Chapitre 12. Poursuivre la révolution sans ses chefs. Les mobilisations passives des années 1850
p. 407-439
Texte intégral
1La répression qui a suivi la révolution de 1848 a engagé des mutations importantes parmi les opposants à la monarchie. Elle a décimé le courant libéral, dont une grande partie des acteurs a subi des peines de prison ou pris part à l’exil politique. Les anciens chefs révolutionnaires en ont été l’une des cibles principales et continuent pour certains leur mobilisation en exil. Cette absence a été l’un des problèmes majeurs de l’opposition libérale méridionale, et explique en partie que le royaume n’ait pas connu de révolte ou de révolution d’envergure pendant les années 1850. Mais la documentation policière et judiciaire, très nombreuse, révèle le maintien d’une activité politique d’opposition au sein de la société méridionale. Le contexte international de l’après-1848, marqué par la dénonciation internationale dont la monarchie napolitaine, explique certaines constructions policières qui exagèrent parfois l’existence de certaines oppositions ou en extrapolent les projets politiques, alors qu’ils sont largement incertains et se limitent souvent à des mobilisations spontanées. Il faut donc confronter la documentation centrale avec celle produite à l’échelle des provinces, où les rapports des intendants et les actes des procès faits aux attendibili permettent une lecture à la fois plus précise et plus nuancée des mécanismes d’opposition à l’œuvre. L’absence des chefs libéraux pose la question de leurs motivations, des liens entre des résistances très souvent locales et le contexte italien et international, marqué à la fois par l’affirmation du Risorgimento et par l’enracinement des options politiques libérales dans une grande partie des États européens1.
2Dès lors, les conditions de l’après-1848 expliquent que les mobilisations d’opposition s’appuient à la fois sur les héritages de la révolution passée, sur des sociabilités locales, sur une opposition au roi davantage spontanée et infra-politique qu’elle n’a été idéologiquement construite et dotée d’un projet positif. Ces paramètres situent les formes de la résistance libérale telles qu’elles se présentent dans les années 1850 dans le sillage des scénarios d’opposition traditionnels. Ils rejoignent l’image du royaume telle que l’ont construite les patriotes depuis le début du XIXe siècle, marquée par la « révolution passive » qu’a théorisée Vincenzo Cuoco et dont une partie de l’historiographie a élargi le modèle aux stratégies de modernisation économiques et sociales2. J’envisagerai donc, à la suite de cette dernière, les stratégies d’opposition comme des « mobilisations passives », construites par la politisation spontanée et autonome des acteurs ordinaires. L’une des conséquences principales a été la place que ces acteurs ont prise dans le Risorgimento. Les répercussions de ce mouvement prennent une place de plus en plus grande dans la vie politique méridionale, du fait de la richesse de l’actualité politique péninsulaire, dans le prolongement des connexions italo-napolitaines établies en 1848. Dans un contexte marqué par le rétablissement de la censure, c’est surtout sur les liens privés et sur la diffusion des rumeurs que repose désormais la formation des sympathies italiennes. La référence à l’Italie a essentiellement servi à justifier et à contester le pouvoir en place, par des exemples légitimateurs empruntés à l’actualité étrangère. Ce sont donc les liens entre l’opposition aux Bourbons et les répercussions méridionales du Risorgimento qu’il faut interroger. J’étudierai d’abord les formes prises par les survivances révolutionnaires au début des années 1850, pour décrire ensuite les mobilisations italiennes, afin de discerner la part des identités revendiquées par la symbolique libérale et l’impact réel des options politiques étrangères qui ont circulé dans le royaume. Je m’interrogerai enfin sur les formes de la contestation du pouvoir royal, à travers le développement des projets de tyrannicide, légitimés par la condamnation internationale du malgoverno bourbonien et qui trouvent leur aboutissement à travers l’attentat manqué d’Agesilao Milano.
A. Les survivances révolutionnaires au début des années 1850
3Entre la révolution de 1848 et son intégration au royaume d’Italie en 1860, le royaume des Deux-Siciles ne connaît ni révolution, ni révolte majeure, et les formes prises par la contestation du pouvoir s’inscrivent dans une conjoncture fluide, marquée par les héritages de la révolution passée. Les acteurs n’en sont plus les chefs révolutionnaires de l’avant-1848, mais des libéraux ordinaires dont la plupart étaient jusque-là répertoriés comme gregarii dans les sources de police.
1. La persistance des mobilisations libérales
4La confrontation des sources d’Alta Polizia et des rapports d’intendance fait apparaître des formes persistantes d’opposition à la monarchie, dont les acteurs et les pratiques se situent en continuité avec la révolution de 1848. En janvier 1850, alors que les autorités bourboniennes s’attachent surtout à juger les acteurs de la révolution, plusieurs rapports font état d’une opposition politique assoupie mais capable de se reconstituer rapidement. Le constat vaut notamment dans la capitale : des témoins variés évoquent une manifestation d’opposants qui se serait tenue via Toledo, le soir du jour de l’an, profitant d’un contrôle relâché de la part de la police et de l’armée bourbonienne3. Deux mois plus tard, à San Giovanni a Teduccio dans la périphérie proche de Naples, se tient un banquet d’opposition, forme de protestation qui a connu l’un de ses temps forts pendant la révolution de 1848. Ces actes, en apparence isolés, attestent la reprise d’une opposition de masse au pouvoir bourbonien au début des années 1850. La confrontation des sources d’Alta Polizia à l’échelle nationale et des procès politiques menés dans les provinces de Salerne et de Cosenza fait apparaître la chronologie indiquée en figure 294.
5Le nombre des actes politiques séditieux est divisé par dix entre 1850 et 1856. Au début des années 1850, la mémoire encore vive de la répression de 1848 explique des oppositions fréquentes à l’ordre public, souvent spontanées et encore marquées par la volonté de venger les victimes des Bourbons. Le fort encadrement policier de l’espace public et la condamnation d’une partie significative du personnel politique libéral expliquent des actes principalement isolés et désorganisés. Leur proportion diminue par la suite au profit de formes de protestation à la capacité de mobilisation plus large, à travers le développement significatif des conspirations à partir de 1853. Mais elles relèvent surtout des sociabilités politiques locales, le plus souvent informelles, du fait de l’affaiblissement considérable des sociétés secrètes libérales au lendemain de la révolution de 18485. Sur l’ensemble de la période, les actes séditieux ayant fait l’objet d’une condamnation judiciaire se répartissent comme indiqué en figure 30.
6Le graphique montre la variété du répertoire d’action des opposants, révélatrice de la récurrence et de la multiplication des oppositions à la monarchie. Plus que par la pénétration réelle de la convention politique libérale dans le royaume, elles s’expliquent par l’importance des exactions commises par la monarchie en 1848 et par les condamnations très nombreuses de libéraux. En Calabre Citérieure, le directeur de la police de Cosenza note, au mois de juillet 1853, une défiance quasi-généralisée à l’égard du roi, dont il souligne le contraste avec la forte tradition locale légitimiste6. La remarque est probablement exagérée pour les besoins du maintien de l’ordre, mais elle témoigne d’un état d’esprit courant dans le royaume, y compris chez les modérés. Dès 1850, ceux-ci ont exprimé leur adhésion au point de vue des opposants à la monarchie, qui étaient plus traditionnellement des démocrates. En mars 1850, Carlo Troya, resté dans le royaume, condamne l’abolition unilatérale de la constitution par le roi, et déplore le nombre des emprisonnements, dans lequel il voit une manifestation de l’arbitraire royal7. Giacomo Savarese reprend les mêmes arguments dans son journal en 1855, mais rappelle que la structure sociale du royaume, marquée par l’influence décisive des propriétaires, explique la nécessité d’une figure de chef8. C’est donc davantage le malgoverno que la monarchie elle-même qui est au centre de ces critiques, qui portent plus sur le souverain lui-même que sur la fonction qu’il occupe.
7Ces dénonciations rejoignent des réclamations du rétablissement de la constitution de 1848, dont on souligne la modération et la capacité à concilier des options politiques contraires. Depuis 1850, ces revendications se sont multipliées et ont d’abord pris la forme de démonstrations publiques. Fin janvier 1850, l’idée circule dans plusieurs cafés de la capitale que le deuxième anniversaire du début de la révolution, le 29 janvier, doit être célébré : il donne lieu à plusieurs attroupements sur via Toledo, rapidement réprimés par la police bourbonienne9. Mais ils ont principalement concerné la capitale et ses périphéries très proches, principal foyer d’origine de ces réclamations, et n’ont connu que très peu de prolongements ailleurs, à l’image des cortèges séditieux du premier anniversaire de la révolution en 1849. Début mars de la même année, ces revendications ont pris la forme de projets de pétition, formés dans le cadre de la société civile, mais dont il est difficile de savoir, faute de sources, s’ils ont été transmis au roi. Un avocat napolitain, Vincenzo Campoli, aurait ainsi utilisé son étude située via Toledo pour y recevoir des opposants à la monarchie afin d’envoyer une pétition au roi pour réclamer le rétablissement de la constitution abrogée10. Ces revendications réapparaissent en 1855 lorsque la monarchie napolitaine est au centre des dénonciations européennes. Alors que plusieurs pétitions sont émises, essentiellement depuis la capitale, la police bourbonienne craint une conspiration généralisée qui associerait les « constitutionnels » aux « démagogues populaires », accusés de diffuser le mécontentement dans les quartiers populaires de la capitale11. La suspicion est exagérée, mais elle relève d’une inquiétude partagée par les partisans de la monarchie, renforcée par la découverte d’objets matériels issus de la révolution chez de nombreux libéraux au moment des perquisitions policières.
