Chapitre 3. Les fontaines dans le monde méditerranéen
p. 57-83
Texte intégral
1Les fontaines sont un des éléments constitutifs du paysage méditerranéen, aussi bien dans l’espace public que privé. Le cadre géo-chronologique de cette présentation est volontairement vaste, couvrant essentiellement la Méditerranée orientale et méridionale, sur une période qui s’étend du VIe siècle av. J.-C. au VIe siècle ap. J.-C., un large panorama qui situe les fontaines africaines dans leur contexte. Il importe d’examiner la création de cet édifice et son évolution morphologique, pour comprendre comment l’apparence monumentale a émergé et s’est développée. En étudiant à la fois les fontaines ornementales en contexte privé et les fontaines monumentales publiques, il est possible d’établir des relations, de voir quels apports et quels transferts ont pu s’effectuer d’un pôle à l’autre, au fil des siècles. L’accent est mis sur le développement de la façade à édicules ou « à frons scaenae », proche du mur de scène des théâtres d’époque impériale, dont l’agencement et le décor seront abordés plus loin dans cet ouvrage.
1. Les fontaines en Méditerranée orientale (VIe siècle av. J.-C.-IIe siècle ap. J.-C.)
Les fontaines de l’époque archaïque à l’époque hellénistique
2Les innovations dans l’approvisionnement hydraulique en Grèce antique sont bien reflétées dans la peinture des vases attiques. Toutefois, les tentatives de restitution des fontaines archaïques à partir des représentations figurées des vases sont aujourd’hui rejetées1. L’artiste ne devait pas avoir en tête un édifice particulier mais il utilisait, plutôt, un modèle-type lorsqu’il représentait les scènes de la vie quotidienne à la fontaine2. Dans les fontaines grecques, en raison de la largeur du bassin, l’eau pouvait seulement être puisée, l’usager ne pouvait pas atteindre la bouche d’eau, contrairement aux représentations offertes par plusieurs vases. Seule une fontaine de petites dimensions permettait de s’approvisionner directement à la bouche. Néanmoins, beaucoup de fontaines de taille modeste, ouvertes sur la rue, ont probablement disparu et il est difficile d’en connaître la proportion en comparaison des fountain-houses. Beaucoup de fontaines sont, par ailleurs, bien connues en raison de leur lien avec des sanctuaires qui ont été fouillés et étudiés plus intensivement que les villes3.
3Les plus anciennes fountain-houses4 étaient soit construites sur des sources, soit ouvertes par un puits de section carrée ou cylindrique qui atteignait la résurgence. Le bassin de source servait également de bassin de puisage et l’escalier qui le complétait donnait accès à l’eau, quel que soit son niveau. Ce type de construction est principalement attesté dans les sanctuaires et la découverte d’artefacts fournit des indications sur la signification cultuelle du lieu. La fontaine du sanctuaire d’Artémis à Aulis5 consistait en un bassin de source rectangulaire accessible par plusieurs degrés. La fontaine a été ajoutée à un petit enclos sacré dans lequel poussait un arbre6. La fontaine Minoé de Délos7 était plus adaptée aux besoins d’une ville, son large escalier offrant un accès simultané à plusieurs usagers. L’édifice de plan carré était composé en façade d’une colonnade qui facilitait l’accès à l’eau.
4Contrairement aux fontaines connectées à un aqueduc, celles construites sur les sources, liées aux conditions géologiques et à leur environnement, étaient aménagées individuellement. À Athènes, la fontaine Klepsydra8 était couverte par la roche qui la surplombait et une cour pavée facilitait l’accès aux usagers. Sur l’acropole de Corinthe, la fontaine Pirène du haut9 recevait les eaux de tunnels de captation taillés dans la roche.
5Les aqueducs et les fontaines de la fin de l’époque archaïque étaient fréquemment associés aux noms des tyrans. Pisistrate s’occupa de l’alimentation en eau potable d’Athènes, mal approvisionnée, comme le firent d’autres tyrans à Samos et Mégare. Le type le plus fréquent de la fontaine grecque est composé d’un portique simple, le plus souvent dorique, sous lequel on accède au bassin. Trois fontaines athéniennes associées à l’aqueduc et au réseau hydraulique archaïque doivent attirer notre attention10. La fontaine Enneakrounos11, rendue célèbre par le témoignage de Thucydide12, est la seule qui soit bien connue archéologiquement. Les Pisistratides avaient fait capter l’eau pour la fontaine, tandis que la source restait accessible pour les nécessités cultuelles. Située au point le plus haut de l’agora grecque, la fontaine présentait un plan rectangulaire, ouvert sur un des longs côtés par une colonnade donnant accès à deux bassins à l’intérieur. En raison de la demande en eau croissante dans l’Athènes des Ve et IVe siècles av. J.-C., une plus grande fontaine fut construite dans l’angle sud-ouest de l’agora13. Située, comme la précédente, le long d’un axe majeur, elle présentait un plan en L dont les ailes, mesurant chacune 15 m de longueur environ, étaient couvertes d’un toit à double pente. Le bassin de puisage était accessible par deux colonnades ouvrant dans l’angle intérieur. Le troisième édifice, la fontaine du Dipylon14 se situait près de la double porte d’Athènes. Construite au début du Ve siècle, elle acquit son aspect définitif dans le dernier quart du IVe siècle av. J.-C. Le bassin en L était abrité par une structure rectangulaire ouvrant par une colonnade. Seul un entraxe était libre, les autres étaient fermés par des parapets pour empêcher l’accès aux animaux, pour lesquels un bassin était aménagé dans la cour attenante. Un autre exemple bien étudié peut être mentionné, la fontaine-exèdre de Ténos15, datée du IVe siècle av. J.-C. Elle se composait de trois éléments, un bassin de puisage, deux pavillons latéraux, ou paraskénia, et une exèdre semi-circulaire en position centrale (fig. 7). Les deux bassins adjacents à l’exèdre étaient fermés par un parapet placé entre les colonnes doriques. L’édifice reste lié au schéma des compositions grecques traditionnelles reléguant l’élément aquatique au second plan, comme le note P. Gros16.
6Ces derniers exemples de fontaines étaient, dans la conception de leur plan, subordonnés à leur environnement. À l’époque hellénistique, avec le plus grand nombre de constructions d’aqueducs, la quantité de fontaines a augmenté mais leurs dimensions se sont amoindries. La tendance se dirige alors vers des plans rectangulaires ou presque carrés, pour lesquels le bassin de puisage et le hall d’accès sont compris dans un rectangle17.
7L’une des mieux conservées a été découverte sur l’acropole d’Ialysos à Rhodes et date du IIIe siècle av. J.-C.18 Elle présentait un plan rectangulaire de 9,43 × 3,51 m et le bassin composé d’un parapet rythmé par six pilastres occupait tout le fond de l’édifice. L’eau était déversée par des bouches placées en haut des balustres. À l’avant, la façade dorique était animée par six colonnes alignées avec les pilastres. Un toit à une pente couvrait le monument. Des aménagements assez similaires se retrouvent à la fontaine « de la reine Laodice » à Milet comme à la fontaine dorique du sanctuaire d’Apollon à Cyrène19. Deux fontaines du gymnase de Sicyone20, datables de la même époque, adoptaient un plan presque carré. Deux demi-colonnes subdivisaient le parapet ; la façade ouvrait par deux colonnes doriques encadrées de deux pilastres. Trois bouches déversaient l’eau depuis la façade postérieure dans le bassin.
8Certaines fontaines, semblables dans leurs structures, étaient en revanche associées à un réservoir. L’un des meilleurs exemples est la fontaine dite de Théagène, à Mégare, qui doit avoir été construite dans le premier quart du Ve siècle av. J.-C. Elle consistait en deux grands réservoirs contigus précédés d’un bassin de puisage, le tout couvert d’un toit plat21.
9Les fontaines sans toit sont bien représentées par des édifices à cour de Delphes. Une fontaine d’époque archaïque se composait d’une cour fermée à quatre murs, accessible par un escalier. Sur un des côtés prenaient place des bouches en bronze qui déversaient l’eau dans un canal22. La fontaine Kerna, datable des Ve-IVe siècle av. J.-C. diffère seulement dans sa conception par la présence de deux bassins le long des murs de la cour, dans lesquels se déversait le trop-plein des bouches d’eau, acheminé par un canal. Deux constructions étrusques, découvertes à Pian di Misano et Pisano, présentant un réservoir et des bassins, pourraient être identifiées à des fontaines23.
10À l’époque hellénistique, le type de la fountain-house à plan en Π dotée d’une colonnade dorique se diffuse. L’exemple le plus représentatif est la fontaine dorique de Sagalassos24, construite à la fin du Ier siècle av. J.-C. La fontaine se composait de trois portiques doriques, abritant les bassins, qui encadraient une cour quadrangulaire d’environ 10 × 7 m. Un autre monument, identifié à une fontaine suite à une étude récente25, est représentatif de cette série d’édifices. Située dans l’antique Magdala (Migdal, Israël), la fontaine présentait un même plan en Π mesurant environ 8 × 7 m. Le bassin de puisage était limité par sept colonnes doriques. Le premier état de l’édifice a été daté par la fouille de la fin du Ier siècle av. J.-C.
Les fontaines en Grèce (IIe siècle av. J.-C.- Ier siècle ap. J.-C.)
11La construction et les aménagements des fontaines ont été bien étudiés par S. Agusta-Boularot pour la Grèce entre la conquête romaine et le Ier siècle ap. J.-C.26 Parmi les exemples déjà évoqués, plusieurs doivent être replacés dans le contexte des réaménagements d’époque augustéenne. En effet, la monumentalisation ancienne des centres urbains est une particularité de la Grèce et des provinces orientales. Ainsi, de nombreuses fontaines construites entre l’époque archaïque et hellénistique ont continué d’être utilisées et ont fait l’objet d’agrandissements et de transformations, pour jouer un nouveau rôle dans l’urbanisme des villes, alors que d’autres ont été nouvellement construites. C’est le cas de la fontaine de l’agora romaine d’Athènes, datable du début de l’époque impériale : elle devait faire partie du grand complexe projeté sous César et accompli sous Auguste, en lien avec le culte dynastique. De la même façon, la fontaine de la stoa sud de Corinthe s’insère dans un complexe monumental à vocation dynastique. Elle est située à proximité de la basilique sud et du bouleutérion, construits sous Claude, et il est tentant de situer sa construction dans ce programme monumental qui a vu également la transformation des boutiques en fontaines. À Corinthe, la fontaine de Poséidon27 est construite à l’ouest de l’agora dans un complexe strictement romain : située à côté d’un temple de la Fortune et d’un Panthéon, elle était, possiblement, ornée d’une statue du dieu des mers28. Elle prend place dans le programme monumental d’époque augustéenne, à rattacher au monopteros et au temple K financés par le magistrat Cn. Babbius Philinus29. Mais son apport dans la glorification du pouvoir impérial est à nuancer30. Dans tous les cas, B. A. Robinson considère la fontaine monumentale comme la première construite de nouo dans la Grèce sous domination romaine31. Toujours à Corinthe, la fontaine Pirène32, située à proximité de la source et qui tenait une place centrale dans la cité, a été remaniée à plusieurs reprises jusqu’au IIe siècle. Aux alentours du début de notre ère est ajoutée une nouvelle façade recouverte de stuc, composée d’une série d’arcades et d’un étage de colonnes doriques. Ces modifications interviennent alors que le système hydraulique est remis à neuf et étendu.
12La présence des fontaines dans ces grands programmes urbanistiques doit se comprendre en fonction de la monumentalisation dont elles ont été l’objet. S. Agusta-Boularot montre bien que durant les deux siècles qui précèdent le début de l’Empire, si les fontaines s’insèrent dans des programmes de transformation urbaine, il ne s’agit que d’édifices d’ampleur restreinte, conçus avant tout comme un équipement fonctionnel, usage illustré, d’ailleurs, par leur emplacement au cœur des agoras et des stoai, ainsi à Athènes au IIe siècle av. J.-C. En revanche, la fontaine monumentale, dont la structure même répond aux besoins de représentation du souverain, de la famille impériale et des évergètes33, est conçue, dès la fin du Ier siècle, tel un édifice à part entière mais dont la construction s’insère souvent dans un programme urbain.
Fontaines et réseau hydraulique sous le Haut-Empire
13Il est difficile d’attribuer précisément la construction d’un édifice à un programme édilitaire, en l’absence de fouilles stratigraphiques et d’une chronologie relative à l’échelle de la ville. J’ai déjà discuté de la simultanéité de construction d’un aqueduc et des grands monuments des eaux dans les villes romaines34. Quelques exemples bien documentés invitent à associer des fontaines à des aménagements hydrauliques d’ampleur.
14Très tôt, Apamée a été dotée d’un système d’alimentation en eau, datable par une inscription de l’époque de Claude35 découverte à proximité de la porte nord. C’est à cet endroit qu’elle devait prendre place, à côté d’un nymphée dont l’emplacement assurait une visibilité concrète de l’action bienfaitrice de l’empereur, le long de la voie à colonnades36.
