Chapitre 3. Servir en musicien
p. 225-278
Texte intégral
1Pour ceux qui faisaient de la musique leur métier, les occasions de se produire étaient nombreuses. La documentation rassemblée dans la première partie a placé ces musiciens dans des circonstances variées d’animation de la vie de la cité, que ce soit par le service armé, les processions des jeux ou encore la mise en sons de l’activité des magistrats de Rome. Pour autant, la diversité de ces situations pose problème dès lors que l’on se donne pour objectif de questionner la nature du service civique des musiciens et ses conséquences sur ses prestataires. En vue d’affiner la compréhension de la notion de service, il convient d’opérer un changement de regard, et ce par un changement de sources.
2L’épigraphie, source principale pour ce chapitre, ouvre la porte à une autre perception des pratiques décrites dans la première partie. Comment, dans les inscriptions relatives aux musiciens, essentiellement funéraires et associatives, se traduisaient la nature de leur pratique, ses conditions et ses modalités ? Y avait-il une transcription épigraphique du service de la cité ? Si oui, comment se manifestait-elle ? Était-elle synonyme d’un quelconque positionnement social ? Comment savoir, cas des soldats mis à part, à quel type de prestation un musicien vouait son temps ? Ainsi, qui avait le plaisir d’écouter les prestations du jeune Calocaerus, musicien si jeune et si ingénieux dont l’épitaphe est en épigraphe ? Ses compagnons de servage ? Son maître ? Les invités de celui-ci ? L’ensemble du peuple de Rome ? La brièveté de son inscription funéraire ouvre la voie à toutes les interprétations, sans qu’aucune ne soit disqualifiable : réalisée par l’esclave Daphnus, l’inscription ne reflétait peut-être que les sentiments de la familia servile ; on peut supposer que Calocaerus n’avait développé ses talents musicaux que grâce à la formation que son maître lui avait donnée afin d’en jouir et d’en faire profiter les invités de ses soirées ; cette spécialisation avait peut-être été réalisée en vue de faire de Calocaerus un de ces esclaves que les grandes familles louaient aux éditeurs de jeux2. Enfin, il est possible que toutes ces hypothèses soient fondées et que le public de Calocaerus variait suivant les occasions. L’exemple de cette inscription pose donc les questions de méthode à résoudre quant à la signification du service musical : encore faut-il pouvoir préalablement le déterminer.
1. Les expressions épigraphiques du service musical de la cité
3Il faut l’avouer d’emblée : l’essentiel des inscriptions n’exprime pas les conditions de service des musiciens. Mais certaines offrent malgré tout des éléments décisifs pour la réflexion. Elles fournissent des critères épigraphiques permettant de déterminer la nature civique de la prestation de quelques musiciens.
1.1. Esclaves et affranchis : la question du maître
1.1.1. Esclaves et affranchis des cités
4Le fait qu’un musicien soit esclave public est l’un de ces signes sociaux : étant propriété de la collectivité, son activité y était circonscrite. Le nom de Communis a été gravé, à sa mort sur une stèle de grande taille3. Son onomastique est appropriée puisque Communis était servus Incerulanorum, c’est-à-dire esclave des habitants de la cité d’Incerulae, dans le Samnium. Rien dans le texte n’indique expressément les attributions de Communis dans le service de sa communauté, toutefois, les responsables de la réalisation du monument, les Iuvenes Taresuni, ont pris soin de faire sculpter sous le champ épigraphique une double tibia. Cette précision iconographique exprime, à n’en pas douter, les attributions de Communis : il servait les Incerulanorum en tant que tibicen4.
5Ce raisonnement peut être étendu aux affranchis publics, c’est-à-dire aux anciens esclaves de communautés civiques. Le dossier des musiciens métroaques présente, sur ce point, une forte unité5. Concordia Ianuaria a fait réaliser à Beneventum, un autel criobolique, afin de fixer la mémoire du rite accompli le cinquième jour des ides d’avril 2286. Elle était alors percussionniste (cymbalistria) du culte de Cybèle dans cette cité. Par ailleurs, cette femme était colonia liberta, c’est-à-dire affranchie d’une colonie. Il s’agissait certainement de la cité de Bénévent, de statut colonial depuis 218 a.C., qui avait reçu sous Septime Sévère le nom complet de colonia Iulia Augusta Concordia Felix Beneuentum. Le premier nom donné à cette femme par la communauté rappelait donc celui de la colonie. Peut-être était-elle par ailleurs née en janvier, à moins que ce ne soit le mois de son affranchissement. Sa collègue tympanistria, Trebulana Iustina, était probablement dans la même situation juridique7. Elle procéda aussi, quelques mois après Concordia Ianuaria, à l’érection d’un autel en rapport avec le culte de la Mère des dieux à Bénévent. Il s’agissait cette fois de commémorer un taurobole accompli le 11 des calendes d’août 228. Si Trebulana Iustina ne précise pas son statut d’affranchie publique, le rapprochement avec Concordia Ianuaria ainsi que son onomastique parlent pour elle. Il est probable que cette musicienne devait son nom à la toute proche cité de Trebula Ballinensis, qui la possédait avant son affranchissement8. Dans le cas de ces deux musiciennes, on peut supposer que leurs cités respectives les avaient placées à la disposition du culte public de Cybèle. Elles y étaient restées attachées après leur affranchissement, conservant leur position de desservantes musicales.
6À Ostie, une autre musicienne de Cybèle exprime très clairement la dimension civique de ses prestations : le culte de la divinité faisait d’Vlpia Metropolis une tympanistria publica9. Ce même qualificatif se rencontre sur l’inscription rédigée par l’affranchi Amerimnus pour son patron, Ti. Claudius Velox, hymnologus primus Matris deum magnae idaeae et Attinis publicus à Rome10. Ces deux musiciens sont, à notre connaissance, les seuls à établir un rapport aussi clair entre le service des rites de la religion publique et les conditions de service de ses desservants, du moins à un échelon sacerdotal aussi bas. Le terme de sacerdos publicus se rencontre couramment, notamment dans le culte d’Esculape et de Cérès, mais il n’est connu pour aucun autre musicien qu’Vlpia Metropolis et Claudius Velox11. Il ne nous semble pas pour autant que le statut de ces musiciens devait correspondre à une exception. Ce qui différencie Vlpia Metropolis et Claudius Velox des autres desservants musicaux des cultes publics réside uniquement dans l’énonciation de ce service. La réalité de leur pratique était commune à tous : les musiciens des cultes étaient, sans ambiguïté, des musiciens au service de leur cité.
1.1.2. Esclaves et affranchis impériaux
7Les gentilices portés par Vlpia et Claudius sont impériaux. La paléographie du texte d’Vlpia Metropolis est cohérente avec une datation du règne d’Hadrien ; quant à Ti. Claudius Velox, il est fort probable que son monument date de la fin de la dynastie julio-claudienne. Cette corrélation entre gentilice impérial et datation suggère que ces musiciens étaient des affranchis impériaux. Les inscriptions des autres chanteurs d’hymnes animant les cultes de Cybèle à Rome tendent à renforcer cette hypothèse : Ti. Claudius Glyptus est mort dans la deuxième moitié du Ier s. p. C.12 ; les noms de M. Aurelius Augurinus et M. Aurelius Secundinus apparaissent dans une inscription du IIIe s. p. C.13. Le service du culte de Cybèle, semble donc avoir été particulièrement riche en desservants issus de la familia impériale. En tant que président du collège des quindecemuiri, l’empereur était responsable du culte de Cybèle. C’est peut-être à ce titre qu’il pourvoyait le metroon de Rome et d’Ostie en esclaves et affranchis issue de sa propre familia. Dans les autres cités, les décurions prenaient le relais de la pratique impériale en donnant eux aussi un certain nombre de musiciens rattachés au culte de Cybèle, comme l’a montré le cas bénéventin.
8Tous les musiciens de la familia impériale n’étaient pas en rapport avec les pratiques cultuelles. Ainsi Syneros, esclave d’un esclave de Tibère, était-il désigné comme un musicien d’ensemble, ce qui est aussi le cas d’Europa, esclave d’Octavia14. On pourrait a priori penser que ces musiciens ne sont en rien concernés par la question des prestations en public : les esclaves et affranchis des grandes familles se produisaient sans doute essentiellement dans le cadre des réceptions privées données par leurs maîtres. Néanmoins, pour la familia impériale plus que pour toute autre encore cette position doit être nuancée. L’importance de cette familia, la nature de son maître, qui pouvait acheter ou faire former les plus brillants spécialistes de chaque discipline, suggère que son utilisation dépassait les simples réjouissances privées. L’empereur disposait d’une troupe musicale dont les prestations pouvaient être publiques. Ainsi, Tite Live rapporte que dès la fin du Ve s. a.C. un roi de Véies, avait interrompu la célébration de jeux en retirant des représentations les acteurs qu’il avait prêtés pour l’occasion, afin de manifester sa désapprobation pour ne pas avoir été choisi à la tête de la ligue latine15. La pratique était courante et, à l’époque impériale, alors que l’empereur était le principal ordonnateur des jeux de Rome, on doit supposer que les esclaves et affranchis de sa familia pouvaient, s’ils en avaient le talent, passer régulièrement de représentations privées à la scène des grands théâtres de la capitale. Ainsi, Claudius Eros, en raison de sa spécialité musicale, doit-il certainement être rattaché aux prestations publiques16. Castrensis libertus, il est qualifié par son épouse, Claudia Hagne, de fistulator, ce qui revient à dire qu’il jouait d’une de ces tibiae de petite taille que l’on rencontrait notamment dans les grands ensembles instrumentaux de la scène romaine. De même, la présence de Ti. Claudius [- - -]ratus, affranchi impérial, parmi les membres du collège des scabillarii de Rome incite à penser qu’il avait pu non seulement jouer lors de représentations privées mais aussi sur la scène des théâtres de la Ville17. Dans ces conditions, l’expression de l’appartenance à la familia impériale, si elle ne peut à coup sûr être considérée comme un signe que son titulaire participait à l’animation musicale de la cité, laisse cependant ouverte cette possibilité.
1.2. Les précisions religieuse et topographique
1.2.1. Topographie des cultes
9Un élément n’a pas été souligné jusqu’à présent dans l’étude des inscriptions relatives aux musiciens de Cybèle : leur précision quant à l’insertion des musiciens dans la topographie urbaine et religieuse. Il s’agit pourtant d’un critère d’énonciation du service. Ces hommes, rattachés à des temples de la religion publique romaine, exerçaient leur talent de musicien dans un cadre délimité. Trois des quatre hymnologi de Rome donnent le contexte précis de leur prestation : le temple de Magna Mater sur le Palatin pour M. Aurelius Secundinus et M. Aurelius Augurinus18 ou le campus Caelimontanus pour Ti. Claudius Glyptus19. À Ostie, Culcia Metropolis est qualifiée de tympanistria utriusque portus, une expression développée par M. Cutius Rusticus, tibicen matris deum magnae portus Augusti et Traiani Felicis20. À Lugdunum, dans les années 190, le tibicen rattaché au metroon s’appelait Flavius Restitutus21. Si aucun des autels tauroboliques qui précisent sa participation aux rites ne stipule qu’il était le desservant officiel du culte métroaque dans la capitale des Gaules, le rapprochement de ces monuments ne laisse aucun doute quant au fait que Flavius Restitutus était, dans ces années-là, le tibicen attitré de Cybèle dans la cité, à tel point que l’on a longtemps voulu lire son nom sur une inscription valentinoise pourtant bien corrompue22. Il est possible qu’il ait succédé à Albius Verinus, tibicen de Cybèle dans la colonie lyonnaise en 18423. Son nom n’est toutefois connu que par une seule inscription, contrairement à l’exceptionnelle série des tauroboles rappelant les rites célébrés au son de la tibia de Flavius Restitutus. Dans le cas de ce dernier, le reste du personnel est soumis à des fluctuations – changement de sacerdos, présence ou non d’un archigalle, d’un apparitor –, mais le musicien incarne la stabilité au sein du personnel du culte.
10L’importance des précisions offertes par les desservants de Cybèle ne doit pas masquer les autres cas dans lesquels les musiciens précisent leur attachement à un culte voire un temple clairement identifié. Ainsi, une inscription romaine, retrouvée près de la Porta Salaria, concerne deux musiciens en rapport avec le temple de Mater Matuta de la sixième région24. Eucaerus était tibicen dans ce temple ; son épitaphe a été réalisée par un chanteur, probablement rattaché lui aussi à ce lieu de culte25. Le niveau de précision topographique fourni par cette inscription, comprenant la référence à l’une des quatorze régions de Rome créées par Auguste, est relativement rare. Il procède certainement de la volonté de distinguer ce temple de la sixième région du grand temple de Mater Matuta situé sur le forum boarium, c’est-à-dire dans la huitième région augustéenne26. Eucaerus, et probablement le chanteur qui entretenait avec lui une relation très personnelle, puisqu’il se désigne comme son tuteur (papatus), Iulius [- - -]ilius, n’étaient donc pas rattachés au culte de Mater Matuta de manière générale, mais bien à ce temple de la déesse en particulier. Un autre chanteur, Cn. Vergilius Epaphroditus, était commis au temple de Minerve Medica, situé sur l’Esquilin27. Il occupait une position de responsabilité au sein de ce clergé, magister odararius, qui explique peut-être la volonté de sa part ou de la part de ses héritiers de préciser dans son inscription funéraire les conditions exactes d’exercice de son activité. Pour tous ces musiciens, l’expression du service de la cité passait donc par une double précision, à la fois liturgique – le culte auquel ils étaient rattachés – et topographique – le temple dans lequel ils officiaient.
11Bien qu’elles soient relativement rares, ces données doivent être remises dans leur contexte. Seules les grandes communautés urbaines, comme Rome ou Ostie, nécessitaient un tel niveau de précision car elles recélaient plusieurs espaces cultuels dédiés à la même divinité. Lorsque les musiciens métroaques de Bénévent28, d’Aequum Tuticum29 ou de Tergeste30 stipulent qu’ils sont au service de la Grande Mère, le niveau de précision est suffisant, la cité ne disposant pas de plusieurs lieux de cultes pour cette divinité. C’est pourquoi, de manière générale, toute référence au service musical d’un culte précis doit, à mon sens, être interprétée comme le signe d’une prestation au service de la cité31.
12Il convient même certainement d’aller plus loin et d’utiliser le contexte d’invention des textes pour supposer ce rattachement. Un ensemble d’inscriptions d’époque républicaine, découvertes dans les sanctuaires de Praeneste et de Nemus Dianae, dans le Latium, fait état de musiciens qui ont exprimé leur dévotion envers Fortuna Primigenia et Diane32. À Palestrina, trois collèges de musiciens, ceux des tibicines, des fidicines et des cantores, ont réalisé des dons à Fortuna Primigenia, par l’intermédiaire des magistrats de leurs associations. Selon A. Degrassi, la concomitance de ces offrandes s’explique certainement par la volonté de décorer le sanctuaire après sa construction dans les années 110-10033. La même logique aurait présidé pour les dons des tibicines et fidicines à Nemi à la fin du IIe s. a.C., lors de la réfection du sanctuaire34. Dans un cas comme dans l’autre, les inscriptions qui portent ces dons à notre connaissance ne précisent pas qui étaient ces musiciens ou, pour être plus précis, quelles étaient les conditions de leur pratique musicale35. Pourtant, on peut supposer qu’ils étaient rattachés à ces deux sanctuaires : le rôle des tibicines dans les cultes ne fait aucun doute ; quant aux fidicines, leur présence lors des célébrations rituelles s’impose progressivement à partir de la fin du IIe s. a.C.36. Or de grands sanctuaires comme ceux de Fortuna Primigenia et de Diane impliquaient un nombre de célébrations annuelles très important, justifiant de la présence d’un clergé dédié, y compris dans ses desservants musicaux.
1.2.2. Operae urbis scabillarii
13Un texte de Corfinium, dans le Samnium, concernant des musiciens de la scène, des scabillarii, fournit une autre traduction épigraphique du service civique37. Les scabillarii devaient leur nom à leur instrument, le scabellum, une série de crécelles en métal placée entre deux clapets de bois, que l’on frappait avec le pied afin de créer un bruyant crépitement38. Ces musiciens accompagnaient leurs percussions du son de la tibia, jouée en même temps qu’ils frappaient le rythme39. Dans l’inscription samnite, les noms de 22 de ces musiciens sont gravés sous la seule mention « operae urbis scabillarii ». Il s’agit très probablement d’un texte rédigé à la demande d’une association professionnelle40. Le terme opera, aux multiples interprétations, renvoie ici à la prestation, au service accompli41. Ces musiciens étaient donc au service de la ville et leur inscription l’exprime très clairement à travers l’expression « operae urbis ».
14Mais de quelle cité s’agissait-il ? Le terme Vrbs est générique et, lui aussi, polysémique. Dans le contexte précis de cette inscription, il semble pouvoir renvoyer à deux communautés politiques : Corfinium et Rome42. L’épigraphie de Corfinium ne laisse trace d’aucune autre utilisation de ce terme : la communauté politique est désignée par les termes res publica43, ciuitas44 ou encore par ses composantes, l’ordo des décurions et le populus45. Malgré tout, il ne semble pas qu’il convienne de voir dans cette inscription le témoignage d’un passage des scabillarii de l’Vrbs Romae dans le Samnium. L’étude onomastique des gentilices les moins courants de cette inscription révèle en effet une forte implantation locale. C. Salavius Philodamus porte ainsi un gentilice commun à trois autres individus de Corfinium et un autre dans la toute proche cité de Sulmo46. Au contraire, ce gentilice n’est pas répertorié à Rome. De même L. Accaus Philadespotus partage son nom avec six autres habitants de Corfinium et de Sulmo, dont L. Accaus Flaccus, IIIIuir iure dicundo de Corfinium47. Enfin, L. Aufidius Utilis porte le gentilice de la célèbre famille des Aufidii, dont les origines centro-apennines ont été mises en avant par les recherches de N. Mathieu48. Le recrutement de ce collège de scabillarii semble donc avoir été local, ce qui ne paraît pas cohérent avec l’identification de Rome derrière le terme Vrbs. Il est préférable de penser que cette association de scabillarii était implantée à Corfinium49. Dans ces conditions, l’utilisation de l’expression operae urbis scabillarii revenait donc à préciser l’insertion géographique et politique de ce groupe de musiciens. Elle insiste sur la notion de service en désignant son commanditaire, la communauté urbaine dans son ensemble.
