Introduction
p. 1-14
Texte intégral
1Les périodes de croissance démographique, d’expansion urbaine et de développement architectural ont communément la faveur de l’historien, avide d’expliquer le changement, ses causes comme ses effets. Le présent travail, consacré à la Venise moderne, et plus particulièrement à celle du xviie siècle, prend à contre-pied cette démarche dans la mesure où l’entreprise de renovatio urbis et de conquête des marges de la cité, poursuivie au cours du siècle précédent, clôt l’expansion multiséculaire de l’espace urbain. Même si l’achèvement du processus d’extension spatiale s’accommode d’une intense activité édilitaire qui corrige l’image d’une ville achevée tendue vers la perpétuation d’elle-même, Venise, forte de 150 000 habitants, n’entre pas moins dans une phase durable de stabilité. Ce paysage de briques et de marbre, figé dans un temps quasi-immobile que viennent nuancer, par touches, des modifications architecturales ou de rares découpages du parcellaire, abrite un autre paysage, immatériel celui-là, ordonné autour de la propriété du bâti. C’est lui que je voudrais dépeindre.
2Cette étude n’a pas pour ambition d’écrire une nouvelle page de l’histoire des formes, du bâti et du caractère matériel de la ville, qui est pour une large part déjà faite, ni une histoire de l’économie du bâtiment qui reste à écrire, ni même une histoire de la société vénitienne, puisqu’elle ne porte pas sur un groupe particulier, mais sur une pratique : l’échange de la propriété. Elle entend l’aborder dans la perspective d’une histoire sociale, soucieuse de saisir les mécanismes de circulation des biens, aux confins de l’économie, de l’histoire urbaine et de l’anthropologie des comportements familiaux1.
3Jean-Claude Maire Vigueur, dans l’introduction du colloque, D’une ville à l’autre, tenu en 1986, déplorait l’indigence des études sur l’immobilier et formulait des propositions de travail sur les formes de propriétés urbaines et les dynamiques du marché. Certes, l’appel à saisir l’immobilier comme objet d’histoire a rencontré un écho dans des recherches qui ont depuis lors abouti, mais le champ fécond qu’il a désigné aux études urbaines est encore à explorer. Cf. J.-C. Maire Vigueur, « Introduction », dans D’une ville à l’autre. Structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes (xiiie-xvie siècles), Rome, 1989 (Collection de l’École française de Rome, 122), p. 5-7.
4Les échanges qui ont pour objet la propriété immobilière constituent la matière même de ce travail : ceux qui animent le marché ; ceux qui dessinent les modulations de la topographie de la propriété ; ceux, enfin, qui modèlent, au fil du temps, les patrimoines.
5Le marché, l’espace, le patrimoine : trois champs qui sont aussi trois rubriques de recherche qui offrent la possibilité de décliner la même histoire sur des modes différents, en changeant le point d’observation, le questionnaire et la méthode.
Le marché
6L’historiographie vénitienne n’est pas exempte de paradoxes. Grâce à d’importants travaux sur la construction du territoire urbain, les structures fonctionnelles et les divisions sociales de l’espace, Venise est sans doute aujourd’hui l’une des grandes villes modernes d’Italie et de l’Europe occidentale dont la géographie urbaine est la mieux connue2. L’exploitation des cadastres et des déclarations fiscales conservées dans le fonds des Dieci Savi alle decime a permis d’accéder à une remarquable connaissance des structures de la propriété immobilière. Mais étrangement on ignore tout du marché immobilier que le dit fonds permet d’étudier. Quand au détour d’une page on fait mention de l’échange d’une maison, c’est toujours à titre illustratif et anecdotique sans souci de replacer la transaction singulière dans une série qui lui donne sens. Cette indifférence ne manque pas de surprendre car le marché des maisons est une étape indispensable dans l’analyse de l’espace matériel et plus encore des échanges sociaux et économiques qui se déroulent en milieu urbain.
7Il importe, avant tout, de justifier une étude consacrée au marché des maisons dans un contexte urbain marqué par une grande stabilité du bâti. Est-il, en effet, pertinent de s’intéresser au marché immobilier alors qu’il ne se passe rien ou si peu ? D’ordinaire, c’est dans un contexte d’extension rapide du bâti, de frénésie édilitaire, de remodelage à grande échelle de l’espace urbain que l’on porte un intérêt à l’étude du marché de la pierre car son rythme et son intensité sont censés dessiner la chronologie et les modalités de la croissance qui affecte la ville. Des arguments forts plaident en faveur de l’étude du marché dans un contexte différent.
8Le premier argument se réfère au rôle prédominant du bâti ancien dans l’activité du marché. Même lorsque les constructions nouvelles surgissent à un rythme soutenu, elles ne représentent qu’une part, toujours minoritaire, du stock immobilier en majorité constitué de la masse des maisons héritées du passé3. Si le bâti ancien donne le ton, alors Venise se transforme en un laboratoire exceptionnel compte tenu de l’étendue et de la densité de l’espace construit.
