Le fisc d’après les juristes napolitains (fin XIIIe-début XIVe siècle)
Résumés
L’article s’attache aux juristes de niveau « universitaire » qui s’associaient à la cour napolitaine. Leur rôle s’épanouissait entre fin XIIIe et première moitié du XIVe siècle. Ils donnaient une lecture des normes en vigueur, dans la monarchie « angevine », qui visait à faire autorité dans leur application et à orienter leur devenir. Ces savants réservaient une attention notable au fisc. Elle partait d’une représentation sur laquelle ils s’accordaient. Pour eux, le fisc matérialisait en quelque sorte la souveraineté. Par suite, un idéal de centralisation s’affichait. Il s’ébauchait du reste dans l’action gouvernementale. Ces constatations s’opposent à l’axe du présent ouvrage, qui met l’accent sur les périphéries, mais comme des restrictions qui le complètent. La réduction à l’unité pénétrait et orientait le réseau administratif dans ses ramifications, ou le souhaitait. En sus, le fisc était donné pour confondu avec le bien de tous. Vu à l’habitude comme un instrument d’oppression, il se présentait pour l’exact contraire.
Il saggio si dedica ai giuristi di livello accademico che prendevano parte alla curia napoletana. Il loro ruolo rifulgeva tra fine del Duecento e prima metà del Trecento. Davano un’interpretazione delle norme stabilite, nella monarchia angioina, che mirava a fare autorità per la loro applicazione e a guidare il loro divenire. Quei dotti si dedicavano, tra l’altro, alla questione del fisco. Il loro impegno partiva da una rappresentazione sulla quale concordavano. Per loro il fisco materializzava, in qualche modo, la sovranità. Quindi si ostentava un ideale di centralizzazione che si delineava d’altronde nell’azione di governo. Queste constatazioni, opponendosi all’impostazione del presente libro, che pone l’accento sulle periferie, ne completano l’indagine : la riduzione all’unità pervadeva e orientava la rete amministrativa nelle sue diramazioni, o lo desiderava. Inoltre il fisco era dichiarato confuso col bene di tutti. Considerato al solito uno strumento di oppressione, era presentato come il suo esatto contrario.
Texte intégral
Une invitation de l’historiographie
1Un bilan historiographique convainc d’intégrer le concours scientifique des juristes au service de la monarchie angevine de Sicile-Naples dans toute enquête sur son administration. La certitude naît de l’ouvrage fameux d’Ernst Kantorowicz, Les Deux corps du roi1. Publié dans la lointaine année 1957, il continue de stimuler la réflexion sur la représentation de l’État aux derniers siècles du Moyen Âge. Pour bâtir sa doctrine, l’auteur accorda une bonne place au Royaume, savoir celui du Mezzogiorno. Il s’appliqua au gouvernement de Frédéric II dans le prolongement d’un premier livre, non moins célèbre, consacré à ce prince2. Ernst Kantorowicz vit en lui le démiurge d’une monarchie autoritaire et redoutée.
2En concordance avec cette thèse mais davantage à sa suite, divers érudits ont présenté la royauté de Sicile comme édifiant, d’après une formule d’Antonio Marongiù, un « État modèle ». Celui-ci, amorcé par les Normands, eût culminé avec Frédéric II3. En termes plus généraux, beaucoup d’historiens se sont attachés au paradigme d’un État médiéval soutenu par une « théologie » politique. Ils ont témoigné d’un ascendant encore plus exclusif, sur leurs vues et sur leur démarche, d’Ernst Kantorowicz.
3Or, ce dernier recourt d’abondance, dans ses analyses, aux écrits de juristes napolitains d’époque angevine. À leur égard, il a en grande part inculqué un mode d’interprétation qui a fait florès. Lesdits juristes s’usent pour parler de la monarchie à la fin du Moyen Âge, hors d’un contexte propre. Ils sont conjointement requis de témoigner, au moins de façon implicite, sur les règnes qui les précédèrent, surtout sur celui de Frédéric II. Le procédé ne saurait se taxer de pur anachronisme.
4L’intellection, chez les hommes de loi angevins, de l’institution monarchique plongeait ses racines dans les régimes antérieurs. Leur héritage législatif se condensait dans les Constitutions du Royaume, soit le Liber Augustalis de Frédéric II4. Entre les principaux légistes napolitains, Andrea d’Isernia saluait sur les débuts du XIVe siècle « l’admirable prudence » de « l’empereur Frédéric », manifestée dans sa codification, quoiqu’il ne se fût pas bien comporté avec l’Église romaine5. Les juristes angevins éclairaient donc la production normative normande et souabe d’abondantes explications, qui en favorisent aujourd’hui encore la compréhension. Rien n’indique, toutefois, qu’ils nourrissent la nostalgie d’un passé « gibelin », comme le voulait Francesco Calasso, ou qu’ils cultivassent l’histoire d’un âge d’or, celui des Hohenstaufen6.
5Les règles confirmées ou émises par Frédéric II demeuraient simplement le socle de la législation en vigueur. La seule condition déclarée était que les dispositions précédassent l’excommunication de l’empereur, à l’évidence sa seconde condamnation de 1239, voire sa déposition de 12457. L’application de ces restrictions paraît d’ailleurs incertaine. L’actualité du modèle normatif et gouvernemental de Frédéric II persistait au point d’influencer jusqu’à l’administration de la Provence8. Les juristes angevins participaient de cette continuité9. Ils se préoccupaient de leur époque et du régime qu’ils servaient, y compris dans leurs annotations au Liber Augustalis.
6La conclusion s’impose depuis la définition de leur milieu, dans sa nature, dans ses intérêts savants et dans ses objectifs, par Ennio Cortese. Ce portrait est apparu dès 1982 dans un article, à la taille et à la densité d’un essai, consacré aux « légistes, canonistes et feudistes », sous le rapport de « la formation d’une classe médiévale ». La contribution individualise une « science méridionale », pour ses particularités au sein du droit savant. La démonstration se condense en quelques mots définitifs :
À Naples, en somme, naît une vigoureuse « culture de fonctionnaires », qui flanque et bientôt surpasse celle traditionnelle, académique, des romanistes. Elle célèbre en grande part ses pompes hors de l’Université et, s’ouvrant avec une exceptionnelle résolution aux « droits pratiques », elle laisse transparaître que l’autorité du juriste cherche plutôt sa force dans l’ambiance des hauts magistrats et des autres bureaucrates10.
7La synthèse présente assurément quelque roideur dans sa formulation. Prise à la lettre, elle ferait oublier la curiosité générale et croissante des romanistes pour la société de leur temps, pour ses « droits propres » et pour un droit canonique ancré dans les problèmes du siècle11. Une seconde remarque importe plus, pour l’histoire angevine. Ennio Cortese estompe l’extrême porosité entre l’enseignement supérieur, dont au premier rang celui du studium napolitain de droit, et la haute administration12. Plusieurs des savants qui l’intégraient se prévalaient d’une œuvre de romaniste. Ils restaient des civilistes quand ils se penchaient sur les Constitutions de Frédéric II ou sur les Capitula angevins, quoique ces textes ne s’étudiassent pas dans le cadre du studium13.
8La polymorphie des « juristes-officiers » se perçoit jusqu’avec Marino da Caramanico, représentant par excellence d’une « culture de fonctionnaires »14. Actif dans les années 1278-1285, au moins, il ne se signale que par des charges de juge de Naples et de la cour, pour une part, et par la compilation ou la rédaction de gloses systématiques aux Constitutions. Il produisait donc un apparatus, qui se regardait vite pour la glose ordinaire du Liber Augustalis. La dualité du personnage ressort à ce point. Son œuvre découlait de préoccupations canalisées par les fonctions administratives. Elle s’inspirait, prévenait son auteur, de l’exercice de la justice, en particulier des « débats et discussions » des juges et des avocats de la grande cour. Pour autant, elle se rattachait aux usages « universitaires ». Francesco Calasso a discerné, dans son contenu, la marque d’un juriste d’éducation bolognaise avec un passé de maître. Cet enseignement reste indéterminé et n’implique pas un professorat en bonne et due forme ; mais il ajoute un indice pour garantir la pleine appartenance de Marino da Caramanico au courant de la renaissance juridique15.
9Le lien entre science scolastique et expertise, dans le système normatif du Royaume, triomphait bientôt avec Andrea d’Isernia. Professeur de droit civil au studium de Naples, il rejoignit l’élite de la bureaucratie de cour jusqu’à sa mort, sans doute en 1316. Il atteignit l’office de lieutenant du protonotaire, en 1294. Il élabora une œuvre en harmonie avec sa position de haut fonctionnaire. Il se distingua, de la sorte, pour sa lectura sur les Constitutions et sur leur glose ordinaire. Il porta ainsi à un sommet l’étude d’un droit propre au Royaume ; mais il y parvint en mobilisant un art de grand civiliste. Au reste, il légua quelques gloses au Corpus de Justinien. Il gagna surtout une gloire universelle de « prince de tous les feudistes » pour ses commentaires Au sujet des fiefs (Super feudis), à savoir sur les Livres des fiefs16.
10Ceux-ci appartenaient aux textes lus dans les écoles de droit romain. Andrea d’Isernia les commenta alors qu’il servait déjà la cour. Il se réclamait cependant d’une tradition professorale dans l’introduction de son travail. Il le motivait par le long enseignement de la compilation par « nos pères et ancêtres » des studia generalia, « surtout à Bologne ». Il saluait cette cité comme digne du titre de « ville royale » parce que pôle de formation aux Libri legales. Comment soulignerait-on mieux la solidarité pérenne entre la haute administration régnicole et les milieux « universitaires »17 ?
11Le profil d’Andrea d’Isernia correspondait à celui de son « chef », Bartolomeo da Capua († 1328), protonotaire et logothète mais encore principal ministre de Charles II puis de Robert. Il n’avait pas manqué d’enseigner, plus tôt, comme professeur de droit romain dans le studium parthénopéen, dont il restait toujours très proche. Au long de sa carrière, il poursuivait une activité de théoricien à travers principalement des gloses et des questiones. Dans ce cadre, il se montrait tant romaniste que glossateur fécond des Constitutions et des Capitula du Royaume. Ses différentes dimensions, de civiliste, d’officier et encore d’idéologue et de conseiller juridique de la cour, s’imbriquaient. Sa polyvalence se retrouvait dans l’empreinte qu’il laissait incontestablement sur les actes publiés sous sa responsabilité18.
12Avec lui, pour finir, les cas illustres passés en revue suffisent à nuancer l’image des « officiers-juristes » brossée par Ennio Cortese. De tels exemples donnent néanmoins plus de prix à ses suggestions. La monarchie angevine disposait, dans ses services, de lettrés capables de l’aligner sur des modèles de haut niveau conceptuel. Ils la plaçaient, au moins sur ce plan, à l’avant des États d’Occident en gestation. Malgré l’écart avec le concret, cette contribution doctrinale s’associait au devenir de la monarchie de Sicile-Provence.
13Une vue plus argumentée de cette synergie requerrait, toutefois, de multiplier les sondages. En effet, bien qu’ouverte depuis une trentaine d’années, la piste reste peu battue. La question de l’administration fiscale impose de l’emprunter, comme elle facilite l’expérience en touchant un secteur limité. Pour se restreindre encore, les présentes investigations privilégient l’exégèse du Liber Augustalis, qui exerça par priorité la sagacité des publicistes régnicoles jusqu’aux Temps modernes. Elles n’insistent même que sur les observations de Marino da Caramanico et d’Andrea d’Isernia, donc entre fin du XIIIe siècle et début du XIVe siècle. L’échantillonnage se complète surtout des remarques d’Andrea d’Isernia sur les Livres des fiefs, car elles recoupent sa lecture des Constitutions.
14Ce dossier, bien que circonscrit, fournit un matériau assez abondant pour envisager, sous leurs angles majeurs, les positions ou les constatations des juristes napolitains sur le fisc. L’ample éventail de leurs considérations trahissait une affaire cruciale. À de hautes spéculations sur la quiddité du fisc, s’ajoutait la détermination de son statut juridique et de ses relations avec les administrés.
L’union au prince
15« L’expression de fisc eut, simultanément, plus d’un sens » : Les analyses anciennes mais irremplaçables de Filippo Vassali, sur la représentation du fisc depuis l’Antiquité, le menaient à cet avertissement pour le Moyen Âge scolastique. Un tel résultat, a priori décourageant, venait toutefois de la révision par la renaissance juridique du capital de la romanité. Cette réécriture participait beaucoup à l’élaboration de la souveraineté médiévale19.
16Les juristes du Mezzogiorno ne restaient pas à l’écart. Leur attention au fisc était une preuve supplémentaire de leur insertion dans le monde des romanistes. Ils en partageaient les leçons. Leur proximité du trône les encourageait toutefois plus que d’autres à traiter la question. Ils lui apportaient une contribution notable, qui prenait le plus de relief sur le plan conceptuel. Cette élaboration conditionnait le reste, quant au système fiscal, mais elle aidait également à élever la stature du roi de Sicile. Le concours ne fut cependant ni monolithique ni immédiat, puisque les civilistes méridionaux se heurtaient à des hésitations sur la signification du fisc, comme leurs confrères. Ils traversaient comme eux les étapes qui précisaient la doctrine20.
17La constitution, de 1246, Inter multas et arduas donnait une interprétation du fisc qui désarçonne par rapport à l’idée que nous en avons désormais. Frédéric II, parmi ses « nombreux et graves soucis » pour son royaume, veillait sur ses « biens fiscaux ». Or, ceux-ci se limitaient, selon le Hohenstaufen, à former « en quelque façon [son] patrimoine privé » (res nostre quodammodo private). Le monarque s’inquiétait de l’exacte perception des revenus qui en provenaient, afin qu’à défaut « [ses] fidèles ne [fussent] pas oppressés par cela dans leurs droits »21. Les sources antiques, dont le Corpus de droit civil, conservaient le souvenir des origines du fiscus Caesaris comme patrimoine privé22. Il n’empêche qu’adopter une pareille conception, au milieu du XIIIe siècle, semblait signifier que le roi demeurait imparfaitement distinct d’un autre seigneur. Affectant de « vivre du sien », selon le fameux aphorisme, il se présentait lié à ses sujets par une relation contractuelle à son tour d’ordre privé. Le fisc ne l’aidait guère à dépasser ce niveau, encore qu’il s’entendît comme son monopole. Le poids des exigences financières de Frédéric II lui conseillait, sans doute, de les habiller d’un archaïsme rassurant.
18Avec la même préoccupation, ce conservatisme survivait quand Robert promulguait, en 1334, l’inaliénabilité en Provence du domaine au sens strict. Appelé demanium, il s’agissait de celui longuement et étroitement attaché au prince, sans concession à d’autres. Le roi l’incorporait à un fisc qui paraissait une affaire privée : « Quand, une fois dissipés les revenus des droits propres, l’argent fiscal n’arrive pas […], les princes sont contraints de préjudicier leurs sujets »23. Toutefois, ces justifications s’inspiraient de la constitution à peine citée de Frédéric II. Elles ressuscitaient une vision des choses plus que jamais obsolète.