1.2.3. Qui sacris publicis praesto sunt
15Un dossier d’inscriptions, correspondant à des tibicines, fidicines, symphoniaci de Rome et de Tibur, se caractérise par l’utilisation de l’expression « qui sacris publicis praesto sunt »50. Le sens de ces mots ne pose pas de problème : ils désignent les musiciens qui avaient pour fonction de jouer lors des cultes de la religion publique. Dans la perspective de cette enquête, cette précision est fondamentale : il s’agit une fois encore de l’un de ces signes qui permettent de distinguer les musiciens en rapport évident avec la cité, de ceux pour qui ce genre de prestations pouvait correspondre à un horizon parmi d’autres. L’utilisation systématique de la dénomination tibicines Romani qui sacris publicis praesto sunt dans l’épigraphie des collèges, à l’exclusion de toute autre à partir du Ier s. p. C., est révélatrice d’une volonté de séparer les desservants des cultes publics des autres musiciens51. Cette terminologie est à comprendre en un sens discriminant : seuls les tibicines desservant les cultes se voyaient offrir la possibilité d’adhérer à ce collège. L’idée d’une telle spécialisation des collèges est acceptable dans un environnement urbain marqué par le gigantisme comme celui de Rome à partir des dernières décennies de la République. Dans une ville comme Rome, dont le foisonnement artisanal a été montré de longue date par la recension de J.-P. Waltzing, la situation n’était pas la même que dans une petite cité de province, où l’on peut aisément comprendre que plusieurs professions se soient regroupées en un collège unique, afin d’atteindre une masse suffisante pour que l’institution collégiale trouve un sens52. À Rome au contraire, les gens de métier ne manquaient pas, ce dont témoigne la grande spécialisation de structures comme celle des déchargeurs de chaux (exoneratores calcariarii), des cordonniers qui réalisaient des chaussures de femmes (fabri soliarii baxiarii) ou encore des fabricants de dés à jouer (artifices artis tessalariae lusoriae)53. Dans ce contexte, on peut donc comprendre que les musiciens des sacra aient fondé un collège spécifique reflétant au mieux la nature de leur prestation, surtout si elle revenait à se concentrer sur leurs fonctions les plus prestigieuses.
16Cette distinction entre les tibicines qui servaient lors des rites publics et les autres spécialistes de la tibia correspond à une division ancienne, que Tite Live mentionne déjà dans sa narration du célèbre épisode de l’exil des musiciens à Tibur en 311 a.C.54. À leur retour, seuls ceux qui participaient aux sacra publica se virent confirmer dans leur privilège de pouvoir célébrer un repas dans le temple de Jupiter Capitolin55. Les autres durent se contenter du droit de procéder à leur divagation urbaine lors des Quinquatries mineures56. Ainsi, lorsqu’au tournant du Ier s. p. C. le collège des tibicines de Rome se mit à ne faire plus état que de son utilité dans les rites publics, il actualisait en réalité une séparation ancienne entre les musiciens des cultes et les autres. Ces derniers trouvèrent sans doute dans les associations de scaenici des collèges professionnels prêts à les accueillir57.
17Les fidicines, dont les plus rares inscriptions ne permettent pas d’élaborer un raisonnement aussi développé, connaissent eux aussi une dissociation entre des musiciens préposés au culte public58 et d’autres, aux fonctions moins expressément religieuses59.
1.3. La notion d’utilité publique
1.3.1. La lex Iulia de collegiis et les symphoniaci
18Derrière le service des cultes de la religion publique c’est plus généralement la notion d’utilité publique qui fonde le rapport de certains musiciens à la cité. La question de l’utilité publique des métiers a été particulièrement débattue dans le cadre de l’histoire des collèges de l’Occident romain60. Elle dérive de l’inscription témoignant de l’existence d’une loi règlementant l’autorisation de constitution des collèges, dite lex Iulia de collegiis61. On admet désormais qu’elle fut rédigée sous César et confirmée par Auguste en 7 a.C.62. L’incorporation de cette loi dans la législation impériale introduit une différenciation entre les collèges légalement autorisés et les autres, dont les réflexions des juristes du IIe s. p. C. conduisent toutefois à penser qu’ils ne devaient pas pour autant tous être considérés comme illicites63. Il devait donc exister une échelle dans la licité des collèges, au sommet de laquelle se trouvaient les associations ayant reçu de la cité l’autorisation de se former. À l’échelon intermédiaire se trouvaient les collèges tolérés mais non autorisés, tandis que tout en bas se situaient les associations illicites et interdites, en raison des troubles qu’elles pourraient engendrer pour la sûreté de l’État64.
19Pour justifier l’autorisation accordée à certaines associations, le texte de la lex Iulia introduit une clause qui marque une évolution dans l’histoire du droit associatif. Le collège dont il est question, celui des symphoniaci, reçoit l’autorisation de se constituer légalement ludorum causa, c’est-à-dire en raison de son utilité publique, via sa participation à des jeux65.
Dis Manibus. | Collegio symphonia|corum qui sacris publi|cis praest<o=V> sunt quibus | senatus c (oire) c (onuenire) c (olligi) permisit e | lege Iulia ex auctoritate | Aug (usti) ludorum causa66.
20Savoir de quels jeux il s’agissait a évidemment été débattu par les savants. La piste la plus fréquemment suivie suppose l’existence de jeux propres à l’association, à l’image de ceux donnés le 7 juin par le collège des pêcheurs du Tibre, lui aussi autorisé par le Sénat67. Bien qu’elle soit recevable cette hypothèse laisse malgré tout sur sa faim, en l’absence de toute source attestant de manière directe desdits jeux en propre. Cette idée est à l’origine de la confusion entre symphoniaci et tibicines. En effet, si l’on suit Censorin et Valère Maxime, les tibicines bénéficiaient du droit de donner des jeux le jour des Quinquatries mineures68. Néanmoins, j’ai essayé de montrer dans les pages précédentes que l’association des symphoniaci ne pouvait être confondue avec celle des tibicines69.
21Dès lors, bien plus que de jeux propres à l’association, l’utilisation de l’expression signifiant le rattachement aux cultes publics conduit à penser que c’est en raison de la participation de ces musiciens à tous les jeux de la cité qu’ils avaient reçu le droit de se constituer en collège. Les tibicines et les fidicines participaient notamment aux processions conduisant les participants au théâtre ou à l’amphithéâtre70. Les ludi saeculares, célébrés par Auguste dix ans avant promulgation de la lex Iulia de collegiis, avaient peut-être donné aux tibicines et aux fidicines l’occasion de s’illustrer particulièrement dans leur duo rituel. Même si la partie conservée du compte-rendu épigraphique ne les mentionne pas, leur participation est quasi certaine, notamment dans la réalisation du carmen saeculare composé et dirigé par Horace, ainsi que dans les différents épisodes sacrificiels rythmant la célébration71. Le monnayage de Domitien relatif aux jeux de 88 se fait écho de cette réalité en ce qui concerne les sacrifices : les tibicines et fidicines occupent une place centrale sur les monnaies commémoratives72. C’est pourquoi il nous semble que l’explication de l’utilitas publica de ces musiciens n’est pas circonscrite aux mots ludorum causa, mais doit être comprise dans leur interaction avec l’expression qui sacris publicis praesto sunt. Si les symphoniaci étaient utiles à la cité, c’est à la fois par leur participation aux jeux et aux rites de la religion publique, les deux se superposant régulièrement, comme le rappelèrent les jeux séculaires.
22Par cette autorisation de se constituer légalement en collège, ainsi que par la reconnaissance de l’utilité de leur prestation, les symphoniaci recevaient une forme de privilège civique. Il s’agissait en effet d’une officialisation de leur service qui les distinguait fortement des autres collèges professionnels et des autres musiciens. Dans son commentaire du troisième livre de l’édit provincial, Gaius exprime cette rareté de la reconnaissance civique pour les associations :
Il y a fort peu de cas où ces sortes d’associations soient permises ; par exemple les fermiers des impôts publics sont érigés en corps, ainsi que ceux des mines d’or et d’argent, et des salines. Il y a de même à Rome certains collèges dont l’établissement est autorisé par les sénatus-consultes et les constitutions des princes ; tels ceux des boulangers, de quelques autres métiers et des naviculaires, qui ont également lieu dans les provinces73.
23Les symphoniaci, compris dans ces « autres métiers » que Gaius mentionne sans les détailler, devaient tirer une légitime fierté de cette distinction accordée par le Sénat : ils faisaient partie des happy few reconnus par la cité.
1.3.2. De l’utilité des scabillarii ?
24Près de deux siècles plus tard, c’est certainement ce même sentiment qu’il faut lire sur trois bases offertes par des musiciens de Pouzzoles à Antonin, Faustine et Marc Aurèle74. Le formulaire des trois inscriptions est quasiment identique, notamment dans l’énonciation de l’association ayant fait réaliser ces monuments, le collegium scabillariorum quibus senatus consulto coire licet. L’autorisation à laquelle il est fait référence renvoie au texte mentionné par l’inscription des symphoniaci de Rome : il s’agit de la lex Iulia de collegiis, restée par delà les années « la charte du droit d’association pendant trois siècles », selon l’expression de J. Gaudemet75. Le Sénat de Rome recevait les demandes d’autorisation et statuait sur leur sort : Pline le Jeune se fait l’écho de cette procédure dans le Panégyrique. Avant que ne s’impose l’optimus Princeps, dit-il, chaque procédure, même les plus banales comme l’augmentation du nombre de gladiateurs ou encore l’autorisation d’un collège d’ouvriers, était prétexte à des louanges sans fin de l’empereur76. L’épigraphie collégiale conserve de même trace de quinze textes faisant référence à un sénatus-consulte autorisant des associations professionnelles77. Les scabillarii de Pouzzoles, comme les symphoniaci de Rome avaient reçu, du Sénat de Rome, l’autorisation de fonder leur association. Il faut donc certainement comprendre que les scabillarii étaient eux aussi d’utilité publique et que le(s) service(s) qu’ils rendaient étai (en) t reconnu(s) par la cité comme important(s).
25Une telle position pourrait sembler difficilement tenable pour des musiciens tels que les scabillarii. En effet, le cadre de leur prestation était exclusivement la scène. À Pouzzoles, le collège des scabillarii disposait d’un espace, probablement destiné à des fins cultuelles (un sacellum), sous les marches de l’amphithéâtre flavien78. Dès le Ier s. a.C., Cicéron les associe particulièrement au mime : parlant d’un subterfuge grossier et peu crédible, il écrit « c’est un dénouement de mime, non de comédie : là, quand on ne trouve pas de conclusion, l’acteur s’échappe des mains qui le retiennent ; on fait vibrer les scabilla, on tire le rideau79 ». Contrairement aux symphoniaci, aucun document n’associe les scabillarii aux rites de la religion publique, et nous ne pensons pas pouvoir écrire, comme V. Péché, que ces musiciens servaient dans « diverses activités publiques ou privées » ou encore qu’ils accompagnaient « certaines cérémonies religieuses officielles »80. Alors que le tibicen est un personnage récurrent de l’iconographie sacrificielle publique, la seule représentation de scabellum en contexte rituel appartient clairement à la sphère de la religion privée, puisqu’il s’agit d’une scène de sacrifice peinte sur un laraire pompéien81.
26Les scabillarii étaient donc des musiciens de la scène, et, qui plus est, peu habitués au premier plan. Leurs attestations épigraphiques sont nombreuses (cinquante occurrences au total dans le corpus), mais elles sont avant tout le signe de leur importance numérique plus qu’artistique. L’inscription de Corfinium déjà étudiée mentionne pas moins de 22 noms82. À Rome, leur collège était composé d’au moins 16 décuries, ce qui en fait le plus gros collège de musiciens connu à ce jour83. Les scabillarii étaient donc des musiciens d’ensemble, la masse orchestrale de la scène romaine, les bataillons musicaux des tréteaux. Il ne se recrutait aucun musicien de grand talent, aucun soliste, parmi les scabillarii. Comment, dès lors, comprendre cette dignité accordée par le Sénat de Rome à des prolétaires de la scène ?
27L’histoire des prestations théâtrales offre une piste d’explication. La scène romaine a connu, dans les dernières décennies du Ier siècle a. C, une évolution profonde suite à la création par le danseur Pylade, en 23 ou 22 a.C., d’un nouveau genre de spectacle dansé, la pantomime84. La combinaison d’un danseur, d’un chœur de chanteurs et d’un orchestre autour de thèmes mythologiques assura à cette catégorie de spectacles un succès fulgurant qui ne se démentit pas dans les siècles suivants. La pantomime fut rapidement associée aux grands évènements du règne d’Auguste. Présentée sans doute pour la première fois lors des jeux somptueux donnés en 23 avant notre ère par Marcellus, neveu d’Auguste et alors son successeur potentiel, la pantomime fut ensuite jouée à Rome à plusieurs reprises par Pylade avant 18. On la trouve à nouveau sur la scène lors des représentations données durant les jeux séculaires de 17 a.C. Malgré sa réputation d’hostilité à l’égard des spectacles, due essentiellement au bannissement des acteurs qu’il prononça en 23 p.C., Tibère resta, dans une certaine mesure, fidèle au goût augustéen en matière de pantomime : le genre fut représenté lors des ludi augustales de 14 p.C. et fut probablement inséré dès 18 dans la deuxième partie des Sebasta de Naples85. La discipline ne faisait probablement pas partie du concours : nous ne disposons d’aucune attestation de victoire de danseurs dans le cadre de concours grecs en Italie avant celle de L. Aurelius Apolaustus en 100 p.C.86. Elle était en revanche inscrite au programme de la seconde partie87. Par la suite, la pantomime fut notamment intégrée à des manifestations ludiques comme les Eusebeia de Pouzzoles, créées par Antonin, ou encore des concours moins connus en rapport avec le culte impérial, comme ceux de Carthage, les Pythia Karthaginis ou ceux de Césarée de Maurétanie88. La pantomime connut ainsi une place croissante et rapidement incontestée dans la célébration des jeux scéniques, en rapport avec les créations impériales.
28Ce rapport immédiat entre pantomime et faveur des autorités est une clé de compréhension pour les problèmes qui nous occupent. En effet, le développement de ce nouveau genre impliquait des innovations musicales : les mouvements du corps du danseur étaient accompagnés des sonorités d’un orchestre toujours plus gros et hétéroclite89. L’avènement de la pantomime eut pour conséquence la multiplication du nombre de musiciens appelés à monter sur scène et la constitution d’une hiérarchie dans les musiciens, que reflète la spécialisation croissante des termes relatifs aux pratiques musicales – protaules, hypaules, choraules...–90. Les scabillarii faisaient partie de cette diversité sonore alors en pleine expansion. Leur rôle de découpe rythmique du temps les rendait particulièrement importants dans les représentations dansées comme la pantomime91. Suétone rapporte ainsi que Caligula, en mauvais empereur digne de ce nom, fit venir des consulaires au Palatin en pleine nuit, à seule fin de leur donner une brève représentation de pantomime, accompagnée, comme il se doit, du scabellum.
Il lui arrivait de danser même pendant la nuit ; une fois, au cours de la seconde veille, il convoqua au Palatin trois consulaires, et, quand ils furent là, pleins des appréhensions les plus terribles, il les fit monter sur une estrade, puis, tout à coup, au bruit retentissant des tibiae et des scabella, s’élança vêtu d’un manteau et d’une tunique longue, exécuta une danse accompagnée de chant et disparut92.
29Finalement, on comprend donc mieux les raisons de l’autorisation officielle accordée aux scabillarii de Pouzzoles. Cette dernière n’est peut-être que le reflet de la faveur impériale envers la pantomime. Ses exécutants, au premier rang desquels se trouvaient les scabillarii, participaient indirectement à la mise en sons d’une partie de la volonté impériale. Grâce à cette intégration franche et continue de la pantomime dans les représentations données sur initiative impériale, les scabillarii, qui en étaient les artisans sonores, étaient associés aux sons du pouvoir.
30C’est pourquoi ce collège de professionnels, n’appartenant pourtant pas à l’élite de la pratique musicale, avait, peut-être de longue date, procédé à une demande d’autorisation officielle de leur association, autorisation accordée par des autorités reconnaissantes du rôle joué par les scabillarii dans le développement d’un type de musique qu’elles souhaitaient entendre. Les dédicaces à Antonin, Faustine et Marc Aurèle peuvent ainsi être insérées dans un dialogue privilégié entre ces musiciens et les autorités impériales.
1.3.3. Les frumentationes et la reconnaissance de l’utilité publique des aenatores
31Un document, relatif aux aenatores de la cité de Brixia, en Vénétie, pose la question de la reconnaissance par la cité de l’utilité publique des aenatores. Il s’agit d’une inscription, gravée sur un pilier hermaïque dont la statue a disparu, et réalisée par le collegium aenatorum93. L’ensemble était réalisé en l’honneur d’un sévir augustal, et probable patron du collège, P. Antonius Callistio. Il était assorti d’une fondation de 1000 sesterces, soit une somme de faible importance. Deux lectures du document s’affrontent quant à la personne qui l’a réalisée et son rapport avec le défunt. A. Albertini, repris par le rédacteur de la notice des Supplementa Italica suggère la lecture Thallusa, c (on) t (ubernalis), tout en ayant bien conscience que la contraction en CT du mot contubernalis représenterait un hapax, du moins pour Rome et l’Afrique94. S. Panciera, suivi par J.-J. Aubert, propose au contraire de lire Thallus, act (or). La lecture est rejetée par les Supplementa Italica au titre que l’argumentation de S. Panciera, fondée sur les marques de ponctuation dans la gravure, n’est pas tenable en raison de l’irrégularité de cette dernière. Cependant, outre la bien plus grande simplicité de cette lecture, la présence d’un trésorier (actor) est cohérente avec l’organisation d’un collège possédant des fonds communs dont il pouvait disposer95.
32Cette lecture a des conséquences importantes pour le collège de musiciens. En effet, la suite du passage de Gaius mentionné précédemment stipule que seuls les collèges autorisés en vertu des sénatus-consultes et des constitutions impériales pouvaient disposer d’un actor :
Le privilège de ceux à qui il est permis de s’établir en corps de communauté sous le nom de collège, de société, ou sous telle autre dénomination que ce soit, c’est d’avoir, à l’exemple de la Cité, des biens communs, un coffre commun, et de faire administrer les affaires de la communauté par un agent ou syndic, comme cela se fait dans une Cité96.
33Si Thallus était actor, alors le collège des aenatores de Brixia bénéficiait lui aussi de la précieuse autorisation de se constituer, reconnaissance de son utilité publique. Cette hypothèse n’est pas en contradiction avec les attributions des aenatores. Au même titre que les tibicines, ils participaient à la mise en musique et à la solennité de la vie civique97. Comme les scabillarii, ils étaient intégrés dans les prestations relatives au culte impérial, ce que rappelle sans doute, dans cette inscription, le fait que le probable patron du collège ait été un sévir augustal98. C’est pourquoi nous pensons que les aenatores de Brescia avaient eux aussi, au cours du Ier ou IIe s. p. C., reçu de la part du Sénat de Rome l’autorisation de se fonder légalement, au nom de leur utilité publique. Il est probable que cette conclusion soit à étendre aux autres collèges d’aenatores des cités italiennes d’Aquinum et Cassinum99.
34Cependant, la meilleure confirmation de cette reconnaissance de l’utilité publique des aenatores se trouve certainement dans deux textes qui, s’ils ne se réfèrent pas immédiatement à l’utilitas publica, attestent pourtant clairement une officialisation des rapports entre Rome et les aenatores. Il s’agit de deux inscriptions funéraires relatives à des membres du collège des aenatores de la capitale, M. Baebius Asclepiades Iustinus et L. Aurelius Tychenianus100. Ces deux individus sont morts à une époque qui n’est pas précisément datable mais qui doit être située dans la deuxième moitié du IIe ou le IIIe s. p. C. Mais le point commun le plus intéressant fourni par les rédacteurs de ces inscriptions réside dans le fait que les deux défunts bénéficiaient des distributions frumentaires.
