Chapitre 3. La censure républicaine : l’examen censorial, un spectacle du déshonneur
p. 79-112
Texte intégral
1La question des modalités de convocation et d’inspection du citoyen puis de proclamation de l’infamie est fondamentale pour déterminer, d’une part, le public concerné et, d’autre part, les véritables objectifs de cette procédure censoriale. Or, depuis T. Mommsen, la théorie dominante considère que l’examen était le même pour tous les citoyens et qu’il consistait en un entretien individuel public avec les censeurs s’apparentant à une procédure judiciaire (Sittengerichte traduisant le latin iudicia de moribus)1. Un regimen morum complémentaire des tribunaux réprimerait les entorses aux mœurs tandis que ces derniers puniraient les infractions au droit. Cette opinion paraît d’autant plus contestable que la tâche qui incomberait alors aux censeurs serait colossale pour deux magistrats en charge dix-huit mois tous les cinq ans. En outre, la conception unitaire de T. Mommsen ne permet pas d’expliquer pourquoi les opérations censitaires se déroulaient dans deux lieux distincts, sur le Forum et sur le Champ de Mars. Tous les citoyens ne passaient pas devant les censeurs, car cela n’était matériellement pas possible. Ils faisaient leur professio auprès des appariteurs (scribes et iuratores), supervisés par les censeurs, et seuls passaient devant eux les chevaliers et ceux qui se voyaient attribuer un rang dans la hiérarchie civique pour la première fois comme les nouveaux citoyens, les fils émancipés ou les affranchis2. Aussi allons-nous explorer ici la piste des « status degradation ceremonies »3 en étudiant les procédures de regimen morum pour chaque groupe social (sénateurs, chevaliers et simples citoyens).
3.1. La recognitio equitum ou le modèle de la professio ?
2L’ordre équestre était constitué de l’ensemble des citoyens inscrits dans les dix-huit centuries équestres et possédant le cheval public4. La recognitio equitum faisait partie intégrante du census et était à ce titre réalisée par les censeurs5. La révision de la liste des chevaliers comportait « trois opérations distinctes : d’abord l’inspection des equites déjà inscrits, […] Puis, exactement comme pour le Sénat, l’exclusion d’un certain nombre […] Enfin, les censeurs devaient aussi combler les vides qui s’étaient produits »6. C’est naturellement les modalités de la deuxième opération qui retient notre attention.
3.1.1. Lieu et moment de la recognitio equitum
3On place habituellement la recognitio equitum après les opérations de recensement, comme si elle en était la dernière étape7. T. Mommsen justifiait cela par l’aspect militaire de l’examen des chevaliers qui la distinguait des autres opérations censitaires8. Sa théorie se fondait sur les récits par Tite-Live des censures de 204 et de 1699. Dans le premier, la recognitio est présentée après la clôture du lustre et après le recensement général. Le grand historien allemand interprétait cela comme un ordre chronologique, ce que soulignerait l’adverbe deinde10. Il est essentiel de signaler que la censure de 204 fut marquée par la querelle des censeurs et le premier recensement des douze colonies qui bouleversent la structure de la narration de Tite-Live11. Comment expliquer sinon que le recensement des colonies et, durant la querelle des censeurs, le dépôt des listes des aerarii soient exposés après la clôture du lustre ? Ainsi les deux adverbes deinde ne renvoient pas à un ordre chronologique, mais plutôt à une énumération d’événements marquants de la censure12.
4Le second texte utilisé par T. Mommsen décrit le census de 169 et plus particulièrement le conflit qui opposa les censeurs et les publicains13. Pour résumer, les censeurs interdirent à ceux qui avaient remporté les contrats au précédent cens de participer aux nouvelles adjudications. Cette mesure, jointe à la sévérité déployée dans la recognitio, irrita fortement les publicains qui trouvèrent dans la personne du tribun P. Rutilius un défenseur de leurs intérêts. À la suite d’une dispute, il intenta un procès aux deux censeurs qui suspendirent les opérations de recensement durant toute sa durée14. Acquittés, ils reprirent leur tâche et, durant la recognitio, privèrent P. Rutilius de son cheval public15. Une fois encore l’historien allemand déduisit de la structure du récit que la recognitio se déroulait après les opérations censitaires puisqu’elles sont relatées avant le passage relatif à la révision des centuries équestres16. Plusieurs éléments s’opposent à cette interprétation. Le premier passage qu’il considérait comme décrivant le recensement du peuple se rapporte en réalité à la modification de la formula census annoncée dans la contio suivant l’entrée en charge des censeurs17. Quant au second passage, il n’est nulle part précisé que la gestion du domaine public devait se situer entre le recensement et la recognitio comme le laisse entendre l’interprétation mommsénienne. Surtout, en admettant que les censeurs ne procédèrent à l’examen des chevaliers qu’une fois le reste des citoyens recensés, il faudrait conclure qu’au plus tard en décembre 169, date de l’exclusion de P. Rutilius des centuries équestres18, les censeurs avaient achevé la lectio senatus, le recensement de tous les citoyens Romains et les adjudications19. Comme ils étaient entrés en charge au printemps, peu avant le dilectus20, ils n’auraient mis que neuf mois à accomplir presque toutes les tâches, soit la moitié du temps imparti ! Et même moins puisque durant le procès ils suspendirent leurs actions21. Le délai peut même encore être réduit si on accepte l’information selon laquelle les publicains auraient été irrités aussi par la rigueur de la recognitio22. Le procès ayant commencé à la fin septembre 16923, la revue des chevaliers aurait commencé, si l’on suit la conception mommsénienne, au plus tard au début du mois ce qui signifierait que les censeurs auraient recensé le peuple romain en six mois ! Nous le voyons, l’interprétation de ce passage par T. Mommsen n’est pas tenable24.
5En définitive, rien ne permet de prouver que la recognitio se déroulait une fois le recensement de la population achevé. Au contraire, ces récits donnent plutôt l’impression d’un déroulement parallèle et non successif de plusieurs opérations. Après la lectio senatus, les censeurs semblent procéder en même temps au recensement des citoyens, aux adjudications et à la recognitio. C’est, à notre avis, la seule façon d’accepter la privation du cheval public de P. Rutilius en décembre 169. De la même manière, rien ne permet d’affirmer, comme le fait W. Kunkel, que la recognitio equitum, ainsi que la lectio senatus et les adjudications, se déroulaient avant le recensement25. À partir de là, nous pouvons nous interroger sur les liens entre la revue des chevaliers et le recensement des citoyens : étaient-ils totalement distincts ainsi qu’on l’affirme généralement ? Le récit livien de la censure de 204 prouve clairement que la recognitio equitum se déroulait d’après l’ordre des tribus26, comme le recensement des citoyens27. Nous pourrions ainsi envisager que les tribus étaient convoquées l’une après l’autre pour le recensement et qu’au sein de chacune d’elles les chevaliers comparaissaient devant les censeurs pour la recognitio equitum. L’ordre de convocation des citoyens se rapprocherait alors de celui du dilectus décrit par E. Gabba : par tribu, en allant du cens le plus élevé au moins élevé28. Une fois les chevaliers examinés par les censeurs, les autres citoyens faisaient leur professio devant leurs appariteurs29. Il s’agissait de démarrer les opérations non seulement avec des noms de bon augure30, mais aussi avec les personnages les plus dignes dont la tribu pouvait s’enorgueillir31. Puis, une fois que les chevaliers avaient été inspectés, commençait le recensement de leurs tribules au cours duquel les censeurs, désormais avertis du nombre de vacances, pouvaient attribuer le cheval public à ceux qu’ils jugeaient dignes, peut-être après les avoir convoqués pour les interroger plus avant32. En effet, la nécessité d’un équilibre entre les tribus, au moins rustiques, pouvait conduire à un partage équitable des equites equo publico entre elles.
6Contrairement au recensement des citoyens, la recognitio equitum se déroulait sur le Forum33. Cette particularité pourrait être un autre indice de son aspect liminaire. En effet, la présence sur le Forum des chevaliers d’une même tribu annonçait le début de son recensement. La proximité du temple des Dioscures, divinités protectrices de la cavalerie romaine depuis la bataille du lac Régille en 49634, jouait aussi un rôle. Dans les deux cas il pourrait s’agir de la présentation officielle à la communauté de son élite35. La préséance dans le census était une marque d’honneur conférée aux sénateurs puis aux chevaliers.
7Le déroulement de la recognitio equitum est sans conteste le mieux connu. Les sources fournissent de nombreuses preuves d’un interrogatoire par les censeurs de chaque chevalier, qu’il soit en puissance ou non36. Ce dialogue suivi du verdict de déclassement apparaît à quelques reprises. Claudius Nero et Livius Salinator, lors de leur querelle de 204, se firent chacun citer et accuser par l’autre avant de recevoir l’ordre de vendre le cheval public37. Les censeurs, à la vue de la mauvaise tenue de son cheval, interrogèrent un chevalier qui blâma l’esclave chargé de s’en occuper, Statius38. Enfin, l’épisode de Licinius Sacerdos montre le chevalier s’avancer devant les censeurs, puis être accusé par l’un d’eux, Scipion Émilien, d’avoir commis un parjure et être finalement autorisé à conserver son cheval en raison de l’absence de témoins et d’accusateur39. L’entretien entre les censeurs et le chevalier examiné est également suggéré par les récriminations des amis d’Antistius de Pyrgi à l’annonce du verdict et par celles du jeune homme dégradé par Scipion Émilien pour avoir servi un gâteau de la forme de Carthage40.
8D’après le récit livien de la querelle des censeurs de 204, chaque chevalier était convoqué devant les censeurs par le praeco qui lisait le nom sur la liste du cens précédent (citare écrit Tite-Live)41. Le chevalier était ensuite interrogé par les censeurs eux-mêmes. Le meilleur exemple est la description de la comparution triomphale de Pompée durant la recognitio equitum de 7042. Outre l’inspection physique du cavalier, probablement désarmé puisque la scène se déroulait au sein du pomerium43, et de son cheval afin de vérifier qu’ils fussent tous les deux toujours aptes au service44, les censeurs vérifiaient ensuite l’accomplissement du service militaire. L’examen censitaire proprement dit avait dû être réalisé en amont par les appariteurs pour que l’interrogatoire fût rapide45. Enfin, les censeurs avaient la liberté d’interroger le chevalier sur ses mœurs.
3.1.2. L’exemple de C. Licinius Sacerdos : naissance d’une confusion
9L’exemple de C. Licinius Sacerdos a servi de modèle pour la descrption moderne de la procédure du regimen morum46. Cicéron, sans doute la source des trois autres récits, décrit la comparution de ce chevalier romain devant Scipion Émilien et L. Mummius Achaicus, censeurs en 142 :
Cic., Cluent. 134 : qui cum esset censor et in equitum censu C. Licinius Sacerdos prodisset, clara uoce ut omnis contio audire posset dixit se scire illum uerbis conceptis peierasse ; si qui contra uellet dicere, usurum esse eum suo testimonio. Deinde cum nemo contra diceret, iussit equum traducere. Ita is cuius arbitrio et populus Romanus et exterae gentes contentae esse consuerunt ipse sua scientia ad ignominiam alterius contentus non fuit.
