Chapitre 10. Les libéraux à l’épreuve de la répression et de l’exil (1848-années 1850)
p. 339-372
Texte intégral
1Dès les lendemains immédiats du 15 mai 1848, le dispositif policier et judiciaire qui a été établi pour juger les rebelles et les séditieux a engendré des évolutions sociales importantes1. Les jugements prononcés ont cherché à écarter les attendibili de l’espace politique du royaume par des condamnations à mort, aux fers, à la prison ou à l’exil. Les sources policières permettent d’en saisir l’impact sur les parcours des libéraux. À Naples, l’Alta Polizia est devenue une institution prépondérante pour juger les crimes contre l’État et a vu son importance s’accroître aux lendemains de la révolution. À travers des rapports très nombreux sur l’esprit public et des listes détaillées d’attendibili détaillant leur activité politique et leurs parcours géographiques2, les autorités de police ont mis en place un suivi attentif des parcours des opposants. Dans les provinces, les sources judiciaires montrent l’ampleur des condamnations pour faits politiques. Dans les foyers récepteurs de l’exil enfin, la police politique surveille attentivement les parcours individuels et collectifs des proscrits, à des fins de contrôle social et pour prévenir la contagion révolutionnaire. À Turin par exemple, qui a été l’une de leurs principales destinations pendant la totalité des années 1850, on dispose ainsi d’un fonds spécifique recueillant des notices nominatives sur les sujets en exil notifiés par les administrations3. L’exil a en effet concerné une part significative des sujets politiques actifs, dans des proportions beaucoup plus importantes que dans les années 1820. Il voit se déployer des configurations sociales spécifiques qui font coexister des sociabilités communautaires persistantes avec une participation plus ou moins claire aux réseaux élitaires italiens alors en formation à Paris, à Marseille et surtout à Turin.
2Ces mobilisations ne sont pas exclusives d’une activité d’opposition locale qui continue d’exister dans les provinces du royaume et sur laquelle insistent également les sources de police. Face à la répression qui a visé les acteurs politiques de l’opposition dans un large début des années 1850, l’espace politique des libéraux napolitains s’est donc à la fois recentré sur les communautés politiques locales et sur l’espace transnational de l’exil. On cherchera d’abord à évaluer l’impact des procès politiques sur la structure du courant libéral. On se concentrera ensuite sur la forme la plus significative de la marginalisation des libéraux, à travers le déploiement des itinéraires d’exil et l’établissement de communautés libérales napolitaines, qui s’intègrent en partie à la communauté nationale italienne alors en formation. On montrera enfin, à travers les modalités de l’assistance aux exilés, la persistance de sociabilités communautaires et le poids des liens privés, qui ont constitué une limite majeure à l’italianisation des libéraux napolitains.
A. Les procès politiques de l’après-1848
3La très vaste campagne de répression que le royaume a connue s’est construite autour de la nécessité de maintenir l’ordre public, alors que la légitimité de la monarchie bourbonienne est fortement contestée par des libéraux qui, autour de Giuseppe Massari, identifient le royaume à « un paradis gouverné par des diables »4. Les procès politiques qui se mettent en place dès le printemps 1848 sont la manifestation principale de ce tournant répressif.
1. Rythmes et cibles de la répression
4La révolution de 1848 a été perçue par les autorités bourboniennes comme un débordement et a fait l’objet d’un ample effort répressif destiné à mettre à l’écart les libéraux, parce qu’ils sont envisagés comme séditieux. Celui-ci s’est mis en place par étapes : il s’est d’abord constitué dans les lendemains immédiats des émeutes du 15 mai 1848, pour en juger les participants, puis il a repris à partir de septembre 1849 et jusqu’au milieu des années 1850, avec l’ambition de punir l’ensemble des attendibili du royaume. Cette chronologie fragmentée s’explique à la fois par l’instabilité politique du royaume et par la difficulté à repérer les suspects. Dès lors, les procès se sont étendus sur le temps long du début des années 1850, à l’image de celui des insurgés du 15 mai 1848, à la fois le mieux connu et le plus richement documenté. Viviana Mellone en a montré l’ampleur chronologique, de ses débuts le 17 mai 1848 au jugement final de 1851, où est décidée l’accusation des 43 sujets suspects d’avoir participé directement à l’événement5. Le retour dans le royaume des sujets partis combattre en Lombardie-Vénétie ou à Rome, entre août et novembre 1849, a contribué à renforcer la vigilance des autorités à l’égard des attendibili, alors qu’elles craignaient leur propension à développer à Naples des formes de révolution expérimentées dans le nord de la péninsule italienne.
5Si les principaux procès sont relativement bien documentés, il n’est pas possible d’établir une statistique globale de la répression : les informations dont dispose l’administration centrale ne tiennent pas compte de la majeure partie des procès, effectués dans les provinces où ils ont relevé des autorités d’intendance. Pour les provinces de Cosenza et de Salerne, pour lesquelles les données sont les plus systématiques, on remarque la faible diversité des chefs d’accusation, réduits à quelques catégories générales (l’outrage au roi, la promotion de la démagogie, la participation à des cortèges publics, le conspiratisme), mais aussi la longueur considérable du processus punitif, qui se poursuit jusqu’à la fin des années 1850. Dans la province de Cosenza, les procès intentés aux 1 851 sujets de la province suspectés d’outrage au roi, l’imputation la plus fréquente, se répartissent comme indiqué dans le tableau 11.
6La majorité des procès ont duré de trois à quatre ans. C’est ce qui explique que la plupart d’entre eux aient pris fin entre 1852 et 1853. Le procès le plus long a duré de 1848 à 1857, visant à juger 90 sujets du village de Saracena acccusés d’avoir participé à une bande armée et d’avoir outragé le roi7. Cette durée corrobore l’argument d’un appareil judiciaire dont la lenteur et l’iniquité rejoignent l’inégale modernisation et l’inefficacité. Sans qu’il soit possible d’établir une statistique complète des chefs d’accusation, on remarque l’évolution suivante, pour les délits politiques nationaux jugés dans la capitale à partir de 1849 et 18508.
7La plupart des procès instruits en 1849 le sont pour participation à des formes visibles de la mobilisation révolutionnaire, à travers la place centrale des cortèges politiques, dont ceux des 15 mai 1848 et 29 janvier 1849 ont été les plus suivis. La facilité à identifier et à arrêter des suspects à l’expérience politique globalement limitée et très souvent ralliés à la révolution y a largement contribué. En 1850 à l’inverse, la majorité des procès ont été intentés pour sectarisme, avec le jugement des membres des deux organisations les plus importantes, les Pugnalatori et l’Unità Italiana. Les condamnations pour conspiration ou pour participation à des bandes armées ont été très nombreuses, essentiellement dans les provinces. D’autres condamnations apparaissent moins solides, à l’image de l’attendibiltà ou de l’« aversion pour le gouvernement », ou encore du républicanisme supposé de ces sujets, sans qu’il soit réellement possible d’en prouver la véracité, faute de réelles organisations républicaines auxquelles ces sujets auraient pu être affiliés. Les accusations ont parfois été hâtives : en novembre 1849, un changeur de monnaie du quartier du Mercato à Naples, Aniello Vitiello, est jugé « enclin au libéralisme » parce qu’il détiendrait plusieurs exemplaires de la constitution de 1848, alors même que les actes de son procès révèlent son analphabétisme9.
8Ces procès s’inscrivent dans une culture de la dénonciation et de la répression, longuement rapportée par les mémorialistes de la révolution de 1848 qui en ont fait l’une des manifestations les plus visibles du malgoverno de Ferdinand II. Dans l’une des histoires immédiates les plus célèbres, l’ancien député Giuseppe Massari, modéré qui a fait partie du courant giobertien dans les années 1840, déplore ainsi le recours fréquent à de faux témoins, payés par la police bourbonienne, et le caractère expéditif des procès, en dépit de leur lenteur matérielle10. L’Alta Polizia s’est en effet attachée à rechercher les soutiens de la révolution, en s’appuyant sur la suspicion systématique envers les ennemis du régime11. Une série de rapports adressés au roi par des acteurs de l’institution elle-même en a souligné les abus. Ils reposent sur un réseau capillaire de témoins, essentiellement dans la capitale du royaume. Arrêté en janvier 1850, Giuseppe Basile de Luna, qui a déjà été l’un des principaux indicateurs de la police française sur les agissements des exilés napolitains lorsqu’il était en exil à Paris dans les années 1820, indique ainsi à la police l’identité du coauteur des écrits séditieux au titre desquels il est arrêté, le démocrate Simone Capodicci12. Ces pratiques de délation se sont étendues aux proches des révolutionnaires et notamment à leurs familles. C’est ainsi que Luigi Ortale est arrêté en janvier 1850 en raison de son lien de parenté avec l’ancien maire libéral de Cosenza dans les premiers mois de la révolution de 1848, Tommaso Ortale, lui-même condamné pour sédition dans la province de Naples13. À Nola en Terra di Lavoro, Cesare Napolitano est arrêté en tant que fils du général Napolitano, « célébrité du decennio francese »14. Ces arrestations au prétexte d’une appartenance familiale témoignent des représentations bourboniennes de la dissidence politique : elle est présentée comme une contre-société construite par les révolutions successives et dont l’existence se serait perpétuée dans le cadre familial. Celle-ci se structure également à travers les réseaux d’interconnaissance. La suspicion s’étend en effet aux sujets supposés avoir eu connaissance d’un complot sans l’avoir signalé à la police. En février 1850 à Naples, une aubergiste du quartier de Montesanto, Francesca Meschi, est accusée de ne pas avoir signalé l’existence de la secte des Pugnalatori, qui s’est principalement construite à partir des sociabilités ordinaires de son quartier15.