19La réduction du fisc à un patrimoine privé tranchait sur l’affirmation de la souveraineté qui rayonnait, sous tant de rapports, dès le régime souabe. Elle contrariait les prérogatives que le Liber Augustalis rassemblait déjà, en faveur même du fisc, sans parler de leur accumulation ultérieure. Elle s’opposait au profit idéologique et pratique qu’apportait le droit savant quand, fort du legs de la romanité, il parfaisait « l’étatisation du fisc » comme « patrimoine du prince en tant que tel »24.
20À bien regarder, Frédéric II ne parlait que de la ressemblance qui s’imposait, entre le fisc et le capital d’un particulier, sous l’angle de la bonne gestion. Pour le reste, ses propres Constitutions rapportaient des édits de Roger II qui mentionnaient, en 1140, « l’argent public » et les « biens publics »25. Dans telle autre mesure, qu’il promulguait, Frédéric II déclarait publiques les richesses du fisc26.
21Pour en venir aux Angevins, leurs actes apprennent peu dans l’ensemble. Ils parlaient à l’habitude de « notre fisc » ou, simplement, de « fisc ». Cependant, Robert élucidait la portée du terme, en 1332. Il se souciait « du fisc de notre royaume, qui est député à l’intérêt public » (publicis utilitatibus deputatus)27. L’institution perdait tout caractère personnel. Elle intégrait la forme la plus élevée de souveraineté. Le droit romain regorgeait de références à cette « utilité publique »28. Le prince veillait sur elle car il avait « pouvoir plénier dans la république », ainsi que Thomas d’Aquin le résumait de façon lumineuse29. La mission royale ainsi présentée ne se différenciait guère de la recherche du bien commun, de tradition aristotélicienne, dont se réclamait le plus souvent Robert30. En bref, le fisc se mettait au service des fins qui sublimaient alors la monarchie angevine. Cette interprétation se retrouvait à peu près chez Jeanne Ire, en 1346, quand par une grande ordonnance de réforme pour la Provence elle voulait restaurer « les commodités fiscales ou publiques »31. L’expression de publicum commodum était banale, mais elle se rencontrait dans le Corpus de droit civil32. Elle adressait à l’intérêt de la république. Partant, elle approchait du bien commun.
22Ce qui demeurait un peu allusif, dans les deux documents étudiés, se trouvait confirmé et amplifié dans une consultation juridique, publiée par Robert en 1341. Il adoptait la réponse d’une commission d’experts sur les procès concernant le fisc. Elle campait le roi en champion de l’« utilité publique » ou « utilité de la république ». Cet objectif ne se distinguait pas de l’« avantage » du prince, qui pour cette raison se préférait à un « profit privé ». D’abondants renvois au droit civil accompagnaient ces emprunts au modèle romain. Les conseillers ne s’arrêtaient pas là, mais associaient également le fisc au « bien commun dont le seigneur qui dirige est la tête et le guide ». Le schéma proposé se conformait encore à la raison, cette vertu dont dépendait la juste mise en ordre de la société33. Au total, l’avis ne laissait plus douter que le fisc supportât, voire conditionnât, la souveraineté du prince comme incarnation de la collectivité et responsable de ses fins34.
23Ce texte apparaît également comme le « chaînon manquant » entre l’idéologie royale et les spéculations des juristes du Mezzogiorno. Il achève de valider leur emploi, pour compenser le laconisme des sources de chancellerie. La rapide perception par les rois de Sicile d’un caractère public du fisc pourrait se rapprocher de ce que laissait deviner, de son lien avec la monarchie, un Carlo di Tocco au tout début du XIIIe siècle. Ce maître bolognais restait un méridional35. Marino da Caramanico voyait lui que, dans les Constitutions, le fisc s’entendait comme un synonyme de l’erarium, soit le trésor public selon le sens de la romanité tardive. Son analyse valait a fortiori pour les temps angevins, mais elle ne se développait guère36. Autour de 1300, l’intérêt pour le fisc s’épanouissait dans l’œuvre du « juriste-fonctionnaire » Andrea d’Isernia. Il ouvrait la voie à une promotion que les actes de Robert et de Jeanne traduiraient à leur façon. Il lui advenait, il est vrai, de minorer cette position du fisc :
[Les] régales (regalia) sont le nom général embrassant les biens fiscaux (fiscalia) et les patrimoniaux (patrimonialia), qui sont tous dits du roi […]. Elles incluent de fait ceux qui échoient à la cour ou plutôt au fisc, comme sont les biens de ceux qui commettent le crime de lèse-majesté37.
24Il n’y avait aucune ambiguïté dans ces mots. Comme l’indique son classement parmi les régales, le patrimoine évoqué n’appartenait pas au roi à titre privé, mais lui revenait comme monarque. Or, le fisc s’en trouvait exclu. Il se réduisait aux profits fortuits. Andrea d’Isernia n’en faisait même, ailleurs, que leur caisse : « Le fisc, c’est le sac de ces choses qui sont acquises casuellement »38. Ces interprétations restrictives se maintenaient en fait durablement parmi les juristes, sans empêcher les sens larges qui s’imposaient toujours plus39. Andrea d’Isernia les cultivait également. La contradiction traduisait sa participation en protagoniste à un débat d’actualité. Elle ne l’empêchait pas de voir toujours le fisc en attribut de la royauté comme telle. Elle n’offusquait pas son opinion majeure, qui en faisait un guide et un interprète de l’idéologie angevine.
25La thèse dominante d’Andrea d’Isernia se condense dans un bref fragment du commentaire des Livres des fiefs : « Ses domaines propres (demania) sont au prince, en tant qu’ils sont des biens publics du peuple romain, parce que le fisc et la république sont la même chose »40. Cette fois, donc, le fisc recouvrait l’ensemble des facultés de la couronne. Son ampleur autorisait à le fusionner avec la république. La glose ordinaire, plus précisément Accurse, assurait de cette équivalence. Andrea d’Isernia la rabâchait et la martelait dans son œuvre41. Par suite, le fisc devenait le pivot d’un triple rapprochement entre lui-même, la république et le monarque, comme corps politique. Andrea d’Isernia reprenait cette théorie dans sa lecture des Constitutions. Il l’énonçait avec assurance et montrait combien elle s’appliquait au roi de Sicile. Il la détaillait dès l’introduction de son travail, comme une vérité fondatrice42. Le passage ne laisse rien ignorer des attendus et des implications de la construction :
Nous disons que le roi libre de l’empire possède le fisc comme l’empereur. Et l’on déclare, au premier [chapitre du livre] de Tobie, que le roi Sennachérib « ordonna de tuer » Tobie « et il emporta » tout son bien43 : contre ceux qui affirment que le roi n’intègre pas au fisc les biens à l’occasion des crimes. Et, [lit-on] au sixième [chapitre du livre I] d’Esdras, « un décret fut établi » par le roi Darius « afin que qui eût changé l’ordre » du roi soit crucifié « et que sa maison soit confisquée »44. Et le roi Artaxerxès, qui fut roi des Perses, eut le fisc. Il est dit, [au chapitre] 7 [du livre I] d’Esdras : Dépense autant que nécessaire, et « tu donneras du trésor [et] du fisc du roi »45. Le roi d’Angleterre possède le fisc. L’on rapporte de fait dans [l’Histoire] lombarde, dans la légende de saint Thomas de Canterbury, que ses richesses et celles des siens furent confisquées46. Les rois lombards disent qu’ils ont le fisc, comme dans les lois 1, 2 [et] 3 du premier livre de la Lombarde47. Le roi du royaume de Sicile dit ceci de même, savoir « par notre fisc », plus bas [à la rubrique] De juribus rerum regalium, au livre III [des Constitutions]48. L’on dit justement que le roi de Sicile, exempt de l’empire, tient la république, parce que le fisc et la république des Romains sont la même chose, de même que l’empereur et la république, comme [dans le] Digeste, [au titre] De bonorum possessionibus, [à la loi] Non est ambigendum49. Le roi, donc, et la république de son royaume sont une même chose, comme l’empereur et la république des Romains50. Sénèque dit, [dans] De la clémence, [au livre] I : celui qui est dans le royaume comme sa tête, la république est en lui comme en sa tête51. De cette manière, le prélat [est] dans l’Église et l’Église dans le prélat : [selon Gratien, cause] 7, question 1, [canon] Scire debes52 ; [et selon] les Décrétales, [titre] De verborum significatione, [chapitre] Cum clerici53. Le Digeste approuve tout cela à la loi Postliminium54.
26La référence au roi comme sommet de la république, à la façon d’un prélat à la tête de son Église, donne la portée exacte du système exposé. Andrea d’Isernia n’entendait pas la continuité entre fisc, république et monarque comme une égalité pour ainsi dire arithmétique, que le réel démentait. Il s’agissait d’une sorte de consubstantialité au sein de cette unité à laquelle manquait un terme assez univoque pour la désigner, soit celui d’État. L’exaltation du fisc demeurait. Il se comptait parmi les prémisses qui fondaient l’autorité de la monarchie de Sicile-Naples. Il s’associait à ses prétentions les plus hardies, selon leurs derniers développements. L’équivalence du fisc avec le roi confortait, en premier lieu, la position de l’Angevin parmi les princes du siècle. Ce rang s’évoquait en termes un peu allusifs, mais qui renvoyaient à des certitudes fort ancrées :
Nous ne jugeons pas l’autorité royale moindre que l’impériale ; mais nous disons l’empereur et le roi libre de rang égal […]. Et ce que les lois, auxquelles […] ne s’opposent ni une constitution ni une coutume du Royaume, stipulent pour le prince romain, nous l’attribuons justement au roi de Sicile […]. Le roi de Sicile tient le principat de tout son royaume55.
27Ces quelques mots, empruntés à l’introduction de Marino da Caramanico à son apparatus aux Constitutions, résument deux convictions étroitement soudées. Le glossateur assimilait l’empereur et les rois, du moins libres ; mais cette opinion bénéficiait directement à la couronne de Sicile. Andrea d’Isernia la reprenait en préfaçant sa lectura aux Constitutions et à leur glose. Il en accentuait même le profit pour la monarchie angevine. Il appuyait sur l’éminence particulière des rois libres, par rapport aux autres. Celui de Sicile était leur archétype : « Les rois libres et exempts de l’empire comme le roi de Sicile, qui tient de l’Église romaine, sont monarques dans leur royaume »56.
28Andrea d’Isernia ne divergeait de son prédécesseur que pour l’emprise du pape sur le Royaume. En tant que son seigneur féodal, la juridiction temporelle du Saint-Père ne s’arrêtait pas au sort du pays comme un tout, selon ce que voulait Marino da Caramanico. Elle s’étendait aux particuliers comme leur ultime recours, en théorie et en tout cas pour défaut de justice. En cette circonstance, il est vrai, le souverain pontife agirait comme « vicaire de Dieu », selon donc une prérogative universelle. En combinant droit féodal et théocratie, l’insistance sur la sujétion au Saint-Siège du roi de Sicile ne soulignait en réalité que mieux son indépendance absolue de toute puissance du siècle57.
29Dans ce registre, les preuves d’une conviction partagée s’accumuleraient sans mal. Il suffira de Bartolomeo da Capua : « Le roi de Sicile est monarque dans son royaume et il a tous les droits regardant l’empereur, car il est exempt de l’empire auquel il n’est pas assujetti […] ; mais il est lige de l’Église romaine »58. Les juristes angevins tenaient la parité entre le roi de Sicile et l’empereur, chacun dans son espace, pour une vérité première. Elle appartenait à l’essence de la royauté sicilienne. Aussi Marino da Caramanico et Andrea d’Isernia en faisaient-ils un départ de leur exposé. Cette notion est établie depuis longtemps par l’historiographie59. Son rappel s’imposait tant elle s’associait à la légitimité et au rang du fisc « angevin ». Elle menait à son socle normatif, tel que l’établissait André d’Isernia dans le passage traduit plus haut.
30À première vue, son argumentation s’estimera triviale. Elle relevait des habitudes de l’auteur, qui usait d’une vaste gamme d’autorités juridiques et autres. Il se rattachait par là au courant des postglossateurs. Il en incarnait une variante méridionale, que le fragment rapporté exemplifiait. Un peu comme les maîtres de l’École d’Orléans, les juristes napolitains se plaçaient entre passé et avenir60. Le renvoi d’Andrea d’Isernia à Sénèque illustrait la permanence, chez eux, du lien ancien entre droit et arts libéraux. La référence signifiait autant une ouverture sur la philosophie, voire sur un « pré-humanisme » qui s’affirmait chez les juristes du Royaume61. Les mentions du Décret et des Décrétales répondaient, elles, à leur attention au droit canonique. Cet attrait se conformait à la place des Angevins dans le camp guelfe, mais participait également de la tendance montante des civilistes à recourir aux Deux droits. La banalité de la démonstration ne l’empêchait de faire écho à l’essence de la monarchie angevine. Comme son agent, Andrea d’Isernia se faisait son interprète. Le développement renvoyait aux normes dont le régime se réclamait. Il en proposait un éventail limité mais convaincant.
31Les Constitutions représentaient un cas fort simple, mais déjà lourd de sens. Elles manifestaient les prérogatives du roi de Sicile comme législateur. Les vérités venues de l’Église valaient pour tout prince chrétien. Les hagiographies, telle la Vie de Thomas Becket, entraient parmi ces références. La Bible l’emportait de loin. Ainsi qu’Andrea d’Isernia le disait ailleurs, « les autorités de l’Écriture sainte […] sont alléguées dans les procès comme les lois écrites ». Elles n’impliquaient pas, toutefois, qu’une réception passive. Elles servaient de départ à des constructions juridiques, exactement comme il se voyait à propos du fisc. Et Andrea d’Isernia déclarait encore : « La science des lois […] est un don de Dieu […] ; la sagesse c’est en effet Dieu qui a dit : “Les législateurs décident par moi ce qui est juste”, au 8e [chapitre] des Proverbes »62. L’emploi du droit canonique recelait une certaine ambiguïté, puisqu’il adressait à la dépendance des Angevins envers la papauté et à leur soutien de la théocratie pontificale63. Ils adaptaient toutefois cette ressource à leurs besoins. Dans l’exemple retenu, Décret et Décrétales aidaient à faire du roi la tête de ses sujets. Au reste, l’universalité du droit canonique s’imposait dans la chrétienté. Un peu comme les Écritures, il apportait une confirmation aux règles du temporel et un secours si son droit positif faisait défaut. Andrea d’Isernia le constatait en commentant la constitution dite Probationum : « Où la loi civile manque, l’on observe le droit canonique », du moins conforme à la raison et pour ce mobile64.