15En Asie mineure37, des systèmes d’adduction hydraulique sont mis en place dès l’époque augustéenne ; les fontaines sont principalement construites à partir de l’époque flavienne38. À Éphèse, le proconsul G. Laecanius Bassus Caecina Paetus avait supervisé, en 78-79, la construction d’une fontaine monumentale, nommée hydrekdokeion, à l’angle sud-est de l’agora civique, avec l’adduction d’eau correspondante39. La ville assuma les frais de cette construction dont Bassus avait accordé l’autorisation ou l’avait obtenue de l’empereur. Non seulement la fontaine est contemporaine de l’aménagement d’une adduction d’eau mais, dans la mesure où sa façade tournait le dos à l’agora civique et s’ouvrait sur le téménos du temple de la néocorie de l’époque de Domitien, la construction dut s’insérer dans le dispositif prévu pour le culte impérial provincial40. Quelques années plus tard, deux fontaines41 ont été construites par un riche éphésien du nom de Ti. Claudius Aristio, dont la famille était originaire de la ville depuis plusieurs générations, au sein d’un programme qu’il réalisa avec son épouse Iulia Lydia Laterane. L’une était la fontaine construite à l’est de l’agora civique sur la voie conduisant à la porte de Magnésie, dite Straßenbrunnen42, l’autre, une fontaine dédiée à Trajan (cf. fig. 65), située le long de la rue des Courètes43. À cet effet, Aristio fit venir l’eau à ses frais par une nouvelle canalisation longue de 210 stades (environ 38 km) depuis la vallée du Caÿstre.
16En Grèce, de nombreux aqueducs ont été construits à l’époque d’Hadrien, entre autres à Argos44, Corinthe et Athènes45. Dans cette dernière, les deux nymphées Larissa et du Lycabète apparaissent immédiatement après la construction de l’aqueduc qui semble avoir été projetée non pas seulement pour alimenter la ville, déjà munie d’un système d’adduction, mais pour permettre la mise en place de monuments des eaux caractéristiques des villes romaines : le complexe thermal au nord de l’Olympieion et le nymphée dans l’angle sud-est de l’agora grecque datent également de cette période. Ce dernier se présentait sous la forme d’une grande exèdre semi-circulaire de 19,50 m de diamètre décorée d’une série de niches qui devaient accueillir des statues. Devant le bassin, une base était à l’origine surmontée d’une effigie46. L’édifice doit être analysé dans son environnement : le nymphée est le dernier d’une série d’édifices hydrauliques construits dans cette partie de l’agora, dont le plus célèbre est la fontaine sud-ouest construite à la fin du Ve ou au début du IVe siècle av. J.-C.47 Le nymphée d’Hadrien bloquait l’accès à la fontaine grecque archaïque qu’il remplaçait ainsi visuellement et physiquement. Les Athéniens empruntant la Voie des Panathénées se trouvaient obligés de se rafraîchir à cette fontaine plutôt qu’à celle symbolisant le passé athénien48.
2. Les fontaines en Méditerranée occidentale (IIe siècle av. J.-C.-IIe siècle ap. J.-C.)
Les jeux d’eau dans les villas d’Italie (IIe-Ier siècles av. J.-C.)
17Au IIe siècle av. J.-C., les cercles aristocratiques romains s’ouvrent aux modèles hellénistiques et à une nouvelle vision de la nature qui va s’exprimer dans les jardins et les jeux d’eau49. Ces derniers sont principalement introduits en Italie par le biais des jardins privés plus que par l’architecture publique. Ils sont intégrés dans les jardins aristocratiques de la fin de la République, dans les domaines littoraux ou suburbains dès le deuxième quart du Ier siècle av. J.-C., mais également dans les horti de Rome50, en cohérence avec l’essor des villas de plaisance et l’ouverture au paysage et aux éléments naturels que P. Grimal nomme la « révolution spirituelle51 ». Les sources littéraires témoignent de ce nouveau rôle de l’élément aquatique, topos de la villa idéale52.
18Au début du Ier siècle av. J.-C., dans la région du Latium, les bassins insérés dans les jardins sont conçus comme des substituts artificiels aux plans d’eau. Les éléments caractéristiques des villas, relevés par H. Dessales, sont une structure en podium, une disposition en terrasses et un grand bassin – jusqu’à 50 m de longueur, mis en valeur sur la plate-forme inférieure, parfois associé à un portique –, des fontaines en élévation et des niches décoratives53.
19Dès le milieu de ce siècle, le plan d’eau perd sa dimension paysagère et s’insère au corps intérieur du bâtiment, en association avec les vastes quadriportiques54. En contexte public, c’est au complexe de Pompée, sur le Champ de Mars, qu’on rencontrerait pour la première fois cet agencement : dédié vers 55 av. J.-C., dans le prolongement du théâtre de Pompée, ce vaste quadriportique encadrait un parc orné de fontaines et de bassins, en partie découverts lors de fouilles, décoré de statues et dont les exèdres accueillaient des tableaux. L’une des fontaines représentait un satyre endormi55. Le thème du parc entouré de portiques et rafraîchi par des arbres et des fontaines est un emprunt à l’architecture du gymnase grec, dépourvu ici de ses dimensions sportive et pédagogique, dont le caractère novateur est la composition du décor mis en œuvre56. En contexte privé, la Villa des Papiri à Herculanum et la villa dite d’Horace à Licenza, datées du milieu du Ier siècle av. J.-C., présentent toutes deux les premiers exemples de bassins monumentaux inclus dans des péristyles. Ces bassins restent, pourtant, conçus comme des éléments extérieurs à la villa et ce n’est qu’à la fin de la République qu’ils s’associent à la composition du péristyle et à son décor. Dans la maison tardo-républicaine, le bassin devient un des éléments du jardin d’agrément, à l’instar des cas pompéiens.
La monumentalisation dans les sanctuaires publics (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle ap. J.-C.)
20La monumentalisation des jeux d’eau, avec l’émergence des fontaines en élévation, a débuté à la fin de l’époque républicaine dans deux espaces, les sanctuaires publics et les grandes villas aristocratiques57.
21À Préneste, l’Antre des Sorts et la Salle à abside du sanctuaire inférieur constituent les deux premiers exemples de l’emploi de rocailles et de mosaïques dans un décor qui vise directement à suggérer l’image de la grotte. Vers 80 av. J.-C., le décor des nymphées romains n’est pas encore codifié, ni attaché à un type de grotte précis. L’opposition entre le caractère naturel de la grotte et l’aspect artificiel qu’on lui ajoute n’est pas encore ressentie comme telle58.
22À Rome, le Lacus Iuturnae a fait l’objet d’une monumentalisation sous le consulat de Paul Émile, en 164 av. J.-C., en présentant les statues en marbre des Dioscures rapportées après la bataille de Pydna et dont il est question chez Minucius Felix59. Une seconde transformation fut exécutée à la fin de l’époque républicaine, en 117 av. J.-C., par L. Caecilius Metellus Dalmaticus, consul en 119 av. J.-C., qui avait restauré le temple de Castor et Pollux à proximité. Le Lacus adoptait alors un plan carré de 7,50 m de côté environ. Des travaux ont plus tard été entrepris par Auguste en raison de l’histoire de cette fontaine, installée sur une source et utilisée depuis l’époque archaïque, et de son emplacement sur le forum60.
23Un peu plus au sud, dans le sanctuaire de Diane à Némi, une vaste fontaine semi-circulaire a été aménagée peu après la monumentalisation du sanctuaire à l’époque tardo-républicaine. Ces premiers aménagements, cependant, sont totalement oblitérés par la construction postérieure, datée du second quart du Ier siècle et possiblement attribuable à Caligula : le bassin de la fontaine était entouré d’une grande exèdre semi-circulaire, au diamètre supérieur à 26 m, dont la restitution de l’élévation propose la présence de dix-neuf niches rectangulaires à fond plat encadrées de pilastres, trop peu profondes pour avoir accueilli des statues mais qui créaient une animation architecturale sur tout l’hémicycle61.
24À Glanum, le captage de la résurgence de la source a déjà dû être monumentalisé à l’âge du Fer, vers le VIe siècle av. J.-C. La chambre de captage, le bassin et une monumentalisation plus importante existaient aux IIe-Ier siècles av. J.-C. La datation des transformations d’époque romaine reste à préciser mais le « nymphée » est bien achevé avant la fin du Ier siècle62. Le bassin de captage présentait alors un escalier qui donnait accès à l’eau, sur le modèle des fontaines grecques. À Nîmes, un sanctuaire du culte impérial a été aménagé autour de la source. Les eaux contenues dans un bassin étaient ensuite dirigées vers une porticus triple à deux nefs, dont le quatrième côté était occupé par la colline. Au centre se trouvait le « nymphée », un lacus architecturé sans doute animé de jets d’eau. Il entourait une vaste plate-forme, de 30 m de côté environ, au centre de laquelle se dressait très probablement un autel qui a été attribué à Auguste, d’après les détails décoratifs et architectoniques. Cet Augusteum, lieu du culte impérial, s’est superposé à un culte plus ancien qui s’est poursuivi, en témoignent les nombreuses dédicaces à Nemausus découvertes à proximité63.
De la grotte à la fontaine : villas, domus et palais
25Des grottes-fontaines, naturelles ou artificielles, sont construites sur les plate-formes des villas ou près du littoral, sans lien avec le corps d’habitat central64. Deux célèbres exemples datés du milieu du Ier siècle av. J.-C. illustrent cette tendance65. Le premier est la grotte de la villa d’Horace à Sant’Antonio, près de Tibur66. Il s’agit d’une grotte artificielle, construite et non excavée dans la colline. C’est, selon H. Lavagne, l’un des exemplaires les plus anciens de la série de ces grottes artificielles. Elle a pendant longtemps été appelée « nymphée », jusqu’à ce que l’étude de C. F. Giuliani montre que l’édifice ne comportait aucune installation hydraulique, bassin ou amenée d’eau, mais simplement des drains destinés à évacuer les infiltrations rocheuses. La grotte présentait un plan basilical, composé d’une nef terminée par une abside, ouverte au sud, et deux collatéraux très étroits. L’abside était décorée d’une fine mosaïque blanche et le reste du décor se composait de coquillages, éclats de marbre et bleu égyptien. Le second exemple est le « nymphée dorique » de Castel Gandolfo67. Partie intégrante d’une villa, il se composait d’une nef principale, rectangulaire et voûtée en berceau, dont les parois latérales étaient rythmées de deux niveaux de niches, le tout surmonté d’un entablement dorique. À ce décor de petit temple classique étaient toutefois ajoutées des rocailles de tuf volcanique, sur les parois et les niches, destinées à évoquer la profondeur de l’antre.
26Ces deux édifices témoignent de la mise en place de caractéristiques que rappelle H. Dessales : un plan canonique – chambre rectangulaire voûtée –, une formule axiale avec une ouverture frontale et une abside, ainsi qu’un décor spécifique composé de niches et mosaïques pariétales et faisant usage du pumex. Suivant le même schéma, nous pouvons citer le monument octogonal de la villa de Gianola, près de Formies68. Situé sur une terrasse supérieure de la villa à la fin du Ier siècle av. J.-C., il se présentait sous la forme d’un vaste tumulus octogonal. La salle centrale, de même plan, constituait une sorte de grotte artificielle.
27Les grottes-fontaines qu’on rencontre dans les villas littorales conservent ce schéma d’organisation : les grottes sont généralement implantées en contrebas de la villa, le long de la côte69. Parmi les monuments les plus significatifs, il convient d’examiner un nymphée de la villa dite de Cicéron à Formies, typique des riches propriétés côtières, transformée vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. en villa maritima. Le « Ninfeo Minore » a connu plusieurs phases d’aménagement70. Dans une première phase, qu’on peut situer au IIe siècle av. J.-C., la fontaine seule existait, dans une niche de plan carré, sans décor sur la voûte. Dans une évolution postérieure, cette niche-fontaine est insérée dans une chambre rectangulaire en avant-corps, constituant ainsi un atrium tétrastyle. Cette transformation de la simple fontaine en construction plus monumentale doit être comprise par le souhait de donner une importance toute particulière à cette pièce. Le décor, également, participe de l’évolution du type architectural : les matériaux sont plus variés que ceux employés à la villa de Sant’Antonio, avec l’emploi de concrétions d’écume de mer disposées de façon à rappeler les peintures du premier style pompéien. Le marbre, le bleu égyptien et les coquillages, agencés dans une composition très recherchée, tendent vers ce qui est par la suite employé dans le décor de la grotte mais restent pour lors cantonnés aux schémas bien connus et largement diffusés du répertoire iconographique tardo-républicain. Il faut ajouter à cette liste le « nymphée Ponari » de Casinum. Semi-enterré, le monument présentait un plan rectangulaire d’environ 7 × 5 m, doté de neuf niches rectangulaires, trois sur chaque côté, le quatrième côté étant ouvert. La pièce, couverte en berceau, était intégralement recouverte d’enduit peint, sur les parois, les voûtes et les niches, et quelques traces suggèrent la présence de coquillages dans la décoration. La restitution de ce décor et la mosaïque de sol, composée de tesselles de marbres et de calcaires très divers, laissent penser à une datation de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. La présence incertaine d’aménagements hydrauliques dans le monument et la méconnaissance des structures alentours, caractéristiques d’un espace résidentiel, rendent difficile son identification71.