9Le second argument repose sur l’idée que la vente de maisons obéit à des règles infiniment plus variées que celles dictées par la croissance urbaine. Il est alors permis de se demander comment le marché de la pierre, tout en suivant un rythme qui lui est propre, s’insère dans une série de conjonctures ou réagit à des événements qui viennent l’altérer, l’infléchir ou à peine l’effleurer. Dans l’environnement économique vénitien, marqué au xviie siècle par un net recul du trafic maritime et de la production industrielle, l’intérêt du marché vient de sa position ambiguë entre, d’un côté, des structures urbaines particulièrement stables qui le préservent et, de l’autre, l’évolution de l’économie de la rente à laquelle il s’intègre4.
10Le marché revêt, enfin, un intérêt particulier compte tenu de l’enjeu que représentent la possession et la conservation de la propriété dans la société vénitienne, notamment pour le patriciat dont l’emprise sur les deux tiers du bâti ne se desserre que très lentement au cours des xviie et xviiie siècles. C’est le lieu où le patrimoine urbain s’accroît mais aussi se disperse.
11Le marché n’en demeure pas moins un objet à construire. Il sera, dans ces pages, l’objet d’un double traitement. L’un a pour ambition de comprendre quel est son mode de fonctionnement dans une grande ville moderne, en étant attentif au mécanisme de formation des prix, aux servitudes qui pèsent sur les immeubles et à l’encadrement juridique des échanges. Cet effort de contextualisation a pour objet de déterminer si les lois du marché, telles qu’elles sont définies dans le régime du libéralisme économique, sont appropriées pour rendre compte des échanges immobiliers. Cet effort paraît d’autant plus nécessaire que le marché ne réunit pas les conditions d’une concurrence parfaite et échappe donc à un modèle de fonctionnement simpliste. Même quand on lui applique les outils d’analyse de l’économie contemporaine, il conserve un statut original dans la mesure où la maison ne possède pas le statut de marchandise ordinaire5. Elle rend en effet aléatoire l’emploi de la notion de coût de production car le sol ne prend de valeur que par l’usage auquel il est destiné6 ; elle ne se déplace pas vers les consommateurs ; elle est offerte en nombre limité ; elle confère aux propriétaires un monopole de fait car chaque site possède une valeur singulière ; elle présente une large palette de prix suivant les caractéristiques architecturales et l’emplacement qui font de chaque immeuble un objet unique7 ; enfin, elle échappe à la concurrence parfaite (si tant est qu’il en existe une) car la relation personnelle entre les protagonistes d’une vente peut jouer un rôle dans l’établissement du prix8. Malgré tout, elle est l’objet de transactions qui fixent un prix et forment un marché.
12L’autre traitement dont le marché peut faire l’objet consiste à mesurer son activité en évaluant, dans la longue durée, l’intensité des échanges, le volume des mutations, les types de biens en circulation. Cette approche appelle la quantification. À l’heure où la série et la mesure ont moins bonne presse, il faut s’en expliquer9. L’époque où Pierre Chaunu et François Furet louaient d’une même voix les vertus de l’histoire sérielle et la somme de connaissances qu’elle avait permis d’engranger paraît révolue10. Les présupposés de l’histoire quantitative – homogénéisation de séries documentaires, recours au langage des chiffres le plus élémentaire, distribution des données selon des catégories stables et préalablement constituées – ont fait l’objet d’une révision sans concession. Même l’économie, qui constituait pourtant le domaine privilégié de l’enquête quantitative, n’était pas exempte de ces travers : la frénésie de la mesure a conduit à étouffer la réflexion sous un amoncellement de chiffres qui tenaient lieu d’interprétation11. Dans ces conditions, se demander comment se forme un prix, plutôt que d’établir des séries homogènes, semble dessiner, pour la recherche, la voie de l’avenir et reléguer la quantification au rang de passe-temps désuet et mécanique. Mais traiter du marché des maisons est-ce vraiment choisir entre une histoire de la formation des prix et une histoire quantitative du marché dans le sillage des études, au demeurant peu nombreuses, qui s’y sont engagées12 ?
13Si les deux démarches sont opposées dans leur méthode, elles ne le sont pas dans leurs résultats car elles s’exercent dans des registres différents. C’est bien parce qu’elles n’apportent pas le même type de connaissances qu’elles sont toutes deux légitimes. L’usage de l’analyse statistique me semble justifié pour trois raisons. D’une part, elle permet de décrire un marché qui serait hors d’atteinte sans le langage des chiffres. C’est précisément parce qu’il s’exprime sous une forme monétarisée (donc arithmétique) qu’une formulation quantifiée est seule susceptible de le mettre au jour. Comment en effet saisir le marché immobilier autrement qu’en le mesurant ? Il est, par nature, prédisposé au traitement quantitatif. D’autre part, le traitement sériel s’insère dans un questionnement historique plus large qui vient l’éclairer. Le recours à la conjoncture démographique et économique, aux événements politiques ou aux choix fiscaux des pouvoirs publics permet de donner une signification à une évolution du marché immobilier qui est en soi incompréhensible. L’usage de la quantification est nécessaire pour formuler un problème historique et le confronter avec des phénomènes qui lui sont étrangers13. Il permet ainsi de replacer l’immobilier dans la conjoncture générale et de le comparer, en construisant des indices de rentabilité, avec d’autres types de placements. L’enjeu est de mesurer l’autonomie du marché, son degré d’articulation avec d’autres investissements, sa capacité, fût-elle modeste, à franchir le seuil à partir duquel il devient un placement spéculatif.
