Chapitre 1. Les musiciens de l’armée romaine
p. 15-117
Texte intégral
At tuba terribili sonitu taratantara dixit1.
1Ce vers d’Ennius est une des rares descriptions de mélodie romaine qui ait traversé les âges. Le néologisme onomatopéique « taratantara », très expressif, ressemble à un pied de nez à tous les historiens de la musique, pour qui l’expression musicien militaire sonne surtout comme un oxymore. Les musiciens servaient à transmettre les ordres : ils donnaient des signaux, éventuellement des rythmes, mais était-ce de la musique ? Leurs mélodies n’étaient peut-être pas d’un grand raffinement mais elles supposaient l’existence d’un code maîtrisé par les musiciens, comme par les soldats qui devaient y réagir2. Ce langage sonore, adapté aux différentes situations, possédait donc une certaine richesse mélodique. L’ordre de l’attaque devait être suffisamment distinct de celui du recul ou du déplacement à gauche pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté au moment de l’exécuter. Il ne suffisait pas à l’instrumentiste de savoir souffler dans son instrument pour remplir correctement son office. Encore lui fallait-il maîtriser la phraséologie musicale inhérente à la transmission des ordres militaires : il était, véritablement, un musicien.
2Jusqu’à très récemment les musiciens militaires n’avaient pas fait l’objet d’une étude per se3. Cette ignorance était la conséquence d’un double mépris : les spécialistes de la « vraie musique » les ignorent par prévention esthétique, tandis que les connaisseurs de l’armée concentrent rarement leur attention jusqu’à un niveau aussi bas de la hiérarchie militaire4.
3Pourtant les sources à disposition pour l’histoire de gradés inférieurs comme les musiciens ne manquent pas, bien qu’elles se heurtent aux limites inhérentes à la documentation sur l’histoire militaire du Haut-Empire5. Les textes littéraires abondent, sur les musiciens comme sur l’armée en général, mais ils opposent au chercheur deux difficultés. La première est un grand flou, dès lors que l’on s’attache à une approche technique du monde militaire. Par ignorance, par désintérêt ou par soin du style, les termes désignant les musiciens militaires ou, plus encore, leurs instruments, sont bien souvent utilisés par les auteurs des sources narratives avec imprécision, voire les uns pour les autres. Il se n’agit pas de rejeter en bloc Tacite, Tite Live ou Stace, mais de les considérer avec précaution et surtout de ne pas leur demander plus qu’ils ne peuvent donner.
4La deuxième difficulté réside dans la nécessité de démêler la réalité légionnaire des topoi construits par les sources. Ainsi, sous la plume des auteurs classiques, le cornu émet-il fréquemment un son rauque à glacer le sang et la bucina un gémissement plaintif6. La répétition de ces images permet d’observer la constitution d’archétypes littéraires autour des sonorités guerrières, repris d’un auteur à un autre. Il faut dire que les musiciens sont de précieux alliés pour les auteurs : ils rajoutent une dimension sonore à leurs descriptions de batailles, permettant de les rendre plus efficaces, touchantes, voire pathétiques. Ainsi de la description livrée par Dion Cassius de la bataille de Philippes en 42 avant notre ère, où ce sont les instruments de musique qui soulignent la dramaturgie de la mêlée fratricide : « Un seul trompette commença à entonner le signal dans chacune des deux armées ; à ce son répondirent les autres trompettes, rangés en cercle dans un emplacement choisi, et cet air n’était que pour avertir les soldats de serrer les rangs et de préparer les armes. Bientôt après, les autres trompettes, distribués dans les divers corps, firent entendre des airs propres à enflammer le courage. À ce son guerrier succéda soudain un silence profond : bientôt toutes les trompettes, par un concert terrible, firent retentir l’air d’un son perçant et aigu ; et les deux armées poussèrent ensemble un cri de guerre »7. C’est en tant qu’instruments de la mise en scène littéraire que les musiciens participent à la construction d’archétypes, charge à l’historien de discerner ce qui peut correspondre à la réalité et ce qui relève de sa probable mise en fiction.
5La littérature technique semblerait une parade efficace pour remédier au flou des récits historiques ou poétiques. L’ouvrage le plus fréquemment cité dans les études d’histoire militaire est l’Epitoma rei militaris, de Végèce. Pour autant, la critique doit s’exercer avec tout autant de vigueur à la lecture de Végèce en raison des objectifs assignés à cet ouvrage. Rédigé à la toute fin du IVe s. p. C., soit après bien des mutations de l’armée du Haut-Empire, l’ouvrage veut proposer une réponse aux problèmes récurrents rencontrés par les troupes romaines, problèmes que Végèce assimile à la barbarisation des légions8. La solution est, selon l’auteur, un retour à la formation des legiones antiquae, les antiques légions qui ont su assurer à Rome sa prééminence et son empire, et dont Végèce donne une description afin de guider le souverain dans ses réformes militaires9. Le texte constitue donc un regard dans le passé lointain de Rome, au miroir de l’armée du Bas-Empire. Cette double temporalité est à la fois une chance et un fardeau : elle fournit une image assez complète des troupes légionnaires romaines, mais elle sème le trouble quant à l’époque concernée par cette description : il s’agit de l’armée ancienne, mais laquelle ? N. P. Milner a montré que les livres I et III de l’Epitoma étaient particulièrement marqués par l’influence du De re militari de Caton. L’armée décrite serait donc celle de la fin de la République. Mais les sources par lesquelles Végèce a pu rentrer en contact avec le texte catonien incitent à la prudence : ce n’est qu’à travers les filtres de Celse, Frontin, voire Flavius Josèphe, que Végèce a eu connaissance de Caton. Les strates de connaissances diffractent l’image originelle, créant une confusion quant à la nature de l’armée décrite. Végèce est donc une source de premier plan pour l’histoire militaire – les passages consacrés aux musiciens militaires y sont nombreux et particulièrement importants10 –, mais son texte doit être interprété avec toute la prudence que suscite cette confusion chronologique.
6L’iconographie vient précieusement compléter les sources littéraires. Pour le Haut-Empire, l’iconographie militaire est dominée par ce sommet en matière de relief historique que représente la colonne Trajane. La narration des guerres daciques sur les spires enroulées est une inépuisable source pour les historiens de l’armée impériale11. Les musiciens y apparaissent en bonne position. On les retrouve aussi, dans une moindre mesure toutefois, sur les reliefs de la colonne de Marc Aurèle. Par ailleurs, ces documents issus de l’art public peuvent être complétés par des monuments de bien moindre envergure, privés, qui offrent un autre regard sur les musiciens et leurs instruments. Il s’agit des reliefs funéraires qui accompagnent assez régulièrement, dans le cas des militaires, les épitaphes12. Ces documents ont un intérêt tout particulier lorsqu’ils documentent un instrument rarement représenté, comme c’est le cas pour la stèle du bucinator Aurelius Surus13, même si les conditions de production du document doivent inciter à la prudence quant à la tentation fautive de voir dans ces monuments une reproduction impeccable du réel14.
7Finalement, l’épigraphie est la source principale de cette recherche. 311 musiciens militaires ont été recensés (dont 18 anonymes) pour l’ensemble de l’empire, via des inscriptions sur tous types de support. Le chiffre pourrait paraître conséquent. Il convient toutefois de garder en tête que cet ensemble concerne un espace géographique considérable pour une durée de presque trois siècles : l’inscription la plus ancienne date probablement des dernières années de la République et les plus récentes du IIIe s. p. C. Le nombre total de musiciens militaires ayant servi durant ces années n’est pas calculable de manière précise, mais est assurément à compter en dizaines de milliers15. La représentativité du dossier est donc très faible puisque nous n’avons probablement conservé le nom que de moins de 1 % des musiciens militaires ce qui, on s’en doute, doit éloigner de toute conclusion systématique16.
8Les musiciens de l’armée dont la mémoire a survécu au temps ont été mis en série dans le corpus prosopographique publié en ligne qui a accueilli les analyses les plus détaillées17. Aussi ce chapitre de synthèse doit-il être lu en dialogue avec ce document auquel il sera fait constante référence. Dans la plupart de ces documents, les musiciens militaires ont été repérés car leur fonction était mentionnée. Celle-ci est précisée soit par le musicien lui-même dans le cadre d’inscriptions privées rédigées dont il est le rédacteur18, soit par ses dédicants si le musicien est le défunt19, soit enfin sur les inscriptions collectives mentionnant la fonction ou le grade de tous les soldats en possédant un (liste de soldats, dédicaces collectives, etc.). Cette importance de la titulature implique finalement que l’histoire des musiciens militaires soit aussi celle de leur fonction et de leur insertion dans la hiérarchie militaire. Je propose donc ici une contribution à l’histoire de l’armée romaine du Haut-Empire, pour ses échelons inférieurs.
9Un examen croisé des sources posera les bases de l’étude en faisant une synthèse de l’insertion des musiciens militaires dans leur corps de troupe : quels types d’instrumentistes trouvait-on sous les uexilla et quelles étaient leurs attributions respectives ? Ce point de départ établi, les musiciens seront situés dans la hiérarchie de leur corps de troupe, à la recherche d’une éventuelle spécificité de leur carrière.
1. Les musiciens militaires, identification et service
1.1. Passage en revue
10La présence de musiciens au sein des armées n’est pas une spécificité de Rome. Les troupes des cités grecques comprenaient dans leur rang des spécialistes, préposés à la vie musicale et à la communication20. Pourtant, les légions romaines ont utilisé à leur service des instruments à vent en bronze qui, selon Quintilien, les distinguent de leurs prédécesseurs :
Les plus grands chefs militaires, dit-on, savaient jouer des instruments à cordes et à vent, et les armées Lacédémoniennes étaient enflammées au rythme de la musique. Le même effet n’est-il pas produit sur nos légions par les cornua et les tubae ? Plus leurs accents sont éclatants, plus la gloire des armes romaines l’emporte à la guerre sur toutes les autres21.
1.1.1. Instruments et spécialistes
11Les termes désignant les instrumentistes qui servaient dans l’armée romaine sont bien connus. Végèce, entre autres auteurs, en fait la liste dans sa description de l’antique légion, qui comportait, rappelle-t-il, « des tubicines, des cornicines et des bucinatores22 ». Ces trois termes se rencontrent également chez les auteurs du Haut-Empire, signe que ces postes existaient bien avant les évolutions tardives de l’armée. L’épigraphie coïncide avec la description de Végèce : les termes tubicen, cornicen et bucinator sont également ceux par lesquels les musiciens sont désignés dans les inscriptions concernant des soldats. Les trois fonctions se rencontrent enfin couramment dans le même texte, ce qui confirme la concomitance de leur existence23.
1.1.1.1. Tuba, tubicen
12De tous les musiciens militaires, le tubicen est celui pour lequel les données sont les mieux établies24. Le tubicen jouait de la tuba, une trompe droite que les textes latins présentent comme étant faite de bronze25. Les analyses menées sur la trompe découverte à Neuvy-en-Sullias, dans le Loiret, ont toutefois conduit à nuancer cette affirmation26. Des alliages de cuivre variables dans leur composition correspondent aux diverses parties de l’instrument (corps et manchons), ce qui était certainement le cas de la totalité des instruments « en bronze » de l’armée romaine. La taille de la tuba a été diversement estimée par les historiens, par des déductions à partir de représentations et des rares découvertes archéologiques, car aucune source textuelle ne fournit cette information27. La trompe de Neuvy-en-Sullias confirme que ces trompes pouvaient être très grandes : le remontage de l’instrument débarrassé des restaurations contemporaines conduit à supposer qu’il devait mesurer environ jusqu’à 190 centimètres dans son état originel28. Celle découverte à Saint-Just-sur-Dives, dans le Maine-et-Loire, qui présente beaucoup de ressemblance avec sa voisine du Loiret, mesurait au total 175 centimètres29. Les deux instruments, bien qu’ayant été trouvés avec des dépôts votifs, ont été réalisés avec un soin et une précision qui met hors de doute le fait qu’il s’agissait de véritables instruments de musique et non de répliques30. La comparaison avec l’instrument découvert dans le temple de Mars à Klein-Winternheim, dans la Hesse, est éloquente31 : là où cette dernière se présente comme une simple feuille de métal, enroulée sur elle-même afin de donner l’illusion d’un instrument, les deux trompes découvertes en Gaule montrent une grande complexité dans la réalisation. De plus, les minuscules lettres gravées au poinçon sur un manchon de la tuba de Neuvy, bien qu’elles soient d’interprétation difficile, peuvent laisser entendre que la trompe fut un temps la propriété d’un soldat appelé Aulus Sbesius (?), inscrit dans la centurie d’Ossus d’un corps de troupe inconnu32. Il ressort de l’étude organologique de ces deux instruments qu’ils étaient composés de plusieurs parties, montables et démontables à volonté par un système de manchons. Cette particularité s’explique très probablement par la taille de la trompe entière : équivalente voire supérieure à la taille d’un homme debout, son maniement ne devait pas être aisé33. Le fait que la tuba soit un instrument démontable explique le relief sculpté sur la stèle de Sibbaeus découverte à Mayence : le défunt tient dans sa main un instrument en deux parties, l’une avec le pavillon, l’autre avec l’embouchure34. On retrouve cette division en deux parties très similaires sur le monument funéraire de C. Valerius Her (ianus ?), tubicen de la legio XVApollinaris35.
13Bien que l’interprétation soit un peu plus problématique, il faut certainement faire la même lecture à propos de la stèle de Praeconius Iucundus, lui aussi tubicen de la légion XVApollinaris36. Un instrument a été maladroitement gravé en creux par rapport au reste du monument. On peut distinguer trois parties, correspondant à autant de tuyaux. La pièce centrale a une taille deux fois supérieure aux deux autres tubes ; elle s’évase en son terme. L’inscription précise que le défunt était tubicen : les commentateurs ont donc tous cherché à voir dans cet instrument une tuba, bien que l’instrument ne corresponde pas aux critères traditionnels de la représentation. Selon F. Behn il faudrait voir dans cet ensemble non seulement l’instrument, mais aussi l’étui dans lequel on pouvait le ranger37. Il s’agirait alors d’une représentation unique38. L’interprétation donnée par M. Speidel est toutefois plus convaincante : l’instrument serait bien une tuba, mais démontée, telle qu’elle était au repos39. Cette hypothèse semble parfaitement fondée puisque le diamètre des petites sections est inférieur à celui de la grande section finale qui comporte le pavillon. Les raisons pour lesquelles l’instrument est représenté plié nous échappent, mais dépendent peut-être de contingences particulières. En prenant pour point de départ l’étonnante différence de qualité entre le monument dans son ensemble d’une part - une stèle à acrotères avec représentation d’un temple à double tympan décoré d’une guirlande de lauriers et champ mouluré de belle facture - et d’autre part la gravure du texte, penchée, mal cadrée, aux lettres irrégulières, ainsi que le relief de la tuba, il est possible de suggérer une hypothèse. Le monument dans son ensemble a sans doute été réalisé en série dans un atelier spécialisé ; il a été reçu vierge par le lapicide de Carnuntum, sans texte ni instrument. Au moment de faire graver l’épitaphe, l’exécuteur testamentaire du défunt, son frère ou un ami très proche se désignant comme tel, Aponius Pudens, a souhaité qu’apparaisse aussi l’instrument dont jouait Praeconius Iucundus. Il a fourni au graveur ledit instrument comme modèle. Le sculpteur ne l’a pas monté, soit qu’il n’ait su faire, soit qu’il n’ait pris le temps. Il l’a donc sculpté replié, tel qu’il était lorsque l’on ne s’en servait pas, sur la partie inférieure de la stèle que l’atelier originel n’avait que rapidement dégrossie.
14En outre, ces trois représentations de tuba repliées apparaissent sur des stèles, soit un type de monument impliquant de fortes contraintes spatiales, avec lesquelles s’accordait mal la représentation d’un instrument aussi grand que la tuba. Il est étonnant de constater que très peu de monuments funéraires accueillent ces représentations, bien moins que pour les cornicines. Il est plus surprenant encore qu’un seul de ces monuments figure la tuba montée, en un seul morceau : il s’agit de la stèle d’Aurelius Salvianus, tubicen de la onzième légion claudienne40. Au contraire, c’est bien la tuba entière et en action que l’on peut voir sur les monuments publics comme les colonnes Trajane et Aurélienne41. Ce type de monument, présentant de moindres contraintes spatiales et qui figurait les instrumentistes en action, s’accordait mieux avec la représentation de la tuba.
15La fréquence avec laquelle le poste de tubicen est cité dans l’épigraphie atteste son existence durant tout le Haut-Empire. Sur les 311 notices du corpus épigraphique, 124 sont consacrées à des tubicines, soit le type d’instrumentiste le plus courant. Cette constatation fait écho à une hypothèse de F. Behn, selon laquelle le terme tubicen ne renverrait pas forcément à un instrumentiste jouant de la tuba, mais pourrait avoir été employé de manière générique pour désigner tout type d’aérophone42. Si cette proposition peut trouver un certain appui dans les sources littéraires, comme chez Stace qualifiant dans le onzième livre de la Thébaïde le même instrument de lituus en début de phrase et de tuba à la fin43, elle semble toutefois totalement démentie tant par Végèce44 que par l’épigraphie. Un document comme la liste des soldats de la flotte de Ravenne, découvert en 1956 à San Lorenzo di Cesarea et conservé aujourd’hui au musée de Ravenne, insère les tubicines dans la hiérarchie militaire et distingue sans ambiguïté les trois catégories de musiciens45. L’inscription est ordonnée selon les postes : dans un premier temps sont nommés les optiones ou les gubernatores, puis viennent les noms des fabri, des beneficiarii, des uexillarii, des cornicines46, des tubicines47 et enfin des bucinatores48. Ainsi, dès que l’on quitte l’imprécision technique du vocabulaire poétique, on ne peut douter du sens à donner au terme tubicen, qui désignait bien le spécialiste de la tuba et non de tous les instruments à vent.
1.1.1.2. Cornu, cornicen, cornicularius
16La deuxième fonction mentionnée par Végèce est celle de cornicen. Comme pour le tubicen, l’identification de l’instrument sur lequel joue le cornicen ne pose pas de problème : il souffle dans un cornu. Le cornu était réalisé en « bronze », comme la tuba, et avec les mêmes nuances quant à la composition du métal, mais il se distinguait de cette dernière par sa forme recourbée caractéristique : Végèce le désigne par la périphrase aes curuus49. La nature du métal est confirmée par Varron50, tandis que la forme recourbée sert fréquemment, dans la littérature, à distinguer le cornu des autres instruments à vent51. L’instrument était donc constitué d’un tube replié sur lui-même en forme de G, traversé par une hampe centrale, droite et parfois décorée, qui en permettait la préhension. En raison de sa forme, son corps était plus long que celui de la tuba, ce qui augmentait d’autant sa capacité harmonique. L’exemplaire réalisé à la fin du XIXe siècle à la demande du musée de Mayence, à partir des vestiges archéologiques les plus complets découverts à Pompéi, avait un corps mesurant plus de 330 centimètres qui lui permettait de jouer une gamme complète52. La notice publiée en 1884 par A. Sogliano dans les Notizie degli scavi di Antichità fait pour sa part référence à un instrument d’une circonférence totale de 4,12 m53. Il s’agit donc de l’instrument utilisé aux armées qui permettait la plus grande expressivité mélodique.
17Les témoignages iconographiques de cornu sont nombreux. On les retrouve sur les grands monuments de l’iconographie publique, comme la colonne Trajane54, la colonne de Marc Aurèle55, mais aussi sur le monument flavien d’Adamklissi, en Dacie56. La raison de cette fortune iconographique est peut-être la forme particulière de l’instrument : replié autour du corps de l’instrumentiste, le cornu n’exige pas beaucoup de place pour être représenté, contrairement à la tuba. Il s’insère donc parfaitement dans les espaces limités, comme les métopes du tropaeum d’Adamklissi57. C’est peut-être cette même logique d’organisation de l’espace qui justifie que les cornicines défunts aient été plus nombreux que les tubicines à être représentés avec leur instrument sur leur monument funéraire.
18Deux types de représentations peuvent être distingués. Sur la première le musicien est en train de porter son instrument. C’est le cas de Coponius Felicio, musicien rattaché à un corps de troupe inconnu, dont la stèle a été découverte à Aquilée58. L’instrument est brisé mais reste clairement reconnaissable. Sa taille semble être inférieure aux estimations mentionnées précédemment. Le défunt porte le corps de l’instrument dans la main gauche et son embouchure dans la main droite59. Sur deux autres monuments funéraires, il est possible que le musicien soit figuré en train de jouer de son instrument. Le premier est très abîmé : il s’agit d’un énorme monument en grès rouge, taillé directement dans la masse rocheuse, situé dans la campagne proche de Schweinschied en Germanie Supérieure60. Trois niches sont creusées sur le front du monument. Un chevalier terrassant un barbare est représenté dans la niche centrale, haute de 118 centimètres. L’interprétation qu’a donnée J. Andrinopolou-Strack, photo à l’appui, du motif gravé en haut à droite de la tête du chevalier est totalement convaincante. Contrairement aux précédents commentateurs, elle ne voit pas l’aigrette d’un casque mais le pavillon d’un cornu61. Le mouvement général de la représentation du cavalier, le fait que son bras gauche soit positionné de telle manière que sa main devait être à proximité de sa bouche, comme pour y porter quelque chose, incite à penser que le soldat soufflait dans son instrument. Le second monument est en meilleur état de conservation. Il s’agit de la stèle de M. Antonius Ianuarius, de la septième cohorte des prétoriens, aujourd’hui scellée sur les murs de la galerie épigraphique des musées du Vatican. Au-dessus du champ épigraphique, entre le D et le M de la dédicace aux dieux Mânes, Ianuarius est représenté avec son instrument. Si la partie terminale de l’embouchure a disparu, il ne fait toutefois pas de doute, considérant le mouvement d’ensemble, qu’elle s’achevait dans la bouche de Ianuarius, ainsi représenté en action.
19Dans la deuxième catégorie de documents, le cornu est représenté indépendamment de son propriétaire. Le monument funéraire de Aelius Quintus, découvert à Aquincum, fait figurer un cornu à la gauche du buste du défunt, collé contre lui sans qu’il ne le tienne pour autant. L’instrument est vu de face et l’on reconnaît sans problème le pavillon et la hampe centrale décorée. L’embouchure semble détachée du corps du cornu62. En revanche, sur la stèle de P. Farfinias Seuerus, soldat de la huitième légion Auguste, l’instrument est gravé à l’extérieur du champ épigraphique, sur la partie la plus basse du monument, comme sur la stèle de Praeconius Iucundus63. Là aussi, on peut supposer que la stèle, par ailleurs assez richement décorée d’acrotères, tympan, roses et lionceaux, a été personnalisée dans un dernier temps par la sculpture de ce cornu, avec plus de réussite toutefois que pour Iucundus. Pour Flavius Attius l’instrument a été rajouté à l’intérieur du champ épigraphique mouluré, qui occupe à la totalité du monument64. Le cornu a été parfaitement figuré, avec sa hampe centrale décorée. Ce n’est pas le cas d’un autre monument funéraire, comportant lui aussi la représentation d’un instrument de musique dont la nature a été débattue65. Quel était cet instrument étonnant, ressemblant au trombone moderne, inclus dans le champ épigraphique, coincé entre la fin des lignes et le bord de la stèle d’Andes, cavalier de l’ala Claudia ? Selon F. Behn, suivi en cela par M. Klar, il s’agirait de la représentation d’une bucina66. Cette affirmation repose uniquement sur l’idée, fausse, selon laquelle la bucina était l’instrument de la cavalerie67. Il semble pourtant que l’on peut faire l’économie d’une identification aussi hasardeuse. L’instrument est replié sur lui-même et l’on constate nettement que la partie la plus proche du corps est reliée au centre de l’instrument par une barre, qui fait évidemment penser à une hampe : bien que déformé, cet instrument a toutes les caractéristiques d’un cornu. Comment expliquer une si piètre représentation du réel ? Une fois encore, une analyse du monument dans son ensemble donne des clés d’explication. La stèle est construite en deux ensembles : la partie supérieure comporte un relief de cavalier à la lance, dont le cheval ruant surplombe un barbare hirsute ; la partie inférieure est occupée par le champ épigraphique et le cornu. Le relief représente un sujet extrêmement courant dans l’iconographie funéraire : seuls l’inscription et l’instrument personnalisent le monument, comme dans les cas précédemment évoqués68. Il y a donc tout lieu de penser que le monument a fait l’objet d’une première étape de fabrication dans un atelier produisant des stèles ornées de cavaliers bondissant, au champ épigraphique encore vierge. Dans un deuxième temps seulement le lapicide a dû concilier les exigences des héritiers, qui souhaitaient que le nom du défunt, son origine et sa carrière apparaissent, ainsi que l’instrument dont il était spécialiste. Le texte a primé : sa gravure est soignée, même si la taille des lettres a tendance à diminuer au fil des lignes, signe évident d’un manque de place. Le cornu s’est vu réserver un coin de la pierre et n’a donc pas pu recevoir l’espace qu’exigeait sa représentation efficace, comme sur le monument de Flavius Attius.
20Sur ces deux monuments, comme sur celui de Coponius, la représentation figurée de l’instrument intervient en complément du texte de l’épitaphe, qui ne précise pas la fonction occupée par les défunts au sein de leur corps d’appartenance : le cornu était un instrument suffisamment caractéristique pour que son image soit aussi éloquente que les mots. Les stèles du prétorien M. Antonius Ianuarius et du légionnaire Aelius Quintus comportent pour leur part tout à la fois la représentation de l’instrument et le terme cornicen pour désigner leur propriétaire69. C’est aussi le cas de la stèle de P. Farfinias Seuerus, un document des plus précieux car il permet de raisonner sur un problème de méthodologie épigraphique entourant les cornicines70.
21En effet, dans les textes d’Antonius Ianuarius et de Aelius Quintus, la charge est ainsi mentionnée : CORNICE, ce qui ne laisse d’autre possibilité de développement que cornice (n). Par contre, l’inscription de Farfinias Severus précise qu’il était CORN, ce qui, dans le contexte de l’épitaphe d’un militaire, peut correspondre à deux développements, corn (icen) ou corn (icularius), deux positions bien attestées de la hiérarchie militaire. Le doute ne tient pas bien longtemps dans le cas de Farfinias : la conjonction de l’abréviation CORN et de la représentation d’un cornu sous le champ épigraphique conduisent logiquement à développer corn (icen).
22Malheureusement la présence dans le même document d’une abréviation problématique et d’un relief l’éclairant est un cas unique. Pour tous les autres textes, où la charge est abrégée en CORNIC71, CORN, COR72, voire un simple C73, les deux développements restent possibles. La lecture de certaines inscriptions fait ainsi l’objet d’une valse-hésitation entre les auteurs : tour à tour cornicularii et cornicines, les soldats changent de poste au fil des commentaires74. Doit-on pour autant renoncer à distinguer les deux charges75 ? Peut-on penser que, pour ces militaires, il était indifférent que l’on comprenne cornicen ou cornicularius à la lecture d’une inscription ? La différence de niveau hiérarchique entre un cornicen et un cornicularius invalide une telle hypothèse : le cornicularius surclassait largement le musicien dans la hiérarchie : à la fin du IIe s. il s’agit du poste qui offrait les meilleurs espoirs d’accès au centurionat ce qui n’est pas, comme nous le verrons, le cas des musiciens76.
23Les cornicularii participaient à la vie administrative de la légion et leur rôle était d’en assister les différents responsables. Cet élément doit être relevé car il permet d’obtenir un critère de distinction par rapport aux cornicines. Les cornicularii ne sont cornicularii que par rapport à un officier, qu’ils assistent : légat de légion77, légat d’auguste propréteur78, tribun militaire79... Dans l’officium du gouverneur, auquel certains cornicularii étaient rattachés, B. Rankov a repéré comment les cadres militaires signifiaient le nom du gouverneur dont ils dépendaient, au génitif, avant que cette précision ne soit progressivement remplacée, dans la deuxième moitié du IIe siècle, par le simple terme consularis, et ce que le gouverneur soit de rang consulaire ou prétorien80.
24C’est pourquoi, étant donné que le rattachement à un officier particulier faisait partie de la définition même du cornicularius, il a semblé légitime de supposer que, dans leur très large majorité, les fonctions abrégées en CORNIC, CORN, COR, et C, sans plus de précision, se référaient à des cornicines81. L’épigraphie est produite par des hommes : l’étourderie d’un lapicide ne peut jamais être exclue, mais elle ne devrait concerner au plus que quelques inscriptions à la marge ; elle n’est en outre pas à attendre dans les inscriptions réalisées par l’armée elle-même, soit près des deux tiers du catalogue. Ainsi, dans l’inscription de Lambèse CIL, VIII, 18068, livrant les noms des vétérans de la troisième légion Auguste ayant reçu l’honesta missio en 198, voit-on apparaître le nom de P. Publicius Orestinus, cor (nicularius) tri (buni). Il ne fait dans ce cas aucun doute que C. Cerellius Fructus, lui aussi mentionné dans cette inscription par la simple abréviation CORN était bien un cornicen82.
25Ainsi, le tubicen jouait de la tuba, le cornicen du cornu : les choses sont relativement simples à appréhender. Le dossier du bucinator et de son instrument est éminemment plus problématique.
1.1.1.3. Bucina, bucinator
26À lire Végèce tout semble aller de soi : le bucinator jouait, en toute logique, de la bucina83. Les cartes se brouillent pourtant dès lors que l’on tente de cerner la nature exacte de l’instrument en question. Depuis plusieurs générations des historiens affrontent leurs points de vue autour de sources pauvres et contradictoires, rendant souvent le débat difficile à suivre et les arguments peu convaincants84.
1.1.1.3.1. Bilan historiographique
27Comme l’a montré J. Ziolkowski, un bilan de ces controverses autour de la question de la nature de la bucina permet de mettre en avant l’opinion la plus courante parmi les historiens et à laquelle cet auteur estime prudent de se ranger : la bucina serait un instrument recourbé, d’apparence indéterminée85… Il s’agit là d’une description minimaliste que l’on pourrait penser suffisamment large pour être consensuelle. De fait, elle semble prendre le dénominateur commun des définitions données dans les grands ouvrages de base pour la connaissance de l’Antiquité, comme le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines86 ou encore la Real-Encyclopedie87. Ces deux articles tentent avec plus ou moins d’audace une description précise de l’instrument en question, exercice dans lequel se lance aussi C. van Jan à partir d’un instrument conservé au British Museum : selon lui la bucina serait un instrument en bronze au corps conique s’enroulant en un demi-cercle88.
28M. Klar, dans sa tentative de définition des instruments de musique connus à Bonn à l’époque romaine, attribue à la bucina les mêmes caractéristiques89. Le terme devait, selon elle, servir à désigner un instrument en bronze et recourbé d’une quelconque manière - même si à ses yeux la terminologie organologique était utilisée avec une grande flexibilité. Pourtant, son analyse se fonde uniquement sur l’identification d’une bucina sur le monument funéraire du cavalier Andes, une hypothèse dont on a vu qu’elle ne pouvait être retenue90.
29M. Speidel a proposé une définition alternative de la bucina à partir d’une stèle découverte à Istanbul au début des années 197091. Ses arguments semblent définitifs de prime abord. La particularité du monument en question est de présenter à la fois un défunt clairement identifié comme étant un bucinator et un instrument de musique gravé entre les mains du défunt92. Un soldat est figuré au-dessus du champ épigraphique, sous un fronton orné d’un disque. Il est de face, vêtu d’une tunique à longues manches et d’un manteau militaire attaché par une fibule. Il tient dans sa main gauche un long instrument dont le pavillon repose sur son épaule et dont l’embouchure est cassée ; dans sa main droite une lance légère, la hasta, qui a remplacé au IIIe siècle le lourd pilum. À ses pieds, enfin, se trouvent un bouclier ovale et un casque de légionnaire.
30L’argument de M. Speidel repose sur l’évidence : le bucinator tenait une bucina. L’instrument si mystérieux, à la forme courbe supposée d’après une étymologie assez limpide – le terme dériverait de bos, le bœuf, par référence à la corne de celui-ci –, serait donc en réalité et contre toute attente un instrument droit. Outre l’évidence visuelle, M. Speidel renforce son argumentation par une nouvelle lecture de quelques lignes de Végèce. L’édition traditionnelle de ce passage, dans lequel Végèce distingue les différents signaux de l’armée romaine, est la suivante : « Les signes semi-vocaux sont ceux sonnés sur la tuba, le cornu ou la bucina. On appelle tuba l’instrument droit ; bucina celui en bronze recourbé sur lui-même ; le cornu celui fait en bœuf sauvage, entremêlé d’argent, le son que l’on en tire varie suivant la technique et la puissance du souffle »93. Il semble apparemment difficile de concilier cette citation, qui fait de la bucina un instrument très clairement recourbé, avec la représentation trouvée sur la tombe d’Aurelius Surus.
31Néanmoins ce qu’affirme ce passage est loin d’aller de soi. On sait ainsi par de nombreuses attestations épigraphiques et iconographiques que le cornu n’est pas, à l’époque impériale, le vestige des temps agrestes que décrit Végèce : il s’agit d’un grand instrument de bronze manufacturé, à très large pavillon et hampe centrale94.
32C’est en reprenant les manuscrits par lesquels le texte de Végèce nous est parvenu que M. Speidel réussit à résoudre le problème. Dans le codex Palatinus 909, daté du Xesiècle, la ponctuation originelle modifie profondément le sens du texte95. Ainsi apparaît une nouvelle lecture en tous points favorable à la démonstration de M. Speidel : « Les signes semi-vocaux sont ceux sonnés sur la tuba, le cornu ou la bucina. L’instrument fait d’un tube droit est appelé bucina ; celui en bronze recourbé sur lui-même (est appelé) le cornu, il est réalisé à partir de bœuf sauvage, entremêlé d’argent, le son que l’on en tire varie suivant la technique et la puissance du souffle »96. Cette nouvelle lecture, qui fait de la bucina un instrument droit, permet de concilier la définition de Végèce et l’instrument d’Aurelius Surus, tout en résolvant une des contradictions qui avait le plus perturbée les chercheurs jusqu’alors.
33Cette opposition manifeste entre la réalité organologique du cornu à l’époque impériale et la vision archaïque qu’en avait Végèce était en effet à l’origine de confusions courantes, les chercheurs peinant à concilier une des sources majeures, quoique tardive, concernant l’organisation militaire romaine et ce qui semblait ressortir assez clairement des autres types de sources, iconographique et épigraphique. Cette confusion entre les deux instruments a considérablement obscurci la recherche sur les musiciens militaires et leurs instruments. Ainsi de certains auteurs qui, constatant que le cornu ressemblait tout de même curieusement à la bucina selon la description de Végèce, supposaient une identité entre les deux instruments et, partant l’inanité d’une distinction entre bucinatores et cornicines97.
34Ayant fait un grand pas vers une distinction définitive de la bucina et du cornu, M. Speidel retombait néanmoins sur une autre difficulté de même nature : comment distinguer la bucina de la tuba si tous deux sont des instruments droits en bronze ? Conscient de cette difficulté, il introduisit une nuance subtile entre une tuba dont le corps serait conique de l’embouchure au pavillon, s’élargissant progressivement, et une bucina dont le corps serait cylindrique, le pavillon ne s’évasant qu’à son extrémité. Pour justifier cette différence, M. Speidel s’appuye sur trois monuments funéraires de tubicines : les instruments représentés sont effectivement coniques et s’élargissent régulièrement de l’embouchure au pavillon98.
35Pour autant, faire reposer une argumentation sur la capacité des sculpteurs de ces monuments à représenter une nuance aussi subtile ne va pas sans poser des problèmes de méthode. J’ai déjà insisté à plusieurs reprises sur la prudence avec laquelle il faut considérer les sources iconographiques. L’image sculptée antique ne peut être prise pour un cliché réaliste de ce qu’elle fige dans la pierre et l’on ne doit se contenter d’en faire une lecture de premier degré. Par ailleurs, on peut se demander si la différence de facture entre les deux instruments aurait conduit à une distinction sensible de leur sonorité. Or l’efficacité des signaux sonores rythmant la vie de l’armée dans les camps mais aussi sur le champ de bataille reposait sur la facilité que les soldats avaient à les repérer et les interpréter. Entre deux instruments de même taille, fondus dans le même alliage et ne différant légèrement que par la forme de leur corps, la distinction à l’écoute, si elle existait, devait exiger une subtile attention et une oreille solidement entraînée. Il n’est pas certain que même l’entraîne-ment que prônait Végèce ait alors suffi à rendre efficaces les signaux99. Repérant cette faiblesse dans l’argumentation de M. Speidel, R. Meucci l’a rendue plus parlante en tissant une comparaison avec des instruments modernes : bien peu de gens, même amateurs, peuvent distinguer une trompette en si bémol d’un cor, lui aussi en si bémol, deux instruments composés du même métal, de même taille, ne différant que dans la forme de leur corps100.
36La distinction opérée par Speidel entre tuba et bucina laisse donc planer quelques doutes, potentiellement trop pour être acceptée. En effet, elle introduit un certain nombre de bouleversements dans l’appréhension des instruments de musique militaire, notamment dans l’iconographie. Dès lors que l’on admet que la tuba et la bucina sont de facture quasiment identique, il devient très délicat d’identifier avec certitude l’un ou l’autre des deux instruments sur un monument. Faut-il transformer tous les tubicines de la colonne Trajane en bucinatores ? Il est à noter que malgré les réserves que l’on peut formuler à son encontre, confirmées par C.G. Alexandrescu101, l’argumentation construite par M. Speidel a rencontré une certaine adhésion, entrant notamment dans la Neue Pauly par le biais d’une notice de Y. Le Bohec102.