32La monarchie angevine se réclamait surtout du capital normatif de la romanité. Dans le passage ici considéré, Andrea d’Isernia ne s’arrêtait pas au Corpus juris civilis. Il élevait Sénèque à une sorte d’autorité en droit public. De fait, il l’assimilait à un jurisconsulte. Il le déclarait ensuite « bon juriste » et, pour preuve, l’un des rédacteurs du sénatus-consulte Trebellianum65. Les références au Digeste et au De clementia résumaient l’annexion, par les Capétiens de Sicile, d’un système politique et juridique exogène et rival. Le tableau de leurs usurpations apparentes se complétait, quant aux plus audacieuses, avec l’intervention des lois lombardes. Elles-mêmes impliquaient la validité, dans le Royaume, de normes édictées par des empereurs, selon ce qu’Andrea d’Isernia relevait en commentant les Livres des fiefs66. Il s’agissait, de surcroît, de personnages plus proches par la chronologie que les princes antiques.
33Tant de licence alimentait certes le doute. La monarchie sicilienne ne se subordonnait-elle pas à d’autres puissances temporelles, dont l’empire ? Dans ce débat, la possibilité pour un roi indépendant et ses hommes de se servir du droit romain représentait la grande affaire. Elle retenait longuement tant Marino da Caramanico qu’Andrea d’Isernia, dès leur introduction aux Constitutions et ailleurs. Andrea d’Isernia étendait la réflexion aux lois lombardes, mais sans s’appesantir. Elles préoccupaient moins, avec leur réputation très modeste aux yeux des légistes et un rôle secondaire dans l’affirmation de l’autorité royale, quoique réel67. Leur prise en compte indiquait la rigueur d’un juriste qui descendait jusqu’aux racines de la question en proposant une première solution politique, qui dépassait le problème du droit romain.
34Les législations romaine et lombarde précédaient, dans le Mezzogiorno, l’existence du Royaume. Elles se trouvaient en outre ratifiées dans le Liber Augustalis, et en termes formels par une constitution, la Puritatem, qu’Andrea d’Isernia savait reconnaître de Frédéric II en personne. Il n’y avait là qu’une concrétisation du principe formulé en paroles limpides par Marino da Caramanico, à propos des « droits romains ». Ils se gardaient « comme s’ils étaient émanés de ces Constitutions [du Royaume] et avaient été promulgués par les bouches de ces rois de Sicile ». Plus précisément, les régnicoles vivaient « selon les lois romaines lorsque la constitution du Royaume ou la coutume ne les » abrogeaient pas. L’éminence des coutumes s’entendait pour celles « approuvées » par le trône. Elle n’entamait pas la théorie d’une ratification explicite ou tacite des normes par le roi. Andrea d’Isernia illustrait d’ailleurs une réception ad libitum des lois lombardes quand il relevait que, « manquant de raison », elles ne s’appliquaient pas pour les crimes68.
35La situation dans le Royaume des droits lombard et romain, et surtout de ce dernier, imposait une conclusion plus globale comme une évidence définitive. La « naturalisation » de législations concurrentes ou étrangères, voire antagonistes, ramenait à l’égalité entre roi de Sicile et empereur. Elle résultait, sur ce plan, d’une certitude essentielle qu’elle étayait en retour par une forme de preuve. Marino da Caramanico partait de la remarque provocante qu’au seul empereur des Romains « il a été concédé de fonder la loi ». Il rencontrait d’abondantes justifications dans le Corpus juris civilis. Le glossateur y repérait bientôt, pourtant, un principe contraire pour le « roi libre ». Ainsi, « de même que pour l’empereur, c’est le propre du roi d’établir la loi »69. La juxtaposition de l’interdit et de son dépassement augmentait le prestige des rois législateurs, comme celui de Sicile-Naples. Andrea d’Isernia le déclarait « délié des lois ». Il n’y avait pas de formule plus forte.
36Elle s’insérait cependant dans un subtil distinguo, qui paraphrasait expressément un paragraphe des Institutes : « Bien que [le prince] soit en effet délivré des lois, il veut pourtant vivre d’elles ». La contradiction annonçait de solides bornes à la prépotence supposée du monarque. Andrea d’Isernia les fixait aussitôt : « De fait, [le prince] enlève la loi positive à tout moment selon qu’il le veut »70. Dans ce cadre, les dispositions canoniques lui échappaient encore71. Il n’exerçait pas non plus son arbitre restreint selon son caprice. Il en usait « avec un motif », sous peine du châtiment divin72. Il régissait les lois humaines, du temporel, « en homme bon et bon prince » conscient qu’elles devaient se conformer au « droit naturel », soit refléter les prescriptions divines. Andrea d’Isernia adaptait, à ce propos, le Docteur angélique : « Quant à la force directive de la loi, le prince lui est assujetti, comme quiconque dont le pouvoir est limité, afin qu’il ordonne tout avec raison et selon une cause, en gouvernant lui et ses sujets »73. Il avait d’autant moins d’échappatoire qu’il se subordonnait à un principe général de légalité, qui corsetait toute action. Andrea d’Isernia en exposait la mécanique universelle : « Tout ce qui consiste dans la raison est loi qui oblige tous : première distinction [du Décret], [canon] Consuetudo »74. Davantage que de Gratien, le juriste s’inspirait à nouveau de la conception de la loi chez Thomas d’Aquin :
Il faut dire de la loi qu’elle doit être rationnelle. Autrement, celle qui n’est pas juste n’est pas une loi, parce qu’elle implique son contraire dans son objet. Comme la loi est mesure, l’irrationnel est hors de mesure, et pour cela c’est une « corruption de la loi », selon saint Augustin, [dans] Du libre arbitre75.
37L’ultime critère de la raison offrait à la monarchie angevine une liberté sous condition, mais la plus large qui s’admît. Il permettait de suspendre ou de modifier toute disposition, qui relevât du siècle, sous réserve d’agir « de certaine science »76. Frédéric II usait déjà de cette clause dérogatoire ; mais elle triomphait au XIVe siècle, sous l’influence de la doctrine canonique et de l’exemple pontifical77. Comme cet ascendant l’illustrait, l’impératif de rationalité confortait certes la subordination au spirituel. Il pressait, cependant, de s’inspirer de façon générale des règles reconnues pour justes, d’où qu’elles vinssent. Et il effaçait du même mouvement le risque de sujétion à un pouvoir temporel, recelé dans de tels emprunts. Il n’y avait plus besoin de se réclamer d’une tradition établie sur les terres angevines, comme pour le Corpus de Justinien ou pour la Lombarde. Andrea d’Isernia le déclarait : « De même, les lois des empereurs faites par la suite [après le détachement du Royaume de l’empire] sont observées si elles sont raisonnables », et pour ce mobile78. Ce principe n’importait pas que pour des normes récentes. Il habilitait la désinvolture, dans le recours à d’autres systèmes juridiques, du régime angevin et de ses savants, y compris Andrea d’Isernia quand il traitait du fisc et de son contexte.
38Ce fisc ne se restreignait pas, cependant, à une manifestation quelconque de suprématie monarchique. Il paraissait l’une de ses clefs de voûte. Le dense développement que lui consacrait Andrea d’Isernia en a averti : le roi de Sicile était prince dans son royaume parce qu’il avait le fisc. La vocation de celui-ci, comme instrument de l’utilité publique ou du bien commun, pouvait impliquer une telle déduction. Il incarnait alors la mission du souverain comme elle se claironnait. Ce raisonnement jouait à l’arrière-plan. Andrea d’Isernia en jetait ailleurs les bases. Puisque le prince était « dans la république comme sa tête, et la république dans le prince », il recherchait le bien de cette collectivité qu’il préférait aux « profits privés ». Sinon, un roi perdait jusqu’à son titre79. Un pareil schéma risquait de rendre le gouvernement trop conditionnel s’il s’étendait explicitement au fisc avec sa dimension concrète. Andrea d’Isernia procédait autrement à son propos. Il avançait un argument qu’il croyait irréfragable quand il constatait que le fisc ne revenait pas qu’aux empereurs mais à divers rois. Il avait déjà développé le thème en étudiant les Livres des fiefs80. Le fait devenait éclatant avec le roi de Sicile, car les Constitutions ne laissaient aucun doute.
39La démarche avait l’efficience du pragmatisme, mais participait encore à un programme qui valorisait l’autorité. Elle s’exprimait par le fisc, qui se renforçait en retour de son intimité avec le principat. Le modèle s’imposait dans les cercles du pouvoir. Il s’esquissait chez Marino da Caramanico quand il comptait, parmi les manifestations d’égalité du roi de Sicile avec l’empereur, le fisc. Sa synonymie avec le trésor et avec la « chambre royale » levait les derniers doutes sur son existence81. Il restait toutefois un attribut parmi d’autres de la royauté. Andrea d’Isernia en développait le potentiel comme une maîtresse poutre de la souveraineté. Le succès de sa thèse, dans les milieux angevins, se voyait ratifié au milieu du XIVe siècle par Luca da Penne82. Une brève notation suffisait : « On dit que l’empereur des Romains possède le fisc […]. Il faut cependant déclarer que les autres rois libres ont également le fisc, comme de ceci Andrea d’Isernia fait plus longuement la remarque »83.
40Le même Luca da Penne, il est vrai, partageait une vision du fisc qui en limitait à nouveau la dimension. Cette correction s’imposait parmi les juristes au cours du XIVe siècle. En bref, le fisc ne se superposait pas, sans autre considération, à la république. Si elle s’entendait dans son universalité, il en formait selon Bartole une composante. Pour Balde, si la république désignait la « communauté » de ses membres, le fisc constituait « la chose de la république ou de l’empire ». Les propos de Luca da Penne ressemblaient beaucoup à ceux de ses deux illustres contemporains :
Lorsque la république se considère une sorte de corps de la communauté […], le fisc et le trésor, qui sont une même chose […], sont une part de cette république […]. Il ne s’agit donc pas de la république, hors dans la mesure où la part peut recevoir le nom de son tout. C’est ainsi que l’évêque est toujours du chapitre comme sa tête. Les autres sont ses membres84.
41La formule à l’emporte-pièce de la Glose ordinaire ne se ruinait pas, mais se précisait. Il n’y avait pas d’écart avec Andrea d’Isernia, qui confondait le prince avec la république parce que sa tête, quand Luca da Penne voyait le fisc comme le faîte de ladite république. L’image s’accordait à l’autre opinion à laquelle il se rangeait : celle qui reconnaissait l’indépendance d’un roi à son fisc. Il finissait de le lier, selon la même optique, à la fonction suprême du prince comme bienfaiteur de ses sujets85. Dépôt public qui permettait l’aumône, le fisc trouvait une sanction chez Jésus. Luca da Penne s’annexait ici une belle citation patristique :
Et ne croyez pas que le fisc soit une espèce de dragon, parce qu’on écoute son exacteur dans la crainte. Le fisc c’est un sac public. Ce Seigneur le possédait quand il avait des bourses. Et elles avaient été confiées ensuite au traître Judas86.
42La bulle Quia quorundam de 1324 garantissait l’usage que le juriste se permettait d’Augustin et, par lui, des versets de l’Évangile selon Jean, pour dire que Jésus possédait des porte-monnaie. La solution imposée par Jean XXII, au problème de la pauvreté évangélique, cimentait à l’évidence les conclusions les plus audacieuses de Luca da Penne87. À le suivre, le fisc se qualifiait même de « très sacré », dans le Code, sans doute en signe de son approbation christique88. Le mouvement de fond ne faiblissait pas mais s’intensifiait qui, dans l’élite intellectuelle et administrative, imaginait le fisc pour cœur d’une monarchie qui réalisât l’ordre social. Cette idéalisation entrait en synergie nécessaire avec les normes qui donnaient corps à l’institution.
Des prérogatives souveraines
43Traduction immédiate de la considération qui s’attachait au fisc, les gloses ou les commentaires sur son fonctionnement le présentaient d’abondance en sujet de droit. Des expressions éloquentes ne laissaient aucun doute : « Le fisc […] est ultime héritier » ; Quando contra fiscum agitur […] (« quand une action est intentée contre le fisc […] ») ; Quando fiscus agit […] (« quand le fisc demande en justice […] ») ; etc.89. La personnalisation gagnait du terrain, selon le cours du droit savant90. Quoique présente chez Marino da Caramanico, elle se déployait avec Andrea d’Isernia. Il ne cessait de montrer le fisc capable d’ester en justice, selon son libre arbitre. Les « avocats du fisc » et les « procureurs du fisc » incarnaient cette individuation91. La doctrine recevait le renfort de l’administration des États angevins. Charles Ier distinguait déjà les trois « avocaz de nostre fisque », le « procureur de notre fisque » et le « notaire de notre fisque » des autres officiers centraux « de notre court », y compris ces contrôleurs des finances qu’étaient pourtant « les mestres rationaus de notre court »92.
44Comme entité, le fisc revêtait jusqu’à une éthique. Andrea d’Isernia revenait volontiers sur sa probité, ainsi quand il s’inspirait en termes approximatifs de la réforme du Royaume de 1285, par le Saint-Siège : « Un capitule du pape Honorius [IV] dit : si le fisc est opulent, qu’il n’étende pas ses mains jusqu’aux iniquités »93. Le juriste trouvait, à propos de procédure, l’occasion d’une affirmation radicale. Le droit romain enseignait que le fisc échappait, en justice, à des obligations imposées à d’autres parties. L’explication suivait : Fiscus dicitur a fide, quia semper idoneus est, soit : « Fisc vient de bonne foi, parce qu’il est toujours de confiance »94. L’argument, voulu « étymologique », faisait de la droiture un caractère substantiel du fisc.
45Sa personnalisation, portée au dernier degré, dépassait la fiction contingente pour quelque nécessité du moment. Elle accomplissait sa nature de partie constitutive du corps monarchique. Cette élévation en contrariait une autre, soit l’assimilation au prince et à la république qu’Andrea d’Isernia défendait par ailleurs, si elle s’acceptait à la lettre. Le sens de la prétendue équivalence se confirmait. Elle signifiait bien la solidarité indissoluble des grandes manifestations de l’État royal, qui permettait au fisc d’en cristalliser les valeurs. Alors que sa vertu empêchait de le réduire à un instrument de despotisme, il devenait un outil effectif de l’intérêt commun.
46Andrea d’Isernia montrait jusqu’où portait cette mission en traitant de la constitution impériale Que sint regalia, dans son étude des Livres des fiefs. Il ne parlait pas directement de la monarchie angevine ; mais ses propos trouvaient un parallèle, un peu édulcoré, dans sa lecture postérieure du Liber Augustalis95. Il martelait, dans le commentaire sur Que sint regalia : « S’il n’y a personne qui accuse les meurtriers pour homicide, le fisc accusera par procureur, car […] c’est de règle partout où il lui importe pécuniairement ». Un renvoi au Digeste étayait l’affirmation, lui conférant une pérennité institutionnelle propre aux monarchies bien réglées96. Selon Andrea d’Isernia, le fisc intervenait certes au nom du profit qui lui revenait. Il recevait la succession de la victime dont les héritiers méprisaient leur devoir en ne portant pas l’accusation. Parmi les considérations qui accompagnaient cette prérogative, le juriste soulignait cependant que ni le fisc ni le prince ne devaient paraître cupides. Il évoquait « l’utilité publique ». De fait, « il importe grandement que les forfaits soient punis à titre officiel (publice) ». Arrivait l’explication majeure :
Il a été principalement établi que les héritiers négligents perdent leurs biens [venus de la succession] pour qu’ils incriminent par peur de la peine et qu’ils vengent le meurtre, mais non pas avant tout pour le profit du fisc, car la loi ne doit pas être édictée pour l’intérêt privé du rédacteur, [selon] la 4e distinction [du Décret, au canon] Erit97.