28Vers la fin du Ier siècle av. J.-C., les fontaines se trouvent également intégrées dans les murs de soubassement des villas72. C’est le schéma qu’on retrouve à l’époque impériale, au nymphée de la villa de Domitien à Castel Gandolfo73. H. Lavagne a souligné la connexion entre ces grottes-fontaines et les cryptoportiques, aussi bien dans les sanctuaires – j’ai évoqué Préneste auparavant – que dans les villas tardo-républicaines74. Les architectes, tentés d’utiliser ces volumes vides et leurs formes voûtées, y ont aménagé des grottes et installé des fontaines. H. Dessales précise qu’il s’agit d’une étape supplémentaire de l’intégration progressive de la fontaine dans l’espace intérieur, et souterrain, de la villa.
29À partir de l’époque julio-claudienne, les grottes-fontaines s’insèrent dans le corps central de la villa et s’associent à l’architecture du jardin-péristyle75. La villa de Minori76 en est un très bon exemple. Elle se composait d’une grande pièce voûtée précédée d’une antichambre, ouvrant sur le bassin du jardin central. Trois lits prenaient place le long des parois, tandis que l’eau s’écoulait de gradins situés sur la paroi nord, avant de passer entre les lits et de rejoindre le bassin. On voit en l’occurrence les nouveaux liens qui s’établissent entre bassin ornemental, fontaine en élévation et péristyle dans les villas de plaisance. Cette évolution trouve son aboutissement dans le Nymphée au Polyphème de la Domus Aurea, pièce intégrée à la partie du palais impérial située sur l’Oppius77.
30Le modèle est largement diffusé dans les maisons urbaines : à Pompéi, on trouve un exemple dans les Praedia de Julia Felix78 dans lesquelles un triclinium-fontaine ouvrait sur le portique, centré sur le grand bassin traversant le jardin. Le motif évoque déjà la frons scaenae selon H. Lavagne79 qui mentionne le plan du pseudo-pulpitum du nymphée de la Domus Transitoria. Dénommé « Bains de Livie80 », c’est une fontaine à deux étages, le second en très fort retrait sur le premier (fig. 8) qui mesurait environ 12 m de longueur. Le second étage présentait au centre une légère courbe au fond de laquelle s’ouvrait une niche rectangulaire d’où jaillissait une cascade qui coulait sur des gradins de marbre. Le long de cette courbe se découpaient deux niches semi-circulaires, tandis que deux niches carrées s’ouvraient aux extrémités de la fontaine. Le premier niveau, décoré d’une colonnade corinthienne de porphyre vert, présentait une série de neuf niches semi-circulaires et rectangulaires. Tout le long s’étirait un bassin dont l’eau provenait de la cascade du niveau supérieur, non par simple écoulement sur la façade mais depuis une tuyauterie interne qui la récupérait et la faisait jaillir depuis le fond par neuf jets81. La fontaine se trouve dans un atrium du palais impérial. C’est un des exemples les plus anciens qui évoque véritablement le mur de scène dans la richesse et le rythme de la composition82. Néanmoins, on notera l’absence de décor statuaire. La façade sert les jeux d’eau dans un but purement décoratif, sans référence à un quelconque sujet mythologique comme pour Sperlonga ou la Domus Aurea.
31Le triclinium serait apparu dans la maison romaine dans la deuxième décennie du IIe siècle av. J.-C.83 Donnant initialement sur l’atrium, il s’ouvre sur le péristyle puis sur les jardins et les cours à partir de l’époque augustéenne. Le rôle des jeux d’eau prend sens en lien avec le rite du banquet : près de deux tiers des triclinia aestiua recensés dans les jardins de Pompéi sont associés à des jeux d’eau. Ce type d’installation, le stibadium, est bien connu par une lettre de Pline le Jeune qui décrit l’aménagement de sa villa de Toscane, dans laquelle on trouvait des lits installés en demi-lune autour d’un bassin où flottaient les mets du repas84. Un édifice un peu plus tardif, daté de l’époque tardo-républicaine, dont la fonction reste énigmatique, présente la même association de jeux d’eau avec une salle d’apparat, l’Auditorium de Mécène85. Il s’agit d’une grande salle rectangulaire, semi-enterrée, terminée par une abside. Six niches décoraient chaque mur latéral et cinq niches se trouvaient au-dessus de l’abside axiale qui constituait une sorte de cauea à six gradins de marbre. Sur le gradin supérieur se trouvaient cinq bouches rectangulaires qui faisaient de cet aménagement un escalier d’eau. Les parois de la salle, décorées de peintures du IIIe style pompéien, avec motifs d’opus topiarium dans les niches, sont à attribuer à une seconde phase de l’édifice, à l’époque tardo-augustéenne. Une autre réalisation monumentale, et impériale, de ce type est le Serapeum du Canope de la villa d’Hadrien à Tivoli. Un corridor long de 20 m se terminait par une large exèdre semi-circulaire de plus de 15 m de diamètre qui s’ouvrait sur un portique à quatre colonnes, flanqué symétriquement de deux séries de pièces annexes. Dans l’exèdre voûtée d’un cul-de-four mosaïqué prenait place un lit de banquet semi-circulaire qui était entouré d’eau. L’ensemble présentait en effet un système hydraulique développé qui faisait circuler l’eau depuis le corridor axial vers le stibadium, quatre des niches de l’exèdre étant, par ailleurs, décorées d’escaliers d’eau qui contribuaient à remplir le canal. L’ensemble était pourvu d’un décor statuaire de divinités évoquant une « Égypte de jardin » puis, après le séjour de l’empereur en 130- 131, une « Égypte de voyage » qui aurait dû, à l’issue des transformations restées inachevées, rejouer la crue du Nil et de son delta, symbole du renouvellement cyclique du temps et des choses86.
32Dernière évolution pour cette période, les structures à ciel ouvert qui se composent des mêmes éléments que les installations précédentes87. Il peut s’agir de simples niches ou édicules adossés à une paroi du jardin, parfois associés à un escalier d’eau. Les dimensions, les formes courbes et les matériaux utilisés dénotent un choix de miniaturisation de la grotte. Plusieurs exemples sont relevés par H. Dessales, datés du début ou de la première moitié du Ier siècle ap. J.-C. Plus rares, certaines structures isolées prenaient place au centre du jardin.
3. Le développement d’une architecture publique monumentale sous le Haut-Empire
Auguste et les Julio-Claudiens
33Il faut attendre l’époque augustéenne pour voir naître les premières formes de monumentalité dans l’espace public. C’est sous l’impulsion d’Agrippa, essentiellement, que Rome se dote de nombreuses fontaines publiques, en lien avec le développement des aqueducs et l’amélioration de l’approvisionnement de la Ville en eau88. À partir du IIe siècle av. J.-C., les constructions d’aqueducs se multiplient dans les villes d’Italie. Plusieurs inscriptions témoignent ainsi de la construction simultanée de ces lacus, souvent construits en série89 : à Aletrium (Alatri, Latium) deux lacus sont mentionnés dans une inscription90 qui évoque également la construction d’une conduite d’eau par un évergète privé. On connaît mal ces monuments en-dehors des témoignages de Frontin et de Pline l’Ancien. Ce devaient être, pour la plupart, de simples lacus, des bassins de pierre surmontés d’une bouche91, éventuellement figurée, comme on en trouvait dans les rues de Pompéi et qui sont apparus en Gaule à partir du Ier siècle ap. J.-C.92 On trouve mention de la construction de lacus dans les inscriptions, à Sextantio (Murviel-lès-Montpellier, Narbonnaise) par deux édiles93 et à Genaua (Genève, Narbonnaise) par un notable94. Des vestiges de ces modestes bassins sont conservés, à Lyon la « fontaine du clos du Verbe-Incarné »95 mais aussi à Bavay96, Saint-Romain-en-Gal97 et Poitiers98. Elles ont pu être mises en place lors de la construction d’un aqueduc et l’aménagement d’un réseau hydraulique99 mais l’examen détaillé des exemplaires conservés, malgré la difficile étude globale des sites concernés, montre que beaucoup de fontaines venaient s’installer dans un réseau existant100.
34Dans les villes de la péninsule italique, les fontaines devaient être relativement modestes car peu de traces nous sont parvenues de ces monuments. Parmi les rares exemples de fontaines méritant l’épithète de monumentale, la fontaine de Préneste101 doit attirer notre attention. F. Coarelli a identifié le monument en hémicycle élevé par le grammairien M. Verrius Flaccus (v. 50 av. J.-C. et 20 ap. J.-C.), connu par le témoignage de Suétone102, à un édifice qui prenait place sur le forum inférieur de la ville et auquel il attribue la fonction de fontaine. L’abside mesurait 5,10 m de diamètre et accueillait les Fastes, un calendrier rédigé par l’auteur latin, inscrit sur des plaques de marbre103, de même que plusieurs reliefs représentant une brebis, une lionne, une laie et une vache, allégories des saisons évoquant la fécondité et la prospérité de la Fortuna Primigenia104. On sait qu’une statue du donateur se tenait dans la fontaine mais il est difficile d’y voir un monument commémoratif de l’ampleur de ceux qui apparaissent les siècles suivants, par exemple du monument d’Hérode Atticus à Olympie avec lequel F. Coarelli propose une comparaison. Ici, aucun programme iconographique honorifique mais la volonté d’un érudit, pour reprendre les conclusions du savant italien, de restituer la topographie mythique de Préneste en construisant une fontaine à proximité de l’endroit où le fondateur de la ville aurait été abandonné et en la dédiant à la déesse protectrice des animaux et de la fertilité. Par ailleurs, l’élévation du monument devait rester modeste et ne présenter qu’une niche, tout au plus, pour y placer la statue. Il s’agit là d’un des premiers exemples des constructions monumentales qui devaient se multiplier aux siècles suivants. Néanmoins, l’Italie reste pauvre en exemples et il faut se tourner vers l’Achaïe et l’Asie mineure pour trouver des édifices plus significatifs.
35Bien que les fontaines les plus simples se multiplient, avec l’arrivée de l’eau courante, pour desservir la population, des nouveautés apparaissent dans les provinces. De nombreuses fontaines étaient déjà présentes dans les villes de Grèce et les urbanistes d’époque augustéenne ont dû composer avec ces constructions existantes. Les fontaines sont réaménagées et présentent pour la première fois les prémices d’un décor à édicules.
36La fontaine de Poséidon à Corinthe, dont j’ai évoqué l’emplacement dans le complexe romain à l’ouest de l’agora, est l’exemple le plus monumental et le plus novateur. Elle reste d’une importance moyenne en comparaison des fontaines des provinces orientales du IIe siècle mais peut être comparée à la fontaine Pirène ou à la fontaine de Pollion à Éphèse. Sa maçonnerie de poros stuquée devait ressembler à du marbre et l’intérieur pouvait être peint. La restitution et la date de construction posent problème mais une des propositions est celle d’une fontaine avec voûte et frise inscrite. Visible de tous les points de l’agora, elle contribuait à la fermeture des espaces centraux des cités qui s’opère sous l’Empire. La frise indiquait que le donateur était Cn. Babbius Philinus, préfigurant la part que l’évergétisme devait prendre dans le financement des installations hydrauliques impériales105.
37Non loin, la fontaine Pirène106 avait une place centrale dans la cité, située à proximité de la source. Au Ier siècle, la façade est réaménagée avec des colonnes engagées d’ordres dorique et ionique. S. Agusta-Boularot y reconnaît le même motif que celui de la frons scaenae mais employé ici dans un complexe clos, sans recul et avec un étage supérieur aveugle, sans statuaire. Au contraire, B. A. Robinson voit dans les arcades et la colonnade engagée l’influence de l’architecture romaine des IIe et Ier siècles av. J.-C. (Horrea d’Agrippa, théâtre de Marcellus, Tabularium, entre autres). Le motif serait le meilleur symbole de la romanitas qu’on souhaitait exprimer. Cette première façade n’aurait pas exercé d’influence sur les fontaines postérieures et n’aurait eu qu’une durée de vie très courte107.
38L’hydreion d’Éphèse108, daté de la première moitié du Ier siècle, présentait, lui, une abside centrale semi-circulaire de 5 m de diamètre, flanquée de deux niches rectangulaires encadrées de deux colonnes chacune. Des bassins se plaçaient en avant et l’édifice était probablement recouvert d’une demi-coupole. Ce plan dit « en sigma » est une nouveauté qu’on retrouve fréquemment plus tard. J. Richard considère l’hydreion comme une des premières fontaines à façade utilisée en tant qu’arrière-plan d’un point de vue créé par une rue. Avec la fontaine de Pollio, ce sont là deux monuments très exposés, sur deux rues majeures de la ville109.
