Chapitre 9. L’infamie entre pratique discrétionnaire et texte normatif
p. 271-294
Texte intégral
1Les censeurs et les généraux n’étaient pas les seuls à actualiser l’infamie latente. À côté de la participation aux affaires publiques, le champ judiciaire est le plus à même de voir fonctionner l’infamie. Les procès étaient le lieu où se cristallisait la valeur individuelle, où les hommes perdus de réputation voyaient leurs prétentions rejetées et les boni faire étalage de leur supériorité morale. Les tribunaux étaient donc un lieu privilégié pour l’actualisation de l’infamie, mais aussi pour la mise en place de réglementations visant à éviter les abus et à offrir une certaine visibilité à des citoyens de plus en plus éparpillés à travers les rives de la Méditerranée.
9.1. Existimatio et procès
2À Rome peut-être plus qu’ailleurs, le procès était une opposition entre deux paroles. Un épisode rapporté par Valère Maxime fournit un exemple paroxystique de cette particularité romaine : M. Aemilius Scaurus coupa court à une accusation en ne rappelant que son rang dans la cité (il était alors Prince du Sénat) face à un adversaire né à Sucro1. Avant même de s’intéresser aux propos tenus, les Romains s’inquiétaient de la valeur du locuteur, en s’informant de sa condition juridique et sociale, et, surtout, de ce qu’ils appelaient la uita acta2. Tout cela créait la confiance en la parole donnée, la fides, au cœur de la vie sociale romaine3. Comme cette situation d’énonciation ne reposait pas seulement sur des données exogènes et objectives, mais aussi sur la connaissance et l’interprétation de la vie passée de l’énonciateur (l’existimatio), elle était soumise à discussion dans le déroulement des procès.
3Un fragment de Callistrate, juriste du IIIe siècle, présentait l’existimatio comme un « statut de dignité intacte » (dignitatis inlaesae status)4. L. Pommeray en proposa une définition plus large et plus convaincante : « la valeur morale que l’opinion publique attribue à tel ou tel » qui fonde donc l’auctoritas5. Pour cette raison il était nécessaire de ne pas écorner sa réputation6. Lorsque Cicéron affirme qu’elle était une garantie efficace contre les accusations et que le juge devait apprécier les paroles selon la valeur des personnes, il ne s’agissait pas d’une idée nouvelle7. Que l’existimatio eût de longue date une influence sur les propos tenus au tribunal et fût un enjeu majeur des débats, nous en avons plusieurs exemples : le patronat judiciaire qui permettait au client de bénéficier de la situation d’autorité de son patron ; le caractère inégalitaire du droit romain au point que le puissant était dissuadé d’accuser un faible8 ; le recours aux témoins de moralité dont les déclarations supplantaient les preuves9 et l’utilisation du témoignage10.
4Si chaque orateur faisait l’éloge de son client pour attirer la bienveillance des juges et du public11, il le faisait aussi pour désamorcer les attaques12. Tous les traités de rhétorique recommandaient de discréditer l’adversaire13. Cette partie de la plaidoirie, la probabilité14, occupait une place centrale et reposait en grande partie sur l’existimatio15. Trop d’attention à cet élément du discours pouvait cependant être contre-productif et révéler le vide du dossier16. Les attaques touchaient aussi les témoins à charge dont il fallait amoindrir l’honorabilité pour rendre leurs paroles suspectes17. Cette manœuvre était d’autant plus efficace que les juges appréciaient les témoignages d’après la qualité du témoin18. Les traités de rhétorique présentent unanimement les attaques visant à discréditer l’adversaire et les témoins à charge comme des méthodes ordinaires, nécessaires et efficaces de la pratique judiciaire19, et la violence de l’In Vatinium est connue.
9.2. L’actualisation arbitraire de l’infamie par les magistrats lors de la reddition de la justice
5D’après un fragment de Caton le Censeur20, lorsque deux parties réclamaient le même objet, il fallait évaluer l’honorabilité (siue boni siue mali essent) et, si jamais l’un paraissait meilleur que l’autre, il l’emportait. Le mauvais citoyen voyait donc son infamie actualisée dans le cadre d’un litige. Or, aux dires de Caton, dans la première moitié du IIe siècle, cette pratique était déjà considérée comme un héritage des maiores, elle appartenait au mos21. Encore au IIe siècle apr. J.-C., le jeune Aulu-Gelle refusa de juger une affaire, se sentant trop jeune pour prendre une décision arbitraire de moribus22. L’existimatio jouait également un rôle dans la fixation de la peine. Il fallait punir plus sévèrement l’accusé ayant mauvaise réputation pour mettre fin à ses débordements, à l’instar des récidivistes. Callistrate affirmait que cette pratique était là encore le fait des maiores, signe qu’elle remontait au moins à la fin de la République23 :
Callistrate (libro 6 de cognitionibus) D. 48.19.28.16 = §47 Lenel : Maiores nostri in omni supplicio seuerius seruos quam liberos, famosos quam integrae famae homines punierunt.
Nos ancêtres punissaient d’un châtiment plus sévère les esclaves que les hommes libres, les hommes malfamés que ceux de bonne réputation.
6Dans la procédure formulaire, la fixation de la peine ne revenait pas au juge, mais au préteur qui délivrait la formula. C’était lui qui appréciait le délit et donc la valeur de l’accusé et de l’accusateur qui lui permettaient de déterminer le châtiment adéquat24. En outre, le préteur accordait ou non l’action, si bien qu’il pouvait la refuser de manière arbitraire. Il agissait ainsi en particulier pour protéger les aristocrates d’accusations qui menaçaient leur dignitas et qui émanaient de personnages insignifiants25. Cette sorte de solidarité de classe et de souci de la dignité de l’aristocratie n’expliquait pas tous les refus du préteur. Les magistrats s’opposaient parfois aux revendications de citoyens jugés particulièrement indignes. Valère Maxime offre trois exemples de refus arbitraire d’une bonorum possessio. En 91, le préteur urbain Q. Pompeius refusa à Q. Fabius Maximus l’héritage de son père, Q. Fabius Maximus Allobrogicus, à cause de ses débauches26. En 77 av. J.-C., le consul Mam. Aemilius Lepidus Livianus abrogea la décision du préteur urbain Cn. Aufidius Orestes qui permettait à Genucius, un prêtre de Cybèle eunuque, d’entrer en possession d’un héritage, de crainte qu’il ne souillât le tribunal de sa présence27. En 73, le préteur urbain Q. Metellus Creticus refusa la bonorum possessio à Vecilius, un proxénète, considérant qu’il ne fallait pas « rendre justice comme s’il était un citoyen intègre à celui-ci qui s’était dérobé à tout genre de vie honnête »28. Dans les trois cas, la restriction de la capacité judiciaire découlait de l’actualisation arbitraire de l’infamie par un magistrat.
7De manière plus générale, en cas de doute, la valeur morale de chaque partie aidait les juges à prendre une décision29. Les juristes classiques se faisaient encore l’écho de ce principe fondamental de la vie judiciaire romaine :
Paul, Sent. 5, 15, 1 = Coll. 9, 3, 1 : Suspectos testes et eos uel maxime, quos accusator de domo eduxit uel uitae humilitas infamauerit, interrogari non placuit : in testibus enim et uitae qualitas spectari debet et dignitas.
Les témoins suspects et surtout ceux soit que l’accusateur amène de chez lui soit que l’humilité de leur vie rend infâme ne doivent pas être interrogés : en effet chez les témoins la qualité de la vie doit être considérée ainsi que leur dignité.
Callistrate (libro 4 de cognitionibus) D. 22.5.3 pr. = §28 Lenel : Testium fides diligenter examinanda est. Ideoque in persona eorum exploranda erunt in primis condicio cuiusque, utrum quis decurio an plebeius sit: et an honestae et inculpatae uitae an uero notatus quis et reprehensibilis.
La bonne foi des témoins doit être examinée scrupuleusement. De la sorte, en premier, leur personne et leur condition seront observées : est-il décurion ou plébéien ? Mène-t-il une vie honnête et irréprochable ou est-il noté ou répréhensible.