47En clair, le fisc agissait à la manière d’un ministère public. En la circonstance, il outrepassait largement sa définition classique de « personnification de l’État considéré comme titulaire de droits patrimoniaux »98. Le cas illustrait comment, en prolongeant sa fonction première, il agissait pour la discipline sociale.
48La chose se vérifiait en d’autres occasions, fût-ce avec moins d’évidence. Marino da Caramanico notait ainsi : « Les marchands, tant d’étoffes que d’autres choses, doivent avoir des mesures qu’ils ont reçues du fisc ». Son intervention dérivait des amendes infligées aux contrevenants. Elle l’élevait néanmoins en protagoniste de l’équité commerciale. De fait, la réflexion du glossateur partait de dispositions du Liber Augustalis, sur le commerce et l’artisanat, qu’il considérait très saintes. Andrea d’Isernia les reliait, par la suite, à « l’utilité commune »99.
49La dilatation des missions du fisc, pour l’avantage de la société, se retrouvait en filigrane avec les secreti. Ces personnages se rattachaient explicitement à lui100. C’étaient les fermiers du gros des impôts indirects et de quelques revenus supplémentaires, en tête des larges circonscriptions financières qui divisaient le Royaume : quatre puis trois après la perte de l’île de Sicile (1282)101. Or, ils recevaient conjointement, par-dessus les baillis des localités, la responsabilité sur les terres domaniales des procès civils, pour autant qu’ils ne regardassent pas des chevaliers ou des questions féodales ou fiscales. La charge eût semblé revenir aux justiciers, ces gouverneurs qui dirigeaient les provinces du pays102. Ils intervenaient, uniquement, « à défaut du bailli ou du secretus ».
50Les secreti reprenaient à leur compte des dispositions adressées par Frédéric II aux « maîtres chambriers ou aux chambriers », pareillement fermiers des recettes, mais qui avaient disparu103. Là encore, des considérations financières pesaient ; mais elles appuyaient la durable prise en main par les services fiscaux de l’intérêt général. Marino da Caramanico et Andrea d’Isernia soulignaient la continuité du pouvoir judiciaire en question, depuis les prédécesseurs des Angevins, et son étendue. Le premier l’augmentait même104. Comme y insistait Andrea d’Isernia, la fixation du taux des marchandises passait également des maîtres chambriers aux secreti105. Le message se faisait encore plus clair, quant à la conservation de l’harmonie sociale par ces hommes d’affaires. Ils paraissaient les plus compétents, malgré le conflit d’intérêts, car les plus directement touchés par la question des échanges. De nouveau, la logique interne au fisc se joignait au bon gouvernement.
51Celui-ci se réalisait avec l’intervention du fisc pour une cause qui, en fait, englobait et dépassait les facteurs ponctuels. Andrea d’Isernia la résumait dans une brève assertion : « Où que se rencontre l’utilité publique, le fisc verse l’argent, [selon] le Code [au titre] Pro quibus causis servi libertatem accipiunt, à la 2e loi »106. Le fisc rencontrait le bien collectif parce qu’il était le principal moyen de l’atteindre. Il s’en mêlait donc inévitablement. Son poids correspondait à sa vocation gagnante, celle de grouper sous son aile tous les biens et revenus de la couronne.
52Les juristes angevins en repoussaient les limites autant qu’ils leur paraissaient permis. Ainsi rattachaient-ils au fisc tous les fiefs du pays (quant à la directe du roi comme seigneur ou comme suzerain). La prétention s’appliquait aisément à l’ensemble des « fiefs enregistrés » (feuda quaternata). D’origine un peu obscure, ils se définissaient désormais comme ces fiefs majeurs, tels les castra (habitats), que le roi seul accordait quand même ils se tenaient d’un autre seigneur107. En cas de confiscation, ils rejoignaient le fisc, déclarait Marino da Caramanico108. Mais il ne s’arrêtait pas là. Il expliquait, grâce à une habile dérivation du droit romain vers la féodalité, en se référant nommément au fisc : « Tous les fiefs sont publics, provenant de la munificence royale, comme dans les Authentiques, [à] De exhibendis reis, § Optimum »109. À son tour, Andrea d’Isernia rangeait les fiefs parmi les biens du fisc110.
53Si son rapprochement avec la république et le roi l’enflait de tout ce qui paraissait public, de près ou de loin, tout ce qui lui appartenait s’estimait bien sûr de même nature. Comme le juriste disait encore : « Les domaines propres (demania) sont publics parce que les biens fiscaux sont publics »111. L’insistance sur le caractère collectif de ce qui appartenait au fisc avertissait que sa protection concernait la communauté entière.
54Andrea d’Isernia remarquait, en se réclamant de la Glose ordinaire : « N’importe qui peut dénoncer au fisc, et poursuivre un procès du fisc en le représentant, note : Digeste, [titre] De jure fisci, loi 1, § 1, à la glose Et ob id de calumnia »112. En témoignage et par suite de cette implication collective, le statut du fisc pouvait s’étendre aux biens des sujets. Cette éventualité se rencontrait dans telle réflexion d’Andrea d’Isernia sur une constitution de Frédéric II, qui doublait la peine contre le coupable d’un dommage aux familiers ou aux possessions de qui servait dans l’armée royale : « Et il faut le comprendre quand cela se commet contre l’armée de la république, qui est le roi, car le fisc et la république sont pareils »113. Le guerrier du roi passait au service de l’intérêt public avec ses biens, qui intégraient donc le fisc. Ils partageaient la sauvegarde qui lui revenait, à proportion de son enjeu pour le prince et pour le corps politique qu’il menait.
55Les Constitutions et leurs exégètes s’accordaient à la base sur la gravité d’une négligence et, surtout, d’une usurpation. Le châtiment redoutable du « crime de péculat », pour les officiers, s’ajoutait à l’avertissement général : « Que nul ne dérobe sciemment, autrement dit ne détourne ou ne cache, les droits du fisc »114. Par suite, les dispositions se multipliaient pour renforcer sa condition juridique, à commencer devant les tribunaux.
56Il se traitait « sur le modèle d’un mineur, [selon le] XIe livre du Code, [au titre] De jure rei publice, à la loi Rem publicam »115. Il recevait par conséquent les mêmes privilèges du droit romain, et cette particularité valait dans le Royaume. Andrea d’Isernia évoquait en fait ce principe pour la restitutio in integrum. Il remarquait que, en la matière, Frédéric II avait même augmenté l’avantage du fisc par sa constitution dite Beneficium116. Marino da Caramanico insistait déjà sur ce point : « Cette loi corrige le droit commun [soit romain] qui veut que, quand la restitution est demandée par procureur, il doit avoir un mandat spécial, comme dans le Digeste, [au titre] De minoribus, [à la loi] Illud, § Si talis »117. La formalité ne s’imposait plus pour le fisc : Que son procureur ou celui de la cour « n’ait pas de mandat spécial ne fait pas obstacle », ajoutait Andrea d’Isernia.
57Marino da Caramanico trouvait une autre belle occasion d’insister sur la défense prioritaire du fisc avec la présomption. Elle jouait, faute d’un titre contraire, contre qui revendiquerait la seigneurie sur des habitants du domaine. Ils relevaient a priori du roi, comme l’expliquait le juriste en s’aidant des Deux droits. À cet égard, sa référence au droit commun adressait clairement, derechef, à la Loi romaine, malgré la polysémie de l’expression dans le Royaume :
Cette présomption est en effet de droit commun en faveur du fisc […], par laquelle sa prétention est fondée à première vue : que bien entendu ces hommes soient à lui et qu’ils appartiennent à son domaine strict (demanium), par cela qu’ils sont établis dans ce domaine ou sur son territoire, comme [dans le Décret à la cause] 16, question 7, [canon] Omnes basilice. En effet, « la partie est dans le tout », comme dans le Digeste, [au titre] De exceptione rei judicate, à la loi Si quis »118.
58La vigilance, contre une diminution injustifiée du fisc, ne s’arrêtait pas à quelques aspects ponctuels. Ils participaient à une préoccupation d’ensemble. Elle s’exprimait spécialement en termes de domanialité. Celle-ci ne se dissociait pas de la question du fisc. Elle en traduisait, implicitement ou explicitement, les tendances lourdes à travers les deux problèmes de l’aliénation et de la prescription, non sans rapports entre eux. Depuis Charles Ier, l’administration angevine s’interrogeait sur la dispersion du domaine. Elle en portait largement la responsabilité ; mais elle réagissait par des tentatives de réintégration. Elles se multipliaient avec Jeanne Ire, quand elles devenaient plus vaines que jamais. Quoi qu’il en soit, la préservation du domaine suscitait spécialement la réflexion des juristes napolitains, en relation étroite avec les réalités gouvernementales119.
59Marino da Caramanico, si attaché à l’exaltation du monarque, affichait des opinions radicales quant à la conservation du fisc. Il interprétait avec étroitesse ce que Frédéric II accordait déjà avec réticence, en fait de prescriptions opposables au prince. Le Souabe avait porté celles de quarante ans, selon le droit romain, ou de soixante ans, d’après le droit lombard, à cent ans120. Pour le glossateur, ce délai aggravé s’appliquait aux biens publics, mais à l’exclusion de tous ceux imprescriptibles. Or, leur liste ne finissait plus, avec les biens d’usage public, les fonctions et les impôts publics, et tout ce qui appartenait au demanium. La prescription centenaire, « contre le fisc », ne pouvait valoir que pour fiefs et autres biens qui ne relevaient pas de ce domaine strict.
60Le juriste ne se satisfaisait pas de ces limites. Il se tournait vers les dispositions canoniques d’où venait la prescription centenaire, et qu’elles réservaient à l’Église romaine pour protéger son patrimoine. L’autorité d’un tel parallèle irradiait la situation des biens fiscaux susceptibles de prescription. Leur sauvegarde se fondait, à son tour, sur un socle inébranlable. Marino da Caramanico en arrivait à une quasi-intangibilité : « On dit que la prescription centenaire ne peut être prouvée, [d’après le livre] Extra, [au titre] De prescriptionibus, [au chapitre] Si diligenti, à la fin121 ». C’était comme si disparaissait « contre le fisc toute […] prescription pour les biens publics ». L’avertissement pesait sur les détenteurs de fiefs, puisque ceux-ci étaient tous publics, mais comme un minimum. Une précision s’ajoutait pour leur gouverne : « le fisc […] est toujours présent »122. L’observation paraîtra quasi-superfétatoire, mais elle entravait déjà toute action au possessoire. Marino da Caramanico conduisait ailleurs son raisonnement à sa conclusion ultime, pour la concession de droits royaux. Pour l’établir, contre le fisc, il fallait à un particulier des « écritures », des privilèges, et non des témoins123.
61Il est vrai que, partant de ce point, Andrea d’Isernia exprimait un net désaccord. Il visait, au-delà de Marino da Caramanico, l’ancienne école des juristes napolitains :
Ces glossateurs de chez nous furent très fiscaux, puisqu’ils ne retinrent que le privilège. Ils excluent donc les autres preuves. Ceci ne paraît pas bien exposé, car ce que peut concéder le privilège du prince, la prescription d’un temps dont il n’y a plus souvenir l’accorde. Elle se considère alors « comme un droit établi », [selon le] Digeste, [au titre] De aqua quotidiana et estiva, à la loi Hoc jure, § Aque ductus [...]124.
62Andrea d’Isernia refusait, en fait, une interprétation aventurée de la législation de Frédéric II sur les prescriptions. Il remontait aux droits romain et canonique, d’où ces dispositions prenaient départ. Il aboutissait à des considérations très articulées sur les modalités de la prescription, comme principe d’application conditionnelle mais générale. Les propriétés du domaine strict n’y échappaient donc pas. Il ne s’agissait pas, pour autant, de renier les règles qui avantageaient le fisc. La prescription centenaire opposait assurément un gros obstacle à qui s’en réclamait. À l’inverse, le fisc acquérait selon les « prescriptions communes »125.
63Le débat s’étendait à l’aliénabilité. Dans le dernier tiers du XIIIe siècle, Francesco da Telese, professeur à Naples puis avocat fiscal à la cour, portait sur la question un jugement lapidaire : « Il est certain que les propriétés de la cour ne peuvent s’aliéner ». Entendu que les « échoites » ouvraient à discussion, le juriste-fonctionnaire se montrait digne de sa situation et partageait la rigueur de son homologue et contemporain Marino da Caramanico126. L’inaliénabilité s’ajoutait à l’imprescriptibilité comme second article de foi des doctes de leur génération.
64Andrea d’Isernia le prouvait en les critiquant. À l’issue d’une analyse serrée, il concluait : « Ceci élimine l’opinion des anciens experts du Royaume déclarant que les biens propres du domaine (demania) ne sauraient se céder ». Son argumentation commençait par affirmer que les « échoites » parvenues au fisc se donnaient sans embarras, sans référence à la « science certaine » du prince. Le terrain se dégageait ainsi pour décider du plus délicat :
Note que le roi peut encore aliéner les biens du domaine strict de science certaine, selon le droit canonique, quoique sans diminuer l’honneur de la couronne, [selon le livre] Extra, [au titre] De jurejurando, au chapitre Intellecto d’Honorius [III], qui conseille de ne pas donner les biens du domaine strict127. Il ne put l’interdire quand ce n’était pas au lourd préjudice de la couronne, comme dit Innocent [IV] à propos de ce chapitre Intellecto128.
65Le fragment poursuivait, pour mieux s’entendre, par l’exemple d’une « aliénation nécessaire », celle d’un aîné qui devait apanager son cadet sans perdre son rang de roi. À l’inverse, des largesses excessives se révoqueraient en bloc, quand il y aurait péril pour la couronne. Comme pour la prescription, Andrea d’Isernia n’abolissait pas les prérogatives du domaine ou du fisc, mais les tempérait129.