39L’époque néronienne marque un tournant, car on y rencontre les premiers exemples de fontaines monumentales qui annoncent les grandes réalisations du IIe siècle. J’ai déjà évoqué, en contexte domestique, la fontaine située dans la Domus Transitoria. Un autre édifice caractéristique est compris dans les substructions orientales du temple de Claude divinisé, dont le mur se compose de plusieurs niches. Cet ensemble a été modifié à l’époque de Néron et transformé en fontaine monumentale : le mur se composait de sept niches alternativement semi-circulaires et rectangulaires et d’autres petites niches prenaient place sur les pans de mur rectilignes intermédiaires. Les travaux d’A. M. Colini110 ont montré que l’édifice était composé d’une double structure, la façade ne s’appuyant pas directement sur le terreplein mais sur un mur postérieur, ménageant ainsi un espace suffisant pour le passage de tuyaux. Pas moins de quarante-sept bouches d’eau sont repérables111. L’alimentation était assurée par l’Aqua Claudia tout proche. Une file de pilastres ou de colonnes, sur laquelle venaient s’appuyer les voûtes, devait prendre place devant le mur112. C’est l’une des premières fontaines à présenter une façade dotée d’une série de niches et d’une colonnade libre dans des proportions aussi importantes, plus de 150 m de longueur, qui ne seront jamais égalées113. Néanmoins, il ne faut pas oublier que les modifications datent de l’époque de Néron et que cette fontaine constituait au départ un décor de fond à la Domus Aurea. Elle n’était que l’habillage décoratif d’un grand mur de soutènement et aucun décor statuaire n’est mentionné. De plus, nous sommes encore dans un contexte privé et il faut attendre le règne de Vespasien pour que le temple de Claude soit restitué à sa fonction originelle114.
Les Flaviens
40L’époque flavienne marque les débuts des constructions de fontaines monumentales urbaines. En contexte privé, les deux fontaines symétriques de la Domus Flavia115, avec leur alternance d’absides et de niches incurvées et rectilignes, constituent le modèle d’un genre développé dans les complexes palatiaux impériaux et diffusé dans les demeures des élites116.
41À Rome, la première fontaine monumentale publique est la Meta Sudans flavienne, réaménagement de la construction julio-claudienne117. À Préneste, le long de la Via degli Arconi se trouvait un castellum aquae dont la façade était décorée d’une fontaine monumentale118. Elle se composait d’une exèdre semi-circulaire centrale, contenant une niche rectangulaire cintrée encadrée par deux niches semi-circulaires plus petites, tandis que deux niches rectangulaires se dressaient de part et d’autre, sur des parois latérales rectilignes. À l’avant, se trouvait une plate-forme avec un renfoncement semi-circulaire. Des statues ont été repérées il y a longtemps dans les petites niches, un faune et une nymphe demi-nue. Des bouches se trouvaient dans la niche centrale et sur l’avant de la plate-forme. Le monument est datable de la fin du Ier ou du début du IIe siècle. À Canosa119, on trouve un nymphée qui se composait d’une façade courbe d’une largeur de 15 m environ, constituant un quart de cercle qui se fermait à l’avant par deux colonnades se coupant à angle droit. Les niches, alternativement rectangulaires et couvertes en plein cintre, animaient le niveau principal de la façade, scandée par des demi-colonnes hautes de 2,87 m. Au-dessus, un niveau aveugle de 40 cm de hauteur couronnait l’ensemble.
42Nous avons vu les premiers avatars des grandes fontaines « à façade » apparaître au tournant de notre ère et se développer dans les provinces, en Italie et à Rome, parallèlement dans la sphère privée et sur la place publique. Si l’on note une recherche de monumentalité, de développement des façades et d’enrichissement du décor, peu d’édifices sont construits ex nihilo, certains sont d’abord destinés à un contexte privé, d’autres présentent un plan novateur mais encore peu développé. C’est en Asie mineure que l’aspect monumental se développe, dans une série d’édifices construits en peu de temps et à peu de distance, dans le dernier quart du Ier siècle, sous la forme de façades à édicules. Il s’agit du motif architectural qui utilise des éléments d’entablement à ressauts (Verkröpfung)120 soutenus par des colonnes formant parfois des tabernacles121 et pouvant présenter plusieurs ordres superposés. J’utilise l’expression « façade à édicules », plus proche de la formule anglaise aedicular facade, plutôt que la traduction de l’allemand Tabernakelfassade, traditionnellement associée à l’architecture d’Asie Mineure. De plus, les termes édicule et tabernacle sont proches dans la littérature archéologique française et je les considère dans cet ouvrage comme synonymes122. J’évite également l’utilisation du terme façade « à frons scaenae », largement employé pour les fontaines monumentales123, dont le rapprochement avec les fronts de scène des théâtres sera abordé plus loin124. Le motif architectural, nous le verrons, peut être associé ou non à des niches.
43Longtemps datée du règne de Trajan, il est aujourd’hui admis que la fontaine dite de M. Ulpius Traianus, père du futur empereur, à Milet125, date de 79-80 selon l’inscription126. Dans son premier état, la façade principale longue de plus de 20 m comptait deux niveaux et était encadrée de deux retours latéraux de même élévation. Ces trois côtés formaient un écrin au large bassin qu’ils enserraient, précédé par un bassin de puisage sur toute la longueur de la façade. L’ensemble de l’édifice était animé par l’alternance des édicules (fig. 6).
44Quelques années plus tard, dans la cité voisine d’Éphèse, une fontaine monumentale127 du même type se construit, financée par Bassus, consul en 70-71 et proconsul d’Asie en 78-79, comme nous l’avons vu précédemment. La configuration de l’ensemble est la même qu’à Milet, la fontaine forme un rectangle de 16 × 14,6 m autour d’un vaste bassin précédé d’un bassin de puisage. La façade à deux étages rappelle également la fontaine milésienne, sans l’alternance des édicules. Une dizaine d’années plus tard, vers 92-93, c’est grâce à l’évergésie de C. Sextius Pollio128 qu’un ancien édifice honorifique d’époque augustéenne a été réaménagé en fontaine monumentale129. Celle-ci présentait une abside de 6,21 m de diamètre, voûtée en demi-coupole, dont la façade était composée de trois édicules qui abritaient des statues.
Les Antonins
45Quelques années après l’apparition des premières façades à édicules sur les fontaines monumentales, l’époque trajanienne marque le début de la diffusion et de l’épanouissement de ce décor. Toujours à Éphèse, la fontaine de Trajan130, dite de la rue des Courètes, offre un exemple grandiose de ce type de structure (cf. fig. 65). Datée entre 102 et 114 par l’épigraphie131, la fontaine présente le même plan à façade rectiligne avec retours latéraux. Elle est dédiée à la déesse Artémis d’Éphèse et à l’empereur Trajan par le notable éphésien Ti. Claudius Aristion et sa femme Iulia Lydia Laterane.
46Parmi ces fontaines monumentales financées par de riches évergètes, la fontaine du célèbre athénien Hérode Atticus132, construite vers les années 150 à Olympie, est un modèle tant par son architecture que son programme iconographique, étudié dernièrement par R. R. R. Smith133. La restitution proposée par R. Bol est celle d’un hémicycle à deux niveaux de onze niches encadrées de pilastres et contenant autant de statues. Onze bouches déversaient l’eau dans un bassin circonscrit dans l’hémicycle et onze autres dans un long bassin rectangulaire terminé par deux tholoi. L’eau arrivait enfin par de petits jets dans un bassin de puisage en avant de l’édifice. Autre monument financé par le même évergète, la fontaine d’Alexandria Troas134 présentait une grande exèdre décorée de niches qu’on retrouve sur un monument d’Ariassos135. Toutefois, la comparaison ne peut véritablement se faire pour ces deux édifices avec la frons scaenae d’un théâtre.
47Les édifices se développent aux IIe et IIIe siècles, avec des exemples entre autres à Aspendos136 et à Hiérapolis137, dont les programmes iconographiques sont plus difficilement reconstituables mais dont les façades offrent la même séquence architecturale. Le nymphée de Sidé138 illustre cet agencement : construit à l’époque sévérienne139, il se composait d’une façade rectiligne avec trois grandes absides d’où jaillissait l’eau et de deux courts retours latéraux avec une niche. La façade présentait sur trois niveaux une multitude de colonnes formant des édicules parfois accompagnés de niches. Des statues devaient se trouver au niveau inférieur, dans les niches à proximité des jeux d’eau, où des bases ont été retrouvées140. Plusieurs bustes féminins de taille importante ont également été découverts ainsi que des statues de Nikai, de 3 m de hauteur, qui pouvaient prendre place au troisième ordre. Au pied de l’Acropole de Pergé, la fontaine F3141, construite sous Hadrien, présentait un dieu-fleuve couché sur le côté, au-dessus de la bouche d’où l’eau s’écoulait dans un canal qui courait au milieu de la Voie à Portiques. Il était entouré dans la composition de plusieurs dieux, parmi lesquels Zeus, Artémis, Isis et peut-être Apollon, et de deux représentations de l’empereur. Certains édifices ne présentaient qu’un niveau de niches et édicules, comme le nymphée de l’agora haute de Sagalassos142, mais la richesse des matériaux et l’agencement statuaire témoignent d’une certaine recherche décorative.
48En Arabie, aucune fontaine monumentale n’est attestée, à ma connaissance, avant la création de la province en 106. Le premier édifice est le nymphée de Soada-Dionysias143 qui présentait une grande abside de 6,14 m de diamètre, voûtée en cul-de-four. C’est le type d’architecture privilégié dans la région, une grande exèdre semi-circulaire à demi-coupole, flanquée de deux ailes rectilignes. On le retrouve dans un des édifices les plus célèbres, le nymphée de Gerasa144 (fig. 9), achevé vers 190145. Long d’environ 22 m, il se composait au centre d’une abside semi-circulaire de 11 m de diamètre. Deux niveaux de neuf niches décoraient l’édifice, sept alternativement rectangulaires et semi-circulaires dans l’abside, les deux autres sur les retours latéraux rectilignes. Des colonnes corinthiennes encadraient ces niches. Elles supportaient un entablement qui séparait le niveau inférieur du supérieur. On retrouve donc le schéma de niches, colonnes et entablement dans une abside semi-circulaire. Une demi-coupole couvrait la partie incurvée de la façade. Les niches du niveau supérieur devaient accueillir des statues, aujourd’hui disparues, tandis que celles du niveau inférieur disposaient d’ouvertures d’où jaillissait l’eau146. La splendeur de l’édifice était encore renforcée par un portique qui s’étendait devant le nymphée, composé de quatre colonnes massives, surmontées d’un fronton ouvert, probablement liées aux ailes latérales de l’hémicycle, projetant ainsi la façade jusqu’au bord du cardo.
49C’est à cette période qu’on voit se construire les premières fontaines monumentales sur le sol africain. Parmi les plus développées, le nymphée de Sufes [cat. 40], datable de l’époque antonine, se composait d’une grande abside semi-circulaire à l’intérieur de laquelle se trouvait le bassin. Des bouches en forme de U allongé, qui prenaient place sous des niches cintrées à fond plat, se situaient dans la partie supérieure de la façade et déversaient l’eau dans des conduits verticaux avant de la rejeter dans un bassin inférieur par des bouches en partie basse (cf. fig. 157). Les différents éléments architecturaux, bases, colonnes lisses, corniches et soffites moulurés supposent l’existence d’un riche décor architectural et d’un agencement typique des façades à édicules. La conservation d’une partie de l’élévation, en opus caementicium recouvert d’un parement de grand appareil, montre bien que les colonnes n’avaient plus de rôle porteur.
50Autre exemple, le lacus de Dougga [cat. 48], daté de 184-187 [ins. 47], se composait d’une longue façade courbe creusée de trois niches semi-circulaires. Dix-huit colonnes sont restituées sur le monument qui se dressait sur un podium. Des statues devaient prendre place dans ces niches, tandis que celle de l’évergète devait se placer sur la base inscrite sise sur la petite esplanade en avant. Plus tard ont été ajoutées deux parois latérales avec niches à fond plat, sans aucun rôle fonctionnel. Ce remaniement a pu avoir lieu sous Caracalla, lors de la restructuration de l’îlot : il appartient au programme urbanistique global incluant le temple des Victoires de Caracalla et l’arc de triomphe à proximité (fig. 10).
51D’autres fontaines, plus modestes, sans décor de façade à édicules, étaient également construites. Certaines sont difficiles à dater, mais on peut situer au milieu du IIe siècle la construction des fontaines de Mactar [cat. 31] et de Pheradi Maius [cat. 32] qui présentaient toutes deux une façade décorée d’une niche pour l’une, d’une série d’arcades pour l’autre (fig. 11). Certaines fontaines sont édifiées à la suite d’évergésies privées, à Sabratha [cat. 34] et peut-être à Timgad [cat. 21], plus simples encore dans leur architecture, ne présentant qu’un socle surmonté d’un édicule.
Les Sévères
52L’un des édifices qu’il convient de présenter en premier lieu pour l’époque sévérienne est le septizodium de Rome (cf. fig. 98), construit par Septime Sévère à l’occasion des decennalia de 202147. Le monument, qui disposait de plusieurs jets d’eau l’assimilant ainsi à une fontaine monumentale, se composait de trois grandes absides et sa façade s’élevait sur trois niveaux accueillant un décor statuaire. Ses dimensions, environ 93 m de longueur, en font l’une des fontaines les plus monumentales du monde romain (pl. IIb).