9Ces pratiques ne sont pas exclusives d’accommodements ponctuels, liés à l’existence d’éléments libéraux dans les institutions policières et judiciaires. L’épuration des corps de la fonction publique n’intervient qu’à partir des derniers mois de l’année 1849, lorsqu’est mise en place une Giunta di Scrutinio aux proportions beaucoup plus modestes que celle que le royaume a connue en 1821-182216. En 1849 en effet, le fait que la direction de la Commission de sécurité publique, destinée à superviser le maintien de l’ordre public, soit confiée à un libéral modéré, Gabriele Abbatemarco, en est révélateur. Ancien carbonaro en 1820, député de Terra di Lavoro en 1848, il a fait preuve d’une relative indulgence envers une partie des révolutionnaires soumis à des procédures de surveillance, en raison notamment des liens personnels qu’il entretient avec eux, liés au maintien des réseaux formés dans les sociétés secrètes tout au long du XIXe siècle17. De la même manière et alors que des patriotes ont été destitués de leurs fonctions au moment de la répression, quelques-uns ont été maintenus en charge : Raffaele Carrascosa, libéral modéré devenu ministre des travaux publics en avril 1848, reste en charge jusqu’en 1860, alors même qu’il est le frère du général Michele, acteur de la révolution de 1820-1821 rentré d’exil en 184818. Les cas de libéraux maintenus dans leurs fonctions sont nombreux et nuancent l’image d’une répression despotique et autoritaire, reposant sur les abus répétés de la police et de la justice. Ceux-ci reposent sur la généralisation des outils d’identification et de stigmatisation destinés à désigner les opposants, à l’écart des usages qui en sont faits par les libéraux.
2. Portrait-robot du liberale : les outils nouveaux de la stigmatisation des opposants
10La politique répressive à laquelle les libéraux du royaume ont été exposés a été marquée par l’usage spécifique de catégories d’identification des opposants, qui se multiplient dans des sources de police de plus en plus nombreuses et stéréotypées, qui justifient la mise à l’écart des opposants. Elles s’inscrivent dans la continuité des évolutions amorcées plus tôt, au moment de la Restauration, avec un même objectif de légitimation de la politique intérieure bourbonienne, et voient se généraliser l’emploi de l’adjectif liberale, presque systématique pour désigner des opposants favorables à des libertés politiques plus larges que celles accordées par la monarchie. Le substantif liberalismo, d’un emploi très rare, est associé à un « système » ou à des « sentiments », désignant un ensemble de valeurs subversives liées à l’opposition à la monarchie.
11Ces usages s’écartent donc de ceux pratiqués par les libéraux eux-mêmes. S’ils n’ont pas encore codifié le sens de ces catégories, il y a au lendemain de la révolution de 1848 un consensus assez large sur le fait qu’elles désignent l’attachement aux libertés politiques et économiques, même si son emploi laisse parfois la place aux adjectifs moderato et democratico, plus précis quant aux cultures politiques auxquelles ils font référence. Dès lors, les sources bourboniennes l’associent à des qualificatifs qui soulignent son caractère excessif et rappellent qu’il s’agit d’un dévoiement. Le président du comité révolutionnaire de Cittaducale dans les Abruzzes, Raimondo Bonafede, est ainsi notifié dans le registre national des attendibili comme « un libéral très exalté (esaltatissimo) »19. D’autres notations montrent que le fait de revendiquer des idées libérales serait une inclination familiale, développée dans une contre-société d’opposants politiques qui se perpétuerait par l’éducation. D’Antonio De Blasio, prêtre de Reggio Calabria, cousin des frères Pellicano et fils d’un dignitaire carbonaro qui a participé activement à la révolution de 1820-1821, le registre d’Alta Polizia signale qu’il « a sucé avec le lait maternel les principes libéraux »20. À défaut de pouvoir cerner le corpus idéologique des libéraux et le mode de transmission de leurs idées, les autorités bourboniennes s’attachent à décrire leur répertoire d’action, qu’elles considèrent commun à nombre d’entre eux. Il serait alors révélateur des intentions propagandistes des libéraux. Dans un rapport consacré au révolutionnaire Luigi Linguiti, établi en décembre 1849, l’intendant de la province de Naples signale qu’il « professa des principes libéraux par des discours et des externations consenties (esternazioni consentite) aux pratiques subversives du temps »21 : c’est donc la capacité des opposants à investir l’espace public et à y déployer des formes spécifiques de politisation qui est perçue comme la principale manifestation de l’activité politique des libéraux. Cette politisation présente le risque principal de rassembler les opposants au régime au moyen de sociabilités spécifiques, apparentées à celles des carbonari des années 1820 et considérées comme criminelles. Dans les discours policiers et administratifs bourboniens donc, les libéraux sont envisagés comme des sujets politiques immoraux et séditieux.
12De façon plus occasionnelle, l’Alta Polizia a cherché à cerner l’organisation politique des sujets du royaume considérés comme libéraux. Les très nombreux procès politiques montrent que beaucoup d’entre eux ont été accusés de sectarisme, puisqu’ils ont participé à des organisations politiques d’opposition. Il est en effet courant que l’ensemble des libéraux soit rapporté à une « secte (setta) » ou à un « parti » : du libéral de Reggio Calabria Gioacchino Ferro, on signale en effet en janvier 1850 qu’il fréquentait « d’autres jeunes du parti libéral »22. Il ne s’agit évidemment pas d’une structure organisée au sens moderne du terme, mais d’un ensemble informel de sujets politiques partageant des valeurs et des idées qui leur sont communes23. Il apparaît plutôt comme une contre-société dont la police exagère considérablement la capacité d’organisation, l’ampleur nationale et le monolithisme, de même que la capacité à mobiliser le peuple contre la monarchie. Les incitations financières qu’auraient reçues des hommes du peuple, « payés par le parti du désordre » pour participer à la révolution, sont au centre de ces accusations24. La police bourbonienne exagère donc la capacité de mobilisation des libéraux, en même temps qu’elle croit percevoir dans le degré d’implication dans les révolutions un signe de l’organisation de ce parti supposé. La classification en capi, secondatori et gregarii, qui se systématise depuis les années 1840, en est la principale illustration, mais elle ne suffit pas à rendre compte de la complexité des acteurs politiques de l’opposition.
13La qualification des identités politiques se fait, comme pour la période précédente, en fonction de catégories morales, autour de la critique très fréquente d’immoralité faite aux libéraux. Le vocabulaire employé par les registres policiers l’illustre : en 1849, le démocrate napolitain Andrea Zir, ancien membre de la société secrète des Pugnalatori, est considéré comme « irréconciliable avec l’ordre public »25. D’autres notations établissent le lien entre la participation des libéraux aux révolutions politiques et leur dépravation morale supposée. Ippolito De Riso, frère du chef révolutionnaire Eugenio, est ainsi présenté comme l’un des responsables de « la ruine (rovescio) de la Monarchie et de la Religion », alors que la police bourbonienne signale son athéisme26. Dans le cas d’un garçon de cuisine napolitain de 29 ans qui a participé aux barricades du 15 mai 1848, Luigi Esposito, la police met sur le même plan son rôle dans l’insurrection et sa fréquentation assidue des lupanars27. Ces considérations morales sont absentes dans certains profils de libéraux, principalement pour des secondatori ou des gregarii, dont la police attribue parfois la participation à la révolution à l’instinct grégaire ou au fait d’avoir subi l’influence néfaste de chefs révolutionnaires. Cette lecture morale de la politique explique que soient également convoquées d’autres catégories, de manière parfois abusive. Les libéraux se retrouvent ainsi qualifiés de démagogues, adjectif utilisé comme synonyme de démocrates, alors que les autorités bourboniennes ne perçoivent pas clairement le sens des cultures politiques réelles des opposants. La province de Reggio compte ainsi 677 condamnés pour démagogie au cours des procès de 1849 et 1850 et l’un des sujets de la province, Francesco Russo, est considéré comme « l’un des démagogues les plus exaltés du bas peuple »28. Cette catégorie coexiste avec d’autres, comme l’accusation d’anarchisme, qui est un moyen d’identification courant dans les premières décennies du XIXe siècle29. Mais ces qualifications révèlent davantage les peurs projetées par la police bourbonienne sur les libéraux que la réalité de leurs convictions idéologiques. Elles témoignent donc des difficultés à saisir les cultures politiques à l’œuvre, envisagées comme de simples réactions d’opposition à la monarchie, en même temps que la volonté de légitimer la répression des participants à la révolution, que les autorités bourboniennes envisagent de mettre à l’écart de l’espace politique du royaume.
