Chapitre VI. La congrégation du 24 septembre 1790
p. 131-161
Texte intégral
1Les cardinaux convoqués par Pie VI pour le 24 septembre eurent donc moins d’un mois pour juger des pièces du dossier et fournir au pape des conseils avisés. Aidés de leurs auditeurs et de leurs théologiens, ils rédigent chacun un avis manuscrit. Certains, après l’arrivée du courrier du 21 septembre, y ajoutent une note. Il faut prendre le temps d’analyser ces avis cardinalices, car ils fournissent un point précis et précieux sur l’état d’esprit de la Curie romaine face aux premières réformes engagées par la Révolution. Ces documents n’ont jamais été utilisés jusqu’à présent, sauf dans le travail du père Blet sur le cardinal Garampi1. Ils permettent de sortir d’une image monolithique de la Curie, et de prendre conscience des diversités d’options qui se présentent au pape.
2Après une typologie des opinions, les réactions aux cinq propositions seront analysées, avant de considérer comment les cardinaux évaluaient les différentes autorités en conflit.
UNE TYPOLOGIE DES POSITIONS CARDINALICES
3Pour donner une typologie des opinions des cardinaux, une première partition se dessine, qui sépare ceux qui ne changent pas d’avis avant et après le 21, et ceux qui durcissent leur position à la suite de la signature des décrets par Louis XVI.
4Dans le premier parti, il y a d’abord les « conciliateurs » : ils partent du principe que l’Assemblée a usurpé une autorité qu’elle n’a pas, mais le schisme étant le pire mal qui puisse arriver à l’Église de France, il faut négocier sur les cinq propositions pour permettre aux évêques de continuer l’exercice de leur ministère dans la légalité canonique. On peut énumérer dans ce groupe les cardinaux Antonelli, Gerdil, Borgia, Garandini, Braschi, Rezzonico et Pallota. Cela n’empêche pas qu’il y ait des divergences sur les différentes propositions à accepter ou à refuser, surtout dans le domaine des élections : Braschi les admet parfaitement comme étant dans la tradition, à condition d’écarter les non-catholiques du vote et de laisser au pape la confirmation, car le roi est libre de transférer au peuple son autorité de nomination. Borgia reprend cette idée, mais renvoie au concile national l’examen précis du mode d’élection clero et populo. Quant à Gerdil, il refuse un autre mode que la présentation par le roi des sujets idoines. Antonelli tolère l’élection, mais il faudra résoudre les aspects pratiques avec le roi. Il accepte l’idée que les décrets ne touchent en rien les dogmes et qu’il est en conséquence concevable de temporiser2. Les cardinaux sont en revanche unanimes pour remplacer la vague formule de profession de foi de la Constitution par celle de Pie IV.
5En face de ce premier groupe, il y a les « intransigeants » qui avancent que l’acceptation des cinq propositions ne changera rien à la situation puisque l’Assemblée a voté un corps de décrets sur lequel elle ne reviendra pas. Ils comprennent au fond que le recours à Rome est une façade ; le chef de file de ce parti, le cardinal Livizzani, déclare même que l’Assemblée veut manifestement le schisme. Mgr Roverella pense que la réforme de la carte ecclésiastique serait à la limite acceptable, mais ne voit pas quel en serait l’intérêt, sinon celui de bouleverser l’Église de France. Il est bien évident que les nouvelles du 21 septembre ne font que confirmer leurs craintes et les renforcent dans leur refus. Entre les deux positions, il faut situer celles de Zelada et de Carrara, qui veulent avant tout gagner du temps en gardant le silence. Mais la Curie est majoritairement d’accord pour affirmer que le pape doit répondre ouvertement au roi et au clergé. Antonelli déclare par exemple : « Ce silence serait encore une tacite approbation de tout ce que l’Assemblée a fait contre l’Église, et de l’usurpation de ces droits, qui ne pouvaient jamais lui revenir »3.
6Reste à détacher le groupe important des cardinaux prêts à la conciliation avant le 21, puis qui considérèrent que le pape était libéré de toute contrainte à négocier du fait de l’acceptation du roi. Il comprend les cardinaux Archinto, Albani, Borromeo, Busca, Carafa, Colonna et Valenti Gonzaga. Le revirement indique bien l’ambiguïté qui affecte dès le départ le caractère des négociations entre Louis XVI et Pie VI : s’agit-il d’accepter cinq propositions qui remplaceraient la Constitution, ou bien qui procureraient à l’Église de France un appui canonique validant la mise en application des décrets ? Il semble bien que, dans l’esprit des cardinaux, c’est la première solution qui importe, puisque la signature des décrets les décourage de continuer le dialogue. Pourtant, le roi a déclaré dès la lettre du 10 juillet : « Mon intention publiquement déclarée est de prendre les mesures nécessaires pour leur exécution »4 ; et les « propositions » de la Cour annoncent bien en premier lieu que le roi est contraint de sanctionner les décrets par la Constitution5.
7Cette typologie ainsi esquissée ne permet pas de mise en relation avec la répartition habituelle des cardinaux entre zelanti et politicanti. Livizzani et Albani sont zelanti, mais un Antonelli ou un Rezzonico le sont tout autant. La Révolution oblige dans un premier temps à dépasser les clivages curiaux.
8Avant le 21, les cardinaux s’accordent sur la nécessité de profiter d’un appel si unanime à Rome, venant de la part de la très indépendante Église gallicane. Après, ils continuent de proposer l’envoi de brefs au roi, mais ils n’ont plus guère d’autres conseils à donner que la prière, et une fermeté que celui-ci ne peut plus exercer, ou qui est une voie directe vers le schisme, que l’on déclare vouloir éviter. C’est cette position qui va ressortir de la tenue même de la congrégation, puisque Bernis écrit le 29 septembre à Montmorin que « la plupart des votants ont été d’avis que le Saint-Père écrivît au roi un Bref paternel »6. Etait-ce bien là ce que l’on attendait d’eux ?
UNE ANALYSE DÉTAILLÉE
L’état de la France et l’origine de ses maux
9Lorsque les cardinaux dressent un tableau de la situation, ils insistent surtout sur le renversement de l’ordre des pouvoirs traditionnels, mais on peut estimer que la portée exacte de ces changements leur échappe encore. Antonelli présente cette inversion de l’ordre comme opérée par le peuple avec une détermination insurmontable, à laquelle l’armée n’a rien pu opposer ; les Parlements ont été supprimés (il est le seul à parler de ces Parlements qui avaient causé par le passé tant de problèmes au Saint-Siège), la noblesse a dû renoncer à ses privilèges, et le clergé a été spolié de ses biens.
10A la base de tout cela, il y a « la manie de l’indépendance et de l’insubordination », une Nation « incrédule, licencieuse et ne soutenant pas l’autorité »7. Ce terme d’incrédulité revient sous la plume de plusieurs cardinaux : pour Albani, elle s’identifie avec la philosophie8 ; elle sape toute autorité9, met en danger la religion du souverain devenue inopérante, conduit à la violation du droit de propriété par la saisie des biens ecclésiastiques, alors que la déclaration des Droits de l’homme a affirmé le caractère « inviolable et sacré » de ce dernier10.
11La conséquence la plus grave en est l’indifférence religieuse, au sens de liberté de croire ce que l’on veut ; Livizzani emploie les termes suivants : « Toutes les religions sont identiques à la véritable, on laisse chacun en pleine liberté non seulement d’être hérétique, ou mécréant, mais encore d’extérioriser, de dogmatiser, imprimer ses principes impies... »11 et l’Assemblée lui paraît être un rassemblement de philosophes qui décrètent « pour ruiner ». Il en résulte un grand embarras des consciences12, embarras qui est aussi celui des cardinaux pour identifier précisément l’autorité véritable sur laquelle ils peuvent compter. Mais nous en reparlerons plus loin.
12Antonelli demande que le bref condamne explicitement les principes de la déclaration des Droits de l’homme : « Ils sont si faux les principes adoptés...13. Il y a bien un monde entre le bouillonnement politique de la capitale française et les idées que s’en font les Romains. Les cardinaux dressent un tableau assez fruste de la situation et ne mesurent pas encore la portée exacte de la Révolution. Cette impression se retrouve dans le parcours du Diario estero, journal officiel dans lequelle les comptes rendus sur Paris sont si rares et allusifs14 ; mais il s’agissait là de propagande. Quant aux perspectives sur l’avenir, elles sont quasi absentes, ou seulement sous-entendues. Quelques-uns pensent à un rétablissement de l’ordre ancien, et tous l’espèrent puisqu’ils ne parlent que d’arrangements provisoires. Seul, Braschi affirme qu’il ne faut pas s’attendre à un retour en arrière par une contre-révolution. Il s’oppose en cela à la pièce en date du 26 juillet15, où, dans sa correspondance avec Zelada, Salamon prédit la banqueroute imminente, le renvoi de l’Assemblée par les Parlements et la restitution au clergé de ses biens. Cette lettre n’est citée par aucun voti, mais Rome aspire visiblement à une telle évolution.
13Plusieurs personnages de l’histoire de France sont invoqués : Saint Louis en premier lieu, qui refusa de nommer les évêques du Royaume alors que le pape le lui proposait eu-égard à sa grande sainteté. Les textes d’Hincmar, Yves de Chartres et Bossuet sont utilisés pour traiter de la question des relations entre la France et Rome.
14Vient ensuite l’insistance de Livizzani à étudier la Pragmatique Sanction de Bourges16, selon ce mauvais exemple donné par Bernis17. Cette ordonnance du 7 juillet 1438, éditée par l’assemblée convoquée à Bourges par Charles VII en pleine crise conciliaire, rétablissait le principe des élections des évêques selon les règles antérieures au passage des Papes à Avignon18. Livizzani pense que, dans des circonstances similaires, la Pragmatique était moins ruineuse que la Constitution : le pape pouvait refuser un évêque élu, et l’appel à Rome était toujours possible. Or, les papes demandèrent sa révocation, obtenue sous Louis XI en 1461. Accepter la Constitution poserait donc un problème de continuité entre la politique de Pie VI et celle de ses prédécesseurs ; on pourrait l’accuser de prévariquer là où ces derniers avaient résisté.
