Chapitre 7 – Comment évaluer le trafic florentin à Pise ?
p. 347-378
Texte intégral
1Si les appréciations divergent sur la vitalité de l’économie pisane au XIVe siècle, il n’en reste pas moins que F. Melis en faisait, grâce aux données extraites du fonds Datini, un des ports majeurs et les plus cosmopolites de la Méditerranée1. O. Vaccari décrit également Pise comme un port changeant de statut, passant du rang de puissance maritime autonome à celui de centre de redistribution des marchandises en Méditerranée2, tandis que B. Casini constate l’extrême diversité des nations marchandes et des produits échangés après 14063. Les qualificatifs de bocca della Toscana (Goro Dati) ou d’occhio della Toscana (Francesco Datini) prendraient ici tout leur sens, et feraient de Pise un observatoire privilégié pour observer les trafics méditerranéens4. Si le contrôle des échanges par les élites locales reste sujet à caution, Pise, ancien grand port international structurant des trafics trans-méditérranéens aux XIIe-XIIIe siècles, devient au XIVe siècle le débouché régional de la Toscane et un centre de redistribution en mer tyrrhénienne.
2Dans le cadre du débat historiographique sur la prétendue décadence de l’économie pisane au XIVe siècle, il s’agit ici de tenter d’évaluer l’intensité du trafic des Florentins à Pise grâce aux sources inédites de la Mercanzia, à partir de données fragmentaires concernant le prélèvement aux portes de la ville de 1374 à 1382, c’est-à-dire en étudiant les recettes du livre de compte de la nation florentine. Après la fin de notre recherche doctorale mais avant la finalisation de ce livre, B. Figliuolo et A. Giuliani, ont édité ces documents accompagnés d’une analyse qui nous semble devoir être poursuivie5, ce que nous proposons de faire ici.
7.1. Enregistrer : le privilège de l’auto-prélèvement
3Dans les registres des années 1320, comme les taux de prélèvements ne sont pas toujours connus et que les sommes prélevées ne sont pas toujours associées à une quantité ou à une valeur unitaire de marchandises, les conversions des prélèvements en volumes de marchandises en circulation sont très difficiles. En revanche, le livre de compte de la nation florentine (1374-1382)6, qui est au centre de cette étude, permet de le faire : il s’agit du chaînon manquant entre les taux de prélèvements et les prix connus des marchandises, ce qui garantit la reconstitution du volume du trafic des Florentins à Pise, sous certaines conditions.
4Comme nous l’avons montré précédemment, pour tout bien importé ou exporté de Pise, les Florentins ont l’obligation de payer le passagio, une taxe proportionnelle aux volumes échangés (mesurés en unités de poids ou de volume selon le produit considéré) et au taux variable selon le type de marchandise. Ce passagio remplace donc les droits de douane antérieurs et ce livre de comptes est le fruit de ce transfert. L’organisation scripturale et graphique de ce livre est présentée dans la figure 7.
5L’histoire de l’archivage du livre de compte montre qu’il s’agit d’un témoin unique de registres régulièrement produits mais pour la plupart perdus. En effet, des livres de comptes étaient vraisemblablement produits tous les ans par les notaires-syndics de la nation, qui les conservaient dans leurs archives personnelles ou qui les transmettaient à leurs successeurs mais qui, en l’état actuel de nos recherches, ne semblent pas avoir été déposés dans les archives notariales ou dans celles de la Mercanzia de Florence. Or, ser Francesco di Vanni Muzzi8, au lieu d’accomplir un seul mandat annuel comme le prévoit la réglementation, reste en poste treize années, de 1369 à 1382. Il meurt au cours de son mandat. Cela oblige la Mercanzia à rapatrier le livre à Florence pour en vérifier le contenu et explique sa conservation exceptionnelle.
6Ce registre porte la trace des différentes étapes de sa production et de sa conservation. Tout d’abord, son formulaire précise à chaque enregistrement que le camerlingue (trésorier) « a et reçoit de la caisse de la porte [de la ville] » l’argent des officiers de la commune de Pise9. Aux douanes pisanes, l’opération se déroule en deux temps. Comme les autres marchands, les Florentins payent d’abord les sommes prévues aux officiers pisans (qui peuvent les forcer à payer), mais comme ces derniers n’inscrivent pas ces sommes dans les registres ordinaires, les Florentins en disparaissent artificiellement10. L’argent est alors restitué au camerlingue de la nation florentine (Domenico di Tieri, spetiarius, en poste de 1374 à 1382)11, puis transmis au notaire-syndic (ser Francesco di Vanni Muzzi) et inscrit par ce dernier dans le livre de comptes de la nation. L’incipit du registre décrit parfaitement ces étapes et permet d’affirmer avec certitude que la main principale, celle qui recopie les sommes sans rature (après avoir tenu des brouillons ou un livre de caisse ?) dans le corps des pages, est bien celle de ser Francesco di Vanni Muzzi (tous les passages que nous soulignons en noir dans la fig. 7)12.
7La quasi-totalité de la période couverte est concernée par cette procédure de prélèvement et d’écriture, mais elle change pour la dernière année, d’après le douzième item du statut de la nation florentine du 27 juin 1381 – qui ne semble toutefois pas encore appliqué dans le registre que nous étudions. Cette rubrique décrit la procédure d’élection du camerlingue : tiré au sort chaque trimestre à partir des noms contenus dans l’urne (borsa) conservée à Pise, chaque camerlingue doit apposer sa marque (signum, probablement absent dans ce document en raison de la mort du notaire-syndic) sur le registre comptable et rendre des comptes sur sa gestion (« rendere buono conto e diritto ») lors de la transition avec son successeur. Le passage poursuit en décrivant la structure de ces registres :
à chaque début de mois il faut vider la caisse des portes de Pise, en présence du syndic et des conseillers, et le camerlingue doit compter diligemment [les sommes] avec les autres membres ou facteurs de sa compagnie et doit faire inscrire les recettes porte par porte, selon ce qu’on trouve pour chaque caisse, et doit tenir le compte des recettes et des dépenses payées pour la période donnée au[x] conseil[lers], au syndic, pour la loggia, et au messager, ou pour les autres dépenses faites durant cette période pour leur salaire13.
8Cette description correspond précisément à l’organisation du registre étudié, qui est divisé en deux parties. La première comptabilise les recettes de la nation florentine, prélevées aux quatre portes de la ville (fig. 8) : portes de la Douane, de San Marco, des Piagge et du Parlascio). À chaque enregistrement, la date (pas nécessairement en début de mois, plusieurs prélèvements par mois sont possibles) et la porte sont indiquées, ainsi que les sommes prélevées : elles sont exprimées en petits deniers pisans et en florins d’or, la somme faisant l’objet d’une conversion en florins d’or selon le taux de change mentionné à chaque reprise14. La deuxième partie contient les dépenses de la nation. Le décompte des sommes récoltées et dépensées est donc réalisé, comme il est prescrit de le faire dans le statut de 1381, qui devait contenir des règles déjà appliquées avant leur mise par écrit.
9À cela s’ajoute la présence au bas de chaque folio de mentions écrites par une main différente (commentaires écrits en grisé dans la fig. 7). Pour comprendre leur origine, il faut revenir au décès de ser Francesco di Vanni Muzzi. Sa mort en milieu de mandat interrompt en effet le processus normal de clôture et de révision des comptes lors de la transition entre deux notaires et deux camerlingues, puisque le défunt n’a pas pu rendre ses registres de comptes. Cela oblige donc la Mercanzia à récupérer le registre pour faire vérifier le travail conjoint du camerlingue et du notaire-syndic. Des experts-comptables (ragionieri) présentent à cet effet une version synthétique des comptes devant le conseil de la Mercanzia, qui les valide le 17 septembre 138215. Les traces matérielles de l’intervention de ces experts dans le livre de compte sont constituées par la présence de cette « seconde main », individualisable par son ductus différent, par le recours aux chiffres arabes au lieu des chiffres romains dans le reste de la page et par le biffage des sommes dans la marge de gauche.