Au cours de sa censure [Scipion Émilien] passait en revue les chevaliers. C. Licinius Sacerdos s’étant avancé, il dit à voix assez haute pour que toute l’assemblée pût l’entendre qu’il savait que l’autre avait fait un faux serment dans les termes consacrés ; si quelqu’un voulait se porter comme accusateur, il pourrait recourir à son propre témoignage. Puis, comme personne ne le faisait, il l’invita à faire passer son cheval. Ainsi l’homme dont le peuple romain et les nations étrangères tenaient le jugement pour décisif, ne tint pas lui-même pour décisive sa propre conviction afin de frapper un autre d’ignominie.
trad. P. Boyancé
Val. Max. 4, 1, 10 : Neque alia eius in censura moderatio pro tribunali apparuit. Centurias recognoscens equitum, postquam C. Licinium Sacerdotem citatum processisse animaduertit, dixit se scire illum uerbis conceptis peierasse : proinde, si quis eum accusare uellet, usurum testimonio suo. Sed nullo ad id negotium accedente « transduc equum » inquit, « Sacerdos, ac lucrifac censoriam notam, ne ego in tua persona et accusatoris et testis et iudicis partes egisse uidear » .
Aucune différence dans l’esprit de mesure que [Scipion Émilien] a montré, au cours de sa censure encore, du haut de la tribune. Il faisait la revue des centuries de chevaliers et lorsqu’il vit C. Licinius Sacerdos s’avancer à l’appel de son nom, il dit qu’il savait que celui-ci avait commis un parjure dans un engagement solennel ; que dès lors quiconque voudrait l’accuser pourrait utiliser son témoignage. Mais comme personne ne s’avançait pour le faire : « Passe en gardant ton cheval, Sacerdos, dit-il, et évite le blâme des censeurs en profitant de ce que je ne veux pas qu’on m’ait vu jouer à ton égard à la fois le rôle d’accusateur, de témoin et de juge ».
trad. R. Combès
10Il est difficile de ne pas faire un lien entre l’exemple de Sacerdos et la description de la procédure de notation censoriale telle que la décrit T. Mommsen :
La procédure contradictoire suivie devant les censeurs a probablement été modelée sur la procédure de première instance de la justice populaire. Elle comprend : la citation de l’intéressé, l’accusation, formulée, au moins en général, non pas par le censeur, mais par un tiers, la défense, pour laquelle on se fait assister d’un conseil, et enfin le jugement, et on l’appelle positivement du nom de judicium de moribus47.
11Le préambule de Valère Maxime aurait pourtant dû détourner d’une telle généralisation puisqu’il y précise qu’il rapporte un exemple de la moderatio de Scipion48. En instaurant une sorte de procès attestant la faute de Sacerdos, Scipion, qui revendiquait une censure austère, pouvait chercher à contraindre son collègue, qu’il jugeait trop doux, et à signifier à la fois son impartialité et sa modération, accroissant ainsi la légitimité des autres dégradations prononcées. Enfin, l’accusation publique lui assurait d’humilier Sacerdos et de faire peser le soupçon sur lui si jamais la manœuvre échouait. Le choix d’instaurer une procédure quasi judiciaire avec dénonciation publique était vraisemblablement une stratégie de Scipion et apparaît de ce fait comme exceptionnel49. Les censeurs n’avaient sans doute recours à cette cognitio que lorsqu’il n’y avait pas eu de scandale au préalable et/ou qu’ils ressentaient le besoin de justifier leur décision en rendant publique la faute50. On oublie souvent que Cicéron ne rappelait l’épisode que pour déplorer le fait que son client, Cluentius, n’eût pas bénéficié de la même modération des censeurs51. De plus, au cours de la même recognitio equitum, Scipion Émilien priva également de son cheval l’anonyme Pâtissier sans que ce dernier ne soit informé du motif puisqu’il dut questionner le censeur, preuve que l’accusation publique n’était pas la règle52.
12La demande du chevalier Pâtissier à Scipion indique toutefois la possibilité d’une prise de parole lors de la comparution. Elle venait de la forme d’interrogatoire que revêtait l’inspection et d’une certaine liberté d’expression devant les magistrats, à condition de rester respectueux et d’obtenir leur accord pour s’exprimer. Il était assez inévitable qu’une cérémonie publique comme la censure débouchât sur des échanges entre les magistrats et le citoyen convoqué ou l’assistance53. Le chevalier pouvait demander des explications aux censeurs, voire contester leur décision et même prononcer un plaidoyer en sa faveur. Nous en avons vraisemblablement un exemple avec le discours de défense que le jeune C. Sempronius Gracchus aurait prononcé durant la recognitio equitum54. Le second exemple, mieux attesté, est offert par le récit livien de la censure de 214 au cours de laquelle M. Caecilius Metellus et ses complices, dont certains étaient comme lui chevaliers, furent convoqués par les censeurs qui leur intimèrent de se défendre55.
13Rien ne permet cependant de considérer la défense comme prévue par la coutume et entérinée par la pratique56. Le plaidoyer n’était qu’une possibilité parfois offerte au chevalier. En réclamant des éclaircissements ou en tentant de les nier, le chevalier agissait à ses risques et périls puisqu’il contribuait à étoffer le scandale s’il échouait à se disculper. Souvent, l’auctoritas des censeurs et le caractère public de la recognitio equitum suffisaient à l’en dissuader tandis que, lorsqu’on se savait coupable, le silence était préférable afin de minimiser le scandale57. Si la défense s’avérait parfois payante comme dans le cas de C. Sempronius Gracchus ou du témoin bâilleur qui jura qu’il était malade, elle pouvait tout autant être ignorée par les censeurs, à l’instar de M. Aemilius Lepidus devant les apostrophes des amis d’Antistius de Pyrgi.
14Poursuivant son analogie avec la procédure pénale, T. Mommsen suppose le recours à un avocat (« conseil ») pour se défendre devant les censeurs58. Il s’appuie d’abord sur un passage de Suétone tiré du récit de la censure de Claude qui aurait interdit l’aide d’un avocat (patronus) lors de l’examen59. Rien ne permet pourtant de déterminer que Claude rompit avec la pratique républicaine qui permettait à un citoyen d’être assisté par un avocat60. Au contraire, Claude, dont le goût pour le passé est bien connu, voulut sans doute plutôt revenir à la forme traditionnelle de l’examen et ressuscita pour cela la vieille magistrature républicaine dans toute sa splendeur61. La nouveauté se situerait alors par rapport aux examens en vigueur sous le Principat, peut-être de la part des bureaux spécialisés62. En réalité, ce passage nous apporte plutôt la preuve que, sous la République, le citoyen devait comparaître personnellement et sans l’assistance d’un patron63, sauf avis contraire des censeurs.
15T. Mommsen s’appuie ensuite sur la présence d’un aduocatus aux côtés d’un citoyen convoqué devant les censeurs bien que nous n’ayons aucune information sur l’occasion de cette convocation64. La précision apportée par Aulu-Gelle, in iure stans, renvoie à la iurisdictio des censeurs qui s’exerçait dans les litiges liés aux adjudications ou à la gestion de l’espace public65. Donc, si Aulu-Gelle utilisait la formule in iure dans son sens technique, l’entretien ne se situerait pas lors du regimen morum. Si malgré tout nous le supposons, comme l’épisode est manifestement d’époque républicaine, il serait surprenant qu’Aulu-Gelle, fin connaisseur de la langue latine, utilise aduocatus dans son sens impérial d’« avocat ». Aussi ne pouvons-nous conclure que les chevaliers faisaient appel à un avocat ou même un patronus lors de la recognitio equitum. Le sens de « témoin de moralité » s’accorderait bien mieux avec l’examen des censeurs au cours duquel des proches se porteraient garants de sa dignité66. Les amis d’Antistius de Pyrgi remplissaient peut-être ce rôle. Face à l’auctoritas des censeurs, il était sans doute préférable de leur opposer les déclarations de plusieurs personnages honorables plutôt que sa seule parole ou celle d’un avocat.
16Le débat contradictoire n’était pas une étape obligatoire, mais une possibilité parfois saisie par le chevalier, parfois offerte par les censeurs, probablement plus fréquente lorsque la procédure découlait d’une dénonciation. Ainsi l’entretien avec les censeurs s’apparentait à une « summarische Kognition » dont le déroulement dépendait de la situation67. Celui qui savait qu’il serait soutenu par le public assistant à la scène devait oser contester la décision, espérant que la pression populaire inciterait les magistrats à céder comme cela fut le cas pour C. Sempronius Gracchus.
17Enfin, la confrontation avec les pratiques d’autres cités peut offrir des pistes intéressantes. En effet, la recognitio equitum fut vraisemblablement influencée par la dokimasia des cavaliers grecs, dont la version athénienne décrite par Aristote pour la période qui précède immédiatement l’instauration de l’ordre équestre donne une image très proche de la procédure que nous avons établie68. Cette dokimasia influença peut-être Rome par le biais soit des colonies grecques d’Italie du Sud – particulièrement de Cumes – soit de Capoue dont le rôle dans la mise en place de l’ordre équestre est bien connu, soit plus directement grâce aux échanges entre Rome et ces mêmes cités69. À l’inspection physique du cavalier et de la monture décrite par Aristote, les Romains ajoutèrent une dimension morale en accord avec le principe établi pour la lectio senatus par le plébiscite ovinien contemporain de la création de l’ordre équestre. Or, à Athènes, seule la dokimasia des archontes faisait appel à des accusateurs et donnait, si nécessaire, lieu à un procès, dernier argument en faveur de l’absence d’une procédure de type judiciaire lors de la recognitio70.
3.2. Le regimen morum des simples citoyens
18Le champ d’application du regimen morum est sujet à controverse. On considère généralement que seules les catégories privilégiées y étaient réellement soumises, les mesures contre de simples citoyens restant exceptionnelles. Cette théorie découle de la conception monolithique de T. Mommsen qui supposait l’existence d’un seul type de procédure71.
3.2.1. L’extension du regimen morum à l’ensemble de la communauté
19Il est hors de doute que tous les citoyens romains étaient soumis au regimen morum. Plusieurs exemples le prouvent de manière incontestable. En 142, un ancien centurion qui avait été présent à la bataille de Pydna fut noté par Scipion Émilien, or il est très peu probable qu’un tel personnage fût membre du Sénat ou de l’ordre équestre72. De même pour le scribe D. Matrinius, homo tenuis d’après les mots mêmes de Cicéron, qui avait été relégué parmi les aerarii par les censeurs de 7073. L. Nasica, connu pour sa plaisanterie à propos de son mariage, était vraisemblablement lui aussi un simple citoyen74. En 214, les censeurs firent aerarii 2000 jeunes Romains réfractaires au service, soit un chiffre bien supérieur à l’ensemble des sénateurs et des chevaliers, et qui implique que de nombreux simples citoyens en faisaient partie75. Enfin, un dernier exemple spectaculaire est l’inscription chez les aerarii de 34 des 35 tribus par Livius Salinator en 204-203 qui fut finalement annulée76. Un passage du Pseudo-Asconius le confirme77. L’auteur énonce selon une dignité décroissante les trois catégories de citoyens soumises au regimen morum : d’abord les sénateurs, puis les chevaliers et enfin les plébéiens, c’est-à-dire les citoyens ne faisant pas partie de l’aristocratie. De tels témoignages ne pouvaient qu’entraîner l’unanimité des historiens78.