14Enfin, en adoptant une procédure de travail quantitative, on ne fait pas nécessairement le choix d’un type d’histoire contre une autre. On se donne les moyens de définir le rôle que joue le marché dans l’évolution des structures de la propriété, d’en préciser la chronologie et les acteurs. Certes, l’établissement de séries homogènes conduit à une uniformisation des comportements qui risque de gommer la complexité des situations. Certes, en appréhendant l’immobilier comme un marché où les acteurs appartiennent à des catégories abstraites, on court le risque de ne pas restituer la dimension sociale de l’échange. Mais, l’approche quantitative dessine une toile de fond, campe un décor à partir duquel on peut, ensuite, suivre les comportements individuels et évaluer les mobiles qui les dictent.
Les échanges observés à partir de l’espace
15Les biens immobiliers ne sont pas indépendants les uns des autres, ils s’agencent dans un espace bâti qui fixe à jamais leur position et qui leur donne sens. Dans un déplacement de perspective, c’est à partir de l’espace que nous voudrions observer les échanges et l’évolution de la topographie de la propriété. Cette attention aux lieux soulève un problème de méthode qui est commun à toutes les études urbaines soucieuses d’analyser la différenciation sociale des espaces ou la répartition des activités et des hommes. Comment rendre compte de la distribution spatiale de phénomènes sociaux et économiques ? La question se pose aussi quand on s’intéresse à la géographie des ventes et à la topographie de la propriété. Pour se doter d’outils d’observation appropriés, nous proposons de placer notre démarche sous le signe d’une double expérimentation. D’abord, en faisant varier le cadre d’observation afin de localiser, à différentes échelles, les zones où les biens circulent davantage. Tout en prenant soin de rendre compte des échanges à l’échelle de toute la ville, nous avons fait le choix d’étudier de manière intensive une zone limitée – la paroisse de San Polo – avec le souci d’inscrire les mutations de propriété sur une carte faisant apparaître le parcellaire et la trame du bâti.
16En reconstruisant ensuite la biographie de chaque habitation, l’enquête a cherché à introduire une dimension évolutive dans l’analyse de la topographie de la propriété. La voie utilisée consiste à projeter sur une carte les informations synchroniques que livrent les cadastres. Cette étape indispensable est ici prolongée par une analyse des dynamiques qui concourent à l’évolution des structures de la propriété. Les enjeux de cette étude de cas sont importants : montrer que l’imbrication dans l’espace et l’enracinement dans le temps des propriétés sont l’objet de continuels agencements modulés par des rythmes différents selon les lieux ; comprendre les modulations différentielles de l’espace, en localisant les lieux qui sont soustraits aux échanges, en identifiant les biens qui ont vocation à circuler plus que les autres, en observant concrètement selon quelles modalités se produit le processus d’extension ou, au contraire, de fragmentation des complexes patrimoniaux ; saisir, enfin, comment évolue au fil des ans la topographie de la propriété, alors qu’en apparence le patriciat conserve collectivement la maîtrise du sol.
17Dans ce champ clos, l’espace délimite une trame mouvante où sont juxtaposés des biens qui appartiennent à différents propriétaires. Le sort qui leur est réservé est souvent inintelligible si on ignore la place qu’ils occupent au sein de leur patrimoine. Il importe, une nouvelle fois, de déplacer l’observation : de l’espace vers les comportements patrimoniaux.
Les stratégies patrimoniales
18L’étude des patrimoines suppose des choix. Il est vite apparu que l’approche micro-analytique offrait la possibilité de dépasser le simple tableau statique de la structure de la propriété, des formes de concentration de la richesse et de la place des propriétaires dans l’échelle de la fortune grâce à la reconstitution de véritables « biographies » patrimoniales. Cette démarche a le mérite de corriger l’uniformisation que ne manque pas d’entraîner l’analyse quantitative du marché. Or l’étude des comportements, quand on y prête attention, tend à montrer qu’hériter et transmettre, posséder et jouir, acheter et vendre n’ont pas le même sens pour tout le monde.
19Dans son principe, l’enquête ne peut donc pas prendre la forme d’une monographie familiale, malgré tout l’intérêt du genre, ni limiter le champ d’étude au seul patriciat même si celui-ci y occupe une place dominante du fait de son poids dans les structures de la propriété. Elle repose sur un corpus de quelques centaines de propriétaires qui permet d’embrasser un large éventail social puisque le patriciat fait également place à des propriétaires cittadini et surtout popolani.