7.2. Reconstituer : des prélèvements au trafic, propositions de méthode
10Puisqu’il s’agit des seules données disponibles, il convient de les exploiter, même sur un mode partiellement expérimental. Il s’agira de tenter d’évaluer le trafic en volume des Florentins en convertissant – sous conditions – ces rentrées fiscales « brutes » (fig. 8) en trafic « théorique » d’une marchandise donnée, choisie comme étalon. Il est en effet possible d’associer les sommes collectées et reportées dans le registre avec les tarifs de la taxe (passagio) levée par la nation sur les marchands florentins16. Comme cette taxe est un forfait sur les volumes et non pas un pourcentage de la valeur des marchandises, il est aisé de convertir les sommes prélevées en volume, et donc en trafic théorique exprimé en quantité d’une marchandise déterminée.
11Procéder ainsi permet de mieux se représenter l’importance du trafic, certainement davantage qu’une évaluation en unités monétaires médiévales, dont les ordres de grandeurs sont difficilement compréhensibles au-delà du cercle des spécialistes. La balle de laine anglaise est ici choisie comme étalon car son prix est relativement bien connu et car il s’agit d’une marchandise stratégique pour Florence, qui importe de la laine brute de différentes régions pour les transformer en draps luxueux17.
12Il faut procéder par étapes prudentes. Première précaution, sur quelles bases repose exactement le prélèvement du passagio ? Le camerlingue de la nation pourrait ne récolter que les sommes nécessaires pour couvrir les dépenses et faire cesser les prélèvements, une fois la somme atteinte. Mais le règlement instituant le système de prélèvements douaniers en 1369 comme le statut de la nation florentine de 1381 décrivent l’attitude à adopter si jamais les sommes récoltées ne couvrent pas ou, au contraire, excèdent les besoins. Dans le cas où des surplus existeraient, les sommes doivent être thésaurisées ou n’être utilisées qu’avec l’accord des conseillers de la Mercanzia18. Cela prouve donc que le prélèvement est effectué sans interruption tout au long de l’année sur l’ensemble des marchandises échangées. Autrement dit, ces données sont représentatives de l’ensemble du trafic annuel, mis à part d’éventuelles fraudes, qui sont réprimées dans la réglementation et ne sont pas mesurées par les données disponibles.
13Par ailleurs, comme les données des années 1374 et 1382 ne sont pas complètes, elles sont exclues dans les raisonnements à échelle annuelle, mais maintenues quand l’échelle mensuelle est adoptée. La même échelle temporelle (annuelle ou mensuelle) a été adoptée pour tous les graphiques – hormis le cas de la figure 8 représentant les données brutes telles qu’elles sont reportées dans le livre de comptes – et la représentation visuelle se veut aussi précise que possible, c’est-à-dire en rendant apparent sur les courbes des graphiques les moments où les données sont disponibles : plus les « marques » sur la courbe sont rapprochées, plus les données sont fréquemment disponibles (toujours à l’échelle mensuelle). Lorsqu’une ou deux données sont comparées, la représentation en histogrammes est privilégiée (fig. 10 et 12).
14Il faut ensuite convertir toutes les sommes exprimées dans la même unité de mesure, et donc dans la même monnaie. Or, comme le montre la figure 7, les sommes sont versées par les marchands dans deux monnaies – soit les petits deniers pisans (monnaie d’argent), soit les florins (monnaie d’or) – et inscrites dans deux systèmes de comptage – soit les monnaies réelles ou pièces en circulation (deniers pisans ou florins d’or) soit des monnaies de compte (florins de compte, livres/lires, sous et deniers).
15Les montants versés en monnaie pisane sont immédiatement exprimés en monnaie de compte : 1 lire = 20 sous (s.) = 240 deniers (d.) de petits deniers pisans. Mais la situation est plus complexe pour les monnaies florentines réelles et de compte, en raison de la diversité des monnaies et des systèmes de décompte qui existent en parallèle.
16Les monnaies florentines réellement en circulation sont de deux types pour la période considérée : le florin d’or dont les pièces pèsent chacune 3,5 grammes d’or de 24 carats19 ; et le florin di suggello, appelé ainsi lorsque plusieurs pièces de florins d’or sont mises dans la même bourse (sugello) sur laquelle est inscrite la valeur du contenu20.
17Quant aux monnaies de compte, le système de décomptage en unités de monnaies fictives, elles sont de trois types durant la période considérée (avant les années 1390) : il est possible de compter en florin di sugello (selon le système qu’on vient d’évoquer), ou a fiorini ou a oro.
18Le système du florin a fiorini ou affiorini (abrévié en aff.) – qui n’est pas présent dans le livre de compte au centre de cette étude – consiste en une division du florin en 29 s. aff. de 12 d. aff. chacun (soit 348 deniers : 1 f. aff. = 29 s. aff. = 348 d. aff.) : il s’agit de la monnaie de compte du florin aff., un mode de conversion officiellement fixé en 1271. Mais dans la pratique, le florin aff. subdivisé par 29 n’est prégnant dans les livres de comptes florentins que dans la seconde moitié du XIVe siècle et les premières décennies du XVe siècle.
19Au sein de ce système de décompte affiorini, les marchands utilisent aussi la lire aff. En effet, comme la subdivision par 29 n’est pas très aisée, les opérateurs économiques maintiennent longtemps leur habitude de subdiviser la lire par 20 en reprenant la subdivision classique en lire/sous/deniers : c’est ce qu’on appelle la lire aff. Dans cette monnaie de compte, 1 lire aff. = 20 s. aff. = 240 d. aff., soit 20/29e d’un florin aff.. Autrement dit, 1 florin aff. vaut 1 lire aff. et 9 s. aff.. Le rapport entre le florin aff. et la lire aff. est donc de 20/29 ou de 1/1,45, soit : 1 florin aff. = 1,45 lire aff. = 1 lire aff. et 9 s. aff.. Dans la pratique, la monnaie de compte des lires affiorini est surtout utilisée à la fin du XIIIe siècle et dans la première moitié du XIVe siècle.
20La subdivision la plus simple consiste à diviser le florin en 20 s. de 12 d., système qu’on nomme fiorino a oro (1 f. = 20 s. = 240 d.). En théorie bloquée par la législation de 1271, il s’agit en réalité d’une monnaie de compte se diffusant dans la seconde moitié du XIVe siècle pour être adoptée par les grands opérateurs économiques au siècle suivant21.
21En outre, la mention des florins d’or dans ce registre est ambiguë, car elle peut renvoyer à la fois à la monnaie d’or en circulation et à la monnaie de compte, qu’elle soit subdivisée a oro ou affiorini22. À partir de 1294 (introduction du florin a suggello) et jusqu’aux années 1390, les florins de compte pouvaient donc être le florin a oro (subdivision par 20) et le florin affiorini (subdivision par 29) dont aucun des deux n’équivalait plus à la monnaie d’or en circulation, et différaient l’un de l’autre uniquement par leurs sous-multiples23.
22En réalité, la monnaie de compte la plus couramment utilisée – car elle simplifie les opérations comptables à effectuer entre les différents systèmes monétaires – est le système « florin + lire ». Dans ce système, le florin (n’importe quel type de florin de compte) n’est pas suivi de ses sous-multiples en sous et deniers, mais est exprimé en lires de piccioli (subdivision par 20 s. de 12 d.) – ce que nous avons constaté dans le document étudié – ou en lires affiorini (subdivision par 29 s. de 12 d.)24.
23Pour résumer, dans notre cas, les Florentins versent à la nation des monnaies soit uniquement en petits deniers pisans, monnaie d’argent subdivisée en 20 s. de 12 d., soit accompagnée d’une partie de la somme en florins d’or. Ensuite, grâce au taux de change entre le florin d’or et le denier pisan donné lors de chaque enregistrement, les recettes sont converties en monnaies de compte dans le système « florin + lire », à savoir ici une valeur exprimée en florins d’or, suivie d’un décompte du reste de la somme en lires, sous et denier de florins décomptés a oro (1 f. = 20 s. = 240 d.).
