ema ; c’était depuis Florence que son frère Giovanni avait donné en propriété à l’abbaye de Montescalari, l’ensemble des biens qu’il avait autour du monastère, ibid., 1082/09/03 (1858, Le carte... 34).
36 Faini 2010, p. 248-262, on ignore les liens qui unissent les Caponsacchi aux « fils de Fiorenzo », eux aussi propriétaires des terres de Mezzano, Altare et Totorgnano, Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1083/08 (1895, 1896, Le carte... 41) ; sans doute ces fils de Fiorenzo ont-ils quelques liens avec l’important groupe qu’on voit évoluer, quelques années plus tard, aux alentours de Florence, autour du lieu-dit Varlungo, ibid., 1102/10/13 (3015).
37 Sur cette figure, voir Faini 2008b et Lefeuvre 2016a.
38 Wickham 1988 ; Feller – Gramain – Weber 2005, p. 40-67.
39 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1117/05/14 (3577), 1117/12/09 (3594), 1117/03 (3574, en 1118), 1118/09/14 (3634), 1118/02/18 (3600, en 1119), 1123/03/11 (3793, en 1124).
40 Ildibrando di Sichelmo (1117, 1156) est cité dans de nombreux actes de Montescalari ; il était l’époux de Mingarda di Guido et se trouvait plus souvent à Florence qu’à Tizzano, une localité de la Val d’Ema, à laquelle on attachait son nom ; le nom de Sichelmo appartient au stock onomastique des Montebuoni, lesquels avaient certaines de leurs possessions à Tizzano au début du XIe siècle, voir Cortese 2007, p. 334, n. 315 et p. 340 ; on peut situer les fils de Sichelmo dans le schéma de parenté établi par M. E. Cortese en faisant d’Ildibrando, Petro et Bernardo les fils de Sichelmo cité entre 1084 et 1087, et décédé avant 1117, on aurait ainsi les représentants d’une branche apparentée aux Buondelmonti et aux Scolari, mais plus rapidement installée à Florence et continuant, dans la première moitié du XIIe siècle, d’évoluer entre Tizzano et Florence, ibid., 1087/02 (2231, Le carte... 81), 1119/03/04 (3654), 1130/10/02 (4104), 1137/02/02 (4360, en 1138), 1137/02/03 (4361), 1137/02/13 (4366, en 1138), 1154/05/10 (5139), 1156/08/21 (5234, 5235), 1159/09/22 (5366), 1146/02/22 (4760, en 1147).
41 Ibid., 1117/05/14 (3577).
42 Ibid., 1117/03 (3574).
43 Ibid., 1118/09/14 (3634), dans cet acte, la parcelle est la même que celle concédée en livello par Ildibrando di Sichelmo et son épouse quelques mois plus tard, ibid., 1118/02/18 (3600, en 1119).
44 Ibid., 1123/03/11 (3793, en 1124).
45 Ibid., 1118/09/14 (3634), le notaire avait qualifié l’acte de libellum, il s’ouvrait toutefois sur la reconnaissance du prêt, Ildibrando di Sichelmo ayant reçu 8 sous de Lucques et 5 setiers de mil ala pigna.
46 Ibid., 1130/02/26 (4080, en 1131), 1130/02/03 (4071, en 1131), une vigne à Tizzano, 1130/05/14 (4089), à Altare.
47 Ibid., 1132/03/14 (4182, en 1133), achat d’une vigne à Meleto, on suppose qu’il s’agit de la vigne précédemment tenue en livello, 1135/12/01 (4304), achat du 1/6e d’une terre située à Altare, 1142/11/28 (4630).
48 Ibid., 1132/04 (4186, le 30 mars).
49 Ibid., 1130/02/03 (4071, en 1131), Allio di Sensolo, habitant de Santo Stefano a Tizzano, promettait de défendre Branduccio di Petro en cas de contestation par d’autres membres de sa famille de la vente faite à ce dernier ; le renouvellement de certains livelli, comme celui de 1118, concédé une première fois par Ildibrando di Sichelmo, une seconde fois par Ildibrando et son épouse, relevait de ce même souci de se garder de tout litige.