37La comparaison de R. Meucci avec des instruments contemporains et la conclusion qu’il en tire laissent augurer de sa position quant à l’article de M. Speidel. Le savant italien est le dernier à avoir engagé une réflexion marquante sur l’instrument des bucinatores, arrivant à une conclusion radicalement opposée à celle de l’Américain, tout en restant innovante par rapport à la doxa. En effet selon R. Meucci, non seulement la bucina n’est pas un instrument droit – ce en quoi il opère un retour à la vision originelle -, mais elle n’est pas non plus en bronze. Elle serait plutôt un instrument recourbé en corne, proche d’une corne de bœuf naturelle.
38La lecture du texte de Végèce proposée par M. Speidel ne résiste pas non plus à un œil scrupuleux, toujours selon R. Meucci. Une attention particulière portée à la ponctuation du manuscrit permet de donner ce qui est pour lui la seule lecture possible du codex 909 : « Les signes semi-vocaux sont ceux sonnés sur la tuba, le cornu ou la bucina. L’instrument fait d’un tube droit est appelé bucina ; celui en bronze recourbé sur lui-même, tuba ; le cornu celui fait en bœuf sauvage, entremêlé d’argent, le son que l’on en tire varie suivant la technique et la puissance du souffle »103. D’une telle lecture ressort donc le fait que la bucina est bien un instrument droit, la tuba est, elle, recourbée et le cornu une corne… soit un ensemble de définitions perturbant à nouveau en profondeur la connaissance des instruments militaires ! La vision iconoclaste apportée par ce codex peut cependant, selon R. Meucci, trouver une explication dans son contexte de rédaction, c’est-à-dire la fin du Xe ou le début du XIe siècle. Les instruments de l’armée ont alors connu une mutation, notamment sous l’influence des troupes arabes. Ainsi est apparue la « busine » ou « buisine », terme resté en vieux français, trompe droite qui correspond à la bucina du codex 909. Le rédacteur du codex 909 aurait donc « rétabli » le texte originel afin qu’il corresponde à la réalité de son époque. Cet anachronisme suffit, selon Meucci, à discréditer la version présentée dans ce codex et à revenir à la lecture traditionnelle de Végèce.
39Pour autant, l’auteur ne se contente pas d’un complet retour en arrière : il propose lui aussi une relecture de ce passage de l’Abrégé des questions militaires, selon des arguments historiques et organologiques. Constitué entre la fin du Ve siècle et le début du VIe siècle, le texte de Végèce qui a servi de base à l’essentiel des codex conservés aurait là encore fait l’objet de l’erreur volontaire, « critique », d’un copiste, qui aurait interverti les termes de bucina et de cornu afin de les faire correspondre à la réalité de son temps, déjà différente de celle de Végèce104. En effet, à la fin de l’empire d’Occident, le cornu est redevenu une simple corne d’animal, tandis que la bucina est un instrument de bronze plus ou moins arqué que l’on rencontre encore dans l’armée byzantine105. Pour retrouver enfin le texte originel de Végèce, il faudrait donc rétablir ces deux termes dans la position qui devait être la leur initialement. Ainsi il ne faudrait plus lire : « Les signes semi-vocaux sont ceux sonnés sur la tuba, le cornu ou la bucina. On appelle tuba l’instrument droit ; bucina celui en bronze recourbé sur lui-même ; le cornu celui fait en bœuf sauvage, entremêlé d’argent, le son que l’on en tire varie suivant la technique et la puissance du souffle », mais « les signes semi-vocaux sont ceux sonnés sur la tuba, le cornu ou la bucina. On appelle tuba l’instrument droit ; cornu celui en bronze recourbé sur lui-même ; la bucina celui fait en bœuf sauvage, entremêlé d’argent, le son que l’on en tire varie suivant la technique et la puissance du souffle »106.
40Cette modification permet de concilier, pour l’époque romaine classique, une tuba droite très certainement en métal et un cornu en métal recourbé, tel qu’il apparaît à de nombreuses reprises sur les bas-reliefs de la colonne Trajane ainsi que sur les monuments funéraires. La conclusion pour la bucina est donc, comme le suggère R. Meucci, qu’il s’agissait d’une simple corne de bovin décorée d’argent.
41Dans un article sur les instruments de musique de l’armée byzantine, N. Maliaras, qui ne fait aucune mention des travaux de R. Meucci, arrive à des conclusions proches107. Tout en notant la grande difficulté de l’étude des instruments de musique de l’armée byzantine, hérités en très grande partie de l’armée romaine d’Occident mais connus uniquement par des sources secondaires, sa tentative d’identification de la bucina dans l’iconographie byzantine aboutit à l’idée qu’il devait s’agir d’un instrument recourbé, représenté l’essentiel du temps comme une corne d’animal. Il relève toutefois l’influence probable des références au monde bucolique de l’Ancien et du Nouveau Testament et en conclut que toutes les bucinae n’étaient donc pas nécessairement faites de corne mais que les plus grosses pouvaient aussi avoir été conçues en métal.
42Il s’agit là d’une tentative de conciliation des différentes théories qui, en définitive, renforce la position de Meucci – la bucina était bien un instrument en corne –, tout en mettant à mal sa démonstration : contrairement à ce que le savant italien affirme, N. Malarias ne semble pas avoir trouvé trace d’une bucina qui serait un instrument droit en métal à l’époque byzantine, argument qui permettait à Meucci de « restaurer » le texte de Végèce…
43Si l’on retient l’hypothèse d’une bucina en corne et recourbée, ce serait ne pas faire honneur à la mémoire d’Aurelius Surus que de ne pas chercher à comprendre pourquoi il faut aller contre l’évidence de son monument funéraire : pourquoi un bucinator est-il représenté avec une tuba entre les mains ? R. Meucci ne peut faire l’économie d’hypothèses plus ou moins convaincantes. La première supposition consiste à dire que les deux instruments auraient été suffisamment proches (deux instruments à vent) pour que l’on puisse faire figurer l’un pour l’autre. Or l’existence de deux fonctions distinctes dans la hiérarchie militaire s’oppose à cette idée. Autre solution envisagée, la moins grande rigueur avec laquelle était observé le règlement aux confins de l’empire, faisant qu’un bucinator aurait pu être amené à jouer de la tuba – et donc à se faire représenter avec elle dans la mort. Dernière hypothèse, la tuba aurait été plus valorisante et l’héritier aurait donc préféré faire figurer le défunt avec une tuba dans les mains. Que des décennies de controverses historiographiques butent en dernière instance sur le sentiment d’un seul soldat vis-à-vis de son rang montre quoi qu’il en soit la fragilité des sources et des arguments échangés.
44Face à la diversité des positions adoptées par les uns et les autres et à l’absence d’argument permettant de trancher définitivement la question, la seule attitude valable est un retour aux sources108.
1.1.1.3.2. La bucina : une simple corne ?
45Si les sources étaient claires et unanimes, il n’y aurait pas de dispute historiographique. La raison principale de leur flou réside dans l’absence de représentation iconographique d’une bucina qui soit définitivement identifiée. Hormis le cas litigieux d’Aurelius Surus, aucune stèle de bucinator n’a livré de représentation de cet instrument de musique. Les autres monuments pouvant potentiellement fournir la représentation d’une bucina sont équivoques quant à la nature de l’instrument figuré. L’épigraphie, pour sa part, source importante pour l’étude des musiciens – 60 bucinatores ont été relevés à ce jour – ne permet pas de résoudre la question de l’instrument joué.
46C’estdoncverslessourceslittérairesqu’ilfautsetourner, avectoutes les précautions méthodologiques qu’elles exigent. En effet, rares sont les ouvrages qui permettent de donner une définition précise d’un objet relativement insignifiant comme la bucina. À ma connaissance, les passages qui traitent de la nature de l’instrument sont les suivants109 :
Jérôme, Commentaires aux prophètes mineurs. Osée, 2, 5, 8-9 : In Gabaa itaque et in Rama clara buccina et tuba personate, quorum buccina pastoralis est, et cornu recuruo efficitur : unde et propria hebraice shofar, graece κερατίνγρη appellatur. Tuba autem de aere efficitur, uel argento, quae in bellis et sollemnitatibus concrepabant.
Bède le Vénérable, De l’orthographe, 7, 265, 8 : Bucina pastoralis est et cornu recuruo fit, unde et ceratinia graece uocatur.
Cyprien Galle, Iud., 302 : Classica iamque sonant, dat cornea bucina signum. Scholiaste anonyme d’Horace, Odes, 1, 1, 23 : In bello sunt tubae quae fiunt ex argento uel alio metallo et sunt litui qui fiunt ex cornu recuruo, qui alio nomine bucina uocatur.
Pline, Histoire Naturelle, 16, 179 : Sui, sed fructectosi generis sunt inter aquaticas et rubi atque sabuci, fungosi generis, aliter tamen quam ferulae, quippe plus ligni est, utique sabuco, ex qua magis canoram bucinam tubamque credit pastor ibi caesa, ubi gallorum cantum frutex ille non exaudiat.
47La dernière de ces citations n’a, on le voit, pas de véritable intérêt pour la connaissance de l’instrument. Pline décrit une pratique d’imitation desdits instruments traditionnels par les bergers. Une vision uniforme de la bucina se dégage des quatre citations restantes. Toutes s’accordent sur le fait qu’il s’agissait d’un instrument en corne et trois précisent que cette corne était recourbée, ce qui s’accorde pleinement avec les conclusions de R. Meucci. Au contraire, on ne trouve aucun témoignage littéraire qui permette explicitement d’inclure les bucinatores parmi les joueurs d’instruments en bronze110.
48Que la bucina soit en corne et non en bronze permet de clarifier un passage de Végèce, renforçant ainsi la validité de cette position. Il s’agit d’un extrait du paragraphe portant sur les différences entre les instruments militaires ainsi que sur leurs fonctions respectives : « on appelle de même classicum ce que les bucinatores jouent avec le cornu »111. Cette phrase semblait bâtie sur une contradiction : pour sonner le classicum, les bucinatores se seraient emparés de l’instrument de leurs collègues cornicines112. Il y avait là une complexité que les historiens peinaient à résoudre : comment expliquer ce changement d’instrument ? Pourquoi les bucinatores ne se servaient-ils pas de leur instrument ou, autre manière de voir les choses, pourquoi n’étaient-ce pas les cornicines qui réalisaient cette sonnerie ? Or cet « enigmatic statement », pour reprendre les mots de M. Speidel113, devient limpide si l’on admet l’hypothèse d’une bucina en corne : les bucinatores jouaient le classicum grâce à leur corne, c’est-à-dire leur propre instrument et non ceux de leurs collègues.
49Paradoxalement, c’est finalement cette nouvelle lecture de Végèce qui joue en faveur de l’idée d’une bucina en corne, plus que les citations précédentes exprimant clairement ce fait. En effet, si l’on reprend ce petit corpus, on constate que la datation des textes est extrêmement tardive : Bède a vécu au VIIIe siècle, Cyprien Galle est un poète chrétien du Ve siècle et si le scholiaste d’Horace est resté anonyme, on sait toutefois que son commentaire des Carmina doit être daté de la fin du VIe - début du VIIe siècles114. Jérôme quant à lui, dont le commentaire est le plus complet, a vécu au IVe s. Les remarques énoncées par R. Meucci sur le passage de Végèce, 3, 5 et les modifications qui s’en sont suivies incitent à la plus grande prudence. Il faut conclure de ces citations, au mieux, qu’à une période très tardive la bucina était un instrument en corne, voire une véritable corne d’animal, plus ou moins travaillée.
1.1.1.3.3. Approche chronologique
50À partir de ce point d’appui chronologiquement tardif, il faut mener l’enquête pour des périodes plus anciennes, en prenant à rebours la chronologie des sources qui fournissent des renseignements indirects sur la bucina.
51Un fragment du Digeste retient en premier lieu l’attention. Il est tiré du premier livre de l’Art militaire de Taruttienus Paternus, dans lequel le juriste dresse la liste des immunes, ces soldats exemptés de corvées en raison de leur fonction115. On sait que Taruttienus Paternus est mort en 182, condamné par Commode suite à son laxisme en tant que préfet du Prétoire, si ce n’est son implication, dans la tentative d’assassinat de l’empereur par Lucille116. Cette date constitue donc un terminus ante quem pour la rédaction de son ouvrage consacré aux affaires militaires. Dans cette liste, les bucinatores apparaissent en dernier, bien après les mesureurs de blé, médecins et autres bouchers, mais aussi bien après deux professions particulièrement intéressantes pour le raisonnement : les tubarii et les cornuarii, c’est-à-dire les facteurs de tuba et de cornu.
52L’absence d’un terme servant à désigner les fabricants de bucina étonne de prime abord : s’agit-il d’un oubli du juriste117 ? En réalité, le terme bucinarius ne semble pas avoir existé, ce qui ne manque pas de poser question. Il fallait une technique bien rôdée pour maîtriser la fabrication des instruments en bronze comme le cornu ou la tuba. Mais pour fabriquer un instrument en corne, comment s’y prendre ? Selon A. Baines, il suffisait de débarrasser la corne de son cœur, à l’aide d’eau chaude ou en laissant les mouches et les bactéries faire leur œuvre, puis de percer118. Les prérequis techniques de la fabrication d’un instrument en corne, comme nous supposons qu’était la bucina, étaient donc bien moindres que pour la tuba ou le cornu. Si Taruttienus Paternus ne fait pas état d’une telle spécialité, c’est peut-être tout simplement car elle n’existait pas. Quand bien même on supposerait l’existence de spécialistes chargés de cette opération, on conçoit assez aisément qu’elle ait représenté moins d’effort et nécessité moins de connaissances techniques que pour la fabrication d’instruments en métal dont les études contemporaines soulignent l’extraordinaire virtuosité de réalisation119. La bien moindre difficulté dans la réalisation des bucinae justifierait ainsi que ses artisans ne fassent par partie des immunes.
53Il existe cependant une autre manière de lire ce texte, qui n’exclut pas les fabricants de bucina de l’ensemble des soldats exemptés de corvée. Elle procède d’une interprétation différente des termes de tubarius et cornuarius. La tuba comme le cornu sont, techniquement, des instruments tubulaires ; le mot tuba pouvait donc être employé comme un terme générique dérivé de tubus, le tube, servant à décrire les deux instruments de musique120. C’est notamment l’usage qu’en fait le grammairien Caper, à une date proche de celle de la rédaction de l’ouvrage de Taruttienus Paternus, en décrivant la bucina comme une tuba121. Il est donc possible de supposer que le terme de tubarius, lui aussi inconnu par ailleurs, devait être compris dans une acception plus large. Ainsi peut-on émettre l’hypothèse que le tubarius fabriquait aussi des bucinae, voire des cornua, bref tout instrument à base ou en forme de tube. Le cornuarius, quant à lui, pouvait fabriquer soit des instruments en forme de corne, des cornua, soit des instruments en corne, c’est-à-dire des bucinae puisque il s’agit du seul instrument à la nature incertaine. Que l’on retienne l’une ou l’autre des deux lectures, l’hypothèse d’une bucina en corne sort renforcée de l’analyse de ce passage datant de la fin du IIe siècle : il semble bien qu’à cette époque la bucina n’ait pas été un instrument métallique.
54Un second document, plus ancien, vient renforcer l’hypothèse. Il s’agit de l’ensemble d’inscriptions d’époque julio-claudienne découvert dans la zone de la Meta Sudans, près du Colisée, à l’intérieur d’un édicule ayant subi des transformations entre les règnes de Claude et de Néron122. La très longue base que protégeait le monument comportait les statues de membres de la famille julio-claudienne (Auguste, Claude, Néron et, un temps, Agrippine). La dédicace de cette base a été réalisée par un ensemble de plusieurs catégories de musiciens, les aenatores, tubicines, liticines, cornicines Romani123.
55Les bucinatores ne font pas partie des dédicants. Si, comme le pense V. Morizio, le terme d’aenatores doit être compris comme une catégorie générique pour les musiciens jouant sur des instruments en métal, qu’expliciteraient les termes tubicines, liticines, cornicines, comment expliquer l’absence des bucinatores de cette inscription124 ? L’explication la plus logique consiste à penser que les bucinatores ne figurent pas sur un monument dédicacé par les aenatores pour la bonne et simple raison qu’ils n’appartiennent pas à cette catégorie. De fait, pourquoi feraient-ils partie des aenatores si leur instrument n’est pas en métal mais bien en corne ? Admettre l’hypothèse d’un instrument en corne permet de justifier au mieux l’absence des bucinatores que V. Morizio tente d’éclaircir par la synonymie des termes aenatores et bucinatores, avant de réfuter cette idée trop en contradiction avec les sources littéraires, laissant le problème totalement ouvert125. Cette interprétation de l’inscription de la Meta Sudans, conduit donc à penser que, sous les Julio-Claudiens, la bucina était déjà un instrument en corne.
56Enfin, les sources littéraires républicaines mettent elles aussi sur la piste d’un instrument parent de la corne d’animal. Sous la plume de plusieurs auteurs, la bucina est l’instrument des bergers. Varron rappelle l’importance pour le berger d’élever ses cochons dès le plus jeune âge au son de la bucina, afin de se gagner leur obéissance, gage d’une tranquillité future126. Cette même veine agronomique est reprise quelques décennies plus tard par Columelle127. Properce, quant à lui, fait bucoliquement flâner quelques bergers désœuvrés soufflant dans leur bucina parmi les ruines de l’antique Véies, appel à la méditation sur l’orgueil, la grandeur et la chute128.
57Cette insertion de la bucina dans le monde rural, qui tend à rendre plus consistante l’identification de cet instrument avec une corne d’animal, est confirmée par Cicéron, pourtant aussi peu agronome qu’élégiaque. Dans la seconde action contre Verrès, l’avocat envisage les œuvres d’art pillées par l’insatiable avidité du préteur. Ce dernier envoyait des hommes de main pour s’approprier les richesses culturelles de petites communautés. Celle d’Assore ne put conserver ses statues que grâce à la vigilance de quelques uns : « Les préposés et les gardiens comprennent à temps le danger ; on sonne de la bucina, signal familier à tout le voisinage ; les paysans accourent des champs ; on chasse et on met en fuite Tlépolème, et on n’eut à regretter aucune perte dans le sanctuaire de Chrysas, sauf une très petite statue de bronze »129. Comme dans les cas précédents, l’environnement rural renforce l’hypothèse d’une corne d’animal transformée en instrument de musique.
58Bien qu’éparses, les sources littéraires incitent donc à penser que la bucina était une corne d’animal dès le dernier siècle de la République – et sans doute bien avant étant donné l’aspect rudimentaire de l’instrument – jusqu’à la fin du IVe siècle. On ne peut que déplorer le grand vide documentaire des IIIe-IVe siècles : durant près de deux siècles aucune information ne se rapporte à la nature de l’instrument du bucinator. Pourtant la pesanteur de la continuité doit conduire à supposer que l’instrument n’a pas non plus connu de variation structurelle durant ces années.
1.1.1.4. Les aenatores ?
59Le mot aenator a été rencontré au cours de la réflexion sur le bucinator et son instrument, dans le contexte civil de la dédicace du monument de la Meta sudans. Il a été interprété comme un terme générique permettant de désigner les instrumentistes utilisant des instruments en bronze (aes). Concernant les musiciens de l’armée, l’épigraphie ne permet pas d’arriver à une telle interprétation : à notre connaissance le terme n’apparaît, dans un contexte militaire assuré, que sur une seule inscription130. Il s’agit d’une inscription gravée sur un autel voué à Minerve par les aenatores de la première cohorte des Séquanes et des Rauraques, un corps monté stationné à Steinbach, en Germanie supérieure131. Ce monument ne comportant pas d’iconographie instrumentale, il ne peut donc servir à déterminer la nature des aenatores.
60Par ailleurs, le mot n’est pas très souvent employé par les auteurs de textes littéraires, même si certains s’avèrent précieux. C’est le cas de Suétone, dans sa description du franchissement du Rubicon par César. Tandis que l’imperator hésite à se mettre dans l’illégalité, un signe lui est envoyé par les dieux :
Un homme d’une taille et d’une beauté extraordinaire apparut soudain, assis tout près de là et jouant d’une flûte taillée dans un roseau ; des bergers étant accourus pour l’entendre ainsi qu’une foule de soldats des postes voisins, et parmi eux également des aenatores, cet homme prit sa tuba à l’un d’entre eux, s’élança vers la rivière et, sonnant la marche avec une puissance formidable, passa sur l’autre rive. Alors César dit : “Allons où nous appellent les signes des dieux et l’injustice de nos ennemis. Le sort en est jeté”132 .
61Il ressort clairement de ce passage que, pour Suétone, les joueurs de tuba appartiennent à la catégorie des aenatores. Festus paraît toutefois le contredire : il fait de ce terme un synonyme de cornicines : « les aenatores, autrement dit cornicines, c’est-à-dire ceux jouant sur le cornu »133. En réalité, ces textes ne sont pas en contradiction, ils se complètent : la narration d’un même épisode par deux auteurs permet de constater une équivalence entre le mot aenator et le couple tubicen – cornicen. Il s’agit d’un épisode de la guerre de Jugurtha, dans lequel Marius envoie cinq musiciens en embuscade faire croire aux assiégés que leur ville est attaquée à revers. Pour Salluste, Marius choisit « entre les tubicines et les cornicines de l’armée cinq des plus agiles134 » ; pour Frontin, ce sont des aenatores qui sont utilisés par le général pour réussir cette feinte135. Cette composition du groupe des aenatores est cohérente avec le rôle que leur confient les auteurs lors des descriptions de scènes militaires : ils sonnent le départ ou l’attaque, comme le font les tubicines et les cornicines136.
62On peut donc penser, finalement, que le terme aenator désignait les instrumentistes jouant sur des instruments en bronze, soit, si l’on accepte le raisonnement précédent, les tubicines et les cornicines. Les aenatores de Steinbach qui ont réalisé une inscription en l’honneur de Minerve étaient les tubicines et les cornicines de la cohorte des Séquanes et des Rauraques.
63Les tubicines, cornicines et bucinatores sont les trois types de musiciens que les troupes romaines comptaient assurément dans leurs rangs. Si la nature de l’instrument sur lequel ils jouaient peut être sujette à discussion, en ce qui concerne la bucina, l’épigraphie ne permet pas de douter de la réalité de leur présence parmi les soldats. Les choses ne sont en revanche pas évidentes pour deux autres catégories de musiciens, les liticines et les tibicines. Les sources les concernant sont plus rares et problématiques.
1.1.2. Deux cas litigieux : liticines et tibicines
1.1.2.1. Le liticen, fantôme épigraphique
64Le liticen, joueur de lituus, représente un cas totalement opposé au bucinator : l’importance des renseignements sur son instrument n’a d’égal que la rareté des informations le concernant. Alors que la littérature fait de fréquentes références au lituus et quelques unes, plus rares, au liticen137, il est frappant de constater qu’aucun musicien n’est désigné par le terme liticen dans l’ensemble de l’épigraphie latine, ni qu’aucune représentation certaine de lituus n’est repérable dans un contexte militaire138. Cet écart entre les sources ne manque pas de poser problème et se reflète dans l’historiographie.
65L’origine étrusque du lituus est attestée par de nombreux textes, à tel point qu’il se trouve régulièrement désigné par les termes « trompettes tyrrhénienne ». L’importance du lituus dans la civilisation étrusque a été largement soulignée par les travaux de J.-R. Jannot, qui ont permis de montrer que l’instrument fut utilisé par les responsables des cités étrusques comme symbole de leur pouvoir, civil plus que militaire139. Sans grand étonnement c’est en contexte étrusque qu’on en trouve les plus célèbres témoignages140. Ainsi des litui sont-ils visibles sur les pilastres de l’extraordinaire tombe aux reliefs de Cerveteri141. On y voit un long instrument droit dont le pavillon se recourbe à 180 degrés à son extrémité. La qualité de production et de conservation des stucs rend envisageable la comparaison technique entre la figuration de ces instruments et les quelques vestiges qui ont traversé le temps. De Vulci est en effet parvenu un instrument, conservé dans les musées du Vatican : il s’agit d’une trompe droite d’une taille avoisinant les 160 cm, dont le pavillon se recourbe à 160 degrés environ et dont l’apparence est très proche de ce que l’on peut voir sur les stucs de la tombe de Cerveteri. Bien qu’il soit de taille légèrement inférieure (145 cm), l’instrument découvert à Pian della Civiltà (Tarquinia) parmi d’aures éléments en bronze composant un dépôt votif correspond aux mêmes caractéristiques techniques142.
66Dès 1954, F. Behn dressa la liste des instruments et fragments d’instruments connus143. Cette liste fut reprise, amendée et étoffée par M. Klar qui a présenté l’article techniquement le plus complet sur la question, descriptions précises, mesures et photos à l’appui144. Le relevé des lieux dans lesquels ces instruments ont été découverts fait ressortir l’importance du limes germanique puisqu’à l’exception d’un instrument découvert en Écosse, tous les autres proviennent de cet espace frontalier. Il semble toutefois que l’identification de nombre des litui jusqu’alors considérés comme romains doit être considérée avec la plus grande prudence. Selon C.-G. Alexandrescu, la datation de quasiment tous les vestiges ainsi classés ne correspond pas à la période romaine, ce qui n’est pas sans poser problème pour la question des relations entre lituus et armée145.
67L’approche la plus intéressante est toutefois celle de G. Wille. Se contentant d’une description minimale de l’objet, il l’inclut sans discussion parmi les instruments de l’armée au profit d’une interrogation sur la place des liticines dans les troupes et notamment l’existence d’un poste de liticen146. Bien qu’énoncée avec toute la prudence nécessaire, sa conclusion évoque la difficulté à distinguer les liticines des tubicines dans les sources littéraires, et doute d’une éventuelle division entre deux fonctions distinctes147.
68Une telle enquête ne peut être menée qu’à partir d’un examen systématique des passages consacrés au lituus et au liticen dans la littérature. Si les citations sur l’instrument abondent, on ne peut en dire autant concernant son spécialiste. Varron, Festus et Charisius témoignent tous trois de l’existence d’un mot pour le désigner, composé à partir du nom de l’instrument148. Stace est plus précis, bien que le terme liticen soit alors utilisé dans un contexte poétique et archaïsant149. Enfin, Ammien Marcellin semble employer le mot comme référence à un poste de la hiérarchie militaire, tout comme l’auteur de la vie d’Aurélien dans l’Histoire Auguste : « Quant au temple du Soleil, à Palmyre, que les porte-aigle de la troisième légion, avec les porte-étendart, le porte-dragon, les cornicines et liticines ont pillé, je veux qu’il soit rétabli dans son état antérieur »150. Ce dernier passage est particulièrement éclairant : les liticines sont intégrés à l’énonciation d’une série de charges bien connues, ce qui semble devoir mettre un terme définitif quant au doute sur l’existence d’une charge de liticen. Il est notable que les liticines soient alors associés à un autre type de musiciens, les cornicines. Au contraire, les tubicines ne sont pas mentionnés, soit qu’ils n’aient pas participé à la dégradation du temple de Sol à Palmyre, soit qu’ils soient désignés dans ce passage par le mot liticines.
69L’hypothèse énoncée par G. Wille d’une identité entre les tubicines et les liticines prend tout son sens dans ce fragment de l’Histoire Auguste, mais elle est par ailleurs renforcée par certains passages dans lesquelles le lituus est associé au cornu – et non le liticen puisque toutes les citations contenant ce terme dans un contexte militaire ont déjà été relevées. On trouve ainsi mêlées les sonorités de ces deux instruments sous la plume de Juvénal, tandis qu’il prévient une future recrue de ce dont son avenir sera fait, une vie rythmée par le cornu et le lituus151, ou encore chez Sénèque, lorsque le chœur d’Œdipe narre la naissance d’une troupe armée152. Ainsi, à l’association courante du cornu et de la tuba se substitue dans ces passages le couple cornu-lituus, comme si le lituus était un équivalent de la tuba. Certains auteurs vont plus loin et explicitent l’équivalence entre tuba et lituus. Ainsi Stace qui, dans un passage de la Thébaïde, emploie indifféremment les deux termes : sa phrase commence par lituus et se termine par tuba pour désigner le même instrument153. De même Aulu Gelle remplace le mot tuba par lituus sans que le sens de sa démonstration n’en soit affecté : dans les deux cas l’instrument est associé au cornu154. Enfin, pour le grammairien du IVe siècle Charisius, l’assimilation entre les deux instruments est complète puisqu’il définit le lituus comme étant une tuba minor, ce qui est techniquement exact puisqu’il s’agit d’une trompe droite d’une taille inférieure155.
70Il semble donc que l’hypothèse de G. Wille doive emporter l’adhésion et puisse être énoncée avec plus de force que ne l’a fait le savant allemand. La proximité organologique entre lituus et tuba rend tout à fait crédible l’idée selon laquelle un même instrumentiste pouvait jouer de l’un et de l’autre instrument sans que son jeu ne s’en ressentît. Les tubicines devaient être appelés à jouer du lituus dans des circonstances qui nous échappent. Elles devaient être suffisamment rares pour que ces soldats continuassent à être désignés comme des tubicines et non des liticines, un terme qui existait pourtant. La pratique de la tuba constituait donc l’essentiel de leur service, celle du lituus n’étant qu’un appoint exigé par des raisons ponctuelles156.
71Peut-on, comme le suppose F. Behn à la suite d’une scholie du Pseudo-Acron à la première des Odes d’Horace, supposer que le lituus était utilisé dans la cavalerie tandis que la tuba n’aurait servi que dans l’infanterie157 ? L’information est isolée car aucun des écrits auquel le scholiaste fait référence ne nous est parvenu. En l’absence de toute inscription de liticen, cavalier ou fantassin, cette hypothèse paraît très largement invérifiable. Il est en revanche à noter que les seuls passages d’œuvres littéraires qui utilisent le terme liticen comme s’il s’agissait d’un poste de la hiérarchie militaire sont relativement tardifs : Ammien Marcellin et l’auteur de la vie d’Aurélien dans l’Histoire Auguste vécurent tous deux au IVe siècle. Il faut peut-être y lire le signe d’une évolution chronologique : si le lituus a fait l’objet d’une utilisation accrue dans les armées romaines du Bas-Empire, les auteurs contemporains ont pu penser qu’il s’agissait d’un poste reconnu par la hiérarchie militaire.
72Ainsi, si l’épigraphie du Haut-Empire n’a livré le nom d’aucun liticen, c’est sans doute qu’aucun soldat n’occupait cette charge, ce qui ne signifie pas pour autant qu’aucun soldat ne jouait du lituus dans les rangs de l’armée romaine.
1.1.2.2. Des tibicines parmi les soldats ?
73La présence de tibicines dans les troupes romaines est un sujet qui, à ma connaissance, n’a jamais été abordé158. De fait, le dossier de sources les concernant est mince et appelle plus de questions que d’hypothèses. Il s’est toutefois enrichi en 2000 d’une inscription qui impose de l’ouvrir : à Salone, un soldat est qualifié de tibicen159.
74Aulu Gelle consacre la totalité du onzième chapitre du premier tome des Nuits Attiques à la question de la présence des tibiae dans les rangs des armées antiques. Selon lui, la tibia n’est pas un instrument au service de l’armée romaine, dans quelque contexte que ce soit. La distinction qu’il fait est très claire : d’un côté les Romains, qui se servaient des cornua, des tubae et des litui160 ; de l’autre les Crétois qui marchaient à la guerre au son de la cithara, les Lydiens, qui se battaient accompagnés de fistulatores et fidicines et surtout les Lacédémoniens, qui avaient pour habitude de placer des tibicines entre les rangées de soldats au moment de partir au combat161. Aulu Gelle définit Sparte comme un cas à part. Il suit en cela Thucydide : elle est une cité originale qui ne cherchait pas à exciter ses soldats au moment de partir au combat, mais au contraire à les calmer afin qu’ils ne s’égarent pas en tous sens dans la mêlée. Selon Aristote, cette habitude avait au contraire pour effet de donner aux combattants assurance et courage162.
75Aucun auteur n’évoque donc la présence de tibicines parmi les soldats des armées romaines. Pourtant, un certain nombre de représentations iconographiques relatives à la vie militaire incluent des tibicines. Sur la colonne Trajane, cinq scènes montrent un de ces musiciens en train de souffler dans son instrument, au cours de séquences relevant de la vie des camps163. Toutes correspondent au même schéma, avec des variantes à la marge : l’empereur, la tête nue ou recouverte d’un pan de sa toge, est en train de verser une libation sur un autel fumant. Un tibicen est à ses côtés, jouant de son instrument. Cette scène correspond à l’archétype des prémices du sacrifice romain164. Elle se déroule à trois reprises à l’intérieur du camp, alors que l’empereur procède à la lustration de l’armée avant le début d’une nouvelle campagne165. En deux autres occasions la scène est répétée au sein d’une cité et devant un grand pont construit sur le Danube166. À l’évidence le tibicen participe ici à la vie religieuse des camps. Pour autant, il n’agit pas moins dans le cadre de l’armée, et dans le cas particulier de la colonne Trajane, d’une armée en campagne.
76Les scènes représentées sur la colonne Trajane ne sont pas décrites par la littérature. Pourtant, les situations dans lesquelles la présence d’un tibicen était requise pour des raisons rituelles devaient être nombreuses : comment faire sans musicien pour demander l’assentiment divin avant une bataille, pour purifier l’armée ou célébrer une victoire167 ? Pline évoque un sacrifice réalisé au son de la tibia par un centurion, assisté par les consuls, en raison de l’acte de bravoure qu’il avait réalisé168. On ne sait pas toutefois si cette scène s’est déroulée à Rome ou dans les castra légionnaires. Tite Live évoque, quant à lui, l’un de ces rituels célébrés par Scipion afin de demander l’approbation des dieux avant que l’armée ne prenne la mer169. Il y a eu sacrifice animal : l’imperator a donc dû au préalable procéder à une praefatio au son de la tibia. Mais de cette partie-ci du rite Tite Live ne dit rien, certainement en raison de son caractère familier : pourquoi énoncer une réalité implicite évidente pour tous les lecteurs ? De tels rituels, s’ils étaient banals aux yeux des contemporains, doivent être recréés par l’historien. L’action d’un tibicen était-elle si ponctuelle ? Il y a tout lieu de croire au contraire qu’elle était fréquente, l’armée romaine entretenant de constantes relations avec les divinités. Sans même aller jusqu’aux circonstances exceptionnelles évoquées précédemment (ouverture de campagne, bataille…), la simple vie religieuse de l’armée supposait la présence de tibicines. Le calendrier religieux retrouvé à Dura Europos, ou Feriale Duranum, dresse la liste des fêtes célébrées par les membres de la cohors XX Palmyrenorum : les sacrifices sont nombreux, généralement plusieurs par mois, or pour qu’ils soient effectués selon un rite valide, il fallait qu’un tibicen soit présent170.
77Dès lors, comment comprendre le silence de nos sources sur ce type de musiciens ? Qui était donc le tibicen à qui revenait l’honneur de garantir l’efficacité rituelle de l’ouverture d’une campagne militaire ? D’où provenait-il ? Une armée en campagne pouvait-elle s’attendre à trouver, où qu’elle fût, un tibicen capable de jouer convenablement lors des sacrifices ? Cette hypothèse paraît hautement improbable, surtout dans le cas de campagnes en territoire barbare, comme lors des campagnes daciques. Faut-il au contraire supposer qu’un tibicen suivait l’empereur dans ses déplacements et intervenait dès lors que ce dernier devait procéder à un sacrifice ? Si tel était le cas, quel était le statut de ce musicien ? Était-il un de ces lixae à la mauvaise réputation, suivant les moindres mouvements de l’armée afin de fournir à ses membres tout ce dont ils pouvaient manquer ? S’agissait-il au contraire d’un soldat dont c’était la responsabilité ? On pourrait émettre l’hypothèse que dans chaque légion un des musiciens militaires traditionnels avait aussi des compétences pour jouer de la tibia, même s’il est évident que les techniques de jeu d’un instrument à anches n’ont rien à voir avec celles d’une trompe, quelle qu’elle soit.
78Trois inscriptions posent cependant la question d’un poste distinct pour les tibicines. Sur une pierre de Mésie inférieure relative à la première légion Italica, le nom d’un certain Pomponius apparaît, assorti de la mention tibicen171. La nature de cette inscription n’est pas établie avec certitude car la partie supérieure du support ne nous est pas parvenue. Il ne reste qu’un fragment alignant les noms de membres de la legio I Italica, avec la mention de leur fonction. Aucun d’eux n’est un simple soldat : cette liste ne concerne que des membres de la hiérarchie moyenne et supérieure de la légion, euocati (2), optiones (2), tesserarius, imaginiferi (2), custodes armorum (2), tubicen et cornicines (4). La liste ne respecte pas l’ordre hiérarchique : elle commence et se termine par un euocatus. C’est pourquoi elle pourrait faire penser à la dédicace réalisée par les dévots d’un culte ou, dans une moindre mesure, à une dédicace collective réalisée par les duplarii d’un même corps, à l’image de CIL, VIII, 2564. Au milieu de tous ces gradés apparaît Pomponius [- - -]n[- - -], qualifié de tibicen. On pourrait arguer d’une possible erreur du lapicide, qui aurait confondu tibicen et tubicen. Toutefois la mention du tubicen Papirius Valens sur la même ligne conduit à écarter cette hypothèse : il serait très étonnant que le graveur se soit trompé alors que le même mot figurait tout à côté.