35Cette question a été récemment reprise par C. Virlouvet : il ne fait aucun doute que c’est bien en raison de leur appartenance au collège des musiciens que Baebius Asclepiades et Aurelius Tychenianus avaient reçu le privilège frumentaire101. Dans ces deux textes, les références au blé public et à l’appartenance au collège des aenatores se succèdent, créant un lien logique entre les deux éléments sémantiques102. L’inscription de Baebius Asclepiades Iustinus permet un raisonnement plus complet. L’âge de ce garçon, à peine plus de quatre ans, exclut tout autre explication que son appartenance au collège des aenatores103 : l’inscription sur les listes des bénéficiaires n’était pas héréditaire et Baebius était trop jeune pour avoir pu participer au tirage au sort permettant le renouvellement des listes, tout comme pour avoir pu accomplir quoi que ce soit méritant une inscription à titre exceptionnel pour sa valeur personnelle104. C’est pourquoi, à l’analyse de ces deux inscriptions exceptionnelles, il faut sans doute conclure que les membres du collège des aenatores de Rome bénéficiaient d’une inscription automatique sur les listes des bénéficiaires du blé public105. Cette procédure d’inscription en groupe correspondait à une entorse au principe d’inscription personnelle, suite à un tirage au sort106. Elle marquait la reconnaissance de l’importance des aenatores dans le fonctionnement de la cité, traduction éclatante de leur utilité publique.
1.3.4. Du blé pour les tibicines ?
36Une inscription relative à un tibicen peut toutefois laisser penser que ces musiciens bénéficiaient aussi des frumentationes. P. Octavius Marcellinus était membre du collège des tibicines de Rome ; il est mort dans la Ville, probablement entre 161 et 169107. Sa femme et affranchie, Octavia Hermione, s’est chargée de faire réaliser son épitaphe et n’a pas manqué de préciser que son défunt mari était inscrit sur les listes du blé public. Il n’y a qu’une explication possible à ce privilège frumentaire, son appartenance au collège des tibicines108. Dès lors, on ne doit manifestement pas douter du fait que les tibicines jouissaient eux aussi de cette forme de reconnaissance par la cité des services qu’ils lui rendaient109.
37Toutefois la particularité de cette inscription a déjà été soulignée : si cette inscription fait de P. Octavius Marcellinus un tibicen, il n’en était pas moins aussi vétéran de la cinquième cohorte des prétoriens. Or dans la totalité des corps de troupe, seul deux autres musiciens militaires se revendiquent de la tibia, P. Bennius Priscianus, soldat de la huitième cohorte des volontaires, stationnée à Salona et Pomponius [- - -]n[- - -], de la première légion Italica, basée en Mésie inférieure110. Leur rôle a été établi dans les pages précédentes et l’on peut aisément comprendre que les légions stationnées en province puissent avoir besoin de tibicines pour célébrer les rites, musicien qu’il valait mieux avoir à disposition en interne car il n’était pas évident d’en trouver au sein de la population locale. À Rome en revanche, cet argument perd largement de sa force : la Ville pouvait fournir les prétoriens en musiciens.
38La faiblesse du nombre d’individus concernés, associée à la proximité des termes tubicines et tibicines ainsi qu’aux fréquentes confusions dont ils faisaient l’objet, rendent très fragile l’affirmation selon laquelle les tibicines bénéficiaient eux aussi des distributions frumentaires. On ne peut pas vraiment écarter l’hypothèse d’une étourderie du lapicide, ayant transformé Octavius Marcellinus en tibicen alors qu’il jouait de la tuba, comme tant d’autres soldats des cohortes prétoriennes111.
39Étant donné qu’il était improbable pour un vétéran tubicen de rejoindre les rangs du collège des tibicines, cette hypothèse conduirait donc à envisager l’existence d’un collège de tubicines à Rome, dans le troisième quart du IIe s. p. C. au moins. Une telle association n’est attestée par aucun autre texte. Néanmoins, l’inscription d’un collège de cornicen de Rome112, ainsi que la formulation de l’inscription découverte dans la zone de la Meta Sudans, relative aux aenatores, tubicines, cornicines, liticines Romani113, montrent que l’apparence d’union entre les praticiens des grands aérophones dans les inscriptions de Baebius Asclepiades Iustinus et d’Aurelius Tychenianus pouvait céder la place à une réalité plus fragmentée. Il est donc possible qu’une fois devenu vétéran Octavius Marcellinus n’ait pas intégré le collège des tibicines de Rome, mais plutôt celui des tubicines, dont on aurait ici l’unique attestation. Les tibicines perdraient ainsi la seule source prouvant de leur participation aux frumentationes en tant que musicien au service des cités. Il convient cependant de conclure avec prudence cette nouvelle interprétation de l’inscription de P. Octavius Marcellinus, qui ne repose que sur un raisonnement en rapport avec la carrière militaire du défunt. Que les tibicines aient bénéficié du privilège frumentaire n’est en rien impossible, particulièrement ceux qui servaient dans les sacra publica. On se contera de souligner la fragilité de l’unique source qui en atteste sans pouvoir vraiment trancher entre les deux hypothèses.
40Bien qu’elles ne soient pas très nombreuses, les traductions épigraphiques du service civique n’en sont pas moins importantes. Que ce soit par la précision d’un rattachement géographique ou de la particularité d’un service rendu, certaines inscriptions expriment clairement la participation structurelle de certains musiciens au fonctionnement de la cité et les bénéfices qu’ils en retiraient. La notion d’utilité publique s’est avérée un outil efficace. Étaient considérés comme utiles à la cité les musiciens qui participaient aux cultes publics (traditionnellement tibicines et fidicines) et particulièrement au culte impérial (scabillarii ; instrumentistes de Cybèle dont le lien privilégié avec le culte impérial a été bien montré114). Les aenatores, aux multiples fonctions, étaient ceux qui, par l’octroi du bénéfice frumentaire, jouissaient peut-être à Rome de la meilleure considération de la part de la cité.
2. Les conditions des prestations
41Pourtant, il est une question à laquelle les documents précédemment analysés ne permettent pas d’apporter de réponse, celle des conditions d’exercice du service civique. Au Haut-Empire, le collège est une association de droit privé, à laquelle il n’est pas obligatoire d’adhérer et qui, surtout, ne sert pas de structure coercitive pour les relations avec les autorités civiques. L’organisation d’une forme de service civique ne passe donc pas par le collège : si une association regroupe des individus sur le critère de leur pratique civique, cela résulte d’un choix et non d’une obligation.
42Dans ces conditions, comment un musicien se retrouvait-il en condition de service de la cité ? Cela résultait-il d’un choix librement consenti ou d’un impératif, quel qu’en soit l’ordonnateur ? Y avait-il une forme de prise à ferme de ces tâches ? Quelles en étaient les conséquences ? Selon quelles modalités ces relations s’exprimaient-elles ? Une fois encore à la diversité des situations envisagées répond une diversité de solutions et de réponses possibles.
2.1. Musiciens à louer
2.1.1. Le paradoxe de Calocaerus
43Le cas du jeune Calocaerus, évoqué en introduction, est caractéristique d’un nombre conséquent de situations dans lesquelles il est impossible de déterminer les termes du service et leurs conditions115. Pour les esclaves, la question de la volonté ne se pose évidemment pas : qu’on leur demande de jouer pour les membres de la famille ou qu’on les loue pour des représentations publiques relève de la décision de leur maître et non de leur volonté propre. Un commentaire du juriste Ulpien sur le vingtième livre sur Sabinus met en avant cette possibilité pour les maîtres de louer leurs esclaves. Il évoque les boulangers, acteurs et autres du même genre, dans lesquels s’insèrent à l’évidence les musiciens116. La formation de musiciens pouvait ainsi s’avérer une intéressante source de revenus pour les maîtres de grandes familles. La question de la valeur de l’acteur servile Panurge démontrée par Cicéron est particulièrement éclairante117. Panurge avait été formé dans son activité par Roscius. C’est donc ce dernier qui lui avait donné sa valeur, d’après Cicéron : il distingue le corps de Panurge, estimé à 4 000 sesterces, et ses compétences en tant qu’acteur d’une valeur de plus de 150000 sesterces. Combien de Panurge parmi les esclaves musiciens ici recensés, appelés à animer les scènes de leur cité ? Il est bien difficile de le dire. Il est possible que la gens Memmia, dont D. Manacorda a mis en avant l’importance des rapports qu’elle entretenait avec le monde de la scène, et particulièrement les musiciens, soit un exemple de cette utilisation spécifique des musiciens118.
2.1.2. Jouer par contrat
44Toutefois, l’essentiel des noms que la documentation épigraphique a transmis étaient des hommes libres119. Pour ces derniers, le choix des conditions de leur exercice musical leur incombait en grande partie120. Il s’agissait de trouver, grâce aux revenus générés par leur activité, les moyens d’avoir des ressources suffisantes. Pour la très grande majorité d’entre eux, l’exercice de leur pratique musicale passait donc par l’obtention de contrats rémunérés. Le terme locare, utilisé par Ulpien dans le passage cité précédemment, est révélateur des conditions juridiques dans lesquelles se déroulaient ces accords : le musicien louait sa prestation en échange d’un revenu121.
45Les contrats les plus simples devaient être en rapport avec une prestation ponctuelle non rééditée dans le temps : funérailles, représentations scéniques, participation à un combat de gladiateurs, un sacrifice privé, etc. Il est possible que pour les plus courtes de ces performances, il n’y ait même pas de contrat à proprement parler, mais une simple transaction entre deux particuliers. Ainsi les musiciens rattachés à des temples, comme le tibicen Eucaerus, dépendant du temple de Mater Matuta de la sixième région, restaient peut-être dans l’enceinte du temple, attendant qu’un dévot recoure à leurs services122. H.H. Scullard suppose que c’était par l’entremise du gardien du temple, l’aedituus, que se faisait la rencontre entre le dévot souhaitant procéder à un sacrifice et l’ensemble des prestataires nécessaires à sa réalisation, au premier rang desquels, évidemment, le musicien123. Dans le cas où la prestation avait lieu sur le champ, elle donnait sans doute lieu à un arrangement oral et au paiement immédiat de la somme. Les deux parties étaient dégagées de toute obligation une fois la performance terminée.
46Selon une hypothèse de J. Bodel, le local de l’association des tibicines de Rome devait se trouver, à la fin de la période républicaine, au niveau de la Porta Esquilina124. Le raisonnement part de la découverte dans cette zone, en 1875, d’une inscription mentionnant le collegium tibicinum Romanorum ainsi que trois de ses responsables125. À proximité immédiate se trouvaient trois fragments de statues, dont deux représentaient des tibicines, vêtus de courtes tuniques et tenant une double tibia dans la main gauche126. Or cette zone, située à proximité de la porta Esquilina, était un espace très intensément marqué par l’activité funéraire. L’édit du préteur Sentius, interdisant à quiconque de jeter des cadavres à moins de 600 pieds de la muraille servienne, entre les portes Esquiline et Viminale en atteste127. Le lucus Libitinae, où se trouvaient les croque-morts, était situé dans cette zone. Pour cette raison, il semble donc logique pour J. Bodel que les tibicines, partie prenante du commerce de la mort, aient eu un local à proximité : il aurait alors existé une sémantique géographique cohérente, autour d’un espace dévolu à la gestion des pratiques funéraires128.
47Le fondement archéologique de l’hypothèse est sans doute un peu court : les dimensions de l’espace dans lequel ces vestiges ont été découverts (5x3,5 m) font plutôt pencher pour la chambre funéraire du collège. Elle reste néanmoins particulièrement intéressante par l’éclairage qu’elle apporte sur les pratiques administratives et commerciales de la mort. Pour que des tibicines soient engagés pour participer à des processions funéraires, il fallait qu’ils aient été mis en contact avec la famille du défunt. Bien peu de familles devaient disposer dans leur personnel servile d’assez de tibicines pour réaliser une pompa funebris digne de ce nom129. Quant au simple citoyen point trop mal en fonds, il lui fallait nécessairement recourir aux services de musiciens dont c’était là l’activité principale. Afin qu’on les trouve facilement, il est effectivement probable que ces musiciens devaient disposer d’un local collectif où les familles pouvaient venir procéder à l’organisation de leur pompa, sauf dans les cas où un dissignator, chargé de l’organisation des convois funèbres se chargeait de l’embauche des musiciens130. Le fait que, selon Varron, on pouvait procéder à la location d’une chanteuse de neniae, les chants funèbres, près du bois de Libitina, va dans le sens d’un espace qui regroupait tous les prestataires du commerce de la mort131.
48Les grands textes campaniens en rapport avec le service des pompes funèbres permettent un éclairage indirect sur les conditions concrètes de participation des musiciens aux funérailles dans ces cités et ouvrent une première perspective sur les conditions juridiques du service civique musical132. L’inscription de Pouzzoles est la plus complète et la plus à même d’éclairer la situation romaine étant donné la proximité entre les deux cités, même s’il reste clair qu’il s’agissait d’une loi réservée à la cité campanienne. L. Bove a proposé de restituer son intitulé en [De munere publi]co libitina[rio] : il s’agit d’une loi stipulant les conditions selon lesquelles la gestion des corps et des funérailles de l’ensemble de la cité était confiée à un entrepreneur (manceps, redemptor ou conductor, selon les passages)133. Bien qu’environ un tiers du document seulement nous soit parvenu, le texte est riche en détails quant à l’organisation pratique des rites funéraires. L’entrepreneur qui avait obtenu ce marché public disposait d’un groupe de 32 ouvriers non spécialisés (operae), probablement serviles et lui appartenant en propre. Ce chiffre devait correspondre à huit équipes de quatre hommes nécessaires à l’enlèvement d’un corps, capables d’agir en même temps en période de forte mortalité134. Des spécialistes se rajoutaient à ce personnel, dont les citoyens pouvaient louer les services à tarifs fixes. J. Bodel s’étonne à juste titre de ne pas voir apparaître les musiciens parmi ces spécialistes que proposait le redemptor libitinarius ; il suggère que mention devait leur être faite dans la ou les premières colonnes du texte135. Le statut de ces spécialistes n’est pas aussi aisé à établir que pour les simples operae : le rapprochement avec un passage de Varron suggère que pour les services spécialisés le contractant devait avoir recours à une main d’œuvre composée en partie d’employés (serviles) de l’entreprise et en partie de praticiens extérieurs payés à la mission136. À Pouzzoles un certain nombre de musiciens, essentiellement des tibicines et des joueurs de grands aérophones de bronze devaient donc pouvoir tirer un revenu de leurs activités dans le service de pompes funèbres137. Le nom d’aucun de ces musiciens ne nous malheureusement est parvenu. À Rome en revanche, il est probable qu’une partie des tibicines n’appartenant pas au collège des spécialistes voués à la religion publique pouvait travailler pour les libitinarii. Dans les cités pour lesquelles la documentation sur les musiciens est bien plus isolée, il est difficile d’attribuer des fonctions précises aux musiciens et il faut peut-être en conclure une grande souplesse dans les fonctions. Q. Vibius Fuscus, seul tibicen connu par l’épigraphie à Augusta Emerita pouvait bien jouer lors des représentations théâtrales données dans la cité, comme le supposent J.C. Saquete Chamizo et A. Velasquez Jimenez, mais aussi dans les processions funéraires138. Ainsi un fragment d’auteur inconnu conservé par l’intermédiaire du lexicographe du IVe s. Nonius Marcellus attire l’attention sur la proximité entre les musiciens des funérailles et les musiciens de la scène romaine139. Il s’agissait, selon lui, des mêmes instrumentistes, que l’on pouvait trouver alternativement dans les deux situations. Bien que ce passage soit isolé sur la question, et difficilement utilisable faute d’une identification précise de son auteur et d’une datation, l’information transmise est d’importance. D’un point de vue plus pratique, elle permet de comprendre comment ces hommes pouvaient trouver des revenus suffisants grâce à leur pratique musicale : ils multipliaient les situations de jeu. Que ces deux types de pratique, funérailles et scènes aient pu être desservies par les même musiciens révèle par ailleurs qu’elles recevaient la même considération sociale.
49Le passage de Varron concernant la réunion des comices centuriates au son du classicum, déjà abondamment commenté dans le chapitre précédent, doit être convoqué une nouvelle fois car il fournit des indications sur l’organisation du service musical des rites institutionnels à Rome même. Rappelons qu’il cite un édit sur l’anquisitio datant au plus tôt de 242 a.C.
De même, en ce qui concerne ceux qui tiennent des censeurs l’adjudication de la sonnerie de trompette pour les comices centuriates, qu’ils prennent soin, le jour où il y aura les comices que le classicus joue alors sur l’Arx, autour des murs et devant la porte de Titus Quinctius Trogus, ce particulier qui est un criminel, et qu’il se trouve sur le Champ de Mars au point du jour140.
50Il ressort très nettement de ce texte que la pratique de la musique dans cette situation précise était un acte réglementé. Le musicien n’obtenait le droit de jouer qu’à la suite de la constitution d’un cadre juridique clair mettant en jeu, outre lui-même, les censeurs, agissant au nom de la cité et des redemptores (désignés dans le texte par l’expression qui de censoribus redemptum habent). La différence de nombre entre le pluriel des redemptores (habent) et le singulier du musicien (canat) interdit de confondre les deux141.
51L’édit cité par Varron fait référence à une loi censorienne, c’est-à-dire un contrat passé entre les censeurs et un particulier ou un groupe de particuliers s’engageant à fournir une prestation. La possibilité pour les censeurs de procéder à l’adjudication de services correspondait à l’une de leurs attributions en matière de finances publiques. Les censeurs fixaient le montant des impôts et redevances mis à ferme, confiés, à la fin de la République, aux compagnies de publicains. En fonction de l’état de richesse de l’aerarium, ils pouvaient aussi procéder à des travaux publics, d’entretien ou de construction. Là encore, ces travaux étaient entrepris en fonction d’une lex operae, imposant au contractant des conditions précises142. Par ailleurs, les censeurs procédaient à l’adjudication d’autres prestations, très diverses, réalisées par des particuliers pour la cité. La première de ces charges mises à ferme était toujours, selon Cicéron, l’approvisionnement en nourriture des poulets sacrés143. Fournir des musiciens jouant pour l’appel aux comices centuriates devait s’insérer dans cette catégorie de prestations diverses réalisées par des particuliers pour la cité. La durée du service affermé n’est pas précisée par Varron. On peut néanmoins suggérer qu’elle correspondait à cinq ans, soit un lustre censorial144.
52Cet ensemble varié de prestations publiques est désigné dans la littérature latine par le terme ultro tributa, dont le sens, très débattu, a été étudié par A. Trisciuoglio145. Il en ressort que les ultro tributa faisaient, de manière assurée, l’objet d’un paiement de la part de l’aerarium. La censure exercée par M. Porcius Cato et et L. Valerius Flaccus en 184 a.C. sous le signe de la rigueur place très clairement ces ultro tributa du côté négatif de la balance publique : les censeurs ont cherché l’avantage de la cité en augmentant les entrées et limitant les sorties de fonds146. Il s’agit donc de dépenses engagées par la cité et payées au redemptor, qui en redistribuait lui-même une partie aux spécialistes qu’il engageait, en l’occurrence ici au musicien.