3. Les formes de la mise à l’écart des opposants
14La condamnation de très nombreux révolutionnaires à des peines de prison a été l’une des manifestations principales de l’évincement des opposants à la monarchie. Elle représente la majorité des peines prononcées au terme des procès politiques qui leur ont été intentés, soit en première instance, soit à la suite de la commutation d’une condamnation aux fers ou à la peine de mort. Ainsi, dans la province de Reggio, 1 308 des 1 323 condamnés écopent d’une peine d’emprisonnement30. Les quinze autres ont été condamnés aux fers, à mort ou à l’exil. Ces condamnations se sont d’abord appliquées aux acteurs politiques de premier plan, qu’il s’agissait d’écarter définitivement de l’espace politique national afin de prévenir le déclenchement d’une nouvelle révolution. Au titre de la participation aux événements du 15 mai, Antonio Scialoja et Francesco Amodio ont ainsi été condamnés à neuf ans de prison chacun. Nicola De Luca et Francesco Trinchera ont écopé d’une peine de huit ans d’emprisonnement31. La multiplication des emprisonnements, y compris dans les provinces, est bien connue par l’existence d’un matériel archivistique cohérent, qui permet de connaître précisément l’identité des condamnés et les chefs d’accusation qui ont conduit à leur emprisonnement32. La province de Reggio en donne l’un des exemples les mieux documentés, en lien avec la très forte activité politique libérale qu’elle a connue en 1848. Les 1308 emprisonnements auxquels elle a donné lieu concernent, à cinq exceptions près des sujets originaires de la province. Les chefs d’accusation invoqués sont indiqués en figure 22.
15Les motifs des condamnations, peu précis et relativement proches les uns des autres, recoupent les statistiques judiciaires établies plus haut à l’échelle nationale33. L’emprisonnement a été une sanction très courante, y compris pour des délits politiques mineurs ou pour une simple opposition à la politique du roi. Le nombre des emprisonnements explique la multiplication des pétitions en vue de la libération des condamnés politiques. Le cas d’Antonio Scialoja, libéré par Ferdinand II à la suite de l’intervention de l’empereur français Napoléon III en 185334, demeure une exception et les réclamations sont d’abord le fait d’acteurs politiques à la renommée nationale, capables d’influer sur les décisions administratives en mobilisant des réseaux reliant les provinces et la capitale. La manière dont s’effectuent ces réclamations fait apparaître la permanence des logiques communautaires. Alors qu’il se trouve encore dans le royaume au début des années 1850, le Calabrais Giovanni Mosciaro demande au roi la libération des treize sujets de son village de San Benedetto Ullano, l’une des communes italo-albanaises de la province de Cosenza les plus actives dans la révolution de 1848. Il intercède notamment en faveur de quatre membres de la famille Conforti, tous mis en prison à Naples35. Si ces pétitions se font avant tout dans le cadre des communautés locales, c’est parce que les expériences de la prison sont très peu connues de la société napolitaine, faute de témoignages publiés. Le principal lien demeure familial : mis en prison en 1850, l’ancien député Carlo Poerio correspond principalement avec ses sœurs, son beau-frère Paolo Emilio Imbriani et son cousin Errico, établis en Piémont-Sardaigne où ils sont en exil36. Quelques correspondances politiques sont suspectées par les autorités, qui impliquent soit des dirigeants étrangers soit des démocrates italiens, mais elles ne constituent pas un échange substantiel, à l’image des quelques lettres échangées par Francesco Angherà, neveu de l’archiprêtre Domenico, avec Giuseppe Mazzini en 185137.
16L’emprisonnement constitue donc la principale voie de la mise à l’écart des opposants, mais il n’en est pas la seule : l’exil politique a également concerné une part importante des acteurs politiques de 1848, qu’il représente l’objet d’une condamnation ou un départ volontaire afin d’échapper à la répression. Pietro Silvestro Leopardi a par exemple été condamné à l’exil perpétuel au titre de sa participation aux émeutes du 15 mai 184838. Il n’y a pas, à la différence des exilés de 1821, de suivi systématique des parcours des exilés par la police bourbonienne, et c’est en croisant les données d’Alta Polizia et celles de la surveillance policière dans les sociétés d’accueil qu’il est possible de reconstituer leurs parcours. L’administration bourbonienne a en tout cas cherché à empêcher à la fois leur retour dans le royaume et leur survie économique à l’étranger, en procédant de façon quasi-systématique au séquestre de leurs biens matériels. Cette mesure, mise en place en 1851 au titre de la sécurité publique, touche un grand nombre des exilés, en particulier ceux apparentés aux élites sociales du royaume39. Il s’agit alors d’un processus juridique mis en place sur le long terme, auxquels sont d’abord exposés les sujets réputés les plus séditieux, indépendamment de leurs appartenances idéologiques. Les biens de Pasquale Stanislao Mancini, pourtant modéré, sont par exemple inventoriés et confisqués entre 1851 et 1858, alors qu’il est en exil en Piémont-Sardaigne40. La même mesure s’applique à d’autres révolutionnaires, plus proches des milieux démocratiques : entre 1853 et 1858, les familles calabraises Musolino, Angherà et Nicotera y sont particulièrement exposées41. Un tel procédé vise à affaiblir matériellement les révolutionnaires, mais il n’a pas empêché le redéploiement de leurs parcours politiques dans l’exil.
B. La formation des communautés d’exilés
17L’exil auquel ont pris part les révolutionnaires napolitains dans les années 1850 a été plus massif et structuré que de l’après-1821. En croisant les sources napolitaines avec celles de la surveillance des exilés dans les pays d’accueil, il est possible d’identifier 407 sujets politiques actifs, originaires de la partie continentale du royaume, qui ont pris part à l’exil42. Ce chiffre ne tient pas compte des sujets non identifiés par les chancelleries napolitaines et étrangères, pas plus qu’il ne tient compte des femmes et des enfants dont il n’y a pas de recensement systématique. Ces exilés ont longtemps été envisagés comme des acteurs de la construction nationale italienne, à la fois par leurs parcours et par les sociabilités dans lesquelles ils s’inséraient43. Les moteurs du départ, les formes de la stabilisation à l’étranger et les structures sociales de l’exil invitent à mettre en question cette idée.
1. Les moteurs du départ : entre mobilité choisie et exil contraint
18Par rapport à l’ensemble des acteurs de la révolution, l’exil n’a concerné qu’une minorité numérique, avec 407 sujets sur les 31 062 attendibili enregistrés dans les sources de police. Cette mobilité a été contrainte pour plus de la moitié des acteurs impliqués (239 cas), alors que les autres ont quitté le royaume afin d’échapper à la répression. Dans la province de Reggio par exemple, où l’agitation révolutionnaire a connu des proportions notables, l’exil n’a concerné que 39 patriotes sur les 1 431 condamnés au terme des procès politiques de 1849 et 185044.
19Comme dans les années 1820, les parcours d’exil des patriotes napolitains ne relèvent pas d’une logique collective préétablie et leurs évolutions reposent d’abord sur des éléments conjoncturels. L’octroi d’un passeport aux sujets du royaume par une chancellerie étrangère, la présence de navires étrangers dans les ports du royaume et les mobilités liées à l’expérience révolutionnaire de 1848-1849 ont été des éléments déterminants. C’est ce qui explique la multipolarité des parcours d’exil : lorsque le libéral milanais Cesare Correnti s’adresse à Guglielmo Pepe en octobre 1849, il dit lui avoir écrit deux fois en deux mois, d’abord à Corfou puis à Malte45. Pour de très nombreux sujets, les théâtres extérieurs de la révolution de 1848, principalement dans les États italiens, ont été la première étape de ces itinéraires migratoires. L’échec des révolutions de Vénétie et de Lombardie sous les coups de la répression autrichienne en 1849 a donné une nouvelle impulsion à ces parcours, les contraignant à quitter le nord de la péninsule italienne. C’est le cas d’un sujet de Palmi dans la province de Reggio, Emanuele Savoia, parti pour Patras en septembre 1849 après avoir combattu en Lombardie comme engagé volontaire46. Les anciens serviteurs de la République romaine ont connu des itinéraires comparables après l’écrasement de cette dernière en novembre 1849, comme Raimondo Massei, prêtre démocrate des Abruzzes, embarqué à Civitavecchia en décembre 1849 en direction de Gênes où il rejoint la principale communauté d’exilés méridionaux, alors installée en Piémont47. Les évolutions conservatrices de ces États et la mainmise quasi-généralisée de l’Autriche sur la péninsule italienne sont le principal facteur explicatif de la redistribution des parcours migratoires.
20Les parcours d’exil des sujets napolitains ont donc tardé à se stabiliser du fait des recompositions complexes de la géopolitique italienne et européenne après 1848. Les départs s’effectuent principalement entre décembre 1848 et janvier 1851, de manière échelonnée et à destination d’espaces facilement accessibles par voie de mer. L’image internationale négative de la monarchie napolitaine a facilité cette insertion48. Dès lors, les premières destinations d’exil des 407 sujets napolitains identifiés dans les sources policières et diplomatiques se répartissent comme indiqué en figure 2349.
21Cette répartition fait apparaître deux types d’espaces. Les premiers ont vu s’installer des communautés cohérentes d’exilés méridionaux, dont les plus nombreuses se trouvent en Piémont-Sardaigne et en France. Cela s’explique par les dispositifs d’asile établis depuis les années 1830 et 1840 et par les structures d’assistance mises à la disposition des exilés50. Les autres espaces ont été utilisés comme points de passage et de redistribution des flux d’exilés, même s’ils n’ont été fréquentés que de façon plus minoritaire. Après l’effondrement de la République romaine, l’État pontifical en a fait partie, alors qu’il a permis à 11 sujets du royaume d’embarquer à destination du Piémont ou de la France par le port de Civitavecchia51. Cette fonction de redistribution a plus fréquemment été remplie par les possessions méditerranéennes des îles Britanniques, qu’il s’agisse de Malte (64 sujets) ou de Corfou (29 sujets). Leur capacité à accorder des passeports à des sujets italiens l’explique, beaucoup plus qu’une vision irrédentiste du territoire italien qui incluerait les îles méditerranéennes ainsi que l’a longtemps prétendu l’historiographie52.