79Une inscription romaine, connue de longue date et malheureusement disparue depuis la fin du XIXe siècle, fait elle aussi mention d’un tibicen dans un cadre militaire172. Publius Octavius Marcellinus a servi, 18 années durant, dans les cohortes prétoriennes ; il a reçu l’honesta missio, probablement entre 161 et 169. Toutefois, la particularité de cette inscription ne réside pas dans la carrière miliaire de Marcellinus : il était inscrit sur les registres des distributions frumentaires et il appartenait au collège des tibicines. A priori, rien ne relie le passé militaire du défunt à sa pratique de la tibia. En réalité, ces deux éléments de sa biographie sont forcément en rapport : mort à 37 ans après 18 années de service, Marcellinus était un jeune vétéran qui venait tout juste de recevoir l’honesta missio lorsque la mort le rattrapa. Il est donc exclu qu’il ait eu le temps d’apprendre à jouer de la tibia en quelques mois : il s’agit d’un instrument exigeant et il est peu probable que Marcellinus ait été inscrit dans le collège des tibicines en ne sachant jouer que quelques notes173. Il faut donc penser que Marcellinus maîtrisait déjà la technique de la tibia, c’est-à-dire qu’il en jouait dans les cohortes prétoriennes. Cette hypothèse est recevable : comme les autres corps de troupe, les prétoriens avaient une vie religieuse collective qui passait par la réalisation de sacrifices et de prières pour la réalisation desquels le jeu d’un tibicen était nécessaire. À sa sortie de charge, Marcellinus aurait donc intégré directement les rangs du collège des tibicines de Rome, continuant ainsi à utiliser les compétences acquises dans les cohortes prétoriennes.
80Cette inscription n’offre toutefois pas un argument définitif. En effet, qu’une légion stationnée sur le limes danubien ait dans ses rangs un tibicen chargé de satisfaire à ses besoins musicaux et rituels peut aisément se comprendre : Sarmizegetusa ne disposait peut-être pas de tibicines dignes de ce nom à fournir aux armées. Ce n’était évidemment pas le cas de Rome, où l’on imagine sans peine que des tibicines romains auraient pu être appelés ponctuellement, lorsque leur service était requis. Dès lors, comme pour Pomponius précédemment, on peut toujours envisager l’hypothèse d’une étourderie du lapicide174 ; contrairement aux tibicines prétoriens les tubicines sont largement attestés et bien connus175. Pomponius pouvait être l’un d’eux. À sa sortie de charge le tubicen aurait rejoint le collège des tubicines qui, à l’instar de celui des aenatores, conférait à ses membres le privilège frumentaire176.
81C’est dans ce contexte que l’inscription de Salone prend toute son importance177. Ce texte est l’épitaphe d’une femme, Valeria Maxima, réalisée par un soldat de la huitième cohorte des volontaires nommé Publius Bennius Priscianus. Celui-ci se qualifie de tibicem (sic) consularis. L’intérêt de l’expression est double. D’une part, elle apporte un document supplémentaire au dossier des tibicines militaires : le rédacteur de l’inscription étant le soldat lui-même, on peut supposer qu’il a vérifié le contenu du texte après sa réalisation, ce qui exclut, enfin, la confusion tibicen/tubicen178. Elle assigne, d’autre part, une fonction précise au soldat : tibicen, il oeuvrait à Salone dans l’officium du gouverneur179. Cette précision l’écarte de la vie religieuse des camps : il devait jouer lors des cérémonies auxquelles procédait lui-même le gouverneur. Cette inscription éclaire donc le fait que les tibicines militaires pouvaient ne pas être intégrés dans le cursus militaire régulier mais étaient placés directement au service du responsable du corps, habilité à agir religieusement au nom de l’ensemble de la troupe. Le soldat possédant la compétence technique nécessaire à ce service pouvait donc espérer devenir un desservant direct du responsable du corps de troupe dont il dépendait.
82En définitive, le dossier des tibicines militaires reste maigre : au mieux trois inscriptions, quelques citations et scènes de la colonne Trajane, pour beaucoup de suppositions. Néanmoins, une réflexion sur la vie religieuse des camps ne saurait se départir de ce questionnement sur la présence de tibicines dans les rangs. Alors que certains de ces musiciens intervenaient régulièrement lors des cérémonies publiques réalisées dans les campements, comment expliquer que nous n’ayons pas plus d’inscriptions à disposition ? À mon sens, la rareté du nombre d’individus concernés est une justification en soi. Un tibicen par corps de troupe devait suffire à remplir les obligations religieuses : les chances de retrouver une inscription le concernant sont donc bien minces.
83Cette présentation liminaire des instrumentistes de l’armée n’est pas le reflet de la simplicité apparente délivrée par les sources. Si les tubicines, cornicines et bucinatores sont bien les principaux musiciens servant dans les troupes romaines, comme l’a écrit Végèce, encore faut-il savoir de quel instrument ils jouaient. Par ailleurs, le fait qu’ils soient les plus importants en nombre ne fait pas d’eux les seuls musiciens militaires, comme la réflexion sur les tibicines a essayé de le montrer. Il est désormais temps de mettre ces musiciens au cœur de l’action en tentant de déterminer leur rôle dans le fonctionnement de l’armée.
1.2. Les sons de leurs maîtres
84Les instrumentistes appartenant aux troupes romaines jouent avant tout pour transmettre des ordres180. Ils sont les relais du commandement et donnent à l’ensemble de la troupe les informations concernant son activité, ses déplacements, etc. Ce faisant, ils incarnent l’une des trois modalités de communication décrites par Végèce : ils donnent les semiuocalia signa181, par opposition aux signaux vocaux, transmis d’homme à homme grâce aux mots de passe et aux signaux optiques, correspondant au langage des étendards et des signaux de fumée182.
85Les fragments de sources littéraires qui montrent des musiciens en train de relayer des ordres sont nombreux. Pourtant le relevé exhaustif de ces citations, par ailleurs réalisé en grande partie par G. Wille, n’est pas, en lui-même, d’un grand intérêt. Les sources se répètent et les musiciens reviennent régulièrement sous la plume de certains auteurs, motifs répétitifs participant à la construction du discours. Le lituus est ainsi l’instrument favori d’Ammien Marcellin : dans ses descriptions, les batailles commencent presque exclusivement au son du lituus183. Mais, par extension, l’auteur fait aussi une utilisation métaphorique de l’instrument : le lituus devient le marqueur du début des troubles civils, le synonyme de la médisance semant la discorde ou encore des paroles qui enflamment184. L’enjeu de l’étude est donc double : d’une part relever les principaux types d’action dans lesquelles intervenaient les musiciens, tous instruments confondus, afin d’obtenir la vision la plus claire possible ; dans un deuxième temps seulement, tenter de démêler l’écheveau des citations en voyant s’il est possible d’attribuer un rôle plus spécifique à chaque instrumentiste.
1.2.1. Semiuocalia signa : le support privilégié de la communication collective
86La raison d’être dans l’armée des instruments de musique réside dans la possibilité de communication collective qu’ils offrent. Contrairement aux mots de passe, qui ne peuvent circuler que lentement d’homme à homme, les sons des trompes, quelles qu’elles soient, se diffusent à tous immédiatement. C’est pourquoi on les retrouve avant tout dans les situations de mouvement collectif.
1.2.1.1. À la bataille !
87L’action dans laquelle les musiciens militaires sont de loin les plus souvent mentionnés est l’attaque. Lorsqu’il s’agit de se lancer dans l’affrontement, d’oublier ses peurs et d’attaquer les ennemis, les trompes sonnent à tout rompre. Les musiciens incarnent alors le changement d’état, de l’armée passive à l’armée conquérante185.
88Les trompes sonnaient avant même que le signal de la lutte ne soit donné. Certains auteurs décrivent ainsi des sonneries annonçant la prise d’armes, afin que tous les soldats soient prêts au moment souhaité186. C’est sans doute à l’auteur anonyme du De mundo, attribué à Apulée, que l’on doit la meilleure démonstration de cette prise d’armes ; une fois entendue la sonnerie chaque soldat est décrit dans ses préparatifs guerriers :
Quand la tuba a émis sa sonnerie guerrière, les soldats sont enflammés par ses accents ; l’un ceint son épée, un autre prend son bouclier, celui-là enfile sa cuirasse, celui-ci revêt sa tête d’un casque ou ses jambes de jambières, soumet un cheval au mors ou habitue un attelage à la bonne entente ; et, sans attendre, chacun assume la fonction qui lui revient : les vélites préparent une sortie, les centurions s’occupent des rangs, les cavaliers se portent en avant des ailes, les autres s’affairent aux besognes qui leur sont échues ; cependant toute cette armée obéit aux ordres d’un seul – car elle l’a placé à sa tête – un chef qui détient le pouvoir souverain187 .
89Avant que les soldats ne se lancent dans le tumulte de l’affrontement, ils entendaient donc plusieurs sonneries répondant aux différentes étapes de la préparation et de l’assaut, données simultanément à tous par les musiciens188.
90Cet ordre transmis, les musiciens ne s’arrêtaient pas de jouer : ils participaient au vacarme de la lutte, sans que les sources ne nous permettent d’être véritablement plus précis189. On sait que ces ordres sonores guidaient plus particulièrement les mouvements de troupes190. Ils permettaient aussi de lancer une contre-attaque en cas de besoin191. Le signal du repli marquant la fin d’une offensive était, lui aussi, transmis via les instruments de musique192. Enfin, en cas de prise d’une ville, le butin était peut-être mené au son des instruments militaires193. Les différents appels étaient connus de tous et devaient être maîtrisés sans quoi la confusion prenait le pas sur l’organisation, comme le décrit Tite Live pour la bataille qui se déroula au large de Myonnèse en septembre 190 a. C. :
Frappé de surprise, le préteur fait sonner les tubicines pour rappeler tous ceux qui s’étaient dispersés dans la campagne ; il envoie les tribuns dans la ville pour faire embarquer soldats et matelots. Un incendie soudain ou la prise d’une ville ne provoquent pas moins d’affolement : les uns accouraient dans la ville pour rappeler leurs camarades, les autres sortaient de la ville pour regagner leurs navires à la course, et, dans la confusion des appels, que couvraient encore les tubae et qui brouillaient les commandements, il y eut enfin une précipitation générale vers les vaisseaux194.
91Il ne faut pas douter de la réalité de cette implication des musiciens dans les différentes étapes des batailles. Cependant, on se gardera d’établir un ratio entre le nombre de citations dans les sources littéraires et la réalité du terrain. Donner le signal d’une attaque n’était certainement pas ce que les musiciens faisaient le plus souvent : un soldat connaissait, même en temps de guerre, bien plus de journées sans bataille que de combats. C’est pourquoi l’action des instrumentistes est évoquée de manière générale dans les situations de passage à l’action, hors même des champs de bataille. Les instrumentistes jouent ainsi pour signifier le départ de la troupe195, le franchissement d’un obstacle196, le début d’une tâche197 ou encore l’embarquement dans des bateaux198. Les scènes de combat constituaient autant de passages obligés dans la littérature historique et les musiciens venaient en aide aux auteurs dans l’embellissement de leur narration. L’ouïe des lecteurs est stimulée par les appels des trompes, rendant plus vivantes les descriptions des champs de bataille.
1.2.1.2. La vie des camps
92C’est toutefois au quotidien, dans les camps, que les sonneries de trompes étaient jouées le plus régulièrement. Selon Horace, elles participent de la définition même de la vie en casernement199. La fonction des musiciens qui ressort des sources littéraires est la division du temps en portions régulières200. Les ruptures les plus importantes sont celles qui fractionnaient la nuit en quarts, ou uigilae, marquant la relève des gardes en faction201. Elles hachaient le sommeil des soldats, créant une hantise fort compréhensible du réveil au son de la trompe202. Les musiciens chargés de cette division du temps étaient eux-même commis à de longues heures d’attente, ce qui explique peut-être les graffiti rédigés par certains d’entre eux sur les murs de la caserne des vigiles, à Ostie203. Durant la journée, les trompes appelaient les soldats aux différentes tâches qui leur incombaient, ainsi qu’aux repas pris en commun204. Selon Polybe, le dîner donnait lieu à une sonnerie particulière jouée devant la tente du général : elle appelait à la fois au repas et au début des veilles205. Enfin, ponctuellement, les trompes appelaient au rassemblement de tous les soldats, la plupart du temps pour une allocution du général206.
93La vie des soldats dans les camps était donc inimaginable sans l’intervention régulière, structurante, des musiciens militaires. Elle se fondait sur un rythme récurrent et des phrases sonores maîtrisées par tout un chacun : comme toute communication efficace, elle impliquait un langage commun entre les locuteurs. Les musiciens devaient donc jouer leurs airs avec efficacité et clarté, tandis que les soldats devaient en connaître la signification. Ce langage sonore de l’armée était connu de tous… y compris des ennemis de Rome, ce que les généraux n’ont pas hésité à utiliser à de nombreuses reprises.
1.2.1.3. Feintes et pièges
94La principale feinte, déclinée sous diverses versions, consiste à faire croire qu’un nombre de soldats important est présent alors qu’il n’y a en réalité qu’un musicien, maintenant l’illusion d’une situation régulière. Ainsi les généraux peuvent discrètement vider leur camp de toute la troupe, du moment qu’un musicien sonne l’apparence de la normalité207. Le volume sonore généré par les musiciens leur conférait donc une valeur de synecdoque : leur présence signifiait, a priori, celle de la totalité du corps de troupe. Une telle équivalence présentait de grandes possibilités offensives, particulièrement en situation de siège : envoyer un ou deux musiciens jouer aux pieds de l’ennemi pouvait permettre de lui faire croire que la totalité de la légion romaine était à la manœuvre. C’est ce que fit Marius, assiégeant une citadelle détenue par Jugurtha : il lui suffit de demander à cinq musiciens agiles de se faufiler à l’arrière de la citadelle pour faire croire aux assiégés qu’ils étaient pris à revers, créant dans leurs rangs une désorganisation fatale208. La confusion induite par des sons inattendus est la clé de ce genre de succès. C’est pourquoi ces manœuvres ont généralement lieu de nuit : un son ennemi interrompant le sommeil, l’angoisse d’une attaque imminente et c’est la débandade assurée, comme le comprirent des soldats de Titus lors du siège de Jérusalem, prenant eux-mêmes avec succès l’initiative d’une telle feinte209. Cette tactique bien connue fut énoncée clairement par Onasandre dans son manuel militaire datant du milieu du Ier s. p. C.210
95La puissance sonore des instruments militaires était une source d’affolement des sens pour des ennemis aux aguets. Marius, très friand de feintes musicales, fit jouer tous ses instrumentistes en même temps face à ses ennemis qui venaient de s’endormir afin de semer le trouble dans leurs rangs211. L’invasion brutale de l’espace sonore était donc une des ressources à disposition des généraux romains, faisant des musiciens de précieux atouts tactiques. Que l’on remplace la régularité des sonneries par une apparente anarchie et voilà l’ennemi désarçonné par une forme de guérilla acoustique212. Au besoin, les généraux pouvaient même se servir de ces arguments contre leur propre camp : si une rumeur enflait trop, que la sédition grondait, l’étourdissement acoustique des trompes déchaînées venait mettre un coup d’arrêt à l’échauffement des esprits213.
96Cependant, un ennemi rompu aux habitudes romaines pouvait tout aussi bien se servir de ces pratiques sonores à son propre avantage. C’est ce que fit le rusé Hannibal lors de la prise de Tarente en 212 a.C. : s’étant procuré des trompes romaines, il les fit sonner de manière à attirer les soldats romains dans des guet-apens214. Ce même épisode est narré par deux auteurs : Polybe attribue le succès de la feinte à l’adresse des Carthaginois, tandis que Tite Live insiste avant tout sur la confusion induite par une trompette romaine jouée de manière impropre par un ennemi ne maîtrisant qu’imparfaitement le langage sonore des Romains :
Ce qui contribuait à mettre les esprits dans l’erreur, c’était une trompette qu’on entendait sonner au théâtre : elle était romaine (les traîtres l’avaient préparée d’avance, exprès pour en faire cet usage), mais utilisée par un Grec qui en jouait mal, de sorte qu’on ne savait qui donnait un signal ni à qui215.
97Hasdrubal, pour sa part, n’alla pas jusqu’à faire jouer de la trompette romaine. Il se contenta d’écouter attentivement les sonneries jouées par les Romains dans leur camp afin d’en tirer des renseignements stratégiques : du nombre de sonneries proférées il déduisit la taille de la troupe qu’il devait affronter216.
98Si l’utilisation rusée des instruments de musique est plus souvent romaine qu’ennemie – nous ne disposons toutefois que de l’histoire des vainqueurs – cet épisode de la deuxième guerre punique permet cependant de souligner le rapport étroit entre les sonneries et le commandement. Les sons de l’armée sont, avant tout chose, une expression strictement hiérarchique.
1.2.1.4. Les sons de la hiérarchie
99Les musiciens militaires sont présentés dans les sources comme étant responsables des sonorités qu’ils émettent : ils sonnent la charge, appellent à la retraite, convoquent aux assemblées… La responsabilité réelle ne fait toutefois aucun doute : derrière la commodité de narration, c’est bien le général qui donne l’ordre initial, comme l’indique le passage d’Apulée cité initialement217. Les instrumentistes ne sont que des relais, transmettant les informations du détenteur de l’imperium, qu’il s’agisse de César218, Scipion219 ou Hannibal220. Même lorsqu’ils sont envoyés en reconnaissance, éloignés du reste de la troupe, les musiciens ne sonnent que sur ordre direct du général, afin de le renseigner221. Le subterfuge des soldats de Titus lors du siège de Jérusalem, mentionné précédemment, est un cas particulier qui n’a pu se réaliser que grâce à l’appel aux initiatives lancé par l’imperator quelques jours plus tôt222. De même, la charge sonnée de son propre chef par un musicien ne supportant plus l’attente imposée par César n’est relatée que pour souligner la sagesse du général, qui, contrairement aux simples soldats, ne se laisse pas happer par l’enthousiasme de la lutte et de la victoire facile223.
100Il est évident que les sonneries les plus fréquentes comme l’appel aux repas, aux corvées ou les changements de quarts ne provenaient pas d’un ordre exprès du général mais étaient réglées sur la routine quotidienne. Néanmoins ce rythme était celui de l’institution, nécessaire pour la collectivité, mais contraignant pour l’individu :
Ils ne prennent pas leur repas du soir ou du matin au moment qui leur convient, suivant le gré de chacun : tous mangent à la même heure, et le sommeil, le tour de garde, le réveil, sont réglés par des sonneries de trompes ; rien n’est fait sans un commandement224 .
101Les sonneries de trompes étaient l’expression de cette contrainte, le rappel de la hiérarchie donné aux soldats par leurs responsables. Le silence signifiait au contraire la disparition de tout encadrement, situation paniquante pour un corps militaire dont se servit le préfet du camp Alfenus Varus pour mater une sédition qui menaçait son autorité225. Privés du rythme rassurant des sonneries du quotidien, les soldats eurent peur et rentrèrent dans le rang.
102Le pouvoir de sonner faisait donc partie des attributs de commandement du général. Qui plus est, on célébrait pour lui un rituel sonore symbolisant son pouvoir décisionnaire, une sonnerie marquant son imperium. C’est cette sonnerie particulière dont se servit le vieil Hasdrubal pour deviner combien de consuls se trouvaient dans le camp : deux sonneries signifiaient deux consuls et donc une troupe plus conséquente qu’auparavant226. Cette sonnerie était renouvelée tous les jours : la jouer devant la tente d’un gradé signifiait reconnaître son droit de commandement. Ainsi le fait que l’armée de Scipion en pleine mutinerie ait procédé à cette sonnerie pour Albius et Atrius entérinait leur reconnaissance par les troupes :
Albius et Atrius ont dressé leurs tentes dans le prétoire ; c’est devant eux qu’on a fait sonner la trompe ; c’est à eux qu’a été demandé le mot d’ordre ; ils se sont assis à la tribune de P. Scipion ; un licteur a fait fonction d’appariteur ; ils se sont avancés en faisant écarter la foule ; on a porté devant eux les faisceaux avec les haches227 .
103De même, en la faisant jouer devant la tente de Scipion, Pompée accepte de partager avec lui tous les honneurs du commandement228.
104Cette sonnerie symbolisant le pouvoir est désignée chez Végèce par le terme classicum. Selon cet auteur elle devait exclusivement être associée à l’empereur : elle était jouée en sa présence lorsqu’il venait visiter des camps229 et en son nom lorsqu’un soldat s’apprêtait à recevoir la peine capitale, la sentence émanant par procuration d’une décision impériale230. En réalité le classicum était l’attribut de l’autorité contraignante de l’imperium, et ce avant l’apparition de la figure impériale. Ainsi, c’est par le classicum que les généraux convoquaient aux assemblées et ce dès la période républicaine231, par lui aussi qu’ils contraignaient les soldats contestataires au silence232. Le fait que l’on double la sonnerie lorsque deux magistrats détenteurs de l’imperium étaient présents dans le camp signifie qu’elle était rattachée à la personne en l’honneur de qui on la jouait, et non à l’autorité de manière générale.
105Quelle forme prenait-elle ? On doit supposer que cette sonnerie incarnant l’autorité devait être jouée par un ensemble d’instruments ; il serait étrange qu’elle ne soit sonnée que par un homme isolé quand tant d’autres étaient à disposition. Il est donc probable qu’il faille la reconnaître dans la pratique musicale collective décrite par Polybe au moment où les musiciens se regroupaient devant la tente du général à l’heure du dîner et jouaient ensemble afin que les gardes de nuit prennent leur poste233. C’est cette même séquence qu’on peut lire chez Tite Live et César234 ainsi que, à mon sens, dans ces vers de Lucain :
Lorsque le soldat occupant le forum eut reçu l’ordre d’y déposer ses enseignes, le lituus perçant et la tuba éclatante jouèrent avec le rauque cornu un classicum impie235.
106Le qualificatif (non pia), qui pourrait suprendre, trouve une explication dans le contexte. Les armées de César viennent de franchir illégalement le Rubicon. Voilà pourquoi la sonnerie qui lui est jouée sur le forum d’Ariminum, première cité dans laquelle il fait halte, est considérée comme sacrilège. Cette sonnerie, jouée par les tubae, litui et cornua était très certainement un classicum. Suétone condamne lui aussi une utilisation inappropriée du classicum dans sa narration de l’entrée de Vitellius dans Rome en 69236. Accompagné de ses soldats en armes, Vitellius, vêtu en général, pénétra l’enceinte de la Ville au son du classicum signifiant clairement aux oreilles du peuple l’origine militaire de son pouvoir nouvellement déclaré237. Les sonorités participaient ainsi à la construction de la réputation d’homme de guerre, vulgaire et méprisant qui accompagna l’éphémère empereur, du moins selon la reconstruction suétonienne.
107La routine sonore de la vie des camps participait donc au bon fonctionnement de l’armée romaine, en temps de guerre comme en temps de paix. Flavius Josèphe l’avait bien compris qui, lorsqu’il se vit confier le commandement de la Galilée réforma le corps de troupe qui lui fut confié en lui apprenant les signaux acoustiques permettant les déplacements238. Pour que ces signaux aient une efficacité il fallait toutefois qu’ils soient suffisamment précis pour ne pas prêter à la moindre confusion, comme le montre bien l’épisode de la prise de Tarente chez Tite Live. Cette précision pouvait se décliner selon deux modalités : l’appel lui-même par son rythme ou sa mélodie ou bien les instruments qui les réalisaient239. Si les sources manquent cruellement pour la première solution, elles permettent au moins de faire quelques hypothèses quant à la seconde.
1.2.2. La difficile identification du rôle de chacun
1.2.2.1. Les tubicines, instrumentistes à tout faire
108Les tubicines sont les instrumentistes qui sont le plus souvent cités par les sources narratives240. Lors des combats, on les trouve sur tous les fronts : ils sonnent la préparation au combat, appellent à la charge241 et au repli242. Il s’agit là des fonctions que les auteurs attribuent également, par métonymie, à la tuba et au lituus, confirmant ainsi l’hypothèse selon laquelle le tubicen jouerait aussi du lituus243. Leurs sonneries ne sont pas cantonnées à l’extérieur des castra : ils appelaient aussi les soldats aux corvées244. De même, Végèce leur attribue la sonnerie indiquant le début des quarts de garde, les cornicines sonnant la fin des veilles, au matin245.
109Aucun schéma général ne se dégage donc des attributions des tubicines : ils semblent avoir joué en toutes sortes de situations. Cette dimension généraliste s’explique peut-être par le public visé : selon Végèce les tubicines s’adressaient aux milites, par opposition aux cornicines qui transmettaient les ordres aux porte-enseigne (signiferi). Ainsi toute la troupe étant concernée par les appels des tubicines, il est donc normal qu’ils aient joué l’essentiel du temps.
1.2.2.2. Les cornicines et les enseignes
Le tubicen appelle les soldats au combat et à la retraite. Les cornicines ne jouent pas pour les soldats mais pour les enseignes, qui n’obéissent qu’à eux. Ainsi, lorsque les soldats sont les seuls concernés par une tâche, ce sont les tubicines qui jouent ; quand ce sont les enseignes qui doivent bouger, les cornicines jouent ; lorsque les deux doivent se battre, les tubicines et les cornicines jouent ensemble. (…) Lorsque les enseignes doivent être déplacées ou plantées après le déplacement, ce sont les cornicines qui jouent246 .
110La séparation fonctionnelle énoncée par Végèce est très claire. Les cornicines ne s’adressent pas aux simples soldats : leurs mélodies ne concernent que les porteurs d’enseignes, signiferi. Les cornicines permettent donc la transformation des signa semiuocalia en signa muta : les enseignes sont le relais optique des ordres à transmettre.
111Cette différenciation des publics concernés permet de comprendre que les auteurs attribuent aux cornicines des fonctions similaires à celles des tubicines : eux aussi sonnent l’attaque247, animent le combat en transmettant des ordres248 et peuvent être utilisés par les auteurs comme des représentants des scènes de guerre249. Mais ils ne le font pas en direction des mêmes auditeurs. Lorsque le mouvement des soldats et des enseignes est conjoint, tubicines et cornicines sonnent effectivement d’un même élan, pour l’appel au combat250, la transmission des ordres dans la bataille251 ou les feintes252. Cette sonnerie conjointe est ce que Végèce désigne par le terme classicum.
(…) lorsque les deux doivent se battre, les tubicines et les cornicines jouent ensemble. On appelle pareillement le classicum, la sonnerie que les bucinatores jouent sur la corne253.
112Il ressort de ces quelques lignes que le classicum correspondait à deux réalités : cette phrase musicale pouvait être jouée soit par les tubicines et les cornicines ensemble – c’est à ce genre de situation que fait référence la majorité des sources254 –, soit par les bucinatores seuls.
113Il semble par ailleurs que certaines sonneries incombant aux tubicines n’aient pas été demandées aux cornicines, ce qui est cohérent avec leur public : ils n’appelaient pas aux tâches quotidiennes – dont les signiferi étaient dispensés –. On peut donc émettre quelques réserves quant à leur participation à l’appel pour le changement de quart, pour lequel Végèce est une source unique.
114Par ailleurs, la distinction opérée par Végèce n’est peut-être pas à prendre de manière trop stricte : un passage de Tite Live met en scène un cornicen envoyé en opération avec l’élite de la troupe pour ouvrir une brèche dans les remparts de la cité d’Arpi255. Le rôle du musicien est de prévenir le reste de la troupe et le consul Fabius lui-même du succès de l’opération. Il n’est pas alors question de s’adresser exclusivement aux signiferi. De plus, la scène 201 de la colonne Trajane figure un cornicen en train de souffler dans son instrument afin de guider dans leur travail des soldats en train de monter un campement : les légionnaires sont alors en communication directe avec lui, et non par l’intermédiaire d’un porte-enseigne256.
115Il faut toutefois souligner combien cette scène est exceptionnelle par rapport aux autres représentations de cornicines sur le même monument. Ces musiciens sont les plus fréquemment représentés sur la colonne de Trajan. Une observation rigoureuse des scènes sur lesquelles ils apparaissent corrobore l’idée d’une proximité avec les signiferi : les deux types de soldats sont presque systématiquement représentés ensemble. Du moment que les cornicines ne sont pas figurés au cours d’un rite religieux, ils suivent ou précèdent immédiatement les porte-enseigne : lors du premier franchissement du Danube au printemps 101257, au moment de traverser un torrent258, lorsque la troupe est en ordre de marche259 ou se présente devant l’empereur260. Sur deux de ces scènes un cornicen se retourne pour regarder les signiferi, renforçant l’idée de communion entre ces deux postes261. Les scènes sur lesquelles la troupe est « en représentation » – pour assister à la reddition d’un chef dace ou encore pour accueillir l’empereur dans le camp – sont particulièrement expressives. Cornicines et signiferi sont alors au premier plan ; ce sont des soldats dont les fonctions sont importantes lors d’une campagne militaire et dont les attributs sont les plus facilement reconnaissables262.
116Pour autant que les sources épigraphiques puissent être représentatives de la réalité sociale, il ne semble pas que les liens tactiques forts entre les cornicines et les signiferi se soient traduits par des liens humains. Une seule inscription associe un cornicen et un signifer, en dehors évidemment des catalogues militaires qui ne permettent aucun accès à la sphère de l’intime. Et encore s’agit-il de l’inscription funéraire d’un centurion d’une vexillation de la première légion Italica, stationnée à Ticinum : l’association de ces deux gradés pour la réalisation du monument relève peut-être plus de l’obligation sociale d’hommage à un supérieur commun décédé que de liens personnels avérés263.
1.2.2.3. Les bucinatores, instrumentistes d’intérieur ?
117L’article consacré aux bucinatores par A. von Domaszewski dans la Real Encyclopedie est bref. Ces musiciens étaient cantonnés aux sonneries à l’intérieur des camps. Reprenant le dossier, M. Speidel se contenta d’ajouter un passage de Virgile donnant aussi aux bucinatores la responsabilité de sonner l’attaque lors d’une bataille264. On pourrait douter de la réalité organologique induite par une citation si isolée. Elle est cependant confirmée par un passage de Végèce que M. Speidel oublie curieusement de mentionner et qui place très clairement les bucinatores parmi les musiciens qui intervenaient au moment de signifier l’attaque : « les tubicines, les cornicines et les bucinatores sonnent d’ordinaire le début du combat par la tuba, le bronze recourbé ou la bucina »265.
118Cependant, il ne semble pas que les bucinatores aient joué un rôle tactique sur le champ de bataille, contrairement aux deux autres types de musiciens. C’est bien à l’intérieur du camp que les bucinatores faisaient sonner leur instrument le plus régulièrement. La division du temps est la fonction qui leur revient le plus souvent : les bucinatores rythmaient, de jour comme de nuit, les séquences temporelles et réveillaient les soldats préposés à la garde266. Il s’agit d’une pratique tellement ancrée que, selon Tite Live, c’est « à la troisième sonnerie de bucina (ad tertiam bucinam) » que Fulvius signala le départ d’une partie de ses troupes : la division du temps était marquée par le vocabulaire musical267. Cette importance des bucinatores dans les sonneries de la vie du camp explique que ce soit eux qu’on laisse en faction afin de faire croire que la troupe n’a pas quitté ses baraquements268.
119On pourrait cependant se demander si cette position résiste au fait que les bucinatores sonnaient eux aussi, comme nous venons de le voir, le classicum. Pour les tubicines et les cornicines, le classicum s’entonnait sur le champ de bataille : qu’en était-il pour les bucinatores ? Une partie du corpus de citations concernant le classicum relève de situations nocturnes : il y est question de soldats traumatisés par le réveil au classicum ou effrayés à l’idée que le classicum les surprenne dans leur sommeil269. Chez Horace, le classicum est menaçant (trux), tandis que sous la plume de Lucain, Pompée n’ose pas s’endormir dans les bras de Cornelia alors que le classicum s’apprête à réveiller le pauvre monde270. Dans ces citations, le terme classicum est donc en rapport avec une attaque nocturne : on comprend aisément que nul soldat n’ait envie de l’entendre trop régulièrement. Or quel musicien était mieux placé pour donner une sonnerie d’alerte la nuit que le bucinator, qui veillait pour sonner les relèves de quart ? Il s’agit exactement, me semble-t-il, de la situation envisagée par le Pseudo-Hygin dans sa recommandation sur la taille du camp idéal :
Le camp, autant que possible, devra être implanté dans un rapport de deux sur trois, pour que le souffle du vent rafraîchisse l’armée. Voici ce que j’entends par “dans un rapport de deux sur trois” : par exemple 2400 pieds de long et 1600 pieds de large. Si le camp est plus long, on aura beau sonner le classicum, il ne sera pas aisé, dans la panique, d’entendre le son de la bucina à la porte décumane271.
120Le classicum correspondait donc à plusieurs réalités sur le terrain. Sonnerie symbolisant l’autorité lorsqu’elle était jouée pour le détenteur de l’imperium, elle était aussi un appel d’alerte poussé par les bucinatores en cas d’attaque nocturne du camp. Contrairement à ce que pensait M. Speidel, les bucinatores ne participaient pas au classicum : il arrivait qu’ils le jouent seuls, dans ce cas de figure précis272. Instrumentistes d’intérieur, les bucinatores pouvaient donc néanmoins se révéler importants pour la survie de la troupe.
121Tubicines, cornicines et bucinatores participaient donc de différentes manières au fonctionnement des armées romaines. Que ce soit en temps de guerre ou au quotidien dans l’enceinte des camps, ils permettaient la transmission d’ordres variés reconnus par tous. Leurs fonctions induisaient structurellement qu’ils soient les voix du commandement : en transmettant les ordres, des plus simples et récurrents aux plus extraordinaires, les musiciens incarnaient les sons de l’imperium. Cet aspect culminait avec le classicum, sonnerie de l’impératif. Le rôle des musiciens les distinguait donc du reste de la troupe : ils étaient bien des soldats, mais des soldats que leur compétence technique comme leur fonction symbolique séparaient des simples milites.
2. Soldats et spécialistes
122Les musiciens n’apparaissent dans les sources narratives qu’en raison de leurs activités : ils ne sont pas l’objet du récit et n’interviennent jamais pour eux-mêmes. Il est frappant que le corpus des passages les concernant ne livre pas un seul nom de musicien : ces derniers comptent bien moins que leur instrument et les sonorités qu’ils en tirent. Le poète Avianus prend ainsi pour sujet de sa trenteneuvième fable « le soldat et le lituus » : le soldat est anonyme mais son instrument est, lui, bien identifié273.
123Tout l’intérêt des inscriptions est de pouvoir sortir de cet anonymat et scruter avec plus de pertinence l’organisation concrète de la carrière des musiciens militaires. Les 311 notices couvrent la totalité du bassin méditerranéen. Cependant le hasard de la conservation des pierres et des découvertes archéologiques implique des déséquilibres dans la répartition géographique du matériel. La Numidie est, de loin, la province la mieux renseignée, avec 107 notices, soit plus du tiers de la documentation concernée. Une telle proportion ne doit pas étonner, la quasi totalité de ces inscriptions provenant de l’exceptionnel site de Lambèse, camp de la troisième légion Auguste. La récolte aurait pu être encore meilleure si l’histoire particulière du site n’avait conduit à la perte d’un nombre incalculable de documents274. Les provinces germano-danubiennes correspondent très logiquement au deuxième pôle de richesse en termes d’inscriptions de musiciens militaires, avec un total de 100 notices275. Ces inscriptions ont été réalisées, dans leur immense majorité, par les soldats des légions et troupes auxiliaires stationnées dans les casernes jalonnant le limes. Les troupes de la ville de Rome, cohortes de vigiles, prétoriens, urbains et equites singulares ont également livré une quantité importante d’inscriptions, nourrissant 57 notices en tout. Le sol italien recelait, quant à lui, 23 inscriptions de musiciens militaires connues à ce jour. Les autres provinces ont été moins prodigues, avec quelques inscriptions chacune276. On peut à juste titre s’étonner de la rareté des témoignages de musiciens militaires dans des provinces comme celles de la péninsule ibérique, territoire où l’implantation légionnaire a été importante et durable277.
124L’arc chronologique couvert par les documents épigraphiques est concentré entre les dernières années de la République et le IVe siècle. La majorité des inscriptions concernent toutefois la deuxième moitié du IIe siècle et la première moitié du IIIe siècle. Il s’agit de la période d’apogée de l’épigraphie, que les inscriptions de musiciens militaires reflètent sans surprise. Les dynasties julio-claudienne et flavienne ne sont concernées que par 30 inscriptions. Cependant, il ne nous semble pas que l’inégale répartition géographique et chronologique des documents soit un obstacle à la réflexion : l’armée, malgré des variantes locales, est une institution totale, dont la structure et l’évolution dépendaient de décisions centralisées s’appliquant à tous les corps de troupe.
125Cette étude des musiciens militaires sera menée en deux temps : ils seront d’abord situés avec autant de précision que possible dans le contexte de leur corps de troupe, avant que l’on ne s’intéresse plus particulièrement à leur carrière et à leur positionnement dans la hiérarchie militaire.
2.1. Musiciens militaires et troupes armées
2.1.1. Des musiciens dans tous les corps
126Les légions intégraient dans leurs rangs des musiciens, c’est une évidence. Végèce ne décrit-il pas l’antiqua legio, et ses tubicines, cornicines et bucinatores ? De fait, 188 des notices du corpus sont relatives à 21 légions différentes fermement identifiées278. Les troupes auxiliaires levées par Rome afin de compléter l’efficacité des légions comptaient elles aussi dans leurs rangs des musiciens, que ce soit dans les troupe à pied279, les ailes280, ou encore les unités mixtes composées de six centuries de fantassins et quatre turmes de cavaliers, appelées cohortes montées281. Des musiciens embarquaient enfin sur les bateaux de la flotte romaine282.