20Les mêmes s’accordent à exclure du contrôle des censeurs les femmes. Il est remarquable en effet qu’aucune nota ou tentative de nota ne concerne une femme, sans doute à cause du caractère éminemment politique du regimen morum79. Cicéron laisse entendre que le mari devait répondre également de la conduite de sa femme devant les censeurs qui voyaient là un témoignage sur ses qualités de pater familias80. Nous ne savons pas si les enfants in potestate, inclus dans la déclaration du chef de famille lors du recensement81, étaient également soumis au regimen morum ou si, à l’instar de l’épouse, leur comportement servait à apprécier la dignité du père. Pour les enfants adultes, la première solution semble préférable bien qu’aucune source à ce sujet n’existe à notre connaissance82. En effet, les enfants, plus précisément les fils non encore émancipés, se voyaient attribuer un rang dans le classement civique à la suite de la déclaration de leur père. Ce rang pouvait être modifié en fonction de leur conduite et, de ce fait, les censeurs pouvaient les convoquer au titre du regimen morum afin d’apprécier leur valeur comme n’importe quel autre citoyen en puissance. C’était en tout cas ce qui se passait pour les chevaliers, comme le montre l’exemple de M. Antistius de Pyrgi83.
21Habituellement on distingue la portée théorique de l’exercice pratique du regimen morum84. A.E. Astin résume l’opinion commune en avançant que la disparité des cas refléterait le désintérêt des censeurs plus que des auteurs anciens pour les échelons inférieurs85. Selon lui, la honte, qui serait, selon Cicéron, la principale conséquence du blâme des censeurs86, ne concernait que les catégories sociales supérieures. Nous pensons au contraire que l’ignominia était au cœur de la fonction sociale de la censure et répondait à une nécessité croissante à mesure que la population augmentait87. Les mesures infamantes ont de tout temps concerné toutes les catégories sociales, comme le montre l’usage bien attesté de punitions ignominieuses envers les simples soldats ou le cas du furcifer88. Le passage de Denys d’Halicarnasse qu’A. E. Astin cite à l’appui de sa démonstration89 confirme que les censeurs se montraient plus scrupuleux dans l’examen des ordres supérieurs, mais en aucun cas que le contrôle des simples citoyens était exceptionnel. Les deux derniers arguments reposent sur la théorie classique d’un passage individuel de chaque citoyen devant les censeurs que nous avons réfutée ailleurs90. L’augmentation de la population ne changea rien : seule une partie des citoyens, proportionnellement moindre à mesure que leur nombre croissait, comparaissait devant ces magistrats. Nul besoin de discuter de la délégation des pouvoirs de cura morum attribués par la Table d’Héraclée puisque le regimen morum fut toujours l’apanage des censeurs tandis que les opérations purement censitaires étaient confiées à des appariteurs. A. E. Astin avance une dernière raison en supposant que les censeurs n’étaient pas au courant de ce qui se passait au sein du menu peuple et par conséquent ne pouvaient pas agir contre ses membres91. C’est oublier les divers moyens d’informations. Par conséquent, il semble excessif de conclure que :
From time to time the regimen morum did lead to action involving lesser members of society, but probably it did so only irregularly and usually impinged very little upon such people92.
22D’une part, cela irait contre le but affiché de la censure : attribuer à chaque citoyen sa juste place. D’autre part, les sources ne permettent pas une telle conclusion. Nous avons une vingtaine de cas de blâmes ou de tentatives de blâmes contre des chevaliers et une demi-douzaine contre de simples citoyens, un rapport bien supérieur à ce que l’on croit ordinairement. Un motif de blâme conservé par Pline l’Ancien et Aulu-Gelle fournit un dernier indice en faveur d’un exercice fréquent du regimen morum à l’égard des citoyens : le mauvais entretien de ses champs et vignes93. Ce motif s’accordait avec l’idéal du citoyen-soldat cultivant son petit domaine, et non avec celui du grand propriétaire foncier, sénateur ou chevalier.
3.2.2. Les moyens d’enquête
23De la même manière que pour les sénateurs et les chevaliers, les censeurs pouvaient être alertés à propos d’un citoyen par un scandale ou par leurs connaissances. Certains personnages, bien que n’appartenant ni au Sénat ni à l’ordre équestre, pouvaient être bien connus de la communauté pour leurs méfaits notoires et à ce titre étaient convoqués par les censeurs. Nous en avons peut-être un exemple avec L. Nasica, présenté par Aulu-Gelle comme un cauillator quidam et canicula et nimis ridicularius, réputation pouvant expliquer sa comparution94. Enfin, l’exercice d’une profession infamante suffisait sans doute pour être connu des censeurs95.
24Parfois les censeurs recouraient à leurs propres connaissances. C’est sans doute de cette manière qu’il faut expliquer que le centurion que Scipion Émilien relégua parmi les aerarii pût échapper pendant plus d’une vingtaine d’années, et quatre censures96, à la dégradation97. Scipion, qui avait été lui aussi présent à la bataille de Pydna, avait pu constater personnellement l’attitude du soldat à cette occasion et aboutir à une appréciation différente de celle de ses prédécesseurs moins bien informés98. Le recours à un tiers s’avérait toutefois particulièrement utile. Nous ne savons pas si les inquisitores utilisés par Claude lors de sa censure existaient déjà du temps de la République ou s’il s’agissait d’une invention du Principat qu’il conserva99. En accord avec leur discours d’entrée en charge, les censeurs donnaient probablement des directives aux appariteurs afin qu’ils débusquent certains comportements jugés honteux, comme lorsqu’en 214 ils firent rechercher ceux qui s’efforçaient d’échapper au service militaire100. Nul doute également qu’en 184, quand Caton et Flaccus ordonnèrent aux iuratores, chargés de recevoir la professio des citoyens, de gonfler la valeur des objets de luxe101, ceux-ci signalèrent aux censeurs les plus gros possesseurs, soupçonnés de déployer un raffinement excessif.
25Parmi ces appariteurs, la formule de convocation des citoyens transmise par Varron atteste l’existence de curatores omnium tribuum102. En l’absence d’autres indications, il est difficile de leur assigner un rôle. À partir du sens premier de curator, nous pourrions conjecturer qu’ils étaient chargés du bon fonctionnement de la tribu et notamment du bon déroulement de son recensement, en assistant leurs tribules, les appariteurs et les censeurs durant les opérations103. Ce soin impliquait peut-être aussi la nécessaire expulsion des éléments indignes pour ne pas entacher l’honneur du groupe. Les curatores fourniraient alors aux censeurs des renseignements sur leurs tribules, en particulier sur leur conduite et leur réputation104. À propos du règne de Numa, Denys d’Halicarnasse parlait déjà de magistrats chargés de surveiller le travail des agriculteurs du pagus dont ils étaient responsables et d’en faire un rapport au roi105. Un tel rôle était devenu de plus en plus nécessaire avec l’accroissement de la cité. Cela irait dans le sens d’un véritable effort de la part des censeurs pour exercer le regimen morum le plus large possible.
26D’ailleurs, les dénonciations n’étaient peut-être pas seulement le fait des curatores tribuum. Imitant la procédure pénale sur ce point, les censeurs pouvaient recourir aux plaintes parce qu’elles constituaient un moyen efficace de connaître la vie privée de simples citoyens106 et qu’elles étaient perçues comme un acte civique, au moins pour les iudicia publica107. Or il est remarquable que nous n’ayons trouvé aucune trace de telles accusations auprès des censeurs, ce qui nous incite à la prudence. Comme ils n’avaient pas matériellement le temps d’instruire chaque cas, il devait exister des moyens pour en restreindre le nombre. Une accusation auprès des censeurs était un acte d’autant plus grave que ces magistrats étaient soucieux du respect de leur majesté et qu’ils jouaient un rôle crucial dans la vie publique de la cité. Aussi la calomnie était-elle certainement sanctionnée sévèrement et tout autant arbitrairement par les censeurs afin d’en détourner les citoyens. De surcroît, la maiestas des censeurs devait constituer un rempart efficace contre les démarches futiles108. Au besoin, ces dénonciations étaient peut-être filtrées par des appariteurs, par les curatores tribuum, ou par les membres du consilium des magistrats.
27Si les censeurs avaient donc les moyens d’exercer une surveillance bien moins lâche sur l’ensemble de la communauté qu’on ne le pense habituellement, il serait faux cependant de trop calquer la procédure censoriale sur la procédure pénale. Les censeurs ne cherchaient pas à punir toute infraction aux mores – la tâche aurait été impossible – mais à classer les citoyens selon leur dignité. Pour cela, ils prenaient en compte leur existimatio. Plus que la dénonciation d’une faute, les dénonciations visaient sans doute à alerter le censeur sur un scandale local, connu seulement par un groupe de citoyens (village, quartier, collège…) afin de lui donner un retentissement dans l’ensemble de la cité et de le faire actualiser dans la hiérarchie civique. Nous retrouverions là une des problématiques liées au changement d’échelle déjà étudiée par les sociologues109. Ce n’est pas un hasard si le regimen morum s’est développé à la fin du IVe siècle et au début du IIIe siècle. À cette époque, l’accroissement de la cité commençait à s’accélérer et menaçait les mores antiqui qui étaient d’abord ceux d’une petite ville du Latium. Le regimen morum était un moyen parmi d’autres – ou du moins la manifestation d’une telle volonté – de préserver des institutions civiques menacées par les changements liés à la conquête, notamment la parcellisation de l’espace public110. Institutionnaliser la surveillance des mœurs venait pallier le changement d’échelle et contribuait à donner l’illusion de la survie de la cité des Ancêtres et d’une unité de la communauté.
3.2.3. La procédure du regimen morum
28La procédure de notation des simples citoyens s’apparentait probablement à celle de la recognitio equitum. Les censeurs convoquaient le personnage ayant mauvaise réputation pour déterminer s’il méritait ou non une dégradation. D’un côté les appariteurs réalisaient un classement objectif des citoyens, fondé sur les critères censitaires, et de l’autre les censeurs opéraient des modifications à ce classement à partir de leur appréciation sur la valeur personnelle du citoyen, en bien comme en mal. Le regimen morum des citoyens ne serait que la reproduction de la recognitio equitum limitée à certains individus choisis.