8Paul allait jusqu’à refuser aux infamati la possibilité de témoigner, sanctionnant leur mauvaise réputation. Bien que ces témoignages soient tardifs, nul doute que la pratique eut déjà cours sous la République comme le suggèrent les recommandations contenues dans les traités de rhétorique. Il en allait vraisemblablement de même pour les conseils d’Ulpien au proconsul d’emprisonner ou non préventivement l’accusé selon sa dignité30. Le préteur agissait sans doute de la même manière sous la République pour fixer les garanties. Les juristes classiques indiquent enfin que la dignité des parties intervenait conjointement avec la nature de la cause pour déterminer l’urgence de l’affaire. Lorsque l’une des parties souffrait d’une mauvaise réputation, il était préférable de s’occuper au plus vite de la question31. La division de la communauté en humiliores et honestiores, aux IIe et IIIe siècles, constitua l’aboutissement du traitement différencié des citoyens selon leur dignité. Or cette distinction, qui avait déjà cours dans les faits, ne fut pas fondée juridiquement par une loi ou un édit, mais confirmée par des rescrits et les textes des juristes32.
9Il y avait bien un horizon d’infamie qui était actualisé au cas par cas par le magistrat ou le juge, après évaluation de l’honorabilité du citoyen. Les cas rapportés par Valère Maxime suggèrent que, comme pour le regimen morum, l’actualisation était caractérisée par l’arbitraire, quoique découlant de représentations largement partagées. L’exemple de Q. Fabius Maximus est particulièrement éclairant puisque les jeunes débauchés ne figuraient dans aucun catalogue d’infâme, mais étaient bien souvent dans le viseur des censeurs. La rebuffade était une humiliation publique et pouvait même apparaître comme un spectacle du déshonneur parce que le magistrat, qui siégeait sur le Forum, ne manquait probablement pas d’expliquer les raisons de son refus. À l’instar de celles des censeurs et des généraux, ces pratiques étaient encadrées par le mos, mais il est possible que s’y ajoutaient des textes juridiques plus contraignants.
9.3. L’intestabilitas dans les XII Tables
10Les XII Tables contiennent le plus ancien interdit d’ordre judiciaire contre celui qui refusait de donner son témoignage alors qu’il avait servi comme témoin ou libripens :
XII Tabulae, 8, 11 Crawford = 8, 22 Bruns / Riccobono / Girard – Senn (RS, 2, no 40, p. 581 ; ap. Gell. 15, 13, 11) : qui se sierit testarier libripensue fuerit, ni testimonium fariatur, inprobus intestabilisque esto
Qui sera offert comme témoin ou aura été chargé de tenir la balance, s’il refuse de donner son témoignage, qu’il soit considéré comme de mauvaise foi et incapable de témoigner à l’avenir.
trad. R. Marache modifiée
11L’étymologie ne laisse guère de doute sur la signification de l’intestabilitas : l’incapacité à être témoin. Cependant sa portée, notamment en matière testamentaire, est sujette à débats :
Gaius (libro 22 ad edictum provinciale) D. 28.1.26 = §340 Lenel : Cum lege quis intestabilis iubetur esse, eo pertinet, ne eius testimonium recipiatur et eo amplius, ut quidam putant, neue ipsi dicatur testimonium.
Lorsque quelqu’un est fait intestabilis par une loi, il s’ensuit qu’on ne reçoit plus son témoignage et en outre, comme certains le pensent, qu’il ne peut plus recourir à un témoignage.
Ulpien (libro 1 ad Sabinum) D. 28.1.18.1 = §2424 Lenel : Si quis ob carmen famosum damnetur, senatus consulto expressum est, ut intestabilis sit : ergo nec testamentum facere poterit nec ad testamentum adhiberi.
Si quelqu’un est condamné pour chanson diffamatoire, il est dit expressément par le sénatus-consulte qu’il sera intestabilis : par conséquent il ne pourra plus faire de testament ni être employé pour un testament.
12T. Mommsen suivait à la lettre Ulpien et admettait que, dès l’origine, l’intestabilis perdait la capacité de témoigner et de tester tandis qu’A. Manigk restait plus prudent, refusant l’information d’Ulpien pour la période plus ancienne33. En revanche, comme A. Manigk déduit de deux fragments de Venuleius Saturninus et d’Ulpien que le condamné de repetundis était intestabilis, il considère que, d’une manière générale, l’incapacité s’étendait aussi aux tribunaux et non aux seuls actes solennels34. Cette hypothèse tout à fait vraisemblable est confirmée par la première partie du fragment de Gaius. La seconde partie révèle que l’intestabilis n’était pas encore privé du droit de recourir à des témoins au IIe siècle apr. J.-C., mais que certains juristes commençaient à le penser. Ainsi, l’intestabilis ne fut vraisemblablement privé du droit de tester, puisque pour faire un testament il fallait recourir à des témoins, qu’entre Gaius et Ulpien et non dès l’époque des XII Tables.
13L’intestabilité désignait à l’origine la seule incapacité à être témoin, sanction cohérente avec le délit puni par les XII Tables35. Elle frappait celui qui avait trahi la confiance placée en lui : son auctoritas était anéantie, sa parole, considérée comme celle d’un homme sans fides, ne valait rien et ne pouvait plus être utile dans la reddition de la justice. M. Ducos voyait dans ce qu’elle appelait « l’improbum facere » une infamie normative comparable aux peines prévues dans la législation pénale de la fin de la République. Pourtant, la peine véritable était le fait de devenir intestabilis, rappelant le principe du talion propre aux lois des XII Tables36. La déclaration d’improbus paraît plutôt proche de la nota censoria, c’est-à-dire d’une stigmatisation officielle à une époque où le regimen morum censorial n’existait pas encore. Les XII Tables prévoyaient deux sanctions : l’intestabilitas qui éloignait le personnage des tribunaux comme témoin et la déclaration d’improbitas, blâme public visant à alerter37. L’improbus était infâme dans le sens où il avait été si bien humilié que ses prétentions futures risquaient fortement d’être rejetées du fait de sa valeur morale. Avec la mise en place du regimen morum, les censeurs durent s’intéresser de près aux improbi. Ainsi, l’intestabilité était bien une forme d’infamie et non une forme atténuée de la privation du droit de cité38.
14Nous sommes ici en présence de la « préhistoire de l’infamie normative », les XII Tables contenant des incapacités infamantes encadrées par la loi, mais de manière imprécise et encore proche des procédures publiques d’actualisation. Il n’y avait pas de catalogue de personnages privés de la capacité de témoigner, mais simplement une mesure de rétorsion contre celui qui, dans le seul domaine du témoignage, n’avait pas respecté ses engagements. Malheureusement, rien ne permet de déterminer si cette mesure était encore en vigueur à la fin de la République. Toujours est-il qu’un précédent existait pour inscrire dans la loi des conséquences infamantes et que l’infamie normative ne fut pas inventée à la fin de la République.
9.4. Les actiones ignominiosae (aussi appelées famosae)
15Les actiones ignominiosae ou famosae étaient, comme leur nom l’indique, des actions pénales infamantes relevant du droit privé. L’examen des particularités procédurales et des conséquences infamantes qui les caractérisent témoigne non seulement de la coexistence de l’infamie normative et de l’infamie arbitraire, mais également du processus de juridicisation.
9.4.1. Les délits donnant lieu à une actio ignominiosa
16Alors que le titre de l’Édit De his qui infamia notantur ne fait qu’énumérer quelques actions ayant pour conséquence un amoindrissement de la capacité de postuler pour autrui39, Gaius consacre un paragraphe à la question des actiones ignominiosae à la fin de ses Institutes :
Gai., Inst. 4, 182 : Quibusdam iudiciis damnati ignominiosi fiunt, uelut furti, ui bonorum raptorum, iniuriarum, item pro socio, fiduciae, tutelae, mandati, depositi. Sed furti aut ui <bonorum> raptorum aut iniuriarum non solum damnati notantur ignominia, sed etiam pacti, ut in edicto praetoris scriptum est ; et recte. Plurimum enim interest, utrum ex delicto aliquis an ex contractu debitor sit. Nec tamen ulla parte edicti id ipsum nominatim exprimitur, ut aliquis ignominiosus sit, sed qui prohibetur et pro alio postulare <et co>gn<i>torem dare procuratoremue habere, item <pro>curatorio aut cogni<to>rio nomine iudicio interuenire, ignominiosus esse <dicitur>.