127Les corps de troupes stationnés à Rome ne faisaient pas exception, possédant eux aussi leurs musiciens insérés dans les cohortes de vigiles283 et de prétoriens284. Le pendant auxiliaire des prétoriens, les equites singulares Augusti, comptait de même dans ses rangs un certain nombre de musiciens285. Enfin, des soldats appartenant aux cohortes urbaines un seul nom de cornicen nous est parvenu, suffisant malgré tout pour attester la présence de musiciens militaires dans ce corps286.
128Ce constat de l’omniprésence des musiciens parmi toutes les sortes de troupes composant l’armée romaine n’est pas une nouveauté. Les tableaux mis en place par A. von Domaszewski au début du siècle dernier, à propos des carrières des sous-officiers, inséraient déjà les musiciens dans la hiérarchie de tous les corps de troupe287. Un regard plus nuancé permet malgré tout de relever certains manques dans ce corpus pourtant complet des musiciens militaires. Ainsi ne trouve-t-on trace d’aucun musicien au sein des singulares provinciaux, soldats d’élite recrutés parmi les auxiliaires et mis à disposition de l’officium du gouverneur288. De même il n’est pas de musicien qui se qualifie aussi de Germanus custos, ainsi que se désignaient les equites singulares avant que Galba ne se débarrasse de ce corps de troupe devenu gênant289. Enfin, parmi les nombreuses notices de légionnaires, aucun n’appartient au contingent de 120 cavaliers que comptait chacune des légions290.
129Pour autant, il ne semble pas qu’il faille supposer que ces corps étaient muets. Les lacunes dans la documentation sont une hypothèse bien plus recevable : tous ces groupes étaient composés d’un faible nombre de soldats et l’on ne doit pas être surpris qu’aucun témoignage de leur existence ne nous soit parvenu. Il manque, pour les singulares provinciaux, bien d’autres postes dont l’existence n’est toutefois pas douteuse291. A contrario, le fait que des musiciens soient inclus dans des vexillations permet d’insister sur la nécessité de la présence d’au moins un musicien dans tout groupe de militaires292. Ainsi les forts avancés, chargés de tenir une partie de la province située loin des casernements principaux de la légion, disposaient eux aussi de musiciens. C’est le cas de Thala, en Byzacène, poste avancé de la troisième légion Auguste sous les Julio-Claudiens, où servait P. Vetius, ou encore du fortin dépendant de Golas, en Afrique proconsulaire, où officiaient deux cornicines293. C’est essentiellement par leur rôle au quotidien, dans les campements, que les musiciens devaient se rendre indispensables. C’est pourquoi ce sont majoritairement des bucinatores, dont nous avons vu qu’ils entretenaient des liens particuliers avec les camps et le rythme de la vie militaire, que l’on rencontre dans les vexillations294.
130Mais si tous les corps de troupe étaient dotés d’instrumentistes, tous l’étaient-ils de la même manière ? Raisonner comme nous l’avons fait, par instrument, induit également d’autres questionnements : trouve-t-on des tubicines, cornicines, bucinatores dans tous les types de formations militaires ou certains instrumentistes étaient-ils réservés à une troupe particulière ?
2.1.2. Des spécialistes ?
2.1.2.1. Différents corps, différents postes
131La constitution du corpus des musiciens militaires permet d’avoir une vue globale sur leur répartition dans les différents corps de troupe, que synthétise le tableau 1.
132La description de l’antiqua legio de Végèce est confirmée par l’épigraphie : les rangs des légions comptaient les trois catégories de musiciens, tubicines, cornicines et bucinatores. La répartition entre les trois charges est cependant très marquée. Les tubicines et cornicines sont connus quasiment par le même nombre d’inscriptions. Ce nombre, dépassant 80, excède très largement celui des bucinatores, avec seulement 15 inscriptions de légionnaires. Cet écart doit cependant être nuancé : nous ne connaissons pas, à ce jour, d’inscription concernant le collège des bucinatores de la troisième légion Auguste. Or les inscriptions des collèges de tubicines et de cornicines lambésitains fournissent la liste des membres de l’association, soit respectivement 36 cornicines et 39 tubicines (et 4 aspirants, cf. infra), qui gonflent considérablement la proportion de soldats ayant occupé ces deux postes295. Pourtant, même en prenant en compte cette pondération, la proportion de tubicines et de cornicines reste très largement supérieure à celle des bucinatores. Pour prendre pleinement la mesure de ce double constat – niveau égal des tubicines et des cornicines, nombre bien plus faible de bucinatores – il faut sortir d’une vision gobale et observer les données par grands ensembles géographiques (tableau 2). Dans les provinces germano-danubiennes, où aucune inscription de collège de musiciens ne livre le nom de la totalité de ses membres, les bucinatores restent en nombre très inférieur par rapport aux deux autres spécialités.
Tableau 2 - Répartition des charges de musiciens dans les légions : approche géographique, d’après le CMM.
Numidie | Provinces germano-danubiennes | |
Tubicines | 53 | 25 |
Cornicines | 49 | 37 |
Bucinatores | 6 | 7 |
133L’observation des troupes auxiliaires n’entraîne toutefois pas le même constat. Comme dans les légions, on rencontre chez les auxiliaires, infanterie et cavalerie mêlées, les trois charges de musiciens, mais pas dans les mêmes proportions (tableau 3).
Tableau 3 - Répartition des charges de musiciens dans les troupes auxiliaires, d’après le CMM.
Troupes auxiliaires | Troupes auxiliaires, equites singulares Augusti exclus. | |
Tubicines | 18 | 10 |
Cornicines | 9 | 9 |
Bucinatores | 10 | 8 |
134En cumulant les cohortes d’auxiliaires (à pied et montées), les alae, et les equites singulares, on obtient donc un total de 18 tubicines, 9 cornicines et 10 bucinatores. Si les tubicines restent les plus nombreux, les cornicines sont moitié moins présents, à un niveau même légèrement inférieur à celui des bucinatores296.
135Les proportions offertes par la flotte romaine sont encore différentes : là, ce sont les bucinatores qui occupent le poste le plus régulièrement attesté (neuf occurrences, contre trois pour les tubicines ainsi que pour les cornicines). On trouve quasiment le même rapport dans le document le plus complet sur la question, le catalogue de la flotte ravennate de la deuxième moitié du IIe siècle, dont on ignore la nature exacte mais qui fournit les chiffres suivants : six bucinatores, trois tubicines, deux cornicines297.
136Les troupes de la garnison de Rome présentent elles aussi un visage contrasté. Les cohortes prétoriennes donnent les noms de 19 tubicines, 13 cornicines et 8 bucinatores, confirmant dans une certaine mesure les proportions des légions, avec toutefois un adoucissement de l’écart entre les bucinatores et les autres postes. Quand aux urbaniciani, avec une seule inscription les concernant, il est difficile de dépasser le simple constat de la présence de cornicines dans leurs rangs298. Il serait surprenant que les cornicines aient été les seuls musiciens de ce corps, quand on les voit régulièrement accompagnés des tubicines et des bucinatores chez les prétoriens. Cette charge de musicien est cependant la seule qui ressort d’un corpus épigraphique assez bien fourni299. Par ailleurs, les vigiles présentent eux aussi l’image d’un corps dans lequel oeuvrait un seul type d’instrumentiste, les bucinatores, rendant possible l’idée d’un instrument unique dans une troupe donnée. En effet, les riches inscriptions de la cinquième cohorte des vigiles de Rome ne mentionnent que des bucinatores300. Si ces documents ne sont pas complets, ils le sont en tout cas assez pour affirmer, avec R. Sablayrolles, que les postes de tubicen et de cornicen n’existaient pas parmi les vigiles301. Les raisons n’en sont pas aisées à déterminer302. A. von Domaszewski voit dans cette restriction à un seul instrument une expression de l’aspect peu militaire de la troupe à son origine : son statut ambigu n’aurait pas mérité que les trois instruments de l’armée lui soient attribués303. On pourrait arguer d’un argument pratique : la bucina était certainement le plus maniable des quatre instruments de l’armée, car le lituus et la tuba étaient longs et le cornu était gros. C’est pourquoi la simple corne d’animal était peut-être la plus indiquée pour circuler dans les venelles de l’Vrbs, car plus légère et aisément déplaçable lors des rondes de surveillance que les vigiles menaient la nuit304.
137La donnée la plus variable dans les résultats obtenus est la proportion de bucinatores par rapport aux deux autres charges. Très nettement minoritaires dans les légions, les bucinatores sont aussi nombreux que les tubicines et les cornicines dans les troupes auxiliaires. Ils sont les plus nombreux dans la flotte, et les seuls musiciens dans les rangs des cohortes de vigiles. Or la flotte et les vigiles partagent une histoire commune : ces deux corps ont été créés ou profondément réformés par Auguste et tous deux étaient ouverts à des soldats qui n’étaient pas des citoyens romains305. La conséquence sur la considération de ces deux corps est bien connue : ils ne jouissaient pas du prestige des prétoriens ou des urbaniciani, ni même des arrogants equites singulares Augusti, qui compensaient leur statut de pérégrin par leur proximité avec l’empereur306. De même, les troupes auxiliaires jouissaient d’une considération moindre que les légions, pour un rôle militaire similaire. C’est pourquoi il paraît pertinent d’établir un lien entre la considération dont bénéficiaient les corps de troupe et les instrumentistes qu’ils comptaient dans leur rang. Pour autant que l’on puisse tirer de conclusion en l’état actuel de la documentation, les bucinatores étaient plus nombreux dans les troupes les moins valorisées. Au contraire, les corps les plus prestigieux, les légions et les cohortes prétoriennes, comptaient davantage de tubicines et de cornicines et moins de joueurs de bucina. Ainsi, les proportions de musiciens militaires ne seraient pas sans rapport avec le niveau de prestige des différents corps d’armée.
2.1.2.2. La question de la cavalerie
138L’analogie avec les armées modernes a poussé certains auteurs à chercher dans les troupes anciennes un instrument qui serait propre à la cavalerie. Nous lançons l’assaut à cheval grâce au trombone : pourquoi les Romains n’en auraient-ils pas disposé eux aussi, s’interroge F. Behn en 1912307. Il s’agirait donc d’identifier un instrument petit, maniable à une seule main afin de pouvoir en jouer en tenant les rennes de l’autre, toutes caractéristiques que présente l’instrument figuré sur un monument de Germanie supérieure308. Gravé sur la stèle d’un cavalier de l’aile Claudia, il ressemble au trombone contemporain et serait donc, selon F. Behn toujours, l’instrument de la cavalerie. Puisque l’on n’en connait pas le nom, le savant allemand l’identifie avec le seul instrument pour lequel on ne dispose pas de renseignement iconographique, la bucina309. Ainsi n’hésite-t-il pas, dans ses publications postérieures, à qualifier la bucina d’instrument de la cavalerie, sans autre forme d’argumentation310. Et effectivement l’épigraphie atteste clairement la présence de bucinatores servant en tant que cavaliers311.
139Ces arguments faisant de la bucina l’instrument de la cavalerie sont repris par G. Wille et M. Klar312. Cette dernière signale pourtant d’autres éléments indiquant que le lituus était lui aussi utilisé dans les troupes montées313. Outre la faible taille de l’instrument identifié comme le lituus de Saalburg314, qui le rendait maniable par un cavalier, l’auteur fait référence à une scholie d’Horace donnant les précisions suivantes : « Le son des litui est aigu, celui des tubae grave. Voici ce que l’on trouve dans les sources anciennes pour distinguer le lituus de la tuba : le lituus est courbe et joué dans la cavalerie alors que la tuba est droite et jouée dans l’infanterie »315. Or l’épigraphie confirme que des tubicines, dont on a vu qu’ils étaient probablement les instrumentistes les plus à même de jouer du lituus, se trouvaient parmi les troupes montées : ce ne sont pas moins de 10 tubicines que l’on rencontre dans les cohortes auxiliaires equitatae, les ailes ou les equites singulares316. Enfin, outre les bucinatores et les tubicines, les inscriptions offrent aussi le cas de huit cornicines qui servaient dans les troupes montées, complétant la famille des charges de musiciens militaires317.
140Ainsi, si les bucinatores jouaient de la bucina, les tubicines du lituus, dans quoi pouvaient bien souffler les cavaliers cornicines ? Il serait absurde de leur mettre entre les mains un instrument qui ne serait pas le leur : c’est bien un cornu que l’on voit représenté, s’enroulant autour de cavaliers bondissants, sur le monument de Schweinschied et sur la stèle d’Aurelius Disas trouvée à Apamée sur l’Oronte318. L’instrument était gros, sans doute peu pratique à manier à cheval, pour autant il semble bien qu’il ait été utilisé par les troupes montées, mettant ainsi à mal toute tentative de réflexion par la pratique.
141Bucinatores, tubicines, cornicines ; bucina, lituus, cornu : la diversité des postes comme des instruments servant dans les troupes montées romaines semble bien trop grande pour que l’on puisse envisager l’hypothèse d’instruments et d’instrumentistes de la cavalerie. Les cohortes montées et les ailes ne connaissaient pas, semble-t-il, de régime musical particulier et il n’y avait d’instrument ni de grade propre à la cavalerie.
2.1.3. La répartition des musiciens militaires, « a matter of hopeless conjecture »319 ?
142Un des problèmes les plus fréquemment traités à propos des musiciens militaires concerne la répartition des différentes charges dans les corps armés. Il a connu une fortune particulière, car il ne nécessitaient pas de connaissance organologique préalable et s’insérait dans les réflexions générales sur l’organisation des troupes de Rome. Les spécialistes de l’armée, bien plus nombreux que ceux de la musique, ont donc pu s’en emparer320. Les sources paraissent plutôt abondantes pour qui s’intéresse à un tel questionnement. Comme pour les autres postes inférieurs, l’épigraphie fournit des listes de soldats, laterculi, dédicaces consécutives à l’honesta missio, recensions de recrues, qui sont des documents particulièrement riches : les noms des musiciens et leur spécialité y apparaissent de manière structurée, le plus souvent classés par cohorte ou centurie, reflétant leur organisation. Par ailleurs, le sol de Lambèse a livré deux textes particulièrement importants pour les musiciens militaires : les règlements de deux collèges, celui des cornicines, découvert par Louis Rénier dans la deuxième moitié du XIXe siècle, peut-être dans le temple d’Esculape, puis celui des tubicines, mis au jour en deux temps au tout début du XXe siècle, entre le prétoire, les thermes et la porte prétorienne321.
2.1.3.1. Les collèges de musiciens militaires, pistes de réflexion
143Ces deux inscriptions sont particulièrement riches pour deux raisons : la présence du règlement en lui-même, qui permet d’appréhender en profondeur le fonctionnement de l’institution collégiale, mais aussi la liste complète de leurs membres322. Cette liste occupe la partie centrale de ces pierres, précédée par la dédicace à la famille impériale et suivie du règlement à proprement parler. Elle se présente donc comme un corpus clos, stipulant l’effectif complet de ces associations au moment de leur constitution323. En supposant que tous les cornicines et tous les tubicines de la troisième légion Auguste avaient adhéré à cette structure nouvellement créée par Septime Sévère, une hypothèse qui paraît raisonnable à défaut d’être vérifiable, on constate toutefois que le nombre de membres n’est pas le même : les cornicines sont 36 et les tubicines 39.
144Ces chiffres n’ont pas manqué de susciter des hypothèses chez les savants, particulièrement celui des cornicines. Pour ce type de musiciens en effet, A. von Domaszewski a cru voir une clé de compréhension dans les rapports qu’ils entretenaient avec les signa : puisque cornicen et signifer formaient une charnière technique, il semble cohérent de supposer que ces deux gradés se trouvaient en même nombre324. Dès lors, du nombre de signiferi, qu’A. von Domaszewski assimile aux signiferi manipulaires, on peut déduire le nombre de cornicines325. Les cohortes II à X étaient composées de trois manipules chacune, soit un total de 27 manipules, donnant autant de signiferi manipulaires et, donc, de cornicines. La première cohorte aurait pour elle cinq enseignes et donc cinq cornicines, ses centuries doubles équivalant à des manipules, portant à 32 en nombre de ces « cornicines manipulaires ». Il ne restait plus qu’à affecter quatre des 36 membres du collège des joueurs de cornu : A. von Domaszewski en distribue un dans chacune des trois turmes de cavaliers et exclut le dernier, L. Clodius Secundus, en raison du rang d’optio dont il se prévaut326. Cette répartition a pour elle la rigueur de son application : cohérente et efficace, elle a été acceptée par R. Cagnat, H. Battifol et M. Isaac327. S. Perea Yébenes en garde l’essentiel : il change seulement de destination les quatre derniers musiciens, qu’il affecte à chacun des quatre centurions du primus ordo ayant des charges tactiques (princeps prior, hastatus prior, princeps posterior, hastatus posterior)328.
145Pour les tubicines, la même répartition est reprise, bien que le rapport avec les enseignes manipulaires ne soit évidemment plus de mise. Les auteurs ont certainement en arrière-pensée que la rigueur de l’organisation militaire romaine n’aurait pu s’accommoder d’une répartition moins équilibrée. On retrouve donc cinq tubicines pour la première cohorte, trois pour les cohortes suivantes et un pour chacune des trois turmes légionnaires. L’optio une nouvelle fois écarté329, restent quatre musiciens : on sent que ce reliquat embarrasse les auteurs dans leur souhait de régularité. A. von Domaszewski constate que l’un d’entre eux porte le titre de pr (inceps ?)330 : il était donc selon lui le soldat qui, sur ordre du légat de légion, donnait le signal lorsque l’ensemble de l’armée devait agir simultanément. Le savant autrichien affecte ensuite un tubicen au service personnel du commandant des equites et… estime avoir bouclé son schéma car il n’a compté que 37 noms et non 39 comme tous les autres commentateurs. R. Cagnat est évidemment gêné par cette erreur du héros de la Rangordnung mais refuse d’argumenter. Il accepte l’idée du tubicinum princeps, sans rentrer dans les détails de ses attributions. Pour les trois musiciens restants, il renonce volontairement à toute hypothèse, tout en énonçant du bout des lignes, en note de bas de page, l’idée selon laquelle l’entassement des six derniers noms de la liste donnerait peut-être une clé de compréhension : trois de ces noms correspondraient à des « remplaçants » qui n’étaient pas encore totalement en poste331. H. Battifol et M. Isaac qui acceptent, pour le reste, la position de R. Cagnat, trouvent cette hypothèse trop faible et reviennent à la position de A. von Domaszewski en la développant : ils affectent les trois musiciens embarrassants au service du legatus legionis (le princeps ne serait pas alors à la disposition personnelle du légat), au praefectus equitum et au praefectus castrorum, au titre que ce dernier commandait les corvées et les exercices, auxquels appelait la tuba332. Pour sa part, S. Perea Yébenes les affecte aux turmes de cavalerie333.
146Ce schéma de répartition des tubicines et des cornicines, fondé sur les troupes légionnaires, est dupliqué par A. von Domaszewski pour les autres types de corps334. La transposition n’est pas remise en cause par ses successeurs par la suite, bien qu’elle semble particulièrement hypothétique pour les cohortes auxiliaires : aucun corps auxiliaire n’a livré deux musiciens de la même période, ce qui rend difficile voire impossible toute théorie de répartition.
2.1.3.2. Une source trop isolée ?
147De telles hypothèses résistent-elle à la confrontation avec d’autres documents, essentiellement les listes de soldats que l’épigraphie a transmises en grand nombre ? En réalité, ce type de source n’est pas adapté à ce genre de questionnement. L’essentiel des inscriptions collectives correspond à des dédicaces ou des inscriptions votives réalisées par des vétérans venant de recevoir collectivement l’honesta missio335. Dans un tel cas, on ne peut connaître que le nombre de musiciens inscrits dans un corps donné et ayant rempli le nombre d’années de service leur permettant de prétendre à la retraite. Mais ce n’est en rien le nombre total de musiciens que comportait le corps : tous les musiciens n’avaient pas été recrutés la même année et ne devenaient donc pas vétérans en même temps. La seule information que l’on puisse tirer de ces listes de vétérans est donc le nombre minimal de musiciens inscrits dans les cohortes ou centuries d’un corps donné. Ainsi, une inscription de Mésie supérieure donne les noms des soldats de la septième légion claudienne qui, enrôlés en 169, ont reçu l’honesta missio en 195336. Parmi eux se trouvent trois musiciens : le tubicen de la deuxième cohorte T. Aurelius Castus, celui de la septième cohorte dont seul subsiste de cognomen [- - -] Dassius et le tubicen de la dixième cohorte P. Aelius Silvanus337. Cette courte liste de musiciens n’est pas en accord avec le schéma élaboré par A. von Domaszewski : là où chaque cohorte aurait dû livrer le nom de trois tubicines et trois cornicines, on constate que seuls les tubicines apparaissent, en un nombre très nettement inférieur et selon une répartition bien plus aléatoire qu’attendue. Si l’on peut arguer du fait que l’inscription est fragmentaire, ce contre-argument ne résout pas toutes les irrégularités. Ainsi la liste des vétérans de la troisième cohorte est complète et pourtant exempte de tout musicien. Pour autant ce document ne permet pas de remettre en question l’hypothèse de répartition énoncée : il souligne uniquement l’inadaptation des listes de vétérans pour l’évaluer.
148On doit tirer les mêmes conclusions des nombreuses inscriptions collectives de vétérans du prétoire : des noms de musiciens apparaissent au fil des listes, de manière irrégulière, sans que ce soit pour autant incompatible avec l’hypothèse de répartition. L’inscription des prétoriens ayant reçu l’honesta missio en 160, conservée actuellement au Vatican, fournit ainsi les noms de dix musiciens pour les dix-huit centuries préservées338. Certaines centuries ne fournissent aucun vétéran musicien, d’autres un tubicen, un cornicen ou un bucinator isolé339. La cinquième cohorte a perdu deux musiciens en 160, un tubicen et un cornicen : ils étaient tous deux inscrits dans la centurie commandée par Severus mais ils n’avaient pas intégré le corps des prétoriens la même année340. Enfin, la centurie de Kanus, de la troisième cohorte, vécut la même année le départ de M. Attius Firmus et de L. Cominius Verecundus, tous deux cornicines, qui avaient intégré ensemble les prétoriens en 144341. On retrouve ce même schéma avec deux tubicines appartenant à la même centurie et recrutés en 175, sur une autre inscription prétorienne qui dresse la liste des soldats enrôlés, consulat par consulat342. Dans ces deux cas toutefois, on doit se contenter d’observer qu’au moins deux musiciens occupant le même poste appartenaient à la même centurie, constat qui ne s’oppose pas à la répartition suggérée par A. von Domaszewski, mais ne la fonde pas pour autant.
149La proposition énoncée par A. von Domaszewski et amendée par ses successeurs semble donc recevable. Elle souffre pourtant de l’impossibilité de l’étayer véritablement sur des documents autres que les inscriptions des collèges de Lambèse, ainsi que de faiblesses dans le raisonnement. En effet, si le fait que tous les musiciens de la troisième légion aient adhéré à ces associations est une hypothèse raisonnable, elle ne reste qu’une hypothèse. Rien ne permet d’exclure absolument qu’il s’agisse là d’une partie de la population totale et non de son intégralité. Un musicien entré depuis peu dans les rangs légionnaires, sans économies, disposait-il de la somme nécessaire à son inscription, 750 deniers soit le tiers d’une année de solde343 ? On peut supposer que certains musiciens sont restés temporairement à l’entrée du collège, faute de ressources financières suffisantes. Qui sait si l’entassement des six derniers noms sur la liste des tubicines ne résulte pas du fait que certains individus avaient finalement trouvé les fonds pour intégrer le collège : leur nom aurait été rajouté alors qu’ils n’étaient pas initialement prévus ?
150Par ailleurs, les deux collèges ont à leur tête un optio : L. Clodius Secundus pour les cornicines et Antonius Proculus pour les tubicines344. L’efficacité de la répartition proposée par A. von Domaszewski repose sur l’exclusion de ces derniers de toute activité musicale, sans quoi l’on se retrouve avec un nouveau musicien sans affectation. Or la bibliographie sur les fonctions des optiones ne permet pas de trancher fermement345. L’hypothèse selon laquelle l’optio serait le responsable du collège, aux fonctions avant tout administratives, a été reprise par J. Nélis-Clément à propos des beneficiarii et, plus récemment encore, par Chr. Schmidt Heidenreich346. Dans l’article qu’il a consacré à ce poste, D. Breeze précise que l’optio jouait un rôle de secrétaire et de gestionnaire de la caisse commune, une attribution que l’on accorde cependant en général à l’arcarius347. L’optio était, toujours selon D. Breeze, extérieur à l’association : le poste qu’il exerçait précédemment n’avait rien à voir avec la charge du collège qu’il dirigeait. Pour autant, la réflexion se heurte au manque de source : le seul texte auquel D. Breeze fait référence est justement l’inscription des cornicines de Lambèse, dans laquelle rien ne permet de savoir si Clodius Secundus était ou non un ancien cornicen, un cornicen temporairement détaché à la gestion des biens collectifs, voire un cornicen qui assurerait cette gestion en sus de ses fonctions musicales. L’auteur a lui-même bien montré combien le titre d’optio pouvait être conféré de manière ad hoc à des soldats de rangs divers, simples caligati ou principales, attachés temporairement à la supervision d’une tâche militaire ou administrative348. Rien n’interdit donc de penser, comme le fait Y. Le Bohec à propos de L. Clodius Secundus, que l’optio était un musicien actif349. Il assumait en plus des fonctions administratives dans le cadre de l’association, peut-être de représentation par rapport au reste de la troupe, faisant de lui l’équivalent du magister des collèges civils350.
151Le fait que certains musiciens soient « excédentaires » par rapport au nombre total de manipules ou de centuries ne me semble toutefois pas être un problème par rapport à l’hypothèse considérée. On peut tout à fait supposer que le nombre de musiciens attachés à l’officium du légat de légion ne se limitait pas à un seul individu351. Ce nombre ne coïncidait pas forcément de manière exacte avec celui de manipules. Par ailleurs les vexillations, dont les effectifs étaient prélevés sur celui des légions qui les fournissaient, étaient de grandes consommatrices de musiciens352. Le départ de tubicines ou de cornicines dans un détachement aurait alors privé la légion de son fonctionnement régulier. Il convient donc peut-être d’envisager que l’ordonnancement régulier énoncé précédemment doive être complété par des musiciens à l’affectation moins précise, prêts à être utilisés en cas de détachement.
152La conclusion concernant la question de la répartition des tubicines et des cornicines dans les corps de troupe se doit d’être nuancée. Une hypothèse générale concernant les légions a été formulée grâce aux deux extraordinaires documents des collèges de Lambèse. Aucun autre texte ne permet de la contredire, mais elle ne trouve de confirmation dans aucun autre document, situation expliquant largement la lassitude de M. Speidel, pour qui ce problème est « sujet à des conjectures sans fin »353. Il est toutefois probable que la répartition proposée par A. von Domaszewski ait été, dans ses grandes lignes, proche de la réalité.
2.1.3.3. Et les bucinatores ?
153Les bucinatores ne bénéficient pas d’inscription associative permettant d’échafauder le même genre de raisonnement. La réflexion autour de leur répartition dans les différents corps de troupe est donc encore plus problématique. La plus grande rareté de leurs inscriptions a fait supposer qu’ils étaient moins nombreux que les autres soldats musiciens354. M. Speidel a lancé le chiffre de vingt bucinatores par légion, sans véritable justification355. Ce chiffre correspond environ au rapport global de un pour deux entre les bucinatores et les autres charges de musiciens dans l’ensemble des troupes romaines, sans distinction du corps d’origine (tableau 4). Pourtant, si l’on s’écarte de cette vision globale pour ne prendre en compte que les musiciens des légions, en pondérant les chiffres par la mise à l’écart des inscriptions collégiales, ce rapport semble plutôt inférieur à un pour trois.
Tableau 4 - Répartition des musiciens dans les légions, d’après le CMM.
Total tous corps de troupe confondus | Légions | Légions (chiffre pondéré) | |
Tubicines | 124 | 84 | 40 |
Cornicines | 118 | 90 | 46 |
Bucinatores | 54 | 15 | 15 |
154Cette nouvelle proportion conduit à penser que l’estimation proposée par M. Speidel était peut-être légèrement exagérée : chaque légion comptait plus probablement une quinzaine de bucinatores qu’une vingtaine. Bien qu’aucun document ne soutienne formellement cette hypothèse, on pourrait supposer que chaque cohorte disposait d’un bucinator, ainsi que chaque turme, soit treize musiciens. Le rôle des bucinatores dans le signal de l’attaque affermit en effet l’hypothèse d’une répartition régulière : toutes les parties de la troupe devaient pouvoir vibrer des sonorités de l’attaque356. Par ailleurs, le praefectus castrorum devait aussi avoir un bucinator à sa disposition, étant donné que le rôle de ces derniers se cantonnait malgré tout presque exclusivement, en temps de paix, aux camps. Enfin, le legatus legionis en disposait peut-être aussi, portant donc à quinze le nombre total de ces musiciens. Cette quantité était toutefois susceptible de variations. En effet, un document découvert en 1947 à Castrum Dimmidi, en Numidie, fournit le nom de deux bucinatores relevant de la troisième légion Auguste mais stationnés avec leur détachement hors de Lambèse sous le règne de Sévère Alexandre357. Ces soldats étaient tous deux inscrits dans la quatrième cohorte de leur vexillation, ce qui pourrait mettre à mal l’hypothèse immédiatement énoncée. Il convient toutefois de constater que les cohortes de ce détachement devaient compter au plus une petite dizaine d’hommes par unité, soit une situation sans rapport avec la réalité légionnaire ordinaire358. Il est manifeste que dans le cas d’une toute petite unité comme celle-ci, les bucinatores devaient sonner avant tout pour l’ensemble du détachement et non pour leur cohorte de rattachement. Pourtant, le fait le plus significatif est l’importance, certes relative, de cette délégation musicale, tant pour le corps détaché que pour l’unité mère. Deux individus sur un groupe d’une quinzaine : la proportion est loin d’être négligeable et pousse encore une fois, je crois, à envisager qu’il y ait eu dans chaque légion quelques musiciens « excédentaires » par rapport au nombre de cohortes, de manipules, de centuries ou de gradés à servir, afin que le détachement de quelquesuns n’ait pas créé de vide pour le fonctionnement global de la légion.
155Il est plus difficile d’énoncer un schéma de répartition pour les troupes non légionnaires. Dans les sources qui concernent les effectifs auxiliaires et prétoriens, les bucinatores sont trop dilués parmi le reste de la troupe pour que l’on puisse en dire quoi que ce soit. La marine, au contraire, semble avoir été un corps accueillant pour les bucinatores : avec neuf attestations, ils surclassent les autres postes de musiciens. Il convient pourtant de rappeler que l’essentiel des noms de marins musiciens est transmis par un catalogue ravennate dont on ignore la nature359 : il pourrait tout à fait s’agir d’une liste concernant plusieurs bateaux, comme par exemple la liste des soldats disparus en mer, hypothèse évoquée par l’éditeur du texte. Une telle suspicion rend donc ce document inutilisable dans la perspective qui nous occupe et l’on doit se contenter de constater que les bucinatores qu’attestent les autres documents font état de leur trière de rattachement360.
156Finalement, ce sont les vigiles qui émergent de ce marais d’imprécision. Ce corps très particulier, puisqu’il ne comprenait vraisemblablement que des bucinatores, est celui qui a laissé les documents les plus aptes au questionnement sur la composition des corps361. En effet, deux bases découvertes dans la cour de l’ancienne caserne de la cinquième cohorte, sur le Caelius, ont livré une partie importante de l’effectif de cette unité, centurie par centurie, dont plusieurs recensées au complet362. La base datée de 210 livre un total de trois bucinatores, mais il est possible que les noms de certains d’entre eux, appartenant à la deuxième et à la sixième centurie, aient disparu avec la dégradation du monument363. L’autre base, gravée quelques années plus tôt (peut-être en 205), fournit le nom de cinq de ces musiciens364. Certaines centuries ne comportaient pas de bucinator, comme celles dirigées par Aelius Torquatus ou Ulpius Rutilianus365. D’autres comptaient dans leurs rangs un seul de ces instrumentistes366 et l’une d’entre elles en avait deux367.
157Comme dans les inscriptions de prétoriens pour les tubicines et les cornicines, l’irrégularité de la répartition semble donc la règle, prouvant par là pour les vigiles que la centurie n’était pas l’unité utilisée pour la réalisation de leur service. Cette irrégularité va contre l’hypothèse d’A. von Domaszewski, selon laquelle il y aurait eu sept bucinatores par cohorte, soit un par centurie368. Cette idée provenait d’une inscription de la cinquième cohorte des vigiles datée de 113, dans laquelle M. Nonius Probus est désigné par l’expression bucinator in centuria369. Constatant l’opposition entre cette inscription et les bases fournissant l’effectif complet, M. Speidel a vu, au contraire, dans les termes in centuria l’expression de la nature du service rendu par le musicien : il aurait été sur le terrain et non dans l’officium370.
158Cette interprétation est à mon sens préférable à celle d’A. von Domaszewski, en contradiction avec les cinq – et non sept – musiciens de la cinquième cohorte, et conduit à se demander ce que pouvait signifier pour un bucinator de servir in centuria. Le nombre de vigiles bucinatores est faible et suppose qu’ils ne participaient pas au service concret de prévention de l’incendie : cinq musiciens ne pouvaient prendre part à l’ensemble des tournées nocturnes réalisées par les vigiles, sans quoi ils auraient travaillé constamment. Il faut donc supposer que les bucinatores restaient dans la caserne, donnant le signal des heures et de la relève. Pourtant l’efficacité des vigiles de Rome dépendait de leur rapidité de réaction au moment de la détection d’un incendie : dès lors que ce dernier avait pris des proportions trop importantes, il devenait impossible pour les soldats du feu de lutter contre leur ennemi. Pour que la réaction soit prompte, il fallait que la transmission de l’information soit efficace et rapide : seul un instrument de musique pouvait transmettre le signal d’un début de feu aux renforts attendant à la caserne. Ainsi, le concert de cornu donné pour le plaisir de Trimalcion n’eut pas pour unique effet de réveiller le voisinage : il attira aussi les vigiles, pensant à un incendie371. Il faut donc supposer que les vigiles chargés de la ronde nocturne avaient un instrument de signal à leur disposition. La bucina, instrument de petite taille bien plus aisément transportable que les autres trompes, était adapté à cet usage. Elle n’aurait alors pas été jouée par les bucinatores mais par les simples vigiles. Les bucinatores, eux, restés dans la caserne, servaient de relais de l’information, réveillant les vigiles endormis d’une sonnerie dès lors qu’ils entendaient une trompe donner l’alarme dans le quartier. Ils jouaient peut-être alors le classicum, à l’instar des bucinatores légionnaires lors d’une attaque nocturne372. On voit donc se mettre en place une distinction entre le vigile soufflant occasionnellement dans une bucina en cas d’alerte à l’incendie et l’instrumentiste professionnel, le bucinator, qui ne participait pas aux rondes nocturnes et restait à la caserne. Ce dernier était un spécialiste qui, en tant que tel, était mieux placé dans la hiérarchie des troupes et avait, peut-être, une carrière différente.
2.2. Hiérarchie et carrière
2.2.1. Les musiciens militaires et la hiérarchie
159L’étude de la hiérarchie des postes et des grades est un exercice familier pour les spécialistes de l’armée romaine. Elle a connu un maître en la personne d’A. von Domaszewski dont l’ouvrage Die Rangordnung des Römischen Heeres, publié pour la première fois en 1908, a servi de support aux nombreuses études postérieures et dont les conclusions n’ont jamais été véritablement bousculées depuis373. Sur la base des documents épigraphiques connus au début du XXe siècle, le savant autrichien a établi, corps de troupe par corps de troupe, la hiérarchie de tous les postes occupés par les soldats ayant dépassé le stade de simple caligatus, soit un peu moins d’un quart de l’effectif d’une légion374. Son ouvrage fut complété, plus que corrigé, par B. Dobson lors de la réédition de 1967, en fonction des découvertes postérieures à la première publication375. Près de trente années plus tard, il fut une nouvelle fois complété et amendé par un travail collectif élargissant le propos à la République ainsi qu’à l’antiquité tardive, et l’enrichissant d’un croisement des sources376.
160Grâce à sa construction d’une hiérarchie structurée et fortement organisée, A. von Domaszewski avait ouvert la voie à l’étude des cursus militaires et administratifs que permettait l’engagement dans les troupes romaines. Les officiers supérieurs furent les premiers à bénéficier de cet éclairage sur les différentes étapes de leur carrière militaire. Les centurions et primipiles, riches d’une documentation relativement fournie, connurent aussi les bénéfices de cette théorisation de l’avancement377. Pour les grades inférieurs, il faut bien avouer que la recherche ne s’est pas montrée aussi prolixe, reflétant l’aridité des sources. C’est au Britannique D. Breeze que l’on doit les travaux les plus importants consacrés aux carrières inférieures au centurionat378. Pourtant, ses recherches concernent une partie de la population militaire qui semble tout entière tournée vers le centurionat : il est un idéal que l’on espère atteindre, souvent sans succès, mais qui est présenté comme l’objectif de toute évolution. Pour les détenteurs de charges techniques – ou militaires, pour reprendre la terminologie d’A. von Domaszewski – le centurionat n’était qu’un horizon très lointain auquel bien peu devaient oser rêver. C’est pourquoi les musiciens n’apparaissent presque jamais dans les articles de D. Breeze379. Faut-il pour autant renoncer à insérer les charges techniques, comme celles des musiciens, dans la hiérarchie des troupes romaines ? Leur infériorité les condamne-t-elle à notre ignorance ? Les carrières sont rares, les sources disparates et arides, pour autant l’enquête vaut la peine d’être menée. Elle prendra deux directions : d’une part, la mise en place d’une hiérarchie fine entre les différents postes de musiciens qui est l’approche la plus évidente, d’autre part une insertion de ces musiciens dans l’ensemble hiérarchique de chaque corps de troupe.