29Ainsi, à la suite de W. Kunkel, deux cas de figure sont à distinguer111. Soit la faute était notoire et faisait scandale, soit elle n’était connue que de quelques personnes, dont les censeurs ou leur informateur. Dans le premier cas, nous pouvons supposer que le citoyen n’était convoqué que pour se voir signifier sa dégradation. Par une déclaration publique et un simple jeu d’écriture dans les listes de citoyens, les censeurs répercutaient le jugement porté par la communauté sur l’individu en lui donnant une sanction officielle. Nous en avons peut-être un exemple dans la relégation parmi les aerarii du scribe D. Matrinius112. Cicéron ne rapporte que la dégradation sans mentionner de débat contradictoire, mais cela s’explique peut-être par les besoins d’une démonstration visant à minimiser le blâme des censeurs.
30En revanche, les différents exemples de blâmes collectifs posent la question de la convocation elle-même. En 214 et en 209, les censeurs enjoignirent aux appariteurs de leur signaler tous les citoyens qui avaient évité de servir dans les légions et ils les reléguèrent tous parmi les aerarii sans que l’on sache s’ils furent convoqués113. Les registres consignant les informations, reçues durant les déclarations de ces citoyens, sur les campagnes militaires accomplies constituaient sans doute des preuves suffisantes pour décider la dégradation. Elles pouvaient dispenser d’une cognitio individuelle de la même manière que lorsque le scandale était largement connu – en outre cette conduite faisait peut-être même scandale. La procédure était quasi bureaucratique : il s’agissait, une fois les individus connus, de modifier leur rang dans les registres. C’est ainsi également que procéda Livius Salinator lorsqu’il relégua les 34 tribus. Comme il lui était bien évidemment impossible de faire comparaître une telle masse de citoyens, il se contenta de les faire inscrire sur les registres parmi les aerarii sans les convoquer individuellement114. Les censeurs de 252 inaugurèrent peut-être ce procédé lorsqu’ils privèrent du cheval public et reléguèrent parmi les aerarii 400 chevaliers115. Ces derniers, servant en Sicile, ne pouvaient comparaître durant la recognitio equitum contraignant les censeurs d’opérer les dégradations par simple jeu d’écriture. Le scandale et le blâme collectif provoquaient donc une procédure de notation expéditive, sans enquête ni débat contradictoire, et parfois même purement administrative sans comparution personnelle. Que la mauvaise réputation soit méritée ou non ne constituait pas nécessairement un enjeu pour les censeurs, surtout pour les individus des classes inférieures. Il s’agissait avant tout de rappeler les attentes de la cité. Pour les blâmes collectifs, les motifs étaient vraisemblablement exposés lors du discours d’entrée en charge stigmatisant certaines conduites qui donneraient lieu à des dégradations dès qu’elles seraient attestées.
31Pour les réfractaires au service, la faute reprochée était très facilement vérifiable par des moyens administratifs et devait susciter la réprobation de la communauté aussitôt connue, parfois même avant la dénonciation par les censeurs. Le combat en faveur du mariage et de la natalité pouvait s’inscrire dans cette perspective bien que nous n’ayons aucun exemple de dégradation causée par le célibat ou l’absence d’enfants, mais seulement les discours de Q. Metellus Macedonicus, censeur en 131116 et de Camille117. Bien que ce second exemple soit une forgerie, la mention d’une amende suggère que les paroles s’accompagnaient parfois de sanctions, dégradations plutôt que peines pécuniaires. De même, l’édit contre les rhéteurs latins porté par les censeurs de 92 pouvait déboucher entre autres mesures sur des dégradations à l’encontre de professeurs ou d’élèves, mais là encore, nous n’avons aucun indice à ce propos118. De façon générale, les censeurs cherchaient par ces mesures à influencer le comportement général de la communauté119 et ces incitations pouvaient être soutenues par des blâmes individuels renforçant la stigmatisation des conduites proclamées néfastes pour la communauté.
32Lorsque les censeurs étaient alertés par leurs propres informations ou par un tiers, ils mettaient en place une cognitio pouvant comporter un débat contradictoire. Cicéron atteste ainsi l’existence d’un dialogue entre le centurion de Pydna et Scipion Émilien lorsqu’il écrit : cum ille se custodiae causa diceret in castris remansisse quaereretque cur ab eo notatur120. La structure de l’épisode laisse entendre que dans un premier temps le centurion fut interrogé par les censeurs, qui lui notifièrent ensuite sa dégradation provoquant sa surprise et sa demande d’éclaircissement. Cela confirme bien l’idée d’une procédure sommaire et arbitraire, dans laquelle les témoins ou un plaidoyer sont parfois tolérés, mais non obligatoires.
33Dans son récit de la censure de 214, Tite-Live rapporte le blâme des complices de Metellus et des prisonniers parjures121. Les termes qu’il utilise pour désigner le processus sont relativement clairs : causam dicere et citare. Or, lorsqu’il énumère les blâmes, l’historien se montre prudent : equi adempti qui publicum equum habebant. Qu’il y ait eu effectivement de simples citoyens parmi ces hommes ou non, cela révèle que, pour Tite-Live et les auteurs qu’il suit, de simples citoyens étaient soumis à une procédure comparable à celle des chevaliers avec convocation et éventuellement défense.
34D’ailleurs dans tous les cas où le scandale n’était pas diffusé dans toute la cité, on s’imagine mal les censeurs convoquer le citoyen uniquement pour l’informer de sa dégradation. La convocation devant les censeurs visait à pallier la méconnaissance de la mauvaise conduite du citoyen. Elle provoquait l’ignominia qui soit actualisait soit renforçait et diffusait l’infamia122. Et cette ignominia provenait avant tout de la décision des censeurs qui exprimait leur jugement de valeur sur un citoyen et non un verdict sur sa culpabilité, justifiant le caractère sommaire de la procédure.
35La rapidité était en effet nécessaire pour permettre aux censeurs de mener à bien leurs différentes tâches et pour s’occuper d’un nombre conséquent de cas123. La réforme de Clodius, étudiée ci-dessous, si elle concernait également la recognitio equitum et le regimen morum des citoyens tel que le laisse entendre Dion Cassius124, serait une preuve supplémentaire que, comme pour la lectio senatus, la procédure ne donnait lieu qu’éventuellement à un débat contradictoire. Nous comprendrions alors la réaction de Cicéron face à cette loi qui rendait réellement impossible l’exercice du regimen morum125. La censure de 54 confirma les craintes de Cicéron qui déplora alors la longueur des opérations risquant d’empêcher l’achèvement du census126.
36Le regimen morum des citoyens pouvait se dérouler en parallèle des opérations censitaires qui suivaient l’ordre des tribus, ou bien concerner le citoyen à tout moment durant les 18 mois du census, dépendant uniquement de la prise de connaissance des censeurs. T. Mommsen le situait au Champ de Mars, dans la Villa Publica puisqu’il fusionnait professio et regimen morum. Cependant, si la procédure du regimen morum reprenait celle de la recognitio, il serait possible que la convocation des citoyens ait lieu au même endroit, au Forum. L’opposition maintes fois répétée entre un cens au Champ de Mars et une recognitio equitum au Forum ne se retrouve que chez les Modernes, nos sources n’insistant jamais sur ce point. Le Forum, lieu traditionnel des spectacles républicains, serait le plus à même d’accueillir le regimen morum des censeurs qui, à certains égards, pouvait s’apparenter aux procès qui se déroulaient un peu partout sur la place127. C’était aussi là qu’était lu le nouvel album du Sénat à l’issue de la lectio. En effet, comme le souligne P. Boucheron : « Montré du doigt : voici l’infamie, qui suppose donc toujours une visibilité dans l’espace public »128.
3.3. Une lectio senatus discrète
37La lectio senatus était la première tâche des censeurs129, la plus importante comme le prouvent la lectio exceptionnelle de M. Fabius Buteo en 216 et son entrée en vigueur immédiatement après la recitatio130. On considère habituellement que les sénateurs, en raison de leur position privilégiée, étaient les plus étroitement surveillés par les censeurs dans le cadre du regimen morum et qu’en conséquence leur examen public, avec celui des chevaliers, constituait un temps fort de la vie civique131. L’idée fut renforcée par la conviction qu’un rapport étroit existait entre le regimen morum et la lectio senatus, à savoir que les sénateurs furent les premiers à subir un contrôle des mœurs étendu progressivement au reste de la société selon les mêmes modalités, mais avec une moindre rigueur132. Pourtant les principales controverses durant la lectio senatus qu’ont transmises les sources sont celles qui se déroulaient entre les censeurs et non entre les censeurs et un sénateur menacé de blâme133.
3.3.1. Les rares exemples d’entretien avec les censeurs
38En deux occasions, Cicéron indique que M. Iunius Brutus, le fils du jurisconsulte préteur en 140, avait déclaré autrefois au cens des propriétés héritées de son père qu’il ne possédait plus134. La perte du patrimoine familial étant liée à une accusation de vie de débauches, nous pourrions nous attendre à ce qu’il fût interrogé lors de la lectio senatus. Si tel avait été le cas, L. Licinius Crassus, le consul de 95, dont Cicéron nous précise qu’il haïssait Brutus et le jugeait digne de recevoir un affront, n’aurait pas manqué de le rappeler135. En outre, Cicéron ne fait que mentionner la perte de biens qui avaient été déclarés au cens et ne critique pas explicitement sa conduite. Finalement, les allusions ne concernent que les opérations censitaires et non celles de regimen morum de sorte que rien ne permet de conclure à un interrogatoire devant les censeurs.
39Cet épisode est comparable à celui de M. Aemilius Lepidus Porcina qui, en 125, fut réprimandé par les censeurs pour son goût du luxe136. Velleius Paterculus ne parle pas d’exclusion du Sénat, mais simplement d’une amende. Or le recours à une peine pécuniaire dans le cadre du regimen morum serait un hapax. Aussi est-il préférable de songer à une confusion de Velleius Paterculus, ou de sa source, avec la condamnation de Porcina à une amende dans un procès devant le peuple dix ans plus tôt, vers 135137. L’erreur est d’autant plus probable que l’accusateur de 135 et le censeur de 125 ne forment qu’un, L. Cassius Longinus Ravilla, principal adversaire politique de Porcina. La formule transmise par Velleius Paterculus, adesse iusserunt, renvoie dans sa forme plutôt à une convocation extraordinaire. En effet, dans le récit de la querelle des censeurs de 204-203, le verbe employé par Tite-Live – repris par Valère Maxime qui le suit certainement – pour désigner la citation à comparaître du prochain chevalier sur la liste, est citare138. Ainsi, nous comprendrions mal pourquoi les censeurs ordonnèrent à Porcina d’« être présent » (adesse) si la lectio senatus prévoyait déjà son passage individuel devant les censeurs.