2. Les détentions d’objets séditieux
8Au début des années 1850, la mémoire de la révolution, encore présente comme un souvenir traumatique pour beaucoup de libéraux du royaume, est entretenue par la détention d’objets quotidiens et de livres séditieux, conservés depuis la révolution12. Les indications données par les rapports de perquisition permettent de saisir la diversité de ces objets séditieux. Il s’agit d’abord d’écrits de nature variée, dont une partie importante est composée de supports manuscrits, rédigés dans le cadre privé. À la suite d’une large tradition italienne et notamment méridionale en la matière, les sonnets satiriques y occupent une place importante, même s’il est difficile d’en connaître le contenu précis. À Giffoni dans la province de Salerne, l’un des propriétaires du village, Luigi Linguiti, est ainsi arrêté en mars 1852 pour détention de sonnets satiriques faisant référence à la personne du roi. Il s’agit pourtant d’un sujet modéré dont l’interrogatoire a révélé l’hostilité aux démocrates. Il en a dénoncé les menées dans une partie des provinces du royaume, à l’image de celles de Costabile Carducci dans le Cilento en juin 184813. Les cas sont nombreux, la détention de manuscrits séditieux s’intégrant souvent dans celle de bibliothèques politisées. Elles contiennent notamment des exemplaires de constitutions, qui représentent depuis 1820 un objet culturel comme un autre : alors qu’elles ont d’abord fait l’objet d’un marché de librairie transnational, il est ensuite devenu clandestin et s’est resserré autour de la constitution napolitaine de 1848, l’un des seuls textes constitutionnels présent dans les bibliothèques des libéraux. À Scala, dans la province de Salerne à proximité d’Amalfi, est découvert en mai 1854 chez un propriétaire du village, Gaetano Paolillo, un exemplaire imprimé de la Constitution de 1848 dans la couverture duquel sont conservés des copies manuscrites de chansons séditieuses14.
9Le contenu des bibliothèques de libéraux font l’objet de très peu de descriptions précises, et l’inventaire des ouvrages saisis n’est précisé que dans des cas très rares. Le poète conspirateur calabrais Carlo Massinissa Presterà, ancien contributeurs les plus réguliers du Calabrese avant de prendre une part active à la révolution de 1848, en fait partie15. En 1850, la police trouve dans sa maison de Monteleone une bibliothèque libérale très riche, internationale, contenant plusieurs exemplaires de la constitution napolitaine de 1848 et de celle de Cadix de 1812 , quelques textes littéraires, et surtout des publications liées à la construction nationale italienne, comme la Proposta di Programma per l’opinione nazionale de Massimo D’Azeglio et plusieurs écrits de l’historien turinois Cesare Balbo. Si elles n’indiquent pas forcément une adhésion pleine et entière à l’idée que le Piémont est appelé à jouer un rôle majeur dans le Risorgimento, elles témoignent d’un intérêt affirmé pour cette cause, dont l’actualité a fortement circulé parmi les patriotes calabrais au moment de la révolution de 1848. Cette sensibilité aux affaires italiennes se retrouve chez d’autres acteurs. À Naples, lors d’une perquisition effectuée dans la maison privée du libraire Angelo Alfieri, sont saisis une chronique des événements de Milan de 1848 en même temps qu’une édition clandestine du Masaniello de Pasquale De’Virgilii16. L’exemple révèle la prégnance de la culture locale, qui se situe dans la continuité des décennies précédentes et a été transmise par les académies. La philosophie de Vico demeure une référence partagée par une grande partie des opposants, ce qui explique l’intérêt persistant pour la politisation locale, à l’aune de la théorie des « vocations territoriales ». Lorsqu’il publie en 1851 son ouvrage Giambattista Vico al cospetto del secolo XIX, le démocrate italo-albanais Cesare Marini développe l’actualité de la pensée de Vico et l’influence qu’il continue d’exercer sur l’esprit public méridional au lendemain de la révolution de 184817.
10À ces détentions de livres s’ajoute la possession d’objets quotidiens dotés d’une symbolique révolutionnaire, conservés depuis 1848. À Naples, les frères Giovanni et Carmine Napolitano, pharmaciens, auraient ainsi gardé dans leur remise des symboles carbonari, dont un écusson orné d’un poignard, repéré par la police18. Mais plus que la filiation avec les sociétés secrètes du début du XIXe siècle, la plupart des cas révèlent les continuités avec la campagne d’Italie à laquelle une partie des sujets du royaume ont pris part entre avril 1848 et août 1849. Un vétéran de l’expédition de Venise, Giuseppe Pizzutto, a ainsi gardé des cocardes tricolores et des décorations militaires de la campagne en possession desquelles il est arrêté en 185119. Un autre ancien volontaire, Salvatore Clemente, associe cet emblème au chapeau dit « à l’italienne », symbole couramment porté par les démocrates italophiles pendant la révolution de 184820. Mais dans un contexte de répression accrue des démonstrations d’opposition à la monarchie, ces symboles ne sont que rarement exposés dans l’espace public. Ces situations demeurent donc exceptionnelles, au même titre que le recouvrement du plan de la ville de Cosenza, affiché sur le mur de la mairie, par un drapeau italien tricolore en 1853. L’acte est perpétré par huit sujets de la ville à l’initiative de deux chefs locaux de la révolution, Luigi Frugiuele, issu d’une famille de patriotes d’Amantea, et Alessandro Mauro, frère de Domenico, alors en exil à Gênes21.
11Ces manifestations symboliques s’inscrivent donc dans la continuité de la sémantique révolutionnaire de 1848, qui voulait exprimer par des destructions et des substitutions de symboles un projet politique de transfert d’autorité. Elles rejoignent donc les enlèvements des images de l’autorité dans l’espace public qui ont supplanté les actes d’iconoclasme de 1848. À Morano en Calabre Citérieure, en 1851, une tablette portant les armes de la royauté, exposée au mur d’une boutique, est ainsi décrochée de son support avant d’être remplacée par un drapeau italien22. Les objets révolutionnaires font donc l’objet d’usages variables, alors que leurs exhibitions publiques ne sont que très ponctuelles et répondent aux objectifs portés par les radicaux du royaume. La très grande majorité des usages demeurent privés, et la détention d’objets subversifs ne saurait être vue comme un indice systématique des sympathies révolutionnaires diffuses dans le royaume. Elles ont la plupart du temps concerné des acteurs ordinaires, dont l’implication politique a souvent été occasionnelle et a consisté à suivre l’action des chefs révolutionnaires locaux. La détention de ces objets s’explique alors moins par des logiques politiques que par leur traitement ordinaire, au même titre que d’autres objets courants. Le cas de Francesco Botta, médecin de Barletta (Terre de Bari), arrêté en 1852, en est significatif : ancien modéré en 1848, il s’est ensuite rangé en faveur de l’ordre monarchique et n’a pris part à aucune démonstration subversive23. C’est plutôt dans les sociabilités libérales, qui connaissent d’importantes recompositions au début des années 1850, qu’il faut rechercher les principales survivances de la révolution de 1848.
3. Le maintien des sociabilités révolutionnaires
12Sans qu’il y ait continuité formelle entre les sociabilités révolutionnaires des premières décennies du XIXe siècle et celles dont relèvent les libéraux du royaume au début des années 1850, les formes qu’elles prennent héritent des modes antérieurs d’organisation sociale et politique des opposants. Il n’y a alors plus d’organisation à vocation nationale, mais des cercles épars, inégalement formalisés et construits à l’échelle locale. Comme en 1848, ils visent d’abord à réclamer le rétablissement de la constitution. Les sources de police en relèvent plusieurs attestations, notamment dans le Principat Ultérieur en 1850, où elles s’inquiètent d’organisations concomitantes à Avellino et à Ariano, qui seraient en correspondance avec des libéraux des Pouilles et des révolutionnaires du royaume en exil24. Sans que les liens soient attestés, ces sociabilités politiques montrent que les efforts d’organisation des libéraux ont recouru à un cadre antérieur relevant d’une logique de politisation à la fois locale et descendante. Ces cercles auraient été construits à l’initiative de notables de la province, en lien avec l’ancien député Paolo Emilio Imbriani, avant de s’élargir à des artisans et des boutiquiers d’Avellino. La stratégie a été commune avec d’autres organisations. En Terre d’Otrante entre juin et juillet 1851, d’autres exemples sont ainsi attestés, à l’image du prêtre Raffaele Ciccarese, qui forme un cercle constitutionnel dont il recrute les membres à l’occasion de la messe dominicale25. La forme prise par ces organisations renvoie directement aux clubs constitutionnels qui se sont développés dans le royaume en 1848 et ont contribué à diffuser l’option libérale dans la capitale26.
13Mais c’est surtout dans les sociabilités propres aux élites du royaume que se développe une grande partie des initiatives d’organisation politique des libéraux, sur le modèle des salons. Introduits avec le développement des Lumières napolitaines, ils sont devenus l’une des pratiques sociales de la bourgeoisie et de la noblesse éclairées du Mezzogiorno, à l’image d’une grande partie des élites européennes27. Les principaux exemples connus s’inscrivent dans l’espace social des élites de la capitale, à l’image du salon Mascilli, dans le quartier Chiaia, qui est alors le principal point de rencontre des libéraux modérés du royaume. Il est régulièrement évoqué en ce sens par Giacomo Savarese, qui en est l’un des principaux membres28. Le salon s’est construit autour de la figure de Ferdinando Mascilli, avocat napolitain qui a été proche de Carlo Poerio pendant la révolution de 1848 et a adhéré à la société secrète Unità Italiana comme membre ordinaire29. Il accueille une grande partie des débats modérés, médiatisés par des acteurs globalement sensibles aux héritages politiques du decennio francese et qui ont réservé un accueil assez favorable à la solution muratienne. D’autres cas ont existé, sans disposer d’une visibilité et d’un ancrage politique aussi nets. C’est le cas de la maison du prince Filangieri, membre de la suite du roi depuis 1843, qui accueille régulièrement des opposants au pouvoir, parmi lesquels de nombreux officiers de l’armée, à l’occasion de réunions nocturnes où il est question de politique30. Cette affluence s’explique par les liens personnels de Filangieri avec le prince d’Ischitella, ancien ministre de la Guerre pendant la révolution de 1848, devenu maréchal de l’armée bourbonienne en 1854. Le caractère secret de ces rassemblements, lié au durcissement de la législation napolitaine dans l’après-1848, s’explique par leur caractère potentiellement séditieux, en même temps qu’il s’appuie sur la culture méridionale du secret, intégrée au répertoire d’action des libéraux depuis 1799.