15Le deuxième élément de référence important est bien sûr le Concordat passé en 1516 entre Léon X et François Ier, réglant pour un peu moins de trois siècles les rapports entre la France et Rome. Antonelli note d’abord que la Constitution l’annule, mais il ajoute que « sa rupture ne me fait pas de peine »19, car les deux autorités, royale et pontificale, qui l’ont établi, peuvent librement le suspendre temporairement. Borgia pense, pour sa part, que le Concordat est indispensable pour conserver les liens d’unité dans l’Église ; on ne saurait le remplacer en admettant le statut de l’évêque posé par la Constitution, ni en admettant l’appel comme d’abus au tribunal civil20.
16Un troisième élément se dessine enfin : le souvenir des crises jansénistes et gallicanes21. Si Antonelli est le seul à parler de la Bulle Unigenitus et du conflit de 1682 sur les droits des Métropolitains22, les événements sont présents à la mémoire des cardinaux qui ne manquent pas de décocher quelques remarques sur l’indépendance de l’Église gallicane et sur les hérétiques. La proximité du débat sur le synode de Pistoie et la présence de documents des crises passées dans les archives de la Congrégation des Affaires Ecclésiastiques Extraordinaires23 en sont des preuves supplémentaires.
Un schisme à l’horizon ?
17La question est d’importance puisqu’elle va commander les attitudes des cardinaux : un tel risque peut-il légitimer les dispenses ? Est-il interne à la Constitution civile de façon nécessaire, et y a-t-il relation avec des hérésies ?
18Nous savons déjà que l’Assemblée avait entendu ce terme sur les lèvres de l’abbé Goullard, député du Forez, tandis que les principaux orateurs, Boisgelin et Treilhard, avaient soigneusement évité de l’utiliser. Goullard avançait que les lois de la Constitution civile mettaient en place un mode de gouvernement presbytérien calviniste « schismatique et hérétique ». Il exposait dans sa conclusion qu’il fallait prier le roi d’envoyer au pape les amendements nécessaires, « seul moyen de remplir vos vues et d’éviter le schisme »24.
19On ne s’étonnera pas que le mot soit absent des lettres de Louis XVI à Pie VI. On parle pudiquement de « conserver les liens » et de « division funeste »25. Les Propositions sont plus explicites dès le départ : « préserver la France d’un schisme qui serait non seulement un dommage irréparable pour l’Église et le royaume, mais aussi un scandale et un exemple contagieux et funeste pour tout le monde catholique »26. Aussi le mot était-il employé dans le document officiel de la Cour. Les Observations de Bernis affirment que les mesures provisoires ont pour avantage d’éviter le schisme, et auront la gloire future de permettre un rétablissement à l’avantage du Siège Apostolique27.
20Parmi les cardinaux les plus pessimistes, se trouve Albani : il y a « établissement du système schismatique tendant à l’extermination totale de la religion »28. Le schisme est formé par le système hiérarchique en lui-même, il est d’autant plus dangereux qu’étant lié à l’incrédulité, il affaiblit l’Église sur tous les plans, institutionnels et sociaux. Archinto pense également que les décrets de l’Assemblée sont schismatiques29. Borromeo assure que toute la Constitution tend au schisme, « de nom, et de fait »30. Après le 21, l’annonce de la signature du roi libère le pape de toute obligation vis-à-vis de ces textes de lois qui nourrissent et portent la division, ainsi que des erreurs théologiques31. Roverella va plus loin en rappelant que le schisme a été plusieurs fois utilisé par la France au titre de menace (par exemple par le Roi Philippe Ier en 1095, et par Louis XIV) ; Rome doit toujours craindre une séparation de la Fille aînée... Mais un règlement partiel ne l’évitera pas, et pire, il encouragerait l’Assemblée à aller plus loin. Les Dubbi, contrairement à d’autres avis, disent que le pape ne doit pas changer la discipline pour le bon plaisir des princes. Allant encore plus loin, Livizzani ajoute : le schisme est le moyen utilisé par l’Assemblée pour saper tout pouvoir « humain et divin »32. Et puisque la division est sciemment recherchée, il ne faut surtout pas tomber dans le piège. Si elle advient, elle ne sera pas imputable au pape !33
21Mais d’autres veulent à tout prix éviter une telle scission : telle est la pensée de Colonna, de Braschi, de Borgia. La discipline peut varier du fait d’un tel risque, dit Braschi34. Borgia ajoute que le mal est plus grand dans la mesure où le schisme dégénère généralement en hérésie, par le jeu de l’évolution des doctrines. Gerdil a la même conviction, mais il adopte la précaution dans l’autre sens : il faut d’abord s’assurer que les dispositions provisoires ne toucheront pas à l’intégrité du dogme35.
22Antonelli n’hésite pas à dire, dans le même ordre d’idées, que la séparation serait le résultat de la sévérité du Saint-Père36. Il faut écrire aux évêques que c’est en raison de ce risque que les mesures sont adoptées provisoirement.
Les cinq propositions de la cour
1. Le changement de la carte ecclésiastique de la France
23Les trois premiers articles du Titre I de la Constitution procèdent à la réforme de la carte des diocèses et des métropoles, selon le principe d’un diocèse par département, faisant donc passer la France de 135 à 83 sièges épiscopaux. La cour demande au pape d’autoriser temporairement la nouvelle distribution des métropoles, avec la création de celle de Rennes, et d’inciter les évêques à accepter la nouvelle répartition des diocèses37.
24Dans ses Observations confidentielles38, Bernis affirme que ces changements sur la carte ne donnaient pas lieu à refuser les concessions nécessaires, le pape en acceptant parfois sur des matières plus graves, et son autorité n’étant pas ici en cause. Quant au mémoire de l’archevêque d’Auch, il soulève des questions canoniques, en demandant au préalable si les évêques serviraient mieux la religion en opposant une résistance invincible ; il ose ajouter : « présumant du consentement que Sa Sainteté accordera au nouvel ordre des choses, vu l’urgence des circonstances »39.
25Rome a-t-elle déjà connaissance de refus d’évêques de quitter leur siège ? Le refus de l’Archevêque Dillon, de Narbonne, est annoncé au roi le 22 septembre40. A l’Assemblée, dans le débat du 2 juin, on a déjà fait état du refus des diocèses de Vabres, de Comminges et de Corse41 d’accepter leur suppression42.
26Y a-t-il chez les cardinaux des refus catégoriques de ces changements ? On ne peut relever que celui de l’auditeur, Mgr Roverella : le pape peut bien faire les modifications43, mais il n’existe selon lui aucune raison valable pour que Rennes devienne métropole ; ce n’est là qu’un caprice de l’Assemblée, qui n’élude pas la perspective de schisme. Quant aux juridictions épiscopales, les évêques peuvent toujours se les déléguer au titre de coadjuteurs ou de Vicaires, ou bien le Saint Père peut nommer des vicaires apostoliques ; moyennant quoi, cette solution est encore la plus compliquée ! Par ailleurs, Busca propose de refuser la nouvelle carte des diocèses pour ne pas donner un mauvais exemple, et Cararra propose de consulter les villes pour gagner du temps. Cela ne fait que trois refus sur l’ensemble, et les deux premières propositions de la cour sont donc celles qui rencontrent la plus large acceptation. Mais il est intéressant de voir sur quelle argumentation on fonde cet accord, à quel niveau d’autorité, avec quels secours théologiques. Cette approbation n’est en rien une reconnaissance d’un droit de l’Assemblée à mener une telle réforme44. La nouvelle carte ne pourra entrer en vigueur qu’à la date de l’approbation pontificale45. Pour Braschi, la demande est acceptable dans la mesure où il s’agit d’une question de discipline externe qui ne touche pas au dogme. Valenti Gonzaga utilise le traité de Benoît XIV sur les synodes diocésains, souvent cité par les voti et par Quod aliquantum, pour justifier à la fois le droit du Saint Père et sa nécessaire utilisation de la douceur.
27Mais cette question soulève le problème des éventuels conflits d’autorité entre le pape et les évêques. Antonelli pense ainsi que Rennes ne peut être érigé que si l’évêque le demande au pape et si l’archevêque de Tours, qui perd une partie de ses suffragants, est d’accord. Cet accord est indispensable selon les canons 1 à 38 du Décret de Gratien (Can. XVI, Ques. 7). Nous rencontrons beaucoup de nuances à cet égard : Borgia se situe à un niveau plus théologique. La division des diocèses est certes une affaire purement ecclésiastique, mais l’usage, remontant aux Apôtres, est de se calquer sur l’organisation civile à cause du côté pratique d’une telle solution. Des changements ne peuvent se faire que s’il y a accord entre l’évêque, le clergé et le peuple : c’est lui qui va le plus loin dans ce rôle des diocésains. En cas de refus, le Souverain Pontife ne peut rien décider, car il y a un droit absolu enraciné dans le peuple. Il faudra donc mener une large consultation et respecter les canons, ce qui prendra beaucoup de temps.
28Dans le même sens, Braschi reprend la question sous l’angle traditionnel du lien indissoluble entre l’évêque et son troupeau, à l’image de celui contracté entre époux dans les liens du mariage. Aussi le pape ne peut-il que prier les évêques de se concéder les juridictions. Rappelant Grégoire de Nazianze, il signale que « la malice du peuple » est un juste motif pour changer des limites. Valenti Gonzaga prend également l’image du mariage : « un lien divin que l’on ne peut trancher »46. Il invoque l’autorité de Saint Bernard. Trois cardinaux utilisent donc clairement le thème du mariage.
29Rezzonico affirme en revanche que le pape peut casser ce lien, quoique de droit divin, si le bien de l’Église l’exige. On peut donc accepter les réformes pour la tranquillité des consciences. Gerdil pense, lui aussi, que Pie VI peut ériger Rennes sans l’accord de l’archevêque de Tours. Mais il est préférable d’obtenir celui-ci pour la paix des Églises, à l’instar de Saint Léon et de Saint Grégoire47.