24Afin de pouvoir comparer les sommes, la conversion en deniers pisans a été privilégiée pour plusieurs raisons. Certes, la valeur réelle de la monnaie florentine (le florin) est quasiment stable entre 1375 et 140025 et aurait pu servir d’étalon commun, malgré la complexité exposée ci-dessus. Mais le denier pisan présente de multiples avantages et permet d’éviter un écueil. On dispose en effet du taux de change du florin d’or en petits deniers pisans, qui est le plus petit dénominateur commun rendant les calculs plus aisés. De plus, le tarif de douane de Pise de 1362 est exprimé en monnaie pisane26 et les tarifs du passagio de 1369 et 1370 (identiques)27 le sont très certainement. Ces derniers sont exprimés en sous et deniers, mais ne précisent pas dans quelle monnaie : comme la taxe est prélevée par les officiers de la commune pisane avant d’être rétrocédée à la nation florentine, l’hypothèse la plus plausible est que le tarif soit exprimé en petits deniers pisans. L’examen du livre de compte confirme d’ailleurs cette idée, puisque si les paiements en florins sont acceptés, environ 78 % des sommes payées sur l’ensemble de la période le sont en petits deniers pisans (avant d’être converties en florins). Enfin, si le petit denier pisan connaît de longues périodes de stabilité dans la seconde moitié du XIVe siècle, la période étudiée concentre d’importantes variations28, visibles lors de la mise en série des taux de change appliqués dans le livre de comptes pour chaque entrée (voir le graphique à la fin du chap. : fig. 16) : après une hausse de 10,6 % du petit denier pisan (de 74 à 81 d. pisans pour un florin) de décembre 1374 à novembre 1375, il connaît une dévaluation importante en novembre 1375 (passage de 81 à 70 florins, soit une baisse de 12 %). Il est donc nécessaire de commencer par convertir toutes les recettes du registre dans cette monnaie grâce au taux de change exprimé à chaque entrée. Cela permet ainsi de ne pas fausser le début du graphique obtenu pour les années 1374-1375 (fig. 9).
25Une fois la conversion monétaire effectuée, la principale difficulté provient toutefois de la grande variation du taux de prélèvement durant la période étudiée. Les délibérations de la Mercanzia mentionnent une augmentation du taux de prélèvement d’un tiers pour les marchandises échangées entre le 1er novembre 1375 et le 1er novembre 1376 (sans redonner le tarif pour chaque marchandise)29, puis un doublement entre le 15 juin 1379 et le 13 juin 1381 (en donnant le tarif pour chaque bien : on y observe un doublement par rapport à la situation antérieure à 1375, ce n’est donc pas un doublement de la somme augmentée d’un tiers entretemps)30. Il faut donc corriger les données en tenant compte de ces variations précisément datées. Mais si ces mesures ont été exactement appliquées pour les périodes prévues, qu’en est-il pour la période intermédiaire ? Ainsi, est-on revenu à la normale en novembre 1376 en annulant l’augmentation d’un tiers ou a-t-on laissé le provisoire devenir définitif31 ? Le doublement continue-t-il d’être appliqué après le 13 juin 1381 ?
26Cela conduit à formuler deux hypothèses, soit une augmentation respectant strictement les dates indiquées (hypothèse 1), soit une augmentation dépassant les dates initiales (hypothèse 2). Certains indices invitent en effet à la prudence et rendent difficiles la validation sans réserve ou l’élimination a priori d’une de ces hypothèses (fig. 10), qui signifierait une diminution plus ou moins sensible du trafic pour la période 1376-1379. D’une part, la présence dans le livre de compte d’une annotation marginale en novembre 1375 rappelant que l’augmentation d’un tiers des prélèvements n’est valable qu’un an32 est un élément en faveur de l’hypothèse 1 (application stricte). Pourtant, aucune annotation ne peut confirmer les autres bornes chronologiques, ni pour la fin de la première augmentation, ni pour le début ou la fin de la seconde. De même, la mention de la persistance de la dette de la nation lors de la seconde augmentation et un tarif postérieur (1383-1385) comprenant des tarifs proches de ceux de la période de doublement33 font également douter. Ces éléments semblent à première vue donner plus de force à l’hypothèse 2 (augmentation durable). Il convient donc de trouver d’autres éléments pour trancher.
27Mais le calcul du solde restant dans les caisses de la nation fournit d’autres éléments de réponse (fig. 11). La dette évoquée dans les délibérations de la Mercanzia n’y est pas constatée en 1379, puisqu’on ne retrouve un solde négatif qu’à deux reprises, en 1375 et 1376 : elle pourrait cependant être masquée et se traduire surtout par des difficultés et des retards de paiement, sachant qu’effectivement le notaire-syndic et le consul reçoivent de plus petites portions de salaire qu’auparavant durant cette période. Le solde est d’autre part en augmentation sur l’ensemble de la période, ce qui prouve l’efficacité de la réforme du taux de prélèvement, probablement conjuguée à une augmentation du trafic. Cela conduit à penser que l’hypothèse 1 (augmentation courte des taux de prélèvement) est la plus vraisemblable. Elle sera retenue pour la suite du raisonnement.
28Une fois ces précautions posées, la conversion des montants prélevés en volume théorique de balles de laine anglaise transitant par Pise (fig. 12 et suivantes) est possible car le tarif du passagio est toujours exprimé en somme forfaitaire prélevée sur une unité de volume (balla, sacco, soma, farda, torsello, barile, botte, moggio, corda, sponta). La valeur des marchandises n’intervient pas, ce qui aurait d’ailleurs posé de grands problèmes pour évaluer leur valeur avant leur vente sur le marché. On est donc dans un cas différent de celui rencontré par A. Esch : à Rome au XVe siècle, le prélèvement était un taux forfaitaire de 5 % sur la valeur des marchandises (et difficile de dire si cette valeur était celle déclarée – officielle – ou celle du prix de vente sur le marché – réelle), il était donc quasiment impossible de convertir les sommes en volumes car la même somme peut équivaloir à une grande quantité de marchandises à petit prix ou à une quantité moindre de marchandises de grand prix34. Inversement ici, on ne dispose ni du prix officiel ni du prix de vente, mais on peut parfaitement convertir les sommes prélevées en volume de marchandises théoriques en tenant compte des taux de prélèvement mentionnés dans les tarifs du passagio : pour chaque balle de laine passant aux portes, les marchands doivent s’acquitter d’un sou, soit 12 d. à partir de 1369 ; 16 d. à partir du 1er novembre 1375 (théoriquement jusqu’au 1er novembre 1376, dans le cas de l’hypothèse 1, plus longuement dans le cas de l’hypothèse 2) ; 2 s., soit 24 d. à partir du 15 juin 1379 (jusqu’au 15 juin 1381 selon l’hypothèse 1, plus longuement dans le cas de l’hypothèse 2).
29Les deux hypothèses n’inversent pas le profil des courbes : on constate dans les deux cas une augmentation du trafic en 1375-1376, puis une baisse importante entre 1377 et 1379, et enfin une augmentation plus ou moins forte en 1380-1381. En revanche, selon l’hypothèse adoptée, l’ampleur des variations change fortement : l’hypothèse 1, celle d’une augmentation courte des prélèvements, démontrerait ainsi une augmentation très forte du trafic florentin dès 1381, seul moment où nos correctifs changent radicalement le profil de la courbe, puisque la moitié de l’année (après le 13 juin 1381) serait concernée par un retour au taux de prélèvement du début de la période, c’est-à-dire divisé par deux (fig. 12)35.
7.3. Interpréter : les échelles du trafic florentin vues de Pise
30Pour interpréter l’évolution des courbes du trafic reconstitué des Florentins à Pise, quelques explications de la chronologie peuvent être données à l’échelle annuelle. Le commentaire à l’échelle mensuelle et par porte nécessitera ensuite des opérations de conversions supplémentaires avant de pouvoir commenter l’évolution du trafic à l’échelle de la porte de la Douane de la Mer.
31On peut en effet commencer par tenter de rapprocher la chronologie des événements favorables ou défavorables aux Florentins en Europe et en Méditerranée. Autrement dit, il s’agit de déterminer dans quelle mesure la conjoncture commerciale est en phase avec les événements politiques, analysables à l’échelle annuelle en commentant la figure 13.
32Une lettre de la Mercanzia mentionne tout d’abord la diminution du trafic depuis juillet 137436, qui est imputable à une mauvaise récolte et à une épidémie de peste37. Elle intervient donc avant la guerre des Huit Saints (1375-1378) entre Florence et les États pontificaux, qui est généralement interprétée comme une cause du ralentissement économique florentin à moyen terme.