Certaines instances donnent lieu à des condamnations infamantes : vol, biens enlevés de force, injures ; de même actions de société, de fiducie, de tutelle, de mandat, de dépôt. Dans les trois premiers cas, non seulement la condamnation, mais aussi la transaction est infamante, comme le porte l’Édit du préteur, et ce à bon droit, car il importe grandement de savoir si l’on est débiteur en vertu d’un délit ou en vertu d’un contrat. Toutefois, l’Édit ne spécifie pas textuellement les cas d’infamie. Mais, celui auquel il est interdit de postuler pour un tiers, de donner un connaisseur ou un procureur, et d’intervenir à une instance à titre de procureur ou de connaisseur est réputé infâme.
trad. J. Reinach
17On observe quelques différences entre les deux listes. Alors que le texte de Gaius est plus fiable, puisqu’il traite spécifiquement des actiones ignominiosae et qu’il n’a pas été déformé par les compilateurs de Justinien, les commentateurs entreprirent néanmoins de le compléter à l’aide du Digeste parce que, quoique plus tardif, il donne un état plus exhaustif de la question40. Ils ajoutèrent ainsi l’action de dolo, qui figurait dans la liste du D. 3.2.1, à la liste des procédures infamantes41. Ensuite, deux fragments d’Ulpien indiquent que le stellionat et la violation de sépulture infligeaient l’infamie (infamiam irrogat)42. Si M. Kaser trouvait incertain l’ajout du coupable de stellionat, car deux fragments d’Ulpien se contredisent à propos de ce délit, la correction proposée par P. Krueger dans l’édition du Digeste qui supprimait l’embarrassante négation dans le premier passage résout la difficulté43. Enfin, on ajoute la violation de sépulture au catalogue44, de même que l’actio expilatae hereditatis, qui se rapprochait du furtum45. Toutefois, l’ajout de cette dernière n’eut vraisemblablement lieu qu’après l’époque de Gaius puisque l’hypothèse repose sur un rescrit impérial de 224 apr. J.-C.46. Naturellement, certaines variantes inhabituelles d’actiones ignominiosae étaient, elles aussi, ignominiosae47, à l’instar de la procédure sanctionnant le tuteur qui épousait sa pupille ou la mariait à son fils sans la recommandation expresse du père défunt48. En définitive, les actions infamantes regroupaient deux grandes catégories : l’atteinte directe à la personne ou aux biens (vol49, vol avec violence, détournement d’héritage, violation de sépulture et iniuria) et l’abus de confiance (société, fiducie, tutelle, mandat, dépôt, dol, stellionat).
9.4.2. Du censeur au préteur : l’évolution des actiones ignominiosae
18L’appellation d’actiones famosae n’était certainement pas classique50. L’adjectif utilisé à plusieurs reprises par Gaius était ignominiosus et non famosus, ce dernier apparaissant en revanche plus fréquemment dans le Digeste51. Par ignominiosus, le juriste renvoyait notamment au regimen morum censorial et à son effet principal, l’humiliation qui était la cause et la conséquence de l’action des censeurs52. Cet adjectif, comme turpis employé par Cicéron dans le Pro Cluentio, permet de saisir la nature de ces actions : une condamnation discréditait totalement le coupable au point de le rendre indigne d’occuper un rang élevé dans la hiérarchie civique et de le stigmatiser comme un individu sans fides, donc à écarter de la reddition de la justice53. Dans un premier temps, la condamnation n’entraînait pas automatiquement la dégradation, ni l’exclusion de la vie judiciaire, ou du moins la restriction de la participation à celle-ci. Elle créait les conditions qui les justifiaient, mais celles-ci étaient réalisées par une autre instance, les détenteurs de la puissance censoriale ou le préteur. Cette situation témoigne d’un premier moment de l’histoire de ces procédures judiciaires, lorsqu’elles n’étaient pas encore clairement définies ni conceptualisées, mais qu’elles étaient perçues comme ayant un lien avec le regimen morum censorial et avec l’administration de la justice par l’humiliation qu’elles provoquaient.
19Plus tard, les condamnés dans ces actions furent inscrits dans l’Édit du préteur parmi les personnages dont le droit de postuler était limité54. Un passage de Cicéron suggère que l’infamie normative ne s’arrêta pas là :
Cic., Cluent. 119-120 : Quod si illud iudicium putaretur, ut ceteri turpi iudicio damnati in perpetuum omni honore ac dignitate priuantur, sic hominibus ignominia notatis neque ad honorem aditus neque in curiam reditus esset. Nunc si quem Cn. Lentuli aut L. Gelli libertus furti condemnarit, is omnibus ornamentis amissis numquam ullam honestatis suae partem recuperabit
Si on avait vu là un jugement, pareils à ceux qui frappés par une condamnation infamante sont à jamais privés de tout honneur et de toute charge, les hommes atteints d’ignominie n’auraient eu ni accès aux honneurs ni retour dans la curie. Mais en réalité, qu’un affranchi de Cn. Lentulus et de L. Gellius ait condamné quelqu’un pour vol, ce dernier perdra tous ses titres et jamais ne recouvrera la moindre part de son honorabilité.
trad. P. Boyancé
20Une condamnation pour vol, en 66, provoquait, à lire Cicéron, la perte des ornamenta et de l’honestas. Si le second terme ne renvoie qu’à l’honorabilité avec une forte dimension morale55, la perte des ornamenta signifiait la perte du rang. Dans le Pro Cluentio, Cicéron s’efforçait d’amoindrir la portée de la nota censoria qui, au contraire du verdict rendu par les tribunaux, n’était que l’opinion arbitrairement émise par deux magistrats. L’exemple du condamné pour furtum complétait la comparaison de la phrase précédente où Cicéron opposait note des censeurs et condamnation dans un turpe iudicium. Cette expression renvoie à un procès aux conséquences infamantes, c’est-à-dire une quaestio, mais aussi une actio ignominiosa si l’on en juge par l’exemple du furtum. L’exclusion des honneurs à la suite d’une condamnation dans un turpe iudicium était définitive, à la différence de la dégradation et de l’ignominia censoriales. Il faut conclure de ce passage qu’une condamnation pour furtum était non seulement profondément déshonorante, mais qu’elle provoquait une exclusion automatique du Sénat et l’interdiction de briguer les honneurs. D’après Cicéron, le furtum n’était qu’un exemple et il en allait de même avec d’autres délits que nous devons sans doute identifier avec ceux qui donnaient lieu à ce qu’on appelait une actio ignominiosa56.
21Le préteur était incapable d’ordonner de telles conséquences. Les dispositions de son Édit se limitaient à encadrer la procédure judiciaire, elles n’intervenaient ni dans l’établissement de la hiérarchie civique ni dans le choix des peines. L’attachement de conséquences infamantes à la condamnation pour furtum et pour d’autres délits fut donc le fait de lois spécifiques comparables aux lois pénales étudiées dans les chapitres suivants. Elles se situaient même dans leur prolongement puisqu’elles visaient tout autant à discipliner les conduites aristocratiques, écartant des honneurs ceux qui ruinaient leur fides, qu’à réaffirmer les normes et valeurs traditionnelles. On comprend dès lors la présence des actiones ignominiosae dans le catalogue de la Table d’Héraclée qui reprenait des dispositions éparpillées dans la législation57.
22Si cet extrait du Pro Cluentio donne un terminus ante quem pour l’exclusion des honneurs à la suite d’une condamnation dans une actio ignominiosa, aucune source ne permet de fixer un terminus post quem. Il est cependant probable qu’au vu de l’adjectif ignominiosus, il ait fallu attendre que la censure dysfonctionne pour que fussent prises des mesures législatives. C’est donc probablement au début du Ier siècle av. J.-C. que de telles dispositions furent introduites. La discorde avait fait irruption dans la cité, affaiblissant les pratiques arbitraires des magistrats, et la censure était de moins en moins revêtue alors même que le nombre de citoyens explosait avec l’octroi de la ciuitas aux Italiens.