30Il reste une équivoque sur le caractère temporaire de ces changements. Braschi et Gerdil abordent ouvertement la question : Braschi, pour dire qu’ils impliquent des mutations essentielles48 et qu’il ne sera pas possible de revenir en arrière, Gerdil, par contre, pour préciser qu’il faudra veiller au caractère provisoire des ajustements, de sorte qu’il soit toujours praticable de revenir à l’ancien ordre des choses.49
31Antonelli apporte d’autres arguments fondés sur l’histoire : à savoir les exemples de la ville natale de Justinien, ou même de Constantinople, dont les papes finirent par reconnaître la dignité patriarcale usurpée par le canon 28 du concile de Chalcédoine. Il rappelle surtout les controverses entre Innocent XI et Louis XIV et le fait que ce dernier avait songé à couper l’Église gallicane de Rome en érigeant un siège primatial en France, ce primat instituant les évêques. Un refus des changements de la part de Rome risquerait de faire ressurgir une telle possibilité. Il est aussi question du schisme de l’Église janséniste d’Utrecht, où le chapitre du vicaire apostolique procéda en 1723 à l’élection d’un archevêque de la ville, alors que Rome avait condamné le précédent vicaire pour son refus de signer le formulaire d’Alexandre VII. Tout cela sur le fond des doctrines épiscopaliennes et conciliaristes du canoniste Zeger-Bernard van Espen. Un tel chaos juridique et pastoral devait être évité aux yeux du cardinal Antonelli. Il ne pensait pas alors qu’il aurait dans les années suivantes à s’occuper de toutes les questions canoniques du schisme constitutionnel et des prêtres émigrés.
32Deux voti enfin prennent garde de ne pas compromettre l’autorité pontificale, sans pour autant empêcher les évêques de s’adapter aux circonstances. Livizzani n’en parle que dans sa conclusion50, disant que les prélats n’ont qu’à agir selon leur conscience ; la non-intervention du pape permettra de revenir en arrière plus facilement. Borromeo dit également que, si la paix nécessite l’acceptation, on ne peut par ailleurs faire du pape « le promoteur du nouveau système »51.
33Au total, on note que les cardinaux ont des façons variées de recourir à la tradition, et si le refus de l’intervention de la puissance civile est unanime, les différences portent surtout sur les motifs, sur l’argumentation que l’on utilise, et sur la reconnaissance ou non du droit des évêques à se déterminer. Ce débat sur les autorités, nous le retrouverons ultérieurement.
2. Le remplacement des chapitres
34La Constitution civile du clergé, dans la deuxième partie du Titre I, donne à la cathédrale et à son clergé un nouveau statut : l’article 7 prévoit qu’elle serait désormais l’unique paroisse de la ville, qu’elle n’aurait pas d’autre pasteur immédiat que l’évêque (art. 8), qu’il y aurait 16 ou 12 vicaires selon que la ville comptait plus ou moins de 10 000 habitants (art. 9. Le nombre des vicaires avait été débattu à l’Assemblée le 8 juin). Les articles 10 à 12 organisent autour de l’évêque un séminaire, avec quatre prêtres pour le diriger, chacun participant aux offices de la cathédrale. Mais l’article 14 ordonne que les vicaires de cette cathédrale et du séminaire forment le conseil épiscopal, avec rôle délibératif dans le gouvernement du diocèse. L’article 20 réaffirme la suppression des offices canoniaux ou collégiaux.
35En somme, on en vient à supprimer le chapitre cathédral, en transmettant au nouveau conseil les droits des chanoines sede vacante : l’article 41 du Titre II donne au premier vicaire les droits de l’évêque pendant la vacance du siège.
36C’est le statut de l’autorité épiscopale qui est en jeu, devenant de ce fait liée à la délibération de son conseil. Le député Goupil de Prefelne52 était intervenu le 8 juin dans le débat pour souligner que c’était la question la plus importante de la Constitution53. Grégoire avait pour sa part proposé d’aller plus loin en remettant le choix des vicaires à une élection par les curés du diocèse.
37Le mémoire de Mgr d’Auch parle déjà de presbytérianisme : on sape l’autorité de l’évêque, on la limite à conférer les sacrements de confirmation et de l’ordre54. On attribue au clergé dans son ensemble le gouvernement de l’Église55. Cette crainte du presbytérianisme est de fait utilisée par plusieurs cardinaux : Roverella pense que l’on fait de l’évêque un curé parmi d’autres et qu’accepter cette nouvelle organisation serait consacrer cette hérésie56. Même idée chez Valenti Gonzaga, qui prescrit de refuser le droit délibératif57 (Braschi propose de ne parler que de rôle consultatif58), et dans les dubbi, qui parlent de renversement de la hiérarchie au sujet du libre choix des vicaires paroissiaux par les curés. Busca y est également opposé.
38Pallotta et Antonelli acceptent le plan pour la paix de l’Église. Ce dernier avance que, dans le cas général du siège épiscopal pourvu, l’évêque qui choisit les vicaires n’aura qu’à leur donner les pouvoirs nécessaires, de lui-même. Borromeo, Braschi et Gerdil pensent ce conseil acceptable, mais, puisqu’il s’agit de remplacer le chapitre qui avait un rôle dans l’administration du diocèse sede vacante, il faudra que le Saint-Siège lui accorde les mêmes prérogatives et les mêmes juridictions. Le pape doit donc prendre des mesures. Gerdil précise que son acceptation ne sera que temporaire, et cumulative des chapitres que l’on pourrait laisser en place59 ; il semble, à travers cette suggestion, peu au courant des réalités de la politique de la Constituante. Borgia se distingue par une argumentation différente : il remarque d’abord qu’il faudra subvenir aux besoins des chanoines privés de leur poste. Puis il signale que l’on prive le Saint-Siège d’un droit de nomination qu’il possédait dans bon nombre de cas. Mais ce qui lui paraît le plus grave, et Quod aliquantum reprendra l’argument avec la même référence60, c’est que l’on remet en cause la première raison d’être des chapitres, à savoir la permanence de la prière pour le diocèse dans la cathédrale. Les vicaires auront beaucoup de mal à tenir ce rôle à cause de leur ministère, et les décrets cachent donc le désir « captieux »61 de supprimer la Liturgie des Heures ; on pourrait objecter que la présence du séminaire aurait rajeuni cette prière... Par ailleurs, les chapitres entretenaient de nombreuses œuvres de charité : que deviendront-elles ?
39Quant à l’argumentation théologico-historique, elle est hésitante. Borgia et Valenti Gonzaga affirment que les chapitres sont de tradition apostolique (avec référence à Saint Ignace d’Antioche), alors que Braschi ne les date pas d’avant Alexandre III62, avec une dignité qui de toute façon est liée à l’entrée des religieux en leur sein. Antonelli dit que les coutumes dans ce domaine sont très diverses, mais que jamais le chanoine le plus âgé n’a eu de plein droit le pouvoir de remplacer l’évêque ; et comme cela est contraire aux dispositions du Concile de Trente, il faut que le pape accorde les juridictions par avance.
40Les cardinaux hésitent donc entre l’acceptation des conseils, leur juxtaposition aux chapitres, ou le maintien strict de ces derniers, tout en affirmant l’indispensable liberté de gouvernement de l’évêque.
3. Les élections épiscopales
41On devine que cette question, la plus originale et la plus « politisée » de toutes, allait être la plus débattue et susciter les plus vives réactions. Mais là aussi, l’opposition est loin d’être absolue et intransigeante ! Nous reprendrons plus loin la question des autorités mises en jeu, nous contentant ici d’un premier regard sur les problèmes pratiques soulevés et les relectures de la tradition.
42Il convient en premier lieu de regarder de près comment la question fut traitée par la Constitution, par la demande royale et par les mémoires de Bernis.
43Le Titre II établit les règles d’accès aux bénéfices ecclésiastiques. L’article premier donne la ligne directrice : « on ne connaîtra qu’une seule manière de pourvoir aux évêchés et aux cures, c’est à savoir la forme des élections ». Les articles 2 à 15 organisent le processus de l’élection épiscopale, en stipulant qui est éligible : le corps électoral du département, convoqué dans les trois semaines suivant la vacance du siège, peut choisir par scrutin dans l’église cathédrale, à l’issue d’une messe, tout ecclésiastique ayant exercé dix ou quinze ans de bénéfices fixes dans le diocèse. Les articles 16 à 18 demandent à l’élu de se présenter au métropolitain ou à l’évêque le plus âgé pour en recevoir l’institution canonique, après examen de l’idonéïté et prestation du serment de professer la foi « catholique, apostolique et romaine ». L’article 19 stipule que l’élu ne demandera pas une confirmation du pape, mais qu’il lui enverra une simple lettre de communion. Enfin au no 21, on ajoute qu’il prêtera serment de veiller sur ses diocésains, de rester fidèle « à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi ». Voilà posé le cadre des accessions aux bénéfices dans un mode qui met en cause la tradition, le concordat et les idées politico-religieuses des constituants. Les circonstances ne peuvent que peser lourdement sur les relectures possibles de ces décrets.
44La cour pose la question du choix par élection sans qu’interviennent les bulles pontificales63 : le concordat de Bologne se trouve remis en cause.
45Bernis, dans ses Observations confidentielles, fait observer que les élections ne lésent que les droits du roi qui, selon le Concordat, choisissait les évêques. Pour les bulles, il suffit de nommer les métropolitains délégués apostoliques pour un temps donné.
46Le mémoire de Mgr de la Tour du Pin pose à nouveau la question de la catholicité relative du corps électoral, et se demande ce qui reste de la primauté pontificale avec un tel fonctionnement. Notons donc que ni la cour ni Bernis ne soulèvent le problème, et que ce sont des membres de l’épiscopat gallican qui interrogent Rome sur la validité et la légitimité des nouvelles institutions64. Mais l’Archevêque d’Auch va ensuite plus loin en attaquant la profession de foi et le serment : la formule générale de l’article 18 aurait pu être professée par Arius, Eutychès ou n’importe quel hérétique ou schismatique. Il convient mieux d’utiliser la formule de Pie IV exigée de tous les ecclésiastiques depuis le Concile de Trente65. De même le serment envers les lois peut être susceptible d’amener l’évêque à reconnaître des lois contraires à la doctrine de l’Église.
47A travers les analyses des cardinaux, traitées de façon plus détaillée, nous pourrons observer des attitudes allant du plus accomodant à l’intransigeance absolue.