66Certes, l’effet des Vêpres et une perte d’autorité de la monarchie angevine se proposeront pour expliquer la différence sensible avec l’ancienne École des juristes méridionaux. Leurs prétentions parfois exorbitantes se rattacheront, à l’inverse, au passé souabe. Elles dépassaient pourtant les normes du Liber Augustalis. Elles relevaient en partie de l’utopie, tandis que les contraintes du réel préoccupaient plus explicitement Andrea d’Isernia. Il appartenait à la génération des savants qui se hissaient aux premiers rangs du gouvernement, à la façon de son patron Bartolomeo da Capua. Ces officiers devenaient plus que des exécutants. Davantage que pour leurs prédécesseurs, leur réflexion théorique influait sur leur pratique et, en retour, s’y conformait. Par ailleurs, comme il est apparu par quelques exemples très partiels, la modération d’Andrea d’Isernia, quant aux attributs du domaine et du fisc, se nourrissait d’une étude plus minutieuse que jamais des droits civil et canonique. Le juriste accentuait leur mobilisation, dans une continuité avec ses précurseurs.
67Ces droits savants invitaient à la mesure, en véhiculant les valeurs partagées et supérieures qui pénétraient la définition du fisc. Mais ils n’en renforçaient que mieux sa charpente juridique. Aussi était-il préférable de lui donner toute l’extension possible plutôt que de le réduire à une composante des régales, solution qu’Andrea d’Isernia n’employait qu’à la marge. Il se teintait d’hiératisme par ses similitudes avec le patrimoine ecclésiastique ou par sa conformité aux normes canoniques130. Le capital du modèle antique, avec ses adaptations médiévales, était avant tout considérable. Il contribuait à sacraliser le fisc, l’assimilait aux faibles, et le privilégiait d’abondance.
68À propos des fiefs et des « autres biens qui sont dans le patrimoine du fisc », Andrea d’Isernia révélait la place acquise par le droit civil. Un procès se faisait « aujourd’hui selon le droit romain ». Le juriste y revenait : « les causes fiscales se traitent selon le droit commun »131. Après Marino da Caramanico, le fisc lui donnait une occasion de proclamer le jus civile « droit commun ». Son choix finit de convaincre que l’équivalence, ailleurs banale, progressait de manière résolue dans le Royaume. Elle y contrecarrait décidément les usages qui étendaient parfois le droit commun au lombard ou qui le comprenaient pour la norme générale au pays. Or, le glissement sémantique n’était pas neutre. Il accompagnait le succès du droit romain dans la conduite du Royaume, face à la hiérarchie des normes transmise par Frédéric II.
69Il avait relégué le droit romain au dernier rang avec le lombard, derrière les coutumes approuvées, placées elles-mêmes sous les Constitutions132. Ce dispositif se maintenait certes, à suivre Andrea d’Isernia en personne, pour les procès des nobles. Il eût donc valu pour des questions fiscales, en contradiction avec l’exclusivité attribuée au droit romain133. Elle ne se déclarait au vrai qu’à propos de procédure, très favorable à la diffusion des règles romano-canoniques134.
70En dépit de ces correctifs ou des incertitudes, le fisc s’affirmait en puissant moteur de ce système juridique, romain et canonique. Son rôle s’étendait d’autant que l’impulsion venait du sommet et qu’elle s’accompagnait du précepte que gravait Andrea d’Isernia : « Ce qu’observe la grande cour, tout le Royaume le maintiendra »135. En culminant ainsi comme outil de la souveraineté et de la république, le fisc ne s’en trouvait toutefois que davantage réglé. Cette ambivalence se poursuivait dans son mode d’administration.
Entre autorité et pacte
71À première vue, les juristes angevins apportaient peu en propre sur les mécaniques du fisc. Ils privilégiaient son contentieux comme sa préoccupation majeure, mais ils limitaient donc leurs investigations. Ils consignaient des pratiques, mais en concurrence avec les sources documentaires. Ils n’enregistraient au reste que des modifications secondaires par rapport au Liber Augustalis, quant au cadre institutionnel.
72Ils notaient nonobstant les concordances, divergences ou incertitudes des codifications et usages. Ils proposaient des solutions. Ils remontaient aux principes qui encadraient les procédés administratifs. Ils les élevaient et les intégraient, par conséquent, à la théorie. Ils poursuivaient, dans la continuité de la doctrine, le dépassement des Constitutions sur leur invitation même, pour atteindre à un ordre romano-canonique. Ils révélaient et établissaient, à la fois, les lignes de force de la juridiction fiscale. Elle donnait une démonstration éclatante de cette assimilation du roi au prince romain, que le fisc étayait dans l’exercice comme dans l’abstraction.
73À cet égard, le cas provençal offrait un bel exemple de la conjonction entre science et administration effective. Charles Ier permettait déjà, en 1276, que remontassent jusqu’à lui les appels du juge majeur de Provence pour les questions qui concernaient la cour, au contraire des affaires ordinaires. Il annonçait une discipline qui aboutissait avec Robert. Ce dernier voulait qu’en son absence, hors les peines pécuniaires et sauf autorisation, les sentences des causes concernant directement ou indirectement la cour, en fait le fisc, ne se prononçassent pas dans la contrée. Sa disposition lui gardait le dernier mot dans ces procès. Elle revenait à les remettre, le plus souvent, à l’examen ultime de magistrats napolitains. Or, le roi concevait sa mesure, en 1324, puis résistait aux protestations véhémentes de la noblesse provençale en s’arc-boutant sur l’avis de ses légistes136. Leurs convictions s’articulaient pareillement avec le gouvernement du Mezzogiorno.
74Ils trouvaient et déclaraient, à la base, une hiérarchie des pouvoirs, dont Andrea d’Isernia exprimait à merveille l’essence : « Où la grande cour est présente, elle examine toute affaire, et les justiciers se taisent : [voir] là-dessus la loi Honorem, et c’est dit à la loi Statuimus »137. Les procès contre le fisc participaient, au premier rang, à l’affirmation d’une autorité monarchique vigoureuse. Ils requéraient spécialement d’être surveillés, voire freinés. Des règles d’une rigueur limpide s’ensuivaient, confirmées par la médiation des juristes. Andrea d’Isernia les formulait en quelques mots (hors pour les litiges féodaux, mais qui se différenciaient à peine) :
Les justiciers écoutent les causes fiscales, une fois nommé un procureur par eux, en présence de l’avocat du fisc et du maître procureur ; mais ils ne décident pas. Bien au contraire, ils transmettent à la cour les affaires instruites.
75Au vrai, les justiciers tranchaient en deux occurrences. Ils décidaient des questions mobilières ou modestes, pour les immeubles. Ils libéraient ainsi la grande cour d’affaires misérables qui l’eussent bloquée. Ils pouvaient terminer un procès s’ils donnaient raison à la couronne, tant la transmission des dossiers se voulait « en faveur du fisc », comme concluait Andrea d’Isernia138. L’autorité supérieure se trouvait en effet allégée d’une tâche superflue. Ces amendements n’édulcoraient pas l’esprit de la procédure mise en place, mais y répondaient. Le contrôle depuis le haut se complétait d’une coordination fructueuse des différents niveaux d’administration.
76Dans ce cadre, une subtile redistribution des rôles, par rapport au régime souabe, intervenait-elle aux dépens des agents du fisc ? Pour les affaires non féodales soulevées contre lui, les justiciers remplaçaient en effet les maîtres chambriers139. Ceux-ci étaient de toute façon supprimés. Aux temps antérieurs, le maître chambrier appelait déjà à ses côtés le justicier de la province concernée140. En retour, selon le nouveau modèle, le justicier demeurait solidement encadré par les responsables des revenus de la couronne. Les maîtres procureurs s’imposaient ainsi dans tous les procès concernant le fisc. Ces puissants personnages, fermiers comme les secreti de revenus royaux, avaient en particulier pour mission originelle « de poursuivre les revendications mobilières ou immobilières à exercer au profit » du prince141. L’extension de leurs responsabilités signifiait que le fisc demeurait plus que jamais un fédérateur de l’administration du pays. Marino da Caramanico résumait fort bien la vigilance requise à son profit de tous les officiers et les égards accordés aux services financiers : « Si un officier, par exemple le procureur du fisc ou tout autre, permettait que les biens du fisc se perdissent, il réparerait avec son avoir […]. Tous les officiers sont tenus d’accorder leur aide au secretus »142.
77Le pouvoir des officiers fiscaux culminait quand le fisc intentait une action. Ils se trouvaient bien informés pour déceler les usurpations. Leur accorder davantage d’autonomie accélérait les récupérations, que la monarchie soutenait plus volontiers que les réclamations de tiers. Les décisions sommaires gagnaient donc une grande place. Comme le brossait Marino da Caramanico, le modèle se propageait du sommet :
Cette procédure est observée par les maîtres rationaux de la grande cour que, quand de quelque manière l’on reconnaît le droit du fisc et que le possesseur convoqué ne produit pas quelque chose de satisfaisant en sa faveur, le rappel entre les mains de la cour se fait aussitôt, sans libelle [demande écrite au juge] ni jugement ou autre vacarme de procès.
78Répondant aux obstacles opposés par le Corpus de Justinien à de telles façons, le juriste rétorquait qu’elles représentaient « la juste disposition dans les matières fiscales ». Il réussissait in fine, par un petit exploit, à mettre de son côté le droit civil143. Confortée par l’argumentation juridique et par l’aval de la cour, la méthode se propageait :
Remarque l’enquête générale, qui se fait pour la récupération de biens fiscaux, qui sont possédés par d’autres […]. L’on donnera aux possesseurs copie de la réclamation, et s’ils n’allèguent pas quelque chose de suffisant, ces richesses seront réintégrées au fisc, et l’on ne voit pas qu’il y ait besoin d’autre formalité144.
79Effectivement, des enquêtes à tous les niveaux faisaient converger l’information vers le roi et ses services. Elles sauvegardaient le domaine, lato sensu, et ouvraient sur les poursuites utiles. Voulues et dirigées pour les principales depuis la cour, elles dispersaient ses représentants dans les profondeurs du pays. Ils y matérialisaient la présence du centre145. Marino da Caramanico définissait les pouvoirs des maîtres procureurs en continuité avec l’autorité qui s’implantait ainsi. Ils frôlaient la prépotence, puisqu’ils représentaient la juridiction ordinaire à l’échelle des territoires à la place des justiciers, du moins pour les causes non féodales, quand le fisc introduisait l’action146.
80Marino da Caramanico enflait beaucoup, au vrai, les capacités reconnues aux maîtres procureurs par la constitution de Frédéric II qu’il glosait147. Le commentaire d’Andrea d’Isernia au même texte clarifiait le propos de son prédécesseur. Il informait toutefois d’une restriction de l’initiative laissée auxdits officiers. Assurément, ils agissaient avec plus de latitude que les justiciers, comme y poussait l’intérêt du fisc. Leurs capacités invitaient à un parallèle avec les méthodes des grandes enquêtes domaniales : « Ces maîtres procureurs peuvent, sur dénonciation d’autrui ou d’office, enquêter sur les biens [fiscaux] occupés ». Une saisie ne se déclenchait plus, cependant, avec la même soudaineté qu’auparavant. Du moins cette promptitude ne se vérifiait-elle que « pour une chose de médiocre valeur ». En revanche, « si le possesseur [persistait] à contredire » et qu’il n’était pas manifeste que ses réponses fussent « sans valeur », le maître procureur ne confisquait pas, « mais il [remettait] la cause une fois instruite au prince avec un rapport fidèle ». C’était se rapprocher des dispositions de Frédéric II. Avant tout, comme le suggérait Andrea d’Isernia, la pratique voisinait maintenant avec celle des justiciers148.
81L’atténuation d’un procédé trop expéditif entrait, à l’évidence, dans les réformes postérieures aux Vêpres. Du même mouvement, pourtant, la centralisation du contentieux fiscal franchissait une nouvelle étape. Dans ce registre, l’harmonie du système judiciaire s’affirmait. Comme demandeur ou comme défendeur, le fisc mobilisait et consolidait la continuité d’une chaîne administrative précise et cohérente, au moins selon sa reconstruction par les juristes. Le monarque se renforçait de la fermeté du lien ainsi entretenu avec ses délégués ou avec ses officiers des périphéries. De ces derniers, le système bridait et affirmait à la fois les pouvoirs. Il s’agissait, en somme, d’une puissance publique structurée. À ce point, les questions féodales exigent un examen particulier pour leur spécificité mais davantage pour leur valeur démonstrative.
82Issus d’un modèle opposé de société, les fiefs n’échappaient pas à l’autorité souveraine. Leur contentieux la magnifiait plutôt, en conformité avec leur caractère public, qui se cimentait dans leur intégration au fisc. Les procès relevaient de l’administration royale, y compris quand elle n’était pas partie litigante149. Ne faisaient exception que les fautes graves entre vassal et seigneur, qui justifiaient la perte du fief pour le premier ou de l’hommage pour le second. Encore Andrea d’Isernia insistait-il sur l’intervention potentielle de la cour. Il notait qu’elle assurait l’exécution, par le justicier de la province concernée, d’une saisie au profit d’un baron150.
83Quant aux autres différends féodaux, entre sujets, rien ne semblait plus résolu ni plus précis. La brièveté d’Andrea d’Isernia traduisait la fermeté de la règle : « Dans le royaume de Sicile, le seigneur du fief n’instruit pas en la matière, car la procédure sur les fiefs se défère à des personnes déterminées à savoir, s’ils ne sont pas quaternata, au justicier, s’ils le sont, au maître justicier ». Ce grand officier assurait donc, pour les « fiefs enregistrés », jusqu’à la mise en état des affaires. Les recours se faisaient aux juges des appels puis au roi, mais ne remontaient pas au-delà, jusqu’au pape, comme le juriste le rappelait. En bref, la grande cour accaparait dans leur intégralité les litiges touchant les « fiefs enregistrés ». Ils marquaient un sommet, selon la pratique et selon la doctrine, du contrôle par le trône151.
84La même procédure, ou presque, s’employait quand le fisc se défendait. Elle se concentrait encore plus. Elle n’interdisait pas seulement aux justiciers de s’occuper des « fiefs enregistrés ». Pour les autres, ces officiers mettaient la cause en état d’être jugée ; mais ils laissaient la décision finale à la grande cour. Toute différence s’effaçait alors avec le reste des demandes formulées contre le fisc. Quand il se faisait demandeur, le choix du tribunal paraissait un peu moins net ; mais Andrea d’Isernia ne tolérait guère le flou. Il recommandait que le justicier ne se mêlât pas de l’affaire. Il l’invitait à prévenir la cour, ou à laisser agir les maîtres procureurs. Avec eux, le « droit commun », au sens de norme générale pour les prétentions du fisc, s’appliquait.
85Cette clarification se trouvait en syntonie avec la détermination d’un « juge certain » pour chacune des catégories d’affaires intéressant le fisc, opportunité dont se souciait Andrea d’Isernia152. Il s’efforçait de parachever une distribution des compétences, qui coordonnerait exactement les divers organes de la pyramide administrative. Elle connaîtrait une meilleure efficacité. L’autorité de la couronne atteindrait plus aisément les offices périphériques. Cependant, la mise en ordre apportait aussi des assurances aux sujets. À la clarté dans le partage des juridictions s’ajoutaient les attributions réduites mais fortifiées de magistratures régionales. L’opposition au transfert des causes fiscales hors de Provence, exprimée par la noblesse du pays, a suffisamment averti de l’hostilité à une justice monopolisée par une autorité lointaine.