14Particulièrement nombreuses dans la capitale, les sociabilités libérales trouvent des prolongements dans les provinces où elles développent des projets politiques à la fois locaux et clandestins. Là encore, la continuité des acteurs est remarquable : plusieurs cercles libéraux de Cosenza, qui ne sont pas formalisés, prévoient le déclenchement d’une révolte le 24 mars 1850, pour le sixième anniversaire de l’exécution des martyrs de 1844 ; ils espèrent avoir le soutien d’opposants d’autres villes du royaume, sans pour autant parvenir à les mobiliser31. Malgré des prétentions à un soulèvement national, donc, les sociabilités libérales ont rarement dépassé le cadre communal. Lorsque le prêtre Francesco Jetto, dans la province de Reggio, met en place une correspondance séditieuse et diffuse des feuilles volantes régicides, en mars 1851, sa démarche est isolée et s’inscrit dans le cadre de sa seule paroisse de Santa Eufemia, dont il utilise la messe dominicale à des fins de propagande32. À Catanzaro, la maison De Riso continue d’être un foyer majeur de rassemblements d’opposants, mais sans parvenir à mobiliser plus largement ces derniers, en dépit de contacts réels avec des chefs libéraux de premier ordre dont Eugenio De Riso, alors exilé en Piémont33. C’est pour cela que les premiers projets conspirateurs se sont structurés à l’échelle de la commune, autour de figures notabiliaires. À Bianchi au sud de la province de Cosenza, un projet de soulèvement contre le régime est ainsi mis en place autour du maire, Ferdinando Bianchi, en avril 185134. L’extension de ces sociabilités à l’échelle provinciale est ponctuelle, parfois amplifiée par les autorités qui craignent l’extension des contestations à l’échelle nationale. À Salerne, elles s’inquiètent de la fréquentation du négoce en grains de Giovanni D’Avossa, issu d’une famille notabiliaire locale, ancien carbonaro en 1820 et dont le frère Antonio, aux convictions démocrates assumées, est en exil à Malte. Dans ces conditions, la suspicion porte sur l’afflux d’opposants dans la boutique pour y établir des projets conspirateurs, sous couvert de transactions économiques. Elle s’appuie sur un précédent : en 1847, D’Avossa avait utilisé cette pratique pour échanger avec des négociants étrangers des nouvelles politiques sur l’état des contestations libérales en Europe et des ouvrages clandestins à valeur subversive35. En 1850 en revanche, la permanence de ces liens n’est pas avérée, pas plus que le développement d’une conspiration à l’échelle de la province, et le rayonnement du personnage tient à la fois de son passé politique, de sa relative renommée et de son importance économique. Ailleurs, c’est plutôt sur l’existence de réseaux familiaux que se sont appuyés les projets politiques des opposants. En Calabre Citérieure, les cris séditieux tyrannicides proférés en 1850 à Cosenza par Alessandro Gatti ont rallié 27 sujets de la ville, mais ont bénéficié de relais dans la province, comme son cousin Ludovico Gatti, qui a réussi à mobiliser autour de lui 13 habitants du village de Lago. Leur correspondance a servi la diffusion de leur projet séditieux, alors qu’elle déplorait la répression des rivindiche de 1848 et affirmait, par réaction, la nécessité de détrôner le roi36.
15La faiblesse des projets nationaux est une conséquence de ces sociabilités. Plus qu’à un projet politique construit, elle correspond à une opposition spontanée à la monarchie dont elle dénonce à la fois l’appareil répressif et la très forte emprise fiscale sur les provinces du royaume. Dans ces conditions, la cause italienne n’a eu pour la majorité des sujets qu’une fonction d’identification très restreinte et a essentiellement représenté l’image d’une autorité alternative aux Bourbons, alors que les revendications d’autonomie locale continuent à s’exprimer. À Cosenza, elles se dotent d’une garantie institutionnelle avec la mise à l’ordre du jour de l’Accademia Cosentina de l’histoire des traditions juridiques municipales de la Calabre. Le secrétaire perpétuel de cette institution, Luigi Maria Greco, par ailleurs l’auteur de plusieurs livres consacrés à l’histoire de la province, dirige à partir de 1849 la réimpression des Privilegi de’Cosenza e Casali, avec l’objectif d’« être utile non seulement au gouvernement actuel, mais également dans l’avenir »37. Ce projet fait écho à la structure des mobilisations politiques calabraises : au lendemain de la révolution de 1848, il prend sens dans le contexte du deuil des martyrs locaux, victimes de la réaction bourbonienne, et des revendications persistantes en faveur des autonomies locales. Cette valorisation des autonomies contraste, et c’est un paradoxe, avec le déploiement des sympathies italiennes pendant la révolution antérieure. Elle conduit à interroger l’importance et le rôle des mobilisations pour l’Italie, dans un contexte où elles apparaissent en repli relatif par rapport à l’ampleur qu’elles ont connue pendant la révolution de 1848.
B. Le déclin relatif des mobilisations italiennes
16Les mobilisations pour l’Italie connaissent un fléchissement numérique notable après 1849 : outre l’absence d’une grande partie des chefs libéraux, qui sont alors en prison ou en exil, cette évolution s’explique par le repli des opposants sur les problèmes politiques internes du royaume.
1. Voies et marqueurs des sympathies italiennes
17Au début des années 1850, l’italophilie méridionale prend la forme de sympathies pour le Risorgimento, perçu comme l’une des solutions possibles à la crise d’autorité que traverse le royaume, beaucoup plus qu’elle ne conduit à de réelles mobilisations en faveur de la construction nationale italienne. Les liens épistolaires entretenus avec la diaspora des exilés contribuent à entretenir cet intérêt, en même temps qu’elles ont permis aux sujets du royaume en exil de maintenir un lien décisif avec la nation napolitaine. Les correspondants familiaux des exilés sont dès lors informés du déroulement des mobilisations italiennes, et les lettres s’accompagnent parfois d’envois d’objets à caractère séditieux. En Calabre Citérieure, un sujet du village italo-albanais de Santa Sofia, Giuseppe Maria Lopez, est ainsi accusé en 1854 d’avoir reçu des lettres de ses neveux Raffaele et Domenico Mauro, dont le premier est en prison et dont le deuxième est en exil en Piémont-Sardaigne. Domenico Mauro, alors rallié à l’option cavourienne d’un Risorgimento monarchique et modéré, lui adresse des notices relatives à l’actualité politique piémontaise et un chapeau dit à l’italienne, sur le modèle de ceux portés par les brigands calabrais de la littérature romantique38. Les frères Ippolito et Tancredi De Riso, de la même manière, sont arrêtés à Naples la même année pour leur correspondance avec leur père Eugenio, lui aussi exilé en Piémont39.
18Les liens épistolaires entretenus avec des prisonniers inquiètent tout autant la police bourbonienne. Le prêtre calabrais Francesco Jetto, emprisonné en 1850 pour propagande libérale pendant l’office, entretient une correspondance avec plusieurs membres de sa famille, qui lui adressent des copies d’actes séditieux et l’informent de la suite donnée à l’opposition au roi dans la province de Reggio40. D’autres s’inscrivent dans des configurations à plus large échelle, qui associent ces correspondances d’opposition à des réseaux d’influence construits autour de familles locales de patriotes. C’est le cas d’Agesilao Milano, jeune soldat italo-albanais qui, installé à Naples au début des années 1850, échange des lettres régulières avec le prisonnier Alessandro Mauro, frère de l’exilé Domenico, et l’ancien chef révolutionnaire calabrais Giovanni Mosciaro, issu d’une famille à très forte influence locale41. Alors que les Mosciaro ont entretenu d’importants liens avec plusieurs démocrates en exil, dont Domenico Mauro, les relations de clientèle qu’ils ont établies avec plusieurs sujets calabrais présents à Naples ont contribué à diffuser les sympathies italiennes parmi les opposants à la monarchie. On retrouve ainsi parmi leurs clients plusieurs sujets calabrais suspects d’avoir exprimé leur adhésion à la cause italienne, à l’image de Milano ou d’Achille Masacchio42.
19À ces réseaux à fort ancrage local s’est ajouté le rôle plus ponctuel d’exilés du royaume qui ont été expulsés de l’État pontifical entre 1851 et 1853. Il s’agit pour la plupart d’anciens serviteurs de la République romaine, qui avaient obtenu l’autorisation de s’établir sur place et ont dû rentrer à Naples à la suite de mesures d’ordre public, alors qu’ils participaient à des réunions démocratiques aux côtés de mazziniens romains. C’est le cas de 24 sujets du Molise, de Terra di Lavoro ou de Naples, comme le prêtre napolitain Giuseppe Guzzo, arrivé à Naples en 1850, ou du démocrate molisan Francesco Scalzitti, retourné dans le royaume en 1853. La porosité de la frontière septentrionale du royaume a facilité ces retours, qui sont antérieurs aux actes royaux prévoyant la réhabilitation des sujets méridionaux expulsés43. Ces exilés ont permis un transfert d’expérience, en diffusant auprès des sujets méridionaux l’exemple de la révolution manquée de Rome. C’est le cas d’Amico Meccia, maçon de Civitanova dans le Molise, ou de Nicola Sabiola, paysan de Salvito, qui ont tous les deux quitté Rome en 1850 et exposent aux sujets de leur province, de tradition plutôt modérée, l’intérêt d’établir une république qui serait porteuse d’idéaux démocratiques. Leur extraction populaire et la situation frontalière de leur province confortent leurs arguments, qu’ils ne parviennent pas à diffuser effectivement auprès des sujets du Molise44. La multiplication des projets séditieux montre donc à la fois la volonté de leurs acteurs de s’appuyer sur l’actualité politique italienne, mais aussi leur incapacité à mobiliser des réseaux conspirateurs efficaces.