20En portant l’attention sur les comportements patrimoniaux, cette enquête s’applique à rendre à l’expérience et au choix des individus une signification face au jeu des structures et des classifications anonymes. Ce souci s’inspire de la réflexion conduite autour de la microstoria, en Italie et en France, depuis une vingtaine d’années14. Mais la micro-analyse, telle que nous nous proposons de la mettre en œuvre, est-elle vraiment de la micro-histoire si tant est qu’on puisse donner une définition de cette dernière ? Toutes deux partagent, assurément, le souci de ne pas réduire le comportement des individus aux structures qui les encadrent, ni de l’interpréter comme l’expression d’une toute puissance individuelle affranchie de déterminants culturels, sociaux et économiques. Elles divergent cependant, dans leur objet, parce que la microstoria se propose surtout d’étudier des relations interpersonnelles et des configurations sociales15 tandis que l’étude du comportement patrimonial ne se limite pas, loin s’en faut, à la reconstitution du réseau dans lequel ont lieu les transactions. La divergence vient aussi du fait que les conditions de l’expérience ne sont pas identiques16. Quand bien même on voudrait analyser les circuits sociaux de l’échange et les liens entre les contractants, on constaterait, avec un certain dépit, que la reconstitution des liens que la microstoria est parvenue à réaliser dans de petites communautés rurales ou au sein de corporations est inapplicable en ville tant les liens y sont denses et complexes.
21La micro-analyse me paraît cependant la démarche la plus appropriée, quelle que soit sa filiation, pour observer la relation que les hommes nouent avec leurs biens, la place qu’ils leur assignent, le traitement différent qu’ils leur appliquent. Elle offre la possibilité, une fois observés dans la durée les choix patrimoniaux, d’établir des règles de comportement qui font la part des mobiles individuels et de l’incidence de facteurs objectifs, tels que l’âge, le métier, le statut social et le degré de fortune.
22Cette approche ne saurait cependant tout dire. Elle ne permet pas de connaître les causes des difficultés financières que rencontrent certains propriétaires, patriciens ou non. C’est que l’étude du patrimoine n’est pas l’étude des fortunes et encore moins celle des budgets familiaux, des sources de revenus et des dépenses. Faute de saisir l’ensemble de l’activité économique, elle est incapable d’expliquer, dans la plupart des cas, quelles sont les ressources qui permettent au propriétaire d’acheter ou pour quels motifs il s’est endetté et finalement défait de ses biens. On ne saisit de sa situation économique que ses effets, plus ou moins directs, sur son patrimoine, à travers les choix qu’elle rend possibles ou qu’elle impose. Observer l’évolution des patrimoines, c’est donc se placer délibérément en aval, en un point où l’on peut analyser les comportements, mais où l’on ignore presque tout des conditions économiques qui les déterminent.
23L’étude des comportements patrimoniaux n’en apporte pas moins un éclairage différent, sinon original, sur des questions chères à l’historiographie vénitienne. Parmi celles-ci figurent la transmission et l’alliance. Les historiens des élites urbaines n’ont eu de cesse de démontrer combien la possession et la conservation de la propriété sont un enjeu dans des milieux – surtout patriciens – où on ne sait plus si c’est la famille qui modèle le patrimoine ou si c’est celui-ci qui définit celle-là17. Un enjeu symbolique dans une ville où l’espace de résidence et l’emprise au sol contribuent au rayonnement d’une famille ; un enjeu matrimonial dans des milieux où les stratégies d’alliance et la reproduction sociale sont indissociablement liées ; un enjeu économique, enfin, dans la mesure où le patrimoine est la condition même de la survie et de l’indépendance des familles. Préserver et étendre la propriété est un idéal communément partagé qui inspire à la fois les pratiques de transmission et les instruments de conservation. Il n’y donc rien d’étonnant à ce que les outils juridiques et les stratégies de limitation des héritiers élaborées par les familles pour limiter la dispersion du patrimoine aient attiré l’attention des historiens soucieux de comprendre les mécanismes de la reproduction sociale. Or le traitement réservé aux biens, et particulièrement aux biens urbains dont on a dit l’importance, est le plus souvent passé sous silence. Est-il conçu par les familles comme une réponse aux menaces de démembrement du patrimoine ?
24Dans un contexte marqué par de profondes recompositions internes à la classe dirigeante, l’accroissement des écarts de fortune, les difficultés financières de certaines familles – pas uniquement patriciennes – accrues par la forte pression fiscale du milieu du xviie siècle, le suivi longitudinal des patrimoines permet de reconstituer le rythme et l’intensité des transformations qui se produisent sur une génération. En déplaçant l’attention de la lignée familiale à l’individu, de l’observation statique des patrimoines à la reconstitution de leur évolution dans le temps, on souhaite comprendre l’articulation entre les pratiques d’accumulation et le cycle de vie, la part respective qui revient aux investissements et à l’héritage dans la formation du patrimoine, le lien enfin qui peut exister entre la variation du volume du patrimoine et sa position dans l’échelle des fortunes. Bien entendu, ces questions doivent concerner tout l’éventail des propriétaires si l’on veut être en mesure d’établir une différenciation sociale des comportements.