33La légère augmentation du trafic en 1375-1376 constatée dans la figure 13 est donc certainement une récupération. Elle rappelle combien les Florentins sont capables de trouver des occasions individuelles de s’enrichir, même en période de guerre38, et pourrait en partie correspondre à l’importation de grains siciliens passant par Porto Pisano : les Florentins sont contraints de procéder ainsi à cause du blocage des convois céréaliers en provenance d’Ombrie et des Marches par les officiers du pape, ce qui provoque effectivement un renchérissement du prix des céréales à Florence39.
34Les baisses constatées en 1377-1379 sont la conséquence de la combinaison de plusieurs facteurs survenus un an plus tôt : les activités militaires atteignent la Toscane au tournant 1375-137640, ce qui a dû entraîner une désorganisation de la production, mais l’élément central reste la décision du pape Grégoire XI de placer Florence sous interdit, d’exiger l’expulsion des marchands florentins de toutes les villes de la Chrétienté et d’interdire à quiconque de commercer avec eux (31 mars 1376). Les Florentins sont donc exclus de certains marchés bancaires majeurs puisqu’ils perdent le monopole de l’acheminement des dîmes et des prêts lucratifs au pape, mais leur expulsion n’intervient bien souvent pas avant l’été 137641. Tout cela explique pourquoi nous constatons une baisse du trafic décalée d’un an à Pise, qui a toujours refusé d’expulser les Florentins42.
35Malgré la fin de la guerre, la baisse du trafic se poursuit en 1378-1379, en raison du tumulte des Ciompi (juin 1378), qui provoque la baisse d’un tiers de la production drapière florentine : la production passe de 30 000 pièces de draps de laine en 1373 à 19 000 pièces en 138243, tant en raison de la désorganisation de la production à cause des troubles politiques, que de la fuite des propriétaires dans leurs villas rurales et de celle des artisans rebelles après la répression du mouvement.
36L’augmentation, ou le retour aux niveaux antérieurs en 1380-1381 – selon qu’on opte pour l’hypothèse 1 ou 2 (fig. 10) – s’explique par le rétablissement de la paix avec le pape et le retour des Florentins dans ses territoires44, mais également par le transfert des capitaux des Florentins de Gênes et par les besoins grandissants de Bologne d’accéder à la mer tyrrhénienne durant la période de guerre entre Venise et Gênes (dite guerre de Chioggia, 1378-1381)45.
37Cependant, le livre de compte ne fournit pas une image globale du trafic des Florentins à Pise, mais plutôt des données récoltées aux différentes portes de la ville, et ordonnées dans les graphiques précédents. D’où proviennent, où sont acheminées et dans quelle direction vont les marchandises traversant ces portes ? Les travaux de B. Casini permettent de se faire une idée des directions du trafic de marchandises passant par ces portes : la porte de la Douane (Degazia ou Legazia) concerne les relations maritimes, y compris avec l’Europe du nord ; les portes de Saint Marc (San Marco) et des Piagge (Plagiarum) sont reliées à Florence, à la Toscane intérieure, à la Lombardie, à la Vénétie, à l’Émilie, à l’Ombrie et aux Marches ; la porte du Parlascio est connectée à Lucques, à l’Émilie occidentale, au Piémont et à la Lombardie46.
38Or, la partie recette du livre de compte ne donne pas le sens du passage des marchandises (importation ou exportation de Pise), alors qu’un rapide examen de la localisation des portes concernées (voir Carte 7) couplé au rappel de l’incipit du livre de compte mentionnant des mouvements de marchandises entrantes et sortantes47 soulève une difficulté : la possibilité que les marchandises importées par voie maritime soient taxées à deux reprises, à l’entrée et à la sortie de la ville (ce qui serait fiscalement possible, mais fausserait nos calculs), puisque la porte de la Douane à l’ouest de la ville prélève les taxes pour l’importation alors que celles de San Marco et des Piagge, situées à l’est sur les deux rives de l’Arno, pourraient être le lieu de prélèvement des taxes pour les marchandises exportées de Pise vers Florence. L’intérêt de cette dernière ville n’est aucunement de faire travailler les produits importés à Pise, qui reste sa concurrente économique, c’est pourquoi la grande majorité de ses marchandises ne reste pas sur place. Cela a une conséquence immédiate sur la visualisation des données sous forme de graphique et sur leur interprétation. Si la majeure partie des marchandises est taxée à deux reprises, à l’importation et à l’exportation, alors il n’est plus possible d’agréger les quatre séries de données pour construire une courbe du total des recettes en valeur. Les « totaux » des figures 8 et 9 étaient en réalité fictifs et exposés en première analyse ; les figures suivantes ne représentent pas de courbes globales du trafic.
39Si l’on voulait quantifier le trafic total, il faudrait en réalité additionner le trafic dans une seule direction, à l’importation ou à l’exportation (soit le trafic en volume de la porte de la Douane, soit le trafic en volume cumulé aux portes San Marco et des Piagge), avec celui de la porte du Parlascio, pour obtenir un intervalle plausible. De décembre 1374 à mars 1382, le total du trafic reconstitué donne ainsi : 1) pour la porte de Parlascio : l’équivalent de 206,5 balles de laine anglaise ; 2) pour la porte de la Douane de la mer : l’équivalent de 5 423 balles de laine anglaise ; 3) pour les portes de San Marco et des Piagge : l’équivalent de 5 940 balles de laine anglaise. Notons immédiatement que les volumes à l’importation (porte de la Douane) et à l’exportation (porte San Marco et des Piagge) sont assez proches sans correspondre totalement, puisqu’un écart significatif d’environ 500 balles de laines (soit 8,7 %) sépare les deux ensembles de courbes. Les marchandises importées par voie maritime sont donc intégralement réexpédiées vers Florence, flux auquel doit s’ajouter celui des marchandises achetées à Pise ou qui étaient entreposées depuis un certain temps dans les fondaci de Porto Pisano, ce qui explique pourquoi le trafic d’exportation est plus important que les flux d’importation. Le trafic total en volume de marchandises sur l’ensemble de la période est donc compris entre l’équivalent de 5 423 + 206,5 = 5 629,5 balles de laine anglaise et l’équivalent de 5 940 + 206,5 = 6 146,6 balles de laine anglaise. Cela équivaudrait à un trafic moyen mensuel compris entre l’équivalent de 63,9 et 69,8 balles de laine sur l’ensemble de la période (sur 88 mois documentés, dont 43 sans trafic), mais entre l’équivalent de 125,1 et 136,6 balles de laine par mois pour les seuls mois documentés. L’évaluation du volume mensuel varierait donc du simple au double selon la période retenue, ce qui entraîne de sérieuses conséquences quant aux possibilités d’interprétation et n’est donc pas réellement satisfaisant.
40Ces ordres de grandeur pour le trafic mensuel semblent très bas. Pour donner un exemple, la filiale de Bruges de la compagnie lucquoise des Guinigi expédie en moyenne 223,66 balles de laines anglaises par mois entre le 20 juillet 1369 et le 4 septembre 1370, puis en moyenne 47,6 balles de laine anglaise de mars à août 1370 (soit juste avant la période concernée)48. Autrement dit, l’ensemble du trafic mensuel en volume des marchandises florentines passant par Pise ne représenterait pas plus que le trafic d’une seule compagnie : même soumises à variation dans les deux cas, cet ordre de grandeur très faible ne manque pas d’étonner… Plusieurs hypothèses pourraient l’expliquer. 1) Les marchandises florentines pourraient être expédiées par d’autres chemins, afin de contourner le paiement des droits de douane. Cela est pourtant peu plausible, car si le paiement des taxes d’entreposage reste dû même lorsque les fondaci ne sont pas utilisés49, il est difficile de croire que la même logique ne s’applique pas aussi pour les droits de douane. Quel serait par ailleurs l’intérêt des marchands florentins d’éviter de payer une taxe qui sert à financer leur nation et donc à accroître la force collective de la communauté florentine à Pise ? Assécher leurs propres finances n’aurait pas grand sens… 2) Il serait également possible que la taxation de la nation florentine n’enregistre que les mouvements de marchandises transportées par les Florentins, et non pas celles qu’ils possèdent. Autrement dit, il manquerait les marchandises transportées pour le compte des Florentins que Pisans, Catalans, Corses ou Génois, ou d’autres nations impliquées dans le transport maritime pour le compte des Florentins. Or, deux lettres de 1393 certifient la citoyenneté florentine d’un transporteur de Montaione (contado de Florence) qui convoie les marchandises d’un Pisan à Florence et pour son propre compte à Pise50. Dans les deux cas, il est exempté du paiement de droits de douane, car les Pisans bénéficient à Florence des mêmes exemptions que les Florentins à Pise. Autrement dit, les exemptions tiennent compte de la citoyenneté du propriétaire (déclaré) des marchandises, pas de celle du transporteur, et l’hypothèse ne tient donc pas. 3) La dernière possibilité, probablement la plus vraisemblable, est de considérer tout simplement que le trafic des Florentins est particulièrement atone durant ces années de guerre contre la Papauté, de menaces d’expulsions et de tumulte des Ciompi.