20Mais les manifestations de sympathie en faveur de la construction nationale italienne demeurent très limitées. Le royaume des Deux-Siciles ne connaît pas de mobilisation italienne réelle pendant la première moitié des années 1850, malgré la présence de marqueurs formels de l’attachement à la cause péninsulaire, arborés dans l’espace public. Le port des chapeaux et des barbes dits « à l’italienne » en est la principale attestation : régulièrement relevés dans les sources de police, ils constituent des signes de reconnaissance entre révoltés. C’est le cas d’un employé d’administration de Naples, Luigi Giraldi, arrêté en mars 1853 pour port d’une barbe à l’italienne que la police lui demande de raser. Le rapport d’interrogatoire indique sa réponse : il se montrait plus disposé « à se faire couper la tête que la barbe, qui a[vait] ses racines dans [son] cœur ». Ancien officier de la garde nationale napolitaine en 1848, il avait alors déjà été arrêté un mois plus tôt pour s’être présenté à une revue royale avec une cocarde tricolore45. Ces symboles, qui peuvent coexister, ne sont alors arborés que par des radicaux et de façon beaucoup plus ponctuelle qu’ils ne l’ont été dans d’autres États italiens au même moment46. Ils rejoignent la rareté des exhibitions publiques de marqueurs formels de sympathies pour la cause italienne, à l’image d’une manifestation de révolutionnaires via Toledo, dans la capitale, le 20 mars 1850 où sont relevés plusieurs « chapeaux à la Ernani ». Mais alors que le cortège n’exprime aucun véritable soutien à la cause italienne, ils apparaissent davantage comme des instruments de contestation du pouvoir que comme l’expression de sympathies réelles pour le Risorgimento47. Le port de ces signes physiques et vestimentaires pro-italiens contraste avec l’absence de réelle implication des acteurs ordinaires méridionaux en faveur du Risorgimento. Ils sont le signe d’une mobilisation demeurée très superficielle, attachée à des signes extérieurs du soutien à la cause italienne, alors que les logiques de la politisation demeurent très souvent spontanées, locales et informelles. Le même constat vaut pour la principale mobilisation étrangère directement construite contre les Bourbons de Naples, le muratisme français. Celui-ci se construit dans le débat transnational des années 1850 comme l’un des scénarios possibles de l’indépendance italienne, ne rencontre qu’un succès limité auprès des libéraux du royaume, dont il rejoint pourtant une partie des convictions et du programme.
2. Le faible écho du muratisme français
21L’ampleur internationale du mouvement muratien, bien que numériquement restreinte, contraste avec son faible développement dans le royaume des Deux-Siciles. Il faut y voir l’effet de la mémoire négative du decennio francese, réduite à un « parti français » constitué d’une branche restreinte des modérés et de quelques vétérans48, qui s’ajoute à la figure du prétendant, faiblement connue dans le royaume méridional qu’il a quitté lors de la restauration des Bourbons en 1815 et par ailleurs présenté par la presse internationale comme un personnage sans envergure. La menace est pourtant prise au sérieux par la monarchie bourbonienne, dès les premières manifestations de ce courant en 1850, au point qu’est établie une surveillance systématique des ressortissants français, considérés comme des agents potentiels de Lucien Murat. Les liens entre les Français présents à Naples et les muratiens existent, mais ils sont très rares, essentiellement limités à l’entourage d’un ressortissant français, Fiât, qui organise en avril 1853 des réunions muratiennes dans l’auberge Villa di Taranto, au centre de Naples, dont il est le propriétaire49. Le problème que pose le muratisme est de remettre en cause à la fois la légitimité de la couronne des Bourbons et la souveraineté du royaume. Il est donc envisagé comme un complot des dirigeants étrangers contre le royaume des Deux-Siciles. Dans la principale étude sur le sujet, Fiorella Bartoccini a ainsi montré comment la monarchie bourbonienne avait extrapolé l’existence de ce phénomène, voyant dans l’« épouvantail muratien » un moyen de relégitimer son pouvoir après 1848 tout en s’assurant le soutien du peuple50. C’est ce qui explique l’importance de la suspicion, qui s’élargit aux sujets du royaume qui ont connu l’exil en France. C’est le cas de l’ancien officier Anselmo Chiarizia, carbonaro et républicain en 1820, suspecté en 1855 d’être un agent de Murat parce que son parcours d’exil dans les années 1820 et 1830 l’a conduit à faire partie de la communauté napolitaine de Marseille. La police bourbonienne lui reproche « d’avoir avec lui toutes les maximes françaises » et de vouloir les imposer dans le royaume méridional51.
22S’il est possible de douter de ces soutiens, il est clair que le mouvement muratien a rencontré un écho dans la société du royaume, qui a pris la forme de rumeurs séditieuses, principalement dans les Calabres. Dans des provinces où la mémoire collective s’est appuyée sur le mythe négatif du tyran centralisateur qui a opprimé la société locale, ces rumeurs revêtent une simple fonction de mobilisation, sans apporter un soutien réel à l’option muratienne, simplement perçue comme un aspect du soutien de la France aux révolutionnaires du royaume. Ainsi Vincenzo Camera, un propriétaire du village côtier de San Lucido dans la province de Cosenza, fait-il courir la rumeur que Lucien Murat prévoit de débarquer en Calabre pour libérer ensuite le royaume des Deux-Siciles, à l’image du projet de son père en 181552. Il parvient à provoquer une agitation momentanée dans le village, marquée par des cris séditieux contre le roi, sans réellement arriver à mobiliser les habitants contre la monarchie. Les attestations de ces fausses rumeurs sont nombreuses et nourrissent parfois de réels projets d’opposition. En décembre 1850, un projet de conspiration est ainsi mis en place à Reggio Calabria, qui espérait compter à la fois sur « l’ingérence anglaise » et sur « l’ingérence de Murat », profitant à la fois des rumeurs de débarquement muratien en Calabre et de la proximité de l’île de Malte où se trouvait une partie des exilés napolitains53. Les rumeurs associent donc des interventions pourtant difficilement conciliables, évoquant également, en 1851 et 1852, une expédition d’exilés destinée à débarquer à Pizzo Calabro sous la direction conjointe de Lucien Murat et du patriote hongrois Lajos Kossuth alors exilé en Grande-Bretagne. Le scénario témoigne des raccourcis opérés par la rumeur : sauf dans quelques provinces françaises, Murat n’a encore en 1851 qu’une influence politique très limitée, et le séjour en France a été interdit à Kossuth par le président Louis-Napoléon Bonaparte, qui craignait ses liens possibles avec des démocrates-socialistes, dans l’opposition depuis 184854. Au moment de la guerre de Crimée, ces fausses nouvelles ont quitté le seul cadre de la Calabre pour s’élargir à d’autres acteurs, notamment dans la capitale. En mars 1855 sont alors rapportés des propos tenus dans le salon du prince Filangieri, évoquant l’idée que le royaume « dev[ait] être gouverné de façon représentative par un Prince Français »55.
23Le nom de Lucien Murat a davantage constitué un cri de ralliement intégré aux protestations locales contre la royauté bourbonienne qu’il n’a exprimé un réel soutien au muratisme. En 1855, dans la province de Cosenza, les frères Francesco et Giuseppe Marchiano font courir la rumeur d’un possible débarquement des Français en Calabre, avec l’appui des exilés Domenico Mauro et Giovanni Mosciaro et font courir le slogan Murat Re di Napoli56. Il faut voir dans cette association du nom du prétendant à celui des principaux acteurs du démocratisme calabrais une particularité du mouvement libéral méridional, qui ne saurait être perçue comme leur ralliement à la cause de Murat. Au moment où se constitue le partito d’azione de Giuseppe Mazzini, qui émerge à partir de 1853 en tant qu’organisation politique formalisée, le muratisme constitue une solution de repli pour des acteurs politiques faiblement impliqués dans les réseaux du mazzinianisme. Les autorités monarchiques, conscientes de la portée restreinte des idées de Mazzini dans le royaume méridional, semblent l’avoir compris lorsqu’elles s’interrogent, en avril 1853, sur la valeur idéologique réelle du mouvement57. Les stratégies politiques méridionales se sont en effet appuyées sur l’actualité politique internationale et notamment italienne qui, sans influencer directement les mobilisations libérales du royaume, leur a donné une impulsion décisive.
3. Les effets de l’actualité internationale
24L’échec conjoint du muratisme français, pourtant conçu comme une stratégie politique spécifiquement tournée vers le royaume, et du mazzinianisme qui voulait intégrer le Mezzogiorno à un projet national démocrate construit à l’échelle de la péninsule italienne, témoigne de la difficile incorporation des modèles politiques étrangers au moment où les mobilisations libérales méridionales se reconstruisent après la répression de la révolution de 1848. Il contraste avec le rôle majeur de l’actualité internationale, et notamment italienne : les événements du Risorgimento ont été globalement bien suivis par les acteurs politiques du royaume, à la fois par la circulation des nouvelles et par les liens épistolaires qu’une partie des sujets du royaume entretient avec des exilés.
25En 1850, le fait que le mouvement national subsiste dans le royaume de Piémont-Sardaigne alors qu’il a partout ailleurs fait l’objet d’une importante répression explique l’intérêt que les patriotes lui accordent : plus qu’un ralliement au Risorgimento piémontais, il représente l’image d’un État relativement libéral opposé à la tyrannie bourbonienne. À Monteleone, Carlo Massinissa Presterà est arrêté en mars 1850 pour avoir affiché sur un mur de la ville un manifeste incitant les habitants à « se sacrifier pour la liberté […] pour la mère commune, l’Italie unie, libre et indépendante »58. Plus tard en février 1853, la nouvelle des émeutes de Milan et de Rimini, menées par le partito d’azione mazzinien contre l’occupant autrichien, est également perçue comme propre à stimuler le mouvement libéral napolitain. À San Carlo all’Arena près de Naples, elle conduit à des protestations publiques destinées à exprimer la fraternité des habitants avec les sujets d’Italie septentrionale qui ont subi la répression des troupes autrichiennes59. Mais ces sympathies italiennes ne parviennent à déclencher que des mobilisations ponctuelles et localisées. Malgré la circulation de quelques proclamations mazziniennes, lorsque se constitue le partito d’azione en 1853, pourtant appuyées sur les thèmes du martyre et de la fraternité, elles ne parviennent pas à s’assurer un soutien massif de la part des patriotes méridionaux. La proximité de la Sicile, géographiquement proche des côtes calabraises et où s’est constituée une tradition mazzinienne, explique que les efforts se soient concentrés sur les Calabres, au nom de la proximité idéologique entre la tradition démocratique locale et les partisans de Mazzini60. L’écho des événements politiques italiens auprès des patriotes du royaume des Deux-Siciles s’explique par leur forte capacité d’identification, dans le cadre de combats politiques pensés comme fraternels et dont les acteurs sont conscients des similitudes. Mais les références étrangères invoquées par les mobilisations libérales méridionales sont beaucoup plus larges et s’inscrivent dans un espace européen héritier de l’internationalisme libéral du premier XIXe siècle. La circulation des nouvelles, bien qu’elle repose essentiellement sur les réseaux informels du colportage, inclut les expériences libérales européennes au sens large, et a d’abord profité des effets internationaux du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte à Paris le 2 décembre 1851. L’événement a été amplement commenté par les patriotes italiens, y compris par des sujets du royaume en exil comme Giuseppe Massari61. Les liens maintenus entre la communauté des exilés en Piémont et la société du royaume ont indéniablement contribué.