22Le choix de ces lieux de transit se construit en lien avec les provinces d’origine des migrants, dont la très grande majorité quitte le royaume depuis ces dernières. Les sources policières et diplomatiques font apparaître la répartition indiquée dans le tableau 12.
23Le dénombrement des exilés napolitains fait apparaître des logiques régionales, la proximité géographique ayant souvent dicté les stratégies migratoires. L’origine des 64 sujets émigrés à Malte le montre : 17 d’entre eux, soit près du tiers, sont originaires des trois provinces calabraises, géographiquement tournées vers la mer Ionienne et le canal de Sicile avec lesquelles les relations commerciales ordinaires sont anciennes53. Les solidarités calabraises entre insurgés de Cosenza et de Reggio et les liens que ces derniers entretiennent avec les révolutionnaires siciliens, alors la communauté italienne la plus nombreuse sur l’île avec 160 sujets, ont contribué à renforcer l’immigration calabraise à Malte. La même logique s’observe à Corfou : parmi les 26 sujets pour lesquels l’île a constitué la première étape de l’exil, on retrouve la plus forte proportion de sujets des provinces des Pouilles, avec 10 exilés de Terre de Bari et huit de Terre d’Otrante, alors que les Calabrais y sont sous-représentés, avec seulement trois exilés54. Les parcours des exilés se redistribuent à destination du Piémont-Sardaigne, de la France ou plus rarement de l’Empire ottoman et de la Toscane. Dès le début des années 1850, les communautés d’exilés tendent à se stabiliser, processus dont le royaume de Piémont-Sardaigne, qui a connu l’installation d’exilés la plus massive, est l’un des cas les plus emblématiques.
2. Mobilité et stabilisation : le cas des Méridionaux du royaume de Piémont-Sardaigne
24La communauté des exilés méridionaux établis en Piémont est l’une des mieux documentées. Elle révèle à la fois la stabilisation des migrations politiques et leur recentrage dans la péninsule italienne, qui contraste avec l’internationalisme assumé des années 1820. Si au début des années 1850, la stabilisation des exilés napolitains en Piémont est nouvelle, le circuit sur lequel elle s’appuie l’est beaucoup moins. Les solidarités entre révolutions libérales expliquent l’existence de circulations antérieures, notamment en 1821 où plusieurs émissaires du royaume, comme Vincenzo Pisa et Luigi Cianciulli, se sont rendus à Turin pour y représenter les intérêts du régime libéral napolitain55. Plus tard dans les années 1840, Antonio Scialoja, alors jeune économiste originaire de la périphérie proche de Naples, enseigne à l’Université de Turin à partir de 1846 avant de rentrer à Naples où il devient député56.
25Le Piémont devient un foyer récepteur d’exilés napolitains à partir de l’automne 1848, alors que des exilés calabrais organisent une filière migratoire commune, depuis Reggio, encadrée par les élites libérales de la province. Ancien carbonaro en 1820 et père d’un martyr de la révolte locale de septembre 1847, Giovannandrea Romeo organise ainsi le départ de plusieurs habitants de la province à destination de Turin, au moyen d’une correspondance soutenue avec son cousin le chanoine Marra en octobre 184857. Ainsi appuyée sur les élites locales, cette émigration prend le prétexte du Congrès national qu’organise alors la Società nazionale per la confederazione italiana, une organisation giobertienne, entre les 10 et 27 mai 1848, pour organiser son départ à destination du Piémont et son installation sur place. Ils rejoignent ainsi plusieurs personnalités politiques du courant libéral méridional, dont Giuseppe Massari et Silvio Spaventa, venues participer au congrès. L’événement est révélateur des imbrications entre filières migratoires et construction nationale italienne, telles que les ont envisagées une partie des historiens. Ils ont montré, lorsque les arrivées de migrants méridionaux se sont multipliées en 1849, l’intégration progressive des exilés à la vitalité culturelle piémontaise et leur participation à la mise en place d’un consensus autour du Risorgimento58. Celle-ci est néanmoins restée limitée et a pris des proportions plus faibles que dans d’autres communautés italiennes présentes en Piémont, comme les Lombards ou les Vénitiens. D’après les estimations établies par Ester De Fort, ces dernières sont très largement majoritaires, avec 64 % des exilés, alors que les Méridionaux – Siciliens compris – ne représentent que 7 % du total des migrations politiques entrantes59.
26Cette concentration d’exilés s’explique à la fois par la relative tolérance dont fait preuve le gouvernement piémontais à leur égard et par le fait que le Piémont représente désormais l’un des points d’appui les plus solides de la construction nationale italienne, dont la monarchie s’impose comme l’un des acteurs les plus importants60. Ces éléments ont valu à la ville de Turin d’être qualifiée de « Mecque des exilés » tout au long des années 185061. Les proscrits méridionaux en ont très vite formé une composante spécifique, même si elle est demeurée minoritaire. Les arrivées contrastées des migrants, principalement effectuées entre 1849 et 1854, montrent la mise en place quasi-immédiate de la géographie de l’accueil autour de trois pôles principaux, Turin, Gênes et Nice.
27Le graphique montre à la fois les rythmes variables de l’installation des exilés et leur inégale répartition entre les trois foyers récepteurs de sujets méridionaux. Ceux-ci se sont constitués en fonction des réseaux qui ont préexisté à l’exil, mais aussi d’orientations politiques. Les plus modérés se sont installés à Turin, capitale d’un royaume dont les élites politiques ont progressivement affirmé leur prééminence dans la construction nationale italienne. À l’inverse, les démocrates se sont établis à Gênes autour d’un important foyer mazzinien. Nice abrite une communauté moins nombreuse, notamment liée à la proximité de la France où se sont réfugiés une partie des exilés. C’est ce qui explique l’afflux des proscrits napolitains à partir de janvier 1852, alors que beaucoup sont expulsés du territoire français sur décision préfectorale, dans le contexte de la répression des réactions populaires au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Douze sujets établis à Marseille partent ainsi pour Nice et Gênes dès la mi-décembre 1851, parmi lesquels Filippo De Filippis Delfico, notable des Abruzzes arrivé à Marseille en février 185062. Les sources policières ne permettent pas de savoir avec précision la part prise par ces exilés dans les résistances au coup d’État, mais elles mentionnent seulement qu’ils ont fait partie des suspects. Dans le royaume de Piémont-Sardaigne, ils ont rencontré une opinion globalement défavorable au coup d’État qui a fait consensus entre giobertiens et mazziniens et a rencontré l’approbation d’une partie des exilés63. Giuseppe Massari et Ippolito De Riso en ont fait partie, alors qu’ils ont produit des écrits défavorables au prince-président64.
28Le cas des proscrits napolitains arrivés en Piémont au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851 révèle les dimensions variables de cette communauté d’exilés, en dépit de sa relative stabilisation. Les expulsions de sujets napolitains après la création du Partito d’Azione par Giuseppe Mazzini entre mars et novembre 1853 en sont une autre illustration. Elles concernent une douzaine d’exilés, dont seuls quelques-uns, comme le démocrate Giambattista La Cecilia, expulsé en mars, se sont réellement affiliés à l’organisation65. Dans la plupart des cas, les proscrits napolitains soumis à cette mesure relèvent de la suspicion des autorités piémontaises en raison de leur parcours politique antérieur. C’est le cas de Damiano Assanti, cousin de Guglielmo Pepe, qui doit quitter le royaume le 26 mai 1853 et surtout de l’imprimeur napolitain Gabriele D’Amato, référencé comme simple libéral (liberale semplice) par la police napolitaine et rendu suspect parce qu’il dirige la société chargée de l’édition d’une collection d’hagiographies de patriotes, le Panteon dei martiri della libertà italiana, à laquelle sont associés de nombreux partisans de Mazzini66.
29Alors que ses éléments se répartissent à quasi-égalité entre modérés et démocrates, la société est dissoute par les autorités piémontaises et plusieurs de ses membres sont associés aux mesures d’expulsion. Gabriele D’Amato est ainsi contraint de s’installer en Angleterre début juin 1853, et deux autres membres de l’organisation, Francesco Gaston et Raffaele Spera, doivent embarquer pour les États-Unis au mois de novembre67. La suspicion s’étend ensuite à d’autres sujets en exil, dont la plupart sont accusés de contacts séditieux alors qu’ils n’ont pas participé à l’agitation des démocrates. L’ancien député des Abruzzes Luigi Dragonetti, pourtant notifié comme modéré depuis son arrivée à Turin en 1851, est ainsi arrêté avec ses deux fils en juin 1853 au nom de contacts supposés avec Francesco Trinchera, alors en prison à Naples, et le républicain vénitien Daniele Manin. Contraint de quitter le royaume, il s’installe à Toulouse en février 1854 avec ses trois fils, d’où il continue à correspondre avec des proscrits méridionaux installés en Piémont68. Ces expulsions, qui demeurent ponctuelles, conduisent à des redéploiements marginaux des parcours spatiaux des exilés. Elles montrent que l’ancrage territorial des communautés d’exilés a été tributaire des conditions politiques des pays d’accueil et de l’implication des proscrits méridionaux dans ces dernières. La construction de communautés stabilisées, beaucoup plus significative qu’elle ne l’a été au cours de l’exil précédent, s’est en effet appuyée sur des configurations sociales spécifiques, politisées ou non, révélant une insertion partielle dans les dynamiques sociales de l’Italie en construction.