48Antonelli débute par un jugement de valeur sur les décisions de l’Assemblée : « Tout est irrégulier, indécent, très répugnant aux lois ecclésiastiques »66. Le pape doit cependant éviter le schisme, et les concessions sont donc poussées jusque-là ; mais il faut prendre les mesures qui ôteront au système les vices les plus manifestes.
49Le premier vice réside dans le fait que le peuple seul constitue le corps électoral (il oublie en cela que l’article 6 du titre IV autorise les ecclésiastiques à faire partie du corps électoral) ; cela est condamné par les canons67 ; le peuple jadis ne faisait que manifester son désir et rendait témoignage aux mérites de l’élu. Saint Léon écrivait ainsi vers 458 à l’évêque Rustique de Narbonne : « Il n’y a aucune raison de tenir pour évêques ceux qui n’ont pas été élus par les clercs, demandés par le peuple, consacrés par les évêques coprovinciaux avec l’assentiment du métropolitain »68. Le clergé doit participer prioritairement à l’élection. Mais si les hérétiques sont majoritaires ? Antonelli donne l’exemple du chapitre d’Osnabruck qui, selon les dispositions de Clément XI, élit un protestant une fois sur deux, le chapitre étant partagé entre les deux confessions. Et bien le pape absout les chanoines dans le mauvais cas ! Le cardinal semble donc prêt à admettre les risques du système électoral.
50Le deuxième vice réside dans la réception de l’institution canonique du métropolitain, et non du Saint-Père. Cela est conforme à la discipline antique comme en témoigne le Décret de Gratien, distinction 64. Or, Antonelli suit davantage la position modeste de Bernis que celle proposée par la Cour : que le roi ou le métropolitain rende témoignage de l’élu, après quoi le pape enverra la bulle au métropolitain. Il n’est pas question d’envoyer une délégation générale aux archevêques ; on retomberait dans les problèmes de 1682 ; l’unité avec Rome cesserait et l’on donnerait un mauvais exemple à l’Italie et à toute l’Europe.
51Troisième vice : la profession de foi de l’article 18. Ce serait un triomphe des Jansénistes, car on tolérerait leur doctrine par une telle imprécision. Il faut prendre au moins la profession de Pie IV.
52Quatrième vice : l’envoi d’une simple lettre de communion au Souverain Pontife. Après les précisions sur l’institution canonique, on peut tolérer cette lettre, les évêques gallicans ayant déjà abandonné le serment de fidélité au pape (opinion que ne partage pas Borromeo, qui exige le maintien de ce serment).
53Enfin la question du serment, que nous traiterons plus loin en raison de son importance particulière.
54Antonelli tient donc les deux maillons de la chaîne en essayant de ne rien briser pour éviter le schisme. Il pousse jusqu’à l’extrême les concessions en ne lésant pas les droits du Saint-Siège.
55Borgia relève d’abord la présence des non-catholiques parmi les électeurs : dans l’ancien temps, ceux-ci étaient toujours catholiques ! (propositions qu’il faut relativiser quant aux périodes d’hérésies). Mais si le clergé prenait part à l’élection, il n’y aurait plus qu’un transfert de souveraineté entre le roi et le corps électoral ; et le cardinal de faire appel aux principes mêmes de la déclaration des Droits de l’homme pour invoquer l’égalité des citoyens, et donc le droit des clercs à voter. Voilà un premier point à débattre dans le futur concile national. Après quoi reste l’institution : il ne peut être question d’accepter le système de l’Assemblée, car cette institution « est un lien non indifférent pour la conservation de l’unité »69. Rome serait moins qu’un patriarcat. Il est aussi indiscutable que les recours au pape dans les causes en procès sont antérieures au concile de Sardique (343), et l’appel comme d’abus au tribunal civil est inacceptable. Il revient au Saint-Père de juger si la situation en France nécessite la nomination d’un métropolitain pour examiner les élus et leur conférer l’institution canonique. Cette position médiane laisse cependant ouverte une interrogation : comment aurait-on dans un tel cas renégocié avec l’Assemblée les décrets de la Constitution ? Borgia a aussi la présence d’esprit de soulever la question du pallium, cet ornement porté par les métropolitains en signe d’unité avec Rome70. Comment ceux-ci le recevront-ils, sinon d’un légat ? Or la France voudra-t-elle accepter un tel légat ?
56Braschi adopte une position similaire : il démontre que l’élection clero et populo est de tradition, le peuple ayant été évincé peu à peu à cause des troubles attestés en cas de concurrence de candidats et de factions. Saint Cyprien, dans la lettre 67, écrit « c’est de l’autorité divine que vient l’usage d’élire l’évêque en présence du peuple (...) et de faire approuver par un jugement et un témoignage public un élu digne et apte à ces fonctions »71. Le concile de Laodicée, du ive siècle (d’authenticité incertaine), interdit déjà l’intervention de la foule, et la novelle 123 de Justinien ne retient que le clergé et les « premiers » de la cité72. Il suffirait donc de veiller à l’absence des protestants durant le vote, et l’on peut faire confiance aux forces publiques pour éviter les tumultes. Toutefois, Braschi ne veut pas non plus de l’institution par un métropolitain : tout le monde réclamerait le même droit, et « la primatie du pape, réduite désormais à peu de chose, en demeurerait inutile et purement formelle »73.
57Enfin, dans la même orientation, le cardinal Pallota suggére que le pape envoie les Bulles d’institution sans faire aucune référence à l’élection précédente et qu’il prenne appui sur la conscience des archevêques de leur responsabilité.
58Borromeo s’en tire avec un changement de terme : la confirmation par le pape étant l’acte principal, on doit parler non d’élection, mais de postulation ou de pétition d’un candidat74. A cela doit s’ajouter une lettre qui soit plus que de simple communion, avec prestation du serment de fidélité au pape.
59Face à ce parti du « mouvement », se lèvent les protestations les plus vives contre ce qui est perçu comme un renversement complet de l’Église catholique. Albani parle de destruction de l’autorité épiscopale, Busca et Carrara ne veulent pas d’autres intervenants que le roi ; les Dubbi évoquent la coupure totale des liens entre Rome et les évêques. Rezzonico, Roverella et les Dubbi déclarent que jamais le peuple n’a eu ce droit d’élection, son rôle se limitant à reconnaître les mérites d’un candidat.
60Des arguments plus féroces et se voulant plus réalistes sont utilisés par Livizzani : le peuple élit qui lui ressemble, et un regard jeté sur les députés de l’Assemblée permet de deviner qui nous aurions comme évêques75. Si un déiste était élu, le métropolitain devrait se défendre devant un tribunal civil composé des mêmes individus ! Et si le clergé était amené à se prononcer, on susciterait dans ses rangs un état d’esprit mercenaire, on créerait un climat malsain. Tout cela est « intrinsèquement mal ».
61Roverella aborde le problème sous l’angle de la séparation des domaines religieux et civil : il serait totalement erroné de penser qu’élire les évêques est du domaine de la simple discipline à effet civil, car le pontife est avant tout une autorité magistérielle ; de mauvais choix répétés peuvent produire à la longue une altération de la Foi76.
62Valenti Gonzaga a recours à une autre approche théologique : c’est une erreur de faire voter les laïcs, car ils ne sont pas tous prêtres au sens ministériel du terme ; c’est la théologie de Luther et de Calvin qui se dissimule derrière un tel projet77 ; les princes eux-mêmes n’ont pas un droit, mais un privilège de présentation soumis en tout à l’autorité du Saint-Siège. Il cite en outre Bellarmin78 pour démontrer que le peuple n’a jamais eu de droit dans les élections. Pour ce qui est de la vague formule de profession de foi demandée par la constitution, il faut la refuser pour se garder d’un retour du jansénisme. Protestantisme et jansénisme sont à la racine des peurs cardinalices amenant à un refus des réformes.
63Notre examen nous a donné un bel exemple des différentes façons dont la tradition et l’histoire peuvent être relues et interprétées à la lumière de projets allant à contre-sens des tendances contemporaines. La discussion cependant tourne plus autour des qualités nécessaires des candidats qu’elle ne porte sur un débat de fond abordant l’origine de l’autorité épiscopale.
4. Les dispenses
64La particularité de la cinquième demande de la Cour79 est d’être absente comme telle de la Constitution civile. Au plus peut-on trouver un lien avec l’article 4 du Titre I qui interdit à une église de reconnaître l’autorité d’un évêque dont le siège serait sur le territoire d’une puissance étrangère. Il faut aussi le comprendre comme une conséquence de l’absence des liens ordinaires et fréquents entre les évêques et le Saint-Père : certaines dispenses, surtout pour les questions de mariage, sont réservées au pape et à ses tribunaux, auxquels les évêchés doivent donc s’adresser quand des cas se présentent à eux. Les liens étant distendus, il faut par nécessité pastorale que les évêques puissent eux-mêmes les accorder dans leur diocèse. Bernis explique dans son Pour mémoire qu’il s’agira bien d’une mesure temporaire, et que le pape devra préciser les règles d’utilisation de ces dispenses80. L’Archevêque d’Auch évoque par contre des décisions de l’Assemblée d’accorder les facultés aux métropolitains. Et de demander l’acceptation, vu les circonstances difficiles81.
65Un seul cardinal relève l’absence de la demande dans le texte même des décrets : Livizzani trouve la proposition suspecte, elle ne peut être là par hasard, et il n’est pas impossible que les évêques français profitent de la situation pour prendre des pouvoirs qu’ils ne restitueront plus, comme les quinquennales des évêques allemands. Il suggère donc de faire le mort et de passer sous silence la question tant qu’elle ne sera pas l’objet d’une plus grande insistance82. D’autres veulent aussi attendre une question plus précise : Gerdil, et Braschi qui cette fois est hostile à une acceptation. On ferait en effet de chaque évêque un pape83 ! Rezzonico et les Dubbi opinent qu’il s’agirait d’un mauvais exemple et que les intérêts en jeu sont trop importants. Valenti Gonzaga part du principe que de telles dispenses reviennent à l’évêque en cas de persécutions empêchant les rapports avec Rome. En une telle circonstance, il s’agit d’un droit direct et le pape n’a pas à le préciser. Autrement, il n’y a pas lieu d’en parler. Pour les mariages, on peut laisser quelques droits aux évêques, comme à ceux d’Allemagne. Roverella saisit l’occasion pour démontrer que les réformes ne sont pas purement civiles.