40En 124, C. Gracchus eut à se défendre devant les censeurs qui lui reprochaient d’avoir abandonné sa province139. Questeur en 126, il avait accompagné en Sardaigne le consul L. Aurelius Orestes, mais lorsque ce dernier fut prorogé une nouvelle fois, le jeune homme refusa de rester une année de plus loin de Rome. Cette fois-ci, nous avons trois attestations d’une oratio apud censores que Gaius prononça pour se disculper de ce dont les censeurs l’accusaient. Cependant, les censeurs étaient entrés en charge en 125 et avaient dû, comme de coutume, accomplir immédiatement la lectio senatus et peut-être même recruter C. Gracchus fraîchement questorien. Par conséquent, une convocation en 124 ne pouvait être en rapport avec la composition du Sénat et devait se situer soit dans le cadre de la recognitio equitum soit dans celui du regimen morum. La rédaction de l’album senatus presque un an après le début de la censure de même que la possibilité de le remanier bien après la recitatio constitueraient un hapax. La lectio senatus était la tâche la plus importante des censeurs et une fois accomplie, il n’était plus question de revenir dessus140.
41Si ces trois exemples ne permettent pas de conclure à une comparution personnelle obligatoire devant les censeurs lors de la lectio senatus, tout en laissant entendre que les sénateurs pouvaient être convoqués de manière extraordinaire141, plus embarrassant est le discours que tint Fabricius à Pyrrhus qui avait essayé de le corrompre. Le général romain mit en avant que si les censeurs apprenaient qu’il avait accepté l’or du roi d’Épire, il serait blâmé, humilié et déchu de son rang :
D.H., Ant. Rom. frg. 19 S et T Pittia: φέρε, ἐὰν δὴ μανεὶς δέξωμαι χρυσόν, ὃν δίδως μοι, καὶ τοῦθ’ ἅπασι Ῥωμαίοις γένηται φανερόν, ἔπειθ’ οἱ τὴν ἀνυπεύθυνον ἔχοντες ἀρχήν, οὓς ἡμεῖς τιμητὰς καλοῦμεν, οἷς ἀποδέδοται τοὺς ἁπάντων Ῥωμαίων ἐξετάζειν βίους καὶ τοὺς ἐκβαίνοντας ἐκ τῶν πατρίων ἐθῶν ζημιοῦν, καλέσαντές με λόγον ἀποδοῦναι κελεύσωσι τῆς δωροδοκίας, ἁπάντων παρόντων ταῦτα προφερόμενοι. […] Ἂν ταῦτα λέγοντες ἐκγράψωσί με τῆς βουλῆς καὶ μεταγάγωσιν εἰς τὰς τῶν ἀτίμων φυλάς, τί πρὸς αὐτοὺς ἕξω λέγειν δίκαιον ἢ ποιεῖν;
Allons, si, pris de folie, j’accepte l’or que tu [Pyrrhus] me donnes, et que cela vienne à la connaissance de tous les Romains, alors ceux qui assument une magistrature exonérée de la reddition de comptes, que nous appelons censeurs, auxquels il a été confié d’examiner le mode de vie de tous les Romains et de punir ceux qui s’écartent des habitudes ancestrales, ces censeurs doivent me convoquer, m’enjoindre de rendre raison de cette corruption et m’adresser en présence de tous ces reproches. […]
Si, me tenant ce discours, ils me rayent de la liste sénatoriale et me transfèrent dans les tribus des citoyens déchus de leurs droits, que dire ou faire de juste devant eux ?
trad. S. Pittia
42Le discours est bien évidemment une invention du professeur de rhétorique qu’était Denys et ne peut être pris au pied de la lettre. La structure du récit se décompose en trois étapes : convocation de Fabricius par les censeurs ; discours de reproches ; prononciation de dégradations. Fait significatif, l’exclusion du Sénat suit la convocation et le discours, nous offrant alors notre unique exemple d’entretien. Il est remarquable que Fabricius ne réponde jamais et subisse sans sourciller le blâme et le déclassement. Denys prend peut-être ici des libertés en concentrant les événements, car la lenteur de la procédure habituelle aurait nui à l’intensité dramatique du récit. Le discours des censeurs devait avoir lieu non pas avant la lectio senatus mais après, soit à la suite de la recitatio comme nous le verrons ci-dessous, soit lorsque Fabricius fut convoqué lors de la recognitio equitum142 ou, s’il ne possédait pas le cheval public, comme simple citoyen ayant attiré l’attention des censeurs durant le regimen morum. En revanche, si nous supposons que Denys décrit de bonne foi la procédure, son récit convient particulièrement à la conception de la lectio senatus contemporaine de la fin de la République et du Principat, illustrée en particulier par la réforme de Clodius en 58 que nous verrons plus bas. Dans ce cas, il donnerait une vision erronée de la censure républicaine et son erreur pourrait provenir du manque d’intérêt pour cette magistrature qui ne connut son âge d’or qu’après la période qui l’intéresse143.
43Le dernier exemple, et le plus connu, de débat avec les censeurs à propos d’une exclusion du Sénat est celui de L. Quinctius Flamininus144. Toutefois, ce ne fut pas Lucius, mais son frère Titus qui s’adressa à Caton jusqu’au moment de la proposition de la sponsio, ce qui est en contradiction avec l’idée d’une comparution personnelle. L’hypothèse la plus répandue veut que le libérateur des Grecs utilisât son influence et son prestige pour réclamer une contio dans laquelle il put demander des explications à Caton, car la nota était sans doute trop sibylline145. L’épisode se situant une fois l’exclusion de Lucius connue, soit après la recitatio qui clôture la lectio senatus, il n’y eut pas d’interrogatoire de Lucius par les censeurs146.
44Enfin, une allusion de Tite-Live dans son récit de la censure de Caton à des réquisitoires (acerba orationes) contre ceux qu’il exclut du Sénat ou de l’ordre équestre pourrait mettre en doute notre hypothèse d’absence d’entretien entre les censeurs et chaque sénateur147. Parmi ces acerbae orationes, nous pouvons classer le discours que Caton tint contre L. Flamininus148, et celui contre le chevalier Veturius149. Cependant la phrase implique l’existence d’autres discours en raison du pluriel des relatifs désignant leurs destinataires (quos et quibus)150. Au moins un autre chevalier et un autre sénateur furent les cibles des discours de Caton. Plusieurs hypothèses sont envisageables sur les occasions des discours prononcés contre des sénateurs. Nous savons que Caton s’attira les foudres de la noblesse par sa censure151, notamment parce qu’il osa exclure un consulaire et un prétorien152. Peut-être que d’autres exclus imitèrent T. Flamininus et osèrent demander des comptes à Caton dans une contio. L’autre possibilité est que des discours furent tenus à la suite de la recitatio du fait des réactions à l’exclusion de certains personnages153. En effet, rien n’empêchait les censeurs de prendre la parole à cette occasion pour justifier leurs décisions, soit immédiatement après la lecture publique de l’album, soit au Sénat, voire dans une contio convoquée peu après154. Dans les deux cas, les discours prononcés par Caton auraient servi à justifier ses choix et, par leur virulence, méritaient le qualificatif d’acerbus donné par Tite-Live.
45Le résultat de notre étude de cas est sans appel : sur la trentaine d’exemples de blâmes ou tentatives de blâme durant la lectio senatus, aucun entretien entre le censeur et le sénateur menacé n’est conservé. À l’exception de l’épisode imaginaire de Fabricius, jamais on ne voit un sénateur répondre à la question d’un censeur, même dans les récits les plus longs ou les plus souvent cités dans nos sources. Aussi pensons-nous pouvoir conclure que les sénateurs n’étaient pas interrogés individuellement lors de la lectio senatus.
3.3.2. L’absence de « procès » censorial pour les sénateurs
46L’enjeu de la procédure était de taille puisqu’il s’agissait d’écarter du Sénat des personnages jouissant pourtant d’une très haute situation dans la cité. Les censeurs agissaient vraisemblablement de leur propre initiative à l’encontre de certains personnages. Leur attention était d’abord attirée par les scandales les plus notoires entachant la réputation de sénateurs et de prétendants au Sénat155. Le meilleur exemple est celui des juges du procès d’Oppianicus en 74. Des bruits se répandirent très vite sur leur corruption, provoquant un large scandale, de sorte qu’en 70 plusieurs d’entre eux furent exclus du Sénat par les censeurs156. De même, en 115, C. Cassius Sabaco, fortement soupçonné d’avoir participé au truquage des élections au profit de Marius, fut chassé de la curie157. Cependant certaines exclusions prirent de court aussi bien les victimes que la communauté à cause justement de l’absence de scandale préalable. C’est le cas notamment de L. Quinctius Flamininus dont le frère réclama dans une contio des explications à Caton l’Ancien158. Tout laisse penser que Caton avait eu connaissance des faits alors que la cité les ignorait et l’effet de surprise joua à plein, lui permettant de l’emporter dans la joute verbale qui l’opposa aux Flamininii159.
47Les censeurs pouvaient aussi recevoir des dénonciations. Bien entendu, une des règles tacites valables pour l’accusation judiciaire devait être également suivie : seul un citoyen d’un rang social proche pouvait en dénoncer un autre devant les censeurs. Il est en effet très peu probable que toute accusation pût être portée devant les censeurs sans mettre en péril l’autorité de la magistrature. L’accusation n’était pas une obligation ainsi que le supposait T. Mommsen qui considérait qu’il n’existait qu’une seule procédure de notation160. L’allusion de Tite-Live dans son récit de l’affaire Flamininus ne permet pas de conclure à la nécessité d’une dénonciation, mais à la possibilité de celle-ci161. L’autre argument, l’existence d’un discours de Caton intitulé in Lentulum et prononcé apud censores selon Aulu-Gelle162, n’est pas meilleur pour deux raisons. Premièrement il est impossible d’identifier avec certitude ce Lentulus, et donc rien ne prouve que ce discours ait eu lieu durant la lectio senatus163. Deuxièmement, un tel discours pouvait également être le témoignage de Caton et non une accusation. Loin d’être obligatoire, l’accusation par un tiers n’était pour les censeurs qu’une possibilité d’être informés. Elle dépendait de la bonne volonté des citoyens, d’un consensus autour de l’utilité de la censure et des valeurs romaines164. De la sorte, les censeurs apparaissaient comme les défenseurs des mores auxquels le reste du groupe pouvait s’identifier, conditions nécessaires à l’efficacité d’une cérémonie de dégradation statutaire165. Il relevait de leur arbitraire d’engager une procédure d’exclusion du Sénat sur la base des renseignements obtenus à la suite d’un scandale, d’une dénonciation ou grâce à leurs connaissances personnelles.