3. L’inégale insertion des exilés dans les sociabilités italiennes
30La stabilisation des communautés d’exilés a facilité leur surveillance par les autorités de police des sociétés d’accueil, qui ont abondamment décrit les configurations sociales dans lesquelles ils se sont inscrits. Alors que les réseaux communautaires italiens se sont développés, ils ont progressivement intégré des exilés napolitains.
31Ils sont d’abord des lecteurs et des producteurs de la presse italienne, diffusée parmi les communautés italiennes présentes en Méditerranée. Les sources consulaires rappellent que le journal mazzinien L’Italia del popolo, alors publié à Lausanne, aurait abondamment circulé à Malte où les exilés méridionaux auraient été nombreux à le lire69. Les rares proscrits présents à Smyrne en auraient également profité, alors qu’il aurait été transmis dans des courriers ordinaires. La correspondance régulière que l’un d’entre eux, le Calabrais Saverio Vollaro, entretient avec un autre exilé de la province de Catanzaro, le général Michele Matarazzo, établi à Gênes, aurait facilité l’envoi de ce journal aux exilés présents à Smyrne entre 1851 et 185270. Dans les principaux foyers récepteurs d’exilés, plusieurs proscrits napolitains ont participé à l’élaboration de journaux italiens. Là encore, la communauté turinoise en offre les principaux exemples. La publication ponctuelle d’articles dans des périodiques piémontais n’est pas nouvelle : on en trouve la trace dès février 1848, notamment dans le journal cavourien Il Risorgimento71. Elle devient néanmoins plus fréquente dans les années 1850, au moment où se multiplient les initiatives de la part de patriotes méridionaux, qu’il s’agisse de la création de journaux ou de la simple participation au fonctionnement de ces derniers. En 1851, le démocrate Giambattista La Cecilia est ainsi le fondateur et le directeur du journal La Voce del progresso commerciale e industriale, dont la rédaction associe plusieurs proscrits napolitains. Lorsqu’il arrive en Piémont en 1854 après s’être évadé des prisons de Naples, Francesco Trinchera, ancien professeur de littérature à Naples, en devient l’un des principaux compilateurs, et s’occupe des pages consacrées à l’économie politique72. Francesco De Sanctis, installé en 1853 à Turin où il établit un cours privé de littérature italienne, est quant à lui l’auteur d’articles réguliers dans le journal modéré Il Diritto73.
32Le cas de De Sanctis est révélateur de l’inscription des exilés méridionaux dans les réseaux culturels de promotion de l’italianité, qu’on retrouverait pour d’autres acteurs. C’est en Piémont que les cas sont les plus nombreux, en relation avec les ambitions italiennes de la monarchie des Savoie. Le poids des chefs révolutionnaires napolitains y est déterminant, alors qu’ils ont cherché à s’affirmer comme les promoteurs du Risorgimento. Le fils de Mariano D’Ayala, Giuseppe, arrivé à Turin avec son père en 1851, débute dès son installation en Piémont une large entreprise éditoriale, en collaboration avec 35 sujets italiens, presque tous Piémontais ou Lombards, celle d’un Album pittoresco visant à glorifier la place du roi Victor-Emmanuel II dans la construction nationale italienne. Roi de Piémont-Sardaigne, il est qualifié dans le titre-même de l’ouvrage de « roi d’Italie », alors qu’il ne disposera de ce titre qu’au moment de l’unification. La célébrité Mariano D’Ayala dans le royaume des Deux-Siciles, liée aux publications très nombreuses qu’il a consacrées à l’art militaire napolitain et italien, a permis à son fils de mobiliser de tels réseaux, puisque l’équipe ne compte qu’un seul exilé méridional, Giuseppe Ferrara, ancien employé administratif de Procida qui a pris part aux deux révolutions de 1820-1821 et de 184874.
33Mais cette proximité avec les cercles du pouvoir piémontais relève davantage des intentions d’acteurs de la société civile que d’une intervention sollicitée par la monarchie, à l’exception d’Antonio Scialoja, mandaté en tant qu’expert sur des questions financières et juridiques depuis son arrivée en 1852, essentiellement parce qu’il a déjà enseigné l’économie à l’université de Turin dans les années 184075. Les initiatives de promotion de l’italianité insistent moins souvent sur la place de la monarchie piémontaise que sur celle d’acteurs politiques ordinaires, et notamment des patriotes morts pour l’Italie depuis 1799, érigés en martyrs à la suite d’une tradition méridionale constituée au cours du premier XIXe siècle. L’initiative la plus déterminante est le fait d’un avocat napolitain de tendance démocrate, Gabriele D’Amato, fondateur en 1851 de la Società del Panteon dei Martiri della Libertà Italiana chargée d’éditer les biographies de 96 martyrs ou groupes de martyrs supposés avoir contribué, de manière directe ou indirecte, à l’indépendance italienne76. Mais l’ouvrage, qui paraît en 1852, est perçu par la monarchie piémontaise comme séditieux et est apparenté à une entreprise mazzinienne, malgré la relative modération politique d’une partie de ses auteurs. Le collectif qui l’édite est donc dissous en 1853.
34Les cas de mobilisation active en faveur d’un Risorgimento non-étatique, que ce soit du côté des mazziniens ou des garibaldiens, demeurent en effet limités, en continuité avec les dynamiques politiques antérieures à la révolution. Les proscrits réellement impliqués dans des projets mazziniens sont très rares et localisés, et n’appartiennent pas formellement au Partito d’azione formé en 1853. À Malte, les liens établis dès 1848 par des exilés calabrais avec le patriote modénais Nicola Fabrizi leur ont permis d’intégrer la Propaganda italiana, une société politique démocrate installée à Malte et qui compte également des membres à Marseille77. Les frères De Riso en auraient été des acteurs de premier plan. D’autres sont en contact épistolaire direct avec Mazzini, alors en exil à Londres, à l’image des frères Patamia, proscrits calabrais établis à Paris qui envisagent de contribuer à la révolution italienne qu’il envisage de déclencher78. À Corfou, le Calabrais Salvatore Guercia fait également partie des correspondants de Mazzini et est référencé par la police piémontaise comme « très dangereux (pericolosissimo) » lorsqu’il rejoint la communauté mazzinienne de Gênes en 185679. L’implication des exilés dans le mouvement garibaldien est encore plus rare, sauf dans quelques parcours spécifiques marqués par l’expérience de la République romaine de 1848-1849. C’est le cas des frères Mattia et Venanzio Di Cola, artisans des Abruzzes engagés dans les armées garibaldiennes en 1849, mais dont la mobilisation cesse lors de leur départ pour l’Algérie en 1851, où ils sont arrêtés pour vagabondage80.
35Ces quelques cas montrent que par rapport à l’ensemble des exilés, l’insertion dans les réseaux italiens a été partielle et a dépendu de facteurs de circonstances. Elle s’est principalement limitée aux élites libérales et révolutionnaires du royaume et aux sujets qui ont déjà participé aux développements antérieurs du mouvement libéral. Pour la plupart des sujets, les notations dont on dispose révèlent leur faible implication dans la politique italienne : Carlo Musolino, pourtant impliqué dans la révolution de 1848 aux côtés de ses frères Benedetto et Pasquale, est évoqué comme « un sujet calme », « ne s’occup[ant] pas d’affaires politiques », alors qu’il est en exil à Malte en 185381. La même année, le même constat s’applique, à Marseille, au médecin Salvatore Montuori, qui fréquente pourtant des réfugiés politiques apparentés au courant mazzinien82. Ces situations appellent à nuancer fortement le schéma, avancé par une partie des spécialistes, de la formation de communautés politisées de proscrits méridionaux qui auraient contribué de façon décisive à la construction nationale italienne. Les stratégies d’adaptation mises en œuvre par les exilés pour assurer leur survie économique dans les sociétés d’accueil le confirment, largement marquées par le poids maintenu des liens communautaires.
C. Les voies de la survie en exil : stratégies professionnelles et liens communautaires
36Les mesures prises à l’égard des biens économiques des exilés leur imposent des stratégies d’adaptation83, qui passent par le réinvestissement de leurs compétences professionnelles dans les sociétés d’accueil et par la recherche de formes d’assistance. Les configurations sociales mises en œuvre montrent la tension permanente entre volonté d’insertion dans les sociétés d’accueil et maintien quasi-permanent des logiques communautaires.
1. Les stratégies d’adaptation professionnelle
37La répression engagée par la monarchie bourbonienne a été perçue pour beaucoup d’exilés napolitains comme irrémédiable, et les mesures économiques prises leur ont imposé des stratégies d’adaptation professionnelle afin d’assurer une installation durable à l’étranger. L’origine professionnelle des 407 exilés est indiquée dans le tableau 13.
38La structure professionnelle de l’émigration politique napolitaine présente une relative continuité avec l’expérience de l’exil précédent : elle est encore fortement élitaire, malgré un début d’ouverture encore très limité à quelques artisans (35 cas sur 407), quelques petits employés (15 cas) et sept paysans84. L’origine sociale des exilés napolitains contraste donc avec celle des autres communautés de migrants politiques italiens, qui connaît un élargissement significatif en direction des classes populaires. Les propriétaires, les juristes et les militaires demeurent les catégories socio-professionnelles les plus représentées, alors qu’ils ne représentent que 7 et 5 % de la totalité des exilés en Piémont. De la même manière, on compte seulement 15 artisans et ouvriers méridionaux, alors qu’ils représentent la catégorie la plus importante pour les autres communautés (31 %)85.