53Tant les lois libitinaires campaniennes que l’édit cité par Varron montrent donc que les musiciens étaient engagés dans un système de contrats par l’intermédiaire d’entrepreneurs147. Le même montage doit être reconstitué pour la dernière grande catégorie d’activités ouverte aux musiciens, les prestations ludiques, bien qu’elles n’aient pas livré de documents permettant une réflexion aussi précise sur leur cas particulier. À l’époque impériale, l’organisation des ludi était devenue une véritable entreprise, organisée hiérarchiquement, dans laquelle le musicien, en tant qu’individu, ne jouait qu’un rôle infime. À l’issue de leur formation, les musiciens étaient loués pour faire partie de troupes (greges) engagées par les éditeurs de jeux afin de procéder à la réalisation des spectacles148. Les musiciens étaient sous la responsabilité d’un dominus gregis, le responsable de la troupe, souvent lui-même impliqué dans la représentation en tant qu’acteur. Il recrutait les membres de la troupe, selon les besoins spécifiques de chaque représentation149. Ce recrutement devait tenir compte des habitudes propres à chaque artiste : un danseur pouvait ainsi considérer qu’il serait meilleur s’il était entouré des musiciens avec lesquels il avait l’habitude de danser, qui le connaissaient mieux. Ainsi l’épitaphe de Ti. Claudius Corinthus, probable affranchi impérial, précise qu’il était un musicien de Pâris, un danseur célèbre sous Néron150. Les troupes les plus importantes bénéficiaient des services d’un locator, en charge de la négociation des contrats et de l’organisation matérielle de la représentation151. Ces derniers étaient en contact avec les entrepreneurs en spectacles, conductores ou mancipes, comme l’affranchi impérial M. Aurelius Plebeius qui avait cumulé les responsabilités dans la chaîne d’organisation des jeux152. À Rome, la période impériale a vu se mettre en place des institutions et des charges dédiées à l’organisation des jeux, dont se fait l’écho l’épigraphie amphithéâtrale rassemblée par P. Sabbatini Tumolesi153. La création d’établissements en charge de la préparation des combats de gladiateurs, comme le ludus magnus adjacent au Colisée, a peut-être aussi eu pour conséquence le recrutement de musiciens qui leur étaient rattachés de manière permanente. C’est dans ce cadre que doit être placée l’inscription d’un certain T. Avienus [- - -], peut-être cornicen rattaché à un ludus non identifié154. Ce musicien serait alors le seul que l’épigraphie rattacherait de manière pérenne à un ensemble ludique, non par un contrat ponctuel, une réalité par ailleurs plus que probable.
54Cette chaîne d’organisation complexe et bien rodée ne doit toutefois pas être considérée comme la norme pour l’ensemble des cités d’Occident. La richesse ludique de la ville de Rome avait amené au développement de cette hiérarchie particulière. Dans les cités de moindre importance, le personnel devait être moins fourni, y compris dans la hiérarchie intermédiaire. Il est possible que les inscriptions d’Italie mettant en rapport des sévirs ou des Augustales et les aenatores, qui se présentent généralement sous la forme de dédicaces réalisées par les musiciens pour ces quasi-magistrats, attestent des relations personnelles qui les unissaient155. La réalisation de jeux, en rapport avec le culte impérial, étant certainement l’obligation la plus marquante de la charge incombant à ces individus, il faut penser que c’est au moment de l’édition de ces jeux que s’étaient noués ces liens156. Ainsi, les sévirs et les Augustales étaient peut-être à ce point impliqués dans l’organisation des jeux, qu’ils négociaient directement avec les musiciens leur participation.
55En Italie, en province et plus encore à Rome, les jeux représentaient donc un débouché très important pour les musiciens. Les fameux « quatre mois de vacances » que P. Veyne accordait à la plèbe romaine pour assister aux jeux étaient en réalité les périodes durant lesquelles les musiciens trouvaient de quoi subvenir à leurs besoins157. Leur répartition dans l’année permettait là encore un revenu à peu près régulier, pour ceux du moins qui étaient bien insérés dans les réseaux de l’organisation des jeux.
2.1.3. La difficile estimation des revenus
56Si les sources permettent d’apercevoir la structure par laquelle les musiciens trouvaient une place dans le monde du travail, les revenus qu’ils en tiraient sont beaucoup moins aisément perceptibles. On peut imaginer que pour un musicien acceptant de parcourir la ville derrière les lits funèbres, cette activité était une source régulière d’entrée d’argent et pour laquelle les clients ne manquaient jamais. Le fait d’être en rapport avec un entrepreneur devait en effet garantir une régularité dans les cachets. Il ne nous est pour autant pas possible de déterminer exactement les revenus que générait cette activité, mais elle devait être un moyen de subsistance pour un certain nombre de musiciens. Ainsi, selon Ovide, la raison de l’exil volontaire des tibicines à Rome au IVe s. a.C. se trouve dans la décision de limiter à dix le nombre de ces musiciens autorisés à suivre les cortèges funéraires158. Cette restriction aurait privé de revenus une partie des tibicines et suscité l’ire de l’ensemble de ces musiciens. La lex Libitina de Pouzzoles permet cependant d’aller un petit peu plus loin dans la mesure où les prix demandés pour les prestations de certains spécialistes ont été préservés dans le texte. Ce tarif avoisinait les quatre sesterces159. Il s’agit peut-être là de la somme qu’il fallait aussi payer pour s’assurer les services d’un musicien. Cette somme était toutefois celle qu’il fallait verser au redemptor, et non au musicien s’il était lui-même en contrat de sous-traitance avec ce dernier. Ainsi, en estimant que le musicien pouvait toucher entre deux et trois sesterces pour chaque prestation, avec deux convois funéraires en moyenne par jour – mais tous ne devaient pas pouvoir se permettre de recourir à un musicien - , le revenu journalier moyen d’un de ces spécialistes de la musique funéraire pouvait être de quatre à six sesterces. Il s’agissait d’une somme relativement faible : en 70 a.C. un manouvrier gagnait environ trois sesterces par jour160. Elle situait ces musiciens dans la frange inférieure de la plèbe travailleuse sans pour autant nécessiter le qualificatif de « prolétariat musical » que leur attribue A. Bélis161.
2.2. Un statut quasi-apparitorial
57Un cas de figure particulier se dégage des situations présentées jusqu’alors et concerne une catégorie de musicien au service de la cité, les tibicines desservant les rites religieux. Le document qui témoigne de relations structurelles entre les cités et certains musiciens est la célèbre lex coloniae Genetiuae d’Vrso, en Bétique162. L’histoire du texte est assez bien établie : la gravure flavienne du document ne doit pas masquer la datation préaugustéenne du texte en lui-même, composé à partir d’un matériel républicain163. Le texte ainsi rassemblé est cohérent et structuré, organisé en rubriques, et correspond à la charte d’organisation de la colonie d’Vrso. Les tablettes de bronze ne sont pas parvenues intégralement ; par chance la première rubrique à être conservée dans sa totalité (tablette A, col. 1) est celle qui nous intéresse. Elle concerne le personnel mis à la disposition des duumuiri et des édiles de la cité164.
58Le texte énonce d’abord une liste d’apparitores fournis à chacun de ces magistrats : le terme apparitor n’est pas employé, mais le verbe apparere est gravé aux lignes 26 et 27. Chaque duumuir avait ainsi à sa disposition deux licteurs (lictores), un desservant (accensus), deux scribes (scribae), deux messagers (uiatores), un clerc (librarius), un héraut (praeco), un haruspice (haruspex), un tibicen. Les édiles, pour leur part, disposaient d’un personnel légèrement différent : chacun d’entre eux avait un scribe, quatre esclaves publics portant le limus (publici cum cincto limo), un héraut, un haruspice et un tibicen. Il est précisé que ces apparitores devaient être des hommes libres de la colonie. La durée de leur service était calquée sur celle des magistrats : ils servaient durant un an165.
59La fin de la rubrique reprend cette liste de desservants, en précisant la somme qu’ils se voyaient verser par la cité en contrepartie de leur service (merces), apportant ainsi un éclairage supplémentaire à la question des revenus. Le montant diffère selon le magistrat servi, les apparitores des duumuiri tiraient profit de la supériorité du magistrat dont ils dépendaient, sous la forme d’une somme plus importante. Ainsi les scribes des duumuiri touchaient chaque année 1200 sesterces, les accensi 700 sesterces, les licteurs 600 sesterces, les messagers 400 sesterces, les clercs 300 sesterces, les haruspices 500 sesterces, les hérauts 300 sesterces. Le tibicen n’apparaît pas dans cette liste bien que le rattachement de l’un d’entre eux aux duumuiri soit clairement précisé dans le début de la rubrique ; on ne peut qu’invoquer une malheureuse étourderie du lapicide166. La comparaison avec la liste des appariteurs des édiles permet de supposer que le tibicen touchait une somme équivalente à celle du praeco, soit 300 sesterces. En effet, parmi les apparitores édiliciens le tibicen et le héraut touchaient la même somme, 300 sesterces, tandis que le scribe gagnait 800 sesterces et l’haruspice 100 sesterces. Il est cependant possible que ce dernier salaire soit à réviser à la hausse. M.-L. Haack, suivant T. Mommsen, a en effet suggéré une erreur de gravure en ce qui concerne le salaire de l’haruspice édilicien : ne lui accorder que 100 sesterces reviendrait à le placer dans une situation de très grande infériorité dont on peine à trouver le sens167. L’étourderie du lapicide, prouvée par l’oubli du tibicen dans la liste des salaires dépendant des duumuiri, permet sans doute de justifier une modification du texte sur ce point, relevé à 500 sesterces.
60La première question qui se pose concerne la présence de ces musiciens parmi les apparitores. La raison ne semble pas douteuse : il s’agissait de permettre à ces derniers d’exercer les fonctions sacerdotales qui procédaient de leur magistrature. En tant que magistrats d’une cité de droit romain, les duumuiri et les édiles des colonies assumaient des responsabilités dans l’animation de la vie religieuse publique168. Ils procédaient aux sacrifices de la religion publique au nom de la colonie dans son ensemble169. À ce titre, un musicien leur était affecté, afin qu’ils puissent réaliser ces rites publics aussi régulièrement qu’ils le devaient.
61L’idée de hiérarchie ressort de cette longue énonciation : hiérarchie entre les desservants des deux niveaux de magistrature, mais aussi hiérarchie interne aux apparitores. Le tibicen apparaît en dernière position dans les deux cas, si l’on accepte la modification de Mommsen concernant le salaire de l’haruspice édilicien. Cette existence d’une hiérarchie entre les apparitores est par ailleurs bien acquise dans l’historiographie. Les scribes sont les appariteurs les plus prestigieux, à tel point qu’ils sont qualifiés par Cicéron de deuxième ordre de l’État170. La hiérarchie des autres apparitores, héritée de la période républicaine, est la suivante : uiatores, lictores, praecones171. Ces quatre fonctions sont celles qui sont considérées à Rome comme occupées par les seuls véritables apparitores. Cette distinction se justifie par leur organisation, réglée par la cité : les scribes, viateurs, licteurs et hérauts sont regroupés en décuries. Les magistrats en entrée de charge procédaient vraisemblablement à un tirage au sort, afin de déterminer l’affectation de chaque appariteur pour l’année172. La permanence de la décurie, par delà le changement de ses membres, par delà le roulement des affectations et des périodes sans service, permettait à chacun de ces apparitores de considérer qu’il appartenait à l’un de ces ordines qui composaient la cité173. Un ordre mineur, certes, sans commune mesure avec les deux ordres supérieurs, mais un ordre malgré tout qui distinguait ses membres du populus, masse inorganisée aux yeux de l’État174.
62À Vrso, il n’est pas fait état de décuries d’appariteurs. Pourtant, un certain nombre de musiciens était chaque année invité à participer au fonctionnement de la cité. Or il est fort probable que ces hommes étaient appelés à servir régulièrement : le rapport entre la demande en musiciens (un pour chacun des magistrats supérieurs) et l’offre devait être largement déficitaire. Ainsi, s’il n’existait théoriquement pas de décuries appointées dans lesquelles les magistrats pouvaient tirer au sort, la réalité devait être tout autre : le roulement entre les musiciens servant la cité était sans doute bien rare. À la décurie se substituait de fait un corps fermé composé des seuls musiciens disponibles dans les cités de petite taille175.
63Pour ces musiciens, le service de la cité offrait l’opportunité d’un revenu. La somme de 300 sesterces fournie par le texte de la loi fait partie des rares montants en rapport avec les musiciens qui nous soient parvenus. À ce titre, elle mérite donc d’être considérée avec une attention particulière, même si son isolement ne la rend pas aisément maniable. En prenant en considération l’ensemble des salaires donné par ce passage de la charte d’Vrso, N. Purcell concluait qu’il s’agissait de sommes conséquentes, certainement attirantes pour les citoyens176. Pour le scribe d’un duumuir, gagnant 1200 sesterces par an, cette affirmation pourrait se comprendre : il s’agissait de la solde d’un soldat légionnaire de rang sous Domitien177. Mais pour un tibicen édilicien, empochant de la cité la somme de 300 sesterces, soit moins d’un sesterce par jour ( !) on ne peut plus dire qu’il s’agissait d’une somme importante, permettant de vivre décemment. Cette extrême faiblesse des revenus, pour les apparitores inférieurs, a bien été relevée par A. T. Fear et peut être interprétée de différentes manières178.
64Le montant de cette somme était peut-être révélateur de la très faible considération de la cité pour ces individus. La somme qu’on leur allouait était sans importance car ces hommes ne valaient pas mieux. On pouvait alors s’attendre à ce que l’emploi attire des musiciens miséreux pour qui cette somme, même faible, valait mieux qu’une absence de revenu. Néanmoins, cette interprétation entraîne la question de la considération que la cité avait d’elle-même : aurait-on accepté de mettre au service des magistrats les plus importants de la communauté des miséreux, des crève-la-faim censés incarner la supériorité des magistrats sur les simples citoyens ?
65En renversant la perspective, on doit se demander ce qui pouvait attirer des citoyens dans des postes aussi mal rémunérés. À l’évidence, l’appât du gain ne devait pas être dans les motivations premières des apparitores inférieurs, contrairement à ce qu’imaginait N. Purcell. Pour que ces postes soient pourvus, il fallait qu’ils apportent à leur détenteur un intérêt autre que financier. On trouve dans la lex de XX quaestoribus, d’époque syllanienne, une piste de réponse à cette question. Ce texte introduit l’idée de la distinction par la dignité : ne pourront être installés dans les fonctions de uiator et de praeco que ceux qui en seront dignes179. Cette dignité n’est évidemment pas la même que celle attendue par la cité des magistrats eux-mêmes ou des ordres supérieurs, sénateurs et chevaliers. Il est question d’une dignité adaptée, d’une dignité proportionnelle à la fonction. Néanmoins, l’existence de ce critère suppose que les attentes, y compris morales, de la cité envers les apparitores, excédaient celles qu’elle avait envers le citoyen ordinaire. Un apparitor n’était pas un citoyen comme les autres : il avait été jugé digne d’endosser une partie, aussi infime soit-elle, de la fonction publique. Dans ces conditions, il est fort probable que la détention d’une charge de service de la cité était une motivation suffisante pour des prétendants à ces postes180. Elle signifiait un honneur, une distinction par rapport à la masse des colons qui donnait un sens à leur démarche181.
66Partant de cette idée, comment comprendre alors la somme versée malgré tout à ces serviteurs de la cité ? Bien qu’ils soient honorés par le service de la cité, les apparitores restaient à un niveau inférieur, notamment par rapport aux magistrats auxquels ils étaient rattachés. Le versement de cette solde venait rappeler à tous cette différence fondamentale entre les magistrats et les desservants mineurs. Les magistrats donnaient à la cité, de leur temps et de leur argent. Ce don asseyait leur légitimité à diriger la communauté. Au contraire, les apparitores ne donnaient pas, ils recevaient. Les esclaves publics, enfin, ne recevaient rien, mais pour des raisons évidemment différentes des magistrats. Ainsi la merces, loin d’être ce qui attirait les appariteurs dans leurs fonctions, marquait au contraire leur positionnement tant par rapport aux élites de la cité et que par rapport aux esclaves publics. Elle était un marqueur, qui venait rappeler leur position, entre ceux qui donnaient et ceux qui ne recevaient rien au sein de la cité. C’est bien cette dernière qui restait l’ordonnatrice d’un service, qu’elle déléguait à un prestataire en échange d’une somme, aussi faible soit elle, signifiant la dimension d’échange entre les deux parties. La rémunération se situait pour les desservants ailleurs que dans le registre financier.
67Pour les tibicines, la différence entre Rome et Vrso est frappante. En Bétique, les tibicines appartenaient certes à la portion inférieure de la hiérarchie des desservants de la communauté, mais ils y étaient néanmoins parfaitement insérés. À Rome au contraire, ils n’apparaissent pas en rapport clair avec le groupe des appariteurs. Ils ne sont pas organisés en décurie. Comment comprendre cette différence ? Est-ce la capitale qui représente l’exception ou au contraire la colonie espagnole ? Doit-on déduire de la lex colonia Genetiua que toutes les cités avaient des tibicines rémunérés à leur disposition ou faut-il croire en un particularisme de la cité de Bétique ?
68Si les tibicines en eux-mêmes n’ont pas été au cœur des interrogations, l’historiographie s’est néanmoins emparée du sujet, qui correspond à un questionnement plus vaste sur les rapports entre Rome et ses colonies182. Deux positions ont été adoptées, selon que l’on considère que l’insertion de desservants ne correspondant pas aux catégories d’apparitores traditionnellement connues à Rome relevait d’un particularisme d’Vrso183, ou au contraire que la charte d’Vrso ne faisait que mettre en mot une réalité existant certainement aussi ailleurs, dans les autres colonies, voire à Rome184. La lex Flauia Irnitana, concernant des municipes, ne mentionne effectivement pas les tibicines parmi les desservants de la cité. De même, elle précise que les sommes allouées aux apparitores faisaient l’objet d’un vote par le Sénat chaque année185.
69Sans prétendre que la totalité des cités, indépendamment de leur statut, devait connaître la même réalité qu’à Vrso, le rapport organique entre Rome et ses colonies incite cependant à voir dans la capitale le modèle pour l’organisation des cités coloniales186. Les arguments poussant à faire d’Vrso une exception ne sont pas convaincants : selon B. Cohen et J. F. Rodriguez Neila, l’insertion des tibicines dans la hiérarchie des apparitores à Vrso répondrait à une situation ponctuelle et ne pourrait être prise en compte pour l’ensemble des colonies. Or la raison pour laquelle un musicien était affecté de manière permanente aux magistrats ne concorde pas avec cette position : il n’y a aucune raison pour que les besoins de la cité espagnole aient différé sur ce point de ceux des autres colonies romaines. Elle paraît au contraire en être un révélateur. Il semble donc que l’on peut affirmer, à partir de la lex Genetiua, que les tibicines étaient considérés, au moins dans les cités de statut colonial, comme des apparitores.