25Étudier l’immobilier, c’est enfin croiser sur son chemin la propriété foncière dont la présence n’est pas nouvelle dans les patrimoines, mais qui ne cesse, au xviie siècle, de prendre de l’importance. Si on connaît le rythme et le volume de la pénétration en Terre Ferme, la reconstitution de trajectoires individuelles permet d’observer, dans le temps, son articulation avec les biens urbains, et plus encore de suivre les choix effectués par les propriétaires : ceux qui sont réalisés entre des investissements concurrents, la terre et la pierre ; ceux qui, arrêtés au moment de vendre, dessinent les lignes de partage internes au patrimoine et l’attachement préférentiel pour certains biens ; enfin ceux qui, faits à l’occasion d’un investissement immobilier, révèlent les critères sur lesquels les propriétaires fondent leur décision. Le risque est de s’en tenir à un constat d’émiettement des comportements et des mobiles personnels, mais le pari de ce travail est de dégager quelques profils patrimoniaux, d’établir des règles de comportement et de cerner des logiques communes.
26En exposant, tour à tour, les enjeux d’une analyse du marché, de la topographie de la propriété et des comportements patrimoniaux, ainsi que la méthode pour les traiter, nous ne voudrions pas laisser croire que nous entendons séparer histoire économique, histoire urbaine et histoire sociale. Notre but est de les maintenir ensemble. Comprendre comment les maîtres du sol perçoivent leurs biens, se les approprient et s’en séparent exige, à chaque instant, de croiser le social et l’économique, l’économique et l’urbain, l’espace et le social : c’est-à-dire prendre en compte l’interaction constante entre des structures, des comportements économiques et des représentations sociales.
Une source majeure : les Dieci Savi alle decime in Rialto
27Le présent travail repose sur l’exploitation d’une source massive et longue, le fonds des Dieci Savi alle decime, qui permet tout à la fois de reconstituer le marché, la topographie de la propriété et un corpus de patrimoines nominatifs. Il repose donc sur un parti pris : procéder au dépouillement intensif de ce fonds plutôt que de faire appel à des sources dispersées. Ce choix est d’autant plus fécond que l’archive des Dieci Savi alle decime comporte des séries, Quaderni trasporti et Giornali di traslati, qui n’ont jamais fait l’objet d’une mise en valeur systématique, malgré leur intérêt primordial dans la perspective d’une histoire évolutive de la propriété18. Ce choix m’a conduit, au fil des dépouillements, à bâtir une armature dont les ramifications se prolongent dans d’autres fonds : les cours civiles, d’autres magistratures fiscales et surtout les archives notariales. Par souci d’efficacité, leur exploitation a été liée aux renvois indiqués par les decime.
28Il me faut dire un mot de ce fonds exceptionnel. Créée en 1463, la magistrature des Dieci Savi alle decime avait pour charge d’établir le montant annuel d’un impôt sur les rentes immobilières et foncières, la decima, qui portait, comme son nom l’indique, sur le dixième des revenus. Les recensements fiscaux, conservés pour l’époque moderne, eurent lieu à des dates d’une grande irrégularité : 1514, 1537, 1566, 1582, 1661, 1711 et 1740. Les propriétaires domiciliés fiscalement à Venise étaient alors tenus de remettre au collège une déclaration (condizione) de leurs biens et de leurs revenus à Venise et en Terre Ferme, puis après 1617 des prêts en argent qu’ils avaient accordés à des particuliers. Au cours du recensement, était également entreprise une opération cadastrale (catastico) qui visait à vérifier la véracité des informations apportées par les propriétaires. Seuls les cadastres dressés en 1661, 1711 et 1740 nous sont parvenus. La partie centrale du fonds est constituée par les registres dits Quaderni trasporti, où sont enregistrés les mouvements de propriétés de chaque contribuable. Organisés sur le principe d’un livre de compte en partie double, ils mentionnent pour chaque propriétaire en dare, les gains, et en avere, les pertes, assorties de la date du transfert, du nom et de la référence de l’autre contractant. Ces registres, véritables monuments de comptabilité, exclus normalement de la consultation à cause de leur poids, constituent la clé de voûte de notre recherche, puisqu’ils permettent de substituer à un aperçu statique des patrimoines une vision dynamique, en reconstruisant, acte après acte, leur évolution. Les Quaderni trasporti renvoie à une autre série, tout aussi importante, le Giornale di traslati, où les passages de propriété sont enregistrés en ordre chronologique avec l’indication du nom des contractants, du titre juridique, de l’acte privé ou public qui a validé le transfert. Ce sont donc les évolutions de la structure et de la topographie des patrimoines que le fonds permet de reconstruire avec minutie.