26Si le coup d’État a été acclamé par la monarchie bourbonienne, il a suscité des réactions plus hostiles dans la société civile, en grande partie parce que la nouvelle de répression des émeutes populaires qui l’ont suivi a été connue dans le Mezzogiorno. Dès lors, en janvier 1852, il a contribué à légitimer par imitation plusieurs formes de mobilisation locale, notamment dans les provinces calabraises. À Stallettì dans la province de Catanzaro, les nouvelles de France ont alimenté des voix séditieuses évoquant la révolte imminente des provinces du royaume, l’existence de troubles à Naples destinés à chasser l’occupation militaire autrichienne62. À Castrovillari dans la province de Cosenza, c’est plutôt l’annonce de la répression du coup d’État qui a été retenue : elle aurait effrayé les insurgés locaux qui auraient craint d’être exposés à des menées comparables, à un moment où la mémoire de l’été 1848 est encore vive63. Toutes ces réactions renvoient au souvenir négatif du passé napoléonien. Elles montrent à la fois la crainte de l’arbitraire et de l’asservissement du royaume, faisant peser sur celui-ci le risque d’un autre modèle centralisé qui serait imposé depuis Paris. Elles répondent donc au refus quasi-généralisé de la solution muratienne, et s’appuient sur les prétentions du royaume méridional à conserver sa souveraineté politique64.
27Cependant, plus que par l’intérêt porté au Risorgimento, l’actualité internationale se caractérise par l’opposition aux pouvoirs tyranniques et absolus, qui est un trait commun aux faits évoqués. Les sympathies italiennes se diluent donc dans un ensemble de références européennes plus vastes que les libéraux napolitains mettent sur le même plan. Elles constituent un élément dans un faisceau complexe de fraternités libérales auxquelles s’intègrent les acteurs politiques méridionaux. Les résistances au coup d’État de décembre 1851 sont perçues comme un épisode de la lutte des peuples contre le despotisme, et font écho à la fois au malgoverno des Bourbons et à l’impérialisme autrichien, comme l’évoquent plusieurs cris séditieux. Cet horizon anti-impérial, faiblement diffusé avant 1848, prend une importance nouvelle, alors qu’il évoque la récurrence des occupations militaires autrichiennes. À la suite d’une tradition italienne renforcée par le contexte post-1848, l’Autriche est en effet le symbole de la tyrannie et un repoussoir pour les patriotes italiens65. Le cas des patriotes insurgés de Stallettì en janvier 1852 en témoigne, mais l’attestation n’est pas isolée et prend une ampleur nouvelle au moment de l’attentat perpétré par le patriote hongrois Janos Libenyi contre l’empereur François-Joseph le 18 février 1853. C’est ce qui explique l’intérêt porté aux émeutes de Milan et de Rimini en février et mars 1853. Plus que pour leur apport au combat national italien, elles ont été comprises comme des répercussion de cet attentat, qui est d’ailleurs le fait d’un proche de Lajos Kossuth, alors régulièrement invoqué par les démocrates du royaume comme un modèle pour les protestations antibourboniennes66. Les émeutes survenues dans le quartier napolitain du Mercato en février et mars 1853 l’illustrent, montrant à la fois la réprobation des insurgés pour le parti mazzinien et le modèle représenté par l’auteur de l’attentat, dont l’origine populaire – Libenyi est apprenti tailleur en compagnonnage – fait directement écho à l’implication de ce quartier d’artisans et de pêcheurs pendant la révolution de 184867.
28La reprise globale de l’activité conspiratrice dans le royaume en 1853 en est également la conséquence, moins motivée par la volonté de construire une alternative méridionale au partito d’azione mazzinien que par la perspective de conspirer contre le roi, désormais envisagée comme réalisable. Celle-ci ne correspond pas à un refus global de la monarchie : la diffusion du modèle britannique, à un moment où les initiatives de soutien à Gladstone se multiplient, en écho à ses lettres sur les prisons de Naples, en est l’illustration, à travers plusieurs banquets donnés dans la capitale en son honneur en 1853 et 185568. Ces exemples montrent que les références politiques des libéraux méridionaux ont été internationales avant d’être italiennes, subordonnant l’implication dans le Risorgimento à la résolution de la question napolitaine. L’horizon principal de ces mobilisations, malgré leur caractère localisé et éclaté, a en effet été la lutte contre la tyrannie de Ferdinand II, entre le déploiement généralisé des conspirations et des projets plus ponctuels visant explicitement le tyrannicide.
C. Renverser ou tuer le tyran ?
29Dans un contexte politique marqué à la fois par la diffusion européenne de la question napolitaine et par les oppositions internationales à l’ordre conservateur imposé en Europe dans l’après- 1848, les résistances à l’absolutisme de Ferdinand II se précisent, légitimées par l’actualité étrangère. Par leurs appels répétés à la mort du roi, elles s’inscrivent dans un imaginaire ancien du tyrannicide dont les racines, développées à l’époque moderne, s’appuient sur la conception chrétienne de l’obéissance à l’autorité légitime69. À l’exemple des attentats contemporains mis en place contre des dépositaires de l’autorité, qu’il s’agisse des souverains ou de leurs représentants, les opposants au roi voient leur répertoire d’action se moderniser à travers des formes et des usages renouvelés du tyrannicide70. La gradation des formes de l’opposition au roi l’illustre, des rébellions populaires contre son autorité au déploiement de projets politiques visant plus précisément le meurtre du souverain
1. Rébellions et révoltes
30Contrairement à d’autres États européens comme la France, le royaume des Deux-Siciles n’a connu que de très rares cas de rébellions populaires armées visant l’autorité royale à travers ses représentants. Les principaux exemples visent des cas précis d’administrateurs légitimistes, qui incarnent le retour de l’arbitraire royal et que les acteurs identifient aux forces de la réaction. En Calabre, plusieurs cas sont attestés en 1850, où des sujets de Cosenza visent les locaux de l’intendance de la province afin de contester l’autorité de l’intendant Mandarini. Proche des milieux contre-révolutionnaires, il est en effet le principal initiateur de la très importante vague de procès politiques que la province a connue et qui a visé une partie des notables locaux, impliqués depuis le début du XIXe siècle dans le courant libéral. Des actes comparables ont visé les jésuites, rétablis dans leurs fonctions et désormais chargés de gérer l’hôpital et le lycée de Cosenza, dans une province où le clergé séculier a pris une part importante dans la révolution71.
31Mais à la différence d’autres situations contemporaines, les rébellions ont beaucoup plus visé les représentants directs de la réaction que les forces de l’ordre. Les résistances à la gendarmerie n’interviennent en effet, dans la totalité des années 1850, que pour 110 des 3 012 procès étudiés, soit 3,6 % des cas. Ils sont surtout attestés, là encore, dans les Calabres, où ils prennent la forme de rituels de protestation collective, essentiellement dans les mois qui ont suivi le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en France en décembre 1851. Elles ont visé des gendarmes supposés être en rapport avec les autorités centrales de Naples, sur les principaux points de débarquement traditionnellement empruntés par les autorités. Les deux cas les mieux documentés concernent des localités de la côte ouest de la Calabre, Paola et Ajello, points de contact privilégiés entre la province de Cosenza et l’extérieur. Ils montrent des stratégies locales d’opposition à un pouvoir centralisé considéré comme tyrannique. À la suite des pratiques révolutionnaires locales qui se sont déployées en 1848, il s’agit d’isoler la province de ses contacts avec la capitale en s’opposant aux gendarmes qui pourraient être directement soumis aux ordres de l’administration centrale. Or aucun des sujets impliqués dans les deux rébellions n’est connu, à la date des faits, pour son passé politique : il s’agit donc de réactions spontanées à l’autorité du roi, fondées sur la circulation d’un exemple étranger, beaucoup plus que d’une réponse construite à l’absolutisme bourbonien72.
32La faible ampleur des rébellions s’explique surtout par l’appui que des représentants des autorités ont pu apporter aux opposants au roi. L’implication de ces hommes doubles est une constante dans les mobilisations libérales du royaume. Dans la capitale, elles ont impliqué plusieurs éléments de la suite du roi dont certains ont déjà signé des pétitions en faveur du maintien de la constitution au printemps 1848. C’est le cas du prince Gaetano Filangieri, gentilhomme du roi et tenancier de l’un des principaux salons libéraux de la capitale73. Début mars 1850, un rapport de police pointe les propos séditieux tenus par plusieurs serviteurs du roi. Les mêmes sont accusés d’avoir fourni des armes à des insurgés de la capitale, profitant des sociabilités de quartier, alors que le café alla Cesaria était le principal lieu d’échanges d’armes à feu, objets d’une législation renforcée après la révolution de 184874. Malgré des dénonciations répétées de ces pratiques, elles sont encore évoquées en 1855, au moment où deux gardes du palais royal, Gaetano Galizia et Antonio Scognamillo, sont signalés comme fournissant des armes interdites aux opposants75. L’implication des autorités locales a été tout aussi décisive, en autorisant des rassemblements séditieux ou en les encourageant. À San Giovanni a Teduccio en périphérie proche de Naples, le maire de la commune autorise la tenue d’un banquet séditieux en février 1850 et finance une partie de son organisation76. En Calabre, on retrouve encore l’appui des prêtres aux mobilisations libérales, forts de leur statut de figures de l’autorité à l’échelle communale. À Cetraro en 1854, dans la province de Cosenza, les deux prêtres du village, Giacomo Bianco et Giovanni Antonio De Caro, sonnent les cloches du village pour appeler les habitants à se mobiliser contre la monarchie77. Ces quelques cas montrent que les solidarités interpersonnelles, construites à l’échelle locale, ont largement primé sur le maintien de l’ordre public, en même temps qu’elles ont fourni un appui décisif aux révoltes populaires.