50 Ibid., 1142/11/28 (4630), 1142/11/29 (4631).
51 Ibid., 1145/09/29 (4739), achat de terres à Meleto pour 9 sous et 6 deniers (auprès d’un prêtre qui aurait pu être apparenté à Branduccio).
52 Ibid., 1145/09/29 (4739), les Florentins appartenaient certainement au groupe des Caponsacchi.
53 Ibid., 1152/11/03 (5055).
54 Ibid., 1117/12/09 (3594), 1123/03/11 (3793, en 1124), 1137/02/02 (4360, en 1138), 1137/02/13 (4366, en 1138), 1142/11/28 (4630), 1155/01/24 (5171).
55 Ibid., 1173/04/16 (5833).
56 Ibid., 1155/11/06 (5201), les fils d’Ubertello faisaient à l’abbaye de Montescalari une importante donation offrant notamment ce qu’avait Branduccio da Altare ou l’abbaye, sans pouvoir faire de distinction entre les deux patrimoines.
57 Ibid., 1227/04/26 (10480).
58 Orlandino di Cacciaguerra, colon de l’abbaye de Vallombrosa attesté entre 1213 et 1241.
59 Dans les confronts on relève le nom d’Arringhiere di Guglielmo, des descendants d’Albertinello da Melosa, d’Arnoviscio, mentionné dix-sept fois entre 1202 et 1227, de Benintendi Birci – trois fois mentionné dans les confronts d’actes des années 1220 et requis comme garant du serment collectif prêté par les hommes de Magnale en 1219 – de Struffa di Salimbene da Magnale participant lui aussi au serment collectif de 1219 et attesté entre 1208 et 1227.
60 Sur ce dernier voir précédemment, chapitre 4 et, en annexe de ce livre, n° 9 « Les descendants de Cacciaguerra ou le choix de la dépendance ».
61 Collavini 2012b.
62 On s’expliquerait ainsi le refus de certains individus de prêter serment à l’abbé de Vallombrosa pour les terres qu’ils avaient acquises auprès de ses tenanciers tout en n’appartenant pas eux-mêmes à la communauté des villageois de Magnale ou Ristonchi, voir Diplomatico, Vallombrosa, 1237/02/09 (12095, en 1238) ; les 9 et 10 février, les juges de la cour « au Signe du Lion » de Florence donnaient raison aux représentants de l’abbaye, à savoir le vicomte Filippo da Quona et le syndicus Cristiano, dans le litige qui les opposait à Valente di Barellone, Vita di Sardo et Ranieri di Bonacurso.
63 Cette représentation est largement hypothétique, on a fait figurer comme les villae de l’abbaye fréquemment citées dans les actes des XIIe et XIIIe siècles sans savoir exactement ce qu’étaient ces structures, trois des parcelles citées ont pu être localisées avec un peu d’assurance (celles situées aux lieux-dits Casellini, Al Prato et dans la villa de Caticciano), la localisation des autres parcelles est plus arbitraire, Casa Focolari a été placée au lieu-dit Fassolare qui existe encore aujourd’hui, Rio près de la petite rivière du Vicano, les parcelles situées à Brolio (terme qui renvoie à un espace boisé, souvent utilisé pour la chasse), à Colle (colline ?) et à Scopeto (un terme employé pour des espaces boisés ou peu entretenus) ont été placées sur le mont dominant le castello de Magnale ; tout incertaine que soit cette représentation, elle offre, à notre sens, une idée satisfaisante de la façon dont le parcellaire exploité par un foyer pouvait se répartir, les notaires travaillant autour de Vallombrosa faisaient un usage mesuré des toponymes et si les parcelles n’avaient pas été situées dans les environs de Magnale, le notaire Giunta se serait certainement référé à la villa de Tosi ou à la curtis de Ristonchi.
64 Ibid., 1219/01/23 (9385, en 1220).
65 Ibid., hec autem sunt massariçie| invente in podere et casa predicta positam prope Ristonchium, in primis unum soppedanum| et duas arcas, duas cultrices, unum punactium, unum marronem, unam securem,| unam buctem, unum porcum, unam capram, unam maidam.