66Antonelli et Borgia rappellent que les prélats français possèdent déjà des facultés. On pourrait en étendre les applications si nécessaires pour un temps, mais à condition de montrer la gravité des intérêts en jeu, pour éviter des utilisations abusives. Dans le même sens, Borromeo accepte ces modifications, dans les limites de ce qui a été accordé à l’empereur Joseph II, mais en sachant que l’autorité pontificale est en jeu, que le souverain pontife ne serait plus le chef visible de l’Église et que la situation ainsi créée correspond bien à la définition du schisme84.
67Pour conclure sur ces cinq propositions, remarquons d’abord que les cardinaux les plus conciliants cherchent à justifier l’acceptation des propositions de la cour telles que Bernis les présente dans son Pour mémoire important confidentiel. Il n’est donc pas juste d’accuser le cardinal d’avoir détourné les intentions de la Curie en ne remplissant pas fidèlement son rôle d’ambassadeur.
68Les réponses des cardinaux aux cinq propositions de la cour nous permettent de mesurer combien les clivages ne se fondent pas en soi sur des lectures divergentes de la tradition, même si cela se produit parfois. On penserait plutôt à une vision globale de la situation de l’Église dans le monde, et aux divers modes de compréhension du rôle que chaque personne investie d’une autorité doit tenir. Changer des diocèses ou l’organisation du clergé de la Cathédrale n’est pas de soi le vrai problème ; mais quel modèle du ministère épiscopal se trouve impliqué ? Quelle place laisse-t-on au ministère de l’évêque de Rome ? Or, ce n’est pas sur ce plan que l’Assemblée prétend se situer. Il nous faut donc analyser à présent les voti sous cet angle du jeu des pouvoirs pour mieux comprendre les positions respectives des uns et des autres et mesurer les tensions à leur juste valeur.
Un conflit d’autorités
1. L’Assemblée en son incompétence
69Rappelons simplement que Pie VI a déjà écrit le 10 juillet à Louis XVI que jamais un corps civil n’est en droit de changer des lois sur la hiérarchie établies par des conciles85. L’unanimité est parfaite parmi les cardinaux pour considérer l’incompétence de l’Assemblée à décider de telles réformes, et les conciliateurs prennent toujours soin de rappeler, pour chaque règlement provisoire, qu’ils ne prennent pas en compte pour autant les décrets de la Constituante86. Les cardinaux parlent de « l’Assemblée nationale », mais l’adjectif officiel « Constituante » n’apparaît jamais. Faut-il y voir une volonté politique de bouder le chemin pris par la France ?
70Pour Albani, les décrets émanent d’une puissance incompétente qui exclut l’autorité du chef de l’Église87 et, avant le 21 septembre, sa propension à transiger ne met pas en jeu une quelconque reconnaissance du droit de l’Assemblée. Antonelli tient son action comme une usurpation88 ; elle est un puissant adversaire de l’ordre de l’ancien régime, un véritable contre-pouvoir. Aussi n’acceptera-t-elle pas le moindre acte d’autorité du Saint-Père. Mais ce contre-pouvoir a la fragilité de son origine : l’esprit de division et la fureur du peuple peuvent se retourner contre l’Assemblée. Il est juste par conséquent de la part du pape de donner les sanations nécessaires pour pallier l’illégitimité de ses actes89, et le roi a bien agi en se tournant vers Rome. Archinto se place dans une vision plus historique : « tant de fois les magistrats et les puissances laïques se sont arrogé l’autorité de mettre les mains dans le Sanctuaire »90. Pour Borgia, le roi a sanctionné des lois contraires à la liberté de l’Église et à sa constitution91. Mais les décrets proviennent d’une « violence » à laquelle on ne peut résister. Borromeo se fait illusion en pensant que les cinq propositions supposent l’abandon du reste de la Constitution. Gerdil exige en premier lieu de déclarer nul et abusif tout attentat d’un corps politique contre les lois et la discipline de l’Église. Il convient donc de traiter directement avec le roi en ignorant superbement l’Assemblée92. Roverella la décrit sans complaisance comme « une union de séditieux, de rebelles à leur souverain, et une union de mécréants, qui tend à détruire la primauté du Saint-Siège, le dogme et la religion catholique »93. Par une telle analyse, il se plaçait sur un plan religieux autant que politique, on peut même dire que le religieux définit l’interprétation du politique. La division des deux domaines est-elle plus claire chez les cardinaux qu’à l’Assemblée de Paris ? Zelada prend un ton pathétique pour déplorer « l’énorme attentat »94 qui provoque la douleur du Saint-Père, par le fait de s’attribuer une puissance illégitime, en forçant de plus la main du roi. Rezzonico, Valenti Gonzaga et Colonna estiment aussi les réformes illégitimes.
71Deux hommes vont plus loin et franchissent le pas de la démarche purement politique : Braschi et Livizzani se réunissent curieusement pour considérer qu’il ne faut en rien reconnaître une quelconque légitimité à l’Assemblée. Seul le roi demeure l’autorité légitime et compétente. Mais leur conclusions sont diverses, puisque Braschi95 en retient que seul le pape peut prendre une décision, tandis que Livizzani96 avance qu’une acceptation serait une approbation tacite d’un rassemblement illégal et non-reconnu. On passerait alors par dessus les évêques qui ont refusé de participer au débat. Il faut suivre les évêques qui ont protesté dès le début de l’incompétence de l’Assemblée. Et pourtant, par ce discours, Livizzani place en porte-à-faux les mêmes évêques qui demandent une action du pape. « La pluralité de l’Assemblée Nationale a son principe régulateur, qui est celui de détruire toute puissance divine et humaine »97. Politique et religion se retrouvent encore curieusement mêlées. Si les cardinaux ne reconnaissent pas le droit de l’Assemblée à légiférer sur le plan religieux, ils ne vont pas, comme Braschi et Livizzani, jusqu’à rejeter entièrement le nouvel ordre politique et son nouveau système de représentation nationale.
72Nous percevons dès ce premier examen combien les différents pouvoirs sont imbriqués les uns dans les autres. Pour preuve, le fait que le sixième dubbio propose de compter sur les ecclésiastiques de l’Assemblée pour remettre les choses en ordre98. Il est permis de penser que la Curie a une vue un peu étroite des buts et de la raison d’être de l’Assemblée ; détruire l’Église n’est pas forcément l’objectif premier des députés, même si certains y songent. De plus, nous sommes alors dans la première partie de l’ère des réformes, celle où l’on attend beaucoup des changements de structures. Les cardinaux restent les yeux rivés sur la personne du roi : analysons maintenant comment ils la considèrent.
2. Le roi très chrétien
73Dans sa lettre du 28 juillet99, Louis XVI rappelle son zèle pour la religion catholique et son attachement au Saint-Siège et proteste de sa qualité de Fils aîné de l’Église, de protecteur des canons et des lois. C’est donc en pleine conscience de ses droits qu’il se tourne vers le pape pour obtenir les arrangements. Le premier mémoire de Bernis insiste sur les qualités du roi qui, sacrifiant ses prérogatives, a cependant toujours défendu celles du sacerdoce. Il faut donc le conforter dans cette position et l’encourager à ne pas compromettre son Église. Mais alors que la lettre du roi proclame son intention de signer les décrets, les Propositions de la Cour commencent par insister sur le caractère contraint de cette approbation. C’est sur le conseil de sa piété qu’il rejette le schisme et recourt donc au pape, préférant ne pas passer par la convocation d’un concile national, « inconciliable avec les intérêts spirituels et temporels de son royaume »100. Il est aussi intéressant de relever que le roi demande à être l’intermédiaire unique des négociations entre Paris et Rome101, étant le centre de la correspondance avec le pape sur les affaires ecclésiastiques. Louis XVI en cela se pose en héritier de la tradition royale française.
74Le ton change dans les Observations. La première question de Bernis s’interroge sur les raisons de l’approbation royale : or c’est que le roi n’a plus, selon lui, que « l’apparence de la liberté »102. Et si les ministres zélés de Sa Majesté lui conseillent la signature, c’est pour prouver plus facilement cette absence de liberté. Il n’a signé que sur les aspects civils, se réservant les questions religieuses. Bernis reprend donc les affirmations des deux documents précédents, mais en infléchissant leur sens vers une décharge de la responsabilité du roi, en diminuant par là-même le poids de son autorité réelle dans le pays. Le Pour-mémoire, enfin, demande une partie doctrinale dans laquelle le roi serait averti des erreurs inadmissibles contenues dans les décrets. Néanmoins le roi y apparaît encore comme l’intercesseur, celui qui implore le pape de ne pas jeter la France dans le schisme et qui adoptera sur place les mesures préconisées : bref, un intermédiaire interne à l’Église, un dernier rempart contre les prétentions de l’Assemblée. Mais en refusant l’idée de concile ou des commissaires, ce même roi crée un écran entre l’Église gallicane et Rome. Et Pie VI justifiera toujours son attente par son désir de connaître l’avis de l’épiscopat ! D’où l’aspect ambigu de la place tenue par Louis XVI.
75Antonelli reprend les positions de Bernis sur l’impuissance de Louis XVI à s’opposer à l’Assemblée. Il est excusable dans la mesure où il a voulu recourir à la puissance ecclésiastique. Antonelli est donc réaliste sur le bouleversement des pouvoirs en France. De même Borgia excuse le roi d’avoir cru au caractère civil des décrets. Il faut donc l’assister paternellement, sans lui cacher qu’il a approuvé des lois directement contraires à la liberté de l’Église et à l’exercice de son autorité. A cette position s’opposent nombre de cardinaux, qui veulent traiter avec l’autorité royale dans le but de ne pas reconnaître celle de l’Assemblée, comme nous l’avons montré plus haut. C’est la position de Braschi et de Gerdil : « Le souverain, que nous devons considérer comme l’unique représentant de la puissance publique »103. Il est notable que Gerdil veut s’appuyer sur le roi pour procéder à la reconnaissance officielle des évêques élus, alors qu’il ne rejette pas tous les accommodements. Il veille à préserver un ordre ancien des pouvoirs au cœur même des modifications de la Révolution.