2.2.1.1. La hiérarchie des musiciens
161La hiérarchie des prétoriens sert de point de départ à D. Breeze pour l’ensemble de ses études sur les grades inférieurs au centurionat : elle fut selon lui la plus clairement et précocement établie, et ce dès Trajan, voire Domitien380. Pourtant, en ce qui concerne les musiciens, ce sont les inscriptions de légionnaires qui permettent le raisonnement le plus complet. A. von Domaszewski ne fournit de détails relatifs à la hiérarchie des musiciens que dans la partie qu’il consacre aux légions381. Pour le reste, il se contente de renvoyer à l’organisation légionnaire par un bref « Rang nach Analogie der Legionen »382. C’est une inscription de Lambèse datant de 218 qui permet de fixer fermement la hiérarchie entre les différentes charges de musiciens militaires383. Il s’agit d’une dédicace à la famille impériale rédigée par les duplarii de la troisième légion Auguste au retour de l’expédition parthique menée par Caracalla. Les soldats sont cités par ordre hiérarchique. Les noms des huit musiciens sont gravés les uns à la suite des autres, dans l’ordre suivant : tubicines, cornicines, bucinatores. On trouve le même ordre de succession, tubicines puis cornicines dans une autre inscription lambésitaine datant du règne de Septime Sévère et donnant les noms des soldats de la neuvième cohorte de la troisième légion Auguste384. Au début du IIIe siècle les tubicines étaient donc les musiciens les plus importants des légions.
162On retrouve cette hiérarchie dans le paragraphe que Végèce consacre aux musiciens, ce qui suggère qu’elle était en place avant le IIIe siècle - sans que l’on puisse savoir avec certitude à quand la faire remonter385. Cependant, une inscription de Mésie inférieure, réalisée par les soldats d’une vexillation de la onzième légion claudienne, permet d’ancrer plus précisément cette chronologie386. En 155, ces soldats ont fait réaliser un monument pour une raison que son état de conservation ne permet pas de connaître. Les gradés sont cités dans un ordre hiérarchique descendant : beneficiarius consularis, tesserarius, tubicen, cornicen, medicus, immunes venatores. La position respective d’Aurelius Postumus, tubicen, et de Valerius Rufus, cornicen, confirme ainsi la hiérarchie donnée par les inscriptions de Lambèse. À partir de la deuxième moitié du IIe siècle, et probablement avant, les tubicines sont donc les soldats les mieux placés dans la hiérarchie des musiciens. Ils sont suivis des cornicines et des bucinatores.
163Aucune inscription des cohortes prétoriennes ne fait apparaître les trois charges de musiciens dans la même inscription et dans le même corps. Pourtant, comme l’avait repéré A. von Domaszewski, il semble que la hiérarchie en vigueur chez les légionnaires soit aussi valable chez les prétoriens. Une inscription collective datée de l’année 136 nomme dans cet ordre les musiciens de la cinquième cohorte, inscrits dans la centurie de Rufus et enrôlés sous le consulat de Severus : tubicen L. Gavius Iustus et bucinator M. Fannius Velox387. Soixante-dix ans plus tard, en 209, c’est toujours un tubicen qui est cité en premier en tant que musicien de la quatrième cohorte, centurie de Pollio ; il est cette fois suivi d’un cornicen dont le cognomen est perdu, P. Helvius [- - -]388. Il semble donc que dès la première moitié du IIe siècle, voire dès le règne de Domitien si l’on accepte le raisonnement de D. Breeze, les hiérarchies des postes de musiciens des prétoriens et celle des légionnaires étaient alignées. Les témoignages sont encore plus rares pour les equites singulares, mais on doit certainement penser que la hiérarchie était la même : un tubicen précède un bucinator dans le texte d’une dédicace à Jupiter et au génie d’Antonin réalisée par les vétérans thraces du numerus389.
164Il faut signaler la particularité de la flotte face à cette uniformité dans la construction de la hiérarchie des musiciens. Ce corps n’a jamais fait l’objet d’une véritable étude de Rangordnung, comme l’a souligné M. Reddé, essentiellement en raison de la rareté des sources390. Pourtant le peu de cursus dont nous disposons sont similaires à ceux des troupes de l’armée de terre, particulièrement à partir du IIe siècle, époque à laquelle s’est amoindrie jusqu’à disparaître la distinction originelle de la marine : des officiers de la marine peuvent alors poursuivre leur carrière dans les troupes d’infanterie terrestre391. Pour les musiciens, cette assimilation à la hiérarchie légionnaire ne semble toutefois pas avoir été de mise. Si l’on ignore la nature du catalogue ravennate déjà mentionné, son organisation suivant la hiérarchie des grades ne fait aucun doute. Les noms de soldats y sont gravés selon leur charge, de manière descendante. On peut y lire la succession suivante : fabri, vexillarii, cornicines, tubicines, bucinatores, suboptiones, munifices. Contrairement à la hiérarchie légionnaire, les cornicines ne suivent donc pas les tubicines mais ils les précèdent : ils seraient les plus importants des musiciens de la flotte. Faute d’autre source, il est difficile de tirer plus qu’un constat de cette exception. Comme pour l’importance du nombre de bucinatores mentionnés dans le catalogue de Ravenne, il faut peut-être voir dans cette différence une trace de l’histoire du Ier siècle de la marine, quand elle était composée d’affranchis et de pérégrins : elle n’aurait alors pas bénéficié d’un système musical régulier et les siècles suivants auraient fossilisé cette distinction.
165Quel que soit le corps de troupe, les musiciens appartenaient à un niveau hiérarchique assez proche : les postes étaient distincts mais cités les uns à la suite des autres sur les documents procédant à de telles recensions, donnant l’impression d’une cohérence hiérarchique.
2.2.1.2. Les musiciens dans la hiérarchie
166En tant que détenteurs d’un savoir technique, c’est-à-dire la capacité à tirer des sons convenables de leurs instruments, les musiciens militaires étaient distingués des simples soldats. Ils rentraient dans la catégorie des détenteurs d’une charge militaire, d’après la terminologie de von Domaszewski. Ces charges étaient le premier échelon de la hiérarchie des grades structurant les carrières inférieures au centurionat, les autres étant les charges tactiques (signifer, optio, tesserarius) et celles, administratives, des beneficiarii. Ils étaient désignés dans les inscriptions soit uniquement par leur charge, soit par l’adjonction de cette dernière au terme miles, soulignant ainsi la différence entre eux et les caligati392. L’ensemble des détenteurs de ces charges constituait le groupe des principales, terme que le savant autrichien définit en suivant Végèce comme étant les soldats qui bénéficiaient d’une certaine forme de privilèges, dont l’essentiel était l’exemption des corvées incombant à l’ensemble des soldats :
Ces soldats sont les principales, qui bénéficient de privilèges. Les autres sont appelés munifices, parce qu’ils doivent exécuter les corvées393.
167Cette définition par l’exemption de la charge n’est toutefois pas aussi évidente. Selon le juriste de la fin du IIe siècle Taruttienus Paternus, les soldats exemptés des corvées les plus lourdes en raison des services qu’ils rendaient par ailleurs étaient appelés immunes394. A. von Domaszewski a tenté de concilier les deux textes, pourtant éloignés dans le temps de près de deux siècles, en faisant des immunes l’ensemble des soldats situés en dessous des charges tactiques soit, en réalité, les détenteurs des charges militaires395. Il les inclut toutefois dans son étude parmi les principales, reflétant ainsi la confusion dans la terminologie.
168La différence entre les grades de principales et d’immunes a fait l’objet de relectures de la part d’E. Sander et G. Watson, suivis par D. Breeze, qui ont notamment introduit dans la réflexion deux paramètres trop ignorés jusqu’alors : la chronologie et l’échelle des salaires396. Selon ces auteurs, ce n’est qu’à partir du règne d’Hadrien que les données deviennent lisibles, même si l’on suppose qu’elles traduisent alors une réalité antérieure. Il semble qu’à cette époque la distinction entre les soldats déchargés des corvées pour les services qu’ils rendaient par ailleurs et les simples caligati n’avait pas de réelles conséquences hiérarchiques397. En d’autres mots, le privilège consenti, l’exemption de charges lourdes était un avantage concret qui n’équivalait pas à une promotion hiérarchique. Ce n’est qu’avec la complexification des carrières militaires que fut mise en place une distinction plus claire entre les simples soldats, les immunes exemptés de corvées et les principales, eux aussi exemptés de corvées mais, en sus, supérieurs hiérarchiquement. Cette séparation entre les immunes et les principales avait, si l’on suit le raisonnement de G. Watson et de D. Breeze, une traduction financière : les immunes touchaient une simple solde, tandis que les principales bénéficiaient d’une solde et demie voire d’une double solde398.
169Comment situer les musiciens dans la pyramide hiérarchique ? À l’exception d’un texte, toutes les inscriptions dans lesquelles un musicien précise qu’il était aussi soldat (miles tubicen, miles cornicen ou miles bucinator) sont antérieures à la deuxième moitié du IIe siècle399. Il en est de même des inscriptions dans lesquelles la pratique musicale du soldat n’est pas explicitement mentionnée dans le texte, mais doit se déduire de la représentation d’un instrument à côté du champ épigraphique400. Cette concentration est tout à fait cohérente avec les conclusions de G. Watson et D. Breeze : avant que ne soit officiellement créée une terminologie pour les immunes et les principales, les spécialistes étaient des soldats ordinaires dans la hiérarchie que seule leur pratique musicale distinguait du reste des caligati.
170Pour les périodes postérieures, les inscriptions des légions sont celles qui fournissent le plus de renseignements401. En 155, les soldats d’une vexillation de la onzième légion claudienne firent réaliser une inscription dans laquelle leurs noms apparaissaient par ordre hiérarchique. Derrière le centurion viennent les principales, dont le tubicen Aurelius Postumus et le cornicen Valerius Rufus402. À cette date, soit relativement peu de temps après que les catégories immunis et principalis ont été définies, ces deux types de musiciens étaient donc des principales. On retrouve les deux mêmes catégories de musiciens, associées à d’autres principales, sur une inscription de Mésie inférieure pour laquelle nous ne disposons malheureusement pas de critère de datation efficace403. Il s’agit d’une liste de soldats de la legio I Italica dont on ne sait quel point commun les rapprochait : elle peut aussi bien correspondre aux soldats ayant réalisé une inscription funéraire qu’à la liste des dévots d’un culte. Le fait le plus frappant est l’homogénéité hiérarchique des postes occupés par ces hommes, qui appartiennent tous à la portion de la hiérarchie correspondant aux principales : optiones, tesserarii, imaginiferi, custodes armorum. Parmi eux se trouvent trois tubicines et quatre cornicines404. Une inscription de Lambèse, datée par Y. Le Bohec de la dynastie sévérienne, présente des noms de soldats de la troisième légion répartis en deux colonnes. La colonne de droite correspond aux noms de simples soldats ; celle de gauche est réservée aux principales : des tabularii, custodes armorum et un tubicen405. Enfin, c’est à nouveau un tubicen seul que l’on rencontre sur une inscription de Dacie, au milieu d’une liste de soldats composée essentiellement de principales et datée du IIIe siècle406. On peut ainsi affirmer que les tubicines et les cornicines de la légion appartenaient à la catégorie des principales dès que cette dernière connut une réalité.
171La proximité hiérarchique entre les postes de musiciens constatée dans la section précédente conduirait à penser naturellement que les bucinatores appartenaient eux aussi à la catégorie des principales. C’est ce qu’affirme M. Speidel dans l’article qu’il leur a consacré, c’est aussi ce que pense S. Perea Yébenes407. Sans que l’on puisse exclure totalement cette possibilité, les faits ne se présentent toutefois pas aussi simplement, du moins pas pour les bucinatores servant dans la légion. En effet, aucun document n’atteste explicitement cette réalité. Chez les vigiles, un bucinator apparaît effectivement dans une liste de soldats principales de la cinquième cohorte, datant du règne de Trajan408. Un papyrus égyptien d’Alexandrie a conservé la trace d’un autre bucinator du même rang mais dans la flotte cette fois, en 166409 : le musicien intervient en tant que témoin dans l’acte de vente d’un esclave entre deux soldats d’une vexillation de la flotte de Misène stationnée à Alexandrie. Iulius Demetrius précise qu’il était bucinator principalis de la trière Virtus. Pour autant la spécificité de ces deux corps, la flotte et les vigiles, a déjà été soulignée à plusieurs reprises410. Enfin, sur un des papyrus dressant la liste de l’effectif de la vingtième cohorte des Palmyréniens, le nom d’Aurelius Priscus est surmonté d’une barre horizontale avec un angle à l’extrémité droite, à l’instar de tous les autres principales n’ayant pas d’assignation particulière, selon l’interprétation de R. Fink411.
172Dans les inscriptions de légionnaires en revanche, les bucinatores sont désignés comme des immunes : Septimius Andra et Aurelius Mucianus, héritiers de Septimius Mucapor, duplicarius de la legio II Parthica Severiana pour lequel ils font réaliser une inscription funéraire dans la première moitié du IIIe siècle, se qualifient l’un et l’autre d’immunis bucinator412. Bien qu’étonnante, la précision donnée par ces deux musiciens ne souffre pas d’autre interprétation : pourquoi ces bucinatores auraient-ils stipulé qu’ils étaient exemptés de corvées s’ils avaient fait partie des principales ? Par ailleurs les bucinatores sont les seuls des trois types de musiciens militaires à être mentionnés par Taruttienus Paternus dans la liste des immunes, dont sont donc exclus les tubicines et les cornicines413. Les bucinatores étant hiérarchiquement inférieurs par rapport aux deux autres postes, il n’y aurait pas de sens à penser que ces derniers n’étaient pas dispensés des corvées. Au contraire, s’ils appartenaient déjà aux principales à la fin du IIe siècle, comme le suggère l’inscription de la onzième légion claudienne, il est normal que Taruttienus ne les ait pas mentionnés. Le fait que Végèce les compte parmi les principales de la légion ne doit pas être un obstacle à ce raisonnement414 : G. R. Watson a bien montré que dans cette section Végèce écrivait en homme du IVe siècle, confondant probablement la hiérarchie de son temps et celle de « l’antique légion »415. D’autres postes, comme les mensores et les librarii se trouvent dans la même situation : immunes chez Paternus, ils sont principales pour Végèce. C’est pourquoi, contre M. Speidel, il faut se rallier à l’avis de F. Bérard, selon qui les bucinatores n’étaient toujours pas, au début du IIIe siècle, inscrits parmi les principales416.
173Les raisons de cette dépréciation des bucinatores par rapport aux autres charges de musiciens ne sont pas immédiatement perceptibles. Il convient certainement de mettre en rapport cette infériorité avec le rôle joué par ces musiciens dans la vie militaire : ils ne participaient pas, pour l’essentiel, au feu de l’action et à la conquête victorieuse mais sonnaient avant tout pour tirer les soldats de leur sommeil, un rôle assurément moins courageux.
2.2.2. Carrières de musiciens
174Comme tous les soldats, les musiciens espéraient sans doute avancer dans la hiérarchie, mener une carrière qui leur ferait quitter les rangs inférieurs pour accéder à des postes moins éprouvants, mieux considérés et mieux rémunérés. Pour autant que les sources nous permettent de les saisir, bien des rêves ont dû être brisés : une seule inscription, exceptionnelle à plusieurs titres, a livré le cursus d’un soldat ayant un jour exercé une charge de musicien, avant d’être appelé vers une plus brillante destinée417. L’évolution de la carrière des autres musiciens a été bien plus modeste, rendant l’étude plus ardue : les inscriptions funéraires fournissent le poste occupé par le défunt au moment de sa mort et ne se préoccupent pas des postes qu’il avait occupés précédemment, pour autant qu’il y en ait eu. Seul le hasard de l’épigraphie, livrant deux inscriptions concernant le même homme, peut, parfois, donner quelques éléments d’interprétation aussi rares que précieux.
2.2.2.1. Début de carrière
175Fallait-il être musicien avant que d’être soldat ? En d’autres termes, ces hommes intégraient-ils les rangs de l’armée en raison de leur compétence technique ou bien étaient-ils des recrues comme les autres, qui acquéraient une fois devenus soldats les connaissances nécessaires à leur prestation musicale ? Les sources sont ténues et nécessitent d’avancer avec prudence418.
176L’âge au recrutement des musiciens ne présente aucune caractéristique particulière419. L’essentiel des musiciens a commencé à servir entre 18 et 20 ans, avec toutefois une proportion relativement conséquente de recrues un peu plus âgées, sans que l’on puisse voir de rapport avec la charge qu’ils exerçaient420. Plus intéressant, quand on peut le déterminer, est l’âge de prise de fonction en tant que musicien. Cette indication n’est pas livrée en tant que telle par les inscriptions421. Il faut la déduire du rapport entre la charge et les années de service : un tubicen mort après onze années de service prouve qu’il était possible de devenir tubicen moins de onze ans après la probatio. À ce titre, les inscriptions funéraires des soldats morts les plus jeunes renseignent le mieux : elles donnent un terminus post quem au delà duquel il était possible d’être musicien. Aucune inscription ne témoigne d’un musicien mort quelques mois après son incorporation, alors qu’il occupait un poste de musicien, ce qui permet de supposer que l’on ne rentrait pas directement dans l’armée à l’un de ces postes, qui pouvaient toutefois être atteints assez rapidement. Les deux bases de la cinquième cohorte des vigiles, gravées à quelques années d’écart, peut-être cinq ans, permettent de saisir l’évolution de certaines carrières au sein de cette unité. C. Iulius Valentinus a ainsi connu une promotion durant ce laps de temps : de simple vigile, il est devenu bucinator en 210422. Pour autant, on ne sait pas depuis combien de temps il était enrôlé avant sa promotion. L’observation d’autres corps permet de pousser la réflexion plus avant. Ainsi Andes, cavalier originaire de Rhétie jouant du cornu, est mort à 30 ans après seulement cinq années de service423. De fait, les ailes semblent avoir été particulièrement favorables à une intégration précoce des musiciens militaires : outre celle d’Andes qui est le cas le plus frappant, d’autres inscriptions de ce corps indiquent un nombre très faible d’années de service424. Aurelius Priscus apparaît en tant que bucinator sur la liste recensant l’effectif de la cohors XX Palmyrenorum de 222425. Il est précisé que son recensement date de 214, ce qui signifie donc qu’en moins de huit ans ce soldat avait atteint une charge de musicien. Chez les prétoriens, C. Valerius Paternianus, soldat de la huitième cohorte prétorienne mort à 27 ans après quatre ans de service, est devenu cornicen encore plus rapidement426. L’obtention d’une charge technique comme celle de musicien permettait donc aux soldats des troupes auxiliaires et des cohortes prétoriennes de bénéficier d’un début de carrière intéressant : en quelques années, ils passaient du rang commun de simple soldat à celui d’immunis les exemptant des corvées collectives, voire de principalis s’ils devenaient cornicen ou tubicen à partir du IIe s. p. C.
177En regard, les inscriptions relatives aux légionnaires contrastent : le musicien avec le moins d’années de service est C. Vibius, tubicen mort après dix stipendia427 ; il est cependant un cas isolé. On pourrait ainsi penser qu’il était plus difficile d’obtenir une charge technique comme celle de musicien dans les légions que dans d’autres corps. La taille d’une légion, largement supérieure à celle d’une aile ou d’une cohorte d’auxiliaire, explique peut-être cette différence : pour un caligatus souhaitant obtenir de l’avancement en exerçant une charge technique, la concurrence était plus rude dans une légion que dans une aile ou une cohorte auxiliaire. Cette perspective, c’est-à-dire l’obtention d’une promotion plus rapidement que dans les légions, explique peut-être le désir de certains citoyens romains d’intégrer les cohortes d’auxiliaires428.
178Avant de pouvoir prétendre aux charges de musiciens, encore fallait-il maîtriser les instruments de musique utilisés aux armées. Il devait donc y avoir, pour l’aspirant musicien, une période de formation et de transition, durant laquelle le simple soldat apprenait à souffler dans les instruments de manière à ce que ses sons soient efficaces et compris de tous. En effet, dans sa description de la prise de Tarente par Hannibal en 212, Tite Live souligne combien une trompe mal jouée pouvait être une source de confusion terrible : aux mains d’un musicien non entraîné, grec pour tout dire, elle ne transmettait plus les signaux ordinairement efficaces429. On trouve trace de cette période préparatoire dans l’épigraphie, derrière les termes tiro et discens. Le règlement du collège des cornicines de Lambèse consacre l’essentiel de son dernier article aux tirones : s’ils sont en règle avec la caisse commune du collège, ils pourront récupérer l’argent qu’ils y ont placé430. Cette précision financière suggère que la formation pouvait être assez longue : on n’aurait pas stipulé ces droits et devoirs des apprentis musiciens si elle n’avait été que de quelques semaines ou de quelques mois431. Un ossuaire d’Aquilée daté par J. B. Brusin de la période impériale fait état de cette condition d’apprenti : l’objet était destiné à contenir les os d’un tiro bucinator432. Le défunt ne s’était pas encore acquitté de sa période de formation, pourtant il n’était déjà plus un simple soldat : voilà ce que ses héritiers ont voulu exprimer en peu de mots. Une inscription de Lambèse livre peut-être le nom d’un autre musicien en phase d’apprentissage : M. Sittius Gargilianus, discens cornicen433. Le terme discens a connu des interprétations diverses : généralement considéré comme synonyme d’apprenti, Y. Le Bohec lui a attribué la signification inverse d’enseignant434. Cette position ne semble toutefois pas tenable au regard du nombre élevé de discentes que mentionnent certaines inscriptions de la troisième légion Auguste : comment expliquer l’existence de sept formateurs à la charge de porte-enseigne dans l’inscription CIL, VIII 18086, si c’est bien là le sens qu’il faut donner aux termes discentes signiferum435 ? Il est donc possible que Sittius Gargilianus soit un apprenti cornicen n’ayant pas encore terminé sa formation ou aspirant au poste de cornicen dès qu’une place se libérera.
179La phase d’apprentissage ne nous est connue que via des inscriptions légionnaires. Le hasard des découvertes n’est pas à exclure, mais on peut cependant se demander si la plus grande complexité des codes sonores à maîtriser par un instrumentiste des légions ne justifiait pas une formation plus longue et donc plus visible dans l’épigraphie. Il fallait en effet que les tubicines et cornicines légionnaires mémorisassent à la perfection les différents signaux nécessaires sur le champ de bataille, un ensemble de codes sonores dont n’avaient pas à s’embarrasser les musiciens des cohortes prétoriennes ou des equites singulares.
180Au terme de cette formation, l’ancien caligatus devenait un musicien des armées. Il était exempt de corvées et s’était élevé par rapport à la majorité des soldats ; commençait alors pour lui une longue carrière.
2.2.2.2. La longue et morne carrière des musiciens militaires
181Si l’entrée dans les charges de musiciens pouvait s’opérer relativement vite, il était bien plus difficile d’en sortir. De nombreux textes épigraphiques témoignent du grand nombre d’années de service réalisées à leur poste par des tubicines, cornicines ou bucinatores. Ainsi, vingt ans après leur incorporation, M. Praeconius Iucundus et [- - -]inius [- - -] Catul[- - -], étaient tous deux encore musiciens de la legio XV Apollinaris436. M. Ulpius Victor, de la quatorzième légion Gemina était encore bucinator après 22 ans, ce qui reste peu au regard de 30 années de service du cornicen P. Farfinias Severus de la legio VIII Augusta, soit cinq années de plus que la durée du service normal, sans évolution hiérarchique437. Le même phénomène est repérable dans les cohortes auxiliaires, où L. Spurennius Rufus, bucinator, servit durant vingt ans438. Un tubicen de la troisième cohorte des Alpins nommé Primus, fils de Titus, eut un service de 23 ans439. La palme de la longévité revient toutefois à Ubasus Niclinus, qui après 31 années chez les Lusitaniens, jouait encore de la tuba440. Enfin, plus que tous les cas particuliers, c’est le nombre de vétérans partis en retraite en occupant un poste de musicien qui impressionne. Trois corps sont surtout concernés : les prétoriens441, les légionnaires442 et les equites singulares443. La carrière de l’ensemble de ces soldats s’était arrêtée à l’un des trois postes de musiciens, position qu’ils avaient pu occuper relativement peu de temps après leur incorporation, les laissant des décennies durant sans évolution hiérarchique. Si rien ne permet de savoir avec certitude que tous ces vétérans avaient atteint ces postes en début de carrière, le cas d’Aurelius Priscus certifie qu’une telle carrière passée presque intégralement à jouer d’un même instrument était possible444. Après un enrôlement en 214 dans la cohors XX Palmyrenorum, Aurelius Priscus apparaît en tant que bucinator sur l’état de l’effectif de 222. Dix-sept ans plus tard, en 239, il est une nouvelle fois mentionné dans un des rapports quotidiens livré par la documentation de Dura Europos. Ce soldat aura donc servi en tant que musicien entre 17 et 25 ans, sans connaître la moindre évolution en grade. Cette stagnation dans la hiérarchie est particulièrement frappante lorsque l’on compare l’évolution des carrières des vigiles de la cinquième cohorte. Comme l’a montré R. Sablayrolles, presque tous les officiers et sous-officiers de la cohorte ont pris du grade durant les quelques années qui séparent les deux bases retrouvées dans la cour de la caserne445. Tous… sauf les musiciens : M. Pompeius Felix et L. Modius Saturninus sont bucinatores en 210, comme ils l’étaient déjà quelques années auparavant446.
182L’absence d’avancement dans la carrière des musiciens a des conséquences sur la datation de certaines inscriptions. Le texte du règlement du collège des tubicines de Lambèse, contrairement à son jumeau des cornicines, n’est pas daté de manière précise447. Il faut donc s’en remettre aux titulatures impériales et à la composition de la domus Augustorum à qui l’inscription est dédiée. L’absence de toute référence à Plautilla, l’éphémère épouse de Septime Sévère, impose une datation antérieure à son mariage - soit entre 198 et 202-, ou postérieure à sa répudiation - soit entre 205 et 211-. Afin de déterminer laquelle de ces deux fourchettes était la plus pertinente, H. Battifol et M. Isaac se sont appuyés sur le cas de trois tubicines qui apparaissent sur l’inscription du collège et sur une inscription postérieure gravée par certains soldats de la troisième légion Auguste au retour de la campagne parthique menée par Caracalla, en 218448. Selon ces auteurs, il était absolument inenvisageable que des soldats aient pu occuper le même poste pendant au moins seize ans449. Or les inscriptions envisagées précédemment, particulièrement celles des vétérans de la légion, poussent au contraire à croire qu’une telle stagnation dans la hiérarchie était possible, voire commune pour les musiciens. Finalement, si la datation la plus tardive doit à mon avis être choisie pour l’inscription du collège des tubicines, la non-carrière des musiciens ne peut être retenue comme argument dirimant. Les meilleurs critères sont internes au document : les articles du règlement présentent une meilleure organisation et le texte connaît des abréviations plus importantes450.
183Entrés tôt dans leurs charges, les musiciens y restaient bien souvent, semble-t-il, jusqu’à la fin de leur carrière militaire, que la mort ou la missio y mît fin. Les inscriptions de la cinquième cohorte de vigiles donnent même l’impression que les charges techniques comme celles de musiciens étaient discriminantes : elles privaient leurs détenteurs d’une évolution hiérarchique que connaissaient naturellement les autres gradés. Comment expliquer ce constat ? Il est certain que les capacités techniques des musiciens en faisaient des spécialistes indispensables, ou du moins difficiles à remplacer au pied levé. Cela ne suffit toutefois pas à justifier l’absence de turn over dans les postes de musiciens : rien, en effet, n’aurait empêché l’armée de former de nouveaux musiciens pour remplacer ceux partis occuper des postes plus hauts placés. Une des explications possibles à l’absence d’avancement des musiciens pourrait être que ces postes n’étaient pas assez valorisants pour leur permettre de mettre en avant des qualités dignes de les faire progresser dans la carrière. Cantonnés à des rôles subalternes et concrets, les tubicines, cornicines et bucinatores ne trouvaient que rarement l’occasion de se distinguer sur le champ de bataille. Ils n’avaient pas non plus la possibilité de démontrer une intelligence susceptible de les faire repérer de leur commandement et de leur fournir les clés de postes plus administratifs. Le fait que les charges de musiciens constituent, pour l’immense majorité d’entre eux, une impasse hiérarchique explique peut-être pourquoi le règlement des collèges de cornicines fournit des précisions quant aux tirones : la seule possibilité d’accéder à un poste de musicien étant que l’un d’entre eux décède ou soit atteint par la limite d’âge, un aspirant pouvait attendre de longues années avant d’accéder à un poste de titulaire451. Les quatre noms rajoutés à la dernière ligne de l’inscription du collège des cornicines de Lambèse, que je propose d’identifier comme des tirones, illustrent cette idée452. La longueur de l’attente de leur « titularisation » en tant que cornicen, synonyme de leur entrée dans le collège, avait justifié qu’ils apparaissent sur l’inscription de fondation du collège, fût-ce en marge.
184Bloqués à des postes humbles et techniques, privés de la possibilité de montrer courage et intelligence, les musiciens militaires se trouvaient donc coupés des deux moteurs de la promotion. Dès lors, on peut penser que les hommes acceptant ces postes voyaient simplement en eux la possibilité d’échapper rapidement aux corvées quotidiennes, avec la perspective d’une carrière sans brio mais stable et assez confortable. Pour autant, considérer les charges occupées comme l’unique critère de détermination de la hiérarchie serait avoir une approche trop monolithique et peut-être trop contemporaine de l’armée romaine. La diversité des corps armés, de leur histoire et de leur composition ouvre la porte à une approche plus subtile.
2.2.2.3. De l’art d’« avancer sur place453 »
185Cette expression a été utilisée par R. Sablayrolles pour décrire l’évolution de la carrière des bucinatores chez les vigiles. Ces musiciens étaient certes maintenus dans leur poste, mais pour autant, il ne semble pas que leur position ait été uniforme : sur l’inscription de 210, les noms de M. Pompeius Felix et de L. Modius Saturninus sont gravés avant ceux des secutores tribuni, les gardes personnels du tribun qui les surclassaient normalement quant à la hiérarchie454. Au contraire, dans la septième cohorte, le nom de C. Iulius Valentinus succède à trois secutores tribuni455. Or ce qui différencie les deux premiers du dernier est la durée passée à souffler dans la bucina. Sur l’inscription gravée quelques années auparavant, Pompeius Felix et Modius Saturninus apparaissaient déjà en tant que bucinatores, tandis que Iulius Valentinus n’est qu’un simple miles de la quatrième centurie. Selon R. Sablayrolles, il est possible de voir dans cette Rangordnung fluctuante le signe d’une prise en compte de l’ancienneté : dans une certaine mesure, le nombre d’années passées dans le poste aurait prévalu sur la hiérarchie des charges détenues. M. Nonius Probus, qui a contribué avec d’autres principales de la cinquième cohorte à l’érection d’une chapelle pour le génie de la centurie est quant à lui mentionné entre deux secutores tribuni, confirmant ainsi la proximité hiérarchique entre les deux charges ainsi que la flexibilité dans leur relation hiérarchique, permettant la prise en compte de critères comme l’ancienneté456.
186On pourrait compléter cette réflexion en constatant que durant les années qui se sont écoulées entre l’érection de ces deux bases, les bucinatores ont changé de centurie : inscrits respectivement dans la sixième et septième centurie, ils ont par la suite été mutés dans la quatrième et la cinquième, tandis que le nouveau musicien, Iulius Valentinus, était affecté à la septième et dernière. Dans ce même intervalle, Antonius Secundus et Cn. Statilius Severus, bucinatores de la première centurie sur l’inscription la plus ancienne, ainsi que T. Grasidius Severus, de la quatrième centurie, ont quitté la cohorte457. Trois raisons permettent d’expliquer ce départ : la promotion dans un autre corps, dont on a vu qu’elle était rarissime ; la mort ; la missio. Cette dernière est l’hypothèse la plus probable et il est frappant de constater que les soldats en fin de service, ayant donc le plus d’ancienneté dans le poste, appartenaient aux premières centuries, de même que l’avancement dans l’ancienneté a signifié, pour les bucinatores de 210, un avancement dans les centuries. Tout se passe donc comme si, pour les bucinatores des vigiles, la stagnation aux postes de musicien était compensée par une forme d’avancement dans la hiérarchie symbolique du corps.
187La même logique semble à l’oeuvre dans les cohortes auxiliaires. Ainsi Aurelius Priscus, le soldat de la cohors XX Palmyrenorum qui a occupé le poste de bucinator durant au moins dix-sept ans, n’est pas présenté de la même manière en 222 et en 239458. Il est un soldat comme les autres dans l’état de l’effectif de la cohorte en 222, tandis qu’en 239 il fait partie d’un petit groupe d’officiers placés en tête d’un rapport journalier. Les charges énoncées sont, dans l’ordre, les suivantes : centurio, signifer, bucinator, sacerdos. Il s’agit là évidemment d’une vision raccourcie de la hiérarchie de la cohorte : seuls les hommes les plus importants, choisis pour des raisons fonctionnelles, sont mentionnés. Le bucinator apparaît largement surclassé dans cet ordonnancement hiérarchique : bien des postes devaient normalement le précéder. Il est possible que sa grande ancienneté dans le rang lui ait valu d’être aussi bien placé dans l’énoncé des grades.
188Une autre compensation possible de la stagnation dans la hiérarchie des charges était un avancement dans la solde. Si les hypothèses énoncées précédemment quant à la situation des musiciens dans la hiérarchie sont exactes, les bucinatores touchaient une solde simple. En tant qu’immunes ils recevaient une forme de rémunération en nature via l’exemption des corvées les plus lourdes. Les tubicines et les cornicines, principales, gagnaient davantage. D. Breeze a résumé en un tableau la question de la solde des légionnaires après la mise en place d’une véritable hiérarchie des grades sous Hadrien : un principalis pouvait toucher une solde et demie (il était alors sesquiplicarius) ou deux soldes (duplarius ou duplicarius), selon la nature de son rang459. En tant que principales détenant des charges techniques, soit parmi les postes les moins importants des principales, les musiciens étaient certainement sesquiplicarii. Cette position est justifiée par l’inscription de Lambèse rédigée par les soldats ayant reçu la double paye au retour de l’expédition parthique de 218 : huit musiciens sont mentionnés de manière certaine460. Si le fait de recevoir une double paye était une promotion pour les quatre tubicines et les deux cornicines, c’est qu’ils ne touchaient auparavant au mieux qu’une solde et demie. Il ne fait pas de doute que le doublement de la solde était un avancement énorme pour Iulius Quintianus et Lurius Primus, les deux bucinatores. L’octroi d’une double solde n’a manifestement pas été réalisé de manière générale pour tous les musiciens de la troisième légion Auguste, puisque huit noms seulement sont gravés. Faut-il en déduire que seuls ces musiciens avaient été envoyés en campagne, les autres restant dans les castra lambésitains ? L’hypothèse n’est pas à écarter, cependant le rapprochement de ces noms avec les textes des collèges du début du siècle est significatif : sur les six tubicines et cornicines duplarii de 218, cinq apparaissent en tant que membres d’un collège plus d’une décennie auparavant. Seul Flavius Victor n’était pas encore tubicen au moment de la constitution du collège, probablement dans les années 205-206. On peut donc tirer la conclusion suivante : soit seuls les plus anciens des tubicines avaient été choisis pour participer à la campagne parthique de Caracalla, soit c’est leur ancienneté qui leur avait valu d’être distingués par cette augmentation de la solde, par rapport à tous les autres musiciens ayant participé à la campagne. Quelle que soit l’hypothèse exacte, elle met en place une corrélation entre l’ancienneté dans la charge et la promotion, ce qui corrobore l’idée que l’augmentation de la paye était un moyen utilisé par le commandement légionnaire pour compenser la stagnation hiérarchique des musiciens.
189Dans le cas mis en avant par l’inscription CIL, VIII, 2564, le prétexte à l’augmentation est fourni par le retour d’expédition, soit une situation finalement assez exceptionnelle que ne pouvaient pas connaître tous les musiciens soldats. Cependant, on trouve trace sur une autre inscription de Lambèse d’un bucinator qualifié de k (andidatus)461. Le développement de l’abréviation ne pose pas de problème, contrairement à son interprétation : à quoi Va[lerius - - -] prétendait-il ? Le terme candidatus est vague, mais la structure de l’inscription permet une hypothèse : elle se présente sous la forme d’une liste de noms que l’on peut diviser en deux catégories, les duplarii et les candidati. Ainsi, il semble logique de penser que les candidati prétendaient à l’augmentation de leur solde : ils étaient des aspirants duplarii. Le fait que des soldats de différents postes puissent avoir la même prétention suggère qu’il s’agissait là d’un processus régulier, du moins au IIIe siècle. On peut ainsi supposer qu’à partir d’un certain nombre d’années passées dans son poste, un musicien pouvait demander à son commandement une promotion par l’intermédiaire de son salaire. Il était alors candidatus duplarius, jusqu’à ce que l’on accède à sa demande.