66 Ibid., les dettes se répartissaient ainsi, 11 sous étaient dus à Guido di Martello, 10 sous à Donna Lusinghiere – signe que les femmes en position de le faire pouvaient fort bien se livrer à l’activité –, 17 sous à Gianni di Banno, 7 sous à Favilla et 20 sous enfin étaient dus à Ghisole di Gianni Giochi ; ces dettes étaient liées, précisait le notaire, à l’achat d’une terre située à Grassina et qu’avait faite le tenancier précédent, hoc debitum dixerunt quod fuit factum pro compra facta a Piero Del Gollo ad Grasina ; Donna Lusinghiere était la fille d’un dénommé Magnale et appartenait à l’une des grandes parentèles du Pratomagno.
67 Ibid., convenit stare et morari pro homine et colono et resedente dicti monasterii et haba|tis.
68 Ibid., 1221/04/13 (9664).
69 Ibid., 1210/12 (8488), les fils de Liccese louaient une châtaigneraie et d’autres terres à Russo di Bonillo, ils attendaient la moitié des châtaignes récoltées et la dixième part du blé pour l’un des petits-fils de Liccese.
70 Ibid., 1215 (9036), quelques années auparavant, il était témoin d’un achat de terre réalisé au profit de l’abbaye de Vallombrosa, ibid., 1209/03/20 (8413, en 1210).
71 Buccio di Bonacorso intervint à deux reprises comme témoin d’une transaction ; en 1232, il assistait à la vente concédée par l’abbesse de Sant’Ilario in Alfiano des droits exercés par les moniales sur un de leurs colons ; en 1234, il était témoin de l’oblation de Romeo di Ardimanno, fils de Giuliana di Liccese et d’Ardimanno di Rinovardo, à l’occasion de laquelle le rejeton de la petite maison seigneuriale offrait aux vallombrosains la part qu’il avait de plusieurs colons et tenanciers ; en 1238, il achetait une parcelle des environs de Ristonchi, ibid., 1232/08/31 (11259), 1234/11/24 (11615), 1238/08/29 (12347) ; en 1253, il était parmi les homines de Ristonchi.
72 CRSGF, 260.126, fol. 64r-v.
73 Ibid., fol. 95r, le 13 décembre 1262.
74 Diplomatico, Vallombrosa, 1271/05/19 (18280), Gilio di Acorsino avait été nommé arbitrator et amichus comunis pour régler le litige qui s’était élevé entre l’abbé Benigno de Vallombrosa, d’une part, et Buccio di Bonacorso, son fils Franco et Donna Chiarente ; il s’agissait de forcer les tenanciers à céder un podere, mais cette cession s’était faite au prix de 149 livres en petits florins.
75 Cette transaction s’intégrait à d’autres semblables qu’on relève dans les actes établis en ce mois de mai 1271, ibid., 1271/05/03 (18268), 1271/05/08 (18275), 1271/05/13 (18278).
76 Ibid., 1188/04/04 (6646), les tenanciers cédés forment un bloc qu’on retrouve par la suite sans cesse dans les chartes des années 1190-1220.