41Le volume mensuel précédemment calculé est très insatisfaisant, car il varie du simple au double selon qu’on choisisse de faire la moyenne sur l’ensemble de la période ou uniquement sur les mois documentés (environ la moitié). Il faut donc convertir les données pour tenir compte de leur irrégularité et de leur caractère trompeur car, si la seule datation dont on soit certain est celle du prélèvement des sommes aux quatre portes de la ville, on ne peut en déduire sans traitement approprié des données que le rythme des prélèvements douaniers correspond à celui des importations et exportations de marchandises.
42Pour reconstituer le volume moyen de marchandises transitant par les portes de Pise, il faut donc rapporter les quantités à la durée entre deux prélèvements : on est ainsi assuré de pouvoir mesurer l’intensité du trafic dans le temps. Une suite d’opérations – qu’on détaillera ici car la méthode importe autant que les résultats – est nécessaire pour parvenir au graphique (fig. 14) qui agrège les données des portes San Marco et des Piagge (puisqu’elles accueillent principalement un mouvement d’exportation vers Florence :
- On doit d’abord diviser la quantité de balles de laine par le nombre de jours écoulés depuis la précédente levée. Par exemple, pour la porte de la Mer, le consul de la nation florentine relève une somme équivalente à 170 balles de laines le 13 juin 1375 et, comme il s’est écoulé 55 jours depuis le 19 avril 1375, il transite en moyenne l’équivalent de 3 (3,09) balles de laine par jour entre ces deux dates.
- Sur la base d’un mois de 30 jours, le volume moyen de marchandises entre ces deux levées est donc équivalent à 92,8 balles de laines.
- Mais les prélèvements des sommes ne se font pas en début de chaque mois, ce volume moyen mensuel reconstitué à partir des sommes prélevées aux portes n’est valable qu’entre le 19 avril et le 13 juin 1375.
- Or, comme les sommes ne sont en moyenne relevées des caisses de la douane de la Mer que tous les 66 jours51, il convient donc de regrouper les données par bimestre pour calculer un trafic mensuel moyen valable pour deux mois. Cette « moyenne mobile sur deux mois » est en effet l’échelle l’observation la plus pertinente pour ces données.
43Pour l’exemple retenu, il faut donc effectuer les opérations suivantes pour calculer le trafic moyen du bimestre mai-juin 1375 :
- Le volume mensuel moyen calculé précédemment n’est valable que jusqu’au 13 juin 1375, autrement dit sur ¾ de la période environ : du 1er mai au 13 juin 1375, le volume mensuel moyen est l’équivalent de ¾ * 92,8 balles de laines = 69, 6 balles de laines.
- Pour la période allant du 14 juin au 30 juin 1375, soit ¼ de la période, il convient de prendre en compte ¼ du volume mensuel moyen calculé entre les deux levées suivantes (soit un volume moyen mensuel équivalent à 61,8 balles de laine entre le 13 juin et le 13 août 1375), c’est-à-dire l’équivalent de ¼ * 61,8 = 15,45 balles de laines.
- Ainsi, le trafic moyen est la somme des sous-totaux précédents, soit 69,6 + 15,45 = 85,05 équivalents balles de laines.
44La répétition de ces opérations sur toute la durée couverte garantit ainsi le calcul d’un trafic moyen mensuel en équivalent balles de laine qui soit fiable parce qu’il corrige les fausses impressions tirées de la courbe non corrigée. Ainsi, la moyenne mobile sur deux mois du trafic reconstitué dans l’hypothèse 1 est équivalente à environ 61 balles de laine anglaise pour la porte de la Mer et à l’équivalent de 57 balles de laine anglaise pour la porte San Marco (2,34 pour celle du Parlascio et 12,55 pour celle des Piagge).
45La figure 14 permet donc de se livrer à des analyses plus fines, à l’échelle mensuelle. L’examen des données ainsi agrégées révèle en effet la présence de deux types de cycles, en particulier lorsqu’on se concentre sur les portes de la Mer, d’une part, et, d’autre part, celles de San Marco et des Piagge, qui rassemblent la plupart du trafic et dont les oscillations sont les plus visibles.
46En premier lieu, on observe une certaine régularité dans les prélèvements effectués par la nation florentine : pour les portes de la Douane de la Mer et de San Marco qui accaparent l’écrasante majorité du trafic pisan, 66 jours séparent en moyenne deux prélèvements des sommes (219 jours pour la porte Parlascio et de 124 jours pour celle des Piagge). L’explication est difficile à donner avec certitude, d’une part parce que le camerlingue doit théoriquement prélever les sommes conservées dans les caisses des portes de la ville au minimum à chaque début de mois (donc tous les mois), d’autre part parce que la seule obligation bimestrielle concerne le paiement des dépenses et des salaires52 et non pas le prélèvement des recettes, même si on pourrait faire l’hypothèse que cette même cyclicité est adoptée. Cette régularité n’est toutefois par absolue, car pour la porte de la Douane de la mer, l’écart entre deux levées varie entre 25 et 112 jours pour un écart-type de 18,017 ; et pour la porte San Marco, l’écart se situe entre 20 et 112 jours pour un écart-type de 16,95. La variation de l’écart entre deux prélèvements des sommes reste difficile à interpréter.
47L’analyse révèle une autre cyclicité, celle des saisons. Un premier examen (avant la reconstitution du trafic mensuel moyen) révèle que 23 des 43 mois pour lesquels le livre de compte ne fournit aucune donnée sont compris entre octobre et mars, à savoir la période de l’année durant laquelle la navigation et le commerce sont rendus plus difficiles et moins fréquents. La courbe du trafic moyen reconstitué de la Douane de la Mer (fig. 14) confirme également que les baisses correspondent très souvent à l’automne ou à l’hiver, sauf pour l’hiver puis l’automne 1378, l’automne 1379 et l’hiver 138253. Ces diminutions du trafic interviennent donc dans des périodes de l’année où il est tendanciellement moins important. De plus, quand il est possible de repérer un pic dans l’année, il intervient au printemps en 1375, 1376, 1377, 1380 et 1381 (en 1378-1379, les oscillations sont trop peu importantes). Cette cyclicité est tout à fait conforme à ce qu’observe A. Esch lorsqu’il étudie le trafic passant par la douane de Ripa dans la Rome du second XVe siècle : un pic de mars à juillet54, alors que celle de la terre connaît un autre pic de trafic annuel à l’automne55.
48La cyclicité du trafic n’explique pas tout, mais l’évolution du trafic peut avoir des causes multiples, dont un bon nombre peut échapper à la sagacité du médiéviste. Le seul moyen de détailler davantage l’analyse précédente est d’isoler un facteur d’évolution du trafic suffisamment important pour expliquer les oscillations. Il ne s’agira pas d’étudier en détail les répercussions des vicissitudes mensuelles et parfois picrocholines des guerres entre les Florentins et les alliés du pape en Toscane et en Lombardie lors de la guerre des Huit Saints, moins parce qu’elle n’aurait pas une incidence sur le trafic qu’en raison de son caractère multifactoriel et complexe. Pour les nécessités de l’analyse, les effets d’un seul événement politico-religieux sur la conjoncture commerciale européenne sont donc privilégiés par rapport au contexte politico-militaire régional.
49Il est ainsi possible d’examiner les répercussions locales d’un événement « universel » (à l’échelle de la Chrétienté) : la décision du pape d’expulser les Florentins de toutes les villes sous son influence et de leur interdire de commercer. Grâce aux travaux de R. Trexler, les modalités d’application de l’interdit papal (mars 1376) dans toute la Chrétienté, principalement pour les années 1376-1378, sont très bien connues56. Or, cette décision papale de mener une guerre économique aussi totale que possible représente un triple avantage : cet interdit s’applique à tous les Florentins, son déclenchement est très précisément daté, et son application locale plus ou moins accommodante est très bien documentée. Il est donc aisé de suivre son application selon les lieux concernés (voir le détail à la fin de ce chapitre, Tab. 16) et d’en lire les répercussions dans l’évolution du trafic du principal port des Florentins en Toscane.