39Ces chiffres montrent à la fois l’inégale démocratisation de la société napolitaine des opposants et les contraintes induites par l’exil politique. Chez les exilés les plus pauvres, celui-ci a imposé des reconversions professionnelles, surtout dans les cas qui ne relèvent pas d’une mobilité choisie. L’exemple de Smyrne est l’un des plus emblématiques : il voit affluer une population napolitaine limitée et essentiellement populaire, qui occupent des emplois très peu rémunérateurs. C’est le cas de Gennaro Saturno, pizzaiolo du Principat Citérieur, arrivé en 1852, qui trouve à s’employer comme journalier sur un bateau à vapeur qui assure des liaisons régulières entre Smyrne et Alexandrie86. D’autres sont référencés comme vagabonds, comme Gennaro La Torre, paysan de Basilicate, ou Luglio Chiarini, militaire non-gradé, arrivé des Abruzzes en 1853. Ces situations sont néanmoins restées minoritaires et dans la plupart des cas, la survie économique des exilés dans les sociétés d’accueil a supposé le réemploi de leurs acquis professionnels. Une fois arrivé à Marseille en février 1852, un médecin calabrais, Salvatore Montuori, continue d’exercer sa profession en exil87. D’autres réinvestissent leurs compétences, sans pouvoir continuer d’exercer l’activité qu’ils pratiquaient dans le royaume. Lorsque Mariano D’Ayala s’installe à Turin en 1852, il envisage d’y enseigner les mathématiques, l’histoire et la géographie, dans le prolongement de son activité de professeur à l’académie napolitaine de la Nunziatella dans les années 184088. Les cas sont nombreux, et révèlent l’intégration plus aisée des professions libérales et des négociants, qui ont exploité leurs réseaux familiaux, communautaires et professionnels. C’est ce qui explique le relatif succès économique de la famille calabraise Plutino en exil : en 1852, Agostino, ancien négociant dans la province de Reggio, ouvre à Marseille une maison de commerce où il importe et revend des soies en provenance d’Italie et notamment de Calabre89. Il a d’autre part contribué à la réussite économique d’autres exilés calabrais installés comme négociants, à l’image d’un autre sujet de la même province, Della Monaca, établi à Paris dans le quartier des Batignolles où il tient une épicerie alors fréquentée par une grande partie des exilés italiens90.
40Mais la reconnaissance de leurs compétences professionnelles n’a pas été systématique et a supposé d’être soutenue par des intermédiaires. L’un des cas les plus représentatifs est celui d’un Calabrais de Fiumara dans la province de Reggio, Lorenzo Giordano, installé à Turin en 1856 après avoir participé aux révolutions de 1820-1821 et de 1848 et s’être déjà exilé à Paris à partir de 1823. Giordano invente deux machines destinées au filage de la soie pour lesquelles il demande l’obtention de brevets en 1856, arguant l’existence d’une tradition artisanale en la matière dans la province de Reggio qui a par ailleurs contribué au succès économique de certains exilés. Mais Giordano n’obtient les brevets souhaités qu’en décembre 1856, après avoir sollicité l’intervention d’un autre sujet du royaume, Giacomo Tofano, auprès du roi Victor-Emmanuel II91. Plus que par les stratégies professionnelles mises en œuvre, la survie économique des exilés s’explique par le poids des réseaux communautaires et par leur capacité à mobiliser des intermédiaires en leur faveur. Elle dépend surtout des structures d’assistance qui se diffusent, soit dans la société politique soit dans la société civile, et dans lesquelles les proscrits napolitains cherchent à s’insérer92.
2. Réseaux et dispositifs de l’assistance aux exilés
41Afin de pourvoir à leurs besoins matériels, les exilés méridionaux ont cherché à s’insérer dans des structures d’assistance apparues très tôt dans les communautés d’accueil. En Grande-Bretagne en 1849, un ensemble de parlementaires libéraux crée un fonds destiné à subvenir aux « besoins primaires et urgents » des volontaires engagés dans la défense de la République romaine. Il s’appuie sur les sympathies italiennes d’une partie du personnel politique whig, tissées par des liens personnels parfois anciens avec les sociabilités libérales napolitaines. Lord Palmerston, alors Premier ministre britannique et membre associé de plusieurs sociétés libérales méridionales, en est l’un des principaux représentants93. Après l’échec de la République romaine, le comité élargit son action aux patriotes italiens en exil, catégorie qui inclut des éléments napolitains94. Il a compté parmi ses bénéficiaires Pasquale Musolino, frère de Benedetto, qui a soutenu par les armes le régime romain, ou encore Eugenio De Riso, réfugié à Corfou dans les années 1850. Leur présence dans un territoire contrôlé par les Britanniques dans le cadre de leur politique d’influence en Méditerranée a été déterminante dans l’attribution des subsides, même si ces derniers n’ont concerné qu’une fraction restreinte des exilés présents à Malte et à Corfou. C’est ce qui explique que les sources consulaires insistent sur la très grande pauvreté de la majorité d’entre eux, référencés comme journaliers ou comme vagabonds95. Les exilés pris en compte sont donc des combattants qui ont pris une part active à la révolution de 1848 et se sont signalés comme des acteurs politiques de premier plan. Dans l’élaboration de la relation d’assistance, ils sont intégrés dans une catégorie plus large, transnationale, alors que la Grande-Bretagne s’impose comme l’un des principaux foyers récepteurs d’exilés à l’échelle européenne96. Elle ne compte cependant pas sur son territoire de communauté napolitaine significative : la structure mise en place relève de la fraternité libérale et du soutien aux événements italiens de 1848.
42Un autre dispositif s’est construit, à l’hiver 1848, dans la principale société d’accueil, le royaume de Piémont-Sardaigne. Les Napolitains ont alors relevé d’une structure de secours plus large, qui a ciblé les réfugiés politiques italiens dans leur ensemble, pour des raisons à la fois philanthropiques – la rétribution des mérites des patriotes qui ont servi la guerre d’indépendance de 1848- 1849 – et politiques, autour de l’idée de faire de Turin « une sorte d’asile italien » selon le mot de Massimo D’Azeglio, alors Premier ministre et ministre des Affaires étrangères97. Le soutien matériel aux proscrits a donc rejoint les objectifs politiques de la monarchie piémontaise, en même temps qu’il a contribué à l’attractivité du royaume de Piémont-Sardaigne chez les exilés napolitains. Dans une lettre adressée à Casimiro De Lieto en mars 1849, Eugenio De Riso mentionne ces structures d’assistance, évoquant un « Cercle de l’Émigration Napolitaine » qui se serait constitué à Turin avec l’objectif de « faire renaître (risorgere) la patrie opprimée » en y associant des Italiens d’autres États, eux aussi exilés en Piémont-Sardaigne pour échapper à la répression qui frappait alors les révolutions italiennes98. De Riso invite ainsi De Lieto à engager les patriotes calabrais menacés par la répression à se rendre en Piémont, pour profiter de structures d’assistance déjà implantées et actives. Depuis décembre 1848 en effet s’est constituée une organisation de secours aux exilés, à l’initiative d’un prêtre lombard, Carlo Cameroni, lui-même en exil à Turin. Appuyé par ses relations régulières avec des parlementaires piémontais, et notamment Massimo D’Azeglio, il distribue ainsi aux proscrits transnationaux qui affluent alors vers le royaume de Piémont-Sardaigne des fonds fournis par le Parlement. Entre 1848 et 1850, 74 % des exilés méridionaux qui arrivent à Gênes ou à Turin sont affiliés à l’association99. Les subventions sont soumises à l’établissement d’une requête, étudiée et approuvée par le Parlement piémontais selon le parcours politique et judiciaire du demandeur. L’implication dans la campagne d’Italie de 1848-1849 et la mobilisation d’intermédiaires appuyant les requêtes font partie des éléments pris en compte dans l’attribution des aides.
43Les structures d’assistance mises en place sont donc fondées sur la bienfaisance privée et soutenues par le pouvoir, avec l’idée d’intégrer les 15 000 exilés présents dans le royaume au projet national italien. La multiplication de ces structures renforce l’attractivité du royaume de Piémont auprès des patriotes méridionaux, ce dont témoigne la fondation en 1850 de la Società per l’emigrazione italiana, dirigée contre l’association de Cameroni, jugée partiale dans l’attribution des secours dont elle excluerait a priori les démocrates100. Fondée à Gênes, elle se donne l’objectif de subventionner plus largement les séjours des exilés en Piémont. Elle fournit ainsi des subsides à 67 exilés méridionaux, sous réserve d’affiliation à l’association, sans restriction d’appartenance politique puisqu’elle compte parmi ses membres le modéré Mariano D’Ayala depuis son arrivée dans le royaume en 1850101. L’association s’appuie sur une structure privée génoise destinée à fournir du travail aux exilés, l’Opificio Nazionale ligure, parfois rapprochée des Ateliers nationaux institués par la Seconde République en France en février 1848102. Cette initiative révèle la diversification des structures associatives destinées à prendre en charge la survie économique des exilés, souvent organisées autour d’options idéologiques. C’est le cas d’autres initiatives créées par des exilés eux-mêmes, à l’image du Comitato rivoluzionario negli Stati sardi mis en place en 1853 par Aurelio Saliceti, dont le rayonnement est beaucoup plus limité et dont l’objectif est de déclencher une révolution dans la péninsule afin de libérer le royaume des Deux-Siciles103. La diversification de ces structures couvre des publics variés, l’appartenance à l’un des comités étant exclusive des autres. Mais la complexité de la procédure d’attribution, souvent longue, surtout dans le cas des exilés ordinaires, explique que les exilés recourent prioritairement à des relations individuelles ou communautaires, destinées à pallier les lacunes de la relation d’assistance.