77 Ibid., 1200/12/11 (7481).
78 Si l’affranchissement avait des motivations pieuses, le notaire s’en serait probablement fait l’écho.
79 Wickham 1994 ; Collavini 1998a ; Panero 1999 ; Collavini 2000 ; Panero 2018.
80 Collavini 2000.
81 Paradisi 1937.
82 Conti 1965a, p. 177-178 ; Delumeau 1996, p. 82-100 ; Huertas 2008, p. 150-155.
83 Diplomatico, Coltibuono, 1071/11 (1324, RC 77).
84 CRSGF, 224.236, n° 219, RC 124.
85 Delumeau 1996, p. 82 et suivantes.
86 Diplomatico, Coltibuono, 1084/08/17 (1994, RC 149), cum servis et ancillis et filiis et filie.
87 Ibid., 1021/02 (324, RC 19).
88 Ibid., 1081/09/30 (1823, RC 132).
89 Wickham 2000, p. 300 : « Tutto indica che i fittavoli dipendenti, in particolare coloro che non avevano terra propria, vivevano una condizione semi-servile più a Firenze che a Lucca. »
90 Panero 2000.
91 Wickham 1994, p. 1069-1070 : « Questo significa semplicemente che i giuristi, come gli storici attuali, capirono che tali coltivatori, liberi, ma sottoposti a forti vincoli di dipedenza, rassomigliavano assai da vicino ai coloni del basso impero (e non, conviene notarlo, ai servi). »
92 Santini 1895, vol. 1, n° XXII, le 1er janvier 1218 (en 1219), p. 240-244 ; commenté par Collavini 2000.
93 CRSGF, 260.126, fol. 55r-v, le 12 janvier 1262 (en 1263), fol. 55v, affirmantes se feudatorios [...] ac ipsius monasterii glebe ascriptos.
94 Conte 1996, p. 234-236.
95 Castiglioni 2010, p. 354-391.
96 Dans le fonds de Vallombrosa, l’une des premières mentions de la condition de colon se trouve dans un acte émanant du territoire de Faenza, et dans lequel on évoquait l’indominicato en le qualifiant de colonicatus. Diplomatico, Vallombrosa, 1170/05/25 (5710), 1188/04/04 (6646), 1189/07/27 (6719), 1196/12/07 (7216), 1197/12/31 (7278), 1199/08/22 (7378), 1200/12/11 (7481) ; Coltibuono, 1172/04/22 (5788, RC 483), 1197/08/30 (7258, RC 532).
97 Ibid., 1197/08/30 (7258, RC 532), Semifonte était une fondation nouvelle, promue par les comtes Alberti et était destinée à soutenir une construction territoriale, voir Pirillo 2004.
98 Ibid., Vallombrosa, 1195/05/19 (7101).
99 CRSGF, 224.232, p. 773, copie du 54e chapitre des statuts de Florence, dans le second livre, interdisant à un colon de vendre sans l’autorisation de son seigneur (copie moderne d’un document non retrouvé dans le Diplomatico), une autre copie de ce statut peut être trouvée sous la cote Diplomatico, Vallombrosa, 1276/10/26 (19426).
100 Le toponyme actuel est Sant’Angiolo a Vico l’Abate, dans la Val di Pesa, voir Repetti 1965, « Vico l’Abate, S. Angelo in Vico l’Abate », vol. 5, p. 745, vol. 6, p. 81.
101 Santini 1895, n° XXII, le 1er janvier 1218 (en 1219).
102 Diplomatico, Coltibuono, 1197/08/30 (7258, RC 532).
103 Ibid., Vallombrosa, 11(**) (7427).
104 On trouvait, dans un acte de 1113, la mention d’un certain Spatiavillanus, ibid., Coltibuono, 1113/04/17 (3423, RC 278).
105 Dameron 1991, p. 104, 160, les juges appuyèrent à plusieurs reprises les évêques de Florence dans de telles situations, pour Vallombrosa voir Diplomatico, Vallombrosa, 1195/05/19 (7101).
106 Conte 1996, p. 253 : « Se l’influsso dei civilisti sugli statuti resta sul terreno incerto delle ipotesi, non altrettanto può dirsi del loro impegno diretto per l’applicazione di un regime della dipendenza rurale più favorevole agli homines che ai loro padroni. Le prese di posizione di Rolando, Azzone, Ugolino, Iacopo Balduini, Odofredo sono infatti non soltanto assai esplicite, ma assumono maggiore evidenza perché si discostano dal costume scolastico di tenere i problemi della pratica lontani dall’esegesi scientifica e dalla didattica quotidiana. »
107 Voir Scalfati 1997, p. 134-135, de venditione hominum vel colonorum et servitorum [...] de venditione coloni et resedii.