50Dans la mesure où la plupart des marchandises arrivant par la porte de la Douane repartent en direction de Florence par les portes de San Marco et des Piagge, il est plus simple d’analyser plus en détail les oscillations mensuelles du seul trafic aux portes de la Douane. Elle est située à l’ouest de Pise, sur les rives de l’Arno dans le quartier du port fluvial, et donc en relation avec Livourne et Porto Pisano, elle est le point d’entrée du commerce maritime de Florence avec Gênes, le sud de la France (Marseille, Montpellier/Aigues-Mortes), la Catalogne (Barcelone), voire le nord de l’Europe (Angleterre et Flandres) et le royaume de Naples.
51La figure 15 décrit les évolutions de son trafic spécifique, organisé de la manière suivante : les marqueurs en forme de signe négatif signalent des périodes défavorables aux Florentins – détaillés dans le tableau 16 – répartis parallèlement en fonction des regroupements géographiques (Italie communale, Royaume de Naples, Rome, Royaume de France, péninsule espagnole, Angleterre et Flandres) sous forme de frise chronologique.
52La courbe de tendance polynomiale de degré 4 de la figure 15 permet de mieux lire l’évolution globale du trafic moyen mensuel, qui a tendance à augmenter jusqu’en mars-avril 1376, pour légèrement diminuer ensuite jusqu’en mars-avril 1379, avant de connaître une forte croissance sur la fin de la période. La reconstitution théorique donne toutefois des volumes théoriques de balles de laine assez limités, entre 25 et 75 balles jusqu’en 1380, avant d’atteindre environ 200 balles par mois à la fin de la période. Sur une période de quelques années, le trafic est donc globalement faible avant de connaître une augmentation certaine.
53Or, l’inflexion du trafic en mars 1376 est tout sauf une coïncidence. Plus globalement, ce graphique permet d’analyser finement l’évolution du trafic moyen mensuel, et de faire le lien entre la concomitance des facteurs négatifs dans différentes régions d’Europe à la fin de 1375, de mars à octobre 1376 et dans les derniers mois de 1377.
54Le second semestre de 1375 voit le trafic moyen mensuel chuter, ce qu’on peut attribuer aux grandes difficultés des Florentins en Angleterre57, mais surtout au déclenchement de la guerre des Huit Saints avec la Papauté à l’été 1375.
55Mais ensuite, de novembre-décembre 1375 à mars-avril 1376, le trafic mensuel moyen augmente nettement pour atteindre un pic équivalent à un trafic de 100 balles de laine par mois à la fin de cette période. Cette hausse du trafic maritime peut s’expliquer par une anticipation de la publication de l’interdit papal le 31 mars 1376, qui contraint les Florentins à rapatrier leurs biens et marchandises vers Florence pour limiter les pertes. En effet, les rumeurs avant l’expulsion effective ont certainement dû causer des pertes aux Florentins, comme l’atteste Marchione di Coppo Stefani pour les Florentins de Naples58.
56La séquence suivante, de mars 1376 à janvier 1377, est une baisse quasi ininterrompue (si l’on excepte la période novembre-décembre 1376) du trafic mensuel moyen, soit immédiatement après la promulgation de l’interdit papal et de l’ordre d’expulsion des Florentins de toute la Chrétienté. Dans certains endroits, cela a lieu immédiatement, comme à Marseille où le port est fermé aux Florentins dès mars 137659, mais la prolongation de la baisse sur quasiment toute une année s’explique de plusieurs manières. La mise à exécution de la décision papale doit tout d’abord passer par la publication de la bulle par les autorités locales, et son application suppose l’autorisation des autorités temporelles, ce qui ne fut pas le cas partout (Pise, Venise et la Hongrie ne publient jamais la bulle alors que la Lombardie est alliée à Florence contre le Pape) et n’intervient bien souvent pas avant l’été 137660. Les Florentins ont donc le temps d’expédier leurs marchandises, les avoirs financiers étant bien plus difficiles à saisir, par ailleurs non mesurés par nos données. Ils ont aussi pu prendre d’autres précautions pour subir le moins de dommages possibles61, afin de limiter les pertes alors que leurs activités sont très fortement compromises dans tout l’arc ouest de la Méditerranée et dans le nord de l’Europe62.
57Ce répit est de courte durée car la plupart des autorités politiques publient la bulle papale durant l’été 1376 (Pise – même s’il ne sera jamais appliqué, Lucques, Rome, Gênes, Naples, Ancône, de même que les royaumes de France, d’Aragon, de Castille et du Léon). La forte baisse du trafic s’explique alors par le cumul des difficultés dans toutes les zones géographiques et par l’impact de décisions fortes prises par les autorités politiques dans les mois suivants. Ainsi, dans le cas du royaume de France, les Florentins commencent d’abord par plaider leur cause en envoyant une ambassade à la cour du roi durant l’été 1376. Mais ce dernier décide finalement de publier la bulle papale le 28 septembre 1376 et ordonne la capture des Florentins, avant qu’ils ne soient relâchés en décembre. Ces élargissements sont pourtant de peu d’effets en raison de la saisie préventive par les autorités montpelliéraines d’une partie des 40 000 florins que la maison de Navarre a déposé auprès des banquiers florentins sur place63. Il se cumule avec le temps fort des saisies et ventes des biens des Florentins à Avignon, qui commencent à l’automne et sont importantes à partir de décembre 1376 pour durer plusieurs mois jusqu’en 137764. Ce coup d’arrêt du trafic se prolonge au moins jusqu’en février 1377 avec l’obligation pour les Florentins de quitter Gênes sous un mois65. Cela correspond effectivement avec le maintien d’une baisse du trafic mensuel moyen jusqu’en janvier-février 1377, comme la figure 15 permet de le visualiser.
58Le départ de Gênes a dû provoquer des rapatriements de marchandises et de capitaux à la hâte, qui ont dû jouer à la marge dans l’augmentation du trafic de janvier-février jusqu’en mai-juin 1377. Surtout, cette période est relativement favorable aux Florentins qui bénéficient des répercussions des négociations pour la paix entre leur ville et le pape, qui suspend notamment les poursuites contre les Florentins de Rome au printemps et à l’été 137766, et qui continuent de bénéficier de la protection du roi d’Aragon à Barcelone après la publication de la bulle papale. À la porte de la Douane, la hausse du trafic moyen mensuel se poursuit durant tout le premier semestre 1377, avant de décroître (fig. 15).
59En effet, après l’échec des négociations, le roi d’Aragon doit se résigner à saisir et à faire fermer les boutiques florentines de Barcelone durant l’été 1377 pour éviter que son royaume n’encoure l’interdit papal67 et, après l’échec des négociations, le pape frappe durement les Florentins de Rome en ordonnant des saisies en décembre 137768, qui ont également lieu dans le royaume de Naples69, ce qui provoque à l’automne 1377 une chute du trafic de la porte Douane de la Mer.
60Ensuite, les oscillations de la courbe – globalement orientée à la baisse jusqu’en mars-avril 1379 – sont beaucoup plus faibles, rendant ainsi l’interprétation plus difficile pour expliquer chaque mouvement. Ainsi, l’année 1378 est marquée par une baisse du trafic, en particulier à cause des répercussions du tumulte des Ciompi (juin 1378). L’importation de laine anglaise est par ailleurs atone durant ces années puisque la dernière autorisation d’exportation à un Florentin date de juin 1373 : l’éclipse durera d’ailleurs jusqu’à la fin des années 138070. Comme on peut le voir sur le graphique de la figure 14, les portes à l’est de Pise (San Marco et Piagge) semblent prendre le relais avec des valeurs plus élevées pour les années 1378-137971. L’hypothèse serait alors celle d’une prise de relais du mouvement d’exportation de Pise vers Florence, qui serait en réalité un mouvement de déstockage des marchandises entreposées dans les fondaci des Florentins à Pise, afin de continuer à alimenter en matières premières et en produits semi-finis les artisans de Florence.
