Introduction
p. 329-332
Texte intégral
1L’ars dictaminis, ensemble de règles techniques de la composition écrite étendues à l’oral, est d’abord destiné aux notaires, ceux-ci en faisant un usage pratique quotidien1. Son étude poussée ne fait pas pour autant partie de la formation de tous les membres du groupe professionnel. Une partie d’entre eux apprend son travail auprès d’un confrère, tel l’apprenti auprès du maître. L’élite de la profession, quant à elle, destinée à opérer pour les chancelleries, suit l’enseignement de l’ars auprès de centres universitaires ou de pouvoir. Ainsi, l’ars dictaminis répond, avant tout, aux besoins d’un groupe socialement distingué et intellectuellement élevé.
2Pourtant, au XIIIe siècle, la culture laïque n’est plus l’apanage des litterati, milieux familiarisés à la langue latine, les communes mettant en place de véritables politiques éducatives visant la diffusion des institutions d’enseignement. L’encadrement scolaire permet tout à la fois de recruter des officiers dévoués à la Commune et de légitimer ses mesures par une communication efficace2. Ainsi, au XIIIe siècle, l’instruction élémentaire se répand par l’intermédiaire d’écoles privées tenues par des laïcs3. La question des publics touchés par les préceptes cicéroniens est d’autant plus complexe que ceux-ci sont relayés tant par les manuels rhétoriques que par les libri de regimine. Au sein de ces derniers, l’éloquence est alliée aux règles du gouvernement, précisant de façon normative le rôle du rector, sa conception de la chose publique, les vertus dont il doit se parer et ses modes d'expression. Le discours urbain s’y exprime par un langage incluant parole et gouvernement de soi.
3Selon les manuels d’ars arengandi diffusés dès la première moitié du XIIIe siècle, la pratique d’une éloquence politique n’est pas l’apanage du seul corps gouvernant. La rhétorique fait partie de l’art du citoyen : elle est une science civile. Par la communication s'exprime une conscience collective, liée à la cité. Or la civilis scientia, en tant que science, s’apprend. Dans les dictamina et les libri de regimine, Cicéron tient un double rôle : il est à la fois rhéteur et citoyen d’une Rome idéalisée, maître de l’éloquence et défenseur de la vita activa. Au-delà des deux Rhetoricae, ses enseignements moraux sont réinvestis dans le discours urbain : être citoyen demande un savoir-faire et un savoir-être. L’identité communale ne suffit pas ; elle implique une action politique, qui se doit d'être vertueuse.
Notes de bas de page
1 Pour un aperçu général du notariat communal, de sa formation et de son rôle au sein de la cité, on peut se reporter à : Zabbia 2000 ; Bartoli Langeli 2006 ; Faini 2017 ; Pinto – Tanzini – Tognetti 2018.
2 Ce cadre général laisse se développer de nombreuses interpénétrations entre les milieux citadins, dont on peut retrouver l’évolution dans : Cammarosano 1997.
3 Herlihy – Klapisch-Zuber 1978, p. 563.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
De la « Cité de Dieu » au « Palais du Pape »
Les résidences pontificales dans la seconde moitié du XIIIe siècle (1254-1304)
Pierre-Yves Le Pogam
2005
L’« Incastellamento » en Italie centrale
Pouvoirs, territoire et peuplement dans la vallée du Turano au Moyen Âge
Étienne Hubert
2002
La Circulation des biens à Venise
Stratégies patrimoniales et marché immobilier (1600-1750)
Jean-François Chauvard
2005
La Curie romaine de Pie IX à Pie X
Le gouvernement central de l’Église et la fin des États pontificaux
François Jankowiak
2007
Rhétorique du pouvoir médiéval
Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècles)
Benoît Grévin
2008
Les régimes de santé au Moyen Âge
Naissance et diffusion d’une écriture médicale en Italie et en France (XIIIe- XVe siècle)
Marilyn Nicoud
2007
Rome, ville technique (1870-1925)
Une modernisation conflictuelle de l’espace urbain
Denis Bocquet
2007