33Celles-ci se construisent contre les manifestations de l’arbitraire royal, et se fondent sur un discours plus large sur la réaction. Dès l’immédiat après-1848, il a été porté par des notables et par des clercs, et a ciblé deux figures jugées représentatives, celles de Pie IX et de Ferdinand II, présentés comme des traîtres aux destins politiques comparables. En mars 1850, dans le centre de Naples, sont ainsi rapportés les cris séditieux lancés par un moine, frère Isaia, invoquant le châtiment auquel s’exposeraient les deux souverains pour avoir rompu le serment politique qui les unissait à leurs peuples. Le mot d’ordre est repris et amplifié par une partie des habitants du quartier San Giuseppe78. Il s’agit de la forme de protestation la plus courante, appuyée sur des motivations économiques et sociales au nom desquelles les insurgés remettent en cause la politique menée par le roi, jugé incapable de sortir le royaume de la crise économique qu’il traverse depuis le milieu des années 184079. En Calabre, la chronologie des émeutes, qui ont connu deux moments d’accélération en 1851 et 1854, rejoint ainsi celle des troubles naturels locaux, alors que les provinces de Catanzaro, Cosenza et Reggio ont subi les effets, à des degrés divers, de deux tremblements de terre survenus à Reggio. En 1851, le traumatisme des destructions a encouragé, sans en être la cause principale, des troubles localisés à Montalto et à Plataci, en Calabre Citérieure, qui ont imputé au roi la responsabilité de la ruine des habitants80. Les troubles de 1854 ont observé des logiques comparables. La chronique postérieure de Davide Andreotti, qui a été témoin des faits, montre qu’après avoir éclaté à Cosenza, ils se sont ensuite déployés dans un périmètre de quinze kilomètres au sud, les communes de Donnici, de Piane et de Sant’Ippolito ayant connu les mobilisations les plus suivis en même temps que les dommages les plus lourds81. La géographie des émeutes recoupe donc celle des ruines consécutives aux deux séismes. Ces convergences reposent sur des liens déjà présents dans l’histoire locale, qu’il s’agisse du tremblement de terre de 1783 ou du météore de 1820 qui ont tous les deux alimenté des insurrections.
34C’est donc encore aux économies morales traditionnelles que répondent en partie les convulsions politiques méridionales des années 1850. Les effets de la crise frumentaire de 1853 le confirment, s’ajoutant aux événements d’Autriche pour renforcer la mobilisation contre le roi. En Terre de Bari, deux paysans du district de Manduria, Giuseppe et Giovanni De Stratis, ont ainsi organisé la vente du blé les jours fériés pour exprimer leur opposition à l’ordre établi, proférant des cris séditieux contre le roi et les jésuites82. Dans la province de Salerne, l’intervention de la monarchie constitue l’un des arguments invoqués pour expliquer la maladie des raisins dans l’une des régions viticoles les plus productives du royaume. À deux mois du début des vendanges, le prêtre de Coperchia, Tommaso Galdi, diffuse en juillet 1853 pendant la messe dominicale la rumeur que les pieds de vigne de la commune seraient contaminés par les émissions d’acide sulfurique des ateliers établis deux kilomètres au nord, à Capriglia83. Il exhorte ensuite ses fidèles à se mobiliser contre un roi peu soucieux des ressources économiques de ses sujets, qui aurait détruit leur principal moyen de subsistance. L’accusation, qui impute ce phénomène à la politique économique des Bourbons, montre que les mobilisations articulent des causes politiques et des prétextes économiques. Mais elle témoigne de résistances à la royauté très localisées, que les acteurs ont cherché à étendre aux échelles provinciale et nationale sans véritablement y parvenir, faute d’un projet politique cohérent et d’une réelle politisation du peuple.
2. La difficile reconstruction des projets conspirateurs
35Alors que la conspiration a été l’un des vecteurs principaux de la protestation politique au cours du premier XIXe siècle, le statut de l’opposition libérale après 1848, décimée et dépourvue de ses chefs, empêche un véritable retour à ces pratiques, alors qu’elles continuent à s’affirmer dans le nord de la péninsule italienne, sous l’effet des progrès du courant mazzinien. La forme des révoltes méridionales entre en contradiction avec ce modèle : elles relèvent essentiellement de manifestations spontanées d’opposition au roi, et se sont surtout construites à l’échelle locale, sur la base des sociabilités résiduelles de l’après-1848. Elles ont exploité la tyrannie et l’incompétence supposée du roi, expliquant les raisons économiques mobilisées. La récurrence des insultes au roi en témoigne : le mot d’ordre Morte al Tiranno ! se maintient tout au long des années 1850, à mesure que l’hostilité au roi se nourrit de l’image internationale du malgoverno bourbonien. Malgré le caractère très localisé des résistances et leur fonctionnement encore très traditionnel, on voit se reconstituer dès le début des années 1850 des réseaux conspirateurs à l’échelle nationale, fondés sur des correspondances entre libéraux des provinces et de la capitale. L’attractivité intellectuelle et professionnelle de Naples y contribue : passage obligé pour une partie des élites provinciales, elle voit s’établir des liens diasporiques avec les provinces. Le projet de conspiration établi à Reggio en décembre 1850, bien documenté, en témoigne. Mis en place par un aubergiste, Giovanni Longobuco, qui reçoit des patriotes venant débattre des affaires politiques du royaume, il profite de la présence à Naples de deux de ses cousins et de ses liens personnels avec le démocrate cosentin Pietro Mileti, lui aussi installé à Naples et dont deux des frères, Carlo et Pasquale, ont dû s’exiler en 1849. Fort de son implantation à Portici, il parvient à mobiliser sept sujets de la capitale, en s’appuyant sur les sociabilités courantes à l’œuvre dans les cafés de la commune. Son attention se porte sur les gardiens des bains de Portici, parmi lesquels trois des membres sont recrutés, pour leur capacité à manier les armes et leur connaissance du mode de vie du roi, dont la résidence d’été se trouve à Portici. La conspiration cherche à transformer le royaume en république, sans que le contenu donné à ce terme soit précisé, et elle s’appuie sur cinq dépôts d’armes établis autour de la capitale. Elle associe donc des acteurs napolitains, chargés d’exécuter un projet conspirateur destiné à renverser le roi, à treize sujets calabrais qui entretiennent avec eux une importante correspondance84. Mais l’organisation échoue et ses participants sont arrêtés et jugés en décembre 1850.
36Si elle n’a pas connu une ampleur suffisante pour remettre réellement en cause le régime en place, cette conspiration témoigne toutefois des efforts d’organisation de ses acteurs, qui s’appuient sur les précédents des sociétés secrètes libérales et démocratiques méridionales. Ils ont produit des actes symboliques, qui se nourrissent de l’actualité internationale et ciblent des lieux emblématiques de l’arbitraire royal. Le projet mis en place en 1853 par plusieurs conspirateurs de la province d’Avellino en témoigne : il s’est focalisé sur la prison de Montesarchio, qui a accueilli certains prisonniers libéraux dont Carlo Poerio et Michele Pironti. Alors qu’elle a fait l’objet d’une forte médiatisation internationale, qui en a fait l’un des symboles de la tyrannie de Ferdinand II, elle a suscité des projets de destruction mis en place par des libéraux de la province. En juillet 1853 dans le village de Montesarchio, les frères Achille et Antonio Sarti ont ainsi planifié, avec huit autres sujets de leur commune, l’attaque du bagne pour libérer ensuite les détenus85. Par la cible qu’il a choisie et le répertoire d’action qu’il a mis en œuvre, le projet est rapproché par la police bourbonienne de la prise de la Bastille de 1789. Il montre l’évolution du répertoire d’action des opposants, qui intègre la pratique nouvelle de l’attentat aux registres plus traditionnels de la conspiration : il s’agit d’actes politiques fortement mis en scène, dont l’objectif est beaucoup plus de déstabiliser l’ordre public et de marquer les esprits que de tuer un dirigeant ou ses représentants86. À partir de 1854, les projets d’attentats se multiplient et se construisent à une échelle plus large, appuyées sur des relations de clientélisme qui facilitent la coordination des opposants. C’est le cas de la maison Conforti, qui organise régulièrement des banquets d’opposition recevant des transfuges calabrais. Les solidarités villageoises maintenues expliquent que ceux-ci viennent principalement de la commune italo-albanaise de San Benedetto Ullano, dont font partie les Conforti, parmi lesquels Orazio Fullone et Michele Dores, deux conspirateurs ordinaires, auxquels se joint à partir de mai 1854 Agesilao Milano, jeune militaire venu à Naples s’engager dans l’armée du roi. Milano y exprime dès lors ses intentions politiques, cherchant à détruire l’institution monarchique87. Mais le projet n’est pas pour autant réalisé et ne concerne que quelques Calabrais, sans parvenir à rencontrer un écho plus large. Il s’agit donc d’une résistance locale, mais que les réseaux de la diaspora calabraise ont déplacée dans la capitale du royaume.