61Enfin, le graphique de la figure 15 démontre avec éclat combien la pacification du conflit et le retour en grâce des compagnies florentines à la cour papale signent une véritable « explosion » du trafic maritime pour les années 1379-1382, avec le volume moyen de mars 1376 dépassé en mai-juin 1381.
62Il s’agissait donc d’isoler un événement particulier en raison de son universalité et de son importance, afin de tester son impact sur le trafic florentin. Il s’avère ainsi que l’hypothèse est vérifiée et explique les plus grandes oscillations mensuelles du trafic des Florentins à Pise pour les années 1376-1377, voire 1378. Cela prouve donc avec force l’impact des facteurs politiques et diplomatiques sur le trafic des Florentins, qui dépend de la nature de leur rapport avec les territoires étrangers. Ces changements se répercutent indirectement dans l’évolution du trafic pisan qui subit les ondes de choc des secousses « géopolitiques » en Méditerranée et dans l’Europe du nord : s’il en est le réceptacle, le port tyrrhénien n’en reste pas moins un acteur important du trafic occidental.
63Ces observations rejoignent en outre les observations de l’historiographie sur la période : après une période d’entente entre les Pisans et les Florentins parce que ces derniers sont affaiblis, la grande augmentation du trafic des Florentins à Pise dans le début des années 1380 bouleverse les équilibres. Elle conduit après 1385 à un décrochage entre le régime seigneurial de Pise, qui soutient coûte que coûte Florence en raison des énormes pénalités que représenterait l’abandon du traité commercial de 1369, et une partie de la population pisane qui multiplie les attaques contre les marchands florentins, allant du vol aux émeutes, jusqu’à donner une tonalité anti-florentine à l’émeute d’octobre 1392 qui renverse le régime seigneurial des Gambacorta au profit de Jacopo d’Appiano.
Tab. 16 – Les modalités d’application de l’interdit papal selon les territoires72
Aire géographique | Porte de la ville concernée | Date de publication de l’interdit papal | Périodes hostiles aux Florentins | Périodes favorables aux Florentins |
Italie : Pise | 29 juin 1376 | La commune s’oppose à l’application : toute la période est favorable. | ||
Italie : Lucques | Parlascio | Juillet 1376 | Le pape demande d’atténuer la saisie, besoin des banquiers lucquois (Guinigi, etc.). | |
Italie : Gênes | Douane | Avant juillet 1376 | Février 1377 : ultimatum, les Florentins ont un mois pour partir ; avril : l’interdit est jeté sur Gênes, mais le pape autorise 10 Florentins à rester73 | Soutien du doge durant tout 1376 |
Italie : Lombardie | Parlascio | Alliance avec Florence, soutien | ||
Italie : Venise | San Marco/Piagge | Pas de publication | Les Vénitiens empêchent les saisies74. | |
Italie : Frioul (Udine, Cividale, Gemona, Venzoni) | San Marco/Piagge | Expulsion rapide des Florentins, interdiction du commerce rural, malgré l’enracinement sur place des Florentins (mariages mixtes75) | ||
Italie : Rome | Douane/San Marco/ Piagge | Août 1376 | Théoriquement, loi florentine interdisant aux Florentins d’exercer à Avignon et à Rome ; pas d’expulsion avant décembre 1376, mais ils sont présents en nombre en janvier 1377 lors de l’entrée du pape ; avril 1377 : attaque contre le trafic illégal persistant ; décembre 1377 : saisies contre les Florentins après l’échec des négociations de paix76 | Pause dans la lutte contre les Florentins au printemps et à l’été 137777 |
Italie : Royaume de Naples | Douane | Autour du 15 août 1376 | Expulsion temporaire de Naples, mais une rumeur anticipée leur fait subir des pertes ; les Florentins détenant un office royal sont expulsés après août 137678. | Acceptés dans les autres villes ; à Naples, impact faible : en octobre 1377, ils semblent toujours avoir accès au marché, car le besoin du soutien des Florentins en Morée/Grèce contre les Turcs atténue l’application de l’interdit ; le trafic dut continuer en Adriatique79. |
Italie : Royaume de Naples - Bénévent (Barletta, Manfredonia) | Douane | Décembre 1377 : saisies80 | ||
Italie : Ancône | San Marco/Piagge | été 1376 | Après février 137781 | |
Raguse/Dubrovnik | San Marco/Piagge | |||
Hongrie | San Marco/Piagge | Pas de publication | Ouvert aux Florentins (septembre-octobre 1376), mais impact de la hausse des tarifs de douane antérieurs82 | |
France | Douane | 28 septembre 1376 | ||
France : Avignon | Douane | 31 mars 1376 | Théoriquement, loi florentine interdisant aux Florentins d’exercer à Avignon et à Rome83 ; surtout en 1377 | |
France : Marseille | Douane | Dès mars 1376 | ||
France : Montpellier et Aigues-Mortes | Douane | Saisie préventive contre le comte de Durazzo | Protection au début de la période, port d’exportation | |
Espagne : Aragon | Douane | Juillet 1376 | Des corsaires attaquent entre Barcelone et Florence ; été 1377 saisie des biens et arrestations des Florentins84 | Protection du roi malgré la publication de la bulle jusqu’à l’été 137785 |
Espagne : Léon et Castille | Douane | Juillet 1376 | Application dure dès le début, mais peu de compagnies | |
Angleterre | Douane | Janvier 1377 | Après automne 1375, impact du vol des Biancardi ; protection du roi jusqu’au printemps 1376 ; éclipse jusqu’à la fin des années 138086 | Avant 137387 |
Flandres | Douane | Fin 1376 | Application dure88, qui dépend cependant des situations locales (polycentrisme du pouvoir urbain) | Les Vénitiens prennent les marchandises des Florentins à leur nom89. |
Notes de bas de page
1 Melis 1989a, p. 46 ; Pise est ensuite qualifiée à la p. 57 de « maggior annodo di relazioni economiche esistito nel basso Medioevo ».
2 Vaccari 2007a.
3 Casini 1978.
4 Vaccari 2007b ; Vaccari – Tangheroni 1993.
5 Figliuolo – Giuliani 2020, p. 177-183. Nous avons de notre côté publié ces résultats dans Quertier 2020.
6 ASFi, Mercanzia, 14145 (1374-1382).
7 ASFi, Mercanzia, 14145, fol. 8v-9.
8 D’après la base de données des Tratte online (http://cds.library.brown.edu/projects/tratte/), ce personnage est élu notaire de la seigneurie en 1359, 1369, 1375 et 1379.
9 Par exemple, pour le premier enregistrement des recettes, ASFi, Mercanzia, 14145, fol. 2r : Dominichus camerarius antedictus habuit et recepit de capsecta Porte Degatie de Mari civitatis Pisis (éd. dans Figliuolo – Giuliani 2020, p. 249, nous soulignons).
10 ASFi, Mercanzia, 184, 25 septembre 1369.
11 L’identification de ce personnage, qualifié de spetiarius dans les archives de la Mercanzia, est difficile, car nous retrouvons deux homonymes dans la base de données des Tratte online (http://cds.library.brown.edu/projects/tratte/, dernière consultation le 19 janvier 2016) : 1) un Domenico di Tieri, spetiarius lui aussi, résidant dans le quartier de Santa Croce (gonfalon Carro) et tiré au sort comme Prieur (1365, élu), Buonomini (1366, rejeté/dilaniato et 1373, rejeté car mort) et Gonfalonier de compagnie (1366 et 1372, mais rejeté car en faillite). Malgré l’homonymie et la mention d’un métier identique, il doit être exclu car le statut de la nation prescrit le boycott de tout marchand en faillite qui se rendrait à Pise et ce personnage est toujours en activité après 1373. 2) Un autre Domenico di Tieri, de’ Magalotti, issu du quartier de Santa Croce (gonfalon Bue) est non seulement tiré au sort mais rempli ses mandats comme Prieur (1365), Buonomini (1368 et 1373) et Gonfalonier de compagnie (1365 et 1378). Il ne peut pas s’agir du camerlingue de la nation florentine, car il ne peut pas résider à la fois à Florence et à Pise pour remplir ces deux mandats.