70À Rome, ces musiciens n’étaient pas des apparitores à proprement parler. Néanmoins, la traduction épigraphique de leur service, à travers l’expression qui sacris publicis praesto sunt, peut être lue sous l’angle du mimétisme par rapport aux appariteurs. Là où ces derniers affirment qu’ils desservaient des magistrats – qui magistratibus apparent187 –, les musiciens se rattachaient aux rites. S’ils n’avaient pas de décurie pour garantir la permanence du corps, ils étaient regroupés dans un collège professionnel réservé uniquement aux musiciens desservants les sacra publica. Le choix de cette restriction peut, lui aussi, être interprété comme une imitation des apparitores188. La pérennité de l’association, dont attestent les inscriptions, constituait un repère stable dans l’identité sociale de ces musiciens en rapport avec la cité. C’est pourquoi il nous semble pouvoir dire qu’à Rome les tibicines jouissaient d’un statut quasi-apparitorial. Ils étaient à la limite inférieure du monde des apparitores, appartenant à ce que N. Purcell a joliment appelé « the fringes of the apparitores »189. Leur conduite collective, notamment épigraphique, était en partie dictée par un souci d’imitation des corps constitués que représentaient les apparitores.
71Les tibicines sont les seuls musiciens à apparaître dans la lex Genetiua Vrsonensis. Il n’y a donc que ces spécialistes qui puissent être fermement raccrochés à la catégorie des apparitores. Néanmoins, il me semble que l’on peut considérer les autres musiciens rencontrés en situation de service direct de la cité, les fidicines et les aenatores notamment, comme appartenant eux aussi à ces « fringes of the apparitores ». Ce raisonnement est particulièrement approprié pour les aenatores de Rome, du moins à partir de leur inscription sur les listes des bénéficiaires du blé public190. Ils y trouvaient une forme de rémunération symbolique assez proche de celle des tibicines d’Vrso. Cependant il est possible que, à l’image des scribes, certains d’entre eux aient acheté leur position, car elle leur procurait des avantages qui n’étaient pas uniquement financiers. Le service musical de la cité, encadré par la loi, insérait ces musiciens dans les marges inférieures des apparitores, une situation déjà enviable pour certains.
72Vitruve n’était pas un musicien. Pourtant son exemple peut être invoqué en guise de conclusion. Les architectes ne faisaient pas partie des apparitores, du moins pas si l’on s’en tient aux ordines officiellement reconnus par l’existence d’une décurie. Vitruve avait cependant reçu de la part d’Auguste, sur demande de sa sœur Octavie, une pension (commoda), dont on ignore le montant mais qui, au dire même de son bénéficiaire, lui permettait de ne plus occuper son esprit à de vaines craintes matérielles. Ces émoluments lui avaient initialement été octroyés en échange d’une charge : il s’agissait de veiller à la fourniture et l’entretien des balistes, scorpions et autres machines de jet191. Sur ces bases il est désormais admis, depuis la démonstration de P. Gros, que Vitruve peut être accepté parmi les apparitores : il était, lui aussi, un quasi-apparitor192. À deux reprises, dans le premier livre du De Architectura puis dans la préface au sixième livre, Vitruve précise ce qui l’a amené vers l’architecture et ce vers quoi doit tendre l’architecte : il s’agit de préserver sa bonne réputation (bona fama), quitte à se condamner à la pauvreté, plutôt que de chercher à amasser des richesses sans morale193.
73Le rapport entre les deux passages peut être éclairant, comme le suggère M. Materson : l’acceptation d’une charge d’apparitor était un moyen de préserver sa bonne réputation194. Par la fréquentation des grands de la cité, quelle que soit cette dernière, celui qui réussissait à obtenir une de ces petites responsabilités municipales voyait s’accroître son capital symbolique. De même, les musiciens qui réalisaient leurs prestations musicales dans un cadre légal contractuel par la cité trouvaient en elle une source de prestige et d’amélioration sociale.
74L’énonciation de cette réalité appelle toutefois un autre questionnement. Dans quelle mesure ces postes attiraient-ils des candidats justement en raison des avantages qu’ils conféraient ? Peut-on déterminer s’ils ne représentaient pas une position enviable pour des hommes dont la musique n’était pas la spécialité, mais qui auraient souhaité en retirer des bénéfices ? En d’autres termes, les musiciens étaient-ils véritablement des musiciens où n’avaient-ils de musicien que le nom ? C’est sur la question de l’expertise musicale qu’il faut désormais se pencher.
3. Des musiciens professionnels ?
75Ainsi formulée, et à ce moment avancé du raisonnement, l’interrogation pourrait paraître provocatrice : le fait que les musiciens soient des professionnels s’impose comme une évidence dans l’historiographie et a été posé comme fondement de ce travail195. Cette question prend toutefois un relief particulier avec la problématique du service de la cité.
3.1. Artisans et artistes
3.1.1. Métier et définition de soi
76Sur les 257 notices du CMC, la moitié (124) correspond à des inscriptions funéraires. Dans leur écrasante majorité, ces textes ont un formulaire très simple, indiquant le nom du défunt, son activité, parfois son âge, puis le(s) responsable(s) de l’inscription. La simplicité de ces textes exclut l’idée selon laquelle la mention d’une activité musicale pourrait apparaître comme la référence à un passe-temps. Les informations transmises sont réduites à l’essentiel, pour former ce que S. Joshel définit comme des « occupational titles », des titres professionnels196. Lorsque M. Fuficius Eros précise, dans l’inscription qu’il fait réaliser pour sa compagne d’affranchissement Fuficia Charis, qu’il était cuisinier, on ne se demande pas s’il exprimait, par le mot cocus, sa passion pour la cuisine où le métier qu’il exerçait197. De même, un tibicen ou un cornicen, n’explicite pas son goût pour la tibia ou le cornu, il se définit en tant qu’homme de métier. Que ces textes de peu de mots indiquent l’activité des hommes et des femmes qu’ils concernent est révélateur de l’importance que cette activité tenait dans la définition de leur être social198. Ils sont des hommes de métier, vouant l’essentiel de leur temps à l’exercice de leur profession.
77On a vu que les termes servant à désigner ces professions sont, dans leur majorité, formés à partir du nom des instruments. Les musiciens sont des spécialistes : une seule lettre sépare le tibicen du tubicen, mais l’un comme l’autre aurait été bien en mal d’émettre quelque son que ce soit sur l’instrument de son collègue. On ne peut s’improviser musicien car il s’agit, hier comme aujourd’hui d’un exercice difficile : il ne suffit pas de posséder une cithare pour être citharède, comme l’écrivait Varron199.
78L’iconographie représente la difficulté de l’exercice, notamment pour le jeu de la tibia, qui nécessitait une maîtrise de la colonne d’air, de la technique respiratoire et de la pression labiale. Le corps du tibicen est marqué par cette difficulté : lorsqu’il souffle, ses joues sont terriblement gonflées et, sur le relief de l’autel du uicus Aesculeti, son regard est tendu par la concentration et l’effort200. Afin de réussir leurs prestations, certains de ces musiciens recourraient même à des accessoires spécifiques, comme la phorbeia, une double lanière entourant la tête du musicien, enserrant ses joues afin de l’aider à concentrer le débit d’air s’échappant de ses lèvres201. Cette difficulté qu’il y avait à jouer de la tibia est inscrite dans le mythe de création de l’instrument. Minerve, qui aurait été la première à creuser et percer une tige de bois afin d’en tirer des sons modulables, aurait jeté son instrument à terre après avoir aperçu dans une flaque d’eau sa tête totalement déformée par l’effort202. Néron lui-même, pourtant musicien éclairé, prêt à tous les sacrifices pour améliorer son art, aurait refusé de pratiquer la tibia afin de ne pas connaître la déformation de son visage. Et encore, les tibicines n’étaient-ils pas considérés comme les plus experts des musiciens. Les cordophones étaient les instruments les plus difficiles à jouer, même s’ils impliquaient un moindre engagement corporel. Les joueurs de cithare étaient donc perçus comme les musiciens les plus brillants et méritants203. Cette hiérarchie est exprimée par Cicéron, pour qui certains joueurs d’aulos (tibia) avaient choisi cette spécialité car ils n’étaient pas assez bons pour devenir citharède : « On dit de certains artistes (artificibus) grecs que, s’ils sont aulètes, c’est faute d’avoir pu devenir citharèdes »204.
79Ainsi, être musicien supposait avant toute chose la maîtrise d’une technique, intimement liée à leur instrument de spécialité. Ils étaient les détenteurs d’une ars ; il s’agit là d’une caractéristique qu’ils ne partageaient qu’avec leurs seuls collègues spécialistes du même instrument205. Le terme utilisé par Cicéron est important car il situe les musiciens dans une catégorie particulière de la société romaine : ils étaient des artifices206. Les musiciens professionnels faisaient donc partie de ces « parents honteux de la société », pour reprendre l’expression de J.-P. Morel, honteux au moins autant dans l’historiographie contemporaine que dans les sources anciennes, un phénomène sur lequel il faudra revenir207.
3.1.2. La question de l’apprentissage
80Afin d’acquérir leur technique, les musiciens devaient passer par une phase d’apprentissage, période de formation caractéristique des métiers de l’artisanat qui a déjà fait l’objet de bien des études208. Les sources littéraires ont conservé la trace d’un certain nombre d’écoles de musique dans lesquelles cette formation avait lieu209. Si l’on en croit Sénèque, les écoles de danse et de chant pullulaient à Rome210. Dès l’époque de Cicéron, il était possible d’apprendre l’art de la tibia et de la lyre211. Ces écoles pouvaient accueillir les hommes libres qui souhaitaient apprendre un métier, comme le fils de Lupus, l’ami de Martial, à qui ce dernier conseille de devenir choraules s’il veut s’enrichir, mais aussi les esclaves à qui les maîtres souhaitaient donner cette formation212. Ces maîtres de musique étaient, comme il se doit, désignés en latin par le terme magister213. Dans le cas des joueurs de tuba et de cornu, il est possible que certains de ceux que l’on rencontre dans les cités aient préalablement servi dans l’armée. Ils pouvaient, une fois reçue l’honesta missio, mettre les connaissances techniques acquises en tant que soldat au service de nouvelles fonctions civiles. Il n’en reste pas moins étonnant qu’aucun des tubicines et cornicines rencontré en contexte civil ne mentionne un passé militaire214. Il faut donc supposer qu’il y avait aussi des maîtres auprès de qui l’on pouvait apprendre à manier la tuba et le cornu.
81L’Occident latin n’a pas conservé de document équivalent au contrat de formation d’un jeune esclave, futur aulète, rédigé sur un papyrus de Busiris, près d’Alexandrie215. Ce texte, datant de 13 a.C., précise que le maître de musique devait enseigner au jeune homme plusieurs mélodies ainsi que l’art de l’accompagnement. La durée du contrat était d’un an et son montant de 100 drachmes, payables en deux versements. Trois spécialistes étaient chargés de la vérification du bon accomplissement de l’apprentissage à l’issue de l’année de formation.
82Bien qu’elles soient moins riches que ce document, certaines inscriptions latines offrent des traces de cet apprentissage nécessaire à l’acquisition de la technique musicale. Le terme magister apparaît sur l’inscription d’un chanteur rattaché au temple de Minerua medica : Cn. Vergilius Epaphroditus était magister odararius216. L’expression peut être interprétée de diverses manières217. Elle peut suggérer que le temple disposait de plusieurs chanteurs, dont Vergilius Epaphroditus était, par ancienneté ou par valeur, le responsable hiérarchique. L’utilisation de magister se rapprocherait alors de celle qui en est faite en contexte associatif. Mais il est possible également que, pour les mêmes raisons, Vergilius Epaphroditus ait été chargé de la formation des jeunes chanteurs, magister étant alors à comprendre dans un sens pédagogique. Une autre inscription romaine, concernant deux chanteurs, doit être questionnée dans la même perspective. Aurelius Augurinus se désigne comme l’alumnus de M. Aurelius Secundinus, hymnologus du temple de Magna Mater sur le Palatin218. Une fois encore le terme est ambigu puisqu’il peut aussi bien désigner un enfant adopté qu’un disciple. L’inscription d’un collègue d’Aurelius Secundinus permet peut-être toutefois de trancher l’ambiguïté. Ti. Claudius Velox était lui aussi hymnologus de Cybèle219. Son monument funéraire a été réalisé par son affranchi, portant le nom d’Amerimnus. Ce nom, composé d’hymnus et d’un dérivé de amare, que l’on pourrait traduire par « celui qui aime l’hymne », peut encore une fois laisser penser que la relation entre des deux hommes était doublée d’une dimension de transmission de la connaissance musicale.
83Dans ce dernier cas, Claudius Velox était le patron d’Amerimnus. Dans le domaine de l’artisanat, il était fréquent qu’un esclave, utilisé dans un premier temps comme aide par son maître, en apprenne l’ars et en devienne à son tour un spécialiste220. On peut émettre l’hypothèse qu’il en était ainsi pour Ti. Claudius Ingenuus, musicarius dont les affranchis ont fait réaliser le monument funéraire221, C. Caesius, tubicen patron d’au moins trois affranchis222 et L. Cossonius Sabinianus, fistulator et patron de Cossonius Florus223.
84Néanmoins la transmission la plus simple restait celle opérée de père en fils224. Quelques inscriptions ouvrent la possibilité d’un tel apprentissage en famille. L. Salvidienus Secundus a ainsi fait placer les restes de son fils dans le columbarium du collège des scabillarii de Rome, dont il était lui-même membre, de la deuxième décurie225. Il est possible que ce droit lui ait été accordé justement en raison de son appartenance au collège, mais on ne peut écarter l’idée selon laquelle le défunt, âgé de 22 ans, avait repris le scabellum paternel. On retrouve exactement le même schéma pour M. Ofanius Aristionis, membre de la seizième décurie, et son fils M. Ofanius Primus226. Enfin, il est possible que Ti. Iulius Tyrannus ait aussi transmis ses connaissances musicales à son fils du même nom227.
85Les signes que l’épigraphie nous a transmis sont donc ténus, mais ils laissent entrapercevoir cet apprentissage de la technique, nécessaire à toute pratique musicale. L’apprentissage concernait des hommes jeunes, et il est possible que les inscriptions relatives aux moins âgés des musiciens correspondent en réalité à des apprentis en cours de formation228. Quoi qu’il en soit, au terme de son apprentissage, lorsqu’il avait acquis les contraintes techniques nécessaires à la maîtrise de l’instrument, le musicien devenait un artifex accompli, doué de ses capacités techniques propres aux hommes de métier.
3.1.3. Les musiciens, des collègues modèles
86Le regroupement des hommes des cités dans des associations, dont le critère de recrutement était une pratique professionnelle distincte, est un phénomène social marquant du Haut-Empire. Dire que les musiciens y ont participé relève de l’euphémisme : 141 des 257 notices du CMC concernent un collegiatus ou l’une de ces associations. Les musiciens, quel que soit l’instrument qu’ils pratiquaient, ont donc participé pleinement au développement du phénomène associatif. Si Rome et les cités d’Italie sont les seuls espaces qui en ont conservé la trace, la constitution d’associations professionnelles est une réalité qu’ont aussi dû connaître les cités des provinces d’Occident229.
87Une étude de ces associations de musiciens révèle leur parfaite adaptation aux critères généraux qui ont été relevés quant à ce type de structure : les musiciens sont des collegiati modèles230. Ainsi, le terme qui permet de désigner les structures associatives des musiciens est avant tout celui de collegium231. Leurs membres sont parfois désignés par le mot socius, comme sur un fragment d’architrave correspondant probablement à la schola des tibicines de Pouzzoles232 ou encore sur une inscription provenant de la même cité, mais relative aux scabillarii233. Pour ces derniers, la même association apparaît toutefois sous la dénomination collegium dans deux autres inscriptions de formulation quasiment identiques et découvertes dans le même espace, ce qui rend indiscutable l’identification entre les deux structures : les membres de l’association des scabillarii de Pouzzoles pouvaient être désignés indifféremment comme des collegae ou des socii234. Le terme synhodus, que l’on rencontre à propos des joueurs d’instruments à cordes, la synhodus magna psaltum de Rome, trouve un parallèle dans une inscription de l’association des chanteurs grecs : societatis cantorum graecorum et quei in hac synhodos sunt de pequnia comune235. Synhodus, qui fait écho aux associations cultuelles des cités grecques, était un terme utilisé essentiellement par les regroupements d’athlètes et d’artistes dramatiques, mais rien ne semble s’opposer, dans le cas de joueurs d’instruments à cordes, à ce que l’on en fasse un synonyme de collège professionnel. En effet, ses membres étaient réunis sur la base de leur pratique musicale commune et son organisation administrative, avec ses magistri et decurioni, correspond au vocabulaire caractéristique des associations professionnelles236. Enfin, il arrive régulièrement que l’existence d’une association ne soit introduite par aucun terme particulier : la simple mention de la profession, au nominatif pluriel, permet de déduire l’existence d’une structure d’encadrement collectif. C’est ainsi le cas pour les tibicines à Préneste et à Rome237, les scabillarii attestés en Italie centrale par des inscriptions de Corfinio, Spolète et Trévi238, Pouzzoles239 et Pompéi240, ainsi que les aenatores de Rome241. Une fois encore cette absence de terme spécifique n’est ni problématique ni particulière aux musiciens.
88Les inscriptions relatives à ces collèges de musiciens donnent un aperçu de leur organisation interne. À l’instar de ce que les chercheurs ont mis en avant depuis les travaux de J.-P. Waltzing, les structures associatives utilisent pour l’essentiel le vocabulaire institutionnel des cités et appliquent les principes d’organisation de la res publica242. Ils ont ainsi à leur tête des magistrats. Ces derniers apparaissent dans les sources en tant que responsables de la réalisation des inscriptions ou des monuments qu’ils font bâtir au nom du collège, comme c’est le cas pour les joueurs de lyre et de cithare de la synhodus magna psaltum de Rome ou les tibicines de Bénévent243. Ces responsables sont généralement élus pour cinq ans, ce qui leur vaut le qualificatif de magistri quinquennales244 ou, plus simplement, de quinquennalis245. Certains reçoivent des honneurs spéciaux, comme Abuccius Asclas, quinquennalis perpetuus du collège des scabillarii de Rome246. Cette distinction hiérarchique entre les membres est complétée, pour les collèges de musiciens les plus peuplés, par un autre grade, inférieur aux responsables quinquennaux : celui de curator. L’inscription de la synhodus magna psaltum livre en tout le nom de 31 membres de l’époque augustéenne : trois magistri, Q. Magulnius Eudoxus, C. Clodius Synistor et D. Nonius Corcodilus, et un curator, M. Licinius Mena247. Ce dernier est mentionné en tête de l’inscription : alors qu’il était curator pour la seconde fois, il a pris en charge sur ses propres deniers la réfection de la sépulture collective de l’association248. Dans les collèges disposant d’une sépulture collective, les curateurs avaient une responsabilité dans l’attribution des espaces funéraires, comme en témoignent les vestiges du columbarium des scabillarii de Rome, découverts à proximité de la Porta Maggiore : les inscriptions funéraires sont réalisées après autorisation des curatores249. Enfin l’inscription d’un collège d’aenatores à Brescia fait probablement référence à un actor, c’est-à-dire un gestionnaire financier250. Les inscriptions des collèges de musiciens ne permettent cependant pas d’aller plus loin dans les échelons inférieurs de la structure associative, soit qu’ils n’aient pas existé en raison de la faible taille de certaines organisations, soit que les documents n’aient pas survécu au temps. Elles laissent en revanche apparaître des distinctions honorifiques ponctuelles accordées à des individus en vertu de leurs actions ou donations en faveur de l’association, tel T. Iulius Tyrannus, immunis perpetuus du collège des tibicines Romani d’après une base datant de 102251. Ses actions passées en faveur du collège, dont la nature exacte nous échappe, l’avaient dispensé de toute nouvelle contribution financière à son égard.