86Les juristes napolitains prenaient en tout cas le contre-pied de l’arbitraire, et selon un choix conscient, quand ils inscrivaient tout au long le fisc dans le cadre d’un droit défini et savant. L’exigence d’Andrea d’Isernia, sur ce plan, s’illustrait quand il refusait que l’enquête générale suffît pour condamner les défendeurs dans les affaires d’importance. Son mobile parlait à lui seul : « Ceux qui sont concernés ne voient pas les serments des témoins »153. Il y avait là, de fait, une grave entorse à la procédure ordinaire, au désavantage de la partie adverse au fisc154. Aussi dévoué qu’il se montrât à l’autorité royale, Marino da Caramanico déclarait néanmoins que sa « seigneurie générale » (generale dominium) ne revendiquait « rien de propre », car elle consistait en « une certaine juridiction et protection »155. Il démentait ceux qui, abusant d’une disposition de Frédéric II, voulaient contraindre le possesseur d’un « fief enregistré » à la restitution, s’il ne prouvait pas son droit, quoique la cour ne démontrât pas davantage ses prétentions. Celles-ci s’établissaient, selon eux, « au premier abord », parce que précisément « le roi est seigneur commun et général de tout le Royaume ». Leur argument n’avait aucune valeur :
En effet, selon une raison semblable, ils pourraient dire la même chose de tous les biens même bourgeois situés dans le Royaume. Et ils retombent ainsi dans l’opinion réprouvée de Martino [Gosia] qui a dit par amour ou par crainte, mais mal, que tout appartenait au prince même quant à la propriété, comme il est relevé dans la Glose ordinaire, à la loi Bene a Zenone, vers le début156. Et pour cela une autre constitution a été publiée, contre l’erreur des susdits, par laquelle les procureurs du fisc sont empêchés d’attaquer les sujets pour ce seul mobile du domaine général157.
87Cette dernière référence adressait indubitablement à l’ordonnance de Frédéric II Ab officialibus nostris. Andrea d’Isernia manifestait, à son propos, une approbation encore plus vive. Son assentiment illustrait à la perfection les convictions qui animaient les juristes angevins dans leur analyse de la fiscalité : « C’est une bonne constitution contre les procureurs césariens et les avocats du fisc, qui affirment que tout ce qui existe dans le Royaume est du roi si le possesseur ne présente pas un titre. Elle déclare en effet que ce n’est pas vrai »158. Andrea d’Isernia dénonçait avec la même conviction que son prédécesseur « la méprise de Martino qui dit que tout appartient au prince quant à la propriété »159. Il faisait plus. Il avertissait contre l’ambiguïté que celait malgré tout le préambule de Marino da Caramanico au Liber Augustalis, quand il élevait le roi au rang d’un empereur. Il lui reconnaissait, par suite, « tous les biens de son royaume »160. Mieux valait clarifier :
Si cette glose a compris que les biens des sujets sont au roi […], ce serait une grosse erreur qui est communément réprouvée par tous. En effet, il n’y a des rois que pour la protection et pour la juridiction161, qu’ils doivent exercer et déterminer dans les frontières de leur royaume, comme dans le Digeste, [au titre] De verborum significatione, à la loi Pupillus, § Territorium162. Et tout ce qui est dans leur royaume relève de leur juridiction […], mais ni les biens des églises ni ceux des clercs […]. [Le prince] n’enlève ni ne vend, donc, les richesses de ses sujets malgré eux (note au Digeste, [au titre] De natalibus restituendis, à la dernière loi, à la glose163), sauf pour raison de dignité et d’utilité publiques, [s’il] n’a rien d’autre, et alors une fois le prix payé164.
88De façon concrète, Marino da Caramanico et Andrea d’Isernia s’attardaient sur la procédure protectrice des sujets, dérivée de la Loi écrite, face à la périlleuse application de la présomption en faveur du fisc. Il suffira de citer le premier. Il s’opposait au recours abusif à une constitution de Frédéric II. Le monarque et législateur n’avait pas outrepassé le droit romain, quant à ladite présomption :
Beaucoup s’appuient sur la présente constitution [,Si dubitatio165, pour assurer] que le possesseur est contraint de déclarer le titre de sa possession, contrairement à la Loi, [selon le] Code, [au titre] De petitione hereditatis, [à la loi] Cogi166, et que la preuve incombe au défendeur alors même que le demandeur ne démontre pas, contre la Loi, [selon le] Code, [au titre] De rei vindicatione, [à la loi] Res aliena […]167. D’où ceux-ci disent que c’est spécial à propos du fisc, de sorte qu’ils avancent pour eux le Digeste [au titre] De jure fisci, à la deuxième loi, § Divus Adrianus168, [et au titre] De edendo, [à la loi] Ne quisquam169. Mais ils affirment mal. De fait, même dans les causes fiscales, le possesseur n’est pas forcé de déclarer le titre de sa possession ; mais le demandeur, qui soutient la cause du fisc, est tenu de prouver, comme dans le Digeste, [au titre] De jure fisci, [à la loi] Est decretum170. Et cette constitution [de Frédéric II] emploie le droit commun171.
89Il existait jusqu’à des espaces devant lesquels s’arrêtait, en théorie, l’éventualité d’une propriété du monarque ou de quelque libre-arbitre de sa part. Nicolaus Rufulus, juriste-fonctionnaire au service assuré des seuls Souabes bien qu’il vécût toujours au temps de Charles Ier, l’affirmait déjà au milieu du XIIIe siècle. Il distinguait avec fermeté le « patrimoine du fisc » des droits ou biens « dans l’usage public », selon le droit civil, et pour ce absolument imprescriptibles172. Andrea d’Isernia développait le thème, en insistant sur les interdits, qui se transgressaient malgré tout. Il les trouvait à son tour dans la Loi romaine, quand elle reconnaissait des normes qui dépassaient son champ d’action, car elles relevaient du « droit des gens » ou du « droit naturel »173 :
Les rives en fait et leur emploi sont publics comme également la mer, [selon] les préceptes de la loi Riparum174. Il ne se comprend pas, par public, dans le patrimoine du fisc ou de la cité, comme dans la loi Inter publica175, mais dans l’usage commun du peuple […]. Et tu [les] appelleras alors régales quant à la protection du prince, car ils ne s’aliènent pas, [selon] les préceptes de la loi Sed Celsus176. Les princes et les rois les usurpent et les possèdent comme des domaines propres (demania) par coutume ou plutôt par abus177.
90Au-delà des garanties générales, reconnues à la société, ses élites recevaient un traitement de faveur, qui incluait les rapports avec le fisc, entendu qu’il les débordait. Un droit nobiliaire s’appliquait aux procédures, comme il est apparu incidemment avec les secreti privés de juridiction, quant au civil, sur les chevaliers du domaine ou sur les fiefs. L’interdit partait d’une raison radicale, qui jouait aussi en cas de négligence d’un baron ou de recours contre son jugement. L’on s’adressait alors au justicier ou à la grande cour. Marino da Caramanico éclairait la nécessité : « L’on n’appelle pas de la sentence d’un baron au secretus, car en aucun cas il n’est juge d’hommes de la classe militaire »178. Ces nobles relevaient, en somme, de tribunaux que présidaient des représentants de leur classe, qu’il s’agît des justiciers, du maître justicier ou d’autres grands personnages. Seule une prétention du fisc dirigée par un maître procureur faisait exception, et avec une sensible incertitude pour les questions féodales.
91Au reste et avant tout, les nobles bénéficiaient de jugements arrêtés par leurs pairs, qui s’intégraient selon la cause considérée aux tribunaux royaux179. Andrea d’Isernia se plaisait à souligner l’extension du privilège, reçu de Frédéric II, par les Capitules de San Martino, qui en 1283 répondaient à la crise des Vêpres180. La prérogative avait joué d’abord si un noble était appelé en justice. Désormais, elle lui profitait également comme accusateur ou comme demandeur. Selon Andrea d’Isernia, elle concernait encore, ou l’aurait dû, les docteurs ès lois et les avocats. Ils s’assimilaient aux chevaliers, d’après leur rang qui se déduisait du Code181.
92Ces inégalités, en reflétant une représentation de la communauté du Royaume, confirmaient et parachevaient une convention tacite entre le roi et ses sujets. Le fisc la matérialisait spécialement bien par ses garde-fous juridiques, en harmonie avec ses fins qui le mettaient au service de tous. Les juristes angevins avaient, au reste, pleine conscience d’un contrat implicite entre monarque et pays.
93Marino da Caramanico mentionnait cet accord aussi nécessaire qu’informel, fût-ce pour frôler l’antinomie : « Le pacte général de la société humaine est certes d’obéir à ses rois ». De là, le glossateur recourait artificieusement au Décret (qui reproduisait saint Augustin) pour inciter à la soumission aux ordres du prince, même quand il y avait doute sur leur conformité avec le précepte divin. L’obéissance innocentait182 ! Cet absolutisme de façade n’empêchait pas que la marche du fisc, comme la présentaient les juristes angevins y compris Marino da Caramanico, donnât corps à l’espèce de « constitution mixte » reconnue par l’historiographie actuelle pour une base de l’État médiéval183.
94Andrea d’Isernia, surtout, manifestait à travers le fisc sa conscience de l’ordre juridique comme fédérateur de la société monarchique. Il partageait, sur ce chapitre, des certitudes répandues chez les scolastiques, ainsi qu’elles s’exprimaient chez Pierre d’Auvergne. Celui-ci rétorquait à qui prétendait que la monarchie n’était pas une république parce que cette dernière n’existait que si les lois prévalaient. Il admettait volontiers que, « dans tout gouvernement juste, qui commande domine selon les lois » ; mais il ne voyait là aucune opposition au modèle monarchique : « Dans la monarchie royale, le monarque possède cette règle qui est dans sa volonté et sa raison »184.
95Comme ce parallèle finit d’en persuader, les principaux juristes angevins prétendaient insuffler une idée de la cité dans la réalité des institutions. Ils visaient, entre autres, à élucider et à réorganiser la machine fiscale selon cette espérance. Andrea d’Isernia l’illustrait pour la question féodale dans le Royaume, en rapport avec le fisc ou la monarchie en général. Il ne s’arrêtait pas davantage sur la matière dans son étude des Constitutions, donc au profit de ses compatriotes, que dans son travail sur les Livres des fiefs. Il hissait la discipline supposée en vigueur dans le Mezzogiorno en type des justes équilibres pour les monarchies d’Occident. Le Royaume devenait en fait, pour lui, une sorte de laboratoire.
Au rang de jurisconsultes
96Malgré leur densité et leur portée pour l’histoire culturelle de l’Europe, les contributions des juristes angevins sur le gouvernement du Royaume rebutent en un premier instant pour leur manque d’homogénéité. La diversité des mécanismes d’administration et les hésitations ou les incohérences d’institutions balbutiantes fragmentaient les exposés. Leur cohésion pâtissait autant de leur forme, avec des gloses ou des commentaires qui leur ressemblaient encore beaucoup. Le désir des juristes napolitains de ne pas s’arrêter aux constatations pouvait embrouiller davantage. L’effort de donner des réponses satisfaisantes à des normes et à des situations diverses morcelait explications et interprétations, au lieu de les coordonner. Les essais d’harmonisation avortaient. Pour aggraver les choses, les incertitudes doctrinales ne manquaient pas, ni les désaccords des savants. Les divergences entre Marino da Caramanico et Andrea d’Isernia comptaient entre les plus sensibles.
97En dépassant à l’habitude le compendium ou la glose littéraire des corpora législatifs, les juristes de cour nous informent cependant de la mission qu’ils s’arrogeaient et recevaient. Ils approchaient des anciens jurisconsultes. Insérés au cœur du pouvoir, ils donnaient une lecture de ses normes qui visait à faire autorité dans leur application comme à orienter leur devenir. Pour preuve et pour conséquence de leur position, leur attention s’exerçait en particulier sur le fisc. Cette vigilance partait d’une représentation sur laquelle ils s’accordaient, malgré tout, au moins à grands traits.
98À leurs yeux, le fisc matérialisait en quelque façon la souveraineté. Cette conviction se dégageait comme un fil conducteur, qui agrégeait le gros des gloses et des commentaires. Par suite, un idéal de centralisation s’affichait. Il rencontrait son ébauche sérieuse dans l’action gouvernementale. Ces traits s’opposent à l’axe collectif du présent ouvrage, qui met l’accent sur les périphéries, mais comme des restrictions qui le complètent. La réduction à l’unité pénétrait et orientait le réseau administratif dans ses ramifications, ou le souhaitait. En sus, le fisc était donné pour confondu avec le bien de tous. Vu à l’habitude comme un instrument d’oppression, il se présentait alors pour l’exact contraire.
99Ernst Kantorowicz a largement montré, dans l’organisation fiscale, l’un des ferments de l’État moderne et contemporain, et même l’un de ceux qui menaient pour arrière-plan vers les régimes totalitaires185. Les juristes angevins dessinaient, à travers le fisc, une monarchie qui s’associait les sujets et les corps intermédiaires, dans le respect de valeurs partagées. Ils n’en projetaient pas moins une forme d’État médiéval, dans les concepts avant que dans les faits ou à leur place. Issu de la romanité, le fisc favorisait ces développements intellectuels et alimentait leur terreau en participant, au premier rang, à la mobilisation des droits savants186.
100Cet usage abondant du bagage romano-canonique mériterait un examen systématique, pour l’ensemble de l’édifice juridique et politique de la monarchie des Capétiens de Sicile, sous les angles indissociables de la réalité et du programme. Pour toute étude des juristes concernés, les éditions critiques de leurs travaux demeurent toutefois trop rares. Cette lacune affecte le pivot de leur réflexion institutionnelle, soit leurs observations sur le Liber Augustalis. La seule préface de Marino da Caramanico à son apparatus bénéficie aujourd’hui d’une version fiable, celle de Francesco Calasso187. La meilleure édition pour le reste, celle d’Antonio Cervone au XVIIIe siècle, fourmille d’erreurs que l’on ne sait parfois amender. Elle présente même quelque flou dans l’attribution des annotations à leurs divers auteurs188. Reprendre son contenu serait une tâche considérable mais entre les plus profitables aux études angevines.
Notes de bas de page
1 E. Kantorowicz, The king’s two bodies. A study in mediaeval political theology, Princeton, 1957, trad. française, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, 1989.
2 Id., Kaiser Friedrich der Zweite, Berlin, 1927.
3 A. Marongiù, Uno « stato modello » nel medioevo italiano. Il regno normanno-svevo di Sicilia, dans Critica storica, 2, 1963, p. 379-394.