48Les censeurs ainsi alertés sur certains cas et décidés à leur donner suite devaient vérifier et apprécier les fautes. La question est de savoir si « le censeur cherch[ait] dans les pratiques judiciaires elles-mêmes des garanties pour asseoir ses décisions »166. Or nous ne savons pas comment ils menaient à bien cette tâche puisque les sources ne nous transmettent généralement que son résultat. Il est remarquable qu’aucun récit de témoignage devant les censeurs à propos d’un sénateur ne nous soit parvenu167. Seuls peuvent être avancés les deux textes déjà cités à propos de l’accusation : l’allusion de Tite-Live à propos de l’oratio de Caton contre L. Quinctius Flamininus et son discours in Lentulum apud censores. Le terme d’oratio, utilisé dans les deux cas, désigne un discours construit, mais pas nécessairement public. Cet effort de composition pourrait suggérer que l’audition des témoins par les censeurs était une procédure publique et, dans ce cas, il serait surprenant que seule cette étape fût menée publiquement. Les témoignages de tiers entendus publiquement concorderaient avec ce que nous savons de la recognitio equitum et du regimen morum. Si l’incertitude portant sur l’identité du Lentulus attaqué par Caton rend cela possible168, l’allusion de Tite-Live est, elle, plus embarrassante. L’historien ne dit pas que l’oratio aurait pu être prononcée devant les censeurs, il ne fait que formuler une hypothèse où un tel discours aurait été tenu avant la lectio senatus, quelle qu’en soit l’occasion, afin de montrer son efficacité. Par conséquent, rien ne permet de prouver que l’audition des témoins, ni même l’accusation, étaient publiques dans le cadre de la lectio senatus.
49Bien sûr, les magistrats avaient la liberté d’enquêter et d’entendre des témoins, mais il semble que la procédure se déroulait dans un cadre privé et le plus souvent de manière expéditive. Elle s’appuyait d’abord sur l’intime conviction des censeurs, c’est-à-dire leur arbitraire, ce que Clodius entendit justement abolir par sa loi de 58 ainsi que nous le verrons. Cicéron donne une telle image de la procédure, quoique certainement exagérée pour les besoins de sa plaidoirie169. À l’écouter, les censeurs n’auraient pas même recours aux éléments de la preuve. Cette vision, sans doute excessive, est toutefois la même que celle qu’il avance une dizaine d’années plus tard lorsqu’il s’oppose à la loi de Clodius obligeant les censeurs à adopter une procédure judiciaire pour la lectio senatus. Dans les deux cas, il met l’accent sur l’arbitraire des censeurs et le fait que leur décision soit avant tout une appréciation personnelle et non un jugement répondant au probare. Contre la vision judiciaire de T. Mommsen, majoritairement suivie, il existe un autre courant insistant sur le caractère discrétionnaire de la lectio senatus, fondé sur l’auctoritas des censeurs170. Le terme d’animaduersio souvent utilisé à propos de la censure exprime cette attention des censeurs à l’égard d’un citoyen171. W. Kunkel avait certainement raison de distinguer les méfaits notoires, ayant provoqué un scandale, qui provoquaient presque automatiquement une dégradation, de ceux plus discrets nécessitant une enquête qui restait sommaire172. Cicéron la désignait sous le terme de notio, dont le premier sens est « action de prendre connaissance »173. À ce titre, l’absence dans nos sources d’entretien entre les censeurs et les sénateurs durant la lectio senatus est en faveur de la seconde théorie. La lectio senatus était donc très vraisemblablement une procédure rapide menée par les censeurs à huis clos, et le seul débat contradictoire devait se tenir entre eux, à l’instar de ce qu’il se passa pour P. Popilius174. La réforme de Clodius confirme cette absence de forme judiciaire.
3.3.3. La réforme de Clodius : une confirmation
50Lors de son tribunat de la plèbe, en 58, Clodius fit voter une réforme de la procédure censoriale dont le contenu nous a été transmis par trois textes :
Ascon., p. 8 C. : ne quem censores in senatu legendo praeterirent, neue qua ignominia afficerent, nisi qui apud eos accusatus et utriusque censoris sententia damnatus esset. Hac ergo eius lege censuram, quae magistra pudoris et modestiae est, sublatam ait.
que les censeurs dans la sélection du Sénat n’omettent plus quelqu’un ou ne le marquent plus d’ignominia à moins qu’il n’ait été accusé auprès d’eux et condamné par la sentence de chacun des deux censeurs. Donc par cette loi [Cicéron] dit que la censure, qui est la magistrature de la pudeur et de la vertu, fut abolie.
D.C. 38, 13, 2: τοῖς τε τιμηταῖς ἀπηγόρευσε μήτ’ ἀπαλείφειν ἔκ τινος τέλους μήτ’ ἀτιμάζειν μηδένα, χωρὶς ἢ εἴ τις παρ’ ἀμφοτέροις σφίσι κριθεὶς ἁλοίη.
[Clodius] interdit aussi aux censeurs de rayer quiconque de la liste d’un ordre ou de frapper de déchéance, sauf en cas de jugement et de condamnation par les deux censeurs.
trad. G. Lachenaud et M. Coudry
Schol. Bob., p. 132 St. : Clodianarum legum facit enumerationem, quarum fuit et haec : ne liceret censori praeterire aliquem in senatu recitando nisi eum quem damnatum esse constaret.
Parmi les lois clodiennes dont il fait l’énumération figure celle-ci : qu’il ne soit pas permis à un censeur d’écarter quelqu’un dans la lecture du Sénat s’il n’est pas établi qu’il a été condamné.
51Les trois passages concordent et nous savons que l’information d’Asconius était souvent de qualité. La nouveauté de la loi ne résidait pas dans l’obligation d’un accord entre les deux censeurs, la collégialité l’assurait déjà, mais dans le fait d’être apud eos accusatus puis damnatus.
52W. J. Tatum a réfuté avec raison l’opinion qui voulait que la loi ne fît qu’encadrer la coutume. L’opposition véhémente de Cicéron à la loi et son abrogation six ans plus tard suffisent à le prouver175. La formule apud eos accusatus signifiait que l’accusation d’un tiers fût désormais devenue nécessaire176. La dénonciation et la condamnation par une sententia donnent l’image d’une procédure publique et laissent entendre la possibilité pour le sénateur menacé d’exclusion de présenter sa défense et peut-être même de recourir à un patronus. Une anecdote rapportée par Valère Maxime l’illustre sans doute177 : L. Scribonius Libo, qui devint consul en 34178, fut vraisemblablement dénoncé par Helvius Mancia lors de la censure de 55, la seule pour laquelle le plébiscite clodien, abrogé en 52, fut en vigueur179. La procédure présentée dans l’épisode de 55 se rapproche étroitement de celle exposée par Asconius : accusation apud censores de L. Scribonius Libo, débat (certamen) et recours à un patron ou un laudator (ici Pompée dont le fils avait épousé sa fille Scribonia). Certes rendre publique la procédure d’exclusion constituait un frein à la rigueur des censeurs180, toutefois rien dans ces textes ne prouve que la finalité de la loi fût de rapprocher la lectio senatus du regimen morum des citoyens et des chevaliers181. La différenciation des contrôles selon le rang était en accord avec le principe d’égalité géométrique et au cœur de la censure. Ainsi, la théorie classique voyant dans le plébiscite l’introduction d’une procédure de type judiciaire avec accusation et débat contradictoire semble préférable182.
53La lex Clodia révélerait l’évolution des mentalités qui associaient désormais exclusion du Sénat et condamnation en justice, principalement dans les iudicia publica183. Pour cette nouvelle génération de sénateurs, il était devenu difficilement acceptable d’être soumis à l’arbitraire des censeurs, que l’on savait en outre aussi influencés par les nouvelles conditions de la vie politique que n’importe quel autre sénateur. Que les tribuns de la plèbe aient empêché les censeurs de réaliser la lectio senatus en 64-63 en est un autre symptôme184. L’arbitraire des censeurs pouvait apparaître comme un défaut185. Aussi la loi le remettait-elle explicitement en cause, voulant rendre les censeurs comparables aux juges des quaestiones, d’où les lamentations des partisans de la République des vertus comme Cicéron. Si Clodius s’efforçait par cette loi de convaincre les sénateurs qu’il pouvait être popularis et respectueux de la dignité sénatoriale, il n’en entravait pas moins la liberté des censeurs d’exclure du Sénat, se gagnant ceux qui craignaient une telle éviction186. Dans le climat troublé de l’époque, la censure pouvait s’avérer une arme redoutable dans les luttes partisanes, sans doute plus facile à obtenir pour les optimates et qu’il fallait donc neutraliser187. Le plébiscite clodien concernait peut-être également la recognitio equitum et le regimen morum des citoyens188. Cependant il était avant tout destiné à amoindrir la marge de manœuvre des censeurs dans la lectio senatus en imposant une procédure de type judiciaire pour l’exclusion, procédure qui n’existait pas auparavant ainsi que le suggère la réaction de Cicéron.
3.3.4. La double comparution des sénateurs-chevaliers ?
54Jusqu’au vote d’un plébiscite reddendorum equorum daté généralement de l’époque gracchienne189, de nombreux sénateurs étaient aussi chevaliers190. Qu’ils fussent maintenus ou non au Sénat lors de la lectio senatus, puisque celle-ci ne comportait pas de comparution obligatoire, les sénateurs possesseurs du cheval public étaient examinés ensuite par les censeurs lors de la recognitio equitum. Le récit livien de la querelle des censeurs de 204 illustre parfaitement cette pratique puisque Claudius Nero et Livius Salinator furent cités à comparaître durant la revue équestre, donc après la lectio senatus191. Si la lectio senatus prévoyait un examen des sénateurs, alors les sénateurs-chevaliers auraient été convoqués à deux reprises, ce qui est peu crédible. C’est là un argument supplémentaire en faveur de l’absence de convocation des sénateurs lors de la lectio senatus. En revanche, pour un sénateur-chevalier, la recognitio equitum pouvait fournir l’occasion de donner ou de réclamer des éclaircissements sur son exclusion du Sénat. Quant aux censeurs, ils ne devaient le faire que s’il y avait un intérêt, notamment pour faire un exemple public ou pour lui infliger d’autres dégradations en l’interrogeant plus avant sur ses mœurs. Cependant de tels cumuls de blâmes semblent avoir été rares192.
55Les sénateurs qui n’appartenaient pas à l’ordre équestre étaient vraisemblablement interrogés à leur place durant le recensement des citoyens, sûrement parmi les membres de la première classe. Par égard pour leur rang et par souci d’exercer un contrôle censitaire plus rigoureux, les censeurs les interrogeaient peut-être personnellement. Après l’augmentation du nombre de sénateurs sous Sylla, portés à 600, les censeurs inspectaient eux-mêmes au maximum près de 2500 individus (600 sénateurs et 1800 chevaliers), chiffre tout à fait acceptable. Il était naturel que le spectacle républicain de la sélection et du contrôle de l’élite de la cité prît du temps. Cela en laissait néanmoins suffisamment pour superviser les opérations censitaires du reste de la population, confectionner les listes, gérer les adjudications et exercer le regimen morum sur le reste du populus Romanus.
56La lectio senatus était la première mission des censeurs, en ordre d’importance et de réalisation. Contrairement aux autres opérations du census, elle était accomplie de façon rapide et secrète193. Seul le résultat était proclamé par le biais de la recitatio puis par l’affichage de l’album senatus194 – même si des rumeurs plus ou moins fondées pouvaient circuler auparavant. La lectio senatus était plus qu’ailleurs le règne de l’arbitraire. Les censeurs pouvaient éventuellement prononcer de longs plaidoyers contre les exclus à la suite de la recitatio ou lors de contiones où ils justifiaient leur décision face à une éventuelle contestation ou accroissaient l’humiliation195. Un interrogatoire durant la lectio était d’autant moins nécessaire qu’une partie des sénateurs comparaissaient devant les censeurs lors de la recognitio equitum. S’ils n’appartenaient pas à l’ordre équestre, les censeurs intervenaient peut-être personnellement durant les opérations censitaires afin de témoigner par là leur respect envers les personnages de haut rang et de s’assurer que les sénateurs remplissaient bien les critères objectifs liés à leur statut.