53En Asie Mineure, la fontaine F2 à Pergé148, datable des environs de 198, présentait une façade à deux niveaux de niches, animée de deux édicules superposés au centre et d’un ressaut d’entablement de chaque côté. Un aménagement assez semblable se retrouve à Sagalassos, au nymphée de Piso149 qui présentait deux niveaux de niches et édicules dans lesquels prenait place un décor statuaire.
54La situation est comparable au Proche-Orient. À Bosra, le nymphée construit à la fin du Ier ou au début du IIe siècle a subi des remaniements à l’époque sévérienne150. La façade s’élevait sur trois niveaux décorés de niches à fond plat et semi-circulaire. Les colonnes étaient reliées au mur de fond par des ressaut de l’entablement. Par symétrie, il est possible de restituer trois niches de chaque côté d’un axe, plus une niche centrale.
55En Afrique, le Grand Nymphée de Lepcis Magna [cat. 27], construit vers 198-211, se composait d’un grand hémicycle avec retours latéraux qui s’élevait sur deux niveaux de niches encadrées de colonnes. Aucun élément statuaire n’a été retrouvé mais les niches devaient accueillir des effigies impériales et privées151. Il avait été élevé dans le cadre d’un grand programme urbanistique mis en place sous les Sévères, tel le nymphée de Simitthus [cat. 38]. Ce dernier devait se composer d’une colonnade qui longeait l’hémicycle et ses retours latéraux. Il se situait sur un des côtés du forum, dans l’axe d’une des rues principales de la ville. À la fin de l’époque sévérienne, sous le règne de Sévère Alexandre, est construit le nymphée-septizonium de Lambèse [cat. 16]. L’édifice se composait d’une grande abside centrale et de six absides latérales d’où jaillissait l’eau.
56J’ai dressé un panorama des fontaines monumentales et de leur évolution, des premières formes de monumentalité jusqu’aux exemples les plus aboutis, au cours des IIe et IIIe siècles. Il faut bien prendre garde de ne pas interpréter cette présentation comme une approche évolutive de la morphologie des fontaines qui, de la sphère privée à l’espace public, aboutirait à un apogée de l’aspect monumental des édifices à la fin du Haut-Empire. Il convient de ne pas surévaluer la présence des fontaines à édicules présentant plusieurs ordres superposés. La construction de fontaines à l’architecture plus simple est attestée et bien représentée dans le corpus pour l’Afrique, sur toute la période. Je reviendrai plus loin sur l’analyse des formes architecturales des fontaines monumentales publiques, en mettant l’accent sur le décor architectural et le programme iconographique, de même que sur le contexte urbanistique et politique de construction de ces édifices152. L’intérêt de cette présentation est de mettre en avant les différents contextes dans lesquels se développe l’architecture des fontaines, sur la longue durée. Les influences et les récupérations de l’espace public au contexte domestique, et réciproquement, permettent de mieux saisir l’évolution des formes. Dernière étape de cette présentation, l’examen des fontaines et des jeux d’eau dans l’architecture domestique souligne la reprise des nouvelles formes, adoptées et interprétées, dans l’habitat.
4. Diffusion des jeux d’eau dans l’architecture domestique (IIe-VIe siècles ap. J.-C.)
57La relation entre le bassin ornemental, la fontaine en élévation et le péristyle, établie à l’époque julio-claudienne dans les demeures urbaines de la région du Vésuve, se poursuit à l’époque impériale en se diffusant dans les provinces.
58Je ne retracerai ni l’histoire de la maison romaine, pas même en Afrique du Nord153, ni celle des fontaines en contexte domestique à l’époque impériale. Il importe surtout, pour terminer ce tour d’horizon des fontaines en Méditerranée antique, d’examiner les formes que pouvaient prendre les aménagements hydrauliques et les liens qui les unissent aux monuments publics déjà évoqués.
59Il est nécessaire de rappeler en amont quelques généralités concernant l’architecture de la domus romaine, pour bien comprendre quelles règles régissaient la conception de l’espace domestique. Il a déjà été souligné le lien existant entre le plan des demeures et le statut social du propriétaire, dont on connaît les implications grâce au texte de Vitruve154. De plus, la maison romaine est, par excellence, le lieu d’activités relevant de la sphère publique : la salutatio, relation de clientèle impliquant des rituels dans la demeure du patronus, se poursuit au moins jusqu’au IIIe siècle155. Plus généralement, on note une grande porosité des espaces publics et privés au sein de la demeure156.
60Plan et ordonnance des grandes domus se simplifient avec l’adoption généralisée du péristyle, de plus en plus fréquent dans les résidences du IIe siècle, en Espagne, dans les Gaules et, bien entendu, en Afrique, période à laquelle les sénateurs sont de plus en plus fréquemment d’origine provinciale. De la séquence fauces-atrium-tablinum, on passe à un schéma vestibule-péristyle-triclinium157. En Afrique, la maison à péristyle se diffuse dès le début et tout au long du IIe siècle. Parmi les caractéristiques principales, son centre est occupé par un péristyle pourvu d’une grande salle axiale (triclinium) tandis qu’une pièce en exèdre, ouverte sur ce péristyle, complète les espaces réservés à l’accueil et au cérémonial de la sociabilité. Dans de nombreuses demeures, la position de la salle axiale est soulignée par la présence, devant son entrée, d’une « fontaine », bassin en hémicycle qui constitue parfois l’aboutissement d’un bassin allongé situé au centre de la cour158.
Bassins et fontaines de péristyle
61Le lien originel entre le bassin et le péristyle a été mis en évidence par H. Dessales : à Pompéi, trois quarts des exemplaires de bassins en position isolée et à ciel ouvert sont associés à des péristyles et caractérisent, dès la fin du IIe siècle av. J.-C., les maisons des classes dirigeantes.
62À l’époque impériale, le schéma se diffuse dans les provinces. De très nombreux types ont été inventoriés par L. Farrar, soulignant la multiplicité des aménagements et l’impossibilité d’établir une typo-chronologie, certaines formes ayant mis plus de temps à atteindre les provinces, d’autres ayant connu une grande fortune sur toute la période159. En Gaule, une thèse récente a tenté de mettre en évidence une évolution typologique des bassins selon les régions, soulignant que les formes n’étaient pas toutes issues des modèles italiques160. L’emplacement du bassin, qui peut répondre à une volonté de climatiser la maison, est généralement dépendant des pièces de réception qui lui font face161. Pour la maison africaine plus particulièrement, l’étude a été menée par M. Carucci162 qui note que l’espace central de la cour des maisons était souvent agrémenté d’une « fontaine », qu’il faut plutôt nommer « bassin » puisqu’il ne s’agit pas d’une construction en élévation. Ces bassins se trouvaient placés soit au centre, soit près d’une porticus et pouvaient prendre des formes géométriques simples – carré, rectangle, demi-cercle – ou plus complexes, comme le bassin à lobes de la Maison de la Nouvelle Chasse à Bulla Regia163, placé dans l’axe de l’entrée centrale du triclinium principal, ou celui de la Maison aux Travaux d’Hercule à Volubilis164, constitué de renfoncements courbes et rectangulaires sur le pourtour, entouré d’une bordure rectangulaire. Le type le plus courant en Afrique semble pourtant bien être le bassin semi-circulaire, placé dans l’axe du triclinium principal165 ou de la pièce de réception la plus importante. Il offrait une vue agréable du péristyle et des aménagements hydrauliques depuis la salle à manger. Ailleurs, il a pu être placé en face d’autres pièces importantes, en face d’une salle de réunion, par exemple, dans la Maison de la Cascade à Utique166.
63L’insertion de ce bassin dans le jardin participait de la volonté de créer, ou de recréer, une nature idéalisée167. Il est d’ailleurs révélateur de noter que le bassin peut être présent sans alimentation hydraulique. M. Carucci suggère l’appellation « pseudo-bassin » pour ces structures sèches168. Servant de substitut à une fontaine, il se situait, de la même façon, face à l’entrée du triclinium principal. On en trouve des exemples dans la Maison du Paon à Thysdrus169, dans la Maison de Neptune à Thuburbo Maius170 ou dans la Maison d’Asinius Rufinus à Acholla171. La présence de ce type de bassin dénote surtout l’importance sociale acquise par les jeux d’eau dans les domus.
64Isolée ou associée à ce bassin, une fontaine en élévation pouvait compléter le décor du péristyle ou du jardin. Déjà apparue dans les jardins pompéiens dans le courant du Ier siècle ap. J.-C., on la retrouve dans les domus du Haut-Empire172. En Afrique, il semble que les bassins soient les seuls aménagements hydrauliques qu’on connaisse en extérieur, sans qu’ils soient associés à des fontaines en élévation173. En Gaule, peu de fontaines ont été retrouvées dans les jardins des demeures174. Dans la villa de Montmaurin en Aquitaine175, sur chacun des deux côtés d’une cour dallée de marbre prenaient place trois bassins, placés en vis-à-vis. Les deux autres côtés de la cour ouvraient sur la principale salle de réception et une salle à manger d’été. À Vaison, dans le mur du périmètre nord la Villa du Paon176 était encastrée une fontaine à escalier d’eau avec bassin et caniveau. Elle se trouvait face à une pièce mosaïquée, potentiellement une salle de réception, et dans l’axe d’un bassin situé dans la grande cour, de l’autre côté du corps de bâtiment. La caractérisation de l’espace dans lequel se trouvait le Nymphée de la Solitude à Lyon177 est plus délicate : située dans une cour, la fontaine se composait d’un hémicycle central flanqué de deux tours semi-circulaires et précédé d’un bassin.
65La fonction des bassins est à relier au rite social du banquet de plein air. Dans le jardin, le triclinium d’été est associé aux jeux d’eau178. À Vaison, la Maison à la Tonnelle179 offre un bon exemple de cette association : au centre du jardin, la fondation maçonnée est l’indice de l’emplacement d’un triclinium qui pouvait être abrité par une tonnelle. Dans l’axe se trouvait une fontaine composée d’une vaste abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four, encadrée de chaque côté, en avant, de deux escaliers conduisant dans le bassin. Plusieurs exemples de triclinia associés à une fontaine en élévation se retrouvent également à Pompéi. De plus, les jeux d’eau ne constituent pas seulement un point de vue depuis le lit de table mais se trouvent intégrés à celui-ci, avec une table percée par un jet d’eau, à la Maison à l’Atrium tétrastyle et la Maison au Triclinium à ciel ouvert (II 9, 6) par exemple180. Parfois, fontaine en élévation et jeux d’eau entre les lits se complètent, comme dans la Maison de l’Éphèbe (I 7, 10-12/19)181.
66Un type de lit de table au plan en sigma est également attesté, le stibadium182, bien représenté chez les élites du Ier siècle, mais pas encore autant diffusé qu’au IIIe siècle183. On dispose de plusieurs représentations de banqueteurs installés en demi-cercle sur un stibadium très tôt sous le Haut-Empire, dans la Maison de l’Éphèbe ou dans l’œcus de la Maison des Vettii (VI 15, 1/27) à Pompéi. Le sigma reste toutefois très rare jusqu’au IIe siècle et aucun aménagement n’associant une fontaine à un stibadium n’est connu à Pompéi, alors qu’il est fréquent pour le triclinium comme nous venons de le voir.
67Le premier exemple de stibadium-fontaine est connu par la description que donne Pline le Jeune de sa villa de Toscane184 que j’ai évoquée auparavant. É. Morvillez a tenté de restituer le fonctionnement de cet aménagement à partir du texte latin : les banqueteurs étaient installés sur une structure en sigma, au centre de laquelle des jeux d’eau, sans doute assez peu développés, coulaient sur une dalle creuse, avant d’alimenter un bassin de marbre, au niveau des convives, sur lequel flottaient les plats. Une rigole étroite devait courir le long du demi-cercle où tombent les jets d’eau. Deux exemples monumentaux de stibadia-fontaines dans la Villa Hadriana témoignent de l’adoption de cette mode à l’époque impériale185. Le premier au Canope, en maçonnerie, offrait dix-huit places et disposait d’un canal d’eau en contrebas186 ; le second, dans la zone dite du palais impérial, était un triclinium estival. Le lit de table était associé à une exèdre monumentale semi-circulaire, formant nymphée, dotée de niches à escaliers d’eau187.
68La continuité du lien entre la fontaine et le lit de table entre le Haut-Empire et l’Antiquité tardive est complexe. On constate le passage du triclinium-fontaine, au plan en Π, aux sigma-fontaines, dans lesquels la table est remplacée par un bassin.
L’eau dans la maison : triclinium et stibadium
69La table-fontaine se trouve également dans les espaces intérieurs. En Gaule, on connaît à Arlay un triclinium-fontaine188 dans une salle carrée terminée par une exèdre trapézoïdale : les banquettes s’appuyaient contre les trois pans de murs et entouraient un petit bassin dans lequel l’eau était acheminée par une canalisation qui débouchait dans l’exèdre.