4 Frédéric II, Constitutiones (dorénavant Const.), éd. W. Stürner, Die Konstitutionen Friedrichs II. für das Königreich Sizilien, Hanovre, 1996 (MGH, Constitutiones et acta publica, 2, Supp. ).
5 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus et glossis Regni Siciliae, à Const. 3, 49, § Magistros mechanicarum artium, éd. A. Cervone, Constitutionum Regni Siciliarum Libri III cum Commentariis Veterum Jurisconsultorum, I, Naples, 1773 (reprint 1999), p. 407.
6 F. Calasso, Origini italiane della formula « rex in regno suo est imperator », dans Rivista di storia del diritto italiano, 3, 1930, p. 213-259 ; Id., I glossatori e la teoria della sovranità, Milan, 1951, p. 127-164 et 177-208.
7 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 2, 18, § Dilationes judicii, p. 225 ; Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum, Francfort, 1629, Praeludia, n° 39, p. 13 ; R. Trifone (éd.), La legislazione angioina, Naples, 1921, n° 151, p. 228.
8 G. Giordanengo, Vocabulaire romanisant et réalité féodale en Provence, dans Id., Féodalités et droits savants dans le Midi médiéval, Aldershot-Brookfield (Vermont), 1992, art. 7 (1re éd. 1975), p. 271.
9 G. Musca (dir.), Le eredità normanno-sveve nell’età angioina. Persistenze e mutamenti nel Mezzogiorno, Bari, 2004.
10 E. Cortese, Legisti, canonisti e feudisti. La formazione di un ceto medievale, dans Università e società nei secoli XII-XVI, Pistoia, 1982, p. 195-284.
11 F. Calasso, Medioevo del diritto. I. Le fonti, Milan, 1954, p. 391-408, 490-501, 545-546, 551-552, 554-555, 576-579 et 588-592 ; M. Bellomo, L’europa del diritto comune, Rome, 1994 (7e éd.), p. 78-89, 153-158 et 198-215.
12 G.M. Monti, L’età angioina, dans Storia della Università di Napoli, Naples, 1924, p. 17-150 ; Id., Il Collegio napoletano dei dottori in diritto sotto Giovanna I, dans Id., Da Giovanna I a Giovanna II. Ricerche e documenti, Bénévent, 1932, p. 1-27 ; J.-P. Boyer, Le droit civil entre studium et cour de Naples. Barthélemy de Capoue et son cercle, dans J.-P. Boyer, A. Mailloux et L. Verdon (dir.), La justice temporelle dans les territoires angevins, Rome, 2005 (Collection de l’École française de Rome, 354), p. 47-82.
13 G. D’Amelio, Indagini sulla transazione nella dottrina intermedia con un’appendice sulla scuola di Napoli, Milan, 1972, p. 149-172 ; G. Vallone, Il pensiero giuridico meridionale, dans G. Galasso (dir.), Storia del Mezzogiorno, X, Naples, 1992, p. 299-302.
14 A. Kiesewetter, Documenti vecchi e nuovi sulla vita di Marino da Caramanico, dans S. Palmieri (dir.), Studi per Marcello Gigante, Bologne, 2003, p. 347-390.
15 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium, § 23, éd. F. Calasso, I glossatori... cit., p. 207-208 ; F. Calasso, ibid., p. 130 et 158-163 ; G. Vallone, Il pensiero giuridico... cit., p. 301.
16 E. M. Meyers (dir.), Iuris interpretes saec. XIII, Naples, 1924, p. 229-233 ; F. Calasso, Andrea d’Isernia, dans DBI, III, Rome, 1961, p. 100-103 ; G. Vallone, Andrea d’Isernia (Isernia XIII sec. – ante ottobre 1316), dans I. Birocchi et al. (dir.), Dizionario biografico dei giuristi italiani (XIII-XX secolo), Bologne, 2013, p. 61-63.
17 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., Praeludia, n° 25, p. 7 ; E. Cortese, Il rinascimento giuridico medievale, Rome, 1996 (2e éd.), p. 50-52 et 96, note 299.
18 E. M. Meyers (dir.), Iuris interpretes... cit., p. 181-216 ; M. Piccialuti et I. Walter, Bartolomeo da Capua, dans DBI, VI, Rome, 1964, p. 697-704.
19 F. E. Vassali, Concetto e natura del fisco, Turin, 1908.
20 R. Delle Donne, Regis servitium nostra mercatura. Culture e linguaggi della fiscalità nella Napoli aragonese, dans G. Petti-Balbi et G. Vitolo (dir.), Linguaggi e pratiche del potere, Naples, 2007, p. 91-150.
21 Const. 1, 86, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 260.
22 D. 43, 8, 2, 4, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta, Hildesheim, 1988 (17e éd.), p. 731; R. Delle Donne, Regis servitium… cit., p. 121, note 100.
23 J.-P. Boyer, La domanialité entre Provence et Mezzogiorno sous la première dynastie angevine, dans Th. Pécout (dir.), Quand gouverner c’est enquêter. Les pratiques politiques de l’enquête princière (Occident, XIIIe-XIVe siècle), Paris, 2010, p. 220-221 et 235-236 (sur le demanium, ajouter G. Vallone, Istituzioni feudali dell’Italia meridionale tra Medioevo ed Antico Regime. L’area salentina, Rome, 1999, p. 59-68).
24 F. E. Vassali, Concetto e natura del fisco… cit., p. 27.
25 Const. 1, 36, 1-2, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 189-190.
26 Const. 3, 39, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 406.
27 R. Trifone, La legislazione… cit., n° 170, p. 255.
28 D. 16, 3, 1, 4, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 242, etc.
29 Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, 2a 2ae, qu. 67, art. 4, c., Editiones Paulinae, Milan-Turin, 1988, p. 1378.
30 J.-P. Boyer, Ecce rex tuus. Le roi et le royaume dans les sermons de Robert de Naples, dans Revue Mabillon, 67, 1995, p. 101-136.
31 Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, B 535, acte du 18 avril 1346.
32 D. 50, 7, 15, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 902-903.
33 Thomas d’Aquin, Summa Theologiae… cit., 1a 2ae, qu. 90, art. 4, c., p. 942.
34 G. Giordanengo, Vocabulaire romanisant… cit., p. 267-273.
35 Carlo di Tocco, à Lomb. 1, 1, 1, gl. Infiscentur, dans Leges Longobardorum cum argutissimis glosis D. Caroli de Tocco, Venise, 1537, fol. 2r ; G. D’Amelio, Carlo di Tocco, dans DBI, XX, Rome, 1977, p. 304-310.
36 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium... cit., § 22, p. 205-207.
37 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., Prooemium et à Const. 3, 1, § Scire volumus, p. XXVII et 291.
38 Ibid., à Const. 3, 35, § Pecuniam si quis, p. 393.
39 F. E. Vassali, Concetto e natura del fisco… cit., p. 77-85.
40 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 54 (55), n° 51, p. 696.
41 Id., Super Constitutionibus… cit., à Const. 2, 43, § Beneficium, et à Const. 3, 8, § Si dubitatio, p. 277 et 312 (exemples).
42 Ibid., Prooemium, et à Const. 1, 30, § Ut participatio, p. XXVI et 80.
43 Tb 1, 22.
44 I Esr 6, 11.
45 I Esr 7, 20.
46 Jacques de Voragine, Legenda aurea, cap. 11, § 1, éd. Th. Graesse, Wroclaw, 1890 (3e éd.), p. 67, éd. G. P. Maggioni, I, Florence, 1998, cap. 11, 22, p. 104.
47 Lomb. 1, 1, 1-3, soit Roth. 1 et 3-4 (res ejus [du coupable] infiscentur), éd. F. Bluhme et A. Boretio, Hanovre, 1868 (MGH, Leges, 4), p. 291-293 et 623.
48 Const. 3, 2, éd. A. Cervone, Constitutionum Regni Siciliarum libri... cit., p. 291, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen... cit., p. 364-365.
49 D. 37, 1, 12, pr., éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 587 ; d’après Accurse, dans Glossa ordinaria, à D. 37, 1, 12, gl. Fiscus, dans Corpus juris civilis, Lyon, 1558-1560, II, col. 1635 (Fiscus et respublica Romanorum idem est).
50 Dérivation manifeste de Inst. 1, 2, 6, éd. P. Krueger, Institutiones, Hildesheim, 1988 (24e éd.), p. 1 ; et de D. 1, 4, 1, pr., éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 35 (sur la lex regia).
51 Sénèque, De clementia, lib. I, cap. 4, § 3, et cap. 5, § 1, éd. J. W. Basore, Seneca Moral Essays with an English Translation, I, Londres-Cambridge (Mass.), 1963, p. 368 et 370.
52 Grat., C. 7, q. 1, c. 7, éd. E. Friedberg, Corpus juris canonici, Graz, 1959 (1re éd. 1879), I, col. 568-569 ; Glossa ordinaria, à Grat., C. 7, q. 1, c. 7, Casus (Ecclesia [...] una est nec potest esse divisa), gl. In Ecclesia (Hic dicitur Ecclesia episcopus), dans Corpus juris canonici emendatum et notis illustratum [en ligne], Rome, 1582, http://digital.library.ucla.edu/canonlaw, I, p. 1082.
53 X 5, 40, 19, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., II, col. 917 ; Glossa ordinaria… cit., à X 5, 40, 19, Casus (Episcopus est in Ecclesia et Ecclesia in episcopo), gl. Ecclesie Placentine vocabulum (Hoc nomen, Ecclesia [...], quandoque designat tantum episcopum), gl. Et si capitulum ([Ecclesia cathedralis] efficitur unum corpus), et gl. Principaliter (Si tenetur episcopo, tenetur Ecclesie), II, p. 1942.
54 D. 49, 15, 19, pr., éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 886 ; Glossa ordinaria… cit., à D. 49, 15, 19, gl. Constitutum (sanctionne l’existence de peuples et de rois libres de l’empire), III, col. 1513.
55 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium... cit., § 10, 19 et 21, p. 190, 202 et 204.
56 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., Prooemium, p. XVIII.
57 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium... cit., § 14-15, p. 195-198 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., Prooemium, p. XXX-XXXI ; F. Calasso, I glossatori... cit., p. 135-138 ; G. Vallone, Il pensiero giuridico... cit., p. 302-303.
58 Bartolomeo da Capua, à Const., Prooemium, § A rege regum et principe principum, dans Glossa aurea excellentissimi domini Bartholomaei de Capua, Lyon, 1556, lib. I, In prooemio, n° 8-9, p. 18, et dans Commentarii veterum jurisconsultorum, éd. A. Cervone, Constitutionum Regni Siciliarum Libri... cit., p. 6.
59 F. Calasso, Origini italiane... cit., passim ; Id., I glossatori... cit., passim ; G.M. Monti, Dai Normanni agli Aragonesi, Trani, 1936, p. 99-114 ; Id., La dottrina anti-imperiale degli Angioini di Napoli, i loro vicariati imperiali e Bartolomeo di Capua, dans Studi di storia e diritto in onore di Arrigo Solmi, II, Milan, 1941, p. 13-54.
60 E. Cortese, Il rinascimento... cit., p. 84-91.
61 M. Ascheri, Diritto medievale e moderno. Problemi del processo, della cultura e delle fonti giuridiche, Rimini, 1991, p. 105-116 (encore que pour une période postérieure à Andrea d’Isernia).
62 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., Prooemium, n° 7, p. 2, et Praeludia, n° 46, p. 18 (cite Prv 8, 15).
63 J.-P. Boyer, Spirituel et temporel dans les sermons napolitains de la première moitié du XIVe siècle, dans F. Morenzoni (dir.), Preaching and political society. From late to the end of the Middle Ages, Turnhout, 2013, p. 267-309.
64 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 2, 35, § Omni jure, p. 266.
65 Ibid., Prooemium, p. XXVII (avec référence à D. 36, 1, 1, 1, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 562) ; E. Kantorowicz, Les deux corps du roi… cit., p. 556, note 56.
66 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., Praeludia, n° 39, p. 13.
67 G. D’Amelio, Una falsa continuità: il tardo diritto longobardo nel Mezzogiorno, dans Per Francesco Calasso. Studi degli allievi, Rome, 1978, p. 369-411.
68 Const. 1, 47, et Const. 1, 62, 1, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 205-207 et 227-228 ; Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium...cit., § 19-20, p. 201-203 ; Id., In Constitutiones Regni Siciliae, à Const. 1, 47, gl. Aut in deffectu ipsarum, et à Const. 2, 34, gl. In qua olim, éd. A. Cervone, Constitutionum Regni Siciliarum libri... cit., p. 102 et 262 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., Prooemium, et à Const. 1, 65, § Locorum bajuli, p. XXIX et 127 ; Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., Praeludia, n° 39-40, p. 13-14.
69 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium...cit., § 2-3, p. 181-182 (l’argument principal, en faveur des rois libres, s’extrait de D. 49, 15, 19, pr., éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 886).
70 Inst. 2, 17, 8, éd. P. Krueger, Institutiones… cit., p. 22 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 99 (97), § Excusatio legitime, p. 169.
71 Ibid., à Const. 1, 44, § De feudis, p. 98-99.
72 Ibid., Prooemium, p. XXI.
73 Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 51, n° 29, p. 587-588 ; Thomas d’Aquin, Summa Theologiae… cit., 1a 2ae, qu. 96, art. 5, c. et ad 3m, p. 965-966 ; E. Kantorowicz, Les deux corps du roi… cit., p. 425, note 154.
74 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., Prooemium, p. XXIX (cite Grat., D. 1, c. 5, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., I, col. 2).
75 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., Praeludia, n° 25, p. 7 ; Thomas d’Aquin, Summa Theologiae... cit., 1a 2ae, qu. 95, art. 2, c., p. 960 (la prétendue citation d’Augustin, donnée par Andrea d’Isernia, vient de cet article de la Somme. Il se réfère à la même œuvre, mais rapporte d’autres paroles. À cette source directe du juriste, divers passages du Docteur angélique peuvent s’ajouter, par exemple : ibid., 1a 2ae, qu. 90, art. 1, c., p. 940).
76 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 99 (97), § Excusatio legitima, p. 169.
77 Const. 3, 4, 1, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 367 ; J. Krynen, “De nostre certaine science…”. Remarques sur l’absolutisme législatif de la monarchie médiévale française, dans A. Gouron et A. Rigaudière (dir.), Renaissance du pouvoir législatif et genèse de l’État, Montpellier, 1998, p. 131-144.
78 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., Prooemium, p. XXIX.
79 Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 52, 1, n° 1, p. 590-591.
80 Ibid., à Feud 2, 55 (56), n° 77, p. 784-785.
81 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium... cit., § 22, p. 206-207 (Regia camera, fiscus et erarium sunt quasi synonyma).