23L’épisode des stratagèmes déployés par quelques jeunes chevaliers pour devenir gladiateurs confirme qu’à l’époque de Tibère, la condamnation dans une actio ignominiosa provoquait l’exclusion des ordres supérieurs. C’est cette catégorie d’actions qu’il faut reconnaître dans le famosum iudicium par lequel les jeunes gens perdaient leur statut équestre afin de se produire dans l’arène58. D’autres incapacités étaient peut-être prescrites ou décidées ponctuellement à l’encontre des condamnés dans tout ou partie des actiones ignominiosae59. La lex Iulia de iudiciis priuatis en était peut-être responsable. Elle put aussi généraliser les conséquences infamantes à toutes les actions qui entraînaient l’infamie prétorienne.
9.4.3. Les actiones ignominiosae dans le système judiciaire romain
24Gaius signalait qu’en matière d’atteinte à la personne ou aux biens, le fait de transiger était infamant, car cela valait aveu60. En revanche, l’infamie, à comprendre ici comme la seule restriction de la capacité de représenter ou d’être représenté en justice, ne découlait que d’une condamnation en son nom propre et ne touchait pas les héritiers si le testateur était le coupable61. Enfin, on ne pouvait pas y échapper en cas de condamnation62.
25Les actiones ignominiosae étaient très réglementées. Un individu ne pouvait pas les demander contre son parent, son patron63, ou son époux64. Ulpien énonçait un principe selon lequel une action infamante ne pouvait être engagée pour un délit trop vague, dérisoire ou si le plaignant était d’un statut bien inférieur à l’accusé, car l’existimatio de ce dernier était en jeu65. Non seulement les aristocrates avaient plus à perdre que le reste de la population, mais ils y étaient davantage exposés parce que leur fides était engagée dans de très nombreuses affaires66. On comprend pourquoi la transigeance ne rendait infâme que dans les procédures pour vol, délit plus propre aux classes populaires67 ; pourquoi l’infamie ne découlait que d’une condamnation en nom propre, puisque les aristocrates recouraient fréquemment aux agents ; et pourquoi des individus de vile condition ne pouvaient accuser des personnages de statut élevé. Il fallait prendre garde que ces actions courantes ne remissent trop fréquemment en cause les rapports sociaux essentiels, comme le patronat ou les liens de parenté, et la hiérarchie morale et civique. Pour rendre néanmoins justice, le préteur accordait parfois une action différente qui avait l’avantage de ne pas être infamante68. Cette prudence à propos du maniement des procédures infamantes remontait, d’après Ulpien, au moins à Antistius Labeo, juriste augustéen. Il est même possible que le préteur ait adopté auparavant une attitude comparable parce que, même si la condamnation n’entraînait pas d’incapacités, elle humiliait, déshonorait et attirait sans doute l’attention des censeurs69.
26De même que les causes portant sur un préjudice d’un montant supérieur à 10000 sesterces, les causes infamantes ne pouvaient être jugées dans les municipes et devaient être renvoyées à Rome. Cette disposition ancienne figurait déjà dans le fragmentum Atestinum qui contient les vestiges d’une loi du Ier siècle av. J.-C.70 et se maintint sous l’Empire71. Une telle disposition révélait une double précaution. D’une part, l’importance des causes infamantes qui mettaient en jeu l’intégrité du statut civique justifiait qu’elles dussent être appréciées par le préteur, plus compétent que les magistrats municipaux. D’autre part, les plaider à Rome leur assurait une publicité plus large et favorisait l’enregistrement du verdict en cas de condamnation, afin que l’infamie du coupable ne fût pas oubliée, surtout s’il s’installait ensuite dans une autre province. Dans la même perspective, les affaires impliquant des infâmes étaient également instruites par des personnages plus élevés dans la hiérarchie institutionnelle, sans doute pour éviter qu’il ne parvînt à tromper des juges moins expérimentés72. Une actio ignominiosa ne pouvait pas non plus être renvoyée devant un arbitre73. Enfin, les causes infamantes étaient prioritaires afin de juger les autres à l’aune du verdict de la première, une condamnation atteignant l’existimatio du coupable et le mettant dans une situation plus difficile pour les procès suivants74.
9.5. L’infamie au secours de la cité
27Quelques textes épigraphiques attestent que certaines lois imposaient des dégradations statutaires, l’exclusion du Sénat et l’inéligibilité, pour certains actes commis.
9.5.1. Les serments obligatoires
9.5.1.1. L’extension des serments in legem aux sénateurs
28À leur entrée en charge, les magistrats devaient jurer d’observer les lois. En cas de refus, ils n’étaient pas autorisés à exercer leur magistrature75. À partir de la toute fin du IIIe siècle au plus tard, un serment était demandé aux candidats victorieux à une charge publique pour qu’ils pussent la revêtir76. Si nous ne savons pas précisément quand les serments in leges furent étendus aux sénateurs77, l’attestation de cette extension figure en revanche à trois reprises pour des serments particuliers, exigés in legem, dans des lois de la fin du IIe et du Ier siècles av. J.-C.78. Appien nous rapporte l’existence d’une telle disposition dans les lois agraires de Saturninus79 et de César80, qui figure aussi dans la loi latine de Bantia. D’autres textes épigraphiques ont préservé la sanctio contenant l’obligation faite aux magistrats de prêter serment et les conséquences en cas de refus : la loi agraire de la tabula Bembina, le fragment de Tarente et la lex de prouinciis praetoriis81.
29Le délai de cinq jours établi par trois de ces lois invite à penser que le législateur s’inspirait du serment imposé aux magistrats rapporté par Tite-Live82, ce qui confirmerait son antériorité. La loi de César fut votée durant son consulat, en 59, soit bien après la loi agraire de Saturninus qui fut sans doute proposée au début de 10083 et suivie de très près par la loi sur les provinces prétoriennes84. Habituellement, on date également de la fin du IIe siècle la loi latine de Bantia et celle dont le fragment de Tarente conserve quelques passages. Cette datation s’appuie justement sur le serment imposé aux sénateurs que l’on suppose être une innovation de Saturninus et Glaucia85. Ainsi, la loi latine de Bantia pourrait appartenir à la législation de Saturninus et Glaucia, voire être identifiée à la lex Appuleia de maiestate86 ou à la loi ayant instauré la quaestio de peculatu comme nous le proposons plus bas87. D’après son contenu, le fragment de Tarente serait un extrait d’une loi repetundarum, probablement la lex Seruilia Glauciae repetundarum88.
30Le législateur était libre d’ajouter une clause de serment et d’y contraindre qui bon lui semblait. Or deux des trois clauses étendant le serment aux sénateurs qui ont été conservées figurent dans des lois agraires (celle de Saturninus et celle de César), mesures parmi les plus contestées de la fin de la République. De manière plus générale, les lois imposant un serment aux magistrats et parfois aussi aux sénateurs furent en majorité dues à des populares. Ceux-ci s’appuyaient traditionnellement sur les comices dans leur lutte contre les optimates. Imposer un serment non seulement aux magistrats, mais aussi aux sénateurs apparaissait comme un moyen efficace d’entériner la loi et d’étouffer l’opposition sénatoriale89. On comprend alors pourquoi Saturninus et Glaucia, dans un contexte d’affrontement entre les populares et les optimates, y eurent fréquemment recours90. C’est dans cette perspective qu’A.W. Lintott proposa de faire de Ti. Gracchus le premier à avoir étendu le serment aux sénateurs afin de protéger sa loi agraire, hypothèse séduisante et cohérente avec le vote de destitution de M. Octavius91.
9.5.1.2. Les conséquences du refus de prêter serment
31Les sources ne laissent guère de doute sur les conséquences du refus du serment in legem. La comparaison des passages de la loi latine de Bantia et du fragment de Tarente permet d’en reconstituer le contenu92 :
Quei ex h(ace) l(ege) non iourauerit is magistratum inperiumue nei petito neiue gerito neiue habeto neiue in senatu [posthac sententi]am deicito neiue quis sinito neiue eum censor in senatum legito.
Quiconque n’aura pas juré d’après cette loi qu’il ne brigue ni n’exerce ni ne détienne une magistrature ou l’imperium, qu’il ne donne pas et qu’on ne le laisse pas donner son avis au Sénat, que le censeur ne le recrute pas au Sénat.