190Les sources ne rendent pas possible un tel raisonnement sur le salaire des musiciens pour les autres corps de troupe. Dans les troupes auxiliaires, les principales devaient aussi toucher une solde et demie462. R. Sablayrolles suppose que les immunes et les principales des vigiles étaient des sesquiplicarii463. L’inscription de C. Arrius Montanus nous renseigne, pour la flotte, sur la possibilité de toucher une double solde lorsque l’on était cornicen464. Il ne me semble toutefois pas possible de conclure, comme M. Reddé, que tous les musiciens servant dans la marine étaient des duplicarii465. Arrius Montanus avait survécu à la longueur du service dans la marine : son épitaphe fait de lui un vétéran. Dés lors, on peut penser que c’est l’ancienneté dans sa charge qui lui avait valu l’obtention d’une double solde en fin de carrière466.
191La prise en compte de la hiérarchie des salaires, en parallèle à la hiérarchie des charges, doit attirer l’attention sur un phénomène que les sources ne permettent peut-être pas de mettre en avant. C’est un fait bien établi que les equites gagnaient davantage que les fantassins, à corps de troupe égal467. Or il y avait des musiciens aussi bien dans les troupes à pied que dans les troupes montées. Aussi peut-on supposer qu’une des voies de progression possibles pour un musicien était le passage de fantassin à cavalier. Ayant conservé la même charge, un soldat aurait-il alors spécifié cette modification dans son statut ? Pour un soldat comme P. Petronius Urso, inscrit dans la deuxième cohorte des Alpins, une cohorte mixte de fantassins et de cavaliers, le service avait peut-être commencé à pied. Son insertion dans les cavaliers, révélée sur le monument par le relief surmontant le champ épigraphique, représentant un soldat tenant un cheval par la bride, n’était peut-être le fruit que d’une évolution de sa carrière468. Tout en restant tubicen, Petronius avait pu passer du statut de fantassin à celui de cavalier, empochant au passage la considération symbolique, mais aussi le supplément de paye dévolu aux equites469. De même, l’appartenance au corps très prestigieux des equites singulares Augusti pouvait correspondre à un développement dans la carrière d’un musicien. Il fallait avoir servi au moins quatre ans parmi les singulares des provinces pour devenir eques singularis à Rome et l’on doit supposer que ces corps de singulares provinciaux comportaient eux aussi des musiciens470. Les singulares provinciaux étant eux-mêmes, dans leur très grande majorité, sélectionnés parmi les auxiliaires, il y a tout lieu de supposer qu’un musicien de cohortes auxiliaires avait la possibilité de devenir un jour eques singularis Augusti471. Les raisons pour lesquelles ces évolutions de carrière, passant par un changement de corps et non un changement de poste, n’apparaissent pas dans les inscriptions tiennent peut-être à la nature de celles-ci : sur les neuf inscriptions d’equites singulares Augusti, une seule correspond à une épitaphe détaillée472. Les autres sont soit des textes très brefs, soit des inscriptions collectives dans lesquelles aucun soldat ne développe son cursus473. Aussi, s’il est toujours délicat de raisonner sur le silence des sources, la possibilité offerte à certains musiciens d’évoluer dans leur carrière en changeant de corps est une hypothèse à envisager.
192Les inscriptions des collèges de Lambèse, enfin, entrouvrent la possibilité d’un autre type de progression. En effet, les noms de certains musiciens se distinguent de ceux des simples membres du collège : Clodius Secundus et Antonius Proculus sont qualifiés d’optiones474, tandis que Valerius Felix est sans doute le princeps des tubicines475. S’il est impossible, en l’état de la recherche, de dire si les optiones mis à la tête des collèges étaient en rapport ou non avec la charge476, le terme princeps pose question. Le développement de l’abréviation PR en princeps a été suggéré par R. Cagnat, qui ne semblait pas trop y croire, puis admise par la communauté477. Y. Le Bohec a suggéré le développement pr (incipalis), une hypothèse qu’avait sciemment écartée R. Cagnat478. Si ce développement n’est pas hors de propos, on peine à voir la raison d’une telle précision dans le contexte particulier de cette inscription : tous les membres du collège étant des principales en raison de leur poste, pourquoi l’un d’entre eux se serait-il ainsi distingué ? S. Perea Yébenes a pour sa part soutenu ce même développement mais en l’insérant strictement dans son contexte associatif : il faudrait en réalité lire pr (incipalis collegii)479.
193Bien qu’elle ne soit pas exclue cette interprétation souffre de la comparaison avec un autre texte, toujours de Numidie, qui soutient l’interprétation princeps : Flavius Crispus se qualifie de uet (eranus) leg (ionis) III Aug (ustae) ex tubic (ine) princ (?) sur un monument découvert à Timgad480. Les liens entre les deux inscriptions sont clairs : il s’agit d’un soldat, de la troisième légion Auguste, tubicen. Le fait que son grade précis soit moins abrégé que dans l’inscription collégiale ne lève cependant aucun des problèmes de développement, comme l’a fait remarquer P. Morizot481. Le rythme donné à l’énonciation de ses titres, vétéran, tubicen, princeps ou principalis, peut en effet faire penser à la mise en forme d’un embryon de carrière. Cependant, on ne peut écarter l’hypothèse de P. Morizot selon laquelle le dernier titre ne serait pas militaire mais civil : Crispus serait le princeps d’une communauté ethnique du uicus de Timgad. Si l’on suit le raisonnement de T. Kotula, selon qui le terme de princeps gentis aurait été créé par les autorités romaines afin d’amener progressivement les peuples africains nomades dans le cercle de la romanité, un vétéran aurait effectivement été un excellent choix482. Enfin, on ne peut exclure qu’à un moment de sa carrière Flavius Crispus ait été nommé princeps, sans que cela ne soit à mettre en rapport avec sa charge de musicien : les responsables de petites vexillations étaient ainsi désignés et il était possible pour des principales de connaître ce genre de promotion ponctuelle483. Quelle que soit l’hypothèse retenue, une certitude semble toutefois se dégager pour Valerius Felix et Flavius Crispus : l’accession, même ponctuelle, au rang de princeps avait représenté pour eux une manière d’évoluer dans leur carrière et donc d’échapper à l’emprisonnement de leur charge.
194C’est pourquoi, par-delà l’immobilité générale des musiciens à leur poste, il convient de ne pas gommer les minimes possibilités d’avancement qui leur étaient offertes. Outre les compensations à l’intérieur de la charge qui viennent d’être montrées, la possibilité d’avancement dans les charges n’était pas absolument exclue, ainsi que le prouvent les inscriptions relatives à C. Iulius Emeritus484. Cornicen dans une inscription qu’il fait rédiger pour son père C. Iulius Proculus, il était tubicen à sa mort. Ce musicien a donc changé de poste durant les années qui séparent les deux textes, progressant dans la hiérarchie, puisque les tubicines correspondaient au sommet des fonctions de musiciens militaires tandis que les cornicines n’occupaient que la deuxième place. Un autre musicien de la troisième légion Auguste aspirait pour sa part à une promotion plus grande encore : Iulius Quintianus souhaitait quitter son poste de bucinator pour devenir signifer485. Ce musicien apparaît pour la première fois sur l’inscription des duplarii de retour d’Orient, en 218. Quelques années plus tard, sans que l’on ne sache exactement quand, son nom est gravé sur un monument dont on ignore la nature. Il est alors qualifié de d (iscens) s (ignifer), buc (inator)486. Son évolution hiérarchique est en cours : encore en poste en tant que musicien, il prétend pourtant au poste de porte-enseigne. Cette évolution, si Iulius Quintianus a pu la mener à son terme, a été substantielle puisqu’elle l’aura vu passer du rang d’immunis, duplarius, à l’un des plus hauts postes des principales, où il combinait responsabilités techniques et administratives. La charge de signifer pouvait même être un tremplin vers le centurionat. Les raisons qui ont permis à Quintianus de connaître une ascension hiérarchique importante comme celle-ci étaient sans doute propres à cet homme : qualités personnelles ou capacités intellectuelles dont il a pu témoigner auprès du commandement487. Il faut peut-être lire le même schéma de carrière dans l’inscription de Bingen-Bundesheim : des tubicines s’y associent à des librarii pour honorer la mémoire d’un signifer qu’ils qualifient de collega488. Avant de devenir signifer, cet homme avait ainsi peut-être passé quelques années de service chez les musiciens.
195Cependant, le cursus le plus exceptionnel est celui de M. Caesius Verus. Son parcours diffère tellement de celui des autres musiciens qu’il semble avoir été taillé à sa mesure, plus qu’il ne reflète une carrière offerte à n’importe quel tubicen ou cornicen489. Il nous est parvenu par une inscription funéraire que firent réaliser ses deux affranchis et héritiers dans l’hiver 114. L’essentiel de la carrière de ce soldat se déroula dans les cohortes prétoriennes, où il servit durant seize années. C’est là qu’il occupa une fonction de musicien puisque ses héritiers le désignent par sa charge de tubicen, la première qu’il occupa, avant d’être optio carceris. Par la suite, il devint euocatus, poste alors réservé de manière quasi exclusive aux anciens du Prétoire490. Il resta à ce poste durant sept années et l’on ne sait s’il servit à Rome ou en province, dans une légion. Toujours est-il qu’il parvint à devenir centurion de la legio VMacedonica, puis hastatus prior de la sixième cohorte. Il faut ajouter que malgré ses 27 années de service, Caesius Verus est mort à 41 ans, ce qui implique que son entrée chez les prétoriens eut lieu dans sa quinzième année491. On voit donc combien ce parcours est exceptionnel et ne saurait correspondre à l’horizon d’attente de la majorité des musiciens militaires, que ce soit dans la garde prétorienne ou dans les légions.
196Au-delà de l’anecdote, un passage de ce texte doit susciter des commentaires : Caesius Atimetus et Caesius Limen disent de leur patron qu’il fut ordinatus tubicem (sic). On trouve cette expression dans un autre texte relatif à un soldat du prétoire : Lucius Magius Marcellinus se dit simple soldat (miles) de la troisième cohorte des prétoriens et tubicen ordinatus492. Dans les deux cas, l’expression laisse supposer que ces musiciens furent placés parmi les tubicines non en raison de leur aptitude musicale mais suite à une décision du commandement493. En effet, le terme ordinatus implique une instance supérieure qui donne un ordre dont les effets se font sentir sur celui qui en est l’objet494.
197Le cas de Caesius trouve un parallèle intéressant dans le cursus de T. Flavius Rufus, ordinatus architectus ayant connu par la suite une véritable carrière qui a culminé avec l’obtention du grade de centurion, exercé dans quatre légions successives495. Plus encore que pour un tubicen, on peut s’émouvoir du fait que le commandement des cohortes urbaines ou prétoriennes ait accordé le poste d’architecte à un homme qui n’avait pas nécessairement reçu de formation idoine. Il semble difficile dans ces conditions que l’on ait pu demander à Flavius Rufus de construire quelque baraquement que ce soit : le poste d’architecte fut pour ce soldat un marchepied vers des postes à plus hautes responsabilités. C’est en tout cas la conclusion convaincante à laquelle parvient C. Gatti, rajoutant que les postes d’architectes dans l’armée devaient nécessiter des compétences militaires plus que techniques, ce qui les ouvrait à des individus non exercés à l’art496. Flavius Rufus n’a cependant pas dû occuper son poste d’architecte bien longtemps : il ne fut qu’un passage vers les grades supérieurs et non le point d’aboutissement d’une promotion longuement désirée. Ces conclusions doivent, à mon sens, être aussi appliquées à Caesius Verus : il est possible que son service chez les tubicines prétoriens n’ait été que bref, peut-être quelques mois, avant qu’il ne soit nommé à un poste ne nécessitant apparemment pas de compétences techniques particulières, celui d’optio carceris. C’est pourquoi il faut certainement ne considérer Caesius Verus que comme un musicien temporaire plus qu’un véritable musicien militaire. Pour l’essentiel des musiciens, la carrière se faisait donc bien au sein de leur rang, et c’est dans d’autres formes de compensations qu’ils devaient trouver un espoir d’avancement.
2.2.2.4. Amis et collègues
198Cette particularité dans les charges, qui faisait se côtoyer de longues années durant les mêmes hommes, aux mêmes postes, dans le même collège, avait-elle des conséquences sur les relations qu’ils entretenaient entre eux ? La source principale pour une telle enquête réside dans les inscriptions funéraires qui seules font apparaître les relations volontaires entre les individus : dédicants et dédicataires font partie d’un cercle familier. Quatre-vingt quatorze de ces inscriptions, relatives à 94 soldats appartiennent au corpus des musiciens militaires. Vingt-trois d’entre elles ne comportent que le nom du musicien, ou presque, qu’il soit en position de dédicant tandis que le dédicataire est anonyme, ou que l’état de conservation de la pierre n’ait pas permis de conserver le nom de celui pour qui le musicien avait fait réaliser l’épitaphe. Il faut encore retirer de l’étude cinq de ces inscriptions, qui nous apprennent simplement que le monument funéraire a été réalisé par l’héritier du musicien défunt497. Le nom de cet héritier est parfois mentionné, sans que l’on ne puisse en tirer quelque conclusion sur sa position sociale498. Ce sont donc au total un petit peu plus de 60 inscriptions qui permettent de traquer les relations sociales des musiciens professionnels, chiffre faible qui incite évidemment à la prudence. Ce petit corpus se divise de manière presque parfaite entre deux catégories d’individus : les membres de la famille du musicien et ses collègues soldats.
199Les parents sont parmi les premiers à pleurer la disparition de leur fils musicien militaire ; inversement ils sont, selon une simple logique démographique, ceux pour qui ces soldats font graver le plus d’épitaphes499. Ce sont pourtant la femme et les enfants des musiciens qui sont le plus souvent rencontrés dans ces textes. Que les soldats aient une vie de famille en dépit de l’interdiction théorique du mariage entre 13 avant notre ère et 197 n’est pas une découverte : les pratiques matrimoniales des musiciens sont conformes à celles du reste des troupes500. Le terme utilisé pour désigner ces compagnes est majoritairement celui de coniux, et ce du Ier au IIIe s. p. C., même si les attestations s’intensifient à partir de la moitié du IIe siècle501. Selon un modèle bien établi, il arrive que ces épouses soient aussi les affranchies des musiciens502. Une seule inscription, dont le caractère exceptionnel a déjà été souligné, montre la substitution du soutien familial par celui des affranchis503. Sans plus de surprise, la vie de famille des musiciens se concrétisait par des enfants, dont les noms apparaissent dans les inscriptions tour à tour comme dédicataires et comme dédicants504.
200L’autre moitié du corpus semble plus intéressante, puisqu’elle ouvre des pistes quant aux relations des musiciens avec les autres soldats. Un ensemble d’inscriptions se détache particulièrement de ce dossier : il s’agit de celles rédigées par des musiciens pour des musiciens. Sans former la majorité du corpus, elles correspondent à un ensemble suffisamment conséquent pour mériter réflexion505. Avant que les collèges professionnels ne viennent servir de structure pour les relations entre soldats d’un même poste, les musiciens entretenaient déjà entre eux des relations particulières. Une inscription africaine relativement ancienne, datée de la première moitié du Ier siècle de notre ère, témoigne de l’action des cornicines de la troisième légion Auguste en faveur d’un camarade du même rang, L. Regilius : ce sont eux qui ont fait réaliser la stèle à sa mémoire, l’ornant peut-être de la représentation de l’instrument qu’ils avaient en commun506. La proximité entre les soldats d’un même corps s’exprime de la manière la plus fréquente par l’intermédiaire du terme collega, dont la signification ne semble pas toujours bien établie dès lors qu’on le trouve dans une période antérieure à l’autorisation des collèges militaires par Septime Sévère507. Le terme est utilisé par des soldats ayant assurément en commun le corps de troupe dans lequel ils servaient, mais est-il pour autant le synonyme d’une charge partagée ? C’est ce que semblent mettre en avant des librarii et des medici dans deux inscriptions pour lesquelles le corps de troupe n’est pas précisé, au contraire du poste : le point commun énoncé semble donc bien être dans ce cas la charge occupée508. Cependant c’est à une inscription d’Istanbul que l’on doit la preuve la plus manifeste ; deux soldats exerçant la même fonction y sont qualifiés de collegae :
D(is) M(anibus) | T(ito) Fl (auio) Surillioni aquilifero | leg (ionis) II Adi (utricis) P(iae) F(idelis) militauit | annos XVIII uixit annos XXXX | posuit Aur (elius) Zanax aqu|ilifer leg (ionis) eiusdem colle|g(a) e bene merenti509.
201Il semble donc légitime de supposer que les heredes et collegae d’un cornicen anonyme de Ripsdorf étaient eux aussi des cornicines510, de même qu’Aurelius Roimetaica, collega du cornicen Aurelius Disas511. Septimius Vibianus jouait certainement de la bucina, comme Aurelius Surus dont il était l’héritier et collègue512.
202Une inscription appelle toutefois à appréhender ces textes avec une interprétation légèrement plus élargie du terme collega. En effet, à la mort du tubicen Aurelius Mucatralis à l’âge de trente-cinq ans, c’est son collega de l’aile britannique, Aurelius Passer, qui fit réaliser son monument funéraire513. Or Aurelius Passer, malgré la répétition du terme collega dans le texte afin que chacun des deux protagonistes en soit également qualifié, n’était pas tubicen mais cornicen. C’est pourquoi il convient de ne pas être trop rigoriste dans l’interprétation de collega dans les inscriptions de musiciens, le mot pouvant désigner un musicien de même rang mais aussi, peut-être, un musicien d’un autre poste. S’il est donc imprudent de conclure à partir de cette seule inscription qu’il existait un esprit de corps propre aux musiciens de l’armée, on peut cependant suggérer que l’originalité de leur carrière créait peut-être entre eux une solidarité particulière.
203Par ailleurs, dans une grande partie des inscriptions funéraires où apparaissent deux soldats, les musiciens sont en relation avec des hommes dont le grade était, en théorie, plus important que le leur. Ainsi, le monument funéraire de L. Octavius Magius, retrouvé en Tarraconaise, à Astorga, a-t-il été réalisé par son héritier, le centurion T. Numisius514. À Rome, c’est un stator Augusti qui fait graver l’épitaphe du bucinator des cohortes prétoriennes Sex. Pufus Quartus515, tandis qu’à Tilurium, en Dalamatie, c’est un signifer516 et non loin un optio en l’honneur d’un tubicen517. Il arrive, à l’inverse, que ce soient les musiciens qui se trouvent en position de dédicants, comme Aurelius Fronto, tubicen de la quatrième légion flavienne stationnée à Aquincum dans la première moitié du IIesiècle, où est mort l’armorum custos C. Valerius Maximianus518. À Intercisa, c’est un bucinator qui fit graver l’inscription de l’optio de la première cohorte montée des Alpins et à Aquincum un vétéran tubicen honora la mémoire de son vieux camarade signifer519. Deux bucinatores de la deuxième légion parthique s’associèrent au début des années 230 pour faire réaliser la stèle de l’« homme incomparable » qui avait été duplicarius et princeps prior de la sixième centurie de leur légion520.
204Quel sens donner à ce constat ? Il est possible qu’il faille y voir une nouvelle conséquence de la stagnation à leur poste des musiciens durant leur carrière : les soldats avec qui ils avaient tissé des liens d’amitié anciens, peut-être au moment de leur incorporation commune, continuaient à avancer dans la hiérarchie tandis qu’eux-mêmes restaient musiciens. D’où une dissymétrie entre leurs grades, masquant peut-être en réalité une proximité dans l’ancienneté. Ainsi peuvent s’expliquer des liens d’amitié qui semblent transcender la hiérarchie, tel le décurion Iulius Maximus, qualifiant le bucinator P. Aelius Avitus d’amicus optimus521. Pour autant, cette hypothèse ne doit être acceptée qu’avec la conscience de la difficulté qu’il peut y avoir à expliquer les relations interpersonnelles. Les grades occupés ne devaient pas nécessairement entraîner de coupure définitive entre les individus et il faut supposer qu’un centurion pouvait entretenir des liens d’amitiés avec un simple miles gregalis. Par ailleurs, la solidarité entre les gradés pouvait avoir une origine autre que l’amitié contractée dans leurs jeunes années : l’aquilifer [- - Al]fius fait réaliser le monument funéraire d’un cornicen dont le nom n’a pas été conservé car ils étaient originaires du même municipe522. C’est pourquoi il convient de conclure cette étude des relations sociales des musiciens militaires avec prudence : les musiciens étaient, fondamentalement, des hommes et des soldats comme les autres. Ils avaient des femmes, des enfants et des amis, et aspiraient à une vie confortable. Pourtant, leur carrière avait un profil particulier, en rapport avec leur spécialité musicale : ils présentaient notamment une très longue durée de service effectuée au même poste. Cette carrière entraînait probablement une solidarité particulière entre les soldats qui la partageaient, mais aussi des rapports privilégiés avec des soldats mieux gradés qu’eux, qui n’en restaient pas moins des camarades des premières chambrées.
* ***
205Les tubicines, cornicines et bucinatores de l’armée romaine étaient de véritables musiciens. Leur pratique était quotidienne : ils scandaient la vie des corps de troupe, dans ses étapes les plus triviales, mais aussi au combat. Les sonneries qu’ils émettaient exprimaient l’autorité du commandement. Par ailleurs, l’existence de trois instruments permettait de multiplier les combinaisons de messages, ce qui conduit à penser que le corpus des séquences mélodiques à la disposition de ces musiciens devait être fourni. Chacun de ces instruments disposait de caractéristiques organologiques propres. L’identification de la bucina avec une corne d’animal est une hypothèse qui semble ainsi supporter la confrontation des sources.
206L’importance du nombre d’inscriptions de soldats musiciens permet par ailleurs d’avoir une approche globale de leur insertion dans les troupes romaines. Leur omniprésence ressort très nettement : par delà certaines lacunes de la documentation, on peut supposer que tous les corps de troupe disposaient d’au moins un soldat musicien.
207La méthode prosopographique permet aussi de retracer la carrière des soldats. Les musiciens étaient des spécialistes ; en tant que tel ils bénéficiaient d’une dispense des corvées doublée, à partir de la deuxième moitié du IIe siècle, d’une insertion parmi les principales523. Une recrue pouvait accéder assez rapidement à un poste de musicien. Après un apprentissage, sans doute au contact des musiciens en poste, le soldat intégrait l’une des trois charges. Une longue et morne carrière s’ouvrait alors à lui : rares sont les exemples de promotion pour les musiciens dont tout montre qu’ils stagnaient à leur poste. Cependant, cette stabilité apparente dans les grades pouvait trouver une compensation dans l’échelle des salaires, dans la hiérarchie symbolique de la troupe ou encore dans un avancement au sein de l’organisation interne aux grades de musiciens. Il s’agissait donc d’un choix de carrière très paisible : des débuts rapides mettant à l’abri des corvées suivi d’un poste qui, s’il ne permettait pas de faire valoir ses qualités ni de se faire remarquer auprès de ses supérieurs, garantissait néanmoins une fin de service confortable.
Notes de bas de page
1 Ennius, Annales, fragment 451.
2 Pour la présentation et l’analyse de ces messages sonores, cf. infra, rubrique 1.2.1.
3 Il fallait se contenter de Speidel 1984b jusqu’à la publication de Alexandrescu 2010. Bien que cet ouvrage ne leur soit pas exclusivement consacré, C.-G. Alexandrescu a donné une très belle étude sur ces soldats.
4 On ne peut recenser pour les grades inférieurs au centurionat que quelques articles de D. Breeze (Breeze 1971, Breeze 1974, Breeze 1973, Breeze 1993), ou de Sablayrolles 1995 pour les vigiles. Il faut rajouter la thèse de Clauss 1974, les travaux de B. Rankov sur les frumentarii, ainsi que Speidel 1984b. Le CBFIR est un des rares exemples de catalogue épigraphique consacré à un grade inférieur au centurionat. Il a toutefois fallu attendre l’analyse de Nélis-Clément 2000 pour qu’il soit utilisé dans toute sa mesure. Avec les beneficiarii on est tout de même encore loin des musiciens et autres charges techniques.
5 Pour une présentation, voir Cosme 2007, p. 7.
6 Voir, entre autres, Silius Italicus, Guerre punique, 12, 181 ; Lucain, Pharsale, 1, 237 ; Catulle, Poésies, 64, 263 ; Ovide, Métamorphoses, 15, 783 ; Properce, Élégies, 3, 3, 41… Quelques lignes rapides dans Alexandrescu 2010, p. 107-108. L’étude de la terminologie des sons émis par chacun de ces instruments, particulièrement dans un contexte guerrier, est d’un grand intérêt. Elle fera l’objet d’une recherche postérieure.
7 Dion Cassius, Histoire romaine, 47, 43 : ἔπειτα σαλπικτὴς εἷς ἑκατέρωθεν ὑπεσήμηνε, καὶ οὕτω καὶ οἱ λοιποὶ ἐπήχησαν, πρῶτοι μὲν οἱ τό τε στάσιμον καὶ τὸ παρασκευαστικὸν ἐν τόπῳ τινὶ κυκλοτερεῖ <διὰ> σαλπίγγων μελῳδοῦντες, ἔπειτα δὲ καὶ οἱ ἄλλοι οἱ τόν τε θυμὸν τῶν στρατιωτῶν ἐπεγείροντες καὶ ἐπὶ τὴν σύνοδον αὐτοὺς ἐξοτρύνοντες. καὶ μετὰ τοῦτο σιωπή τε ἐξαπίνης πολλὴ ἐγένετο, καὶ σμικρὸν ἐπισχόντες αὐτοί τε διάτορον ἐξεφώνησαν καὶ αἱ τάξεις ἑκατέρωθεν συνεβόησαν.
8 Voir la présentation de l’ouvrage dans la nouvelle édition proposée par M. D. Reeve, pour l’édition Clarendon, 2004, ainsi que celle de N. P. Milner en préface à sa traduction pour les presses de l’université de Liverpool, 19962.
9 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 4, 3.
10 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 7 ; 2, 22 ; 3, 5 ; 3, 8.
11 La conséquence de cette richesse d’information est l’abondance de la bibliographie. La colonne Trajane n’étant pas en elle-même le sujet de l’étude, on se contentera de renvoyer à l’édition de référence qui sera systématiquement utilisée ici : Settis 1988.
12 Voir notamment CMM 025, 034, 050, 053, 055, 066, 109, 112, 209, 230, 254, 277. Voir Vendries 2008 et Alexandrescu 2009.
13 CMM 068 et infra, p. 34 sq., pour les questionnements qu’elle suscite.
14 Voir CMM 025.
15 Un calcul exact est rendu impossible par les lacunes de notre connaissance quant au nombre de musiciens par corps de troupe, cf. infra, rubrique 2.1.3. Acceptons pour l’instant l’idée d’environ 90 musiciens par légion. On comptait trente légions avant la création des trois légions parthiques par Septime Sévère, soit un total de 2700 musiciens militaires à un moment m. Avec une durée moyenne de service de 20 ans, on obtient donc le chiffre approximatif de 13500 musiciens militaires par siècle, soit plus de 40000 pour la totalité de la période considérée. Et encore ce chiffre ne tient-il pas compte des troupes auxiliaires, ni même de l’accélération du turn over suite aux épidémies frappant régulièrement les camps légionnaires.
16 Ce chiffre pourrait décourager de toute entreprise d’étude. L’extrême prudence doit toutefois être préférée au défaitisme. La faible représentativité du corpus est le lot de bien des études. À titre de comparaison, pour les détenteurs d’un grade très nettement supérieur, Richier 2004, p. 56 constate que le corpus de centurions des armées rhénanes qu’il a rassemblé pourrait ne correspondre qu’à 1,3 % du nombre réel.
17 http://www.efrome.it/publications/ressources-en-ligne.html
18 CMM 008, 014, 015, 029, 055, 057, 058, 059, 060, 061, 062, 064, 065, 071, 075, 097, 101, 117, 118, 131, 138, 148, 150, 161, 181, 192, 206, 211, 213, 223, 243, 255, 263, 286, 296, 303, 304.
19 CMM 002, 003, 007, 008, 015, 016, 025, 033, 034, 040, 043, 050, 051, 053, 055, 061, 062, 063, 065, 066, 068, 072, 074, 079, 089, 099, 106, 109, 112, 117, 118, 130, 134, 138, 145, 160, 162, 163, 164, 168, 181, 194, 195, 202, 209, 210, 212, 213, 216, 221, 223, 226, 230, 231, 240, 242, 254, 258, 261, 266, 267, 273, 278, 293, 296, 298.
20 Entre autres Behn 1954, p. 117-118.
21 Quintilien, Institution oratoire, 1, 10, 14 (trad. J. Cousin, CUF, 1975) : Duces maximos et fidibus et tibiis cecinisse traditum, exercitus Lacedaemoniorum musicis accensos modis. Quid autem aliud in nostris legionibus cornua at tubae faciunt ? Quorum concentus quanto est uehementior, tantum Romana in bellis Gloria ceteris praestat.
22 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22 (trad. perso. à partir de l’éd. Reeve, 2004) : Habet praeterea legio tubicines cornicines bucinatores. Baudot 1973, p. 29 rajoute à ces trois catégories celle des liticines. Cette position relève d’une analyse des seules sources littéraires et nécessite, à mon avis, une plus grande prudence. Voir la discussion voir infra, rubrique 1.1.2.1.
23 Vétérans des cohortes prétoriennes et urbaines de la deuxième moitié du IIe siècle : CMM 020, 042, 044, 073, 080, 094, 132, 143, 180, 247, 260.
Prétoriens incorporés après 180 : CMM 012, 048, 158, 172, 183.
Soldats de la troisième légion Auguste de retour de l’expédition parthique de Caracalla : CMM 081, 119, 135, 136, 137, 140, 149, 165, 204, 229. Musiciens de la troisième légion Auguste d’origine dace : CMM 010, 290, 292.
24 Sur le tubicen et son instrument, Behn 1912, Behn 1954, p. 135-142, Wille 1967, p. 78-79, et surtout la reprise de tout le dossier des trompes par Vendries 2007, autour de l’instrument de Neuvy-en-Sullias.
25 Juvénal, Satires, 2, 118 : Quadringenta dedit Gracchus sestertia dotem cornicini, sive hic recto cantaverat aere (…) [le bronze dont il est question correspond à la tuba] ; Ovide, Métamorphoses, 3, 705 : Cum bellicus aere canoro signa dedit tubicen (…) ; plus tardivement, Bède, De l’orthographe, 7, 265, 8 : Tuba autem de aere vel argento efficitur (…).
26 Les analyses organologiques dirigées par C. Vendries en collaboration avec le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France sont à ce jour les plus poussées jamais été réalisées sur une tuba. Elles seront donc suivies dans les lignes à venir. Ce type d’études connaît actuellement un grand développement. Voir notamment Roncador, Melini 2010 pour le carnyx découvert à Sanzeno (Trentin), les études en cours sur les carnyces de Tintignac (présentées dans Maniquet 2009, part. p. 37-48) ou encore sur les cornua de Pompéi (cf. infra).
27 Voir Vendries 2007, p. 133-134 pour un bilan des différentes hypothèses. Les vestiges archéologiques de tubae sont rares, ce qui suprend étant donné qu’il s’agissait par ailleurs d’un instrument très répandu. Voir Alexandrescu 2010, cat. MI 1-5, p. 358-362 + pl. pour les corps d’instruments et cat. MS 1-12 pour les embouchures.
28 Vendries 2007, p. 131. Mille 2007. L’analyse radiographique de l’instrument permit de révéler les erreurs de la restauration consécutive à la découverte en 1861.
29 Carnyx 1993, n° 103. Sur les conséquences acoustiques de la taille de l’instrument, voir Vendries 2007, p. 133-137.
30 Th. Maniguet, de la Cité de la musique, a ainsi fait sonner la reproduction de la trompe de Neuvy-en-Sullias, réalisée au terme des analyses, et a pu constater que l’instrument sonnait parfaitement.
31 On trouve un dessin de cet instrument dans Behn 1912, p. 36, fig. 1 et une photo de la reconstitution moderne de cet instrument, aujourd’hui conservés au Römisch Germanisches Zentralmuseums de Mayence, dans Vendries 2007, p. 142, fig. 24.
32 L’inscription a été publiée par P.-Y. Lambert dans un petit encart inséré dans l’article de Vendries 2007, p. 140. La séquence reconstituée est la suivante : A(ulus) Sbesi (us) (centuria) Ossi [- - -]ot. L’auteur insiste toutefois sur la difficulté de la lecture et sur la possibilité d’un développement alternatif de type A(ulus) Sbesi (us) Cossi (us) [- - -]ot. En raison de cette incertitude, cet individu n’a pas été intégré dans le CMM.
33 Et non la moitié d’une taille d’homme, comme le pensait Behn 1912, p. 36.
34 CMM 230, voir la discussion sur la nature de l’instrument et les interprétations auxquelles il a donné lieu.
35 CMM 254.
36 CMM 209.
37 Behn 1912, p. 36.
38 Un monument anépigraphique de Remagen, aujourd’hui conservé au musée de Bonn, comporte peut-être la représentation d’un étui de rangement, voir CSIR Deutschland 3, 1, pl. 40.
39 Speidel 1984b, p. 30.
40 CMM 066.
41 Une liste de toutes les apparitions de la tuba dans l’iconographie publique n’aurait pas grand sens ni grand intérêt. On se contentera de renvoyer à ces quelques scènes dans lesquelles des tubae sont représentées. Voir Settis 1988, n° 13, 80, 81, 189 ; Petersen, von Domaszewski, Calderini 1896, n° 107. Elles seront étudiées dans la suite du chapitre.
42 Behn 1954, p. 141. Le passage consacré à la musique de l’armée romaine est la synthèse de Behn 1912. Dans cet article, l’hypothèse arrive en conclusion du raisonnement sur la stèle de Sibbaeus mentionnée supra. Voir CMM 230.
43 Stace, Thébaïde, 11, 49-55 : Stabat in Argolicae ferrato culmine turris egregius lituo dextri Mauortis Enyeus hortator ; sed tunc miseris dabat utile signum suadebatque fugam et tutos in castra receptus, cum subitum obliquo descendit ab aere uulnus urgentisque sonum laeua manus aure retenta est sicut erat ; fugit in uacuas iam spiritus auras, iam gelida ora tacent, carmen tuba sola peregit.
44 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22, cf. supra.
45 Susini 1968.
46 CMM 102, 268.
47 CMM 103, 166 et 179.
48 CMM 084, 093, 176, 184, 188, 214.
49 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 7. Cette forme courbe doit aussi se lire indirectement dans l’opposition avec l’aes rectum de la tuba décrite par Juvénal, Satires, 2, 118 (cf. supra n. 25). Concernant la diversité des métaux ayant pu être utilisé pour le cornu plus particulièrement, voir Barton 1987, p. 29, avec méfiance toutefois car l’auteur semble utiliser le terme cornu avec une bien grande souplesse. Voir aussi Alexandrescu 2007. Une analyse métallographique des cornua de Pompéi, conservées au Musée archéologique national de Naples est actuellement en cours au C2RMF, sous la direction de B. Mille, C. Vendries et moi-même.
50 Varron, De la langue latine, 5, 24, 117 : Tubae ac tubis, quos etiam nunc ita appellant tubicines sacrorum, cornua quod ea quae nunc sunt ex aere, tunc fiebant bubulo e cornu.
51 Outre les deux passages mentionnés précédemment, voir Ovide, Métamorphoses, 1, 98, Sénèque, Œdipe, 733, Silius Italicus, Guerre punique, 4, 174.
52 Voir la reproduction dans Behn 1912, p. 41, fig. 10. Un autre essai de reconstitution est proposé par Barton 1987. C.-G. Alexandrescu propose un appendice sur la découverte de ces vestiges et les différentes reconstitutions auxquels ils ont donné lieu (Alexandrescu 2010, p. 142-145). De la même manière, pour un inventaire de l’ensemble des vestiges de cornu, Alexandrescu 2010, cat. MI 17-27, p. 364-366 + pl. pour les instruments et cat. MS 13-49 pour les embouchures.
53 NSA, 1884, p. 52.
54 Settis 1988, n° 8, 13, 33, 59, 91, 186, 189, 196, 197, 201.
55 Petersen, von Domaszewski, Calderini 1896, fig. 48, 52, 153.
56 Bobu Florescu 1959, p. 283, fig. 142 (métope 11) et p. 316, fig. 172 (métope 41).
57 Voir par exemple le métope 13 qui figure dans un espace très restreint trois cornicines en marche : Alexandrescu 2010, cat. S13, pl. 56.
58 CMM 095. Voir aussi CMM 050 pour cette catégorie de représentations.
59 Pour un historique de l’interprétation concernant cette pièce, voir en dernier lieu Vendries 2008, p. 302, qui tranche de manière convaincante pour l’embouchure de l’instrument. La découverte d’embouchure en contexte militaire n’est pas chose rare comme l’ont rappelé Vendries 2007, p. 127-128 et Alexandrescu 2008.