29Compte tenu de son volume, il importait d’opérer des choix chronologiques, topographiques et documentaires. Les bornes chronologiques de l’étude du marché sont sans doute celles qui sont le moins tributaires des sources, puisque le Giornale di traslati permet de suivre sans discontinuité les transferts de propriété à partir de 1582 jusqu’à l’extrême fin du xviiie siècle. Nous avons pris le parti d’embrasser une longue période qui va de la fin du xvie siècle jusqu’à la première décennie du xviiie siècle, dont les résultats ont montré a posteriori la cohérence.
30La période durant laquelle nous avons reconstitué la généalogie des maisons de la paroisse de San Polo est, en revanche, imposée par la source. Elle commence en 1661 et s’achève en 1740 car il était nécessaire de s’appuyer sur les cadastres, dressés à ces deux dates, pour localiser les habitations. L’étude couvre près d’un siècle mais se trouve décalée vers l’aval par rapport à celle du marché. Cet écart est sans incidence sur le plan de l’interprétation historique car aucune rupture n’apparaît dans les structures de la propriété entre le xviie siècle et la première moitié du xviiie siècle.
31Le choix du recensement de 1661 s’est imposé de lui-même pour réunir un corpus de propriétaires. Celui de 1582 nous ramenait trop loin en amont, celui de 1711 déplaçait l’étude vers le xviiie siècle. Il n’est pas dit que les résultats auraient été différents si nous avions fait ce second choix, mais nous aurions dû faire le deuil d’une étude des patrimoines dans une période de recomposition sociale au sein de la classe dirigeante et de forte pression fiscale au moins au milieu du siècle. De plus, l’intervalle de temps jusqu’au recensement suivant (1711), est suffisamment long pour couvrir une bonne partie de la vie, sinon du propriétaire recensé en 1661 du moins de ses héritiers. Compte tenu de l’ampleur du fonds, l’enquête s’est limitée aux propriétaires recensés dans le sestiere de San Polo, situé au centre du territoire urbain. Les sestieri périphériques auraient fait la part trop belle aux petits propriétaires. San Marco, qui présente une implantation nobiliaire proportionnellement comparable à San Polo, eût été trop lourd à gérer. Bien qu’il n’y ait dans le sestiere de San Polo que 429 propriétaires recensés en 1661, il s’est avéré très vite déraisonnable de tous les étudier. Si la documentation avait regroupé, sur le modèle de l’Enregistrement, tous les transferts relatifs à la même personne, l’entreprise eût été aisément réalisable, mais il fallait, à partir des dates de transferts mentionnées dans les Quaderni trasporti, retrouver l’enregistrement de chacun d’entre eux dans le Giornale di traslati pour obtenir des précisions indispensables sur leur nature et le type de biens échangés. La réduction de l’échantillon s’imposait donc. Après avoir classé les propriétaires de biens urbains selon le revenu de leur patrimoine, nous avons retenu un décile sur deux, en prenant soin de ne pas écarter les propriétaires pouvant appartenir à la même famille et quelques propriétaires ne possédant que des terres : soit 142 propriétaires, y compris la Scuola di San Giovanni Evangelista. Parmi eux, on compte 56 patriciens, un noble de Terre Ferme, trois personnes qui seront quelques années plus tard intégrées au patriciat et 82 popolani et cittadini19. Il faut ajouter à ces 142 propriétaires, quand ils ont laissé un patrimoine, leurs héritiers au nombre de 165. Le corpus est donc composé, au total, de 307 propriétaires. L’étape suivante a consisté à retrouver, dans le Giornale di traslati, les 2 545 transferts de propriété, touts actes confondus, qu’ils avaient réalisés, en comptant cependant quelques doubles, puisque la transmission de l’héritage est comptabilisée deux fois, dans le compte du père et dans celui de l’héritier. Rien n’interdit en théorie de suivre les patrimoines de tous les propriétaires d’un sestiere, voire de tout Venise durant toute l’époque moderne, mais cela ne peut être que la tâche d’une équipe.
32Il me paraît opportun, avant tout développement, d’attirer l’attention sur deux effets induits par les sources que nous avons utilisées. Premièrement, si le nombre de patriciens retenu est conforme à leur importance parmi les propriétaires du sestiere, ceux-ci occupent une place prédominante dans l’étude des formes de partage des patrimoines parce que certains d’entre eux ont beaucoup à transmettre. On court donc le risque d’établir des règles de comportements qui soient surtout valables dans ce milieu. Deuxièment, si l’on peut sans effort individualiser le profil des propriétaires les plus grands et les plus petits, il est particulièrement difficile de différencier ceux qui occupent une position intermédiaire, et ce quel que soit leur statut. L’interprétation tend à reposer, malgré nos efforts, sur une forte polarisation des comportements. On ne peut pas exclure que ce travers provienne de la taille de l’échantillon. Reste que ces risques, à condition de ne pas les occulter le moment venu, ne suffisent pas à dépricier la dimension la plus neuve de cette enquête : reconstituer avec minutie des profils patrimoniaux, établir des règles de comportement, saisir la nature des rapports qui lient les hommes aux immeubles. Par ce biais, celle-ci ambitionne d’éclairer le fonctionnement d’une société et d’une économie.