32Ces deux lois, par une formule identique, prescrivaient l’exclusion du Sénat et la privation du droit de briguer et d’exercer une magistrature de celui qui ne jurerait pas obéissance à la loi. Il en allait de même pour la loi agraire de la tabula Bembina. Enfin, le récit d’Appien sur la loi agraire de Saturninus mentionne des conséquences semblables93. L’amende de vingt talents précisée par l’historien grec pourrait être une confusion avec la peine prévue en cas de viol de la loi. La lex de prouinciis praetoriis prévoyait une amende d’un montant proche (200000 HS) pour chaque infraction commise contre la loi94. Cependant, cette peine pécuniaire frappait également le magistrat qui refusait de jurer, mais celui-ci, d’après le texte conservé, ne subissait en revanche ni exclusion du Sénat ni inéligibilité (les sénateurs n’étaient pas contraints de jurer). Il n’est donc pas exclu que la loi agraire de Saturninus, dont Appien et d’autres auteurs signalent les troubles qu’elle suscita, ait imposé une amende en plus de l’exclusion du Sénat95. En revanche le texte d’Appien sur la loi agraire de César pose problème. Selon lui, le consul de 59 aurait prévu la peine capitale (θάνατος) pour ceux qui refuseraient de prêter serment à sa loi, ce que ne démentent ni le texte de Plutarque ni celui de Dion Cassius96. J.-L. Ferrary, s’étonnant du silence des sources contemporaines, suppose une confusion d’Appien, due à l’exemple de Q. Metellus Numidicus et à une lecture trop rapide d’une expression comme deminutio capitis, qui pourrait en outre être victime d’une tradition hostile au futur dictateur. Il en conclut que la loi de César ne prévoyait que l’exclusion du Sénat97. Dans le même ordre d’idées, il ne nous paraît pas pertinent de parler d’atténuation à la fin de la République98 en s’appuyant sur la faible amende (5000 sesterces) prévue par la loi d’Urso en cas de refus de jurer99. Le législateur n’avait tout simplement pas voulu imposer des peines trop lourdes s’agissant seulement d’une colonie.
33Seuls le contexte et la personnalité de celui qui proposait la loi déterminaient l’extension du serment aux sénateurs et la nature des sanctions en cas de refus. Tout cela donne l’impression que l’exclusion des honneurs était une mesure d’intimidation plus que la conséquence d’une perte de la dignité provoquée par le refus de jurer100. En donnant des consignes aux censeurs et aux magistrats présidant les élections ou réunissant le Sénat, on ne se situait pas dans l’évaluation morale d’un personnage, mais bien dans le domaine des conditions objectives. Ces injonctions n’étaient acceptables qu’en vertu du principe selon lequel le peuple Romain était le seul à pouvoir décerner les honores. Pour cette raison, ce dernier pouvait difficilement permettre à quelqu’un qui ne reconnaissait pas certaines de ses lois, entendues comme l’expression de sa volonté, d’exercer une charge publique ni même de siéger au Sénat. Comme une attitude néfaste pour le bien commun attirait naturellement l’attention des censeurs, l’intimidation reposait uniquement sur la certitude de subir des conséquences infamantes si l’on se refusait à jurer. En liant les mains des censeurs, les populares purent retourner contre les optimates le regimen morum que ces derniers tentaient d’utiliser contre eux dans les luttes politiques de la fin du IIe siècle. La loi Cassia s’inscrit indéniablement dans la même perspective.
9.5.2. La loi Cassia de 104 et l’abrogation de l’imperium
34Tout ce que nous savons de la loi Cassia se réduit à deux passages d’Asconius :
Cic., Corn. frag. 1, 50 Crawford = 51 Puccioni (ap. Ascon., p. 78 C.) : alteram Cassiam, quae populi iudicia firmauit.
Une autre loi Cassia qui raffermit les iudicia populi.
Ascon., p. 78 C : Altera Cassia lex quae populi iudicia firmauit quae sit potest quaeri. Est autem haec : L. Cassius L.f. Longinus tribunus plebis C. Mario C. Flauio coss. plures leges ad minuendam nobilitatis potentiam tulit, in quibus hanc etiam ut quem populus damnasset cuiue imperium abrogasset in senatu ne esset. Tulerat autem eam maxime propter simultates cum Q. Seruilio qui ante biennium consul fuerat et cui populus, quia male aduersus Cimbros rem gesserat, imperium abrogauit.
On peut se demander quelle est l’autre loi Cassia qui raffermit les iudicia populi. Et c’est celle-ci : L. Cassius L. f. Longinus tribun de la plèbe sous le consulat de C. Marius et de C. Flavius porta plusieurs lois destinées à diminuer le pouvoir de la noblesse ; l’une d’elles interdisait que fît partie du sénat celui que le peuple aurait condamné, ou dont il aurait abrogé le commandement. Il l’avait proposée avant tout par hostilité contre Q. Servilius, consul deux ans auparavant, et dont le peuple avait abrogé le commandement à cause de sa mauvaise campagne contre les Cimbres.
trad. J.-L. Ferrary
35Ce plébiscite, passé en 104 par le tribun L. Cassius Longinus101, interdisait à celui qui avait été condamné ou dépossédé de son imperium par le peuple d’être sénateur102.
9.5.2.1. Le contexte et l’objectif de la loi Cassia
36Nous avons peu d’exemples du devenir de condamnés dans un iudicium populi avant la loi Cassia. Le cas le plus intéressant est celui de M. Livius Salinator, le censeur de 204. À la suite de sa campagne victorieuse en Illyrie, lors de son consulat en 219, Salinator fut condamné à une amende l’année suivante, pour son partage frauduleux du butin par 34 des 35 tribus103. Salinator quitta l’Vrbs et se retira dans sa uilla104. Malgré l’humiliation subie – Tite-Live emploie à deux reprises le terme ignominia –, aggravée par le fait qu’il s’agissait vraisemblablement de la première condamnation de ce type, rien n’indique qu’il fut exclu du Sénat105. Le récit de son retour à Rome réfute même une telle possibilité106. Les censeurs mirent à profit leur grande autorité pour faire cesser le comportement maussade de Salinator à un moment où Rome avait besoin de toutes les bonnes volontés. En outre, l’injonction qu’ils lui firent de s’acquitter de ses munera publica suggère que Salinator ne les accomplissait plus depuis 218 alors que c’était encore son devoir. Tout cela suggère finalement qu’après sa condamnation, Salinator fut maintenu dans le Sénat par M. Fabius Buteo, qui n’avait voulu exclure personne lors de sa lectio exceptionnelle en 216, puis par les censeurs de 214.
37De même, Scipion l’Asiatique, condamné pour avoir détourné une partie du butin pris à Antiochos III, ne fut pas exclu du Sénat107. Sa participation à une ambassade auprès de Prusias de Bithynie en 183 prouve que Scipion était toujours sénateur à cette date108. Enfin, en 136, M. Aemilius Porcina, après avoir été privé de son imperium ou l’avoir abdiqué, fut condamné à une amende devant le peuple109. Les censeurs de 131 ne paraissent cependant pas l’avoir exclu du Sénat. Porcina fut en effet convoqué par les censeurs de 125, parmi lesquels figurait son vieil adversaire et accusateur de 136, L. Cassius Longinus Ravilla110, mais il ne subit apparemment aucune dégradation111. Or, le motif de l’assignation n’était pas la condamnation de 136, mais le luxe de la maison de Porcina. Ainsi, ni les censeurs de 131 ni ceux de 125 ne semblent avoir menacé le rang sénatorial de Porcina. Avant la loi Cassia, une condamnation dans un iudicium populi, bien qu’elle fût humiliante, ne provoquait donc pas, du moins pas systématiquement, une dégradation censoriale.