57C’est peut-être ce même respect qui poussait les censeurs à accomplir la lectio senatus à huis clos. Le Sénat était l’organe politique principal de la cité et son pouvoir reposait sur son auctoritas. Discuter la dignité des sénateurs l’aurait amoindrie. Le soupçon suffisait certainement à motiver une exclusion, car le sénateur jouissait d’une position telle dans la société que sa dignité devait être incontestable et éclatante. La lectio senatus ne pouvait pas et ne devait pas se faire en public, elle devait rester un acte secret – donc discrétionnaire – réalisé par des magistrats qui avaient prouvé leur vertu et surtout leur réel attachement à la res publica mais aussi à la classe dirigeante196.
***
58L’idée mommsénienne d’une procédure identique pour tous les citoyens comprenant déclaration et interrogatoire par les censeurs, influencée sans doute par la dokimasia athénienne197, doit donc être refusée. L’arbitraire des censeurs se manifestait non seulement dans leur liberté procédurale, permise par l’absence de règles formelles198, mais aussi dans l’aspect non liant de l’éventuelle démonstration de la preuve. En effet, leur tâche n’était pas de juger et de sanctionner une faute commise, mais d’apprécier le citoyen afin de lui assigner son rang et éventuellement de le dégrader dans la hiérarchie civique.
Notes de bas de page
1 Cf. Greenidge 1894, p. 53 ; Pommeray 1937, p. 33-39 ; Calderini 1941, p. 43 ; Suolahti 1963, p. 50 ; Cancelli 1960, p. 92 ; Pieri 1968, p. 113-122 ; Nicolet 1979a, p. 103 ; Astin 1988, p. 20 n. 25 et encore Wolf 2010, p. 495.
2 Bur 2017.
3 Garfinkel 1956.
4 Nicolet 1966-1974, 1, en particulier p. 48-103.
5 Mommsen 1889-1896, 4, p. 78 et 6/2, p. 80.
6 Nicolet 1966-1974, 1, p. 71.
7 Mommsen 1889-1896, 4, p. 49 suivi par Suolahti 1963, p. 37 et Hill 1952, p. 33. Belot 1866, p. 197 la place après la clôture du lustre ce qui est évidemment impossible.
8 Mommsen 1889-1896, 4, p. 48-49.
9 Ibid., p. 48 n. 4 d’après Liv. 29, 37, 5-8 et 43, 15, 6 – 16, 1.
10 Liv. 29, 37, 5-8.
11 Liv. 29, 37, 8-17. Cf. notices nos 50, 51 et 75.
12 Mommsen 1889-1896, 4, p. 48 n. 4 faisait déjà remarquer qu’il était impossible de placer la recognitio equitum après le lustrum condere. Il suppose donc que le récit est chronologique à l’exception de la précision sur la cérémonie de clôture du lustre, posture difficile.
13 Mommsen 1889-1896 ; Liv. 43, 16 et 44, 16.
14 Liv. 43, 16, 12-13.
15 Liv. 44, 16, 8. Cf. notice no 56.
16 Liv. 43, 14, 5-10 et 15, 7-8. Mommsen 1889-1896.
17 Cf. chap. 2.4.
18 Liv. 44, 16, 8 et 17, 1.
19 Pour contenter les publicains, P. Rutilius avait tenté de faire passer une loi obligeant à recommencer les adjudications, preuve qu’elles avaient été réalisées : Liv. 43, 16, 7.
20 Liv. 43, 14, 1-2.
21 Liv. 43, 16, 13.
22 Liv. 43, 16, 1-2. Cette allusion pourrait être un ajout visant à atténuer l’image de cupidité de l’ordre équestre qui se dégage de l’épisode.
23 Liv. 43, 15, 12.
24 Mommsen 1889-1896, p. 48 n. 4 refusait déjà d’assimiler transuectio et recognitio car il lui semblait impossible que les censeurs pussent dresser la liste des chevaliers en un peu plus de trois mois, d’avril à mi-juillet, date de la transuectio.
25 Kunkel – Wittmann 1995, p. 424.
26 Liv. 29, 37, 8-10.
27 Mommsen 1889-1896, 4, p. 48 avec la n. 1.
28 Gabba 1951, p. 171-173 et Appendice 1 p. 251-256. Voir déjà Belot 1866, p. 197-198 et Massa-Pairault 1995, p. 57. Cf. aussi Tibiletti 1950a, p. 222-224 qui a montré les liens entre le classement timocratique des colonies d’Italie du Sud, qui s’inspirait de Rome, et le rôle militaire.
29 Bur 2017.
30 Fest., p. 108 L. s. v. Lacus Lucrinus.
31 Ainsi, lorsque Antistius de Pyrgi fut privé de son cheval en 179, ce sont ses amis, venant très certainement de Pyrgi qui se récrièrent et qui s’inquiétèrent de la réaction du père d’Antistius et à travers lui du scandale à venir dans Pyrgi même (Cic., de Orat. 2, 287 ; cf. notice no 55).
32 Sur l’entrée dans les centuries équestres voir Nicolet 1966-1974, 1, p. 88-102.
33 Mommsen 1889-1896, 4, p. 36 et p. 78 n. 3. La source principale sur ce point est Plu., Pomp. 22.
34 Sur ce point, voir en particulier Massa-Pairault 1995, p. 36-47. Sur le temple des Dioscures, voir I. Nielsen, LTUR, 1, 1993, p. 242-245.
35 Le besoin pour l’ordre équestre de se donner en spectacle se constate également avec la pratique de la transuectio equitum, sorte de défilé militaire organisé chaque année aux ides de juillet : cf. Mommsen 1889-1896, 6/2, p. 89-90 ; Nicolet 1966-1974, 1, p. 70 en particulier n. 4 ; Massa-Pairault 1995, p. 58.
36 Mommsen 1889-1896, 4, p. 79.
37 Voir en particulier Liv. 29, 37, 8-10. Cf. notices nos 50-51.
38 Gell. 4, 20, 11. Cf. notice no 57.
39 Cic., Cluent. 134 et Val. Max. 4, 1, 10 cités ci-dessous. Cf. notice no 59.
40 Cic., de Orat. 2, 287 et Plu., Moralia 200 D-E. Cf. notices nos 55 et 61.
41 Liv. 29, 37, 8. Voir en particulier Nicolet 1966-1974, 1, p. 71.
42 Plu., Pomp. 22, 5-9.
43 Kunkel – Wittmann 1995, p. 435. Contra Suolahti 1963, p. 42 ; Humm 2005, p. 147 et 2010, p. 292.
44 Mommsen 1889-1896, 4, p. 79 ; Greenidge 1894, p. 94 ; Calderini 1941, p. 35 ; Hill 1952, p. 34 ; Suolahti 1963, p. 42 ; Nicolet 1966-1974, 1, p. 72-73 ; Kunkel – Wittmann 1995, p. 435 ; Humm 2005, p. 147 et 2010, p. 292-293.
45 Contra Hill 1952, p. 33.
46 Cf. notice no 59.
47 Mommsen 1889-1896, 4, p. 63-65 suivi par Greenidge 1894, p. 53 qui confond Scipion l’Africain et Scipion Émilien ; Calderini 1941, p. 43 ; Nicolet 1979a, p. 105. Belot 1866, p. 200 avait déjà tiré la même conclusion.
48 Tatum 1990, p. 35-36.
49 Belot 1866, p. 200 n. 1 considérait que la pratique antérieure au Principat, rapportée par Suet., Aug. 38, 3, consistait pour un accusateur à arrêter un chevalier durant la transuectio et correspondait à une accusation devant les censeurs. En réalité, E. Belot confond la transuectio, cérémonie annuelle, et la recognitio qui dépendait du census. Il est donc plus probable que le chevalier était arrêté pour être accusé en justice et non dans le cadre du regimen morum de l’ordre équestre.
50 Kunkel – Wittmann 1995, p. 436 en particulier n. 157 ; déjà Greenidge 1894, p. 52-53 supposait que lorsque les censeurs avaient une connaissance personnelle du méfait, ils pouvaient décider de se passer de ce qu’il considérait une « judicial procedure », mais ce cas de figure arrivait rarement selon lui.
51 Cic., Cluent. 134. Cf. notice no 64.
52 Plu., Moralia 200 E. Cf. notice no 61.
53 On peut ainsi comprendre les réclamations que les amis d’Antistius de Pyrgi adressent aux censeurs : Cic., de Orat. 2, 287 ; cf. notice no 55. Voir aussi Plu., CG 2, 8 : οὐ μὴν ἀλλὰ κατηγορίας αὐτῷ γενομένης ἐπὶ τῶν τιμητῶν, αἰτησάμενος λόγον (« Traduit pour ce motif devant les censeurs, il demanda la parole », trad. R. Flacelière et É. Chambry). Cf. notice no 62.
54 Nous avons exposé dans la notice (no 62) les raisons qui nous poussent à préférer le cadre du regimen morum pour le plaidoyer de C. Gracchus. Cela reste cependant une simple hypothèse et Nicolet 1966-1974, 1, p. 107 préfère situer l’interrogatoire durant la recognitio.
55 Liv. 24, 18, 3-4. Cf. notices nos 3 et 48. Mommsen 1889-1896, 4, p. 64 n. 3 rapporte également l’exemple de la défense de Caesar Vopiscus devant les censeurs, mais souligne que rien ne permet de le placer dans le cadre du regimen morum (Varr., Rust. 1, 7, 10 repris presque à l’identique par Plin., nat. 17, 32).
56 Mommsen 1889-1896, 4, p. 64 suivi par Greenidge 1894, p. 53 ; Calderini 1941, p. 43 ; Suolahti 1963, p. 50 ; Nicolet 1979a, p. 105.
57 Ainsi, dans le cas de Metellus et de ses complices (Liv. 24, 18, 2-9 ; cf. notices nos 3 et 48), c’était peut-être pour s’opposer, comme nous l’avons vu dans la notice, au défaitisme et au courant réclamant la paix que les censeurs obligèrent les citoyens convoqués à se défendre afin de remporter une victoire facile dans un débat déséquilibré. En outre, le blâme des censeurs pouvait se révéler un sondage pour connaître l’état d’esprit de la population. La censure fut donc l’occasion d’un débat truqué en quelque sorte permettant de convaincre les Romains de la nécessité de poursuivre la guerre et de faire de durs sacrifices.
58 Aucun des deux passages que nous allons étudier ne concerne explicitement un chevalier. Cependant, comme nous le verrons ci-dessous, il est très probable que les procédures du regimen morum des chevaliers et des citoyens aient été identiques ou du moins très proches, la première ayant vraisemblablement servi de modèle à la seconde.