82 E. Conte, Luca da Penne, dans DBI, LXVI, Rome, 2006, p. 251-254.
83 Luca da Penne, Super tribus libris Codicis, à C. 10, 1, Rubrica, Lyon, 1529, fol. 2r.
84 Bartolo da Sassoferrato, In tres Codicis libros, à C. 10, 1, Rubrica, Venise, 1570, n° 5, fol. 2r ; Baldo degli Ubaldi, Commentaria in VII, VIII, IX, X et XI Codicis libros, à C. 10, 1, Rubrica, Lyon, 1585, n° 11, fol. 269v ; Luca da Penne, Super tribus libris… cit., à C. 12, 49 (50), 4, fol. 309v ; F. E. Vassali, Concetto e natura del fisco… cit., p. 74-75 ; R. Delle Donne, Regis servitium… cit., p. 120-121.
85 Luca da Penne, Super tribus libris… cit., à C. 10, 1, Rubrica, fol. 2r.
86 Augustin, Enarrationes in Psalmos, Ps. CXLVI, § 17, éd. E. Dekkers et J. Fraipont, Turnhout, 1956 (CCSL, 40), selon Io 12, 6, et 13, 29.
87 Extra. Joan. XXII, 14, 3-5, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., II, col. 1225-1236, éd. J. Tarrant, Extrauagantes Iohannis XXII, Città del Vaticano, 1983, n° 18-20, p. 228-287.
88 C. 7, 37, 2, pr., éd. P. Krueger, Codex Jusitinianus, Hildesheim, 1989 (11e éd.), p. 309.
89 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 3, 10, gl. Si quando, p. 314 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 56, 1 (55, 2), § Presides provinciarum, p. 116.
90 F. E. Vassali, Concetto e natura del fisco… cit., p. 97.
91 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 97 (94), § Ab officialibus nostris, et à Const. 2, 43, § Beneficium, p. 161 et 276 ; Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 33, n° 10, p. 461.
92 A. de Boüard, Documents en français des archives angevines de Naples, Paris, 1933-1935, I, n° 3, p. 44, et II, n° 237, p. 247-248.
93 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 88 (86), § Non graventur, p. 152 ; M. Prou, Les registres d’Honorius IV, Paris, 1888, n° 96, § 8, col. 76.
94 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 33, n° 9, p. 461 ; sur le sens juridique d’idoneus : A. Berger, Idoneus, dans Id., Dictionary of Roman law, Philadelphie, 1980, p. 491.
95 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 55 (56), n° 27-28, p. 747-750 (collationner cette version avec éd. incunable, Super feudis, Naples, 1477, § Et qui ut indignis) ; Id., Super Constitutionibus… cit., à Const. 2, 43, § Beneficium, p. 276.
96 D. 49, 14, 1, pr., éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 879.
97 Grat., D. 4, c. 2, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., I, col. 5.
98 G. Cornu, Fisc, dans Id., Vocabulaire juridique, Paris, 2005, p. 407.
99 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 3, 49, gl. Magistros, p. 407 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 3, 49, § Magistros mechanicarum artium, p. 407.
100 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 62, 1 (61, 1+2), gl. Presenti lege, p. 121.
101 S. Palmieri, La cancelleria del regno di Sicilia in età angioina, Naples, 2006, p. 104-105.
102 S. Morelli, Per conservare la pace. I giustizieri del regno di Sicilia da Carlo I a Carlo II d’Angiò, Naples, 2012.
103 Const. 1, 60, 1, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 222-224; J.-M. Martin, L’organisation administrative et militaire du territoire, dans Potere, società e popolo nell’età sveva, Bari, 1985, p. 94-101.
104 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 61 (60), 1, gl. Pro sua jurisdictione, et gl. Ad requisitionem bajulorum, p. 120 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 51, § Deinde, à Const. 1, 56 (55), 2, § Presides provinciarum, et à Const. 1, 61 (60), 1, § Officiorum, p. 108, 116 et 119-121 ; Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 54 (55), n° 81 (imprimé 23), p. 719.
105 Const. 1, 60, 2, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 224 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 61 (60), 2, § Magistros camerarios regionum, p. 121.
106 Ibid., à Const. 1, 52, 1, § Flagrantia, p. 109 (référence à C. 7, 13, 2, éd. P. Krueger, Codex… cit., p. 299).
107 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 25, § Post mortem, p. 349 ; Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 16, n° 7-13, p. 275-280; G. Vallone, Feudo quaternato, dans Enciclopedia Fridericiana, I, Rome, 2005, p. 629.
108 Marino da Caramanico, In Constitutiones… cit., à Const. 3, 25, gl. Ad concessionem, p. 350.
109 Ibid., à Const. 3, 8, gl. Faciente, p. 309-311 (référence à Nov. 53, 5, éd. R. Schoell et G. Kroll, Novellae, Hildesheim, 1993 [13e éd.], p. 303).
110 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 25, § Violentias, p. 58.
111 Ibid., à Const. 3, 8, § Si dubitatio, p. 312.
112 Ibid., à Const. 2, 43, § Beneficium, p. 277 (références à D. 49, 14, 1, pr., éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 879 ; Accurse, dans Glossa ordinaria… cit., à D. 49, 14, 1, gl. Recessum, III, col. 1648).
113 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 30, § Ut participatio, p. 80.
114 Const. 1, 36, 1-2, et Const., 1, 94, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 189-190 et 274 ; Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 36, 1, gl. Officiales, et gl. Puniantur nisi eis, et à Const. 1, 36, 2, gl. Officialis, et gl. Qui bona, p. 84-85 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 97 (94), § Ab officialibus nostris, p. 161.
115 C. 11, 30 (29), 3, éd. P. Krueger, Codex… cit., p. 436.
116 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 2, 43, § Beneficium, p. 276.
117 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 2, 43, gl. Beneficium, p. 276 (référence à D. 4, 4, 25, 1, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 89).
118 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 3, 8, gl. Possessor, p. 311 (références à Grat., C. 16, q. 7, c. 10, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., I, col. 803; et à D. 44, 2, 7, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 755-756).
119 Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, B 535… cit. ; J.-P. Boyer, La domanialité… cit., p. 211-237.
120 Const. 3, 39, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 406.
121 X 2, 26, 17, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., II, col. 389 (noter encore X 2, 26, 14, ibid., col. 387, mentionné un peu plus haut par Marino da Caramanico).
122 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 3, 39, gl. In publicis, et gl. Ad centum annorum, p. 398-400.
123 Ibid., à Const. 3, 8, gl. Instrumenta, p. 312.
124 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 3, 8, § Si dubitatio, p. 311 (référence à D. 43, 20, 3, 4, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 743).
125 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 3, 8, § Si dubitatio, et à Const. 3, 39, § Quadragenalem, p. 309-312 et 398-400.
126 Francesco da Telese, à C. 10, 36 (35), 1, 3, gl. Lucrativas res, éd. E. M. Meyers (dir.), Iuris interpretes... cit., n° 20, p. 176-177 ; D. Novarese, Francesco da Telese, dans DBI, L, Rome, 1998, p. 29-30.
127 X 2, 24, 33, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., II, col. 373.
128 Innocent IV, Apparatus super Libros Decretalium, lib. II, tit. 24, cap. 33, gl. Intellecto (illibata), Francfort-sur-le-Main, 1570, fol. 289v (Hec Decretalis intelligitur quoniam fecit alienationes propter quas graviter leditur dignitas regalis, non enim propter hoc interdicitur sibi donare vel aliter alienare).
129 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 3, 4, 1, § Dignum, p. 293.
130 E. Kantorowicz, Les deux corps du roi… cit., p. 138-142.
131 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 25, § Violentias, p. 58.
132 Const. 1, 62, 1, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 228 ; G.M. Monti, Il diritto comune nella concezione sveva e angioina, dans Studi di storia e diritto in onore di Enrico Besta, II, Città di Castello, 1938, p. 267-300 ; R. D’Alelio, Concetto e funzione del diritto comune secondo i giuristi napoletani, Naples, 1951.
133 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 47, § Ut universis, p. 103.
134 L. Fowler-Magerl, Ordines iudiciarii and libelli de ordine iudiciorum, Turnhout, 1994.
135 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 18, § Novatas, p. 44.
136 G. Giordanengo, Vocabulaire romanisant… cit., p. 264 et 267-273 ; J.-P. Boyer, Conclusions. Définir une haute administration au Moyen Âge tardif, dans R. Rao (dir.), Les grands officiers dans les territoires angevins, Rome, 2017 (Collection de l’École française de Rome, 518), p. 361-362.
137 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 43, § Parum ante adventum ipsorum, p. 96 (références à Const. 1, 38, 2, et à Const. 1, 41, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 193-195 et 200).
138 Const. 1, 42, 2, et Const. 1, 55, 2, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 201 et 218 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 42, 2, § Causas, à Const. 1, 56 (55), 2, § Presides provinciarum, et à Const. 1, 88 (86), § Non graventur, p. 94, 116 et 152.
139 Une glose de Bartolomeo da Capua déclare pour les affaires fiscales, hors les fiefs, selon deux éditions : « Mais comme aujourd’hui il n’y a pas de maîtres chambriers, l’examen appartiendra au maître justicier ». Il s’agit, pour ce dernier, d’une interpolation probable. Il faut sans doute corriger par « justicier » (Bartolomeo da Capua, à Const. 1, 64 [63], § Questiones, dans Glossa aurea… cit., lib. I, De quaestionibus, n° 1, p. 43, et dans Commentarii… cit., p. 125).
140 Const. 1, 63, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 231.
141 P. Durrieu, Les archives angevines de Naples. Étude sur les registres du roi Charles Ier (1265-1285), I, Paris, 1886, p. 56-58.
142 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 36, 2, gl. Officialis, et à Const. 1, 37, gl. Justitiarios, p. 85.
143 Avec pour principal autorité : C. 10, 2, 4, éd. P. Krueger, Codex… cit., p. 396.
144 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 88 (86), gl. Inter multas, p. 152.
145 S. Morelli, La territorializzazione della politica : competenze, metodi e obiettivi del personale amministrativo addetto alle inchieste, et Th. Pécout, Le personnel des enquêteurs en Provence angevine : hommes et réseaux (1251-1365), dans Th. Pécout (dir.), Quand gouverner c’est enquêter… cit., p. 239-256 et 329-355.
146 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 56 (55), 2, § Presides provinciarum, p. 116.
147 Const. 1, 86, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 260-261.
148 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 88 (86), § Non graventur, p. 152.
149 Const. 1, 44, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 203 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 44, § De feudis, p. 97.
150 Const. 3, 19, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 384 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 3, 19, § Si vassallus a domino suo, et § Dominus poterit dissasire, p. 327.
151 Id., Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 54 (55), n° 81 (imprimé 23), p. 719-720.
152 Id., Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 56 (55), 2, § Presides provinciarum, p. 116.
153 Ibid., à Const.1, 88 (86), § Non graventur, p. 152.
154 A. Pertile, Storia del diritto italiano. VII/2. Storia della procedura (continuazione), Turin, 1902, p. 185.
155 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 97, 1 (Const. 1, 94), gl. Ab officialibus nostris, p. 161.
156 Accurse, dans Glossa ordinaria… cit., à C. 7, 37, 3, 1a, gl. Omnia principis, IV, col. 1397-1398.
157 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 3, 8, gl. Faciente, p. 309.
158 Const. 1, 94, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 274 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 97, 1 (Const. 1, 94), § Ab officialibus nostris, p. 161.
159 Ibid., Prooemium, p. XX.
160 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium... cit., § 6, p. 185.
161 Accurse, dans Glossa ordinaria… cit., à C. 7, 37, 3, gl. Omnia principis, IV, col. 1398 (Hic expone ad protectionem vel jurisdictionem).
162 D. 50, 16, 239, 8, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 919.
163 Glossa ordinaria… cit., à D. 40, 11, 5, pr., gl. Debet, III, col. 303 (Non ergo potest princeps rem privati vendere eo invito).
164 Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., Prooemium, p. XXVII.
165 Const. 3, 8, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 374.
166 C. 3, 31, 11, éd. P. Krueger, Codex… cit., p. 137.
167 C. 3, 32, 28, éd. P. Krueger, Codex… cit., p. 139.
168 D. 49, 14, 2, 1, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 879.
169 D. 2, 13, 3, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 55.
170 D. 49, 14, 25, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 882.
171 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 3, 8, gl. Possessor, p. 311 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 97, 1 (Const. 1, 94), § Ab officialibus nostris, p. 161.
172 Nicolaus Rufulus, à C.1, 2, 23, éd. E. M. Meyers (dir.), Iuris interpretes... cit., p. 93-95, et n° 8, p. 101.
173 A. Berger, Ius gentium, et Ius naturale, dans Id., Dictionary... cit., p. 528-531.
174 D. 1, 8, 5, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 39.
175 D. 50, 16, 17, éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 909.
176 D. 18, 1, 6, pr., éd. Th. Mommsen et P. Krueger, Digesta… cit., p. 263.
177 Andrea d’Isernia, Commentaria in usus et consuetudines feudorum… cit., à Feud 2, 55 (56), n° 10, p. 737 (collationner avec éd. incunable, Super feudis… cit., § Ripatica).
178 Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 61 (60), 1, gl. Vel in deffectu ipsorum, p. 120.
179 R. Moscati, Ricerche e documenti sulla feudalità napoletana nel periodo angioino, dans Archivio storico per le province napoletane, 59, 1934, p. 242-256.
180 R. Trifone, La legislazione… cit., n° 59, p. 100 ; A. Kiesewetter, Die Anfänge des Regierung König Karls II. von Anjou (1278-1295), Husum, 1999, p. 567, n° 22.
181 Const. 1, 47, éd. W. Stürner, Die Konstitutionen… cit., p. 206-207 ; Marino da Caramanico, In Constitutiones... cit., à Const. 1, 47, gl. Ut universis, gl. Vel etiam conventi, et gl. Si cause dubietas, p. 100-102 ; Andrea d’Isernia, Super Constitutionibus… cit., à Const. 1, 47, § Ut universis, p. 100-103 (pour le rang qu’Andrea d’Isernia attribue aux juristes, voir : Glossa ordinaria… cit., à C. 1, 48, 3, gl. Honoratis, IV, col. 165 ; et C. 2, 7, 14, éd. P. Krueger, Codex… cit., p. 99).
182 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium... cit., § 5, p. 184 (référence à Grat., D. 8, c. 2, éd. E. Friedberg, Corpus… cit., I, col. 13).
183 G. Vallone, La costituzione medievale tra Schmitt e Brunner, dans Quaderni fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, 39, 2010, p. 387-403.
184 Pierre d’Auvergne, continuation de Thomas d’Aquin, In octo libros Politicorum, lib. IV, lect. 4, éd. R. M. Spiazzi, Turin-Rome, 1966, n° 583, p. 204.
185 E. Kantorowicz, Les deux corps du roi… cit., p. 128-143 et passim.
186 J.-P. Boyer, Conclusions… cit.
187 Marino da Caramanico, In Constitutiones Regni Siciliae, Prooemium... cit.
188 Commentarii... cit.
Auteur
Université di Aix-Marseille, jean-paul.boyer@univ-amu.fr
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