38Quant à l’abrogation de l’imperium, l’exemple de Porcina, s’il avait bien été privé de son commandement par le peuple comme le signale Appien, va dans le même sens. En outre, on sait que la loi Cassia s’inspirait peut-être d’un projet de plébiscite avorté de C. Sempronius Gracchus112. Celui-ci, appelé à tort rogatio de abactis, entendait frapper d’inéligibilité quiconque aurait été démis d’une charge publique par le peuple113. Aux dires de Plutarque, la loi visait expressément M. Octavius qui avait été destitué de son tribunat à l’initiative de Ti. Gracchus114. Une tradition historiographique étoffe cette interprétation factionnelle en affirmant que Cornelia, la mère des Gracques, qui intercédait en faveur d’Octavius, aurait convaincu son fils de retirer son projet de loi115. Cette rogatio était une manière détournée de confirmer au peuple son droit de déposer un magistrat116. Le peuple aurait alors obtenu un moyen d’action contre l’« usage abusif du veto tribunitien empêchant de voter des réformes déplaisant au Sénat »117. Cette interprétation convaincante plaiderait de surcroît en faveur de l’authenticité de cet épisode118. En définitive, ce projet de loi laisse entendre que les censeurs demeuraient libres d’apprécier la dignité de celui qui avait été démis de ses fonctions et de modifier son rang dans la hiérarchie civique. C’est cette marge de manœuvre que la loi Cassia supprima en rendant automatique l’exclusion du Sénat en cas de condamnation dans un iudicium populi ou d’abrogation de l’imperium par le peuple. D’ailleurs le fait qu’Asconius affirme que la loi était principalement dirigée contre Caepio ne prouve-t-il pas que, sans une contrainte légale, les censeurs auraient tout à fait pu maintenir au Sénat le consul de 106 qui était pourtant particulièrement détesté depuis le désastre d’Orange ?
39Malgré le témoignage d’Asconius, suivi trop strictement par certains historiens119, il est probable que cette mesure relevait plutôt de la politique popularis de la fin du IIe siècle120. La loi Cassia s’inscrivait dans la lutte anti-oligarchique qui secouait Rome depuis la quaestio Mamilia de 108121. Néanmoins, contrairement à la législation de Saturninus et Glaucia qui fut peut-être en partie annulée122, la loi Cassia resta en vigueur, signe que si elle fut prise dans un contexte particulier, elle ne semblait pas déraisonnable.
40Naturellement, la loi Cassia visait plutôt les procès en amende. Les iudicia populi traitaient avant tout des affaires politiques, mais aussi des crimes de droit commun ayant échappé au législateur123. Les condamnés dans un iudicium populi avaient été jugés coupables de délits concernant l’ensemble de la communauté et on comprend dès lors que la loi Cassia prescrivît de les écarter des responsabilités politiques. Par précaution, la loi Cassia systématisait les dégradations que les censeurs décidaient éventuellement après examen. L’abrogation de l’imperium (et d’une magistrature124 ?) était de même nature125.
9.5.2.2. La sanction de la loi Cassia
41La sanction prévue par la loi Cassia est exposée brièvement par Asconius : in senatu ne esse. À partir de cette expression, J.-L. Ferrary avance l’idée que la loi Cassia ferait état d’un « durcissement de la législation à la fin du IIe siècle, quand à in senatum legi ne liceto se substitua in senatu ne esto, c’est-à-dire une expulsion immédiate du Sénat sans même attendre la prochaine lectio »126. Durant la première période, les censeurs conserveraient le monopole de la composition du Sénat et toute nomination ou exclusion devait passer par eux, comme le confirme la défense qui leur est faite par la loi repetundarum épigraphique de dégrader quelqu’un qui aurait reçu de l’argent d’après cette loi127. Il n’était ni du pouvoir des consuls ni de quelque autre magistrat de rayer un sénateur de l’album, à moins que le Sénat ne lui confiât expressément une censoria potestas dans ce but, à l’instar de ce qu’il se passa sous le Principat128. Toutefois, envisager une telle procédure pour chaque cas nous semble peu convaincant.
42Le scoliaste de Cicéron abrégeait une formule établissant une série d’interdictions comparable à celle que nous retrouvons dans la loi latine de Bantia ou dans le fragment de Tarente129. La loi prescrivait toujours aux censeurs de ne pas recruter le condamné au Sénat, mais elle précisait également qu’il ne pourrait plus donner son avis dans la curie. Or, exprimer sa sententia était au cœur de la fonction sénatoriale130. Cela revenait à l’exclure de facto du Sénat et à ne lui laisser provisoirement que le titre de sénateur. En outre, cette disposition était d’une application aisée et ne nécessitait pas l’octroi de pouvoirs spéciaux puisqu’il suffisait d’ordonner au magistrat qui convoquait le Sénat de ne pas interroger le sénateur en question. Le récit d’Appien sur l’expulsion de la curie de Q. Metellus Numidicus ne réfute pas cette hypothèse131. Il ne s’agissait pas de chasser un personnage qui n’appartenait déjà plus au Sénat – pour cela il fallait attendre la prochaine lectio –, mais plutôt de faire appliquer la perte du ius s. d. que le censorien influent et soutenu par ses puissants amis ne respectait pas.
43En 111, la privation du ius s. d. ne figurerait pas encore dans les lois et n’aurait été ajoutée qu’en 104 par la loi Cassia. La loi agraire se limitait peut-être à prévoir une exclusion future du Sénat en comptant sur le pudor qui aurait retenu le fautif de siéger jusqu’à la prochaine lectio. Par la suite, des scandales, comme celui de C. Cato, purent inciter le législateur à prescrire également l’interdiction de donner son avis, comblant une lacune exploitée par certains sénateurs132.
44Même si le texte de la loi exprimait parfois de manière incomplète la pensée du législateur, l’exclusion du Sénat serait traitée très légèrement dans la loi agraire de la tabula Bembina par rapport à l’interdiction d’exercer une charge publique pour laquelle sont employés pas moins de quatre verbes correspondant à diverses situations133. Un vide juridique qui aurait permis à quelqu’un voué à être privé de son rang sénatorial de continuer à siéger dans la curie et à y donner son avis paraît peu probable. Or, le texte de la loi agraire est à cet endroit fort mutilé. M. H. Crawford, dans l’édition des Roman Statutes, s’appuie sur les textes de la loi latine de Bantia et du fragment de Tarente pour restituer après l’interdiction de briguer et d’exercer une charge publique neiue q[uis censor eum postea ob eam rem in senatum minus legito. Comme le neiue était immédiatement suivi d’un q, il en a déduit qu’il ne pouvait s’agir de l’interdiction du ius s. d. dont les premiers mots sont in senatu dans les deux textes épigraphiques conservés, mais que nous avions la consigne donnée aux censeurs de ne pas recruter le personnage à la prochaine lectio, commençant par le pronom quis. Pourtant, la taille de la lacune entre les fragments B et A de la tabula Bembina offre la place nécessaire pour ajouter ensuite une formule interdisant de donner un avis au Sénat. Par prudence et parce que dans la loi latine de Bantia et dans le fragment de Tarente la défense de recruter au Sénat figurait en premier, M.H. Crawford préféra indiquer un simplevacat à la suite de sa solution. Néanmoins, rien n’interdit de penser qu’une inversion soit survenue dans les lois qui suivirent la loi agraire et donc de compléter la restitution en y incluant la perte du droit de donner son avis, éventuellement sous une forme plus brève, ou de proposer une autre restitution, plus condensée, comme neiue q[uis minus eum in senatum legito sententiamue ibei deicere sinito134. Cette seconde solution, cohérente avec une plus grande rigueur formelle du législateur quant aux questions de dignité, nous semble préférable.
45Enfin, depuis T. Mommsen, on pense que l’interdiction de siéger au Sénat était intimement et même systématiquement liée à l’interdiction de briguer et d’exercer une magistrature135. Les deux sont associées dans la loi latine de Bantia et le fragment de Tarente. C’est également sur cette hypothèse qu’il faut sans doute restituer le passage manquant de la loi agraire de la tabula Bembina. Il serait en effet étrange qu’un sénateur ne pût revêtir une magistrature et qu’un magistrat n’eût pas le droit d’être recruté au Sénat. Magistrature et siège au Sénat sont étroitement unis, la première donnant une légitimité au second et le Sénat étant le conseil des magistrats136. Cette légitimité se traduit parfois très concrètement par le ius sententiae dicendi déjà évoqué137. Nous n’avons aucune raison de supposer que le législateur ait jamais dissocié les deux interdits. Le texte lapidaire d’Asconius résumait donc probablement une série d’interdictions138 parmi lesquelles la défense faite aux censeurs de recruter au Sénat celui qui avait été condamné ou déchu de son imperium par le peuple, aux présidents du Sénat de l’y laisser exprimer sa sententia et aux présidents des comices électoraux de le laisser briguer une magistrature ou de l’investir.