76Dans un schéma classique du roi comme intermédiaire entre le pape et les évêques, nous retrouvons Albani : le roi est « l’exécuteur des dispositions pontificales »104, mais il aurait dû opposer résistance à la violence : il faut donc lui exposer ouvertement ce qu’on aurait été en droit d’attendre de lui, sans surcharger sa conscience, et rappeler que l’on compte sur lui pour maintenir l’Église105. Roverella veut aussi exposer au roi tous les torts de la Constitution civile ; Valenti Gonzaga demande d’implorer sa religion pour qu’il se ressaisisse. Archinto nous apporte un autre argument : il faut rendre Louis XVI conscient de ce que la ruine de l’Église serait la ruine de la monarchie. Les deux autorités sont inséparables, et le roi est en train de saper ses pouvoirs en laissant l’Église se réformer sans son contrôle.
77Borromeo et Livizzani sont réalistes et « détachés » sur cette question : on ne peut faire porter au souverain pontife la responsabilité des malheurs de la France, comme si l’acceptation commandait le sort futur de l’Église et du roi106. Si celui-ci abandonne tous ses pouvoirs, qu’y pouvons-nous ? Louis XVI sanctionne un « précipice »107 ouvert par l’Assemblée, et l’on appelle le pape au secours ! Livizzani va jusqu’à penser que le roi attend une désapprobation du pape pour réagir108, et que cela renforcera le parti anti-révolutionnaire.
78Il reste un dernier raisonnement, celui des Dubbi, où nous trouvons une position enfin réaliste sur les circonstances : le roi n’ayant manifestement plus de pouvoir, comment seront appliquées en France les décisions du Saint-Siège ? Et quant à savoir s’il faut passer par l’intermédiaire du roi, ou directement par les évêques, le choix de ces derniers est préférable pour laisser au pape toute liberté de manœuvre vis-à-vis du pouvoir politique. Nous assistons donc au premier véritable retournement des pouvoirs, avec un pape qui se séparerait de la figure royale pour agir en pasteur universel sans plus d’intermédiaire « civil ». Ce sont les évêques qui sont les pasteurs, c’est à eux que le pape doit s’intéresser, et il faut se méfier de ce que le roi ne falsifie par crainte les réponses de Rome ; Rome se méfiait-elle à la suite de la non publication des premières réserves de Pie VI dans le consistoire secret en mars 1789 ? Antonelli, lui aussi, appelle de ses vœux un bref envoyé aux évêques au cas où le roi cacherait la réponse pontificale109.
79On ne doit pas omettre l’influence du courrier arrivé à Rome le 21 septembre, qui annonce la signature du roi et la promulgation imminente des décrets. Cette information contribue à décourager les cardinaux sur la capacité d’initiative de Louis XVI dans les éventuels arrangements. Albani et Zelada sont de bons exemples de cet état d’esprit de pitié et de tristesse à l’égard de la faiblesse du roi. On peut en conclure qu’il existe dans un premier temps une certaine illusion sur l’autorité restant au monarque absolu, et que la Curie mit du temps avant de mesurer l’ampleur des bouleversements politiques.
80Antonelli est le seul à évoquer le rôle des autres princes temporels. Il note qu’ils ne sont pas intervenus par jalousie, par impuissance, ou pour ne pas allumer une guerre civile en France110. Les princes dépossessionnés d’Allemagne n’ont fait que des remontrances inutiles. Sur la question de savoir dans quelle mesure les arrangements provisoires pourraient donner de mauvaises idées aux souverains d’Europe, il objecte qu’aucun d’eux ne souhaite connaître de tels troubles dans son pays, et que l’argument ne vaut donc pas111. Rappelons simplement que Braschi ne croit pas au succès d’une contre-révolution.
3. La figure du ministère pontifical
81La lettre du 28 juillet du Roi à Pie VI est sur le fond assez directive à l’égard du pape : devant les questions soulevées, Louis XVI s’en remet certes aux observations que le pape fera avec « la franchise et la dignité qui conviennent à son ministère »112, mais il ne doute pas que Sa Sainteté veillera avant tout à prévenir une division funeste. C’est avec confiance qu’il se tournait vers lui ; or il venait de recevoir la lettre de Pie VI du 10 juillet, qui le mettait en garde clairement.
82Dans sa deuxième lettre du 17 août, Pie VI affirme que le recours à Rome est nécessaire « pour ne pas s’écarter des règles canoniques, et de la discipline de l’Église universelle »113 ; l’Église seule doit statuer sur le spirituel, et le temporel doit simplement prêter son assistance pour l’application des décrets. Dans les temps d’anarchie, l’Église use de patience et de longanimité, mais aussi « de fermeté dans l’observation exacte des préceptes catholiques ». Le pape apparaît donc ouvert dans une attitude de respect et de patience, mais les principes sont clairs, et Louis XVI ne peut se permettre, selon lui, de les ignorer.
83Du côté de la cour, le ton des propositions s’efforce de disculper le roi au nom des malheurs du temps et d’implorer la bonté de Sa Sainteté. Il doit être mû par « son zèle pour la foi, sa charité pour les fidèles, et son affection paternelle pour le roi... »114. Certes les questions sont importantes et le roi admettra que le pape prenne son temps pour les confronter au dépôt de la foi, mais il doit fournir une réponse provisoire. Et le Saint-Père doit profiter de cette occasion d’entretenir des liens étroits avec l’Église Gallicane, sachant bien que Rome est « le centre de l’unité catholique »115.
84Albani offre une belle liste des titulatures utilisées pour désigner le pape : vicaire de Jésus-Christ, chef visible de l’Église, pasteur suprême... Les cardinaux joueront toujours sur les deux responsabilités du Saint-Père : exercer une sollicitude paternelle pour son troupeau et accomplir les devoirs inaltérables du ministère apostolique116 ; montrer la moindre connivence avec l’Assemblée serait trahir les devoirs sacrés du pape ; il faut donc se prononcer clairement, tout en suspendant pour l’instant les éventuelles sanctions. Le pasteur suprême doit avertir le roi et confirmer ses frères dans l’épiscopat, qui recourront avec profit à Rome pour « le conseil, l’aide et le réconfort »117. Cela mettra en valeur son rôle essentiel, qui est de maintenir la hiérarchie catholique et son unité autour de sa personne118. Il ne doit pas craindre de reprendre ceux qui sont dans l’erreur et, à ce titre, il avertira particulièrement l’évêque d’Autun119.
85Antonelli commence par traiter du bon usage de la puissance spirituelle du pape : il ne doit pas pour l’heure en user car il y a trop « d’errants », et ces peines ne peuvent s’appliquer qu’à des personnes précises, à titre local et médicinal120. Il cite les papes qui dans le passé ont échoué dans l’usage de la force, ou plutôt qui suscitèrent des schismes ou des plaies difficiles à refermer : Grégoire VII, Alexandre III, Innocent III, Boniface VIII, Innocent IV, Jean XIII, Clément VII, Paul V et Sixte V... Antonelli n’hésite pas à prendre en exemple des hommes qui ont par ailleurs la mémoire de grands pontifes. En clair, il faut maintenir intacte la Foi (et donc imposer la profession de Pie IV aux évêques), mais se montrer compatissant envers la faiblesse des fils. D’où le recours à l’accord des métropolitains pour Rennes, à l’accord des évêques pour les modifications territoriales, car, quelque étendus que soient les pouvoirs du souverain pontife, il doit veiller à la paix de l’Église.
86Cette figure paternelle du pape, nous la retrouvons chez Borgia : il faut veiller à tranquilliser les consciences des fils de l’Église. La formule canonique du pape qui doit conserver fidei unitas et morum honestas revient à plusieurs reprises sous sa plume121. De même, Gerdil rappelle que les papes se sont montrés larges pour éviter les schismes. En faisant des concessions ad tempus, tout en déclarant nuls les décrets, Pie VI montrera au monde qu’il reste le maître de l’Église Universelle122. Borromeo et Braschi présentent également un pape prêt à accepter des réformes, tant que le dogme et sa primauté seront respectés.
87Livizzani présente bien sûr les exigences de la fermeté dont le pape doit faire preuve, disant qu’il faut utiliser le langage de l’Évangile et la prudence du Christ : il recourt aux Écritures en rappelant les mots du Christ à saint Pierre123 et ajoute qu’il ne faut point perdre son âme pour la sagesse du monde124. Faisant aussi mémoire de la crise anglicane, il insiste sur les liens de l’unité dont le pape est le garant : on ne peut se taire devant une telle destruction de la hiérarchie ecclésiale, et le ministère du souverain pontife est de construire, non de détruire. Il ne peut être tenu pour responsable devant Dieu de la situation en France125 ; les acceptations se sont toujours retournées en vexations pour le Saint-Siège ; l’Église des premiers siècles a su s’étendre au milieu des persécutions126.
88C’est donc un pape gardien de la discipline universelle, des canons et de l’unité de l’Église, tant sur le plan de la foi que sur celui de la hiérarchie, que nous présentent les cardinaux.
4. Le ministère épiscopal et le concile national
89Les documents du dossier remis aux cardinaux ne laissent pas une place prépondérante aux évêques gallicans. Louis XVI n’en parle pas dans la lettre du 28 juillet ; les propositions de la cour évoquent des ministres persécutés qui attendent tout du Saint-Père, sachant que le concile, demandé par certains, ne paraît pas selon le roi conciliable avec « les intérêts spirituels et temporels de son règne »127. La réponse devra parvenir uniquement au roi. Il est curieux de constater dans ces textes, rédigés sur le conseil de Boisgelin, un tel effacement du ministère épiscopal. Est-ce pour ne pas se compromettre vis-à-vis de l’Assemblée ? Et-ce le désir du roi de tout prendre sur lui, en raison de la conscience vive du clergé du caractère irrecevable des réformes ? Nous devrons reprendre à cette question.