70É. Morvillez rappelle que certaines installations sont uniquement repérables par l’emprise des lits dessinés au sol par la mosaïque, ainsi à Kenchreai et à Patras, mais la plupart des installations des sigmas-fontaines étaient à lit en maçonnerie. Si la majorité des exemples connus le sont en contexte urbain, la structure découverte dans une villa à El Ruedo189 (Almedinilla, Cordoue) illustre bien le passage de la forme en Π à la forme semi-circulaire. Le lit en sigma est installé sur une mosaïque de type T+U. La villa est datée de l’époque flavienne mais le stibadium n’est aménagé que lors des remaniements de la fin du IIIe ou du début du IVe siècle. Il y a bien une continuité avec les modèles du Haut-Empire par la présence d’une fontaine séparée, en forme d’édicule avec pan incliné au lieu d’un escalier d’eau, à l’arrière du lit de table, en fond de pièce190. L’eau de la fontaine tombait dans un canal peu profond, remplissait le bassin du sigma qui lui-même alimentait le bassin du péristyle, un peu plus loin.
71Ce type d’installation se diffuse donc largement dans les demeures tardives, en Gaule191 comme en Afrique192. L’exemple le plus célèbre est la fontaine « Vtere Felix » de Carthage193. L’hémicycle du stibadium contenait un bassin fermé par une plaque de marbre. Cinq niches d’où coulait l’eau s’ouvraient à l’intérieur de la structure maçonnée. Les peintures de banquettes représentaient une jonchée, les parois du bassin étaient décorées de coquilles marines et d’enfants pêcheurs, complétant un motif mosaïqué similaire au fond du bassin. L’analyse stylistique de même que le contexte de l’installation suggèrent une datation du IVe siècle, voire de la seconde moitié de ce siècle194. Cet exemple rappelle celui de l’étage souterrain de la Maison de la Pêche à Bulla Regia195 qui accueillait une salle à manger en sigma décorée, au centre, de mosaïques représentant des amours pêcheurs, des oiseaux et des canards. En face prenait place un bassin semi-circulaire avec des jets d’eau dans les lobes. La disposition est en revanche différente, le lit de banquet est simplement décoré de mosaïques à l’avant, tandis que le bassin se trouve en face et séparé de celui-ci.
72Sur les pentes nord-est du Palatin à Rome, un espace destiné au repas a été identifié dans la phase datable de la première moitié du IVe siècle196. Un stibadium semi-circulaire y était entouré d’un canal et précédé d’une étendue d’eau qui occupait toute la pièce. Un autre exemple plus tardif se trouve dans une villa de Faragola197. Datable du début du Ve siècle, un lit de banquet encadrait un bassin alimenté par une fistula de plomb. Ce stibadium se situait dans l’axe de la salle, surélevé. Un miroir d’eau était créé sur toute la surface de la pièce, à l’avant du lit, l’eau s’écoulant en cascade depuis le bassin. Ces aménagements, connus dans plusieurs demeures tardo-antiques, sont comparables au stibadium décrit par Sidoine Apollinaire dans sa villa d’Auitacum198.
73On note donc une évolution dans la forme et l’aménagement du lit de banquet à l’époque tardive mais également dans la place occupée par le bassin et la fontaine. L’eau investit les espaces intérieurs de la maison199, avec la présence d’un bassin et d’une fontaine, à Faragola et El Ruedo, associés au lit de banquet. Les fontaines se développent alors en des aménagements plus grandioses, aussi bien dans les péristyles que dans les pièces de réception elles-mêmes.
Les fontaines dans les demeures tardives
74J’ai déjà évoqué l’introduction des fontaines dans les pièces à triclinium dès l’époque julio-claudienne et l’adaptation des modèles dans les maisons pompéiennes dès le milieu du Ier siècle. L’eau continue de s’intégrer au décor intérieur des pièces ouvertes sur le péristyle, à l’époque impériale, par l’intermédiaire de fontaines qui prennent des formes beaucoup plus monumentales, comme le souligne H. Dessales200. Les exemples de ce type d’aménagement sont plus souvent à placer à l’époque tardive201.
75Parmi ces fontaines de domus, trois exemples d’Ostie sont très souvent cités202. Dans la Domus d’Amour et Psyché (I 14, 5), datée du second quart du IVe siècle, une fontaine était adossée sur le mur ouest du portique de la cour centrale et une autre se trouvait dans une pièce de réception à l’arrière de la maison, aménagée dans un mur sous la forme d’une grande niche203. Dans la Domus au Nymphée (III 6, 1), une fontaine était installée dans le mur nord de la salle de réception, ouvrant sur la cour par de larges arcades204. On retrouve dans la Domus de la Fortune Annonaire (V 2, 8), aménagée à l’époque antonine, une structure avec péristyle à portique sur trois côtés, comportant un bassin et un puits. Au IVe siècle, une fontaine monumentale à la façade composée de niches est installée dans la pièce de réception à l’ouest du péristyle205. Toujours dans la péninsule italique, un autre exemple caractéristique est le nymphée de la villa de Desenzano, dont la phase d’aménagement est située entre la fin du règne de Constantin et le milieu du IVe siècle. La fontaine occupait un mur en fond de cour, dotée d’un uiridarium, et présentait sept niches rectangulaires et semi-circulaires dont la centrale plus grande. Un euripe partait du bassin et traversait la cour206.
76Des exemples similaires se rencontrent en Afrique. Nous pouvons citer la Maison de l’Âne à Cuicul, construite au IVe siècle, dont la pièce XI, décorée de la mosaïque à la Toilette de Vénus, présente une abside qui fait face à trois fontaines installées dans des niches207. Il faut également mentionner la fontaine du Seigneur Julius à Carthage208, comprise dans une grande abside au fond d’une salle richement décorée qui devait être une salle de réception, dont É. Morvillez propose plusieurs restitutions du bassin. Cet aménagement a été daté de la fin du IVe siècle ou du Ve siècle.
77Certaines fontaines présentent même une architecture monumentale qu’il conviendrait de rapprocher des développements décoratifs des fontaines publiques que j’ai évoquées précédemment209. À Apamée, dans l’édifice au triclinos, une grande salle transformée au VIe siècle se termine par un nymphée dont le bassin rectangulaire était dominé par un mur orné de trois niches et de colonnettes de marbre blanc210. N. Duval notait d’ailleurs que l’ajout d’un grand nymphée de fond de cour était une particularité des transformations effectuées tardivement dans les maisons d’Apamée211, dont il identifiait deux exemples dans les bassins ajoutés en fond de péristyle212, face à la salle de réception, dans la Maison aux Consoles213 et la Maison des Chapiteaux à Consoles214. L’auteur proposait une comparaison avec un nymphée situé dans la cour d’une maison de Stobi (fig. 12)215. Dans une grande pièce de type péristyle (P1), dont la colonnade n’occupait que deux côtés, l’un des murs était orné de sept niches216 encadrées de colonnettes en marbre vert, à chapiteaux ioniques et bases de marbre blanc (fig. 13). Au milieu s’étendait un grand bassin (b) mesurant 9,40 × 4,10 m, encadré de chaque côté par un bassin de 1,15 m de largeur se terminant par une abside. Cette fontaine se trouvait dans l’axe des pièces de réception de la maison (1-4). Dans une autre cour de la maison (P2), selon la même disposition mais dans des dimensions moindres, un bassin (b’) occupait l’un des murs de fond décoré de sept niches, non pas en maçonnerie mais taillées dans une pierre verte. La construction de ce « palais », plus certainement une riche demeure selon les analyses de N. Duval217, serait à situer entre le IVe et le VIIe siècle, peut-être au Ve siècle.
78L’aspect monumental de ces fontaines dans l’espace domestique et la reprise des motifs de l’architecture publique sont plus visibles dans deux édifices publiés récemment. Le premier se trouve dans la Maison de Poséidon à Zeugma, dans le péristyle de laquelle une fontaine agrémentée d’un bassin s’élevait sur deux niveaux, atteignant le toit du portique. L’emplacement s’explique également par la vue obtenue depuis les salons de réception. À l’avant de la fontaine s’étendait un grand bassin, de 17 × 9,35 m. Celui-ci, fréquemment, était le résultat de la transformation d’un péristyle ancien interprétée comme une volonté d’occidentaliser les maisons, l’association du péristyle et du bassin n’étant pas récurrente dans le monde grec, contrairement aux exemples vus précédemment dans la péninsule italique. Dans une autre pièce, une fontaine du même type a été aménagée tardivement, également précédée d’un bassin bas installé à l’emplacement d’un ancien péristyle218. Le second exemple se situe dans une maison de Thasos dont le premier état a été daté des alentours du IIIe siècle. À une période située dans la première moitié du VIe siècle, le portique a été fermé et les colonnes intégrées à un mur destiné à porter la décoration du nymphée. Le bassin était alimenté par deux bouches d’eau et deux niveaux de colonnades prenaient place au-dessus : le premier niveau se composait de colonnettes monolithes à double registre, le second niveau comportait des colonnes plus petites et à simple registre. Chaque colonnade était surmontée d’une architrave, le tout arrivant à hauteur des chapiteaux des autres portiques219.
79Avec ces deux exemples, on retrouve la séquence architecturale des fontaines monumentales provinciales, d’Afrique et surtout d’Asie Mineure, dont la parenté a été notée par les auteurs de l’étude du nymphée thasien. La présence de ce type de fontaine à l’intérieur d’édifices publics est également attestée220. É. Morvillez souligne, en outre, que ce goût pour les nymphées de fond de cour, bien mis en évidence pour les maisons de Rome et d’Ostie, est en gestation dès le Ier siècle : leur systématisation et leur surdimensionnement les caractérisent à l’époque tardive et va de pair avec une baisse du nombre des uiridaria221.
80La mise en œuvre des jeux d’eau met en avant le rôle de représentation de la demeure222. La recherche décorative met en évidence les pièces de réception et l’orgueil du dominus, mais aussi la sensibilité, y compris en contexte africain, aux schémas élaborés à Rome et dans les villes campaniennes223. La célébration du dominus et l’importance du rituel de la salutatio sont essentiels dans la compréhension de ces agencements224.
81Le développement du stibadium évoque le pique-nique en campagne mais il fait aussi entrer l’eau dans la maison, rappelant la fraîcheur de la grotte et du nymphée. Il y a une reprise des motifs de l’époque tardo-républicaine et du Haut-Empire. À l’époque tardive, la maison poursuit son rôle d’espace d’autoreprésentation de l’élite225, avec de nouveaux codes de réception : sa dignitas s’exprime désormais dans les salles de réception dont la finalité est de solenniser le banquet226.
82Du point de vue de la structure, H. Dessales notait qu’on passait du bassin comme point focal de la salle de réception227 à une fontaine qui devient élément structurant de l’ensemble228. De plus, les fontaines construites dans les demeures tardives, pour les plus monumentales, doivent s’inspirer des modèles publics développés durant les décennies précédentes. Il y a récupération des motifs de l’architecture publique pour l’espace de représentation de la demeure229. La comparaison a été faite à propos de la Maison du Bateau de Psyché à Antioche230. L’espace domestique se lit selon la même grille que l’espace urbain : le long portique rappelle la rue à colonnade, les entrées fonctionnent comme celles des bâtiments publics et la fontaine de péristyle visible de plusieurs pièces est pareille à la fontaine monumentale publique jouant avec les axes visuels urbains. C’est certainement dans le sens même qu’a pris ce type de motif231 et le rôle visuel qu’il a joué dans l’urbanisme232 des IIe et IIIe siècles qu’on peut comprendre sa fortune chez les élites de l’époque tardo-antique.
Conclusion
83Les fontaines connaissent une grande popularité pendant toute l’Antiquité, dans une vaste zone géographique et dans différents contextes. En Grèce archaïque et classique, la fontaine est à l’origine liée à la source, avant qu’une architecture plus standardisée ne se développe à l’époque hellénistique. En Italie à l’époque républicaine, l’introduction des jeux d’eau et, de ce fait, des fontaines, se fait à l’origine dans l’espace domestique, au cœur des jardins et des villas, avant de prendre des formes plus monumentales, dans un jeu d’influences réciproques avec l’espace religieux : les premiers exemples de façades richement décorées voient alors le jour.
84La monumentalisation des fontaines en contexte public ne se fait pas avant l’époque impériale : dès l’époque augustéenne à Rome, il faut attendre le Ier siècle pour voir se développer les façades des fontaines, en partie dans le cadre de réaménagements ou d’installations de nouvelles adductions d’eau en Asie Mineure. En Afrique, les fontaines monumentales s’implantent également en lien avec les premières adductions d’eau des villes mais aussi dans le cadre de nouvelles conduites ou plus généralement de programmes urbanistiques à l’échelle d’un quartier – j’y reviendrai. Les dimensions et les plans sont très divers et correspondent à l’ampleur du programme de construction, à l’emplacement attribué et aux moyens financiers disponibles et mis en œuvre.