***
46Si la coexistence entre infamie normative et infamie arbitraire est ancienne, à partir de la fin du IIe siècle les dispositions infamantes semblent se multiplier dans la législation romaine. De telles clauses ne visaient pas uniquement à pallier les dérèglements institutionnels que connaissait la République depuis 133. Les populares, conscients que la censure, généralement détenue par des optimates, pouvait être utilisée à des fins partisanes, répliquèrent en promulguant des lois qui leur permettaient d’écarter de la vie publique leurs rivaux et de tirer parti, eux aussi, du regimen morum. Ils jouèrent également un rôle central dans le développement de la législation pénale des IIe et Ier siècles et dans la juridicisation qui affecta l’infamie.
Notes de bas de page
1 Val. Max. 3, 7, 8.
2 Pernot 2000, p. 116.
3 Hellegouarc’h 1963, p. 297 et Pernot 2000, p. 118.
4 Callistrate D. 50.13.5.1.
5 Pommeray 1937, p. 75. Voir aussi Kaser 1956, p. 231 et Hellegouarc’h 1963, p. 362-363.
6 Hellegouarc’h 1963, p. 302-304.
7 Cic., de Orat. 2, 182. Contra Pommeray 1937, p. 87.
8 Sur ce point, voir Kelly 1966, p. 31-68 et la réaction positive à cet ouvrage de Villers 1969.
9 L’acquittement de Catilina des charges de repetundis grâce au soutien de consulaires illustre particulièrement bien l’importance de ces témoins de moralité (cf. notice no 120, voir en particulier Cic., Sull. 81).
10 Guérin 2015.
11 Cic., Inv. 2, 35.
12 Pommeray 1937, p. 88.
13 Ad Heren. 1, 8.
14 Ad Heren. 2, 3 et Cic., Inv. 2, 32-33.
15 Pommeray 1937, p. 77 et 79-83. Voir aussi Martin 1974, p. 111 et 229-230.
16 Quint., Inst. 7, 2, 34.
17 Ad Heren. 2, 9 ; Cic., Inv. 2, 46 et Quint., Inst. 5, 7, 26 conseillent cette stratégie.
18 À l’époque impériale, Aurelius Arcadius Charisius (D. 22.5.21.2) allait même jusqu’à recommander de ne prendre en compte les témoignages des gladiateurs que s’ils avaient été recueillis sous la torture. Sur la fides des témoins, voir Freyburger 1986, p. 218-222 et Guérin 2015.
19 Voir aussi Pommeray 1937, p. 92 et 97.
20 Caton l’Ancien, Pro L. Turio in Cn. Gellium, frg. 206 Malcovati = frg. 186 Cugusi (ap. Gell. 14, 2, 26).
21 Sur ce passage, voir Mantovani 2010a, p. 59-62, notamment n. 31.
22 Gell. 14, 2, 25.
23 Pommeray 1937, p. 106. En faisant référence aux ancêtres, Callistrate tentait peut-être de justifier le durcissement des peines qui caractérisait son époque ainsi que l’a montré Garnsey 1970, p. 103-152.
24 L’exemple de l’iniuria atrox est éclairant puisque la peine était alourdie soit à cause de la gravité des faits, soit à cause de la médiocrité du statut de l’accusé et de la dignité du demandeur. Cf. Garnsey 1970, p. 199-203.
25 Garnsey 1970, p. 187.
26 Val. Max. 3, 5, 2. Il est possible qu’il fût accusé d’être un prodigus, ce qui entraînait des incapacités : cf. Zanda 2011, p. 41 à partir de la table V, 7 des XII Tables. Cf. notice no 185.
27 Val. Max. 7, 7, 6. Cf. notice no 186.
28 Val. Max. 7, 7, 7 : aut huic tamquam integro ciui iura reddere, qui se ab omni honesto uitae genere abruperat. Cf. notice no 187.
29 Pommeray 1937, p. 94-95. Voici le récit de la fin de Mnester, pantomime, lors de la répression du complot de Messaline, Tac., Ann. 11, 36, 2, dont le sort importe peu en raison de son statut.
30 Ulpien D. 48.3.1.
31 Ulpien D. 43.30.3.4.
32 Sur ce point, voir Garnsey 1970, p. 278.
33 Mommsen 1907, 3, p. 114 contra A. Manigk, RE, 9/2, 1916, col. 1729-1730 s. v. Intestabilis.
34 Sur l’incapacité de témoigner prévue par la loi Julia de repetundis, voir Venuleius Saturninus D. 48.11.6.1 et Ulpien D. 28.1.20.5. Contra Mommsen 1907, 3, p. 341 n. 7 affirme que « l’intestabilité n’a rien de commun avec l’exclusion du témoignage dans une action publique », à tort puisque D. 28.1.25 ne prouve aucunement cela.
35 Cf. RS, 2, p. 691. Contra Ducos 1984, p. 386.
36 Mommsen 1907, 3, p. 342.
37 Cf. Ducos 1984, p. 387.
38 Contra Mommsen 1907, 3, p. 342.
39 Julien D. 3.2.1 cité au chap. 16.1.1.2.
40 Voir la synthèse de Kaser 1956, p. 252-253 suivie par Wolf 2010, p. 499-500.
41 Greenidge 1894, p. 130 ; Schulz 1951, p. 45 ; Kaser 1956, p. 252 n. 143 qui s’appuie en outre sur D. 3.2.4.5 et D. 4.3.11.1.
42 Ulpien D. 3.2.13.8 et 47.12.1.
43 Ulpien (libro 8 ad Sabinum) D. 47.20.2 = §2497 Lenel (corrigé par P. Krüger) : Stellionatus iudicium famosum quidem [non] est, sed coercitionem extraordinariam habet (« Le stellionat [n’]entraîne certes [pas] un procès infamant, mais donne lieu à une coercition extraordinaire »). En supprimant le non, ce passage ne s’oppose plus à Ulpien (libro 6 ad edictum) D. 3.2.13.8 = §288 Lenel : Crimen stellionatus infamiam irrogat damnato, quamuis publicum non est iudicium (« Le crime de stellionat inflige l’infamie au condamné bien qu’il ne s’agisse pas d’un iudicium publicum »). Cf. Greenidge 1894, p. 143 contra Kaser 1956, p. 269.
44 Greenidge 1894, p. 141 et 143 ; Kaser 1956, p. 249 en particulier n. 131.
45 Greenidge 1894, p. 142.
46 C. 2, 11, 12 (a. 224).
47 En ce sens Paul, Sent. 2, 31, 15 = Coll. 7, 5, 1 : Furti quocumque genere condemnatus famosus efficitur (« Le condamné pour tout genre de vol est fait famosus »).
48 Paul D. 23.2.66 pr.
49 Sur le caractère humiliant de la condamnation pour vol, voir déjà Cic., Cluent. 120 cité ci-dessous.
50 Schulz 1951, p. 45.
51 Voir la liste des occurrences dressée par Kaser 1956, p. 251-252 n. 139.
52 Cf. chap. 4.6.
53 En ce sens Wolf 2010, p. 500.
54 Sur la datation des titres sur la postulation et la représentation dans l’Édit du préteur, voir le chap. 16.
55 Jacotot 2013, p. 163-187.
56 En ce sens Willems 1885, 12, p. 216-217.
57 Tabula Heracleensis, l. 110-111 (RS, 1, no 24 p. 367), passage cité et discuté un peu plus bas.
58 Suet., Tib. 35, 3. Cf. Bur 2011.
59 Ulpien refusait ainsi d’écarter une femme d’un héritage sous prétexte qu’elle était famosa : Ulpien D. 38.17.2.4.
60 Gai., Inst. 4, 182 accepté à juste titre par Greenidge 1894, p. 130 et Kaser 1956, p. 252.
61 Ulpien D. 3.2.6.2 accepté à juste titre par Greenidge 1894, p. 131 et Kaser 1956, p. 252.
62 Macer D. 47.2.64 (63).
63 Ulpien et Paul D. 37.15.5.1 – 7.3.
64 Gaius D. 25.2.2.
65 Ulpien D. 47.10.7 pr. et D. 4.3.11.1.
66 Garnsey 1970, p. 184-186.
67 Rien dans les sources ne suggère que la pactio fut infamante pour les autres actions.
68 Cicéron, pour ne pas offenser les publicains, décida, lors de son gouvernement en Cilicie, d’accorder contre eux une action ne contenant pas le terme offensant de dolus. Cf. Savigny 1855, p. 472-473 n. b développé par Mantovani 1998.