108 Conti 1985, p. xxvii.
109 Panero 1999, p. 292-295.
110 Santini 1895, n° XXII, le 1er janvier 1218 (en 1219), p. 240-244, p. 242, Int(errogatus) si vidit Benivieni habitare Florentie, resp(ondit) quod sic, per tres annos ; et in his tribus annis fuit litigatus ab abate vel ab alio pro eo. Int(errogatus) quomodo sciret, resp(ondit) quod fuit vocatus testis : querimoniam posuit abbas vel alius pro eo. Int(errogatus) si Benivieni est civis, resp(ondit) quod non credit. Int(errogatus) si habet domum Florentie, resp(ondit) sic. Int(errogatus) quomodo sciret, resp(ondit) quod vidit eam facere.
111 Diplomatico, Vallombrosa, 1195/05/19 (7101), alors que l’abbaye réclamait annuellement une pension de sept deniers, un pigna de figues, trois corvées de bœufs, 3 corvées de bât avec un âne, le don annuel de deux poussins et deux poules, d’un setier de vin et deux pains, elle n’obtint du juge florentin que la reconnaissance de ces hommes comme colons du monastère et l’obligation, pour Petro, de payer le quart des sept deniers qu’on exigeait de lui.
112 Ibid., Coltibuono, 1315/06/03 (75234), Migliore di Bonasera et ses trois fils – Bindo, Giunta et Coverino –, son frère Guido et les fils de Ghori – Bono, Lolo, Marcello, Sera, Piero et Giardino – résidant dans la paroisse de San Giorgio a Grignano cédaient à l’abbaye de Coltibuono un ensemble de biens estimé à 360 livres – la moitié d’une maison, une aire, une cella et plusieurs parcelles situées dans les alentours – et se trouvaient libérés, en retour, du statut de colon et du versement annuel de 14 setiers de grain.
113 Ibid., 1164/04/27 (5509, RC 464).
114 Diplomatico, Vallombrosa, 1180/10/08 (6215, date incertaine), Guarneritto, Bonincontro et Boncompagno, fils de Gero ou Torringello, leur sœur Bruna, avec pour mundualds Torringello lui-même et son oncle Odorigo di Pilizano, vendaient au frère convers Remberto et à l’abbé Terzo de Vallombrosa une terre attenante à celle de l’abbaye et près de leur propre réserve, au lieu-dit Gignoro, pour 33 livres en deniers qui étaient destinés à rembourser la dette paternelle.
115 Gaulin – Menant 1998.
116 Salvestrini 2008b.
117 Outre les documents cités plus haut, voir CRSGF, 224.236, n° 700, le 13 mars 1148 (RC 405, en 1149), Diplomatico, Coltibuono, 1139/03 (4465, RC 380), 1146/02 (4765, RC 397), 1176/02 (5975, RC 492, en 1177).
118 Aux documents cités plus haut, il faut ajouter, pour s’en tenir au fonds de Coltibuono, les actes suivants, Diplomatico, Coltibuono, 1089/01/28 (2304, RC 181, le 28 février 1090 ?), 1104/02/07 (3079, RC 243, en 1105), 1115/02/06 (3506, RC 282, en 1116), 1123/05 (3804 RC 315), 1131/03 (4132, RC 348), 1155/01/26 (5172, en 1156) ; sur la question des prêts sur gage foncier, voir Violante 1962.
119 Cortese 2007, p. 103, n. 130, nulle interdiction canonique ne pesant encore sur les intérêts avant le XIIIe siècle, on ne peut pas véritablement parler d’intérêt dissimulé, sur ce point voir Gaulin – Menant 1998, p. 52-53.
120 Diplomatico, Coltibuono, 1125/03 (3899, RC 323), in tempore famis, on connaît par ailleurs les habitudes de ce notaire qui, ailleurs, ne recourt pas à cette formule.
121 Delumeau 1996, vol. 1, p. 81.
122 Benito i Monclús 2013.
123 Les contrats à part de fruit demeurent assez rares dans la documentation ecclésiastique et n’informent généralement que sur le loyer attendu, voir Diplomatico, Coltibuono, 1273/04/24 (18744), les moines de Coltibuono, réunis en chapitre, louent à Guido et Filippo di Martino toute une demeure et une cour du monastère située Alla Gerda pour six ans, contre le tiers de la production annuelle de blé, de la production des vignes et et des oliviers, à l’issue de ce contrat, la terre devait revenir à l’abbaye ; ibid., Vallombrosa, 1299/05/10 (26363, le 10 mars), le camérier de l’abbaye loue à Salvuccio di Cuzo, un podere disposant d’une habitation, d’une cabane, d’une vigne et de quelques arbres situés au lieu-dit Chiusurla, pour une durée de vingt ans, en attendant en loyer la moitié du blé, des fruits, du vin et de l’huile. Pour le droit d’élever des porcs et du petit bétail, il s’engage à payer chaque année trois livres et dix sous en florins, à offrir quatre chapons et une certaine quantité d’œufs à l’Ascension, à la Toussaint et à Pâques.