90Bernis expédie rapidement le concile dans ses Observations, comme indésirable pour les deux parties. Le Pour mémoire présente un clergé de France dont tous les regards seraient tournés vers Rome. Il faut en profiter pour les prévenir contre la fausseté des maximes de l’Assemblée. Ce texte parle d’instruire l’épiscopat et de lui concéder les arrangements nécessaires à la conservation de la paix de l’Église. N’oublions pas le mémoire de l’Archevêque d’Auch, témoin de l’attitude expectative et interrogative des prélats français devant les décrets...
91Quant au pape, on sait qu’il répondra toujours vouloir s’en remettre aux avis et conseils des évêques du pays. On mesure alors l’enjeu que constitue la place du ministère épiscopal dans cette affaire, et combien elle commande les attitudes des protagonistes pour les années suivantes. Nous aurons à nous souvenir de ce fait quand nous étudierons la théologie de l’épiscopat alors en mûrissement à Rome.
92Sous la plume des cardinaux, l’épiscopat n’est pas des plus présents. Albani indique que ce sont eux qui connaissent mieux que quiconque les besoins de leur Église et qu’il faut donc les écouter en priorité, les conforter face à la violence subie, leur montrer des exemples de courage et de résistance128. Pour Antonelli également, il faut louer leur zèle à ne pas se détacher de Rome et compter sur le pape pour défendre les droits de l’Église ; il va même plus loin et demande qu’une encyclique soit adressée aux évêques, car ils méritent une aide spéciale, différente de celle au roi ; ne pas leur écrire serait ne pas avoir confiance dans le corps respectable des évêques de France129. Antonelli se démarque donc de ce silence prudent à l’égard du corps épiscopal.
93Sur la question du concile national et des commissaires, les réponses sont plus prolixes. Son enjeu était bien plus important.
94Pour Antonelli, une telle assemblée n’est pas possible ni souhaitable, compte tenu des circonstances : « l’esprit de l’Assemblée » domine la France, et le clergé n’est plus un corps moral suffisamment reconnu pour qu’il puisse légiférer librement130. Les commissaires sont encore moins souhaitables, car « ils formeraient un règlement sur la base de la liberté gallicane »131. Le spectre du gallicanisme influence de manière négative l’examen des deux projets de voie de règlement, avec le souvenir de l’affaire des évêques appelants au concile général contre la bulle Unigenitus. Roverella adopte une attitude semblable : un concile, comme des commissaires, ne jouiraient pas des libertés nécessaires, et ne pourraient être dirigés par un légat pontifical132. Braschi argumente sur le caractère compliqué de telles institutions. Un rassemblement des évêques ne serait sans doute pas accepté par l’Assemblée ; il ne ferait que multiplier les désordres et les perturbations133. De même, des Commissaires gêneraient la liberté de manœuvre du Saint-Siège.
95Dans une orientation opposée, nous retrouvons Borgia et les Dubbi. Borgia pense qu’un concile permettrait de déterminer un consensus, de poser des règles d’actions sûres et unifiées. « Le clergé a beaucoup perdu de son crédit, et de son autorité pour avoir omis la célébration des conciles, qui sont en substance instruments de bonnes œuvres, et desquels, à commencer par saint Pierre, s’est servie l’Église pour enlever les erreurs, et pour déterminer la vérité de la foi, et les justes règles de la morale »134. Nouvel exemple de la façon dont cet homme peut faire appel à la tradition pour ouvrir avec confiance des possibilités sur l’avenir. Les Dubbi adoptent un ton proche : l’Esprit-Saint veillera sur une telle assemblée, et le pape sera libre de négocier avec elle sans autres intermédiaires, évitant des tractations difficiles et longues. Quant aux commissaires, on peut en envoyer ad referendum, avec un bref limitant leur rôle de manière précise, en respectant la place du nonce qu’il faut ménager, le tout pour informer le pape.
96Le concile a quelques défenseurs de l’autre coté des Alpes, mais tout joue contre lui : l’Assemblée ne peut que se défier de ce qui serait vite devenu un contre-pouvoir dans le pays, ou tout au moins un pouvoir fort et indépendant ; la cour se serait trouvée ainsi liée par un intermédiaire incontournable ; le Saint-Siège se devait de craindre un clergé par tradition indépendant vis-à-vis de lui. L’Assemblée devait craindre un refus de la Constitution ; Rome pouvait craindre une acceptation ou des arrangements trop compromettants. C’est donc pour des raisons en soi contradictoires que l’idée est enterrée par les différents partis. Mais il est clair que, dans ce débat entre le nouveau pouvoir temporel installé en France et l’Église, le corps épiscopal peut apparaître sous-estimé, alors qu’il est le premier concerné par les réformes. Il y a là une seconde anomalie, après celle qui concerne la nature du pouvoir exact du roi, dans ce que nous appelons le jeu des autorités. Pourtant, on paraît vouloir préserver l’indépendance de ce corps ecclésial.
97L’Assemblée utilise, à partir de novembre 1790, la question du serment comme moyen de pression sur le clergé pour hâter la mise en application de la Constitution. Ce faisant, elle généralise le serment prévu pour les prélats élus, serment de fidélité à la Constitution et aux lois du pays. Or, sur ce qui deviendra le point névralgique du schisme et l’objet des peines canoniques au printemps 1791, nous avons déjà chez les cardinaux trois réactions hostiles.
98« Ce serment me semble intolérable » s’exclame Antonelli135. Les lois de l’Assemblée sont injustes, les principes de la déclaration des Droits de l’homme sont faux et impies, leur prêter serment serait sacrilège. Si l’évêque les désapprouve en conscience, il ne peut invoquer le nom de Dieu et jurer. S’il les approuve, il est indigne de l’épiscopat. On retrouve cette idée chez Livizzani136 : « On ne peut intrinsèquement reconnaître pour évêque quelqu’un qui aurait prêté serment ». Aucune théologie ne peut légitimer le parjure, et l’Assemblée ne disposant pas de l’infaillibilité, on ne peut ainsi lui laisser un blanc-seing. Par ailleurs, cela revient à demander aux ecclésiastiques de consacrer la nouvelle situation politique du roi.
99Le sixième dubbio notifie aussi que ce serment lierait les évêques à des lois qui toucheraient ensuite à nouveau à la discipline, et peut-être au dogme.
100Les cardinaux se gardent toujours d’établir tout lien avec l’Assemblée, et par là soutiennent la liberté politique de l’épiscopat. Comptent-ils sur lui pour autant ?
101La nécessité, sur laquelle tous s’accordent, de donner une réponse au roi entraîne la rédaction d’un bref. Les voti, c’était d’usage, constituent les ébauches des lettres pontificales, et il est normal que les cardinaux concluent généralement leur texte en donnant un plan et les idées directrices pour cela. Ils sont bien sûr sous l’influence du projet présenté par Bernis dans le mémoire important confidentiel, et doivent réagir à la demande du garde des sceaux d’un bref romain aux évêques, pour que ces derniers ne posent pas d’obstacles aux réformes. Bernis suggérait de commencer par la condamnation des principes de la Révolution, qui mettent en cause la juridiction des autorités spirituelles et mettent en danger l’unité de l’Église. Pie VI se retient donc de tout condamner en bloc. C’est par sens pastoral, pour calmer les consciences, qu’il donne son accord aux cinq propositions de la cour, avec les arrangements nécessaires, et pour un temps limité.
102Les cardinaux vont reprendre ce projet, mais en conservant le caractère duel du bref adressé au roi, et de la lettre encyclique destinée aux évêques : il convient de toucher le souverain, mais aussi les pasteurs. Albani suggère ainsi de rappeler au roi ses devoirs par une lettre confidentielle, mais aussi de confirmer les pasteurs dans la foi137. Il demande une condamnation nominale de Talleyrand. Antonelli argumente qu’écrire au seul monarque serait manquer de respect aux prélats. Ceux-ci comprendront mieux que le pape cède uniquement pour éviter un schisme. Pour Archinto, il faut dire sans ménagement au roi qu’il a empêché par son premier accord la poursuite des négociations, et louer les évêques de leur résistance138. Borgia place l’utilité de la lettre aux évêques dans la perspective d’une convocation pour un concile national. Braschi y voit l’occasion de leur demander de se céder mutuellement les juridictions, Carafa de les inciter à la prière !139 Il ajoute qu’il faut remercier par une lettre personnelle les évêques d’Aix, d’Auch et de Clermont. Livizzani conseille enfin un bref confidentiel aux deux ministres ecclésiastiques pour leur expliquer qu’aucune raison d’État ne peut prévaloir pour l’acceptation de telles réformes140. Notons que le Dubbio no 6 préconise une lettre secrète au roi l’informant en premier d’un refus du pape.
103Les cardinaux, derrière la méfiance qu’ils expriment parfois, restent donc attachés au respect de l’autorité épiscopale. De fait, elle constitue la principale victime des réformes, et l’accord du roi a pour conséquence d’en faire désormais les seuls interlocuteurs responsables. Parler aux évêques pour les inviter à tenir leur place avec fermeté, c’est déjà minimiser le rôle du roi, et en même temps éviter une trop forte implication de Rome. Nous mesurons mieux encore l’impact du courrier du 21 septembre, et nous comprenons que Bernis pourra résumer la teneur des échanges de la congrégation en écrivant à Paris que les cardinaux sont d’avis d’envoyer un bref paternel au roi sur la doctrine, et un autre aux évêques « pour les affermir dans les bons principes en les exhortant à lui fournir des moyens de tranquilliser les consciences sans exciter de nouveaux troubles »141. Résumé qui évite d’évoquer les différences d’appréciation internes à la Curie, mais donne un résultat final qui n’engage à rien et laisse les évêques seuls devant la situation. En se tournant vers les évêques, Rome légitime sa lenteur, mais abandonne ceux-ci dans une inconfortable position.
104Au 24 septembre 1790, les positions romaines apparaissent donc beaucoup plus ouvertes qu’on pourrait s’y attendre. Or, plus de six mois séparent cette congrégation de la formulation officielle du refus pontifical. On a parlé du « silence » de Pie VI. Les cardinaux lui conseillaient d’écrire... On a l’impression que la rapidité des décrets parisiens paralyse les réponses romaines. On déclarait attendre une détermination de l’épiscopat français : celle-ci vint, mais Rome attendit encore. Il faut à présent examiner les éléments de la rupture du printemps 1791, pour en tirer ensuite les conséquences et les interprétations théologiques.