85Parallèlement, bassins et fontaines se développent dans les demeures, à la fois dans le péristyle et dans les espaces intérieurs. Les fontaines en élévation constituent des points de vue depuis le triclinium puis intègrent pleinement les pièces de réception. Elles se développent à l’époque tardive en présentant des façades monumentales très proches et inspirées des édifices présents dans l’espace public. L’adoption, concernant les fontaines, de ces motifs développés dans l’architecture publique dès le Haut-Empire pourrait s’expliquer par la place grandissante de l’autoreprésentation des élites à l’époque tardive. Il convient donc de ne pas négliger les rapprochements entre ces deux contextes.
Conclusion à la première partie
86L’importance de la documentation ancienne, issue des récits de voyage depuis l’époque médiévale jusqu’aux premières recherches engagées à la fin du XIXe siècle, est frappante. Au-delà de la quantité, il convient de souligner l’intérêt qu’elle représente, lorsque les rapports, relevés et photographies conservent la trace de vestiges qui ont disparu depuis lors. Cette présentation et cette évaluation de la documentation et des étapes de sa constitution ont concerné les installations hydrauliques, urbaines comme rurales. En effet, c’est le lancement des enquêtes administratives par le gouvernement français – et italien en Libye – qui a éveillé l’intérêt pour les vestiges hydrauliques antiques.
87Ce faisant, il était nécessaire de garder à l’esprit les débats historiographiques qui ont agité le champ des études africanistes au milieu des années 1970, jusqu’aux nouvelles approches proposées par le courant anglo-saxon postcolonial. L’enseignement à retenir est le nécessaire réexamen de cette documentation archéologique qui doit être interprétée différemment. Dans le domaine de l’hydraulique, cela implique de revoir les identifications de structures hydrauliques romaines en considérant les apports des populations autochtones et les transferts de techniques.
88En ce qui concerne l’hydraulique urbaine plus précisément, les recherches se sont portées sur les aqueducs puis sur le réseau de distribution au sein de la ville. C’est dans ce cadre que les fontaines, domestiques et publiques, ont commencé d’être étudiées en détail. Les grandes fouilles du XIXe siècle en Asie Mineure ont largement contribué à la connaissance de ce nouveau type d’édifice qu’était la fontaine monumentale ; en Afrique, les monuments sont sortis de terre les uns après les autres dès la fin de ce siècle mais les études les plus détaillées ont été publiées à partir des années 1960, accompagnées de relevés élaborés par les architectes des missions.
89Pour mener cette enquête sur les fontaines d’Afrique, le choix a été fait d’un cadre géographique et chronologique vaste. Le corpus englobant toute l’Afrique romaine ne compte qu’une cinquantaine de monuments qu’il est possible de traiter intégralement. Par ailleurs, les Maurétanies ne présentent qu’un nombre limité d’édifices qu’il aurait été dommage de ne pas inclure et qui contrebalance de façon intéressante la richesse des vestiges de Numidie et de Proconsulaire. Le cadre chronologique étendu incite, en outre, à mener une réflexion sur deux éléments importants, la mise en place et l’abandon des réseaux hydrauliques ainsi que le rôle des fontaines dans ces deux moments-clés. Réseau hydraulique et fontaines monumentales doivent se répondre l’un l’autre tout au long de l’analyse. L’essai de « synthèse » sur les fontaines dans le monde méditerranéen permet non seulement de présenter l’évolution architecturale des fontaines, en particulier monumentales, en contexte public et domestique, mais également de replacer les fontaines africaines au sein de cette catégorie d’édifices.
90À l’issue de cette présentation, il est possible d’envisager une nouvelle étude des fontaines d’Afrique, à partir d’un corpus entièrement refondu.
Notes de bas de page
1 Notamment Dunkley 1935-1936 qui établit des parallèles en émettant déjà des réserves.
2 À propos de ces scènes, voir infra chap. 7.
3 Gläser 2000, p. 414-416.
4 Pour une étude des fontaines de 700 à 30 av. J.-C., voir Berg 1994.
5 Gläser 1983, nº 9, p. 16-18 ; Gläser 2000, p. 417-419.
6 Hom. Il. 2, 303-307 ; Paus. 9, 19, 7.
7 Gläser 1983, nº 8, p. 15-16 ; Agusta-Boularot 2001, nº 26, p. 202.
8 Gläser 1983, nº 2, p. 8-9 ; Agusta-Boularot 2001, nº 18, p. 186.
9 Gläser 1983, nº 54, p. 76-79 ; Agusta-Boularot 2001, nº 24, p. 197.
10 Cf. Gläser 2000, p. 421-424.
11 Gläser 1983, nº 49, p. 67-68 ; Agusta-Boularot 2001, nº 13, p. 183-185.
12 Th. 2, 15, 5.
13 Gläser 1983, nº 48, p. 65-66 ; Agusta-Boularot 2001, nº 19, p. 186-190.
14 Dunkley 1935-1936, p. 184-187 ; Gläser 1983, nº 47, p. 64-65 ; Agusta-Boularot 2001, nº 17, p. 186.
15 Gläser 1983, nº 59, p. 87-89 ; Étienne – Braun – Queyrel 1986 ; Agusta-Boularot 2001, nº 44, p. 219-220.
16 Gros 2011, p. 421.
17 Cf. Gläser 2000, p. 424-429.
18 Dunkley 1935-1936, p. 183-184 ; Gläser 1983, nº 38, p. 47-49 ; Agusta-Boularot 2001, nº 42, p. 216-217.
19 Pietrogrande 1940 ; Stucchi 1975, p. 141 et fig. 116. Voir infra p. 263-265.
20 Orlandos 1934 pour la fontaine A ; Dunkley 1935- 1936, p. 187 ; Gläser 1983, nº 39-40, p. 49-54 ; Agusta-Boularot 2001, nº 43, p. 217-219.
21 Gläser 2000, p. 429.
22 Orlandos 1960 ; Amandry 1977, p. 198-228 ; Amandry 1978, p. 221-231. Elle ne doit pas être confondue avec la « fontaine rupestre de Castalie » située non loin.
23 Fons, s.v. dans DAGR, 2-2, p. 1233.
24 Waelkens – Poblome 1993, p. 43-105 ; Dorl-Klingenschmid 2001, nº 97, p. 237-238.
25 Bonnie – Richard 2012.
26 Agusta-Boularot 2001.
27 Voir Robinson 2013, p. 352-357 sur le monument et le contexte.
28 B. A. Robinson, à la suite d’autres archéologues américains, réfute l’identification de la fontaine à celle décrite par Paus. 2, 2, 8 : une première fontaine, dont il est question ici, aurait été construite au début de l’époque impériale avant d’être détruite vers le milieu du IIe siècle, avant le passage de Pausanias. Ce dernier aurait vu une autre fontaine reconstruite à cet endroit, dans laquelle la statue de Poséidon aurait été replacée. Cf. Robinson 2013, p. 352, 367.
29 Sans doute à la fin de l’époque augustéenne, la datation des fonctions du magistrat municipal fait débat : AE, 1919, 3 = Corinth, 8/2, 132. Voir Agusta-Boularot 2001, p. 179-180 et n. 40.
30 Robinson 2013, p. 355, n. 46 estime que l’hypothèse d’une identification d’Agrippa à Poséidon manque d’arguments.
31 Robinson 2013, p. 357.
32 Robinson 2011 pour l’étude la plus récente.
33 Infra chap. 5.
34 Supra chap. 2.
35 AE, 2000, 1495, datée de 47-48.
36 Balty 1987, p. 20 ; Vannesse 2011, p. 191-192.
37 Richard 2012, p. 52-60.
38 Pont 2010, p. 159-176.
39 IK-Ephesos, III, 695 ; Dorl-Klingenschmid 2001, nº 24, p. 186-187. La datation a été récemment précisée par Goubin 2012, p. 528-530, qui confirme par une étude prosopographique, à la suite d’autres chercheurs, qu’il serait préférable de situer le proconsulat de Bassus en 78-79 ; l’étude architecturale de l’édifice lui fait suggérer une construction étalée sur deux ou trois ans et un achèvement de la construction au cours de l’année 81.
40 Halfmann 2004, p. 57-58.
41 Et non trois comme l’indique Halfmann 2004, p. 89.
42 IK-Ephesos, II, 424 A, datée de 102-114 ; Dorl-Klingenschmid, nº 25, p. 187-188.
43 IK-Ephesos, II, 424 ; Dorl-Klingenschmid, nº 26, p. 188-189.
44 Walker 1987, p. 64-68.
45 Longfellow 2009, p. 212 et n. 5 pour la bibliographie antérieure.
46 B. Longfellow suggère qu’il s’agissait d’Hadrien ou d’Antonin. Il faut rester prudent sur la représentation systématique de l’empereur ; cf. infra chap. 5 pour l’étude de la décoration statuaire. Sur l’importance de la munificence de l’empereur dans le financement des nymphées, voir les remarques et les critiques de Campagna 2011, Richard 2011b, Burrell 2012 et l’étude épigraphique, infra chap. 8.
47 Agusta-Boularot 2001, nº 19, p. 186-190.
48 Walker 1987, p. 62-64 ; Longfellow 2009, p. 225-227.
49 Dessales 2013, p. 41-43 ; Morvillez 2017, § 14-27.
50 Grimal 1984, p. 109-136.
51 Grimal 1984, p. 21 ssq.
52 Sur l’eau comme élément de « luxe » dans la domus et la villa à la fin de l’époque républicaine, voir Bruun 2016, p. 97-106.
53 Dessales 2013, p. 46-50.
54 Dessales 2013, p. 50-52.
55 Prop. 2, 32, 14.
56 Sauron 1987, p. 458-459 ; Porticus Pompei, s.v. dans LTUR, 4, p. 148-149 (P. Gros).
57 Cf. Coarelli 1987a sur les influences réciproques de ces deux pôles à l’époque républicaine.
58 Lavagne 1988, p. 227-256.
59 Min. Fel. 7, 3. Identification par Clarke 1968. Je remercie G. Sauron de cette précision.
60 Lacus Iuturnae, s.v. dans LTUR, 3, p. 168-170 (E. M. Steinby).
61 Braconi et al. 2013, p. 195-218.
62 Fabre – Matthieu 2009, p. 78-79.
63 Gros 1984.
64 Dessales 2013, p. 120-123.
65 Lugli 1938 aborde déjà ces deux édifices mais son étude est dépassée.
66 Neuerburg 1965, nº 213, p. 249-250 ; Lavagne 1988, p. 382-385 ; Letzner 1999, nº 178, p. 359-360.
67 Neuerburg 1965, nº 276, p. 157-158 ; Lavagne 1988, p. 385-386 ; Letzner 1999, nº 19, p. 279.
68 Ciccone 1995.
69 Dessales 2013, p. 123.
70 Neuerburg 1965, nº 58, p. 146-147 ; Lavagne 1988, p. 386-392 ; Letzner 1999, nº 182, p. 362.
71 Valenti 1992.
72 Dessales 2013, p. 123-124. Voir aussi Bressan 2003.
73 Balland 1967 ; Lavagne 1988, p. 589-594.
74 Lavagne 1988, p. 354-357.
75 Dessales 2013, p. 124-126.
76 Neuerburg 1965, nº 9, p. 111-112 ; Letzner 1999, nº 68, p. 284.
77 Lavagne 1988, p. 579-588.
78 Dessales 2013, nº 22, p. 414-416.
79 Lavagne 1988, p. 634-636.
80 La dénomination erronée provient de la publication originale par Guey – Grimal 1937.
81 Manderscheid 2004 restitue le fonctionnement hydraulique de la construction.
82 Hornbostel-Hüttner 1979, p. 80 l’identifie au plus ancien exemplaire de nymphée de la catégorie « Schauwände ».
83 Gros 2006b, p. 25-27.
84 Plin. Epist. 5, 6, 36. Dessales 2013, p. 325-328.
85 Neuerburg 1965, nº 149, p. 204- 205 ; Letzner 1999, nº 260, p. 405-406 ; Horti Maecenatis. “Auditorium”, s.v. dans LTUR, 3, p. 74-75 (M. de Vos).
86 Grenier 1989 ; Salza Prina Ricotti 2001, p. 241-263.
87 Dessales 2013, p. 126-128.
88 Pour cette période, à Rome et en Italie, voir l’étude de Schmölder-Veit 2012.
89 Agusta-Boularot 2008a et 2008b.
90 ILLRP, 528. Datation 134-90 av. J.-C.
91 Sur la terminologie, supra chap. 2.
92 Deux vasques en marbre de Luni découvertes en 1996, Piazza della Rotunda à Rome, pourraient être deux des lacus monumentaux dus à Agrippa : Ghiotto 1999, p. 72, n. 7.
93 CIL, XII, 4190. Datation de la fin de l’époque républicaine ou du début de l’époque impériale.
94 CIL, XII, 2606-2607. Datation de l’époque julio-claudienne.
95 Burdy 2001 ; Delaval – Savay-Guerraz 2004 ; Chomer 2008.
96 Adam 1979 ; Bourgeois 1992, p. 43-45.
97 Delaval – Clappier 1998.
98 Gerber – Bambagioni 2012.
99 Agusta-Boularot 2004a, p. 5-7.
100 Garcia 2016, p. 244-275.
101 Coarelli 1987b ; Letzner 1999, nº 360, p. 459-460.
102 Suet. gram. 17, 4.
103 InscrIt, XIII, 2, 1, nº 17.
104 À propos de ces reliefs, voir aussi Lavagne 1988, p. 328-331.