12 ASFi, Mercanzia, 14145, fol. 2r, éd. dans Figliuolo – Giuliani 2020, p. 249.
13 ASFi, Mercanzia, 201, n. f., 27 juin 1381, § 12, voir Annexe 1 : « Et ongni capo de mese si debba votare la casetta delle porti de Pisa, in presenza del sindaco et consiglieri, e’l camarlingo co’ altri per loro compagni o fattori et diligentemente s’anoveri et mettasi a nta intrata a porta a porta, comme si trova per casetta et tenga questo conto d’entrata caquello e a presso l’uscita i denari che nel tempo pagasse al consiglio e sindaco et loggia e messo o altre ispese fatte nel tempo per loro salario. »
14 Par exemple, ASFi, Mercanzia, 14145, fol. 2r : computato floreno auri libris tribus et solidis XIIII.
15 ASFi, Mercanzia, 203, fol. 31r-32r (17 septembre 1382). Les ragionieri en question sont Caroccio Carocci, Baldo di Niccolò Ridolfi et Andrea di maestro Ambrogio.
16 ASFi, Mercanzia, 184, n. f., 25 septembre 1369, tarif de douane pour permettre le paiement du salaire du notaire-syndic ; 185, n. f., 29 juillet 1370 ; 194, fol. 2rv, 22 octobre 1375, augmentation des tarifs d’entreposage dans la loggia de la nation pour un an ; 197, n. f., 16 juin 1379, doublement de ce même tarif pour deux ans ; voir Annexe 3.
17 Hoshino 1980, p. 115-123 ; Munro 2007.
18 ASFi, Mercanzia, 184, n. f., 25 septembre 1369 ; 185, n. f., 29 juillet 1370 ; 201, n. f., 27 juin 1381, § 11.
19 Goldthwaite – Mandich 1994, p. 29-30.
20 Le florin di suggello est donc aussi une monnaie de compte dont la base matérielle n’est pas la pièce en circulation, mais une bourse de cuir contenant une quantité déterminée d’unités monétaires (Goldthwaite – Mandich 1994, p. 32).
21 Goldthwaite – Mandich 1994, p. 50-52.
22 Goldthwaite – Mandich 1994, p. 37.
23 Goldthwaite – Mandich 1994, p. 48.
24 Goldthwaite – Mandich 1994, p. 60-61.
25 Sur ce point, voir Goldthwaite 2009, Tab. A. 1, p. 613 : 1 florin de 1375 valait 1,07 florin en 1400 ; voir également Goldthwaite – Mandich 1994 ; Cipolla 2013, p. 91-113.
26 Casini 1979a.
27 ASFi, Mercanzia, 184, n. f., 25 septembre 1369 et 185, n. f., 29 juillet 1370.
28 Une excellente synthèse récente sur l’histoire monétaire pisane : Baldassari 2003 ; sur les variations du taux de change florin/denier pisan, voir Casini 1979b, notamment fig. 1 p. 142.
29 ASFi, Mercanzia, 194, fol. 2rv, 22 octobre 1375.
30 ASFi, Mercanzia, 197, n. f., 16 juin 1379.
31 Le doublement s’entend par rapport au taux de prélèvement initial car, alors que l’augmentation d’un tiers n’est mentionnée que dans des termes généraux, le doublement du tarif est précisé pour chaque marchandise.
32 ASFi, Mercanzia, 14145, fol. 4r, en marge du 11 janvier 1376 : hic incipit camerarius exigere pecuniam cum tertio pluri pro uno anno incepto primo novembre mccclccv (nous soulignons), éd. dans Figliuolo – Giuliani 2020, n. b, p. 251.
33 Piattoli 1927-1930, ici 1929, doc. 1 p. 117-121, qui contient un tarif intitulé « scrivemo quello si paga in Pixa di sindaco alla cassa de’ Fiorentini » (1383-1385).
34 Esch 1981, p. 14-16 et p. 21 (taxe de 6,5 % pour le vin) ; Esch 2006, p. 61 ; Esch 1994.
35 L’hypothèse 2 aurait montré une baisse plus sensible du trafic pour la période 1376-1379, jusqu’à un quart de différence entre les deux hypothèses pour l’année 1378.
36 ASFi, Mercanzia, 194, fol. 2rv, 22 octobre 1375.
37 Peterson 2002, p. 185 ; Brucker 1962, p. 282.
38 Goldthwaite 2009, p. 596.
39 La Roncière 1982, appendice p. 565-567, ici p. 567 et appendice 1, p. 821 ; Brucker 1962, p. 283-284.
40 Brucker 1962, p. 283-286 ; Silva 1912, p. 176.
41 Trexler 1974, p. 36-43 ; Goldthwaite 2009, p. 248 et Renouard 1941, p. 313.
42 Silva 1912, p. 195.
43 Franceschi 1993a, p. 3-31 et Tab. 2 p. 13.
44 Goldthwaite 2009, p. 247.
45 Piattoli 1927-1930, ici 1929, p. 188-189 et p. 193.
46 Casini 1978, p. 206-207.
47 ASFi, Mercanzia, 14145, fol. 2r, éd. Dans Figliuolo – Giuliani 2020, p. 249.
48 Hoshino 1980, p. 180-181.
49 Dal Borgo 1765, p. 377, de mercantiis deferendis, § 2.
50 ASFi, Mercanzia, 11311, fol. 67v, 7 septembre 1395 ; ASPi, Comune A, 211, fol. 37v, 30 avril 1393. Quertier 2016b, p. 61.
51 Pour la porte San Marco, l’écart est aussi de 66 jours ; la porte Parlascio, il est de 219 jours et de 124 jours pour la porte des Piagge.
52 ASFi, Mercanzia, 201, n. f., 27 juin 1381 : § 12 du statut de la nation de 1381.
53 Celles de la porte San Marco semblent anticiper ces mouvements de deux mois, et les données ne sont pas assez nombreuses pour interpréter les mouvements des portes du Parlascio et des Piagge.
54 Esch 2006, p. 62.
55 Esch 1994, p. 115-117.
56 Trexler 1974, p. 44-108.
57 Trexler 1974, p. 61-63.
58 Marchionne di Coppo Stefani 1903-1955, rub. 754 ; Trexler 1974, p. 85-86.
59 Trexler 1974, p. 47.
60 En juillet 1376 dans les royaumes d’Aragon, de Castille et de Léon, à Lucques et Gênes, au mois d’août à Rome et dans le royaume de Naples, durant l’été à Ancône, le 28 septembre 1376 dans le royaume de France et en janvier 1377 pour l’Angleterre. D’après Trexler 1974, p. 45-104. À Avignon même, cela n’intervient pas avant mai 1376 : Guillemain 1962, p. 605-611.
61 Les possibilités de contournement sont décrites dans le cas d’Avignon par Trexler 1974, p. 49-51 ; dans les Flandres, les Vénitiens prennent les marchandises florentines à leur nom, Trexler 1974, p. 67.
62 Trexler 1974, p. 74.
63 Trexler 1974, p. 58.
64 Guillemain 1962, p. 608-611.
65 Trexler 1974, p. 75.
66 Trexler 1974, p. 97.
67 Trexler 1974, p. 71.
68 Trexler 1974, p. 98.
69 Trexler 1974, p. 97.
70 Trexler 1974, p. 63 et 66.
71 À l’opposé, la baisse constatée pour ces portes à l’été 1377 est due à la fermeture soudaine du port d’Ancône aux Florentins dès février (Trexler 1974, p. 91), mais aussi par la prise de Bologne par l’armée du pape, qui exclurait donc les Florentins de ce marché ou, du moins, bloquerait les communications entre Venise et Florence (Brucker 1962, p. 327).
72 Source : Trexler 1974, p. 44-108.
73 Trexler 1974, p. 76.
74 Trexler 1974, p. 79.
75 Trexler 1974, p. 81.
76 Trexler 1974, p. 76, p. 93-98.
77 Trexler 1974, p. 104.
78 Trexler 1974, p. 85-86, p. 90.
79 Trexler 1974, p. 86-88, p. 91.
80 Trexler 1974, p. 87.
81 Trexler 1974, p. 91.
82 Trexler 1974, p. 79-83.
83 Trexler 1974, p. 104.
84 Trexler 1974, p. 71.
85 Trexler 1974, p. 70.
86 Trexler 1974, p. 61-63, p. 66.
87 Trexler 1974, p. 63.
88 Trexler 1974, p. 69.
89 Trexler 1974, p. 67.
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