89Les simples membres de ces associations en formaient le populus. On ne trouve pas de mention de ce terme dans l’épigraphique collégiale des musiciens : les membres sans grade sont collegae. Pour autant, cet ensemble d’individus ne constituait pas un corps inorganisé. Les plus grands collèges témoignent d’une division en décuries : celui des scabillarii de Rome comprenait au moins seize décuries252. À Spoletium et à Trebiae, ces mêmes musiciens étaient organisés en au moins quatre décuries253. À l’inverse, le collège des tibicines Romani n’a pas laissé de trace d’une répartition de ses membres en décuries. Il semble toutefois légitime de supposer l’existence d’une telle division pour les tibicines de la capitale, étant donnée l’importance du nombre de membres que ce collège devait comporter. Si l’on ne peut parvenir à une estimation chiffrée, même grossière, le fait qu’à la fin du Ier siècle avant notre ère ce collège avait à sa tête dix magistrats laisse à penser que sa population totale devait être conséquente254. Le texte de l’inscription de la synhodus magna psaltum, tel qu’il est habituellement développé, conduit à supposer que ce collège était composé d’au moins 31 décuries255. S’il est impossible de connaître le nombre exact de membres inscrits dans chaque décurie, le chiffre de dix n’étant en rien systématique, il semble improbable qu’une décurie ne soit pas constituée d’au moins trois à cinq individus, sans quoi son existence serait vaine256. Ainsi ce collège aurait été composé au minimum d’une centaine d’individus et potentiellement beaucoup plus. La pratique de la scène et des cultes de la Rome augustéenne ne rend pas impossible un tel chiffre, mais elle ne permet pas d’exclure non plus une lecture moins extraordinaire quant au nombre de joueurs de lyre et de cithare, peut-être plus en accord avec la réalité de la pratique. En effet, les noms des magistrats qui ont fait réaliser l’inscription et le monument la supportant sont répétés à la fin du texte, parmi les decuriones, laissant ainsi penser qu’ils ont choisi de montrer non seulement leur grade de magistrats, mais aussi leur appartenance à l’association en tant que simples membres. Dans ce cas, le terme decurio que l’on trouve en début d’inscription marquerait uniquement l’appartenance à une décurie et non un honneur collégial257. On pourrait tout aussi bien, dans ces conditions, supposer que l’abréviation DEC devrait être développée en dec (uriales), sans que le sens ne s’en trouve bouleversé. C’est, en tout cas, cette solution qui doit être adoptée pour le développement de l’inscription d’un autre musicien, membre du collège des fidicines de Rome à la fin du IIe siècle : T. Aurelius Clitus n’avait certainement pas eu le temps, à l’âge de huit ans, de recevoir l’honneur du décurionat258. Il pouvait en revanche être simple membre d’une décurie.
90Les raisons de la constitution de ces associations, pour autant qu’on puisse les cerner, se rapprochent elles aussi de ce qui a par ailleurs été souligné pour d’autres métiers. Bon nombre de ces collèges disposaient de chambres funéraires collectives permettant à leurs membres de bénéficier d’une sépulture correcte : c’est le cas à Rome des tibicines259, des symphoniaci260, des scabillarii261, des cantores graeci262, des joueurs de lyre et de cithare263 et, peut-être, des fidicines264 et de l’hypothétique collège des cornicines et liticines265. Il est possible que les tibicines de Bénévent aient eux aussi possédé un tel tombeau, mais le contexte de découverte de l’inscription ne permet pas de l’affirmer avec certitude266. Bien qu’il ne s’agisse pas de collèges funéraires à proprement parler, la possibilité de fournir à leurs membres une sépulture faisait partie des raisons expliquant l’importance du développement des associations.
91Cependant, ces hommes n’attendaient pas d’être morts pour passer du temps ensemble, et c’est de leur vivant qu’ils bénéficiaient des effets réjouissants de la sociabilité associative. L’existence d’un local pour l’association, la schola, permettait la tenue de réunion durant lesquelles les membres éprouvaient le plaisir de la vie en communauté. Ainsi les tibicines de Pouzzoles disposaient d’un espace de grande taille (30x50 m.), richement décoré, dans lequel les musiciens devaient apprécier de se réunir267. De même, les aenatores de Brixia partageaient avec les praecones de la cité un bâtiment à double péristyle, avec colonnades et nymphée268.
92Rien, dans l’épigraphie des musiciens, ne distingue donc leurs collèges des autres associations professionnelles : buts, organisation, hiérarchie et répartition de leur population sont semblables aux structures de même type que l’on rencontre à Rome et dans les provinces. Une telle constatation semble bien plate. Elle n’en est pas moins un signe particulièrement fort de la nature professionnelle de la pratique musicale. Cette similarité entre les collegia de musiciens et des autres artisans place de manière évidente les tibicines, scabillarii et autres aenatores dans le groupe des professionnels, pour qui la maîtrise d’un instrument ne relevait pas d’un passe-temps, d’une pratique culturelle sociologiquement imposée, mais bien de l’exercice d’un métier.
93Il fallait, pour pouvoir pratiquer la musique et espérer en tirer une rémunération suffisante, suivre un apprentissage. Cette période donnait au musicien la maîtrise de son instrument. Il pouvait dès lors proposer ses services à divers commanditaires. Il devenait un professionnel de la musique et s’insérait ainsi dans une communauté que concrétisait son appartenance à une structure associative.
3.2. Technique, service et sinécure
94À partir de cet approfondissement de la définition des musiciens professionnels romains, on est en mesure d’apporter une réponse au questionnement initial sur les hommes en position de service de la cité. En effet, la seule manière de penser que les hommes jouant pour la cité n’étaient pas des gens de métier reviendrait à croire qu’ils ne jouaient pas vraiment – ils tenaient simplement les instruments –, ou que la réalité de leur jeu n’importait pas – ils parvenaient à tirer des sons de leurs instruments, mais d’une qualité qui ne pouvait atteindre celle d’hommes de métier, formés et entraînés pour le jeu –. Une telle dissociation entre l’instrument et sa pratique est difficilement envisageable au vu de l’utilité concrète de la musique.
3.2.1. La nécessité d’un jeu réel ?
95Il n’est pas question de faire porter un tel questionnement sur toutes les situations de jeu musical. On ne peut, ainsi, révoquer en doute la réalité du jeu des musiciens de la scène : les danseurs, acteurs et spectateurs avaient besoin de musiciens sachant jouer et non de simples figurants brandissant leur instrument, scène par ailleurs pour le moins assez cocasse à imaginer. De même, les musiciens de l’arène devaient pouvoir jouer réellement afin d’accompagner les luttes et les compétitions. Là encore, il serait tout à fait improbable de supposer que ces hommes n’aient pas au préalable reçu de formation leur permettant de jouer d’une manière plaisante et efficace.
96En réalité, les seules situations pour lesquelles la question se pose sont celles dans lesquelles la notion de service de la cité aurait pu l’emporter sur la réalité ou la qualité de la pratique artisanale. Ces situations ont été mises en avant dans la partie précédente : il s’agit de l’appel des citoyens aux réunions publiques, ainsi que de la participation aux rites de la religion publique. Or, dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas possible que la présence des musiciens n’ait été que symbolique. Pour que l’appel des citoyens aux comices centuriates et aux contiones judiciaires soit efficace, il fallait qu’il soit réalisé par des hommes maîtrisant la technique du cornu. Le cornicen devait donner la pleine puissance de son instrument afin que la Ville dans son ensemble soit avertie de la tenue prochaine des assemblées. Le fait qu’une partie des différentes phases d’appel eût lieu de nuit rend tout à fait improbable l’hypothèse de la présence symbolique d’un musicien aux côtés du praeco : le musicien n’était pas là pour être vu, mais bien pour être entendu269. Son jeu devait donc être puissant et adapté à la situation, sans quoi sa présence n’aurait pas eu de sens.
97On pourrait avoir plus de doute en ce qui concerne les musiciens préposés aux sacra, que ce soient les tibicines et les fidicines qui sacris publicis praesto sunt de Rome, ou les tibicines appariteurs d’Vrso. En effet, le rôle des musiciens n’était pas d’enjoliver le rite, mais bien de protéger le sacrifiant des sons extérieurs qui risquaient de le perturber dans l’accomplissement du sacrifice270. S’il s’agissait de ne faire que du bruit, et non de la musique, n’importe quel citoyen sachant tirer quelques sons disgracieux d’une tibia ne pouvait-il faire l’affaire ? Il nous est permis d’en douter.
98En effet, si, à notre connaissance, aucun texte ne fait état d’une esthétique musicale rituelle, il ressort clairement d’un certain nombre de passages que les divinités en l’honneur de qui les sacrifices étaient réalisés devaient être satisfaites et réjouies par la prestation du musicien. Horace apaise ainsi Vénus en lui vantant les douceurs du sacrifice : elle ne saurait manquer d’être charmée par les chants mêlés de la tibia et de la lyre271. Pour Censorin, il est évident que la musique rituelle doit plaire aux dieux : les musiciens ne seraient pas à leur place dans les célébrations si tel n’était pas le cas272. Macrobe, quant à lui, narre la gêne de Sammonicus Serenus, invité à un repas dans lequel un esturgeon fut amené à table avec une magnificence musicale digne de plaire à une divinité273. Stace, enfin, apporte une précision technique importante : toutes les musiques sacrificielles n’étaient pas entonnées sur le même mode274. Aurait-on pu attendre d’un amateur qu’il maîtrise ainsi les subtilités du jeu d’un instrument ? La cité pouvait-elle accepter que la musique censée charmer les dieux soit laissée à des amateurs alors que certains de ses membres faisaient de cette pratique leur métier ? Alors que la musique participait à l’harmonie du monde, comment penser que l’on ait pu confier la responsabilité de charmer les dieux à des hommes qui n’en auraient pas eu la capacité technique275 ? Les musiciens au service des sacra, ceux que la cité d’Vrso salariait comme des apparitores étaient donc des hommes de métier qui faisaient le choix de jouer pour la cité.
3.2.2. Spécialistes et serviteurs
99Les conséquences de cette constatation sont importantes en ce qui concerne la considération sociale des musiciens. Les tibicines qui desservaient l’administration d’une cité, à quelque niveau que ce soit, avaient la possibilité de mettre directement leurs compétences techniques au service de leur communauté. En ceci, ils correspondaient à un cas particulier par rapport aux catégories d’apparitores traditionnels. Pour être licteur, viateur ou héraut, il n’était pas besoin de connaissances particulières ; ces charges pouvaient être occupées par n’importe quel citoyen qui répondait à des exigences minimales de dignité276. Les inscriptions de ce genre d’apparitores témoignent effectivement de la pluralité des métiers exercés par leur détenteur : D. Caecilius Abascantus, lictor curiatus, travaillait par ailleurs au commerce de l’huile d’olive, tandis que M. Sutorius Pamphilus, lictor curiatus sacris publicis populi Romani était aussi membre du collège des ouvriers du métal277. De même on trouve chez les uiatores de Rome un banquier (argentarius), un spécialiste des perles (margaritarius) et un marchand d’habits en tissu fin (uestiarius tenuiaius)278. Aucun musicien ne précise l’exercice d’un autre métier, une caractéristique qui se comprend bien étant donné les circonstances : c’est justement par les compétences techniques nécessitées par l’exercice de son métier que le musicien pouvait se trouver en position de servir la cité. La nécessité d’exercer un autre métier ne se faisait donc pas sentir pour ces musiciens, qui trouvaient dans leur pratique professionnelle habituelle de quoi subvenir à leurs besoins. Ainsi, la somme de 300 sesterces mentionnée par la charte d’Vrso doit-elle être conçue, pour les tibicines qui en jouissaient, comme un complément de revenu. L’essentiel de leurs ressources devait provenir des prestations qu’ils donnaient en dehors des sacrifices réalisés par les duumviri et les édiles de la colonie.
100En définitive, ces musiciens se trouvaient dans une situation intermédiaire peu commune : ils avaient la possibilité de se servir de leur propre ars, pour rehausser leur position sociale, alors même que c’est à cette dernière qu’ils devaient leur déconsidération. Ce rapport à l’ars les différenciait aussi bien des autres hommes de métier, pour qui leur maîtrise d’une technique n’était pas utile pour l’acquisition d’une dignité par le service civique, que des apparitores qui pouvaient à l’inverse se servir de la dignité acquise grâce à leur fonction pour exercer par la suite une activité synonyme de revenus supplémentaires, comme c’est le cas du scribe des édiles curules qui se qualifie aussi de iuris prudens dans l’inscription qui sert de point de départ à un article récent de J.-M. David279. Le jeu de ces musiciens participant à la vie de la cité se trouvait ainsi à la confluence de l’artisanat et du service civique, dans une position sociale contrastée.
* ***
101L’objectif de ce chapitre était d’opérer un changement de regard : il s’agissait de quitter la description des prestations musicales, permise par les sources littéraires, pour entrer dans l’analyse concrète des textes épigraphiques. On passait ainsi de la prestation au praticien, de la musique au musicien. Si la description des pratiques avait conduit à une catégorisation fonctionnelle, suivant la nature de la prestation (ludique, sacrificielle, civique…), la prise en compte des inscriptions aboutit à une approche moins systématique, plus nuancée. Derrière la notion de service, que l’on peut appliquer aussi bien au musicien servant ponctuellement la cité par sa participation à une pompa qu’à celui consacrant l’essentiel de ses activités à la communauté politique, se dessine un camaïeu de situations. La traduction dans l’épigraphie du service musical de la cité prend des formes diverses, de l’appartenance pure et simple d’un musicien à une communauté politique, à la mise en place d’une relation contractuelle en vue de l’accomplissement d’une prestation. La notion d’utilité publique transcende les catégories fonctionnelles, dans la mesure où elle pouvait s’appliquer aussi bien aux musiciens des sacra qu’à des musiciens du théâtre (scabillarii).
102Dans ces conditions, deux cas de figures ressortent de la documentation envisagée. Dans le premier, les musiciens animent la vie de la cité. Il s’agit essentiellement des musiciens des jeux, du théâtre et de l’amphithéâtre. Ces musiciens servent la cité par une relation ponctuelle. Ils ne sont pas engagés sur le long terme. Ils réalisent un service pour la cité. Dans le second cas, les musiciens exercent une partie de la puissance publique, que la cité leur concède en délégation. Le cornicen appelant aux comices se fait la voix du magistrat qui les convoque. Le tibicen assistant à un sacrifice de la religion publique participe à l’accomplissement de la relation entre les divinités et la cité. Ces musiciens réalisent alors le service de la cité.
103La considération sociale reçue en échange de ces deux catégories de prestation n’était pas la même. On peut en effet considérer que les tibicines et les aenatores, à partir d’une certaine époque pour ces derniers, faisaient partie des desservants mineurs de l’État, des quasi apparitores. En tant que détenteurs d’une partie, même infime, de la puissance publique, les musiciens qui participaient au service de la cité bénéficiaient d’une considération sociale améliorée. Ils trouvaient alors la possibilité de transcender leur condition sociale d’hommes de métier en mettant leurs compétences techniques au service de leur communauté. Pour ces derniers, la pratique de la musique était donc tout autant synonyme de métier que d’amélioration de leur insertion dans la hiérarchie de la cité.
Notes de bas de page
2 Sur l’organisation concrète de la pratique musicale, cf. infra 1.2.
3 CMC 075.
4 Buonocore 2002, p. 640, qui ne donne malheureusement pas de reproduction de ce monument : il faut le croire sur parole quant à la description du monument.
5 Pour l’identification des différents acteurs du culte de Magna Mater et l’organisation des rites on se reportera en dernier lieu à Van Haeperen 2011, ainsi qu’à Van Haeperen 2014 concernant le personnel féminin (prêtresses exclusivement). Le culte de Cybèle était public depuis 204 a.C. et son importance fut accrue sous les règnes de Claude et d’Antonin.
6 CMC 076.
7 CMC 218.
8 La cité de Trebula Ballinensis est mentionnée entre autres par Tite Live, Histoire romaine, 23, 39, 6. Elle est située à quelques kilomètres de Bénévent.
9 CMC 228.
10 CMC 063.
11 Voir les références aux inscriptions des sacerdotes publici dans le fil du commentaire de CMC 228.
12 CMC 059.
13 Respectivement CMC 032 et 036.
14 Respectivement CMC 209 et 095.
15 Tite Live, Histoire romaine, 5, 1.
16 CMC 057 ; Wooton 2004, p. 244. C’est peut-être aussi le cas de Ti. Claudius Ingenuus qui, malgré son cognomen, n’était pas nécessairement un ingénu (CMC 060).
17 CMC 061.
18 CMC 032 et 036.
19 CMC 059. Voir le commentaire de cette inscription pour l’utilisation du terme campus dans la topographie du culte métroaque, ainsi que l’identification de cet espace de culte précis avec la basilica Hilariana.
20 Respectivement CMC 084 et 086.
21 CMC 101.
22 Voir le commentaire de l’inscription mentionnée supra, ainsi que Faure, Tran 2013, p. 97-99, à propos de l’autel taurobolique de la place des Ormeaux aujourd’hui au musée de Valence, CIL, XII, 1745.
23 CMC 010, l’inscription est réapparue au XVIe s. à Tain L’Hermitage, mais il est plus que probable que son emplacement d’origine ait été sur le territoire de Lugdunum.
24 CMC 094 et 116.
25 Je suis en cela la lecture de l’interprétation de Bruun 1996, qui suggère notamment de voir dans la précision ubique une abréviation pour hic et ubique, expression fréquente dans les graffiti, pour interpeller le lecteur et, souvent, lui souhaiter bonne chance. Elle invalide la position de R. Benz, Unfreie Menschen als Musiker und Schauspieler in der Römischen Welt, Tübingen, 1961, p. 40, dans une thèse non publiée que je n’ai pu me procurer, mais dont Leppin 1992, p. 316 se fait écho. R. Benz pensait alors que Eucaerus était un musicien des rues, mais jouant plus particulièrement devant le temple de Mater Matuta.
26 Bruun 1996, p. 221. Cette inscription est la seule qui porte à notre connaissance l’existence d’un temple de Mater Matuta dans la sixième région, Alta Semita.
27 CMC 223.
28 CMC 076, 191, 218.
29 CMC 232.
30 CMC 199.
31 Ainsi, par exemple, de Nicarin, hymnetria a sacris d’un culte inconnu, CMC 150.
32 CMC 071, 129, 146, 169, 170, 176, 200, 231, 235 pour le sanctuaire de Fortuna Primigenia et CMC 048, 203, 257 pour celui de Diane à Nemi.