Notes de bas de page
1 P. Blet, « Garampi et la Constitution civile du clergé », in Miscellanea in onore di Mons. M. Giusti, Cité du Vatican, Collectanea Archivi Vaticani no 5, 1978, vol. I, p. 131-159. Voir aussi : G. Pelletier, « 24 septembre 1790, la Constitution civile du clergé devant la Curie romaine », in Mélanges de l’Ecole Française de Rome : Italie et Méditerranée 104 (1992), p. 695-735.
2 AAEESS, Francia 1790, fasc. 10, f. 60. Les références aux avis seront désormais données par deux chiffres : le premier est le numéro de fascicule, le second la page.
3 « Questo silenzio sarebbe ancora una tacita approvazione di tutto quello, che l’assemblea ha fatto contro la Chiesa, e dell’usurpazione di que’diritti, che non le potevano mai competere ». 10, 58.
4 Theiner, p. 264.
5 Ibid., p. 267.
6 AE, Rome 913, f. 32.
7 « La smania dell’independenza e dell’insubordinazione », « incredula, licenziosa, e insosterenta l’autorità ». 10, 59.
8 « L’incredulità che chiamasi filosofia ». 11, 62.c
9 11, 63 et 11, 67.
10 Cf. Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
11 « ogni religione vada al pari con la vera ; che si lasci ciascuno in piena libertà non solo di essere eretico, o miscredenti, mà anche di esternare, di domatizare, stampare gli empi suoi sentimenti ». 11, 73v.
12 10, 58.
13 « sono si falsi i principi adottati... ». 10, 64v.
14 P. alvazzi del frate, Roma e la Rivoluzione francese, l’ottantanove e il giornalismo politico romano, Rome, 1989 ; « Tra Rivoluzione e reazione : il giornalismo politico nello Stato Pontificio (1788-1793) », in La Rivoluzione nello Stato della Chiesa, a cura di L. Fiorani, Pise-Rome, 1998, p. 133-146.
15 ASV, Segr. Stato, Epoca Napol., Francia, XXI/2, 7.
16 11, 79-81.
17 Theiner, p. 266. On remarquera à plusieurs reprises la proximité des deux hommes, Livizzani et Bernis.
18 Voir E. Delaruelle, E.-R. Labande et P. Ourliac, L’Église au temps du grand schisme et de la crise conciliaire, Paris, 1962, p. 360-368 et M. Mollat du Jourdain (dir.), Un temps d’épreuve 1274-1449. Histoire du Christianisme, VI, Paris, 1990, p. 640-644.
19 « Suo infrangimento non mi da pena ». 10, 63v.
20 10, 43.
21 E. Préclin et E. Jarry, Les luttes politiques et doctrinales aux xviie et xviiie siècles, (Histoire de l’Église de A. Fliche et V. Martin, vol. XIX), Paris, 1955-56, 2 vol. ; M. Venard, L’âge de raison (1620-1750), Histoire du Christianisme vol. 9, Paris, 1997.
22 10, 80v.
23 Le fascicule 15 des archives des AAEESS, Fonds Francia, contient des éléments de la correspondance entre la France et Rome sur les quatres articles de 1682.
24 Archives Parlementaires, XVI, 14-15.
25 Theiner, p. 264.
26 « preservar la Francia da uno scisma che sarebbe non solo di danno irreparabile alla Chiesa ed al regno, ma anche di scandalo ed esempio contaggioso e funesto a tutto l’orbe cattolico ». Ibid. p. 267.
27 Ibid. p. 274.
28 « Stabilimento del sistema scismatico tendente all’esterminio totale della religione ». 11, 61.
29 9, 55.
30 « Di nome, e di fatto ». 11, 31v.
31 11, 34.
32 11, 73.
33 11, 77.
34 11, 93v.
35 10, 28v.
36 10, 59.
37 Theiner, p. 269.
38 Ibid., p. 273.
39 Ibid., p. 286-287.
40 Cette lettre se trouve dans Theiner, p. 296 (d’après ASV, Segr. Stato, Epoca Napol., Francia, XXIII, 11), et aux Archives Nationales en C 183, 2.
41 Les évêchés de Corse sont : Aleria, Mariana, Nebbio, Sagone et Ajaccio. Ils sont suffragants de l’archevêque de Gènes en 1789.
42 AP, XVI, 43.
43 Signalons que de telles modifications de la carte des diocèses relevaient des compétences à Rome de la Congrégation de la Consistoriale.
44 11, 57-60.
45 11, 95v.
46 « un vincolo divino che non può togliersi ». 10, 43v.
47 PL 54, 879 ; 885 et PL 77, 609.
48 11, 94v.
49 10, 31.
50 11, 90.
51 « Patrocinatore del nuovo sistema ». 11, 32.
52 Guillaume-François-Charles Goupil de Prefelne, Tiers-état, Alençon, (1727-1801), DC, p. 418-419.
53 AP XVI, p. 142.
54 Theiner, p. 291.
55 Ibid., p. 293.
56 11, 46v.
57 10, 45.
58 11, 97v.
59 10, 32v.
60 Le canon sur les offices du Concile d’Arras, en 1025. PL 142, 1303.
61 9, 39v – 40. « io scorgo qualche cosa di capsioso ».
62 Pape de 1159 à 1181.
63 Theiner, p. 270.
64 Ibid., p. 288.
65 Denzinger-Schonmetzer, no 1862-1870. C’est la profession de foi anti-protestante qui ajoutait au credo la défense du septénaire sacramentel, du caractère sacrificiel de l’Eucharistie, etc.
66 « Tutto è irregolare, indecente, ripugnantissimo alle leggi ecclesiastiche ». 10, 77.
67 Concile de Nicée II, canon 3
Concile de Constantinople IV, canon 20
Concile de Trente, Session 23, ch. 4 : DS 1769 : «... in ordinatione episcoporum, sacerdotum et ceterum ordinum nec populi nec cuiusvis saecularis potestatis et magistratus consensum sive vocationem sive auctoritatem ita requiri, ut sine ea irrita sit ordinatio... »
68 PL 54, 1203.
69 « È un legame non indifferente per la conservazione dell’unità ». 9, 43.
70 Sur l’origine et l’histoire de cet ornement du pape, puis des archevêques métropolitains, voir B. Schimmelpfennig, « Ornements liturgiques du pape », in DHP, p. 1233-1234.
71 Cité dans J. Gaudemet (dir), Les élections dans l’Église latine des origines au xvi siècle, Paris, 1979, p. 14.
72 Ibid., p.19 et 47.
73 « La primazia del Papa alla qualle ormai pocco più è restato, che questo, rimarebbe inutile e posso meno che di nome ». 11, 99.
74 11, 33.
75 11, 83.
76 11, 40v.
77 10, 45.
78 de clericis. Liv. I.
79 Theiner, p. 270.
80 Ibid., p. 280.
81 Ibid., p. 293.
82 11, 87.
83 11, 99v.
84 11, 33v.
85 Theiner, p. 6.
86 Selon le conseil de Bernis : Theiner, p. 279.
87 11, 59v.
88 10, 58.
89 10, 64.
90 « Quante volte i Magistrati e le Podestà Laiche si sono arrogata l’autorità di mettere le mani nel Santuario ». 9, 55v.
91 9, 33.
92 « Una unione di sedizioni, e ribelli al suo Sovrano, e una unione di miscredenti, che tende a distruggere la primazia della S. Sede, il dogma, e la Cattolica Religione ». 10, 27.
93 11, 45v.
94 11, 26.
95 11, 93.
96 11, 76.
97 « La pluralità dell’Assemblea Nazionale ha il suo principio regolatore, che è quello di distruggere ogni Potestà Divina, ed umana ». 11, 73.
98 10, 117.
99 Theiner, p. 264.
100 « Non conciliabile cogl’interessi spirituali e temporali del suo regno ». Ibid., p. 268.
101 Ibid., p. 270.
102 Ibid., p. 272.
103 « Il Sovrano, che devesi considerare da noi come l’unico rappresantante della podestà publica ». 11, 47.
104 « Il Rè Xmo... che si è esibito per esecutore delle pontificie disposizioni... ». 11, 64.
105 11, 64v ; 67v.
106 11, 31 ; 75.
107 11, 91v.
108 11, 89. « Sembra certo, che il Rè veramente, e nel suo interno avra più inter-esse, e piacere nella disapprovazione, che Roma faccia di qualunque patto del l’Assemblea, che non della approvazione, mentre cosi il partito opponente, che è partito del Rè, si rafforzera vieppiù, anche per nuovo principio di religione ».
109 10, 88.c
110 10, 57.
111 10, 62-63v.
112 Theiner, p. 264.c
113 Ibid., p. 15.
114 « Il suo zelo per la fede, la sua carità per i fedeli, ed il suo affeto paterno per il re... ». Ibid, p. 268.
115 Ibid, p. 271.
116 11, 61v.
117 11, 88v.
118 11, 65v.
119 11, 70.
120 10, 58v.
121 9, 35.
122 10, 37.
123 11, 82. cf. Mt 16,18.
124 11, 88.
125 11, 92.
126 11, 89.
127 Theiner, p. 268.
128 11, 68v ; 69v.c
129 10, 88v.
130 10, 66v.
131 « Formarebbero un regolamento sulla base della libertà Gallicana ». Idem.
132 11, 37v.
133 11, 94v.
134 « Il clero a molto perduto del suo credito, e della sua autorità per aver omesso la celebrazione de’Concili, che in sostenza sono istrumenti di buone opere, e de’quali, incominciando da S. Pietro, si è sempre servita la Chiesa per togliere gli errori, e per determinare la verità della fede, e le giuste regole della morale ». 9, 35v-36.
135 10, 82.c
136 « Non si puo intrinsecamente riconoscere per vescovo uno, che si sa abbia giurato ». 11, 84-85v.
137 11, 64v.
138 9, 57v.
139 9, 97.
140 11, 91v.
141 AE, Rome 913,32. Courrier du 29 septembre.
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