69 En ce sens Greenidge 1894, p. 164.
70 RS, 1, no 16, p. 313-324, voir en particulier les lignes 1 à 9.
71 Isid., Orig. 15, 2, 10. Lenel 1901, p. 62-63 et 1889, 2, col. 425 n. 5 ; Kaser 1956, p. 248-249.
72 Paul D. 1.15.3.1.
73 Paul D. 4.8.32.6.
74 Ulpien D. 50.17.104.
75 Liv. 31, 50, 7 (a. 200). Voir Bleicken 1975, p. 226 et Tibiletti 1953, p. 57.
76 Voir Mommsen 1889-1896, 2, p. 256 et 291-293.
77 Cavaggioni 1998, p. 125.
78 Sur ces clauses des lois, voir Santalucia 2012.
79 App., BC 1, 131. Cf. LPPR, p. 331.
80 Plu., Cat. Mi. 32, 5 ; App., BC 2, 42 ; D.C. 38, 7, 2. Cf. LPPR, p. 387-388.
81 Lex agraria tabulae Bembinae, l. 40-41 (RS, 1, no 2, p. 118) ; lex latina tabulae Bantinae, l. 19-20 (RS, 1, no 7, p. 200) ; fragmentum Tarentinum, l. 20-21 (RS, 1, no 8, p. 212). Notons que la lex de prouinciis praetoris, copie de Delphes, bloc C, l. 19-21 (RS, 1, no 12, p. 251) ne prescrit le serment qu’aux magistrats et non aux sénateurs et qu’elle sanctionne le refus par une amende.
82 RS, 1, p. 23.
83 Ferrary 1977, p. 652.
84 Ferrary, Lepor no 320 et RS, 1, p. 235-237 qui reprennent l’argumentation de Ferrary 1977, p. 619 n. 3 et p. 645-654 pour placer la loi en février 100.
85 Voir les synthèses dans RS, 1, p. 195-197 et 210-211. Contra Tibiletti 1953, p. 58-65.
86 RS, 1, no 7, p. 195-199 ; Ferrary, Lepor no 47. Sur cette loi, voir chap. 12.1.
87 Cf. chap. 12.5.
88 RS, 1, no 8, p. 210-211.
89 Lintott 1968, p. 140.
90 Cavaggioni 1998, p. 125-126.
91 Lintott 1968, p. 139-140 développé par RS, 1, p. 169 qui suppose également que Ti. Gracchus demanda à la plèbe de prêter serment à sa loi agraire, selon une information d’Appien (App., BC 1, 34), pour justifier le serment imposé aux sénateurs dans cette même loi.
92 Lex latina tabulae Bantinae, l. 19-20 (RS, 1, no 7, p. 200) et fragmentum Tarentinum, l. 20-21 (RS, 1, no 8, p. 212).
93 App., BC 1, 131.
94 Lex de prouinciis praetoriis, copie de Delphes, bloc C, l. 19-21 (RS, 1, no 12, p. 251).
95 Dans ce sens Piganiol 1951, p. 61 et Hermon 1972, p. 75.
96 Plu., Cat. Mi. 32, 5 ; App., BC 2, 42 et D.C. 38, 7, 2.
97 Ferrary 2010, p. 326.
98 De Ruggiero – Passerini 1964, p. 279 s. v. Iusiurandum. Mommsen 1889- 1896, 2, p. 293 utilisait le témoignage de la loi d’Urso pour supposer que l’amende s’était substituée aux autres peines.
99 Lex coloniae Genetiuae Iuliae, chap. 81, l. 27-29 (RS, 1, no 25, p. 405).
100 Ainsi Kaser 1956, p. 257.
101 Niccolini 1934, p. 189-190 et MRR, 1, p. 559.
102 LPPR, p. 327 ; A. Berger, RE, 12/2, 1925, col. 2340, no 1 s. v. Lex Cassia.
103 Liv. 22, 55, 3 ; 27, 34, 3 ; 29, 37, 4 et 13 ; Perioch. 29, 18 ; Front., Strat. 4, 1, 45 ; D.C. 17, 71 ; Vir. Ill. 50, 1. Cf. notice no 51.
104 Liv. 27, 34, 4-5. Cette attitude rappelle celle de Scipion l’Africain qui partit pour Literne avant le verdict.
105 Liv. 27, 34, 4-5. Cf. Coudry 2009, p. 48-49.
106 Liv. 27, 34, 3-6.
107 Voir Etcheto 2012, p. 203-204. Cf. notice no 53.
108 MRR, 1, p. 380.
109 App., Syr. 358. Cf. notice no 13.
110 MRR, 1, p. 510 et Suolahti 1963, p. 410-413.
111 Vell. 2, 10, 1 et Val. Max. 8, 1, damn. 7.
112 Zumpt 1865-1869, 1/2, p. 70-71 ; Willems 1885, 12, p. 218-219.
113 Plu., CG 4, 1-3. Cf. Lange 1879, p. 655 et LPPR, p. 308. Nom réfuté par Ferrary 1979, p. 97 n. 35.
114 Niccolini 1934, p. 142-145 ; MRR, 1, p. 493. Le terme abrogatio apparaît dans Cic., Mil. 72 et Leg. 3, 24.
115 Plu., CG 4, 3 et D.S. 34-35, 25, 2.
116 Meier 1966, p. 133-134.
117 Ferrary 1979, p. 98.
118 Ibid.
119 Lengle 1931, p. 302 ; Gruen 1968, p. 161-162.
120 Ferrary 1979, p. 97 qui reprend l’analyse de Corradi 1927, p. 244-245. Asconius introduit la présentation de la loi Cassia par L. Cassius L. f. Longinus tribunus plebis C. Mario C. Flauio coss. plures leges ad minuendam nobilitatis potentiam tulit (« L. Cassius L. f. Longinus tribun de la plèbe sous le consulat de C. Marius et de C. Flavius porta plusieurs lois destinées à diminuer le pouvoir de la noblesse », trad. J.-L. Ferrary).
121 Ferrary 1979, p. 98 et 1983, p. 560 ; Venturini 1979, p. 16 et Marshall 1985, p. 270-271.
122 Cic., Leg. 2, 14. Pour une synthèse récente sur ce point voir Cavaggioni 1998, p. 169-171.
123 Kunkel 1962, p. 34-36 et Lovisi 1999, p. 285-307.
124 En ce sens, Ferrary 1979, p. 97-98 n. 36 se demande si Asconius ne résume pas une formule plus longue comme cui populus magistratum imperiumque abrogauerit.
125 Nous suivons Ferrary 1979, p. 97-98 n. 36 contra Meier 1966, p. 134 n. 431 qui affirmait que la loi ne concernait que les imperia prorogés.
126 Ferrary 2010, p. 325.
127 Lex repetundarum tabulae Bembinae, l. 28 (RS, 1, no 1, p. 68) citée plus bas dans le chap. 10.4.
128 Cf. chap. 6.2.1.
129 Ferrary 1979, p. 97-98 n. 36.
130 Bonnefond-Coudry 1989, p. 479-482.
131 App., BC 1, 138.
132 Cic., Verr. 2, 4, 22 et Brut. 128. Cf. notice no 136.
133 Lex agraria tabulae Bembinae, l. 41 (RS, 1, no 2, p. 118).
134 Lintott 1978, p. 131. Dans Lintott 1992, p. 188, A. W. Lintott propose une autre restitution, plus longue et plaçant en premier la privation du ius s. d. comme dans les lois épigraphiques suivantes : neiue q[uis minus eum in senatu sententiam deicere sinito, neiue censor minus eum in senatum legito…].
135 Mommsen 1889-1896, 2, p. 140-141, en particulier n. 2 accepté par LPPR, p. 327 et Ferrary 1979, p. 97-98 n. 36.
136 En ce sens également Ducos 1990, p. 20.
137 Sur cette question, voir le chap. 4.2.3.
138 Ferrary 1979, p. 97-98 n. 36.
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