124 Briggs 2009.
125 Rippe 2003, p. 398, 620-621 et 628-229.
126 NA, 10896, fol. 11r, en février 1294 (1295), il faut en réalité compter deux item, c’est-à-dire deux actes facturés comme tels pour le notaire : l’un pour le podere des environs de Rignano ; l’autre pour la parcelle située sur l’Arno.
127 FAO 1995, dans ce cas il s’agit sans doute d’une variété de petit mil essentiellement cultivé « dans les zones marginales ou dans des conditions d’agriculture où les céréales principales ne donnent pas de rendements viables ».
128 NA, 10896, fol. 11r, le 23 février 1294 (1295), la date du premier acte n’est pas entièrement lisible, mais il est probable que tout se soit fait dans la même journée.
129 On trouve, dans le même registre du notaire Guido di Bandino da Leccio, d’autres exemples de ces locations, ibid., 10896, fol. 10v, le 16 février 1294 (1295), Corso Malaccho loue, au nom de Tommaso di Spigliato dei Mozzi, un podere situé dans le plébat de San Leolino a Rignano, pour quatre ans, avec un prêt de 17 livres et 10 sous en petits florins et contre un loyer total de six muids de céréales à verser au castello de Rignano (acte cancelé sur parole des deux parties) ; ibid., fol. 14r, le 23 mars 1294 (1295), location pour huit ans, contre un prêt de 30 livres, contre 5 muids et 12 setiers de céréales (cancelé), ibid., fol. 12r, 15r-v, 23 r, 23v, 128 r, 112 r.
130 NA, 10897, fol. 9r, en 1299.
131 Imberciadori 1951 ; Cherubini 1979.
132 Conti 1985.
133 Tabarrini 2019.
134 Nelli 1985, p. 67-68 : « Il fatto stesso che la grande maggioranza degli altri non riesca quasi mai ad emergere dalle fonti, a far sentire la propria voce, sembra testimoniare delle loro condizioni di contadini relativamente poveri. »
135 CRSGF, 260.126, fol. 93r-116v.
136 Salvestrini 1998, p. 135-153.
137 Conti 1985, p. xv, en mars et avril 1221, dans les montagnes du Mugello, deux cultivateurs durent vendre, par besoin d’argent, leurs poderi à l’évêque de Florence, en obtenant l’affranchissement de leur condition de colons ; l’une de ces exploitations était tenue pour 13 setiers de blé et un jarret de porc par an et comprenait 37 parcelles, l’autre était tenue pour seulement 16 sous et une poule.
138 Conti 1985, p. xxix, à Barberino di Mugello, les colons devaient en moyenne un peu moins de 5 setiers à l’évêque de Florence.
139 Nelli 1985, p. 45-50.
140 Ricasoli, Parte antica, Pergamene, n° 14, le 1er avril 1258, instrumentum venditionis (330 x 540 mm).
141 Ibid., Piero de Refreno devait ainsi 6 setiers de blé en 7 ans ; ces situations étaient probablement liées aux divisions familiales, on suppose que Piero da Refreno devait ainsi chaque année 6 setiers à des individus différents.
142 Barlucchi 2005, p. 195.
143 Le conflit entre les homines de Ristonchi et l’abbé de Vallombrosa à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle portait essentiellement sur la coupe des bois propres à ces usages.
144 Diplomatico, Coltibuono, 1213 (8830), date très incertaine, Argenina (Commune de Gaiole in Chianti) est désignée comme Largnano dans les sources médiévales ; il s’agit d’une localité dominant l’Arbia, située sur une colline à l’est de la rivière, non loin de Lucignano in Chianti.