33 Degrassi 1971.
34 Granino Cecere 2000.
35 Les inscriptions des fidicines et des cantores sont fortement dégradées. La base sur laquelle est gravée l’inscription des tibicines est bien préservée, si ce n’est la partie inférieure droite. On peut toutefois penser que le monument est entier et le texte intégral.
36 Vendries 1999, p. 197-214 et supra, chap. 2, rubrique 2.2.2. L’inscription de Nemi est le plus ancien texte à témoigner d’un rôle des fidicines dans les cultes en Italie.
37 CMC 002, 014, 015, 028, 029, 078, 079, 080, 107, 108, 109, 135, 137, 155, 156, 166, 192, 224, 233, 236, 238, 248.
38 Bélis 1988a et surtout Bélis 1988b : description complète, recension des occurrences littéraires et des représentations.
39 Et non la mesure, comme l’a souligné Dupont 1985, p. 90-91.
40 Elle est considérée comme telle par Tran 2006, p. 499, ainsi que Leppin 1992, p. 156. Ce dernier en fait toutefois une branche de l’association des scabillarii de Rome, selon le modèle de l’organisation des Technites dionysiaques, une position que nous ne partageons pas, cf. infra.
41 Pour l’utilisation du terme dans cette acception, voir notamment Pline le Jeune, Correspondance, 10, 16, 1 : Appuleius, domine, miles, qui est in statione Nicomedensi, scripsit mihi quendam nomine Callidromum, cum detineretur a Maximo et Dionysio pistoribus, quibus operas suas locauerat confugisse ad tuam statuam (…) ; Cicéron, Des offices, 2, 68 : Vtendum etiam est excusatione aduersus eos quos inuitus offendas, quacumque possis, quare id quod feceris, necesse fuerit nec aliter facere potueris, ceterisque operis et officiis erit id quod uiolatum uidebitur, compensandum.
42 L’utilisation du terme Vrbs pour désigner la ville par excellence, Rome, est un phénomène bien connu. Voir notamment, dans les sources anciennes, Quintilien, Institution oratoire, 6, 3, 103 et 8, 2, 8.
43 CIL, IX, 3160 et 3162.
44 CIL, IX, 3183.
45 CIL, IX, 3160 et 3162 : Res Publica Populusque Corfiniensis.
46 CMC 192 ; SupplIt, 3, Corfinium, 75 ; SupplIt, 4, Sulmo, 63.
47 CMC 002 ; CIL, IX, 3163, 3164, 3189, voir aussi AE, 1988, 427.
48 CMC 029 ; Mathieu 1999. Il n’est toutefois pas possible d’identifier le patron de L. Aufidius Utilis.
49 Sur la question du nombre des musiciens et des éventuelles réserves qu’il pourrait susciter par rapport à cette interprétation, voir CMC 088 et 089 et Vincent 2012.
50 CMC 074, 121, 122, 207, 215, 217, 220, 239, 241, 242, 243, 245, 246, 247, 250, 251, 252, 253, 254.
51 Sur la chronologie de la dénomination du collège des tibicines de Rome, voir supra, chap. 2, rubrique 2.2.3, p. 169-171 sur l’identification des symphoniaci, ainsi que chap. 5, rubrique 1.2.1.1., p. 323-326.
52 Ainsi des collèges d’aenatores que l’on rencontre dans les cités italiennes (CMC 066, 067, 068) et qui, sous leur terminologie générique, devaient sans doute regrouper les spécialités musicales que révèlent les inscriptions des aenatores, tubicines, liticines, cornicines de la Meta Sudans (CMC 009). Cf. le chap. 5 pour une analyse détaillée de ce monument.
53 Respectivement CIL, VI, 9384, CIL, VI, 9404 et CIL, VI, 9927.
54 Sur cet épisode, voir supra, chap. 2, rubrique 2.1.2.2.
55 Tite Live, Histoire romaine, 9, 30, 8. La distinction entre deux types de tibicines se trouve aussi chez Ovide, Fastes, 6, 687-688 : à leur retour à Rome on demande aux exilés de revêtir des robes afin de pouvoir renforcer leur groupe par des tibicina restées à Rome.
56 Sur cette célébration, voir supra, chap. 2 rubrique 2.1.2.2 et infra.
57 Jory 1970.
58 CMC 121, 122 et 251.
59 CMC 033, 070 ?
60 Cette question extrêmement importante dépasse les objectifs de notre recherche. La bibliographie est pléthorique et ne sera donc pas consignée dans les quelques lignes qui suivent. Pour une approche récente, on se référera à Tran 2006, particulièrement p. 353-355, ainsi qu’à Tran 2012, et au commentaire de la lex Iulia de collegiis que publiera bientôt Ph. Moreau dans le cadre du projet LEPOR et dont j’ai eu l’occasion d’apercevoir la richesse lors d’une présentation au séminaire du groupe « Empreintes de Rome sur les Gaules et les Germanies », à l’automne 2007.
61 Il s’agit d’une inscription appartenant à une chambre funéraire, située sur la uia Appia, dont une partie au moins appartenait à un collège de musiciens, les symphoniaci. Pour le contexte de découverte précis, voir la notice du CIL, VI, 4416, ainsi que CIL, VI, 4415, qui mentionne une area symphoniacorum. Voir surtout l’étude de Manacorda 1999 sur le columbarium Codini auquel le monument des symphoniaci semble avoir été rattaché, ainsi que le rapport privilégié entre le second columbarium Codini, la gens Memmia et les praticiens de la musique.
CMC 074. L’inscription fut découverte en janvier 1847 dans une sépulture collective d’époque augustéenne. Sur les conditions de la découverte et les précautions méthodologiques liées à l’utilisation de ces données, voir Manacorda 1999.
62 Tran 1996, p. 351 sur la datation.
63 Ainsi de Paul, Commentaire de Plautius, 12 (= Digeste, 34, 5, 20), sur la possibilité légale pour ces collèges non autorisés de bénéficier de legs : Cum senatus temporibus diui Marci permiserit collegiis legare, nulla dubitatio est, quod, si corpori cui licet coire legatum sit, debeatur : cui autem non licet si legetur, non ualebit, nisi singulis legetur. Hi enim non quasi collegium, sed quasi certi homines admittentur ad legatum.
64 L’utilisation des collèges par Clodius reste évidemment le repoussoir par rapport auquel fut pensée la lex Iulia de collegiis. Sur ces épisodes, Waltzing 1895, p. 90-113.
65 De Robertis 19812, p. 36.
66 CMC 074, voir notamment le commentaire pour le développement problématique des trois lettres CCC.
67 CIL, VI, 1872 : Ti (berio) Claudio Esquil (ina) Seuero | decuriali lictori patrono | corporis piscatorum et | urinator (um) q (uin) q (uennali) III eiusdem corporis | ob merita eius | quod hic primus statuas duas una | Antonini Aug (usti) domini n (ostri) aliam Iul (iae) | Augustae dominae nostr (ae) s (ua) p (ecunia) p (osuerit) | una cum Claudio Pontiano filio | suo eq (uite) Rom (ano) et hoc amplius eidem | corpori donauerit HS X mil (lia) n (ummum) | ut ex usuris eorum quodannis | natali suo XVII K(alendas) Febr (uarias) | sportulae uiritim diuidantur | praesertim cum nauigatio sca|pharum diligentia eius adquisita | et confirmata sit ex decreto | ordinis corporis piscatorum | et urinatorum totius alu (ei) Tiber (is) | quibus ex s (enatus) c (onsulto) coire licet s (ua) p (ecunia) p (osuerunt). || Dedic (ata) XVI K(alendas) Sept (embres) Nummio Albino et Fuluio Aemiliano co (n) s (ulibus) | praesentibus | Iuuentio Corneliano et | Iulio Felicissimo | patronis | quinquennalib (us) | Claudio Quintiano et | Plutio Aquilino | curatorib (us) | Aelio Augustale et | Antonio Vitale et | Claudio Crispo.
68 Censorin, Du jour natal, 12 ; Valère-Maxime, Faits et dits mémorables, 2, 5, 4.
69 Cf. supra, chap. 2, rubrique 2.3.3 pour l’identification de ces musiciens.
70 Voir ici chap. 2, rubrique 3.1.2.1.
71 Cf. supra, chap. 2, rubriques 4.1 et 4.2.
72 Voir supra, chap. 2, rubrique 2.2.2.1 ; déjà remarqué par T. Mommsen, comme le signale Schnegg-Köhler 2002, p. 114, n. 222.
73 Gaius, Édit provincial (= Digeste, 3, 4, 1) (trad. modifiée M. Hulot, 1803) : Paucis admodum in causis concessa sunt huiusmodi corpora, ut ecce uectigalium publicorum sociis permissum est corpus habere, uel aurifodinarum, uel argentofodinarum, et salinarum. Item collegia Romae certa sunt, quorum corpus senatusconsultis, atque constitutionibus principalibus confirmatum est, ueluti pistorum, et quorundam aliorum, et nauiculariorum, qui et in prouinciis sunt.
74 CMC 072.
75 Gaudemet 20002, p. 32.
76 Pline le Jeune, Panégyrique de Trajan, 54, 3 : Nihil ante tam uulgare, tam paruum in senatu agebatur, ut non laudibus principum immorarentur, quibuscumque censendi necessitas accidisset. De ampliande numeri gladiatorum, aut de institutendo collegio fabrorum consulebamur : et quasi prolatis imperii finibus nunc infentes arcus, excessurisque templorum fastigium titulos, nunc menses etiam, nec hos singulos, nomini Caesarum dicabamus.
77 Voir le tableau dans Tran 2006, p. 352.
78 CMC 186.
79 Cicéron, Pour Caelius, 65 (trad. J. Cousin, C.U.F., 1962) : Mimi ergo iam exitus, non fabulae, in quo cum clausula non inuenitur, fugit aliquis e manibus, deinde scabilla concrepant, aulaeum tollitur.
80 Péché, Vendries 2001, p. 100.
81 Fröhlich 1991, pl. 10.2.
82 CIL, IX, 3188, voir supra et commentaire en CMC 002.
83 CMC 157 et 158.
84 Garelli 2007 a bien disséqué la difficile question des origines de la pantomime, qui n’est évidemment pas apparue ex nihilo mais a profondément transformé les prestations de la scène romaine.
85 Garelli 2007, p. 182 et 207-208.
86 Garelli 2007, p. 182 ; Leppin 1992, p. 174.
87 Geer 1939.
88 Garelli 2007, p. 208. Caldelli 2005 sur la vie artistique de Pouzzoles.
89 Lucien, De la danse, 68. Garelli 2007, p. 161-164 sur les innovations musicales de Pylade.
90 Bélis 1988a, p. 227, cf. aussi supra, pour les symphoniaci.
91 Dupont 1985, p. 91.
92 Suétone, Caligula, 54, 2 (trad. H. Ailloud, modifiée, C.U.F., 1967) : Saltat autem nonnumquam etiam noctu ; et quondam tres consulares secunda uigilia in Palatium accitos multaque et extrema metuentis super pulpitum conlocauit, deinde repente magno tibiarum et scabellorum crepitu cum palla tunicaque talari prosiluit ac desaltato cantico abiit.
93 CMC 066.
94 SupplIt, 8, Brixia, 4. Tous deux se fondent sur les travaux de U. Hälvä-Nylberg, Die Kontraktionen auf den lateinischen Inschriften Roms und Africas bis zum 8. Jahrh. n. Chr., Helsinki, 1988.
95 Aubert 1999 note toutefois qu’on ne peut déterminer s’il s’agissait de l’actor de Publius Callistio ou de celui du collège.
96 Gaius, Édit provincial, 3 (= Digeste, 3, 4, 1, 1) (trad. M. Hulot, 1803) : Quibus autem permissum est corpus habere collegii societatis siue cuiusque alterius eorum nomine, proprium est ad exemplum rei publicae habere res communes, arcam communem et actorem siue syndicum, per quem tamquam in re publica, quod communiter agi fierique oporteat, agatur fiat.
97 Cf. supra chap. 2.
98 Idem, avec notamment les reliefs gladiatoriaux italiens réalisés par des sévirs, comme celui de Lusius Storax, à Chieti.
99 CMC 067 et 068.
100 CMC 037 et 042.
101 Virlouvet 2009, p. 65, 191-192 et 197-200.
102 Ce lien était renforcé par le mot haec qu’il faut sans doute supposer dans la lacune située à la dixième ligne du texte de Tychenianus, CMC 037, ainsi que l’a suggéré Mommsen 1845, suivi par Virlouvet 2009, p. 190-192.
103 W. Henzen supposait que l’enfant n’aurait pas été un aenator mais un aeneatus, c’est-à-dire inscrit à titre exceptionnel sur le bronze des registres des distributions frumentaires, une hypothèse exclue par Virlouvet 2009, p. 197-199.
104 Virlouvet 2009, p. 68 pour la question de l’âge à partir duquel on pouvait jouir des frumentationes.
105 Virlouvet 2009, p. 59-68, particulièrement p. 64-68.
106 Virlouvet 1995, p. 253-262 et Virlouvet 2009, p. 65.
107 CMM 195. Voir aussi supra chap. 1, rubrique 1.1.2.2.
108 Virlouvet 1995, p. 271 et Virlouvet 2009, p. 246.
109 Waltzing 1895, 4, p. 135 accorde ainsi aux tibicines ce bénéfice frumentaire.
110 Respectivement CMM 075 et 205. Voir le raisonnement sur l’éventualité de la présence de tibicines dans les armées romaines, chap. 1, rubrique 1.1.2.2.
111 Les tubicines des cohortes prétoriennes : CMM 012, 020, 042, 048, 072, 078, 080, 091, 099, 111, 120, 145, 158, 168, 189, 247, 260, 262.
112 CMC 069.
113 CMC 009.
114 Duthoy 1969 notamment.
115 Pour les esclaves se trouvant dans une situation semblable à celle de Calocaerus, CMC 013, 016, 050, 054, 055, 095, 097, 114, 126, 133, 149, 159, 185, 198, 205, 209, 210, 213.
116 Ulpien, Commentaire à Sabinus, 20 (= Digeste, 32, 73, 3) : Proinde si quis seruos habuit proprios, sed quorum opera locabat, uel pistorias, uel histrionicas, uel alias similes, an seruorum appellatione etiam hos legasse uideatur ? Quod et praesumi oportet : nisi contraria uoluntas testatoris appareat.
117 Cicéron, Pour Q. Roscius le comédien, 10, 27-29.
118 Manacorda 1999 ; CMC 056, 057, 074, 185, 209.
119 Voir chap. 4 pour la question du statut juridique des musiciens.
120 On doit évidemment tenir compte des relations entre les affranchis et leur patron, qui pouvaient influer sur les décisions qu’ils prenaient en matière professionnelle.
121 Calabi Limentani 1958, p. 65 sur la question de la locatio en rapport avec les métiers artistiques, voir aussi infra. Il est notable que les termes relatifs aux grandes catégories de musiciens n’apparaissent jamais dans les compilations juridiques tardives. Aucune référence n’est faite aux musiciens dans le Digeste et l’on doit se contenter, à l’image de ce que nous avons déjà fait à partir des textes de Gaius et Paul, d’extrapoler au sujet des musiciens à partir du statut de professions supposées proches, tels les acteurs.
122 CMC 094.
123 Scullard 1981, p. 23.
124 Bodel 1986, particulièrement p. 50-51.
125 CMC 128, 172, 175.
126 On en trouve des photographies dans Péché 2001, p. 325-327, fig. 1-3.
127 CIL, I2, 839.
128 Voir infra chap. 5, rubrique 2.3.2.1 pour ces hypothèses « fonctionnalistes » de localisation des scholae.
129 Quatre tibicines apparaissent sur le célèbre relief d’Amiterne, et encore ne s’agit-il sans doute que d’une représentation synthétique de ces grands cortèges qui parcouraient la cité. Les censeurs de 311 auraient limité à 10 le nombre de tibicines dans les pompae funebris, cf. supra, chap. 2, rubrique 2.1.2.2.1 et 3.1.
130 C’est le sens que donne Bodel 2004, p. 154, au terme dissignator.
131 Varron, Langue latine, 7, 70.
132 Voir Hinard, Dumont 2003 ; Freyburger 1995 et surtout Libitina 2004.
133 Bodel 2004, p. 148 préfère [De publi]co libitina[rio], mais l’esprit reste le même.
134 Bodel 2004, p. 156 suppose que la moyenne devait être de deux morts par jour dans la Pouzzoles augustéenne concernée par ce texte, avec cependant des périodes de pic bien plus intense, notamment les dernières semaines de l’été.
135 Bodel 2004, p. 159.
136 Varron, Économie rurale, 1, 17, 2-3. Il y est question du personnel nécessaire à l’entretien d’un domaine agricole. On retrouve toutefois l’idée d’une nécessaire mixité dans le statut du personnel de la statio aquarum chez Frontin, Des aqueducs de la ville de Rome, 119.
137 Cf. supra, chap. 2, rubrique 3.1.3.2 pour la composition du personnel musical de la pompa funebris.
138 Saquete Chamizo, Velasquez Jimenez 1997.
139 Nonius Marcellus, Doctrine, fr. 110 Rip. (cité par Deschamps 1995, p. 175) : ibi a mulierem quae optuma uoce esset. Perquam laudari : dein neniam cantari solitam ad tibias et fides eorum qui ludis tricas curatissenti.
140 Varron, La langue latine, 6, 91 (trad. P. Flobert, C.U.F., 1985) : “Item quod attingat qui de censoribus classicum ad comitia centuriata redemptum habent, uti curent eo die quo die comitia erunt, in arce classicus canat tum circumque moeros et ante priuati huiusce T. Quincti Trogi scelerosi ostium canat et ut in Campo cum primo luci adsiet”. Voir chap. 2, rubrique 1.1.2 pour le texte et son commentaire d’ensemble.
141 Comme le fait Nicolet 19792, p. 344.
142 La lex parieti faciendo de Pouzzoles est évidemment le texte le plus à même de fournir des informations sur ce genre de contrats, bien qu’elle ne soit pas censorienne. En attendant la nouvelle traduction annoncée par H. Dessales, voir FIRA, III, 152.
143 Pline, Histoire naturelle, 10, 26 ; Cicéron, Pour Roscius d’Amérie, 20, 56.
144 Varron, La langue latine, 6, 11 : Lustrum nominatum tempus quinquennale a luendo, id est soluendo, quod quinto quoque anno uectigalia et ultro tributa per censores persoluebantur.
145 Trisciuoglio 1998, p. 33-75, qui reprend l’ensemble des rares mentions de ce terme. Voir particulièrement p. 42-48 pour le rapport avec le verbe redimere, utilisé dans le passage de Varron. Le questionnement de départ de l’auteur l’a conduit à orienter son analyse vers les problématiques relatives à la construction publique et l’entretien des monuments publics par les leges locationis censoriennes.
146 Tite Live, Histoire romaine, 39, 44, 7 : Et uectigalia summis pretiis, ultro tributa infimis locauerunt.
147 Sur les redemptores et notamment l’utilisation de ce terme comme un nom de métier, voir Tran 2013, p. 54-60.
148 Aubert 1994, p. 361-367.
149 Dupont 1985, p. 70-71 ; Péché 1998, p. 252-255. Voir aussi pour comparaison la procédure d’engagement des troupes musicales dans la documentation égyptienne d’époque romaine : Bélis 2013.