3. Liens privés et sociabilités communautaires
44Le fonctionnement de la relation d’assistance, sur requête des exilés eux-mêmes, a constitué une première limite, parce qu’il a supposé le recours à des intermédiaires afin d’accélérer le versement des subsides soumis à l’approbation du Parlement. C’est ce qui explique que certains exilés effectuent plusieurs demandes, à plusieurs années d’intervalle, avant de se voir attribuer une subvention. Ainsi en Piémont, sur les 224 requérants, 12 ont effectué au moins deux demandes à un intervalle d’un à trois ans parce qu’ils n’avaient pas obtenu satisfaction à la première104. C’est le cas du démocrate calabrais Luigi Miceli, ancien membre des comités nationaux calabrais en 1848 et qui a participé aux camps de révoltés : il effectue deux demandes après son arrivée à Turin en novembre 1849, l’une en 1849, l’autre en 1851105. Seules 76 demandes ont abouti à la seule initiative des requérants : dans tous les autres cas, l’attribution des subsides a supposé le recours à des intermédiaires. Dans 44 cas, les exilés ont écrit à Cameroni lui-même, en le chargeant d’intervenir personnellement auprès de Massimo D’Azeglio, alors Premier ministre jusqu’en 1852. Les autres ont sollicité l’intervention d’exilés des Deux-Siciles à la relative célébrité italienne pour leur implication dans le mouvement libéral et dans les révolutions précédentes (tabl. 14).
45Les chiffres montrent, pour la période pour laquelle les demandes ont été les plus nombreuses (1849-1854), la concentration de ces dernières autour de quelques figures politiques d’envergure nationale. Il s’agit d’acteurs à l’implication révolutionnaire ancienne (Raffaele Poerio, Giovannandrea Romeo), à l’ancrage local fort (G.A. Romeo, Pasquale Stanislao Mancini) ou jugés suffisamment modérés pour pouvoir être entendus par les parlementaires turinois (P.S. Mancini, Girolamo Ulloa)106. La chronologie des demandes recoupe globalement celles des installations de proscrits napolitains, qui s’accélèrent à partir de 1850-1851. Les demandes d’intervention se fondent moins sur des affinités idéologiques que sur des relations personnelles : le démocrate calabrais Giovanni Nicotera recourt en 1849 à l’intercession de Pasquale Stanislao Mancini, pourtant modéré, et partage les subsides qu’il reçoit avec son frère Carlo107. Les relations d’intercession montrent plutôt la persistance des sociabilités communautaires, principalement fondées sur la province d’origine. C’est le cas des 13 demandes soutenues par Raffaele Poerio et des 18 appuyées par Giovanni Andrea Romeo. Dans ce dernier cas, seuls deux sujets ne viennent pas de la province de Reggio108 ; tous les autres sont des démocrates, militaires ou artisans, enrôlés en avril 1848 parmi les volontaires calabrais qui ont contribué à la défense de Venise.
46Malgré l’intervention de ces sujets auprès de Cameroni et du parlement piémontais, les structures d’assistance n’attribuent que des soutiens partiels. Certains sujets sollicitent ainsi l’aide conjointe de plusieurs intermédiaires, généralement deux, s’adressant à la fois à Cameroni et à un exilé napolitain chargé d’appuyer sa demande. En 1849, Giovanni Nicotera écrit à la fois à Mancini et à Cameroni109. D’autres multiplient les courriers adressés à d’autres exilés napolitains, comme Francesco Cicconi, qui en 1850 supplie Giovanni Andrea Romeo, Pasquale Stanislao Mancini et Raffaele Conforti d’intercéder en sa faveur. Alors âgé de 58 ans, il invoque alors son âge avancé et son infirmité aggravée110. Les limites du système national de soutien aux exilés expliquent donc le repli sur d’autres stratégies, marquées par la permanence des liens communautaires. Ceux-ci sont facilités par les regroupements géographiques des exilés, qui s’effectuent généralement soit par filières migratoires, soit par origine provinciale commune. C’est le cas des Calabrais de Reggio, établis à Turin et à Marseille autour de leurs chefs révolutionnaires locaux. À Turin, l’influence de Giovannandrea Romeo a été essentielle, et les liens épistolaires qu’il a entretenus avec des Calabrais installés dans la totalité du royaume de Piémont ont contribué à maintenir les liens communautaires111. À Marseille, les Calabrais représentent la communauté provinciale la plus nombreuse (36 sujets sur 91), constituée autour d’Agostino Plutino, même si elle a profité d’implantations antérieures112.
47Les liens privés ont donc été un support essentiel de la relation d’assistance aux exilés, attesté par les correspondances maintenues avec la société du royaume. Elles sont renseignées dans les sources de police, aussi bien à Naples que dans les sociétés d’accueil, alors que se développe la peur d’un complot international qui impliquerait des révolutionnaires du royaume et s’appuierait sur des envois réguliers d’argent dont on craint qu’ils permettent de financer une expédition militaire dans le royaume des Deux-Siciles. Ces envois sont réels, médiatisés par des intermédiaires. Ferdinando Bianco, sujet de la province de Cosenza exilé à Malte, reçoit ainsi en 1851 des sommes d’argent régulières envoyées par deux sujets de son village, Ambrogio Grandinetti et Pietro Pugliano, sans qu’il soit possible de connaître la valeur des sommes en jeu113. Ce dispositif s’appuie parfois sur des relations commerciales ordinaires, utilisées comme prétexte à des échanges monétaires supposés servir à la survie des exilés. La maison de commerce d’Agostino Plutino à Marseille au début des années 1850 en est un exemple, alors qu’il n’y a pas dans la France du Second Empire de structure associative prévoyant une assistance globale aux exilés à l’image de celles qui existent en Piémont. Lui-même exilé politique, Plutino organise cet échange en prenant appui sur une correspondance déjà ancienne avec un agent de change marseillais, Gibert, afin de transmettre aux proscrits napolitains établis à Marseille des fonds en provenance du royaume des Deux-Siciles114. Les exemples de ces échanges pourraient être multipliés, effectués dans un cadre soit communautaire, soit familial. Le démocrate Giovanni Mosciaro, propriétaire calabrais de San Benedetto Ullano, reçoit ainsi des sommes d’argent régulières de sa famille, restée dans le royaume, alors qu’il est en exil à Alger au début des années 1850. Elles viennent de sa mère, de son épouse, de leur fille Benedetta. Alors qu’il est arrêté en juin 1855 à Marseille pour atteinte à l’ordre public, il écrit à son oncle, puis à son frère afin de leur signaler la pauvreté matérielle dans laquelle il se trouve et de leur demander de lui envoyer de l’argent115. Les modalités de l’assistance aux exilés sont donc révélatrices des reconfigurations limitées de leur espace social : les sociabilités italiennes existent, mais elles se limitent à des acteurs politiques de premier plan, et dans la plupart des cas, les structures sociales dans lesquelles les proscrits napolitains s’inscrivent montrent surtout la permanence des liens communautaires et des sociabilités antérieures à l’exil.
48La répression de la révolution de 1848, qui s’est organisée sur le temps moyen des années 1850, a donc engendré des recompositions dans la société des libéraux. Alors que les autorités bourboniennes ont déployé un important dispositif judiciaire, légitimé par des formes spécifiques de stigmatisation, leurs parcours se sont en partie réorientés dans le cadre d’un exil politique plus massif et plus stable qu’il ne l’a été dans les années 1820. Mais alors qu’il s’est principalement dirigé vers le Piémont, il n’a pas réussi à intégrer effectivement les proscrits napolitains dans les réseaux politiques liés à la construction nationale italienne. Les formes et les pratiques de l’assistance aux exilés montrent que les configurations sociales dans lesquelles ils s’inscrivent relèvent encore, dans la grande majorité des cas, des sociabilités communautaires constituées dans le royaume. Cette situation contraste avec d’autres acteurs italiens, notamment lombards ou vénitiens, qui s’insèrent avec plus de facilité dans les groupes politiques italiens alors en formation à Turin et à Gênes116. Mais les chefs révolutionnaires napolitains y trouvent leur place et apparaissent désormais comme des acteurs de la construction nationale, à l’image de Guglielmo Pepe ou de Giuseppe Massari. Cette intégration accélérée leur permet de diffuser plus largement les mémoires qu’ils produisent à propos de la révolution de 1848, et qui contribuent à former l’image d’une patrie napolitaine à défendre.
Notes de bas de page
1 Parmi une bibliographie importante quoiqu’inégalement renouvelée, voir surtout Mellone 2013b, et Fiore 2012.
2 Notamment ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81 et ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85.
3 Voir sur cette source De Fort 2003.
4 Massari 1849, p. 3.
5 Mellone 2013b. Voir aussi les actes du procès, publiés sur décision de la monarchie bourbonienne en 1851 (Atto di accusa 1851, réédité en 1852).
6 Données établies à partir des dossiers des 11 559 sujets ayant subi un procès dans la province de Cosenza entre 1848 et 1859. Toutes font partie du fonds Processi politici de l’Archivio di Stato de Cosenza. Je remercie le personnel de cette institution d’avoir mis à ma disposition la base de données informatique relative à ces procès.
7 ASCs, Processi politici, b. 73, f. 413.
8 Données établies à partir du croisement des sources policières (Alta Polizia et Polizia generale) et judiciaires, pour la capitale du royaume et les années 1849 et 1850.
9 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 321.