145 Ibid., XIIe siècle, (7508, RC 549), In Larginino [ie Argenina], Orlando xii staia di grano, Mancino xiv staia, Martino de Lo Toso, vi staia, Aghina, vi staia et uno a lo senese, Salvetto Bucczacini xi st<a>ia alo licig(nanese) et xxiii et mezzo a lo picculo staio, Tebaldo xxxii staia di grano alo pi(cculo) et uno a lo senese.
146 Ibid., 1258/05/03 (15940).
147 Ibid., 1199/04/08 (7368, RC 535).
148 Ibid., 1178/03/24 (6090, RC 497), 1199/12/03 (7393, RC 536), 1214 (8935), 1244/08/10 (13293).
149 Ibid., 1250/05/27 (14244), les moines louaient une exploitation pour trente ans contre un loyer annuel d’un muid de grains, ibid., Vallombrosa, 1290/06/22 (23293), Muccio di Albericolo procurateur de Salvi di Drudolo da Monteluco louait les parcelles de Bindo di Guido da Ama pour 29 ans et autant de récoltes, contre un loyer annuel de 2 muids de grain ; ibid., 1290/02/10 (23193, en 1291), Ser Drudolo di Diotisalvi da Monteluco a Lecchi louait aux fils de Bonfigluolo da Pancole une demeure et un podere pour 25 ans, contre un loyer annuel de 6 muids et 8 setiers de grains. 1290/06/22 (23293).
150 Ibid., 1294/10/15 (24610, en décembre).
151 Ibid., Coltibuono, 1289/09/07 (23054), 1295/08/09 (24912), 1298/02/02 (25808, en 1299), pour 5 ans dans ce cas ; Vallombrosa, 1290/11/11 (23396, le 11 février 1291), 1299/12/04 (26590) ; S. Vigilio di Siena, 1245/02/02 (13383, 1246).
152 NA, 10896, fol. 21v.
153 Ibid., fol. 128r, en 1297, Corso Malaccho di Gianni, procurateur de Ser Tommaso dei Mozzi de Florence, louait à Ruggerio di Bernardo da Rignano un podere situé au lieu-dit Almonte avec comme travailleur Bone di Benedetto, pour six ans, avec un prêt de 30 livres en petits florins « pour l’achat des bœufs » et contre un loyer annuel de 5 muids de grain et douze sirquas d’œufs à verser à Rignano.
154 Ibid., Coltibuono, 1252/05/05 (14548), 1252/05/05 (14549).
155 Ibid., 1246/09/02 (13722), Gianni di Forte da Montaio rachetait huit livres pour avoir en propriété et dominium une terre qu’il tenait pour seulement sept sous par an.
156 Ibid., 1253/01/12 (14650, en 1254).
157 Ibid., et nunc volentes ipsas terras et possessiones [...] dimictere et ab ipso seruitio liberari.
158 Ibid., pro simili fine et refutatione liberatione et absolutione, sur ces actes voir Conti 1985, p. xxxiv-xxxvi.
159 Voir Tabarrini 2019.
160 Kotel’Nikova 1975, p. 68-80.
161 Andreolli 1999, p. 368-369.
162 Giorgetti 1974, p. 147 : « Il rinnovamento contrattuale non può essere unilateralmente inteso come una rottura dei rapporti preesistenti […], bensì come un mutamento di forma della riconfermata egemonia della proprietà fondiaria sui piccoli produttori contadini, imposto oggettivamente dall’espansione mercantile e promosso tanto dai proprietari nuovi quanto da proprietari di origine feudale. »
163 Guerreau 1985 ; sur le rôle de la seigneurie comme superstructure, voir Barthélemy 1993, p. 506 : « La seigneurie locale est une cellule fondamentale de pouvoir et de prélèvement voire de vie sociale. La seigneurie châtelaine n’est que le deuxième étage de l’édifice : une sorte de superstructure servant à étayer et articuler l’infrastructure allodiale. »
164 Godelier 1978, p. 13‑142, 120.
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