150 CMC 056.
151 Un exemple romain, Q. Gauius Armonius. CIL, VI, 10093 : Q(uintus) Gauius Armonius | loc (ator) scaenicorum | uixit annis XXIIII m (ensibus) VI.
152 CIL, XIV, 2299 : [M(arco)] Aurelio Augg (ustorum) lib (erto) | Plebeio, | electo locatori di|[ur]no scribae et ma[g]|istro perpetuo cor[po]|ris scaenicorum L[a]|tinorum, incomp[arabi]|li fide rem pub[licam ge|r]enti corpor[is supra] | scripti, manc[ipi] | [gr] egum do[minorum] | Augg (ustorum) [- - -] | et [- - -].
153 Sabbatini Tumolesi 1988 et EAOR 1.
154 CMC 040. Comme l’énonce P. Sabbatini Tumolesi, il ne semble toutefois pas possible, dans le cas présent, de trancher entre le développement en corn[icen] et en corn[icularius].
155 CMC 066, 093, 147 (liens d’amitiés entre un cornicen de Placentia et un sévir), 256.
156 Sur les fonctions des Augustales et des sévirs, Duthoy 1974 et surtout Duthoy 1978, p. 1199-1200. Sur leur rôle dans l’organisation des jeux, Fishwick 1987, 2-1, p. 579, ainsi que les reliefs d’Italie centrale étudiés ici chap. 2, rubrique 3.1.2.2.
157 Veyne 1976, p. 702-705.
158 Ovide, Fastes, 6, 650-711.
159 Bodel 2004, p. 159.
160 Duncan-Jones 19822, p. 54, à partir de Cicéron, Pour Roscius le comédien, 28. L’édit du Maximum n’est pas un document facile à convoquer pour cette réflexion sur les prix, tant en raison de sa datation tardive par rapport à la majorité des textes ici étudiés que du fait qu’il ne fait pas état des prestations des musiciens. Les tarifs qui sont donnés pour la main d’œuvre correspondent à des salaires mensuels, ce qui rend difficile toute comparaison avec des gains de contrat ponctuel. Bien qu’on soit loin de la même maîtrise technique, le seul tarif qui pourrait éventuellement être fourni pour la comparaison est la coupe de cheveux, limitée sous Dioclétien à deux sesterces (CIL, III, p. 830).
161 Bélis 1999, p. 84-86.
162 CIL, II, 5439. L’édition de référence, qui sera utilisée ici, est celle de Crawford 1996, p. 393-454.
163 Crawford 1996, p. 399.
164 Crawford 1996, p. 400 : IIuiri quicumque erunt, ii<s> IIuiri<s> in eos singulos | lictores binos, accensos sing (ulos), scribas bi|nos, uiatores binos, librarium, praeconem, | haruspicem, tibicinem habere ius potestas|que esto. Quique in ea colonia aedil(es) erunt, | iis aedil (ibus) in eos aedil(es) sing (ulos) scribas sing (ulos), public|cos cum cincto limo (quaternos), praeconem, haruspi|cem, tibicinem habere ius postestasq (ue) esto. Ex eo numero, | qui eius coloniae coloni erunt, habe|to. Iisque IIuir (is) aedilibusque, dum eum mag (istratum) ha|bebunt, togas praetextas, funalia, cereos ha|bere ius potestasq (ue) esto. Quos quisque eo|rum ita scribas lictores accensos uiatorem | tibicinem haruspicem praeconem habebit, iis | omnibus eo anno, quo anno quisque eorum | apparebit, militiae uacatio esto, neue quis e|um eo anno, qui mag (istratibus) apparebit, inuitum | militem facito neue fieri iubeto neue eum | cogito neue ius iurandum adigito neue a|digi iubeto neue sacramento rogato neue | rogari iubeto, nisi tumultus Italici Gallici|ue causa. Eisque merces in eos singul (os), qui IIvi|ri apparebunt, tanta esto, in scribas sing (ulos) | (sestertium) (mille ducenti), in accensos sing (ulos) (sestertium) (septigenti), in lictores | sing (ulos) (sestertium) (sescenti), in uiatores sing (ulos) (sestertium) (quadrigenti), in libra|rios sing (ulos) (sestertium) (trecenti), in haruspices sing (ulos) (sestertium) (quingenti), prae|coni (sestertium) (trecenti), qui aedilibus appareb (unt), in scribas | sing (ulos) (sestertium) (octingenti), in haruspices sing (ulos) (sestertium) (centum), in ti|bicines sing (ulos) (sestertium) (trecenti), in praecones sing (ulos) (sestertium) (trecenti), | <itque> iis s (ine) f (raude) s (ua) kapere liceto.
165 l. 24-26 : iis omnibus eo anno, quo anno quisque eorum apparebit.
166 Crawford 1996, p. 433.
167 Haack 2003, p. 453-454.
168 Scheid 1992, p. 76 et 83 ; Bertrand 2010 sur le paysage religieux des colonies romaines et l’imitatio Romae.
169 Scheid 1992, p. 90.
170 Cicéron, Seconde action contre Verrès, 2, 3. Purcell 2001 sur l’ordo scribarum, particulièrement p. 668-670 sur la question de la dignité de ces individus.
171 Purcell 1983, p. 128-129 ; Cohen 1984, p. 53-56 ; Fear 1989, p. 74 ; David 2008, p. 396.
172 Cohen 1984, p. 38-48, notamment à partir de la lex de XX quaestoribus.
173 Sur la définition des ordres à Rome, Cohen 1984, notamment p. 23-24 et 38. David 2008, p. 395-396 sur l’importance de la permanence du corps, via les décuries. Purcell 2001, p. 661-662 sur les rapports entre décurie, ordre et collège. Les relations entre décurie et collège notamment, ne sont toutefois pas totalement éclaircies.
174 Cohen 1984, p. 60 : « In a society in which the great mass of humble people was actually deprived of any possibility to attain whatever rank, even an apparitorial ordo counted for something ».
175 L’idée est suggérée par David 2008, p. 396, à propos des apparitores municipaux en général.
176 Purcell 1983, p. 138 : « There is no reason to assume that it was anything other than material reward which made the apparitorial posts so important and so desirable ». Cet argument sans justification autre que le bon sens dénote dans un article par ailleurs très solidement argumenté.
177 Speidel 1992.
178 Fear 1989, p. 69.
179 Crawford 1996, p. 295 = Lex Cornelia de XX quaestoribus, l. 32-33 : Eosque uiatores eosque praecones omneis, quos eo ordine dignos arbitrabuntur, legunto.
180 Fear 1989, p. 76.
181 C’est bien le sens de la démarche de Cohen 1984, p. 60… n’était-ce qu’il exclut les tibicines de ses réflexions.
182 Pour une mise au point récente sur cette question, notamment du point de vue de la religion publique, Bertrand 2010.
183 Rodriguez Neila 1997, p. 199 ; Cohen 1984, p. 36.
184 Swan 1970.
185 C’est à la rubrique 73 de la loi municipale ; Gonzalez 1986, p. 172 : Quantum cuiusque generis apparitoribus aeris apparito|r[i] dari oporteat, decuriones conscriptiue constituunto. | Quod ita constitutum erit, it IIuiris ex communi pecunia | {eius} municipum eius municipi erogare i<d>que apparitoribus | ita capere sine fraude sua liceto. Il faut toutefois souligner que l’on n’a pas conservé les passages de la loi équivalents à ceux d’Vrso. La rubrique 73 est consacrée aux cas particuliers des scribes.
186 Jacques, Scheid 1991, p. 237. Aulu Gelle, Nuits attiques, 16, 13, 8-9 sur le rapport organique des colonies à Rome.
187 Voir notamment CIL, VI, 1874, 31216, 40529.
188 C’est ce qu’exprimait en des termes moins précis, en rapport avec son angle d’attaque, Dumézil 1973, p. 181 : « Bref, sans être prêtres, au-dessous des prêtres, ils soutenaient toute l’activité rituelle de la République et des familles ».
189 Purcell 1983, p. 171. N. Purcell insère dans ces marges des appariteurs les courriers (geruli), les responsables des poulets sacrés (pullarii), les crieurs (calatores). On pourrait aussi penser, outre aux tibicines, aux médecins, qui sont cités par Cicéron, parmi la cohorte des apparitores de Verrès, cf. Cicéron, Verrines, 2, 27, 75.
190 Leur situation particulière doit être envisagée d’un point de vue diachronique comme nous le verrons dans le dernier chapitre.
191 Vitruve, De l’architecture, 1 préface 2-3 : Itaque cum M. Aurelio, et P. Numidio et Cn. Cornelio, ad apparationem ballistarum et scorpionum reliquorumque tormentorum refectionem fui praesto, et cum eis commoda accepi ; quae quum primo mihi tribuisti, recognitionem per sororis commendationem seruasti. Cum ergo eo beneficio essem obligatus, ut ad exitum uitae non haberem inopiae timorem (…).
192 Gros 1994.
193 Vitruve, De l’architecture, 1, 7 : (…) ne sit cupidus neque in muneribus accipiendis habeat animum occupatum, sed cum grauitate suam tueatur dignitatem bonam famam habendo ; Id., 6, préface 5 : Ego autem, Caesar, non ad pecuniam parandam ex arte dedi studium, sed potius tenuitatem cum bona fama, quam abundantiam cum infamia sequendam probaui.
194 Materson 2004.
195 Notamment Vendries 1999b, p. 285 ; la question ne se pose pas chez Baudot 1973 et Bélis 1999.
196 Joshel 1992 ; voir aussi Feraudi-Gruénais 2003 pour la question de la description de soi dans les inscriptions romaines.
197 CIL, VI, 9270 : M(arcus) Fuficius M(arci) l (ibertus) Eros | cocus | u (iua) Fuficia M(arci) l (iberta) Charis | conliberta.
198 Sur la spécificité de la mention du métier dans l’épigraphie latine, Tran 2013, p. 67-74.
199 Varron, Économie rurale, 2, 1, 3 : non omnes qui habent citharam sunt citharoedi. Sur la maîtrise technique de leur instrument par les citharèdes et les citharôdes, Vendries 1999b, p. 175-187 et 245-250.
200 Scott Ryberg 1955, pl. 16, fig. 30 ; Fless 1995, pl. 37, fig. 1.
201 Une des représentations les plus célèbres est sans doute celle que porte le tibicen jouant sur la mosaïque du tablinum qui a donné son nom à la maison du poète tragique, à Pompéi.
202 Ovide, Fastes, 6, 13, 695-710.
203 Vendries 1999, p. 308-311.
204 Cicéron, Pour Murena, 13, 29 : Vt aiunt in Graecis artificibus eos auloedos esse qui citharoedi fieri non potuerint.
205 On doit toutefois souligner qu’au sein d’une même famille d’instrument les différences techniques étaient moindres : si un tibicen ne pouvait pas sérieusement jouer de la lyre, un tubicen devait pouvoir entonner une mélodie au cornu. Sur les musiciens comme artifices, Morel 1992, p. 269-272 ; Vendries 1999, p. 285.
206 De Robertis 1963, p. 69 sur l’impossible distinction entre artisan et artiste. Voir aussi Calabi Limentani 1958, p. 6-9.
207 Morel 1992, p. 291. Il s’agit notamment de l’importance accordée par les historiens au passage de Cicéron, Des offices, 1, 42, 150 : Opificesque omnes in sordida arte uersantur, nec enim quicquam ingenuum habere potest officina. Minimeque artes eae probandae, quae ministrae sunt uoluptatum : cetarii, lanii, coqui, fartores, piscatores, ut ait Terentius ; adde huc, si placet, unguentarios, saltatores, totumqueludum talarium.
208 Sur l’apprentissage dans l’artisanat : Andreau 1987, p. 25-27 ; Morel 1992, p. 280-283 ; Tran 2007, p. 154 ; Tran 2010, Tran 2013, p. 147-185, part. p. 147-150 sur l’importance de l’apprentissage pour la définition du statut d’artisan. Sur l’apprentissage du métier de musicien plus particulièrement : Baudot 1973, p. 19-28 ; Péché 1998, p. 251 et 254-255 ; Vendries 1999, p. 303-305 ; Bélis 1999, p. 15-36.
209 Columelle, De l’agriculture, 1, préf. 4-5.
210 Sénèque, Lettres, 90, 19 : Itaque hinc textorum, hinc fabrorum officininae sunt, hinc odores coquentium, hinc molles corporis motus docentium mollesque cantus et infractos.
211 Cicéron, De la divination, 2, 3 : (…) qui fidibus aut tibiis uti uolunt, ab haruspicibus accipiunt earum tractationem, sed a musicis.
212 Martial, Épigrammes, 5, 56, 8-9 : Cui tradas, Lupe, filium magistro quaeris sollicitus diu rogasque. (…) si uersus facit, abdices poetam. Artes discere uolt pecuniosas ? Fac discat citharoedus aut choraules, si duri puer ingeni uidetur, praeconem facias uel architectum.
213 Horace, Art poétique, 414-415 : (…) qui Pythia cantat tibicen, didicit prius extimuitque magistrum. Sur l’utilisation du terme magister dans cette situation, Tran 2010, p. 197 et 199.
214 À l’exception du cas problématique de P. Octavius Marcellinus, vétéran prétorien et ancien tubicen ? (CMM 182).
215 BGU, IV, 1125. Cité par Baudot 1973, p. 22 et Vendries 1999, p. 303, n. 5. Un autre exemple, toujours égyptien, a été récemment publié par L. Capron. Il s’agit du contrat de formation du citharôde Hérakléotès datant de 242-241 a.C. : P. Lond. VII 217 : Capron 2013. On attend aussi la publication annoncée de l’ouvrage de A. Bélis sur les contrats d’engagements de musiciens en Égypte ptolémaïque et romaine.
216 CMC 223.
217 Sur la polysémie du terme magister dans l’épigraphie latine, Tran 2013, p. 181-184.
218 CMC 032 et 036.
219 CMC 063.
220 Le Digeste fait référence à ce genre de situations à plusieurs reprises. Pour les médecins ayant hérité leur profession de leur maître et les problèmes que cela pouvait entraîner, voir notamment Julien, Digeste, 38, 1, 25, 2 et Alfenus Varus, Digeste, 38, 1, 26.
221 CMC 060.
222 CMC 047.
223 CMC 082.
224 Calabi Limentani, p. 26.
225 CMC 193 et 194.
226 CMC 157 et 158.
227 CMC 121 et 122.
228 Pour les rares musiciens dont l’âge nous est parvenu, les moins de vingt ans sont les suivantes : CMC 032, 033, 042, 050, 051, 103, 111, 115, 150, 188, 193.
229 Vincent 2012.
230 Outre l’inépuisable Waltzing 1895 ; De Robertis 19812 ; Japella Contardi 1980 ; Ausbüttel 1982 ; Bollmann 1998 ; Tran 2006 ; Dondin-Payre, Tran 2012.
231 Voir les inscriptions contenant ce terme : CMC 021, 025, 033, 042, 066, 067, 068, 070, 072, 073, 074, 081, 102, 105, 118, 121, 123, 128, 143, 157, 167, 171, 173, 220, 250, 251.
232 CMC 204 ; Gialanella, Sampaolo 1980, p. 161.
233 CMC 072 -3-.
234 CMC 072 -1- et -2-.
235 CMC 003 et alii ; CMC 035.
236 Waltzing 1895, 4, p. 242 ; Tran 2006, p. 225-232 sur la convergence entre magistratures associatives et civiques.
237 CMC 169, 170, 176, 200 (Praeneste) ; CMC 062 et 182 (Rome).
238 Corfinium : CMC 002 et alii ; Spoletium : CMC 088 ; Trebiae : CMC 089.
239 CMC 186.
240 CMC 196.
241 CMC 009.
242 Waltzing 1895, p. 357-425.
243 Respectivement CMC 003 et alii et CMC 025 et alii.
244 CMC 239 et alii ; CMC 240, 249 et 255 ; CMC 189 et 222 ; CMC 021 et 044.
245 CMC 220 ; CMC 062 et 182 ; CMC 251.
246 CMC 001.
247 Respectivement CMC 141, 065, 153 et 132.
248 Sur ce monument, voir Colini 1944, p. 392. Il s’agit d’une petite pièce carrée adjacente à d’autres tombeaux.
249 CMC 161 et 194.
250 CMC 066.
251 CMC 121.
252 CMC 158.
253 CMC 088 et 089. Pour un commentaire plus développé de ces inscriptions.
254 CMC 239.
255 CMC 003.
256 Un collège de gladiateurs romains adorateurs de Silvain a laissé le témoignage d’une division en quatre décuries : les trois premières sont composées de dix membres chacune, tandis que la dernière ne comprend qu’un seul membre, sans doute le dernier intégré dans l’association, dans l’attente de nouveaux membres, cf. CIL, VI, 631 = EAOR 1, 45. Il ne semble pas, pourtant, que cette régularité soit à prendre comme une règle absolue.
257 Sur la difficulté de distinction entre les deux, voir Waltzing 1895, 4, p. 294-298.
258 CMC 033.
259 CMC 128, 172, 175, 189 ?, 207 ?, 211 ?, 215 ?, 222 ?
260 CMC 074.
261 CMC 061, 100, 105, 138, 139, 139, 143, 160, 161, 167, 193, 194, 217, 237, 244.
262 CMC 035.
263 CMC 003, 007, 008, 020, 031, 049, 064, 065, 083, 085, 104, 130, 131, 132, 140, 141, 144, 145, 152, 153, 154, 163, 177, 178, 179, 197, 206, 214, 219, 221, 225.
264 CMC 207 ?, 211 ?, 215 ?
265 CMC 123.
266 CMC 025 ?, 090 ?, 190 ?, 191 ?
267 CMC 204 ; Gialanella 1990, p. 508 ; Bollmann 1998, p. 372.
268 CMC 066 ; Bollmann 1998, p. 426-429.
269 Voir la démonstration supra, chap. 2, rubrique 1.2.1.
270 Pline, Histoire naturelle, 28, 3, 11 et supra, chap. 2, rubrique 2.2.2.1.
271 Horace, Odes, 4, 1, 21-28 : Illic plurima naribus duces tura, lyraque et Berecyntia delectabere tibia mixtis carminibus, non sine fistula (…).
272 Censorin, Du jour natal, 12.
273 Macrobe, Saturnales, 2, 12.
274 Stace, Thébaïde, 6, 120 : Iamque pari cumulo geminas, hanc tristibus umbris ast illam superis, aequus labor auxerat aras, cum signum luctus cornu graue mugit adunco tibia cui teneros suetum producere manes lege Phrygium maesta.
275 Sur la musique comme source d’harmonie pour le monde, voir entre autres Censorin, Du jour natal, 12 ; Cicéron, Des lois, 2, 9, 22 et 2, 38 ; Aulu Gelle, Nuits attiques, 4, 13. Voir aussi Wille 1967, p. 438-443.
276 Voir David 2012, part. p. 275-277.
277 Respectivement CIL, VI, 1885 et 1892.
278 Respectivement CIL, VI, 1923, 1925 et 1926.
279 David 2012 : CIL, VI, 1853 : [- - -] |nus iuris pru|dens scr (iba) aed (ilium) cur (ulium) | u (ixit) a (nnis) LIIII m (ensibus) IIII d (iebus) X.
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