37Mais l’événement témoigne des évolutions quantitatives et qualitatives des conspirations. Les oppositions au roi connaissent en effet un tournant majeur en 1854, influencé là aussi par l’actualité italienne, alors que se développe l’idée du « coup de main » du premier ministre piémontais Cavour sur les côtes calabraises, afin de libérer par la suite le royaume des Deux-Siciles et de l’intégrer au Risorgimento. Ce projet, mis en place au printemps 1854 avec l’appui décisif du démocrate méridional Giovanni La Cecilia, a été très vite connu des patriotes calabrais et explique le développement quasi-immédiat d’une opposition de masse à la monarchie, centrée sur les trois provinces calabraises88. Il rejoint les quelques projets de renversement du régime formés dans la province de Cosenza depuis janvier 1854, qui ont essentiellement impliqué des militaires et ont tous échoué89. En mai 1854, la nouvelle du projet cavourien explique la multiplication des voix séditieuses annonçant une révolution imminente. Les milieux démocrates calabrais, dont une partie est en exil en Piémont-Sardaigne, ont joué un rôle déterminant dans leur diffusion. La Cecilia dit avoir impliqué Giovanni Andrea Romeo, Antonino Plutino et Domenico Mauro, qui sont tous des notables calabrais bien connus dans leurs provinces et des figures de premier plan du démocratisme méridional90. Les appels à renverser le roi-tyran se sont ainsi propagés depuis les foyers d’implantation familiale des trois chefs démocrates. Ils ont reposé sur des rumeurs, qui se sont multipliées entre 1854 et 1855. À Saracena dans la province de Cosenza, Antonio Prioli incite les habitants du village à s’armer contre le roi à l’été 1854, en profitant de liens soutenus avec des révolutionnaires de Cosenza et de Bianchi, parmi lesquels le maire Ferdinando Bianchi. La mobilisation se déploie surtout dans les communes italo-albanaises de Lungro et d’Altomonte, appuyés par les familles Straticò et Laurito, parmi les plus influentes à l’échelle locale91. Les solidarités arbëreshë en ont été un outil déterminant, moins parce qu’elles relèveraient d’une culture politique commune que parce qu’elles ont constitué une communauté soudée et cohérente. Ces mêmes logiques ont soutenu, en 1855, le déploiement de mobilisations massives contre le roi qui ont repris le modèle antérieur de la guerre par bandes armées, alors l’une des stratégies valorisées par le répertoire d’action du Risorgimento. La levée des hommes s’est révélée efficace, obtenant des bataillons de 79 volontaires à Sant’Agata92 et de 159 à Verbicaro93. Leur fonctionnement rejoint celui des protestations collectives armées qui ont marqué les rivindiche des années 1840. Ils attestent la massification des résistances au roi, leurs efforts d’organisation à petite échelle, qui a profité d’une tradition et de réseaux conspirateurs anciens dans les Calabres. Dans le contexte de la guerre de Crimée où Ferdinand II est apparu à l’opinion européenne comme l’archétype du tyran allié de la Russie se sont faits jour des projets plus radicaux, qui ont visé le meurtre du roi.
3. La construction du tyrannicide
38Les mobilisations d’opposition au roi sont marquées par un contraste majeur entre la récurrence des insultes régicides et leur faible performativité, alors que la majorité des conspirations ont plutôt cherché à renverser la monarchie qu’à tuer le tyran. Dès lors, les logiques tyrannicides, pourtant présentes en 1848 dans le contexte des appels à venger les martyrs, ont connu une diminution notable au début des années 1850. Lorsque Ferdinand II envisage, en 1850, d’entreprendre un voyage dans les Calabres, un projet tyrannicide se forme au sein des milieux conspirateurs calabrais, mais les sources à son sujet demeurent nébuleuses94. L’initiative demeure cependant isolée et il faut attendre 1855, au temps fort de la guerre de Crimée, pour voir ces projets se préciser et se diffuser à l’échelle du royaume. Par déformation, ils s’appuient sur l’idée d’une alliance entre Ferdinand II et le tsar de Russie, alors que le roi bourbon a refusé d’adhérer à la coalition internationale contre ce dernier. Cette extrapolation du fonctionnement du conflit conduit à envisager les similitudes entre les souverains napolitain et russe, soutenues par leur fort conservatisme. Lorsque le tsar Nicolas Ier meurt en mars 1855, se développent à Naples, dans les cafés du quartier populaire de Materdei, des voix séditieuses incitant à tuer le roi, que la cruauté destine à un sort comparable à celui de son homologue russe95. Elles s’élargissent ensuite à l’échelle de la capitale, au point que la monarchie craint un complot organisé, appuyé par les élites du royaume : elles le rapportent à un précédent médiéval, les conjurations des Barons, qui ont mobilisé les potentats napolitains contre le roi espagnol Fernand de Trastamare à la fin du XVe siècle96. Mais le rapprochement relève davantage de l’extrapolation que de la réalité, alors que la noblesse ne représente pas la majorité des opposants et qu’il n’existe pas de conspiration organisée à l’échelle du royaume contre la monarchie.
39Plus que l’attitude du roi par rapport à la Russie, la publication à Turin de la biographie du souverain par Mariano D’Ayala, en 1856, a encouragé de nouvelles mobilisations. Elle a circulé clandestinement dans le royaume, à la fois dans les Abruzzes dont D’Ayala a été l’intendant, et dans les milieux intellectuels libéraux de la capitale97. Il s’est ensuite diffusé par les canaux habituels de circulation de l’écrit et a donné une garantie aux projets régicides. À Amantea dans la province de Cosenza, les frères Frugiuele, issus d’une famille de notables locaux lettrés, justifient en 1856 leur projet de conspiration régicide par la légitimité que lui aurait donné l’ouvrage de D’Ayala. Il leur a servi d’argument pour lever treize hommes armés dans plusieurs villages de la province, pourtant distants les uns des autres : les réseaux élitaires cosentins ont facilité cette mobilisation98.
40L’initiative la plus visible demeure le régicide manqué d’Agesilao Milano contre la personne du roi, perpétré le 8 décembre 185699. Il a eu lieu à une date symbolique, le jour de l’Immaculée Conception, ce qui montre l’aspect providentialiste de l’événement. Lors d’une revue militaire présidée par le roi, à Capodichino en périphérie proche de Naples, Milano a frappé le souverain d’un coup de baïonnette dans la poitrine, mais n’a pas pu mener l’attentat à son terme du fait de l’interposition du lieutenant-colonel Francesco De La Tour. Jeune militaire de San Benedetto Ullano, dans la province de Cosenza, Milano a fréquenté le Collegio italo-greco dans les années 1840 et était déjà mentionné dans les registres de la police provinciale pour avoir participé à la rivindica en 1848. En juillet 1848, il a pris part à des actes collectifs d’iconoclasme, dans la mairie de sa commune100. Mais le projet d’attentat est plus tardif : il est formulé dès 1854 et mis à exécution deux ans plus tard. Il témoigne de la modernisation du répertoire de la conspiration, qui s’appuie désormais sur des figures mythifiées de libérateurs afin de s’affirmer comme un événement symbolique. Au Collegio de San Demetrio Corone, Milano a en effet été sensibilisé à l’héroïsme de Markos Botzaris, martyr de la guerre d’indépendance grecque, alors que des solidarités gréco-albanaises en ont facilité la circulation locale, au moment où l’albanisme en construction s’appuyait sur l’héritage culturel grec. Arrivé à Naples en 1854, il aurait fréquenté la Biblioteca Nazionale pour y lire des auteurs grecs et latins, dans lesquels il aurait recherché des modèles d’héroïsme101. Parce qu’ils ont trouvé un écho favorable auprès d’une génération d’acteurs sensibilisés à la culture du martyre politique, ils ont influencé le projet d’attentat de Milano. C’est ce qui explique l’appui de sujets italo-albanais présents dans la capitale du royaume, liés à Milano par des sociabilités communautaires formées en Calabre. Trois de ses camarades du Collegio, Antonio Nociti, Giambattista Falcone et Gaetano Tocci, l’ont ainsi appuyé, alors qu’aucun n’avait jusque-là pris une part active à l’opposition à la monarchie, seul Tocci étant notifié dans les sources de police comme gregario dans la révolte de Cosenza en 1844102. L’implication d’Attanasio Dramis, militaire originaire de San Giorgio Albanese et acteur important de la rivindica locale en 1848, a été plus significative. Fort de liens personnels avec des chefs révolutionnaires comme Domenico Mauro ou Giuseppe Ricciardi, il s’est infiltré dans l’armée bourbonienne sous un faux nom, en mai 1856, pour aider Milano en évaluant la possibilité de commettre un attentat contre le roi103.
41L’attentat de 1856 s’inscrit dans une perspective providentialiste. Il a recouru à une importante symbolique religieuse, à la fois par le choix de la date, par les sources d’inspiration qu’il a revendiquées et par le rôle de prêtres libéraux à ses côtés, notamment Lorenzo Zaccaro, Calabrais de San Lorenzo Bellizzi mais établi à Naples, arrêté trois jours après l’attentat pour avoir été l’un de ses principaux complices104. Les propos de Milano lors de son exécution publique sur la piazza Mercato à Naples, le 12 décembre 1856, le confirment : alors que sa mort est donnée en spectacle, la phrase « Sainte Vierge, je meurs pour la liberté ! (Madonna mia, muoio per la libertà) » fait référence au jour de l’Immaculée, présentée comme protectrice de l’attentat, et l’inscrit dans la continuité des martyrs calabrais morts pour leur opposition au roi.
42Cette héroïsation trouve un écho dans la presse libérale étrangère, et notamment piémontaise, qui a très tôt glorifié l’attentat de Milano comme une manifestation de la lutte pour la liberté. C’est le cas du journal turinois Il Fischietto, partisan de Cavour, qui consacre un entrefilet au régicide méridional quatre jours après son exécution105. Il montre la récupération de l’attentat de Milano par les acteurs piémontais de la construction nationale italienne : son auteur est très vite intégré en tant que héros populaire au panthéon national du Risorgimento. Le 26 décembre 1856, le journal L’Unione rappelle le providentialisme de l’attentat, et « les larmes versées » par « les soldats et le peuple, spectateurs de la fin héroïque » de Milano106. Sa célébrité nouvelle s’appuie donc sur la pratique du martyrologe et sur la politisation des deuils publics, encouragée par le régime piémontais. Les exilés méridionaux en Piémont ont joué un rôle déterminant dans ce processus, à l’image de Giuseppe Del Re qui lui consacre plusieurs poèmes publiés dans le journal turinois L’Armonia della religione colla civiltà, organe des catholiques libéraux piémontais. Ancien prêtre dans le royaume des Deux-Siciles, Del Re est en effet l’un des principaux membres de la société Panteon dei Martiri dont il vend les ouvrages dans la librairie communautaire qu’il a fondée à Gênes107. Légitimé par ces expériences, il lui rend des honneurs comparables à ceux des martyrs de la nation italienne, évoquant la reconnaissance du Risorgimento envers son attentat. Plus que la seule communauté piémontaise, c’est une partie du monde libéral européen qui rend hommage à Milano, dont l’action est présentée comme une réponse locale à la question napolitaine qui dominait alors l’actualité internationale. Mais ces publications immédiates révèlent l’écart maintenu entre la réalité des mobilisations méridionales d’opposition et leurs récupérations par les circuits étrangers du monde libéral108.