Notes de bas de page
1 Jean-Claude Maire Vigueur, dans l’introduction du colloque, D’une ville à l’autre, tenu en 1986, déplorait l’indigence des études sur l’immobilier et formulait des propositions de travail sur les formes de propriétés urbaines et les dynamiques du marché. Certes, l’appel à saisir l’immobilier comme objet d’histoire a rencontré un écho dans des recherches qui ont depuis lors abouti, mais le champ fécond qu’il a désigné aux études urbaines est encore à explorer. Cf. J.-C. Maire Vigueur, « Introduction », dans D’une ville à l’autre. Structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes (xiiie-xvie siècles), Rome, 1989 (Collection de l’École française de Rome, 122), p. 5-7.
2 À partir des déclarations fiscales et des cadastres du fonds des Dieci Savi alle decime, la géographie de l’espace urbain à l’époque moderne a fait l’objet de deux études majeures réalisées par D. Beltrami, Storia della popolazione di Venezia, dalla fine del secolo XVI alla caduta della Repubblica, Padoue, 1954, et E. Concina, Venezia nell’età moderna. Struttura e funzioni, Venise, 1989. En opérant le premier traitement statistique des cadastres, Daniele Beltrami a dessiné les contours de l’échelle des fortunes et esquissé, en quantifiant les types d’édifices par sestiere, une première reconstitution du paysage urbain. À la fin des années 1970, il revient à Ennio Concina d’opérer une révision complète des sources grâce au renfort de l’outil informatique. L’enquête (dont les premiers résultats ont été présentés dans ID., Structure urbaine et fonctions des bâtiments du xvie au xixe siècle. Une recherche à Venise, Venise, 1982), en s’enrichissant des informations que la source sérielle pouvait comporter, a permis de reconstituer les structures du système urbain. Sur la formation de l’espace urbain à la fin du Moyen Âge, voir É. Crouzet-Pavan, Espaces, pouvoir et société à Venise à la fin du Moyen Age, 2 vol., Rome, 1992 (Collection de l’École française de Rome, 156).
3 Cette remarque est formulée par G. Béaur, L’immobilier et la Révolution. Marché de la pierre et mutations urbaines, 1770-1810, Paris, 1994 (Cahiers des Annales, 44), p. 10. Elle est à rapprocher de la lente transformation du bâti mise en évidence à Venise par E. Trincanato, Venezia minore, Milan, 1948, p. 35 ; à Florence par F. W. Kent, Household and Lineage in Renaissance Florence, Princeton, 1977, p. 229 et sq. ; à Rome par H. Broise et J.-C. Maire Vigueur, « Strutture famigliari, spazio domestico e architettura civile a Roma alla fine del Medioevo », dans Storia dell’Italia, 12, Momenti di architettura, Turin, 1983, p. 99 ; et de manière plus générale, par P. Chaunu dans J.-P. Bardet et alii, Le bâtiment : enquête d’histoire économique, xive-xixe siècles, vol. 1, Maisons rurales et urbaines dans la France traditionnelle, Paris-La Haye, 1971, p. 21.
4 En ce sens, le marché des maisons est différent du marché de la terre qui est dépendant, jusqu’à un certain point, de la conjoncture agricole. Cf. G. Béaur, Le marché foncier à la veille de la Révolution. Les mouvements de propriété beaucerons dans les régions de Maintenon et de Janville de 1761 à 1790, Paris, 1984, p. 93-97.
5 Sur les différents statuts de la propriété foncière, voir R. Derosas, « Aspetti del mercato fondiaro nel Veneto del primo Ottocento », Quaderni storici, 65, 1987, p. 567 ; G. Béaur, « La circulation des immeubles urbains dans la longue durée : le marché chartrain entre 1740 et 1860 », dans M. Dorban et P. Servais (dir.), Les mouvements longs des marchés immobiliers ruraux et urbains en Europe (xvie-xixe siècles), Louvain-la-Neuve, 1994, p. 9.
6 L’idée est développée par M. Roncayolo, Les grammaires d’une ville. Essai sur la genèse des structures urbaines à Marseille, Paris, 1996, p. 51.
7 M. Halbwachs, Les expropriations et le prix des terrains à Paris (1860-1900), Paris, 1909, p. 238 et 277-280.
8 G. Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle, Paris, 1985, p. 97-138 ; G. Béaur, « Prezzo della terra, congiuntura e società alla fine del XVIII secolo : l’esempio di un mercato della Beauce », Quaderni storici, 65, 1987, p. 523.