60 Espérandieu 1907, VI, 5193 = IX, 7267 ; CSIR, Deutschland, II/9, 140.
61 Andrikopoulou-Strack 1989.
62 CMM 016.
63 CMM 109. Pour Praeconius Iucundus, CMM 209 et supra, p. 22-23.
64 CMM 112.
65 CMM 025.
66 Behn 1954, p. 140-141 et Klar 1971, p. 315.
67 Contre cette position, infra dans ce chapitre, rubriques 2.1.2.1. et 2.1.2.2.
68 Pour le seul musée de Mayence, ce type de relief se trouve sur les documents suivants : Selzer 1988, p. 156-157, n° 86, 87, 88, 89, 90, 91.
69 CMM 034 et 016.
70 CMM 109.
71 CMM 007, 206, 211, 289.
72 Ces deux catégories correspondent à l’écrasante majorité des cas rencontrés.
73 CMM 039 et 233.
74 Il en est ainsi pour [- - -]inius [- - -] Catul[- - -], CMM 278, dont l’épitaphe précise qu’il fut cor (?) leg (ionis) | [XV] Apol (linaris). La première publication de l’inscription, Hameter 1988, vit en lui un cor (nicularius). L’auteur de la notice de l’AE, 1990, 795, faisant état de cette nouvelle inscription, précise que l’on pourrait tout aussi bien penser à un cornicen. Enfin quelques années plus tard, dans son édition des épitaphes de soldats de la legio XV Apollinaris, c’est au tour de Mosser 2003 d’opter pour un cornicen, sans mentionner l’hypothèse d’un cornicularius.
75 Renoncer à distinguer ces deux grades ne serait pas sans conséquence pour certaines inscriptions qui livrent un grand nombre de corn (?), comme celle découverte à Regensburg, cf. Dietz 2004 = CMM 001, 047, 056, 067, 069, 141, 154, 155, 225, 227, 275.
76 Breeze 1974 ; Cosme 2007, p. 126.
77 On pensera, à titre d’exemple, à CIL, III, 887, 4363, 4405 ou CIL, XIV, 2255.
78 De même, CIL, II, 4122.
79 CIL, III, 1681, 4322, 4558, 5974.
80 Rankov 1999, p. 20.
81 C’est aussi la conclusion à laquelle arrive Durry 1938, p. 101, n.1, pour les prétoriens, dans les quelques lignes qu’il consacre à la question.
82 CMM 087.
83 Une fois encore Végèce, 2, 7 : Tubicines, cornicines et bucinatores qui tuba uel aere curuo uel bucina committere proelium solent. On peut comprendre la même chose en lisant en creux l’étymologie du terme chez Varron, De la langue latine, 6, 74 : Nec sine canendo tibicines dicti ; omnium enim horum, quod a canere. Etiam bucinator a uocis similitudine et cantu dictus.
84 On trouve une belle argumentation sur la nature de la bucina chez Mazzini 2008. Le lecteur trouvera dans le présent développement de nombreuses conclusions proches, bien que reposant parfois sur des argumentations différentes.
85 Ziolkowski 2002, p. 47.
86 E. Saglio et A. Masquelez, s.v. « bucinator », donnent la définition suivante : « Il faut donc voir dans la bucina un instrument analogue [à une corne d’animal], droit ou plus ou moins courbé, à embouchure étroite, s’élargissant progressivement et se terminant par un pavillon largement ouvert ». (p. 753)
87 A. von Domaszewski, s.v. « bucina », se contente de rapprocher la forme de l’instrument de ses origines « naturelles », la corne d’animal ou les coquillages.
88 van Jan 1888, p. 1659.
89 Klar 1971, p. 314-316.
90 CMM 025 ; cf. supra, p. 27-28.
91 Speidel 1984b.
92 CMM 068.
93 Végèce, Abrégé des questions militaires, 3, 5, 6 (trad. perso. d’ap. l’éd. A. Önnerfors, Teubner, Stuttgart, 1995) : Semiuocalia sunt quae per tubam aut cornu aut bucinam dantur. Tuba quae directa est appellatur ; bucina quae in semet aereo circulo flectitur ; cornu quod ex uris agrestibus, argento nexum, temperatum arte spirituque canentis flatus emittit auditum.
94 Cf. supra, p. 24-28.
95 Le manuscrit est à la bibliothèque vaticane, Cod. Pal. Lat. 909, f. 330r.
96 Semiuocalia sunt quae per tubam aut cornu aut bucinam dantur. Tuba quae directa est appellatur bucina ; quae in semet aereo circulo flectitur (appellatur) cornu quod ex uris agrestibus, argento nexum, temperatum arte spirituque canentis flatus emittit auditum.
97 Bélis 1988a.
98 CMM 209, 230, 254. Les observations de B. Mille sur la trompe de Neuvy-en-Sullias rejoignent cette position de M. Speidel sur la tuba : Mille 2007.
99 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22 : Quod ideo in omnibus exercitiis et processionibus custoditur ut in ipsa pugna facilius obtemperent milites, siue eos pugnare siue stare siue sequi uel redire praeceperint duces, siquidem ratio manifesta sit semper in otio debere fieri quod necessario faciendum uidetur in proelio.
100 Meucci 1987, p. 266.
101 Alexandrescu 2010, p. 113. L’auteur voit une tuba dans l’instrument représenté, raisonnement qu’elle appuie de manière convaincante sur la figuration de l’embouchure.
102 Y. Le Bohec, s.v. « Bucinatores ».
103 Meucci 1987, p. 264 : Semiuocalia sunt que per tubam aut cornu aut bucinam dantur. Tuba quae directa est appellatur bucina ; quae in semetipsa ereo circulo flectitur tuba ; cornu quod ex uris agrestibus, argento nexum temperato arte spirituque canentis flatus emittit. La page du codex concernée est reproduite p. 265, fig. 4.
104 Meucci 1983, p. 71-73, repris dans Meucci 1987, p. 268.
105 Meucci 1987, p. 268.
106 Semiuocalia sunt quae per tubam aut cornu aut bucinam dantur. Tuba quae directa est appellatur ; bucina quae in semet aereo circulo flectitur ; cornu quod ex uris agrestibus, argento nexum, temperatum arte spirituque canentis flatus emittit auditum et non Semiuocalia sunt quae per tubam aut cornu aut bucinam dantur. Tuba quae directa est appellatur ; cornu quod in semet aereo circulo flectitur ; bucina quae ex uris agrestibus, argento nexa, temperatum arte spirituque canentis flatus emittit auditum.
107 Maliaras 2001.
108 Ziolkoski 1999 se contente, quant à lui, de contourner la difficulté en supposant que tout compte fait les instruments importaient peu : seul comptait le grade de ceux qui les jouaient. C’est, me semble-t-il, faire peu de cas de la rigueur de l’organisation technique de l’armée romaine.
109 Outre celui de Végèce déjà mentionné, et qui a fait l’objet des lectures et relectures de M. Speidel et R. Meucci.
110 La question de la matière de fabrication de la bucina n’est pas du tout abordée par G. Wille. On peut toutefois déduire du fait que l’étude organologique de cet instrument soit présentée dans le chapitre intitulé « Form und Klang der Metallblasinstrumente » qu’il s’agissait évidemment pour l’auteur d’un instrument en métal. Il s’agit là d’un postulat de départ qui semble avoir été totalement suivi par Y. Le Bohec lors de la rédaction de la notice de la Neue-Pauly, qui va même jusqu’à justifier sa position par le texte de Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 7 et 22. Pourtant le texte de Végèce ne permet en rien de trancher aussi clairement en faveur de cette position dans la mesure où la question n’est pas abordée frontalement, cf. infra.
111 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22, 3 : classicum item appellatur quod bucinatores per cornum dicunt.
112 Sur la définition du classicum et l’importance de l’adverbe item dans cette phrase, voir infra section 1.2.1.4.
113 Speidel 1984b, p. 34.
114 Meucci 1989, p. 87. Botschuyver 1939, p. 25-51. Dans cet article, l’éditeur des scholies parisiennes insiste sur la faible connaissance de l’Antiquité du commentateur dont le texte « fourmille de sottises » (p. 33). On voit donc avec quelles précautions il faut considérer cette citation, pourtant prise comme témoignage clé par R. Meucci.
115 Taruttienus Paternus, Art militaire, 1 (Digeste, 50, 6, 6).
116 PIR2, 8, 1, 35 p. 9-10, avec notamment référence à SHA, Commode, 4, 1-8. Voir aussi Wenger 1952, p. 510 et Bauman 1989, p. 246.
117 Watson 1969, p. 85, plaide pour l’aspect volontairement lacunaire de cette liste.
118 Baines 19804, p. 44.
119 Les artisans de la fonderie Coubertin, mobilisés pour la construction de la réplique de la trompe de Neuvy-en-Sullias ne purent réaliser à la main une tôle aussi fine que sur l’original. Il s’agit là d’un savoir technique aujourd’hui disparu.
120 Contrairement au mot tubicen, qui correspondait à un grade précis et n’était pas interchangeable, ainsi que nous avons essayé de le montrer précédemment.
121 Caper, Grammaire, 7, 99, 16 : Bucina erit tuba, qua signum dat bucinator ; bucinus ipse canor editus ex haec.
122 Panella 1996a et surtout, longuement, infra, chap. 5, rubrique 1.2.2. et 2.1.1.
123 Morizio 1996a et 1996b. Voir aussi CMC 009 et infra chap. 5, rubrique 1.2.2.
124 Sur la définition du terme aenatores, voir infra rubrique 1.1.1.4. Pour un point de départ, voir l’article « aenatores » de Cichorius et Kubitschek dans la Real-Encyklopedie, I, 1, col. 595-596. Morizio 1996a, p. 127-129.
125 Morizio 1996a, p. 128.
126 Varron, Économie rurale 2, 4, 20.
127 Columelle, De l’agriculture, 6, 23, 3. On trouve la même idée chez Pline le Jeune, Histoire naturelle, 16, 179, passage cité dans les pages précédentes.
128 Properce, Élégies, 4, 10, 9.
129 Cicéron, Seconde action contre Verrès, 4, 44, 96 (trad. G. Rabaud, CUF, 1927) : Aeditumi custodesque mature sentiunt ; signum, quod erat notum uicinati, bucina datur ; homines ex agris concurrunt ; eicitur fugaturque Tlepolemus ; neque quicquam ex fano Chrysae praeter unum preparuulum signum ex aere desideratum est.
130 Pour les inscriptions des collèges d’aenatores civils italiens, voir CMC 066, 067, 068 et 081.
131 CMM 310.
132 Suétone, César, 32 (trad. H. Ailloud, C.U.F., 1967) : Cunctanti ostentum tale factum est. Quidam eximia magnitudine et forma in proximo sedens repente apparuit harundine canens ; ad quem audiendum cum praeter pastores plurimi etiam ex stationibus milites concurrissent interque eos et aeneatores, rapta ab uno tuba prosiluit ad flumen et ingenti spiritu classicum exorsus pertendit ad alteram ripam. Tunc Caesar : “Eatur”, inquit, “quo deorum ostenta et inimicorum iniquitas uocat. Iacta alea est”, inquit.
133 Festus, Sur la signification des mots, p. 18 (éd. Lindsay, Teubner, 1913, trad. perso.) : aenatores, cornicines dicuntur, id est cornu canentes.
134 Salluste, Guerre de Jugurtha, 93, 8 (trad. A. Ernout, C.U.F., 1941) : Itaque ex copia tubicinum et cornicinum numero quinque quam uelocissumos delegit et cum eis praesidio qui forent quattuor centuriones (…).
135 Frontin, Stratagemata, 3, 9, 3 (éd. R. I. Ireland, Teubner, 1990) : C. Marius bello Iugurthino apud flumen Mulucham, cum oppugnaret in monte saxeo situm (…) paucos centuriones perfectissimos cum uelocissimis militibus, quibus aeneatores inmiscuerat, misit, capite pedibusque nudis, ut prospectus nisusque per saxa facilior foret, scutis gladiisque tergo aptatis.
136 Voir notamment Ammien Marcellin, Histoires, 16, 12, 36 et 19, 2, 5 ; Frontin, Stratagemata, 2, 4, 3 et 2, 12, 1. Voir infra, 1.2.2., pour ce que l’on peut déterminer de la fonction de chaque instrumentiste.
137 Selon Behn 1954, p. 137, il y aurait autant de citations concernant le lituus que la tuba.
138 Une seule exception, à considérer avec la plus grande prudence, l’inscription CMC 123, qui n’est connue que par la tradition manuscrite. Le document concerne un ancien membre d’un collège de cornicines et liticines. L’homme est représenté avec ses deux instruments en main. Certaines publications placent à ses pieds un masque de théâtre et une syrinx. Ce monument aujourd’hui perdu présente un tel concentré d’exceptions qu’il éveille des soupçons et suscite des interrogations. Sur l’histoire de la représentation de ce monument dans les corpus d’inscriptions, voir Alexandrescu 2010, p. 96-97, n. 737 et pl. 19 ainsi que Alexandrescu 2008.
139 Jannot 1988 p. 315 pour la forme de l’instrument et son utilisation primaire dans la piraterie. Jannot 1990, p. 44 et 49 et Jannot 2004, 394, pour le lituus comme symbole civil des magistrats étrusques. Voir aussi la thèse à ce jour non publiée de Cl. Joncheray, Les cités étrusques et le monde grec à la période classique. Topographie et institutions, part. p. 304 sq.
140 Sur l’origine des instruments de musique en Étrurie, voir Briquel 1991, p. 319-344, Briquel 2014 et Joncheray 2014.
141 La tombe des reliefs, découverte dans la nécropole de Banditaccia, à Cerverteri est un célébrissime ensemble daté de la première moitié du IIIe s. Voir la présentation dans Proietti 1986, p. 237 sq.
142 Voir Bonghi Jovino 1987.
143 Behn 1954, p. 137-139.
144 Klar 1971, particulièrement p. 303-310. Il faut toutefois ajouter les études récentes sur ces instruments, mentionnées dans Vendries 2007. Elles aboutissent notamment à la disparition du principal objet d’étude de F. Behn, le lituus de Saalburg, qui s’avère en réalité être un modèle médiéval (Vendries 1997, p. 125, n. 20).
145 Alexandrescu 2010, p. 75-76 et 133-134. Voir aussi Vendries 2007, p. 125 n. 20 sur le lituus de Saalburg, un instrument clé dans la démonstration de F. Behn qui s’avère en réalité être médiéval.
146 Wille 1967, p. 79, 81, 91-92.
147 Wille 1967, p. 92.
148 Varron, De la langue latine, 5, 91 (éd. R. G. Kent, Loeb, 1958) : Tubicines a tuba et canendo, similiter liticines ; Festus, Sur la signification des mots, p. 116 (éd. Lindsay, Teubner, 1913) : Lituus appellatus, quod litis sit testis. Est enim genus bucinae incuruae, quo qui cecinerit, dicitur liticen ; Charisius, Art grammatical, 5, p. 28, 13-20 (éd. Barwick, Teubner, 1997) : En masculina tantum et neutralia inveniuntur. Et masculina quidem haec sola, hic rien rienis, lien lienis, flamen flaminis, pecten pectinis, fidicen fidicinis, tibicen tibicinis, tubicen tubicinis ex tuba longa, cornicen cornicinis, liticen liticinis ex lituo, quod est genus tubae minoris.
149 Stace, Silves, 4, 7, 19 : Ecce me natum propiore terra non tamen portu retinent amoeno desides Baiae liticenue notus Hectoris armis.
150 Ammien Marcellin, Histoires, 14, 2, 16 et 16, 12, 62 : Viso itaque exercitu procul auditoque liticinum cantu, represso gradu parumper stetere praedones, exerstantesque minaces gladios postea lentius incedebant. (…) Quibus ita fauore superni numinis terminatis, post exactum iam diem, occinente liticine reuocatus inuitissimus miles, prope supercilia Rheni tendebat, scutorumque ordine multiplicato uallatus, uictu fruebatur et somno ; SHA, Vie d’Aurélien, 31, 7 (trad. F. Paschoud modifiée, C.U.F., 1996) : Templum sane Solis, quod apud Palmyram aquiliferi legionis tertiae cum uexilliferis et draconario et cornicinibus atque liticinibus diripuerunt, ad eam formam uolo quae fuit reddi.
151 Juvénal, Satires, 14, 200 : Aut longos castrorum ferre labores si piget et trepidum soluunt tibi cornua uentrem cum lituis audita, pares quod uendere possis pluris dimidio, nec te fastidia mercis ullius subeant ablegendae Tiberim ultra, neu credas ponendum aliquid discriminis inter unguenta et corium ; lucri bonus est odor ex re qualibet.
152 Sénèque, Œdipe, 731-734 : (…) aut feta tellus impio partu effudit arma : sonuit reflexo classicum cornu lituusque adunco stridulos cantus elisit aere.
153 Stace, Thébaïde, 11, 49-55 : Stabat in Argolicae ferrato culmine turris egregius lituo dextri Mauortis Enyeus hortator ; sed tunc miseris dabat utile signum suadebatque fugam et tutos in castra receptus, cum subitum obliquo descendit ab aere uulnus urgentisque sonum laeua manus aure retenta est sicut erat ; fugit in uacuas iam spiritus auras, iam gelida ora tacent, carmen tuba sola peregit.
154 Aulu Gelle, Nuits Attiques, 1, 11, 1 : Auctor historiae Graecae grauissimus Thucydides, Lacedaemonios, summos bellatores, non cornuum tubarumue signis, sed tibiarum modulis in proeliis esse usos refert, non prorsus ex aliquo ritu religionum neque rei diuinae gratia neque autem ut excitarentur atque euibrarentur animi, quod cornua et litui moliuntur ; sed contra, ut moderationes modulatioresque fierent, quod tibicinis numeris temperatur.
155 Charisius, Art grammatical, 5, p. 28-30 (éd. Barwick, Teubner, 1997) : (…) liticen liticinis ex lituo, quod est genus tubae minoris.
156 Les quelques citations dans lesquelles tuba et lituus apparaissent conjointement permettent simplement de prouver qu’il s’agissait de deux instruments distincts, pas qu’ils étaient joués par des instrumentistes différents. Voir Horace, Odes, I, 1, 23 ; Silius Italicus, Guerre punique, 9, 553 et 12, 181 ; Stace, Thébaïde, 7, 623 et 11, 529.
157 Pseudo-Acron, Scholies sur Horace, Odes, 1, 1, 23 : Inter lituus et tubam in antiquis scriptis hos distare inveni : lituus equitum est et incuruus, tuba uero peditum est et directa.
158 Feugère 1993, p. 70 évoque en un mot l’idée que les aérophones traditionnels n’aient pas été les seuls instruments à être joués dans l’armée romaine. Il évoque l’hypothèse de la tibia et d’instruments à percussion, mais sans faire référence à quelque source que ce soit.
159 CMM 075.
160 Aulu Gelle, Nuits Attiques, 1, 11, 1, voir texte complet supra, n. 154.
161 Aulu Gelle, Nuits Attiques, 1, 11, 1 et 6.
162 Aulu Gelle, Nuits Attiques, 1, 11, 17.
163 Settis 1988, n° 11, 80, 153, 179, 189.
164 Sur le rôle des tibicines au cours des sacrifices, notamment lors de la praefatio, voir infra, chap. 2, rubrique 2.2.
165 Settis 1988, n° 11, 80, 189.
166 Settis 1988, p. 153, 179.
167 Voir infra chap. 2, rubrique 2.2.2.2., pour le dérèglement de la cité en l’absence de tibicines.
168 Pline, Histoire naturelle, 22, 6, 11 : Inuenio apud auctores eundem praeter hunc honorem adstantibus Mario et Catulo consulibus praetextatum immolasse ad tibicinem foculo posito.
169 Tite Live, Histoire romaine, 29, 27, 5 : Secundum has preces cruda exta caesa uictima, uti mos est, in mare proiecit tubaque signum dedit proficiscendi.
170 Une édition du texte, avec traduction anglaise a été donnée par Helgeland 1978, p. 1481-1486.
171 CMM 205.
172 CMM 195.
173 Son cas est différent de celui des enfants inscrits dans le collège des aenatores de Rome, cf. CMC 037 et 042 et infra, chap. 3, rubrique 1.3.3.
174 La pierre a été détruite et l’on peut aussi suggérer une erreur de lecture, même si les manuscrits des XVIe et XVIIe s. sont unanimes sur celle-ci, cf. Virlouvet 2009, p. 242.
175 CMM 012, 20, 042, 048, 072, 078, 080, 091, 099, 111, 120, 145, 158, 168, 189, 247, 260, 262.
176 CIL, VI, 10220 (CMC 037) et 10221 (CMC 042). Virlouvet 2008, p. 64-68 et n° 10 et 11 de son corpus.
177 CMM 075. Je remercie Audrey Bertrand me m’avoir permis d’accéder à une copie de l’édition, introuvable en France comme en Italie.
178 Si tant est qu’il ait su lire, cela va de soi. Sur ces questions, Corbier 2006, p. 77-91 et surtout Harris 1989, p. 253-254 sur le niveau d’alphabétisation des soldats. Ses conclusions à partir de la documentation existante tendent à prouver que la capacité à lire augmente en des proportions conséquentes avec l’ascension dans la hiérarchie militaire. Dans le cas de Bennius, qui n’est pas un simple soldat et porte un nom bien romanisé, on peut suggérer qu’il appartient à la frange de la population militaire la plus susceptible de savoir lire.
179 Sur la terminologie consularis pour désigner les membres de l’officium du gouverneur dans les provinces, voir Rankov 1999.
180 L’étude du rôle des musiciens militaires dans le fonctionnement général de l’armée a déjà été réalisée par des auteurs comme Baudot 1973, p. 29-35 et surtout Wille 1967, p. 84-99. Pour la transmission des ordres uniquement, Donaldson 1988. Les quelques pages qui suivent veulent en faire la synthèse et surtout sortir de l’approche uniquement organologique de G. Wille, au profit d’une perspective plus globale.
181 Végèce, Abrégé des questions militaires, 3, 5, 6-7 : Semiuocalia sunt quae per tubam aut cornum aut bucinam dantur.
182 Pour une lecture critique de ces signaux en général, Donaldson 1988.
183 Marotte d’Ammien Marcellin ou réalité de son temps ? La mise en série des citations concernant le début des confrontations, chez des auteurs de toute période, fait plutôt pencher pour la première solution, cf. infra.
184 Respectivement Ammien Marcelin, Histoires, 14, 7, 21 ; 28, 1, 14 ; 29, 1, 14 ; 19, 12, 1 et 20, 5, 2.
185 Ammien Marcelin, Histoires, 16, 12, 36 ; 19, 2, 5 et 20, 11, 8 ; Ovide, Métamorphoses, 3, 705 ; Polybe, Histoires, 15, 12, 2 ; Silius Italicus, Guerre punique, 12, 181 ; Tacite, Annales, 4, 25, 2 ; Ovide, Fastes, 3, 217 ; Dion Cassius, Histoire romaine, 41, 58, 2 ; Tacite, Annales, 2, 81 ; Virgile, Énéide, 7, 637 ; Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 3, 7, 27.
186 Ammien Marcellin, Histoires, 16, 12, 7 et 31, 7, 10 ; Juvénal, Satires, 1, 169 ; Lucain, Pharsale, 10, 398-401 ; Ovide, Pontiques, 3, 4, 31 ; Avianus, Fables, 39.
187 Apulée, Du monde, 30 (trad. J. Beaujeu, C.U.F., 1973) : Nam cum tuba bellicum cecinit, milites clangore incensi alius accingitur gladio, alius clipeum capit, ille lorica se induit, hic galea caput uel crura ocreis inuoluit et equum temperat frenis et iugales ad concordiam copulat ; et protinus unusquisque conpetens capessit officium : uelites excursionem adornant, ordinibus principes curant, equites cordinibus praesunt, ceteri negotia quae nacti sunt agitant cum inerea unius ducis imperio tantus exercitus paret, quem praefecerit, penes quem est summa rerum.
188 On peut lire aussi ces différentes étapes chez Dion Cassius, Histoire romaine, 47, 43, au cours de la description de la bataille de Philippes, cf. supra, n. 7.
189 Ammien Marcellin, Histoires, 20, 7, 6 ; Silius Italicus, Guerre punique, 13, 146 ; Valerius Flaccus, Argonautiques, 6, 504 ; Tacite, Histoires, 3, 77, 1.
190 Ammien Marcelin, Histoires, 14, 2, 16 ; 19, 2 ; Silius Italicus, Guerre punique, 9, 554 ; Tacite, Annales, 1, 68, 3 ; Tite Live, Histoire romaine, 2, 64.
191 César, Guerre civile, 3, 46, 4.
192 César, Guerre des Gaules, 7, 47 ; Polybe, Histoires, 15, 14, 3 ; Stace, Thébaïde, 11, 325 ; Ammien Marcellin, Histoires, 24, 8, 7.
193 Florus, Abrégé de Tite Live, 1, 32, 5. Il est possible toutefois que dans ce passage les instruments soient utilisés comme métonymie pour l’ensemble de l’armée.
194 Tite Live, Histoire romaine, 37, 29 : Re subita perculsus praetor tubicines canere iubet, ut, si qui per agros palato essente, redirent ; tribunos in urbem mittit ad cogendos milites nautasque naues. Haud secus quam in repentino incendio aut capta urbe trepidatur, aliis in urbem currentibus ad suos reuocandos, aliis ex urbe naues cursu repentibus, incertisque clamoribus, quibus ipsis tubae obstreperent, turbatis imperiis, tandem concursum ad naues est.
195 Ammien Marcellin, Histoires, 16, 12, 7 ; Tite Live, Histoire romaine, 29, 27, 5.
196 Suétone, César, 32.
197 Suétone, Néron, 19, 3.
198 Lucain, Pharsale, 2, 687-691.
199 Horace, Odes, 1, 1, 23.
200 Lucain, Pharsale, 2, 687-691.
201 Salluste, Guerre de Jugurtha, 99, 1 ; Végèce, Abrégé des questions militaires, 3, 8 ; Frontin, Stratagemata, 1, 5, 17, Salluste, Fragments des Histoires, 3, 96.
202 Lucain, Pharsale, 7, 24-25 ; Silius Italicus, Guerre punique, 7, 154.
203 CMM 139 et 185.
204 Tacite, Histoires, 2, 29, 2 ; Végèce, 2, 22 : Siue ergo ad uigilias uel ad agrarias faciendas siue ad opus aliquod uel ad decursionem campi exeunt milites, tubicine uocante operantur et rursus tubicine admonente cessant.
205 Polybe, Histoires, 14, 3.
206 Ammien Marcelin, Histoires, 21, 5, 1 ; 23, 5, 15 ; Tite Live, Histoire romaine, 5, 47, 7 ; Tite Live, Histoire romaine, 7, 36, 9 ; Tite Live, Histoire romaine, 5, 47, 7 ; 7, 36,
9 ; 8, 7, 14 et 8, 32, 1. Voir aussi Pina Polo 1989.
207 César, Guerre civile, 2, 35, 6 ; Salluste, Fragments des Histoires, 3, 96.
208 Salluste, Guerre de Jugurtha, 93, 8 ; Frontin, Stratagemata, 3, 9, 3.
209 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 6, 68-70.
210 Onasandre, Science du chef d’armée, 42, 17.
211 Salluste, Guerre de Jugurtha, 99, 1.
212 Tite Live, Histoire romaine, 27, 15, 14.
213 Plutarque, Antoine, 18, 3 ; Tite Live, Histoire romaine, 2, 45, 12.
214 Polybe, Histoires, 8, 30, 7.
215 Tite Live, Histoire romaine, 25, 10, 4 : Errorem et tuba audita ex theatro faciebat ; nam et Romana erat, a proditoribus ad hoc ipsum praeparata, et inscienter a Graeco inflata quis aut quibus signum daret incertum efficiebat.
216 Tite Live, Histoire romaine, 27, 47, 5 et Silius Italicus, Guerre punique, 15, 605-607.
217 Cf. supra, Apulée, Du monde, 30 : « (…) toute cette armée obéit aux ordres d’un seul ».
218 César, Guerre des Gaules, 2, 20 ; César, Guerre civile, 3, 46, 4 et 3, 90, 3.
219 Polybe, Histoires, 8, 30, 7.
220 Silius Italicus, Guerre punique, 5, 188.
221 Tite Live, Histoire romaine, 24, 46, 6 : Postquam portam tenebant, cornicines in uia paribus interuallis dispositos canere iubent ut consulem excirent.
222 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 6, 68-70.
223 Ps. César, Guerre d’Afrique, 82, 3 : Dubitante Caesare atque eorum studio cupiditatique resistente sibique eruptione pugnari non placere clamitante, etiam atque etiam aciem sustentante, subito dextro cornu iniussu Caesaris tubicen a militibus coactus canere coepit. Quo facto ab uniuersis cohortibus signa in hostem coepere inferri, cum centuriones pectore aduerso resisterent uique continerent milites ne iniussu imperatoris concurrerent, nec quicquam proficerent.
224 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 3, 5, 3.
225 Tacite, Histoires, 2, 29, 2 : Tum Alfenus Varus praefectus castrorum, deflagrante paulatim seditione, addit consilium, uetitis obire uigilias centurionibus, omisso tubae sono, quo miles ad belli munia cietur. Igitur torpere cuncti, circumspectare inter se attoniti et id ipsum quod nemo regeret pauentes ; silentio, patientia, postremo precibus ac lacrimis ueniam quaerebant.
226 Tite Live, Histoire romaine, 27, 47, 5 : Illud ueterem ducem adsuetumque Romano hosti mouit quod semel in praetoris castris signum, bis in consularibus referebant cecinesse ; duos profecto consules esse, et quonam modo alter ab Hannibale abscessisset cura angebat.
227 Tite Live, Histoire romaine, 28, 27, 15 (trad. P. Jal modifiée, C.U.F., 1995) : In praetorio tetenderunt Albius et Atrius ; classicum apud eos cecinit ; signum ab iis petitum est ; sederunt in tribunali P.Scipionis ; lictor apparuit ; summoto incesserunt ; fasces cum securibus praelati sunt.
228 César, Guerre civile, 3, 82 : Pompeius paucis post diebus in Thessaliam peruenit contionatusque apud cunctum exercitum suis agit gratias, Scipionis milites cohortatur, ut parta iam uictoria praedae ac praemiorum uelint esse participes, receptisque omnibus in una castra legionibus suum cum Scipione honorem partitur classicumque apud eum cani et alterum illi iubet praetorium tendi.
229 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22, 3.
230 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22, 3 : Hoc insigne uidetur imperii, quia classicum canitur imperatore praesente uel cum in militem capitaliter animaduertitur, quia hoc ex imperatoris legibus fieri necesse est.
231 Tite Live, Histoire romaine, 5, 47, 7 ; 7, 36, 9 ; 8, 7, 14 et 8, 32, 1. Pour une période postérieure, Ammien Marcellin, Histoire, 21, 5, 1.
232 Tite Live, Histoire romaine, 2, 45, 12 : Fabius deinde, ad crescentem tumultum iam metu seditionis collega concedente, cum silentium classico fecisset (…).
233 Polybe, Histoires, 14, 3.
234 César, Guerres civiles, 3, 82 ; Tite Live, Histoire romaine, 27, 47, 5 et 28, 27, 15.
235 Lucain, Pharsale, 1, 236-238 (trad. perso. d’après l’éd. d’A. Bourgery, CUF, 1962) : Constitit ut capto iussus deponere miles signa foro, stridor lituum clangorque tubarum non pia concinuit cum rauco classica cornu.
236 Suétone, Vitellius, 11 : Vrbem denique ad classicum introiit paludatus ferroque succinctus, inter signa atque uexilla, sagulatis comitibus ac detectis commilitonum armis.
237 Comme le fait remarquer C.-G. Alexandrescu avec grande justesse, cette entrée en ville de Vitellius n’est pas sans rappeler celle de Sylla dans Athènes, décrite par Plutarque, Sylla, 14, 3. Cette dernière se fait au son des tubae (σάλπιγξ) et des cornua (κέρας).
238 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 2, 20, 7.
239 Pour quelques exemples concernant ce genre de variation dans la musique militaire d’époque moderne et contemporaine, voir Pardoën 2013.
240 Alexandrescu 2010, p. 35-38 pour une présentation détaillée.
241 Ps. César, Guerre d’Afrique, 82, 3 ; Dion Cassius, Histoire romaine, 41, 58, 2 ; Ovide, Métamorphoses, 3, 705 ; Salluste, Guerre de Jugurtha, 99, 1.
242 Tite Live, Histoire romaine, 37, 29 ; Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22.
243 Appels à la tuba, attaque et mouvement de troupes : Ammien Marcellin, Histoires, 14, 1, 1 ; 16, 12, 7 ; 20, 7, 6 ; 20, 11, 8 ; Apulée, Du monde, 30 ; César, Guerre civile, 3, 46, 4 et 3, 90, 3 ; César, Guerre des Gaules, 2, 20 ; Dion Cassius, Histoire romaine, 41, 58, 2 ; 47, 43 et 57, 18, 3-4 ; Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 6, 68-70 ; Juvénal, Satires, 1, 169 ; Lucain, Pharsale, 4, 178-180 ; 4, 749-758 ; 7, 476 et 10, 398-410 ; Ovide, Métamorphoses, 3,
705 ; Ovide, Pontiques, 3, 4, 31 ; Polybe, Histoires, 8, 30, 7 et 15, 12, 2 ; Salluste, Guerre de Jugurtha, 99, 1 ; Silius Italicus, Guerre punique, 5, 188 ; 9, 554 et 12, 181 ; Stace, Thébaïde, 11, 529 ; Suétone, César, 32 et Néron, 19, 3 ; Tacite, Annales, 1, 68, 3 ; 2, 81, 2 ; 3, 77, 1 et 4, 25, 2 ; Tite Live, Histoire romaine, 9, 41, 17 ; 29, 27, 5 et 30, 33, 12.
Appels au lituus, attaque et mouvement de troupes : Ammien Marcellin, Histoires, 14, 2, 16 ; 19, 2, 5 et 31, 7, 10 ; Avianus, Fables, 39 ; Ovide, Fastes, 3, 217 ; Silius Italicus, Guerre punique, 9, 554 et 13, 146 ; Stace, Thébaïde, 11, 529 ; Florus, Abrégé de Tite Live, 2, 13, 67 ; Valerius Flaccus, Argonautiques, 6, 504.
Appel au repli à la tuba : César, Guerre des Gaules, 7, 47 ; Polybe, Histoires, 15, 14, 3.
244 Tacite, Histoires, 2, 29, 2.
245 Végèce, Abrégé des questions militaires, 3, 8, 18 : a tubicine omnes uigiliae committuntur et finitis horis a cornicine reuocantur.
246 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22, 1-2 (trad. perso. à partir de l’éd. de M. D. Reeve, Oxford, 2004) : Tubicen ad bellum uocat milites et rursum receptui canit. Cornicines quotiens canunt, non milites sed signa ad eorum obtemperant nutum. Ergo, quotiens ad aliquod opus exituri sunt soli milites, tubicines canunt ; quotiens mouenda sunt signa, cornicines canunt ; quotiens autem pugnatur, et tubicines et cornicines pariter canunt. (…) Cum autem mouentur signa aut iam mota figenda sunt, cornicines canunt.
247 Horace, Odes, 2, 1, 18 ; Ammien Marcellin, Histoires, 31, 10, 8 ; Virgile, Enéide, 8, 2 ; Salluste, Guerre de Jugurtha, 93, 8 ; Properce, Élégies, 3, 3, 41.
248 Sénèque, Oedipe, 733 ; Stace, Thébaïde, 11, 410 ; Valerius Flaccus, Argonautiques, 6, 92.
249 Ovide, Métamorphoses, 15, 783 ; Quintilien, Institution oratoire, 1, 10, 14.
250 Servius, Commentaires sur l’Énéide, 7, 615 ; Tacite, Annales, 2, 81, 2 ; Tite Live, Histoire romaine, 30, 33, 12 ; Juvénal, Satires, 14, 200.
251 Silius Italicus, Guerre punique, 12, 181 ; Tite Live, Histoire romaine, 9, 41, 17.
252 Tite Live, Histoire romaine, 2, 64.
253 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 22, 2-3 : (…) quotiens autem pugnatur, et tubicines et cornicines pariter canunt. Classicum item appellatur quod bucinatores per cornum dicunt.
254 Ammien Marcellin, Histoires, 16, 12, 45 ; 20, 11, 19 ; 24, 6, 11 ; 24, 8, 7 et 31, 5, 8 ; Apulée, Métamorphoses, 5, 12 ; Lucain, Pharsale, 1, 373 ; 2, 479 ; 2, 597 ; 4, 186 ; 6, 78 et 6, 166 ; Properce, Élégies, 3, 3, 41 ; Sénèque, Oedipe, 733 ; Sénèque, Thyeste, 574 ; Silius Italicus, Guerre punique, 1, 271 ; 5, 118 et 5, 188 ; Stace, Thébaïde, 3, 664 ; Tite Live, Histoire romaine, 2, 59, 6 ; Virgile, Énéide, 7, 637 ; Virgile, Géorgiques, 2, 539.
255 Tite Live, Histoire romaine, 24, 46, 3 et 6 : Eam portam, scalis prius transgresso murum, aperire ex interiore parte aut claustra refringere iubet [il s’agit de Fabius] et tenentes partem urbis cornu signum dare ut ceterae copiae admouerentur : parata omnia atque instructa sese habiturum. (…) Postquam portam tenebant, cornicines in uia paribus interuallis dispositos canere iubent ut consulem excirent.