10 Massari 1849, p. X.
11 Sur son fonctionnement, voir Fiore 2012, p. 85-113.
12 ASNa, Borbone, b. 954, f. 9. Sur l’activité antérieure de Giuseppe Basile De Luna, voir ASNa, Interni, f. 40, ad nomen. On trouvera une série de rapports des autorités françaises à son sujet dans AMAE, Mémoires et documents, Naples, 11, correspondance de Giuseppe Basile de Luna, 1828.
13 ASNa, Borbone, b. 1047, f. 35. Sur Tommaso Ortale, voir ASCs, Processi politici, b. 53 bis, f. 302.
14 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 200.
15 ASNa, Borbone, b. 954, f. 10.
16 Sur cette institution, voir Mellone 2013b, p. 533-540.
17 ASNa, Alta Polizia, b. 87, f. 4.
18 Petrusewicz 1998, p. 118.
19 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
20 Ibid.
21 ASNa, Borbone, b. 1047, f. 18.
22 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 281.
23 Sur le sens moderne du terme « parti », voir Caramani 2004, qui repère la formation des partis politiques modernes entre le début des années 1870 (Grande-Bretagne et Allemagne) et les années 1900 (France et Italie). Le sens utilisé est plutôt celui du premier XIXe siècle, désignant une faction d’idées ou d’intérêts (Weill 1900).
24 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
25 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 251.
26 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, ad nomen.
27 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 214.
28 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 43.
29 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 603. Sur les emplois de la catégorie « anarchiste », voir Deleplace 2001.
30 ASNa, Borbone, b. 1047, f. 321.
31 Conclusioni pronunciate 1852, p. 130-134.
32 On trouvera un registre national, régulièrement mis à jour à partir de 1850, dans ASNa, Alta Polizia, b. 88 bis.
33 J’ai ici considéré le principal chef d’accusation retenu dans chacun des 1 308 procès ayant été suivis d’une condamnation.
34 De Lorenzo 2013, p. 26.
35 ASNa, Borbone, b. 952, f. 14.
36 ASNa, Poerio Pironti, III, b. 25, f. 3. Le dossier contient l’essentiel de la correspondance de prison de Carlo Poerio entre 1850 et 1853. Les lettres sont beaucoup plus rares par la suite. Carlo Poerio n’est libéré de prison qu’en 1859.
37 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 2, ad nomen.
38 Conclusioni pronunciate 1852, p. 155-157.
39 Cette mesure, commune à d’autres États de la péninsule italienne, a été étudiée dans ses aspects juridiques et dans ses incidences sur la vie quotidienne des exilés (Brice 2014). Chez les exilés napolitains, voir, pour le cas de la famille Poerio, De Lorenzo 2017.
40 ASNa, Alta Polizia, b. 41, f. 296.
41 ASNa, Alta Polizia, b. 43, f. 321.
42 Toutes les statistiques qui suivent sont fondées sur la confrontation des données chiffrées établies par le croisement des sources policières napolitaines et du fonds ASTo, Sezioni Riunite, Esuli. Elles excluent systématiquement les sujets siciliens, qui n’ont pas été pris en compte dans l’étude même s’ils présentent des trajectoires migratoires et politiques souvent comparables à celles des sujets du royaume.
43 Cette perspective a été développée par les travaux consacrés à l’exil en Piémont-Sardaigne (Furiozzi 1979).
44 ASNa, Borbone, b. 1047, f. 236.
45 Istituto per la Storia del Risorgimento italiano, fonds Pepe, 1103/9, lettre de Cesare Correnti à Pepe, Turin, 10 octobre 1849.
46 ASRC, fonds Vollaro, b. 1, f. 108.
47 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
48 Moe 2002, p. 128.
49 Cette répartition ne tient pas compte des sujets napolitains ayant servi les armées italiennes dans la défense de la Lombardie, passés pour l’essentiel en Piémont-Sardaigne sans être rentrés préalablement à Naples.
50 Pour la France, il s’agit principalement de la loi de 1832 mettant en place le statut de réfugié politique (Diaz 2014).
51 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
52 Sur les usages de cet espace, voir Maslah 2011, p. 47-58.
53 Maslah 2011, p. 57.
54 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
55 ASNa, Interni, b. 40, ad nomen.
56 ASNa, Borbone, b. 1042.
57 ASNa, Borbone, b. 1047, f. 1.
58 De Fort 2008.
59 De Fort 2003.
60 Voir sur ce point Brice 2012.
61 L’expression est notamment utilisée dans Nobody 1859, cité par De Fort 2008, p. 194.
62 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 15, Delfico (Filippo). Sur les autres exilés, on trouvera un rapport global dans ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 23, De Lorenzo (Federico), parti de Marseille le 21 décembre 1851 avec sept autres sujets. Sur la surveillance des suspects dans la France d’après le coup d’État, voir Lignereux 2008, p. 212-213.
63 De Francesco 2004.
64 Ceux d’Ippolito De Riso sont rédigés à partir de 1850, contre le tournant conservateur de la IIde République et l’autoritarisme de Louis-Napoléon Bonaparte. Voir ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
65 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
66 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 22, ad nomen.
67 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, ad nomen.
68 Ibid.
69 ASNa, Alta Polizia, b. 38, f. 244.
70 ASRC, Vollaro, b. 1, ff. 63-65.
71 Par exemple la chronique signée « Un Napoletano », qui paraît régulièrement à partir du n° 39 du 11 février 1848 et fait état des évolutions politiques du royaume des Deux-Siciles.
72 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, ad nomen.
73 Guglielminetti 1984.
74 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 21, ad nomen. Voir Album pittoresco 1851, qui reprend le projet d’un illustrateur lombard, Saverio Pistolesi, qui produit à partir de 1846 une œuvre à la gloire du mouvement national italien.
75 Son rôle est bien couvert par des travaux spécialisés (Pene Vidari 2002 et Gallifante 2003).
76 Panteon dei martiri 1851.
77 ASNa, Borbone, b. 1044, f. 211.
78 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81.
79 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 32, ad nomen.
80 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, ad nomen.
81 ASNa, Borbone, b. 953, f. 2.
82 ASNa, Borbone, b. 952.
83 Sur le séquestre des biens des exilés, voir Brice 2017b.
84 ASNa, Alta Polizia, b. 38, f. 244.
85 De Fort 2010.
86 ASNa, Alta Polizia, b. 38, f. 244.
87 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, ad nomen.
88 Ibid.
89 ASRC, Plutino, b. I, f. 25.
90 ASRC, Plutino, b. III, f. 45, lettre d’Eugenio De Riso à Agostino Plutino, 1852.
91 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 32, ad nomen.
92 Les cas sont nombreux dans l’Europe du XIXe siècle, où la pratique a été courante. Voir pour la France Diaz 2014, p. 229-241.
93 ASNa, Borbone, b. 1044, f. 1. Palmerston est notamment membre du Club Aristocratico, créé en 1847 à l’initiative de libéraux de Chiaia.
94 ASNa, Borbone, b. 1044, ff. 189-191.
95 ASNa, Alta Polizia, b. 38, f. 244.
96 Shaw 2010, p. 104-105.
97 Lettre de Massimo D’Azeglio à Leopoldo Galeotti, Turin, 31 juillet 1849, dans D’Azeglio 1967, V, p. 177.
98 Istituto per la Storia del Risorgimento Italiano, fonds De Lieto, 172/62, lettre d’Eugenio De Riso à Casimiro De Lieto, Rome, 10 mars 1849.
99 Données établies à partir du croisement des fiches individuelles du fonds « Esuli » de l’Archivio di Stato de Turin et de ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81 et b. 18, f. 85.
100 De Fort 2013.
101 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 22, ad nomen.
102 Furiozzi 1979.
103 ASNa, Alta Polizia, b. 17, f. 81, ad nomen.
104 Les données sont établies à partir du fonds Esuli de l’Archivio di Stato de Turin, constitué à l’initiative de l’abbé Cameroni. Il est possible que certaines demandes n’aient pas été conservées dans ce fonds. Le chiffre concerne l’ensemble des exilés installés en Piémont entre décembre 1848 et décembre 1856.
105 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 43, ad nomen. Sur son parcours antérieur, voir ASNa, Borbone, b. 1044, f. 6, 11.
106 Sur la biographie de Girolamo Ulloa, voir De Lorenzo 2013, p. 73-82.
107 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 46, ad nomen.
108 L’avocat napolitain Luigi D’Anna (ASTo, Sezioni Riunite, I, m. 22, ad nomen) et le militaire abruzzien Francesco Cicconi (ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 18, Cicconi ad nomen).
109 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 46, ad nomen.
110 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, I, m. 18, ad nomen.
111 ASTo, Sezioni Riunite, Esuli, II, m. 67, ad nomen.
112 Archives Départementales des Bouches-du-Rhône (par la suite ADBDR), 4 M 2358. Les sources préfectorales marseillaises montrent la surveillance attentive dont des sujets napolitains, et plus spécifiquement calabrais, ont fait l’objet à la veille de la révolution de 1848. Voir ADBDR, 4 M 2368.
113 ASNa, Alta Polizia, b. 18, f. 85, 43-44.
114 ASRC, Plutino, b. I, f. 25. La correspondance débute en 1847, mais s’est amplifiée en 1852 lorsqu’est créée la maison Plutino à Marseille.
115 ASNa, Alta Polizia, b. 52, f. 656 (1855). Le dossier contient une partie de la correspondance de Mosciaro avec sa famille.
116 Sur ces derniers, voir De Fort 2013.
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