43L’attentat d’Agesilao Milano contre le roi témoigne à la fois des succès et des limites des efforts de restructuration que le monde libéral napolitain a connus au lendemain de la révolution de 1848. Dans le contexte de la guerre de Crimée, temps fort de la dénonciation internationale de la tyrannie bourbonienne, il autorise un premier bilan de ce processus. L’opposition libérale s’est reconstruite sur la base des survivances révolutionnaires, entretenues dans l’espace privé par des détentions d’objets et des sociabilités clandestines. Elle a profité d’une conjoncture politique fluide, où le renouveau des mobilisations a pris appui sur des exemples étrangers et sur l’actualité internationale, principalement italienne et autrichienne. De la même manière que les très nombreuses prises de position contemporaines sur le malgoverno napolitain, elle a donné une garantie aux menées politiques des libéraux. La faible diffusion du républicanisme et la structure même de cette opposition, qui relie des éléments modérés et démocrates au sein de sociabilités communes, expliquent que les mobilisations se soient davantage dirigées contre la personne du roi-tyran que contre le régime monarchique. Mais elles sont demeurées passives, essentiellement autonomes et localisées, beaucoup plus attachées à la patrie locale qu’à la construction nationale italienne, qui a surtout donné l’image du succès d’une révolution-sœur et de la possibilité d’une monarchie libérale.
Notes de bas de page
1 Notamment en France et en Angleterre, où leurs configurations idéologiques et partisanes se précisent au travers des expériences de l’opposition au Second Empire ou de l’accès au gouvernement britannique en 1852. Voir Darriulat 2003 et Parry 2006.
2 Voir en particulier la thèse de la « modernisation passive », que Luciano Cafagna a appliquée à l’itinéraire économique et social du Mezzogiorno (Cafagna 1988).
3 ASNa, Alta Polizia, b. 45, rapports de la police de Naples, 12 janvier et 3 mars 1850.
4 Les données s’appuient sur la confrontation des procès d’Alta Polizia et des procès politiques jugés dans les provinces de Cosenza et de Salerne pendant la période 1850-1856. Ils concernent exclusivement des actes politiques perpétrés à partir de l’année 1850 et excluent donc les procès liés à la révolution de 1848. Ces chiffres resteraient à confirmer par la confrontation avec les archives d’autres provinces.
5 Berti 1962, p. 353-355.
6 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 551, rapport de S. Salfi au ministre de l’Intérieur, 15 juillet 1853.
7 ASNa, Alta Polizia, b. 45, 4 mars 1850.
8 ASNa, Savarese, b. 207, Diario mutilo, 8 juin 1855.
9 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 661.
10 ASNa, Alta Polizia, b. 45, notice du 4 mars 1850.
11 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 661, notices des 13 et 18 mars 1855.
12 Sur les objets du Risorgimento, voir Fruci 2011.
13 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 361.
14 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 378.
15 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 355.
16 ASNa, Alta Polizia, b. 41, f. 269.
17 Marini 2006, en particulier « Spirito pubblico del secolo XIX », p. 238-245.
18 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 166.
19 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 201.
20 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 148.
21 ASCs, Processi politici, I, b. 93, f. 571.
22 ASCs, Processi politici, I, b. 43 bis, f. 460.
23 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 492.
24 ASNa, Polizia generale II, b. 1337, f. 587.
25 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 790. Voir aussi Caroppo 2013.
26 Quelques indications sur ces derniers dans Mellone 2013a.
27 Voir pour la France Agulhon 1977. Pour Naples, voir Mellone 2013a.
28 ASNa, Savarese, b. 207, passim.
29 ASNa, Alta Polizia, b. 41, f. 269.
30 ASN, Alta Polizia, b. 49, f. 662.
31 ASNa, Alta Polizia, b. 45, rapport de police, Cosenza, 8 mai 1850.
32 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, 108.
33 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, 125.
34 ASCs, Processi politici, I, b. 31, f. 189.
35 ASNa, Alta Polizia, b. 45, notice du 15 mars 1850. Sur l’activité précédente de D’Avossa, voir ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 210.
36 ASCs, Processi politici, I, b. 34, f. 263.
37 Cité par Andreotti 1874, vol. III, p. 398.
38 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 48. Domenico Mauro est l’auteur de plusieurs histoires de brigands calabrais, dont la plus célèbre est l’Errico de 1834. Voir sur ce point Cingari 2001, p. 152-155.
39 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 31.
40 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
41 Gugliotti 2016, p. 15.
42 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 52.
43 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, série de notices nominatives. Voir sur la frontière, Di Fiore 2013b.
44 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, notices nominatives.
45 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 242.
46 Romani 2015.
47 ASNa, Alta Polizia, b. 45.
48 Massari 1849, p. 10. Voir sur l’ampleur des soutiens napolitains à Murat, De Francesco 2009.
49 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 469.
50 Bartoccini 1955, p. 56.
51 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 662. Sur le parcours d’exil de Chiarizia, voir ASNa, Interni, b. 40, ad nomen.
52 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 33.
53 ASNa, Alta Polizia, b. 45, f. 360.
54 ASNa, Alta Polizia, b. 63, f. 1059.
55 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 661.
56 Basile 1956, p. 403.
57 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 662, 8 avril 1853. Voir sur ce point Berti 1962.
58 ASNa, Alta Polizia, b. 45, f. 355.
59 ASNa, Alta Polizia, b. 63, f. 1072.
60 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 473 : « Invito dei Siciliani ai fratelli Napolitani » (s.d.). Sur la tradition mazzinienne sicilienne, voir Riall 2004, p. 74-88.
61 De Francesco 2004.
62 ASNa, Alta Polizia, b. 63, f. 1028.
63 ASNa, Alta Polizia, b. 63, f. 1072.
64 De Lorenzo 2013, p. 51.
65 Voir sur les origines de ces représentations Mannori 2008.
66 La figure de Kossuth est ainsi souvent rapprochée de celle de Lucien Murat, en dépit de divergences idéologiques évidentes, dans les mobilisations ordinaires napolitaines pour lesquelles elle constitue un symbole de la lutte contre l’arbitraire royal. Voir par exemple, en Calabre, ASNa, Alta Polizia, b. 63, f. 1059.
67 ASNa, Alta Polizia, b. 63, f. 1073.
68 ASNa, Alta Polizia, b. 65, f. 1221 et b. 49, f. 661.
69 Elles sont bien connues de l’historiographie, en tout cas pour l’époque moderne (Cottret 2009 et Chopelin – Édouard 2014).
70 Les formes en ont été montrées, pour d’autres États européens, à travers la bibliographie spécialisée. Voir, pour la France, Salomé 2010 ; pour la Grande-Bretagne, Poole 2000.
71 Andreotti 1874, vol. III, p. 395.
72 Pour Ajello, voir ASCs, Processi politici, I, b. 26, f. 143 ; pour Paola, voir ASCs, Processi politici, I, b. 89, f. 524.
73 ASNa, Borbone, b. 954.
74 ASNa, Alta Polizia, b. 45, rapport de police, Naples, 4 mars 1850.
75 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 662.
76 ASNa, Alta Polizia, b. 45.
77 ASCs, Processi politici, b. 95, f. 573.
78 ASNa, Alta Polizia, b. 45, rapport de police, Naples, 15 mars 1850.
79 Voir sur les caractères économiques du Mezzogiorno au milieu du XIXe siècle, Bevilacqua 1993, p. 18-19.
80 Pour Montalto, voir ASCs, Processi politici, I, b. 26 bis, f. 155 ; pour Plataci, voir ASCs, Processi politici, I, b. 76 bis, f. 428.
81 Andreotti 1874, vol. III, p. 396. L’actualité politique méridionale de la fin des années 1850 en verra d’autres attestations, notamment en 1857. Voir De Lorenzo 2013, p. 68-73.
82 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 773.
83 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 438.
84 ASNa, Alta Polizia, b. 45, f. 360.
85 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 541.
86 Voir pour la France Salomé 2010, p. 279-280.
87 Gugliotti 2016, p. 15.
88 Voir sur ce point Romeo 1984a, p. 810-811, qui s’appuie sur La Cecilia 1876, vol. I, p. 332-336. Malgré des divergences idéologiques fondamentales, R. Romeo note que Cavour et La Cecilia entretiennent une correspondance régulière depuis 1846 (Romeo 1984b, p. 27).
89 ASNa, Alta Polizia, b. 67, f. 1504.
90 La Cecilia 1876, p. 333.
91 ASCs, Processi politici, I, b. 71, f. 398.
92 ASCs, Processi politici, I, b. 63, f. 362.
93 ASCs, Processi politici, I, b. 64 bis, f. 364.
94 Andreotti 1874, vol. III, p. 390.
95 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 661
96 ASNa, Alta Polizia, b. 49, f. 662
97 ASNa, Alta Polizia, b. 105, f. 3547.
98 ASCs, Processi politici, I, b. 57, f. 322.
99 Outre Gugliotti 2016, voir, sur Agesilao Milano, Mendella 1974.
100 ASCs, Processi politici, I, b. 24 bis, f. 124.
101 Gugliotti 2016, p. 12 et 25. Nathalie Clayer a montré que l’albanisme, attaché à décrire les particularités culturelles des populations albanaises, avait connu une impulsion décisive au début des années 1850. Dans les communautés albanaises d’Italie, il s’est appuyé sur le mythe dit « pélasgien » qui rattachait l’identité albanaise à l’héritage culturel de la Grèce ancienne, expliquant une sensibilité accrue aux figures de la guerre d’indépendance grecque (Clayer 2007, p. 196-203).
102 ASCs, Processi politici, I, b. 22, f. 115.
103 Cassiano 2004.
104 Gugliotti 2016, p. 6.
105 « Casti e morali », Il Fischietto, n° 151, 16 décembre 1856, p. 3 ; voir aussi un article anonyme dans La Sferza, VII, n° 144, 16 décembre 1856, p. 6.
106 « Agesilao Milano », L’Unione, III, n° 356, 26 décembre 1856.
107 Rédigés à la fin décembre 1856, les poèmes paraissent en février et mars 1857. Voir Del Re 1857, et « Apologia dell’assassinio, fatta dal Risorgimento », Ibid., VI, 10 mars 1857.
108 Par exemple et pour la France, Paya 1856 ; voir également l’illustration représentant l’exécution de Milano dans l’Illustrated London News du 27 décembre 1856.
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