9 J.-Y. Grenier, « L’histoire quantitative est-elle encore nécessaire ? », dans J. Boutier et D. Julia (dir.), Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire, Paris, 1995, p. 173-183 ; Ph. Boutry, « Assurances et errances de la raison historienne », ibid., p. 61-64.
10 P. Chaunu, « L’histoire sérielle, bilan et perspectives », Revue historique, 494, 1970, p. 297-320 ; F. Furet, « L’histoire quantitative et la construction du fait historique », Annales E.S.C., 1, 1971, p. 63-75.
11 Comme exemple de l’utilisation de la quantification pour elle-même, voir J. Georgelin, Venise au siècle des Lumières, Paris-La Haye, 1978. La critique de la méthode est faite par P. Del Negro, « Il patriziato veneziano al calcolatore. Appunti in margine a « Venise au siècle des Lumières » di Jean Georgelin », Rivista storica italiana, 93, 1981, p. 838-848.
12 L’étude du marché a rencontré jusqu’ici plus d’écho en France qu’en Italie. Les travaux pionniers d’Emmanuel Le Roy Ladurie et de Pierre Couperie sur les loyers parisiens et de Jean-Pierre Bardet sur la maison rouennaise (E. Le Roy Ladurie et P. Couperie, « Le mouvement des loyers parisiens de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle », Annales E.S.C., 4, 1970, p. 1002-1023 ; J.-P. Bardet, « La maison rouennaise aux xviie et xviiie siècles. Économie et comportement », dans J. P. Bardet et alii, op. cit., p. 315-537) ont ouvert la voie à une approche quantitative de l’immobilier, relayée aujourd’hui par l’étude de Gérard Béaur sur l’incidence de la Révolution sur le marché immobilier de cinq villes de Province (L’immobilier et la Révolution, op. cit.). Sur le marché à Venise à la fin du Moyen Âge, voir É. Crouzet-Pavan, op. cit., p. 464-478 ; Sur Rome, voir É. Hubert, Espace urbain et habitat à Rome du xe siècle à la fin du xiiie siècle, Rome, 1990 (Collection de l’École française de Rome, 135), p. 331-359.
13 J.-Y. Grenier, op. cit., p. 177.
14 Sur la micro-histoire, voir G. Levi, « On microhistory », dans P. Burke (dir.), New Perspectives on Historical Writing, Cambridge, 1991, p. 93-113 ; J. Revel (dir.), Jeux d’échelles : La micro-analyse à l’expérience, Paris, 1996 et le dossier « Sulla microstoria », Quaderni storici, 29, 1994, p. 511-575.
15 E. Grendi, « Micro-analisi e storia sociale », Quaderni storici, 12, 1977, p. 506-520.
16 Le fait que la micro-histoire ne soit pas simplement une question d’échelle est suggéré par P.-A. Rosental, « La rue mode d’emploi. Les univers sociaux d’une rue industrielle », Enquête, « La ville des sciences sociales », 4, 1996, p. 132-135.
17 Sur Venise, citons les études importantes de J. C. Davis, The Decline of the Venetian Nobility as a Ruling Class, Baltimore, 1962 ; Id.,Una famiglia veneziana e la conservazione della ricchezza. I Donà dal ’500 al ’900, Rome, 1980 ; G. Gullino, I Pisani Dal Banco e Moretta. Storia di due famiglie veneziane in età moderna e delle loro vicende patrimoniali tra 1705 e 1836, Rome, 1984 ; R. Derosas, « I Querini Stampalia. Vicende patrimoniali dal Cinque all’Ottocento », dans G. Busetto et M. Gambier (dir.), I Querini Stampalia. Un ritratto di famiglia nel Settecento veneziano,Venise, 1987, p. 43-87 ; au-delà de l’horizon vénitien, voir, en autres : L. Bonfield (dir.), Marriage, Property and Succession, Berlin, 1992.
18 Centrées sur les fonctions urbaines, tout en faisant une place à l’implantation de grands patrimoines nobiliaires et à la géographie des prix, la vaste et novatrice enquête d’E. Concina (Venezia nell’età moderna... cit.) s’appuie sur le dépouillement exhaustif des cadastres et des déclarations fiscales de 1582, mais laisse de côté des pans entiers du fonds susceptibles de faire l’objet d’une étude intensive.
19 La composition de l’échantillon est conforme à la répartition de l’ensemble des propriétaires recensés dans le sestiere de San Polo. Sur 429 contribuables, 28 % sont patriciens, 1,8 % sont des institutions ecclésiastiques ou des scuole et 70,2 % des popolani et des cittadini. Ces derniers ne sont pas toujours identifiables à partir de la déclaration fiscale, ils ont donc été comptabilisés avec le reste de la population. 7 ont été identifiés avec certitude. Si l’on s’appuie sur le recensement réalisé en 1642, les patriciens représentaient 3,5 % de la population du sestiere de San Polo, les cittadini 8,5 % et les popolani 88 %. Cf. D. Beltrami, op. cit., p. 71.
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