256 Settis 1988, fig. 201, p. 459.
257 Settis 1988, fig. 8, p. 266.
258 Settis 1988, fig. 33, p. 291.
259 Settis 1988, fig. 59 et 196-197, p. 317 et 454-455.
260 Settis 1988, fig. 92 et 186, p. 350 et 444.
261 Settis 1988, fig. 8 et 59, p. 266 et 317.
262 Sur la colonne Aurélienne, les cornicines sont moins souvent représentés, mais ils le sont à chaque fois en tête de la troupe, renforçant ainsi l’idée de leur importance tactique : Scheid, Huet 2000, fig. 48, 52, 153, p. 341, 345 et 429. Seule la scène 52 associe les cornicines et les signiferi.
263 CMM 289. Cinq autres inscriptions mettent des signiferi en lien avec des musiciens autres que des cornicines : CMM 002 (épitaphe d’un bucinator réalisée par un signifer), CMM 100 (dédicace à Jupiter et Silvain d’un groupe de soldats travaillant ensemble dans des carrières, dont deux signiferi et un tubicen), CMM 304 (épitaphe d’un signifer réalisée par des tubicines originaires de la même localité ou stationnés dans celle-ci), CMM 101 (épitaphe d’un vétéran signifer réalisée entre autres par un de ses anciens compagnon d’armes tubicen).
264 Virgile, Énéide, 11, 474 : Bello dat signum rauca cruentum bucina.
265 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 7, 8 : (…) tubicines, cornicines et bucinatores qui tuba uel aere curuo uel bucina committere proelium solent.
266 Lucain, Pharsale, 2, 687-691 ; Silius Italicus, Guerre punique, 7, 154 ; Cicéron, Pour Murena, 9, 22 ; Properce, Élégies, 4, 4, 63 ; Tite Live, Histoire romaine, 7, 35, 1 ; Sénèque, Thyeste, 799 ; Tacite, Annales, 15, 30.
267 Tite Live, Histoire romaine, 26, 15, 6.
268 César, Guerre civile, 2, 35, 6 ; Frontin, Stratagemata, 1, 5, 17 ; Salluste, Fragments des Histoires, 3, 96.
269 Horace, Épodes, 2, 5 ; Lucain, Pharsale, 4, 395 et 5, 751 ; Sénèque, Correspondance, 5, 51, 15 ; Sénèque le Rhéteur, Controverses, 1, 8, 2 ; Tibulle, Élégies, 1, 1, 4.
270 Horace, Épodes, 2, 5 ; Lucain, Pharsale, 5, 749-752.
271 Pseudo-Hygin, Des fortifications du camp, 21 (trad. perso à partir de l’éd. de M. Lenoir, C.U.F., 1978) : Castra, in quantum fieri potuerit, tertiata esse debebunt, ut flatus aurae aestus exercitus leniat. Hoc dixi tertiata, utputa longum pedes IICCCC, latus pedes MDC. Si longiora fuerint, classica dicentur nec bucinum in tumultu ad portam decumanam facile potuerit exaudiri.
272 Speidel 1984b, p. 34.
273 Avianus, Fables, 39.
274 Dondin-Payre 2010, notamment p. 95-98.
275 La répartition des notices réalisées à partir d’inscriptions du limes est la suivante : Mésies, 26 ; Pannonies, 28 ; Germanies, 18 ; Rhétie, 12 ; Dacies, 7 ; Dalmatie, 6 ; Thrace, 2 ; Norique, 1.
276 Les provinces restantes sont les suivantes : Syrie, 8 ; Afrique proconsulaire, 4 ; Bretagne, 4 ; Égypte, 3 ; Pont-Bithynie, 2 ; Narbonnaise, 1 ; Tarraconaise, 1 ; Alpes Maritimes, 1 ; Byzacène, 1 ; Helvétie, 1.
277 Le Roux 1982.
278 Il s’agit des légions I Italica (CMM 029 ?, 286, 289) ; II Adiutrix (CMM 007, 014, 016 ?, 019, 050, 058 ?, 060,101, 239) ; II Augusta (CMM 011) ; II Italica (CMM 015) ; II Parthica (CMM 062, 223) ; II Traiana (CMM 282) ; III Augusta (CMM 010, 021, 022, 023, 026, 027, 028, 030, 031, 035, 036, 037, 049, 054, 076, 077, 081, 082, 083, 086, 087, 088, 090, 097, 104, 105, 107, 110, 113, 114, 115, 116, 118, 119, 121, 122, 123, 124, 125, 130, 133, 135, 136, 137, 138, 140, 144, 146, 147, 149, 150, 151, 152, 153, 156, 157, 160, 164, 165, 170, 171, 173, 177, 187, 191, 206, 204, 207, 208, 211, 212, 213, 215, 216, 217, 220, 228, 229, 232, 233, 236, 237, 238, 245, 248, 250, 251, 252, 253, 257, 264, 265, 266, 269, 270, 272, 274, 276, 279, 280, 281, 283, 284, 285, 290, 292, 297, 299) ; III Italica (CMM 001, 047, 056, 067, 069, 133, 141, 155, 224, 225, 227, 275) ; IV Flavia (CMM 057, 255, 288) ; IV Scythica (CMM 100) ; V Macedonica (CMM 039, 070, 079, 169, 291) ; VII Claudia (CMM 018, 052, 287) ; VIII Augusta (CMM 109) ; IX Hispana (CMM 085) ; X Gemina (CMM 127, 194) ; XI Claudia (CMM 064, 066, 074, 259) ; XIII Gemina (CMM 053, 222, 263, 298) ; XIV Gemina (CMM 182, 243) ; XV Apollinaris (CMM 209, 254, 271, 278, 293, 059 (?)) ; XXII Primigenia (CMM 045 ?, 192, 304). Il faut rajouter à ces troupes la legio III Cirenaica ou la legio XXII Deiotariana, pour laquelle un bucinator est mentionné sur un compte rendu journalier sur papyrus en mauvais état découvert à Alexandrie : Fink 1971, p. 197-200, n° 51 ; Speidel 1984b, p. 36 ; Norsa, Barttoletti 20042, n° 1307 ; Alexandrescu 2010, cat. BUC 32.
279 Il s’agit des cohortes suivantes : III Alpinorum (CMM 002) ; Nauticorum (CMM 040) ; VIII Voluntariorum (CMM 046, 075, 242) ; Maurorum (CMM 089) ; I Montanorum (CMM 106) ; IIII Aquitanorum (CMM 174) ; III Aquitanorum (CMM 199, 210) ; II Campestris (CMM 219) ; Campanorum (CMM 221) ; I Ituraeorum (CMM 230) ; Lusitanorum (CMM 240) ; I Belgarum (CMM 273). On doit aussi ajouter la cohors XX Palmyrenorum, connue par un papyrus de Dura Europos : Fink 1971, p. 60 (liste 2, col. XIII, l. 31) et p. 193 (rapport du matin 50, col. I, l. 2 et 9) ; Speidel 1984b, p. 38 ; Spaul 2000, p. 434-436 ; Alexandrescu 2010, cat. BUC 40.
280 CMM 024, 025, 051, 055, 061, 063, 065, 112, 161 ?.
281 CMM 117, 148 ?, 196, 202, 161 ?, 310.
282 CMM 033, 043, 084, 093, 098 ?, 102, 103, 132, 166, 176, 179, 184, 188, 214, 268.
283 CMM 038, 126, 139, 159, 185, 186, 203, 235.
284 CMM 012, 020, 034, 042, 044, 048, 072, 073, 078, 080, 091, 094, 108, 111, 128, 129, 143, 145, 158, 168, 172, 175, 178, 180, 183, 189, 193, 195, 197, 212, 231, 241, 247, 258, 260, 261, 262, 286.
285 CMM 003, 004, 005, 006, 008, 009, 017, 071, 294.
286 CMM 132.
287 Domaszewski 19672, p. 16 (vigiles), 19 (urbains), 27 (prétoriens), 49 (légions), 52 (equites singulares), 59 (cohortes auxiliaires). Von Domaszewski n’avait cependant pas relevé la présence des musiciens dans les ailes de cavalerie.
288 Speidel 1978, p. 4-22 et 31-35.
289 Speidel 1994b, p. 29-31.
290 À l’exception peut-être du cavalier représenté en train de souffler dans un cornu sur le monument de Schweinschied (Germanie supérieure), cf. supra pour le raisonnement de Andrikopolou-Strack 1989. Ce monument est cependant exceptionnel à plusieurs titres et il semble difficile de l’utiliser dans le raisonnement au même titre que d’autres documents, en faisant abstraction de ces particularités.
291 De la liste établie par Speidel 1994b, p. 35, on peut retenir, entre autres, les grades suivants : armorum custos, tesserarius, medicus, magister campi, qui sont autant de rangs courants et indispensables au bon fonctionnement du groupe. Le fait qu’un seul musicien soit connu pour les cohortes urbaines va dans le sens de cette hypothèse.
292 Musiciens appartenant à des vexillations : CMM 064 et 259 (legio XI Claudia) ; 266, 274 et 283 (legio III Augusta) ; 289 (legio I Italica) ; 196, 301 (cohors equitata non identifiée).
293 Respectivement CMM 266 (Thala) ; 196 et 301 (Golas).
294 CMM 274, 283 et le papyrus d’Alexandrie cité précédemment.
295 CIL, VIII 2557 et Cagnat 1907 pour les textes de ces deux collèges. Pour leur analyse, cf. infra, rubrique 2.1.3, ainsi que CMM 021 et 022.
296 L’écart entre les différents grades est quasiment annulé si l’on écarte de l’ensemble des auxiliaires les equites singulares Augusti, en raison de leur statut particulier : soldats auxiliaires, ils n’en étaient pas moins la garde personnelle de l’empereur. Voir particulièrement Speidel 1994b, p. 86-87.
297 Susini 1968 : CMM 084, 093, 102, 103, 166, 176, 179, 184, 188, 214, 268.
298 CMM 132.
299 Voir le corpus rassemblé par Freis 1967, p. 92-148. La nouvelle récolte récemment proposée par C. Ricci, en complément des travaux de H. Freis n’a pas apporté de nouveaux musiciens : Ricci 2011.
300 CIL, VI, 1057 et 1058 : CMM 038, 126, 159, 186, 203, 235.
301 Sablayrolles, 1996, p. 227.
302 R. Sablayrolles se contente d’ailleurs du constat et ne lance aucune piste.
303 Von Domaszewski 19692, p. 14.
304 Sablayrolles 1996, p. 371-380. Voir infra p. 85-88 pour la question du rôle des bucinatores, en rapport avec leur nombre.
305 Du moins au début de leur histoire : on rencontre par la suite des ingénus chez les vigiles comme chez les marins. Sablayrolles 1996, p. 26-33, 42-46 et 316-322 pour les vigiles ; Reddé 1986, p. 472-492 sur l’historiographie de la question du statut juridique des marins suite à la constitution des deux flottes par Auguste.
306 Sablayrolles 1994 et Sablayrolles 1996, p. 42.
307 Behn 1912, p. 43.
308 CMM 025.
309 Pour l’identification de cet instrument avec un cornu et non une bucina, voir supra, p. 27-28 et 32, ainsi que CMM 025. On notera que l’argument pratique joue aussi en faveur de la corne d’animal.
310 Raisonnement complet dans Behn 1912, p. 43. Les conclusions sont reprises dans Behn 1954, p. 140 : « Die Reitertrompete, Bucina, zeigt des Kavalleristen Andes aus Mainz und ein Grabstein des Reinischen Landes-Museum in Bonn ».
311 CMM 008, 009, 024 ? et 117.
312 Wille 1967, p. 99.
313 Klar 1971 p. 314-316 sur la bucina comme instrument de cavalerie, p. 303-304 sur le lituus. Voir aussi supra rubrique 1.1.1.3.1.
314 Dont, rappelons-le, les études récentes ont prouvé qu’il était médiéval.
315 Schol. ad Horace, Odes, 1, 1, 23 : Litui acutus sonus est, tubae grauis. Inter lituus et tubam in antiquis scriptis hoc distare inueni : lituus equitum est et incuruus, tuba uero peditum est et directa.
316 CMM 003, 004, 005, 006, 017, 061, 071, 148, 202, 294.
317 CMM 025, 055, 063, 065, 112, 196, 301.
318 CSIR, Deutschland, II/9, 140 et CMM 055.
319 M. Speidel 1984b, p. 41.
320 À l’inverse G. Wille, bien plus versé dans la musique que dans les choses militaires, jette un voile pudique sur la question.
321 La localisation précise de la découverte de l’inscription des cornicines n’est pas fermement établie. Elle semble avoir été retrouvée dans le camp de l’Est, près du temple d’Esculape. Besnier 1899 a souligné combien cette localisation était étrange, avant même que ne réapparaisse l’inscription des tubicines dans le camp principal. Il supposait que l’inscription des cornicines devait être située, à l’origine, plus probablement près du prétoire, dans la partie méridionale du camp. Janon 1973 a insisté a contrario sur le fait que les pierres lambésitaines avaient peu bougé. Chr. Schmidt Heidenreich l’a tout récemment acceptée comme tel de nouveau (Schmidt Heidenreich 2013, p. 91 et 98) dans son ouvrage sur la religion des camps pour lequel une bonne partie de la réflexion se fonde justement sur la localisation des découvertes épigraphiques.
322 Pour la traduction de ces textes, voir CMM 021 (tubicines) et CMM 022 (cornicines). L’analyse la plus complète se dessine au fil de l’ouvrage de S. Perea Yébenes, les textes des collèges de musiciens africains servant de bases à nombre de ses analyses sur les collèges militaires en général : Perea Yébenes 1999.
323 Le détail avec lequel le règlement de l’association est donné pousse à penser qu’il s’agit des documents de fondation de ces collèges, particulièrement pour celui des cornicines, daté du 22 août 203. Pour la datation du document des tubicines, voir la réflexion dans CMM 135. Les tirones du collège des cornicines (CMM 031, 086, 110, 177) est volontairement laissé en dehors de la réflexion pour l’instant.
324 Von Domaszewski 19672, p. 44. Voir supra section 1.2.2.2. pour la relation entre cornicines et enseignes.
325 Sur la répartition des signiferi dans les troupes voir en dernier lieu Alexandrescu 2010, p. 171 sq.
326 CMM 090. A. Von Domaszewski ne prend pas la peine de justifier les raisons de cette exclusion, qui semblent aller de soi.
327 Cagnat 1907, p. 186 ; Battifol, Isaac, 1926, p. 183. Carcopino 1925, dans un article qui aurait pourtant pu prêter à la réflexion sur ce sujet, préfère le laisser de côté.
328 Perea Yébenes 1999, p. 123, n. 306.
329 CMM 037.
330 CMM 252, voir les commentaires sur le développement pr (inceps).
331 Cagnat 1907, p. 186, n. 3.
332 Battifol, Isaac 1926, p. 183.
333 Perea Yébenes 1999, p. 123, n. 307.
334 Domaszewski 19672, p. 22 pour les cohortes urbaines, p. 24 pour les prétoriennes, p. 51 pour les equites singulares et p. 58 pour les troupes auxiliaires d’infanterie.
335 Pour ces inscriptions collectives contenant le nom de plusieurs musiciens, voir CIL, III, 6178 (CMM 039 et 169), CIL, III, 14507 (CMM 018, 052 et 287), CIL, VI, 32515 (CMM 108, 120 et 189), CIL, VI 32520 (CMM 020, 042, 044, 073, 080, 094, 143, 180, 247, 260) et sans doute CIL, VI, 32536 (CMM 078, 128, 129, 175).
336 CIL, III, 14507 (CMM 018, 052 et 287).
337 Respectivement CMM 052, 287, 018.
338 CIL, VI, 32520.
339 Tubicen : CMM 020, 042, 080, 260 ; cornicen : CMM 073 ; bucinator : CMM 180.
340 CMM 143 et 247.
341 CMM 044 et 094.
342 CIL, VI, 32638 = CMM 012 et 158.
343 Règlement du collège des cornicines : CIL, VIII, 2557, l. 30-31 : Scamnari n (omine) dabunt col (legae) qui fac (ti) fuer (int) | (denarios) DCCL. Pour une interprétation complète, voir CMM 022. Le chiffre n’a pas été conservé dans l’inscription du collège des tubicines (voir le fac-similé dans Battifol, Isaac 1926, p. 193, l. 26-27), mais la similarité entre les deux règlements et leur quasi-concomitance poussent à penser qu’il était le même que pour les cornicines.
344 CMM 090 et 037.
345 On n’en attend qu’avec plus d’impatience la synthèse sur le grade d’optio et ses fonctions annoncée par Probst 2009.
346 Von Domaszewski 19672, p. 84, Nélis-Clément 2000, p. 274, Schmidt Heidenreich 2008, p. 241-242.
347 Breeze 1976, p. 127.
348 Breeze 1976, p. 126 et 132.
349 Le Bohec 1989a, p. 232. S. Perea Yébenes se range discrètement au même avis dans une note de bas de page, Perea Yébenes 1999, p. 123, n. 306.
350 Perea Yébenes 1999, p. 117-118.
351 Au moins trois tubicines pourraient se trouver dans cette situation : CMM 194, 267 (?), 273.
352 CMM 064, 196, 259, 266, 274, 283, 289, 301.
353 Speidel 1984b, p. 41 : « a matter of hopeless conjecture ».
354 Pour les chiffres, voir supra, notamment tableau 1.
355 Speidel 1984b, p. 41 : « Since the preserved inscriptions generally mention fewer bucinatores than other trumpeters, one may assume their total number was about 20 per legion (…) ».
356 Cf. supra, rubrique 1.2.2.3 et le passage de Virgile, Énéide, 11, 474.
357 Picard 1947 = CMM 274 et 283.
358 Picard 1947, p. 89.
359 Susini 1968 : deux cornicines, trois tubicines et six bucinatores.
360 CMM 033 et le papyrus d’Alexandrie (Archeologia, 54, 1895, p. 433 sq).
361 Sur la particularité des vigiles, voir supra.
362 CIL, VI, 1057 et 1058 = CMM 038, 126, 159, 186, 203, 235. Sur le contexte de découverte de ces inscriptions, voir Sablayrolles 1996, p. 175 sq.
363 CIL, VI, 1058 = CMM 159, 186 et 203.
364 CIL, VI, 1057 = CMM 038, 126, 174, 203, 235.
365 CIL, VI, 1057, côté droit, col. 1, l. 161 et col. 2, l. 167.
366 CIL, VI, 1057, centurie de C. Iulius Rufus : CMM 203 ; centurie d’Aurelius Iustus : CMM 186 ; centurie de Tauriscus : CMM 126.
367 CIL, VI 1057, centurie de Casernius Senecio : CMM 038 et 235.
368 Von Domaszewski 19692, p. 13.
369 CMM 190.
370 La liste des dédicants de cette inscription, CIL, VI, 221, oppose en effet les principales in centuria (uexillarius, optio, tesserarius, bucinator) de ceux au service d’un officier : beneficiarius subpraefecti, beneficiarius tribuni, librarius subpraefecti, etc.
371 Pétrone, Satiricon, 78 : Consonuere cornicines funebri strepitu. Unus praecipue seruus libitinarii illius, qui inter hos honestissimus erat, tam ualde intonuit, ut totam concitaret uiciniam. Itaque uigiles, qui custodiebant uicinam regionem, rati ardere Trimalchionis domum, effregerunt ianuam subito et cum aqua securibusque tumultuari suo iure coeperunt.
372 Voir supra 1.2.2.3.
373 Sur ce constat, Breeze 1993, p. 11.
374 Breeze 1974, p. 435-436 estime qu’il y avait, au IIe siècle, au moins 1100 postes situés en dessous du centurionat dans chaque légion, représentant environ 21 % de son effectif total.
375 C’est cette édition que j’ai consultée : von Domaszewski 19672.
376 Le Bohec 1995.
377 Cette recherche est aujourd’hui encore bien active, avec des approches problématiques renouvelées : voir en dernier lieu Richer 2004 et Faure 2013.
378 Breeze 1971, Breeze 1974 et Breeze 1993. Le grand apport de D. J. Breeze a été d’introduire une perspective chronologique dans la mise en place des carrières, là où A. von Domaszewski les considérait de manière très synchonique. Par ailleurs, le Britannique a démontré l’importance de la hiérarchie des payes, parallèle enrichissant à celle des grades, particulièrement importante pour les carrières inférieures au centurionat : cf. infra pour l’application aux musiciens, section 2.2.2.3.
379 On trouve une seule occurrence d’un nom de musicien dans l’index de Le Bohec 1995, référence au très court article de Morizot 1995 : les musiciens n’ont donc pas non plus bénéficié de la réflexion de mise à jour du travail de von Domaszewski.
380 Breeze 1974, p. 436.
381 Von Domaszewki 19672, p. 44.
382 Von Domaszewski 19672, p. 18 (urbaniciani), p. 24 (praetoriani), p. 51 (equites singulares).
383 CIL, VIII, 2564 = CMM 054, 081, 119, 135, 136, 137, 140, 149, 165, 204, 229, 232.
384 CIL, VIII, 2568 = CMM 027 et 264.
385 Végèce, Abrégé des questions militaires 2, 22, 1 : Habet praeterea legio tubicines cornicines bucinatores. Voir supra les remarques sur la difficulté à dater la praeterea legio de Végèce.
386 CIL, III, 7449 = CMM 064 et 259.
387 CIL, VI, 32515 = CMM 108 et 120.
388 CIL, VI, 32536 = CMM 078 et 128.
389 CIL, VI, 31147 = CMM 004 et 009.
390 Reddé 1995, p. 151, reprenant Reddé 1986, p. 534-535.
391 Reddé 1995, p. 153.
392 Miles tubicen : CMM 040, 194, 210, 221, 254, 266, 271, 273, 293 ; miles cornicen : CMM 074, 231 ; miles bucinator : CMM 212, 261, 242.
393 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 7, 12 (trad. perso. d’ap. l’éd. Reeve, 2004) : Hi sunt milites principales, qui priuilegis muniuntur. Reliqui munifices appellantur, quia munera facere coguntur.
394 Taruttienus Paternus, Art militaire, 1 (Digeste, 50, 6, 7) : Quibusdam aliquam uacationem munerum grauiorum conditio tribuit (…). Hi igitur omnes inter immunes habentur.
395 Von Domaszewski 19672, p. 3 : « Die ganze Gruppe, welche an Rang unter den taktischen Chargen steht, hat genau genommen auch in der Kaiserzeit nicht als Principales gegolten. Richtiger ist für sie die Bezeichnung Immunes ».
396 Sander 1954, Watson 1967, p. 75-86 ; Breeze 1971 ; Breeze 1993, p. 11.
397 Watson 1969, p. 77.
398 Voir le tableau résumant cette situation dans Breeze 1993, p. 11.
399 CMM 040, 074, 075, 194, 210, 212, 221, 231, 242, 254, 261, 266, 271, 273, 293, avec l’exception CMM 231 datant du règne de Septime Sévère.
400 CMM 025, 112, 254, ainsi que le monument de Schweinschied déjà mentionné (CSIR, Deutschland, II/9, 140).
401 Voir notamment Speidel 1984b, p. 91 sur l’incapacité complète à établir la Rangordnung des equites singulares Augusti pour tous les rangs inférieurs au centurionat.
402 Respectivement CMM 064 et 259.
403 CIL, III, 14409, 1 (voir CMM 092, 198, 200, 201, 205, 218 et 256). La pierre est datée prudemment par Fr. Feraudi-Gruénais entre la deuxième moitié du IIe et la première moitié du IVe siècle.
404 CMM 092, 198, 200, 201, 205, 218, 256.
405 CMM 297.
406 CMM 070.
407 Speidel 1984b, p. 40.
408 CIL, VI, 221 = CMM 190. Il s’agit du premier document attestant l’existence du mot principales dans ce contexte, cf. Watson 1967, p. 78 réfutant Sander 1954, p. 82 sq., selon qui cette inscription est trop précoce pour que principales désigne une catégorie établie de soldats.
409 Archeologia, 54, 1895, p. 433 sq. ; AE, 1896, 21 ; Speidel 1981b, p. 13, n. 30 ; Speidel 1984b, p. 39 ; Alexandrescu 2010, cat. BUC 44.
410 Cf. supra, notamment rubrique 2.1.2.1.
411 Fink 1971, p. 60 (liste 2, col. XIII, l. 31) et p. 193 (rapport du matin 50, col. I, l. 2 et 9) ; Speidel 1984b, p. 38 ; Spaul 2000, p. 434-436 ; Alexandrescu 2010, cat. BUC 40. Voir Fink 1971, p. 11 pour les codes de graphie de ces papyrus de Dura Europos.
412 AE 1908, 272 = CMM 062 et 223.
413 Taruttienus Paternus, Art militaire, 1 (Digeste, 50, 6, 7).
414 Végèce, Abrégé des questions militaires, 2, 7, 8.
415 Watson, p. 78.
416 Bérard 2000, p. 292. C.-G. Alexandrescu ne se range pas au même avis et préfère conclure à la difficulté de situer ces musiciens chez les immunes ou les principales : Alexandrescu 2010, p. 72-73.
417 CMM 079, voir infra, p. 110-112. Sa dimension exceptionnelle est soulignée aussi par Alexandrescu 2010, p. 73.
418 La question est abordée par Alexandrescu 2010, p. 66-67 et se conclue sur l’impossibilité d’apporter une réponse. Bien qu’il s’agisse sans doute de l’attitude la plus prudente, on se permettra tout de même d’avancer ici quelques hypothèses.
419 Âge au recrutement des musiciens militaires : CMM 003, 20 ans ; CMM 008, 18 ans ; CMM 016, 20 ans ; CMM 025, 25 ans ; CMM 050, 20 ans ; CMM 053, 17 ans ; CMM 055, 21 ans ; CMM 061, 25 ans ; CMM 066, 22 ans ; CMM 068, 22 ans ; CMM 072, 23 ans ; CMM 074, 18 ans ; CMM 079, 14 ans ; CMM 099, 16 ans ; CMM 106, 21 ans ; CMM 109, 20 ans ; CMM 138, 27 ans ; CMM 194, 27 ans ; CMM 195, au plus tard 19 ans ; CMM 209, 20 ans ; CMM 210, 25 ans ; CMM 224, au plus tard 27 ans ; CMM 230, 16 ans ; CMM 240, 19 ans ; CMM 242, 20 ans ; CMM 254, 20 ans ; CMM 258, 23 ans ; CMM 296, 18 ans.
420 Durry 1938, p. 262 a rappelé combien l’incorporation dans la garde prétorienne était affaire d’individus et de juxtaposition de parcours particuliers. Il en est de même dans les légions : les recherches récentes ont établi la difficulté qu’il y a à trouver un âge moyen de recrutement, voir Cosme 2007, p. 110.
421 Une exception : CMM 016, inscription funéraire du cornicen Aelius Quintus qui précise qu’il avait 20 ans lors de la probatio.
422 CMM 159.
423 CMM 025.
424 CMM 055, 11 ans ; CMM 061, 10 ans ; CMM 112, 7 ans.
425 Fink 1971, p. 60 (liste 2, col. XIII, l. 31) et p. 193 (rapport du matin 50, col. I, l. 2 et 9). Voir aussi Speidel 1984b, p. 38 ; Spaul 2000, p. 434-436 ; Alexandrescu 2010, cat. BUC 40.
426 CMM 258. Selon Durry 1938, p. 100, n. 6, le faible nombre d’années de service permet de justifier le développement du grade en cornic (en) plutôt qu’en cornic (ularius). Je souscris évidemment à cette position, qui complète les arguments développés en 1.1.1.2.
427 CMM 271.
428 Musiciens jouissant de la citoyenneté romaine inscrits dans des cohortes d’auxiliaires : CMM 046, 075, 089, 117, 148, 174, 196, 202, 219, 221, 301, ainsi que le compte rendu sur papyrus de Dura Europos, Fink 1971, p. 60 (liste 2, col. XIII, l. 31) et p. 193 (rapport du matin 50, col. I, l. 2 et 9).
429 Tite Live, Histoire romaine, 25, 10, 4 : cf. supra.
430 CIL, VIII, 2557, l. 37-38 : Eis tamen qui arca soluti sunt et si quis de tironibus ab hac die satis arcae fecerit accipiet quitquit debet. Voir notamment CMM 022.
431 Cette vision de la durée de la formation va à l’encontre de la position de Donaldson 1988, p. 351, pour qui les musiciens des armées romaines n’étaient que rapidement entraînés à mémoriser un nombre très limité de sonneries. Voir mes remarques sur les tirones du collège des cornicines de Lambèse : CMM 031, 086, 110, 177.
432 CMM 302.
433 CMM 233. Le conditionnel reste de mise en raison de la forte abréviation que le lapicide a fait subir au grade de Gargilianus : d (iscens) c (ornicen ? – apsarius ?).
434 La position « traditionnelle » est énoncée par Fiebiger dans son article de la Realencyclopädie. Pour la position inverse, Le Bohec 1987. Alexandrescu 2010, p. 72 ne tranche pas, estimant les deux positions également acceptables.
435 Voir le raisonnement dans le commentaire de CMM 149.
436 CMM 209 et 278. Les deux inscriptions sont du premier siècle.
437 Respectivement CMM 243 et 109.
438 CMM 234.
439 CMM 210.
440 CMM 240.
441 CMM 020, 042, 044, 073, 080, 132, 143, 180, 189, 193, 194, 197, 247 et 260.
442 CMM 018, 039, 052, 087, 094, 108, 118, 169, 206, 224, 287, 282, 291 et 298.
443 CMM 004, 005, 006, 009, 017.
444 M. Sittius Gargilianus, le discens cornicen (CMM 233) témoigne peut-être d’une promotion tardive à un rang de musicien. L’état de conservation du monument sur lequel son nom apparaît ne permet pas de connaître la nature de l’inscription. Toutefois, s’il s’agissait d’une liste de vétérans, il faudrait en déduire que Gargilianus a été rattrapé par le nombre d’années de service avant même d’avoir pu véritablement atteindre le grade de cornicen.
445 Sablayrolles 1996, p. 205-243.
446 CMM 186 et 203.
447 Le règlement du collège des cornicines a été rédigé le onzième jour des calendes de septembre, sous le deuxième consulat de Plautianus et Geta, soit le 22 août 203. Cf. CMM 022.
448 CIL, VIII, 2564 = CMM 081, 135 et 204.
449 Battifol, Isaac 1926, p. 181-182.
450 Voir le raisonnement complet en CMM 081, 135 et 204.
451 Inversement, on pourrait s’étonner de l’importance accordée par le règlement aux situations de promotions, dans la légion et en dehors : peut-être le texte des cornicines et des tubicines avait-il été inspiré d’un autre collège de sous-officiers qui avaient, eux, de plus grands espoirs de promotion. C.-G. Alexandrescu a supposé à partir de ces textes que les musiciens avaient de réelles possibilités d’avancement, une hypothèse que les sources ne me paraissent pas valider (Alexandrescu 2010, p. 54). Elle-même semble pourtant parvenir à cette même conclusion quelques pages plus loin.
452 CMM 031, 086, 110, 177.
453 Sablayrolles 1996, p. 229.
454 CMM 186 et 203.
455 CMM 159.
456 CMM 190.
457 Respectivement CMM 038, 235 et 126.
458 Fink 1971, p. 60 (liste 2, col. XIII, l. 31) et p. 193 (rapport du matin 50, col. I, l. 2 et 9).
459 Breeze 1971, p. 134, repris dans Breeze 1974, p. 450 et Breeze 1993, p. 11.
460 CMM 081, 119, 135, 140, 141, 165, 204, 229. Contre le rapprochement du duplarius Aurelius Derisor avec le tubicen Aurelius D[- - -], énoncé par Le Bohec 1989a, p. 227, voir commentaire CMM 054.
461 CMM 244.
462 Breeze 1971, p. 133.
463 Sablayrolles 1995, p. 135, n. 28.
464 CMM 043.
465 Reddé 1986, p. 535.
466 Ce d’autant que la datation relativement ancienne de ce document (deuxième moitié du Ier siècle – première moitié du IIe) le situe à une époque où, si l’on suit D. Breeze, la hiérarchie des grades était loin d’être fermement établie.
467 Breeze 1971, p. 133 ; Speidel 1992b.
468 CMM 202.
469 Autres musiciens appartenant à ces cohortes montées : CMM 117, 148 ?, 161 ?, 196, 301, 310.
470 Voir supra 2.1.1. sur l’absence d’inscription de musiciens chez les singulares provinciaux et les conséquences que l’on peut en tirer.
471 Speidel 1978, p. 6-11 pour le recrutement des equites singulares Augusti.
472 CMM 003.
473 Par exemple les inscriptions des vétérans thraces du numerus equitum singularium Augusti, CMM 004 et 009.
474 Respectivement CMM 090 et 037.
475 CMM 252.
476 Voir supra, p. 80-81.
477 Cagnat 1907, p. 185. Les termes utilisés semblent refléter ses doutes quant à l’hypothèse en question : « (…) il semble bien qu’il faille y voir le début du mot pr (inceps) ».
478 Le Bohec 1989a, p. 252.
479 Perea Yébenes 1999, p. 118-119.
480 CMM 118.
481 Morizot 1995.
482 Kotula 1965.
483 Speidel 1981b.
484 CMM 138.
485 CMM 149.
486 Voir la notice pour la discussion autour du développement de l’abréviation D. S. BUC.
487 Cette importance des aptitudes intellectuelles pour l’avancement peut être illustrée par la lettre du soldat Iulius Apollinaris, dans laquelle il se vante d’avoir échappé aux corvées de taille de pierre en obtenant un poste de librarius, cf. P. Mich, 8, 466, rapporté par Cosme 2007, p. 124.
488 CMM 304.
489 CMM 079.
490 Mitford 1988, p. 178.
491 Strobel 1988, p. 40 explique cet enrôlement précoce par les troubles qui agitèrent le Prétoire suite à l’assassinat du préfet de la garde Cornelius Fuscus en 86.
492 CMM 168. La cohabitation des deux termes, miles et tubicen ordinatus me conduit à penser que son changement de grade était en cours au moment de sa mort.
493 Voir Gilliam 1940 et Bruun 1988 pour des études sur les termes ordinatus (et ordinarius) dans le Rangordnung. Bien qu’un accord soit loin d’être trouvé quant à la signification de ces termes, particulièrement ordinatus moins fréquent, singulièrement pour les grades inférieurs au centurionat, l’expression de la décision d’une instance extérieure semble faire l’unanimité.
494 Le nom de celui qui a ordonné est parfois précisé, voir par exemple CIL, V, 7865 : (centurio) | leg (ionis) III Italicae | ordinatus [e]x eq (uite) | Rom (ano) ab domino | Imp (eratore) M(arco) Aur (elio) A[n]toni|no Aug (usto) ; ou encore CIL, VI, 207 : ordinatus missus hon[esta missione ex praeto]|rio ab Optimo Maximo Im[p (eratore) Hadriano Aug (usto)].
495 CIL, IX, 20 : T(ito) Flauio T(iti) f (ilio) | Pup (inia) Rufo | militi coh (ortis) XII urb (anae) | et coh (ortis) IIII pr (aetoriae), | ordinato architec (to), | tesserario in (centuria), | b (eneficiario) praefector (um) praetor (io), | cornicular (io) praef (ecti) anno (nae), | (centurioni) leg (ionis) XIIII Gem (inae) et XI Cl (audiae) et | II Aug (ustae) et VII Gem (inae). | Vlpia pientissima soror et | Aelia Secundina heredes | ex testamento faciend (um) curau (erunt).
496 Gatti 1957, p. 311.
497 CMM 025, 033, 145, 240 et 267.
498 Une exception peut-être : CMM 240.
499 Les parents dans les inscriptions des musiciens militaires : CMM 045, 089, 138, 160, 192, 197, 234, 242.
500 On se reportera en dernier lieu à l’étude de Phang 2001.
501 Coniux : CMM 015, 034, 043, 051, 089, 118, 138, 192, 195 ; uxor : CMM 221 ; contubernalis : CMM 029 ; hospita : CMM 075.
502 CMM 118 et 195.
503 CMM 079.
504 CMM 013, 015, 050, 097, 109, 118, 150, 192, 221, 224.
505 CMM 055, 061, 063, 065, 068, 213, 226, 296.
506 CMM 213. Faute d’une lecture autoptique et d’une bonne photographie, je dois me fier au commentaire de l’éditeur Z. Ben Abdallah, qui précise avoir vu « un objet tracé au trait est représenté au-dessus du champ épigraphique, un croissant de lune ou une cornu (sic) » (Ben Abdallah, Le Bohec 1997, p. 65-67).
507 Nélis-Clément 2000, p. 284-285 ; Schmidt Heidenreich 2008, p. 231.
508 CIL, III, 3166 : Aur (elio) Victori|no ciu (i) Sisc (iano) libr (ario) | Macrinus et Ma|turninus c (iui) et coll (egae) | b (ene) m (erenti) p (osuerunt) ; CIL, VII, 1144 : D(is) M(anibus). | C(aio) Acilio Basso | medic (o) duplic (ario) | colleg (ae) Atius | Cneius.
509 AE 1976, 641 ; EDH 12654 ; Speidel 1984b, p. 124-126.
510 CMM 296.
511 CMM 065 et 055.
512 CMM 068 et 226.
513 CMM 061 et 063.
514 CMM 194.
515 CMM 212.
516 CMM 002.
517 CMM 210.
518 CMM 057.
519 Respectivement CMM 117 et 101.
520 CMM 062 et 223.
521 CMM 003.
522 CMM 278. On retrouve cette explication par l’origine géographique commune sur le monument d’un signifer auquel les tubicines eux aussi originaires de Bingen ont contribué (CMM 304).
523 À l’exception, comme je le suppose, des bucinatores.
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Jouer pour la cité
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