105 Agusta-Boularot 2001, nº 10, p. 179-180 et 225-228 ; Robinson 2013, p. 355.
106 Agusta-Boularot 2001, p. 193-197 et 228 ; Robinson 2011, p. 175-203 pour la phase augustéenne.
107 Robinson 2011, p. 189-194.
108 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 23, p. 185-186.
109 Richard 2012, p. 197-198.
110 Colini 1944, p. 143-146.
111 Restitution du fonctionnement hydraulique dans Carandini – Bruno – Fraioli 2011, p. 151, fig. 18.
112 Restitutions 3D proposées dans Viscogliosi 2011.
113 Guilhembet 2011, notamment p. 27-28, l’identifie au septizodium à côté duquel serait né Titus (Suet. Tit. 1) suivant Chaisemartin 2003, p. 158. Je reviens infra chap. 9 sur cette question déjà abordée dans Duval – Lamare 2012, p. 261 sqq.
114 Agusta-Boularot 1997, p. 318-320.
115 Neuerburg 1965, nº 175, p. 221-222 ; Letzner 1999, nº 367, p. 463.
116 Dessales 2011a, p. 246.
117 Panella 1996 ; Cante 2013 ; infra p. 223-224.
118 Fasolo – Gullini 1953, p. 470-471 ; Neuerburg 1965, nº 94, p. 169-170 ; Letzner 1999, nº 275, p. 425-426.
119 Lippolis 1993.
120 DMAGR 2, p. 61, n. 22.
121 DMAGR 3, p. 141, n. 150.
122 DMAGR 3, p. 8.
123 DMAGR 3, p. 98-99.
124 Infra chap. 5.
125 Hülsen 1919 ; Dorl-Klingenschmid 2001, nº 64, p. 215-216 ; Goubin 2012, 1, p. 195-209.
126 ILS, 8970 = AE, 1999, 1576 = AE, 2000, 1425 = Milet, 6-1, 1. Cf. Goubin 2012, 2, nº 45, p. 476-479.
127 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 24, p. 186-187 ; Jung 2006 ; Goubin 2012, 1, p. 243-260.
128 IGSK, 12, 413 et 439.
129 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 22, 184-185 ; Goubin 2012, 1, p. 138-144.
130 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 26, p. 188-189 ; Quatember 2006 ; Quatember 2011.
131 IK-Ephesos, II, 424.
132 Bol – Hoffmann – Schumacher 1984.
133 Smith 1998, p. 75-76.
134 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 2, p. 168-169.
135 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 12, p. 175-176.
136 Des Gagniers et al. 1969, p. 160 ; Dorl-Klingenschmid 2001, nº 13, p. 177-178.
137 Nymphée aux Tritons : Campagna 2007 ; nymphée du sanctuaire d’Apollon : De Bernardi Ferrero 1999 ; Dorl-Klingenschmid 2001, nº 34, p. 193-194 avec la bibliographie antérieure.
138 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 106, p. 242-244 ; Verzone 2003, p. 19-20 pour le décor statuaire.
139 Verzone 2003, p. 21 proposait une datation de l’époque antonine sur critères architecturaux et stylistiques, tout en admettant que les inscriptions mentionnant Caracalla incitaient à une datation de cette période, notamment IK-Side, I, 39 = AE, 1966, 456 (base d’une statue de Caracalla, datée de 211) et IK-Side, I, 63 = AE, 1966, 474 (base d’une statue de M. Valerius Titanianus, datée de 212-217).
140 Il s’agit des deux bases épigraphiées mentionnées ci-dessus. D’autres statues ont dû être placées sur la façade lors d’agrandissements et de remaniements postérieurs, en témoignent d’autres bases, l’une mentionnant M. Aurelius Obriamianus (IK-Side, I, Tep 4 = AE, 1972, 628 ; datée de 243-244) et l’autre Bryonianus Lollianus (IGR, III, 811 = IK-Side, II, 105 ; datée de 270).
141 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 85, p. 228-229.
142 Waelkens et al. 1997, p. 136-162 ; Vandeput 1997 ; Dorl-Klingenschmid 2001, nº 99, p. 239-240.
143 Sartre-Fauriat 1992.
144 Kraeling 1938, p. 21-22.
145 IGR, III, 1357 = SEG, VII, 859.
146 Discussion infra chap. 6.
147 Hülsen 1886 et Maas 1902 pour les travaux de référence. Septizonium (2), s.v. dans LTUR, 4, p. 269-272. En dernier lieu, voir Lusnia 2004. Pour une bibliographie plus complète sur cet édifice, voir infra chap. 9.
148 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 86, p. 229-230.
149 Dorl-Klingenschmid 2001, nº 98, p. 238 ; Mägele 2011, p. 328-331.
150 Dentzer – Blanc – Fournet 2002, p. 116-121.
151 Infra chap. 5.
152 Infra chap. 5 et 7.
153 À ce propos, Thébert 1999.
154 Vitr. 6. Gros 2006b, p. 27-29.
155 Gros 2006b, p. 149.
156 Thébert 1999, p. 303-304.
157 Gros 2006b, p. 164-165.
158 Sur la maison romaine en Afrique, cf. Gros 2006b, p. 165-178 et Thébert 1999, en particulier p. 349-360 à propos du péristyle.
159 Farrar 1996, p. 21-22.
160 Chassillan 2011, 1, p. 178-181 ; voir aussi Dessales 2011a.
161 Chassillan 2011, 1, p. 157-165 passim.
162 Carucci 2007, p. 23-25.
163 Bullo – Ghedini 2003, 2, Bulla Regia 4, p. 47-50 ; Carucci 2007, p. 123.
164 Étienne 1960, p. 31-34 ; Carucci 2007, p. 204-206.
165 Sur le triclinium dans les domus africaines, voir les quelques exemples étudiés par Dunbabin 1991, p. 126-128.
166 Bullo – Ghedini 2003, 2, Utica 7, p. 351-354 ; Carucci 2007, p. 195-197.
167 Sur cette question, voir Jashemski 2013.
168 Carucci 2007, p. 24 pour une liste complète des occurrences.
169 Bullo – Ghedini 2003, 2, Thysdrus 14, p. 313-316 ; Carucci 2007, p. 146-148.
170 Bullo – Ghedini 2003, 2, Thuburbo Maius 13, p. 240- 243 ; Carucci 2007, p. 175-179.
171 Bullo – Ghedini 2003, 2, Acholla 2, p. 12-14 ; Carucci 2007, p. 107-109.
172 En dernier lieu, Van Aken 1951.
173 Carucci 2007, p. 23-25 sur les bassins et jeux d’eau.
174 Lavagne 1992, p. 223-224 ; Dessales 2011a.
175 Letzner 1999, nº 445, p. 507 ; Bourgeois 1992, p. 113-114 ; CAG 31-2, p. 209.
176 CAG 84-1, p. 278.
177 Letzner 1999, nº 424, p. 497 ; Bourgeois 1992, p. 102-105 ; CAG 69-2, p. 488-489.
178 Dessales 2011a, p. 252-255. Les triclinia aestiva de Pompéi sont associés à une structure hydraulique dans presque deux tiers des cas (Dessales 2013, p. 325). Les fontaines en élévation sont associées au jardin dans seize cas en Narbonnaise (Chassillan 2011, 1, p. 191-195).
179 CAG 84-1, p. 269.
180 Dunbabin 1991, p. 124-125 ; Dessales 2013, p. 325-328.
181 Dessales 2013, type 4, p. 326-327 et nº 13, p. 405-406.
182 Dunbabin 1991, p. 128-136 ; sur ce terme et le vocabulaire des espaces de banquet, voir la mise au point de Carucci 2007, p. 37-38, également Tamm 1963, p. 193-196.
183 Sur cette question, voir les réflexions menées par Duval 1984, p. 457-464 ; voir aussi l’étude de Morvillez 2008 qui offre une synthèse récente sur la question. En dernier lieu, Dessales 2013, p. 328-331.
184 Plin. Epist. 5, 6, 36.
185 Morvillez 2008, p. 41-42.
186 Salza Prina Ricotti 2001, p. 241-263. Voir supra p. 66.
187 Salza Prina Ricotti 2001, p. 199-201.
188 Letzner 1999, nº 88, p. 315 ; Bourgeois 1992, p. 118- 120 ; CAG 39, p. 206-207.
189 Vaquerizo Gil – Noguera Celdrán 1997, p. 60-79.
190 Dessales 2013, p. 126 pour la comparaison avec les installations pompéiennes, notamment les Praedia de Julia Felix.
191 Les triclinia d’intérieur sont attestés à partir du IVe siècle (Balmelle 2001, p. 174-175).
192 Pour une étude récente sur les stibadia de Carthage, voir Di Stefano 2012.
193 Morvillez 2007.
194 Morvillez 2001.
195 Thébert 1971 ; Bullo – Ghedini 2003, 2, Bulla Regia 2, p. 40-43 ; Carucci 2007, p. 124-125.
196 Saguì – Cante 2015, p. 51-61.
197 Volpe 2011 (voir restitution fig. 7, p. 512).
198 Sidon. Epist. 2, 2, 11.
199 Dessales 2013, p. 388.
200 Dessales 2013, p. 356-359 ; voir aussi Van Aken 1951, p. 89-92.
201 Quelques exemples de nymphées domestiques d’époque tardive avec façade à niches sont donnés par Hornbostel-Hüttner 1979, p. 83-85.
202 Sur l’organisation et la circulation dans les espaces des maisons, voir Pavolini 2011. Sur les installations hydrauliques et les fontaines des maisons tardives d’Ostie, voir Danner 2017, p. 98-104.
203 Neuerburg 1965, nº 111-112, p. 179-180 ; Ricciardi
– Scrinari 1996, nº III et IIIA, p. 197-199.
204 Neuerburg 1965, nº 22, p. 120 ; Ricciardi – Scrinari 1996, nº XIII, p. 216-218.
205 Neuerburg 1965, nº 135, p. 195 ; Ricciardi – Scrinari 1996, nº XXVII, p. 234-235.
206 La Guardia 1994, p. 50-54.
207 Blanchard-Lemée 1975, p. 27-29.
208 Morvillez 2004.
209 Sur les rapports entre l’architecture des fontaines domestiques tardives et celle des fontaines monumentales publiques, se reporter désormais à Sodini – Kozelj – Wurch-Kozelj 2016, p. 153-170 qui fournissent une riche bibliographie.
210 Balty 1969, p. 113.
211 Voir la synthèse de Vannesse 2014.
212 Duval 1984, p. 470. L’identification comme « nymphées » n’est toutefois pas assurée. De plus, le bassin de la Maison des Chapiteaux à Consoles serait contemporain de l’état ancien. Voir les deux notes suivantes et les discussions engagées lors du colloque, respectivement aux p. 39-40 et 125.
213 J. Balty 1984, p. 33-34.
214 Baratte 1984, p. 110-112. La publication des fouilles est en cours.
215 Nestorović 1978.
216 La référence à cet article a été communiquée par M. Miroslav Jeremić, de l’Institut d’archéologie de l’université de Belgrade, à Noël Duval lorsque que nous travaillions à la publication du septizonium de Cincari. M. Jeremić suggérait alors de rapprocher le(s) nymphée(s) de Stobi d’un septizonium, en raison de la présence des sept niches (mail du 14 octobre 2011). Je reste prudent sur cette identification, non vérifiable en l’état (cf. Duval – Lamare 2012).
217 Le problème de l’identification des « palais » est l’objet de l’article cité précédemment : Duval 1984, notamment p. 466-467 à propos de Stobi.
218 Abadie-Reynal 2008, notamment p. 105-107.
219 Sodini – Kozelj – Wurch-Kozelj 2016 en particulier p. 71-121 pour la phase d’aménagement du nymphée.
220 Notamment dans la basilique A de Philippes et dans la schola de Trajan à Ostie. Cf. Duval 1984, p. 470 ; Dessales 2013, p. 371, n. 179 ; Sodini – Kozelj – Wurch-Kozelj 2016, p. 61-63.
221 Morvillez 2013, p. 164.
222 Dessales 2013, p. 387.
223 Gros 2006a, p. 542-544.
224 Thébert 1999, p. 369-374
225 Bowes 2010, p. 42-54 souligne la poursuite de la reprise des motifs civiques dans l’architecture privée entre le Haut-Empire et l’Antiquité tardive.
226 Thébert 1999, p. 358-367 sur le rôle du triclinium ; Dessales 2013, p. 387.
227 Pour la Gaule et sur la notion de « spectation », voir Chassillan 2011, 1, p. 132 sq.
228 Sur les fontaines et les perspectives dans la maison, voir Dessales 2013, p. 360-374.
229 Contre l’idée d’une porosité entre les espaces public et privé, voir Richard 2012, p. 111, à propos cette fois de l’influence de l’architecture privée des palais impériaux sur les monuments publics, allant selon lui à l’encontre de la « frontière » entre ces deux contextes.
230 Dobbins 2000, p. 60-61.
231 Infra chap. 5.
232 Infra chap. 7.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002