59 Suet., Claud. 16, 5.
60 Mommsen 1889-1896, 4, p. 63 n. 3 et p. 64 avec la n. 4 suivi par Greenidge 1894, p. 53 ; Calderini 1941, p. 43 ; Suolahti 1963, p. 50 ; Nicolet 1979a, p. 105.
61 Suet., Claud. 16, 1. La dernière censure datait de 22 av. Cf. Suolahti 1963, p. 501-506.
62 Cf. chap. 6.2.
63 Kunkel – Wittmann 1995, p. 407.
64 Mommsen 1889-1896, 4, p. 64 avec la n. 4 : Gell. 4, 20, 8. Cf. notice no 77.
65 Mommsen 1889-1896, 4, p. 151-154.
66 En ce sens Kunkel – Wittmann 1995, p. 407.
67 Ibid., p. 407. Pour justifier de ce caractère sommaire, W. Kunkel met entre autres en avant la nécessité pour les censeurs de traiter vite leurs affaires. En ce sens aussi Clemente 2010, p. 53.
68 Arist., Ath. 49, 1-2.
69 Voir Frederiksen 1968 et 1984, p. 75 ; Nicolet 1966-1974, 1, p. 19 ; Humm 2005, p. 166-184.
70 Arist., Ath. 55, 4.
71 Mommsen 1889-1896, 4, p. 62-66.
72 Cic., de Orat. 2, 272. Cf. notice no 78.
73 Cic., Cluent. 126. Cf. notice no 79.
74 Gell. 4, 20, 2-6. Cf. notice no 76.
75 Liv. 24, 18, 7-9 (cf. notice no 73) et voir aussi la décision comparable des censeurs de 209 : Liv. 27, 11, 15 (cf. notice no 74).
76 Liv. 29, 37, 8-17. Cf. notice no 75.
77 Ps. Ascon., p. 189 St.
78 Madvig 1885 (1882), p. 130 ; Mommsen 1889-1896, 4, p. 53 ; Greenidge 1894, p. 105 ; Fraccaro 1956b, p. 129 et 1956a, p. 153-154 ; Schmähling 1938, p. 2 ; Calderini 1941, p. 37 ; Cancelli 1960, p. 89-90 ; Pieri 1968, p. 111-112 ; Bleicken 1975, p. 378-379 ; Polay 1971, p. 306 et 317 ; Astin 1988, p. 17 ; Baltrusch 1989, p. 24 ; J.-C. Richard, recension de Baltrusch 1989 dans Latomus, 1992, 51/3, p. 705 ; Kunkel – Wittmann 1995, p. 409 ; Humm 2010, p. 295-296.
79 Kunkel – Wittmann 1995, p. 409. Voir également Bur 2016.
80 Cic., Rep. 4, 6, frg. 4.
81 Cf ci-dessus. Mommsen 1889-1896, 4, p. 38 n. 3.
82 Contra Greenidge 1894, p. 63.
83 Cic., de Orat. 2, 287. Cf. notice no 55.
84 Entre autres : Madvig 1885 (1882), p. 130 ; Bleicken 1975, p. 385 ; Astin 1988, p. 18 ; Baltrusch 1989, p. 10-12 et 22-24 ; Kunkel – Wittmann 1995, p. 412.
85 Astin 1988, p. 18.
86 Cic., Rep. 4, 7, frg. 5.
87 Cf. chap. 4.6.
88 Plu., Moralia 280 E-F.
89 Astin 1988, p. 18, n. 20 donne à tort la référence D.H., Ant. Rom. 4, 15, 6 au lieu de 4, 24, 8 : καὶ μάλιστα μὲν τοὺς τιμητὰς ἀξιώσαιμ’ ἂν τούτου τοῦ μέρους προνοεῖν· εἰ δὲ μή <γε>, τοὺς ὑπάτους· δεῖ γὰρ ἀρχῆς τινος μεγάλης· οἳ τοὺς καθ’ ἕκαστον ἐνιαυτὸν ἐλευθέρους γινομένους ἐξετάσουσι, τίνες ὄντες καὶ διὰ τί καὶ πῶς ἠλευθερώθησαν, ὥσπερ γε τοὺς τῶν ἱππέων καὶ τοὺς τῶν βουλευτῶν βίους ἐξετάζουσιν (« Je voudrais que les censeurs, ou, à leur défaut, les consuls remédient à ce désordre, qui demande une autorité supérieure. Ils devraient examiner ceux qu’on affranchit tous les ans, et s’informer qui ils sont, d’où ils viennent, pour quelles raisons et de quelle manière on les a mis en liberté, de même qu’ils exercent leur censure sur les mœurs des sénateurs et des chevaliers », trad. E. Gros).
90 Bur 2017.
91 Astin 1988, p. 23.
92 Ibid., p. 19.
93 Gell. 4, 12, 1 et Plin., nat. 18, 11 plus allusif. Cf. Zanda 2011, p. 41.
94 Gell. 4, 20, 3.Cf. notice no 76.
95 Sur ces activités, voir le chap. 17.
96 La bataille de Pydna ayant eu lieu en 168 et la censure de Scipion Émilien en 142, il y eut des censures en 164, 159, 154 et 147 (cf. MRR, 1, p. 439, 445-446, 449 et 463 et Suolahti 1963, p. 376-393).
97 Cic., de Orat. 2, 272. Cf. notice no 78.
98 Astin 1988, p. 17 s’étonne que parmi les censeurs précédents figure Paul-Émile qui pouvait se souvenir de l’attitude du centurion à Pydna. Il en conclut que cela prouve le peu d’intérêt des censeurs pour le petit peuple. En réalité, ce cas illustre deux éléments cruciaux du regimen morum : le degré d’information et l’arbitraire des censeurs. Scipion pouvait avoir des informations sur le centurion que son père, chargé du commandement et plus éloigné de la vie concrète du camp, n’avait pas. Ce point n’est pas à exclure, mais il faut rappeler que les censeurs avaient à apprécier l’individu, et que leur estimation pouvait de ce fait différer radicalement à partir des mêmes faits et n’était en rien contrainte par les décisions de leurs prédécesseurs.
99 Suet., Claud. 16, 7. Il pourrait s’agir des employés des bureaux chargés d’inspecter les ordres supérieurs.
100 Liv. 24, 18, 7-9. Cf. notice no 73.
101 Liv. 39, 44, 2-3.
102 Varr., Ling. 6, 86.
103 Il faut peut-être rapprocher ces curatores des phylarques signalés par D.H., Ant. Rom. 4, 14, 2. Mommsen 1889-1896, 6/1, p. 212-214 en fait en quelque sorte les chefs de la tribu. Taylor 1960, p. 15 suit cette interprétation.
104 Kunkel – Wittmann 1995, p. 410 et 422 qui s’oppose à l’interprétation de Wiseman 1969, p. 60 d’en faire des procurateurs pour les citoyens absents. Pourtant, les deux fonctions ne sont pas contradictoires.
105 D.H., Ant. Rom. 2, 76, 1-2.
106 Kunkel – Wittmann 1995, p. 417.
107 Ainsi David 1992, p. 497.
108 On songe à la terreur d’Hispala Faecenia lorsqu’elle rencontre le consul Postumius (Liv. 39, 12, 2).
109 Voir Becker 1985 (1963), p. 147 sur la réserve des grandes villes.
110 Humm 2005, p. 438-439.
111 Kunkel – Wittmann 1995, p. 406-407.
112 Cic., Cluent. 126. Cf. notice no 79.
113 Liv. 24, 18, 7-9 et 27, 11, 15. Cf. notices nos 73-74.
114 Liv. 29, 37, 13-14 et Val. Max. 2, 9, 6. Cf. notice no 75.
115 Val. Max. 2, 9, 7 et Front., Strat. 4, 1, 22. Cf. notice no 46.
116 Liv. Perioch. 59, 8-9 ; Suet., Aug. 89, 5 ; Gell. 1, 6. Cf. Malcovati 1953, p. 108.
117 Plu., Cam. 2, 4 et Val. Max. 2, 9, 1.
118 Gell. 15, 11, 2 qui donne le texte de l’édit ; Suet., Rhet. 1 ; Tac., Dial. 35 ; Cic., de Orat. 3, 93 et Quint., Inst. 2, 4, 42. Voir surtout David 1979.
119 Baltrusch 1989, p. 25
120 Cic., de Orat. 2, 272. Cf. notice no 78.
121 Liv. 24, 18, 3-7. Cf. notices nos 47-48.
122 Cf. chap. 4.6.
123 Kunkel – Wittmann 1995, p. 407.
124 D.C. 38, 13, 2.
125 Ascon., p. 8 C.
126 Cic., Att. 4, 16, 8. Voir Clemente 2010, p. 67-68.
127 Voir la carte établie par David 1992, p. 44-45.
128 Todeschini 2015 (2007), p. 13.
129 Willems 1885, 12, p. 240 et Mommsen 1889-1896, 4, p. 103 n. 3 s’appuient sur la structure habituelle des récits liviens de censure. L’auteur rapporte toujours les mêmes informations, quand il en a connaissance, d’abord la clôture du lustre et le résultat du recensement, puis le nombre d’exclus du Sénat et la sévérité de la recognitio : Liv. 27, 11, 9-14 (a. 209) ; 29, 37, 1-14 (a. 204) ; 34, 44, 4-5 (a. 194) ; 39, 42, 5 – 44, 8 (a. 184) ; 40, 51, 1-8 (a. 179) ; 43, 14, 2 – 16, 1 (a. 169). D’ailleurs, dans le discours d’exhortation à la réconciliation entre les censeurs de 179, Q. Caecilius Metellus leur enjoint de s’accorder pour procéder à leurs différentes tâches toujours dans le même ordre : uno animo, uno consilio legatis senatum, equites recenseatis, agatis censum, lustrum condatis (Liv. 40, 46, 8).
130 Liv. 23, 23, 3-7. Cf. Mommsen 1889-1896, 4, p. 103 n. 2.
131 Ainsi Mommsen 1889-1896, 4, p. 106 suivi par Fraccaro 1956b, p. 130 ; Astin 1988, p. 18-19 ; Bleicken 1975, p. 378-379 ; Baltrusch 1989, p. 10.
132 Cf. chap. 2.2.
133 Par exemple en 102 à propos de l’exclusion de Glaucia (App., BC 1, 126) ou en 70 sur Popilius (Cic., Cluent. 132) : cf. notices nos 17 et 27. Tatum 1990, p. 38 le remarquait déjà.
134 Cic., Cluent. 141 et de Orat. 2, 220-226. F. Münzer, RE, 10/1, 1918, p. 971-972, no 50 ; voir David 1992, p. 705 avec la bibliographie.
135 Cic., de Orat. 2, 222.
136 Vell. 2, 10, 1. Cf. notice no 13.
137 Val. Max. 8, 1, damn. 7 ; App., Hisp. 358.
138 Liv. 29, 37, 8-17 (a. 203) et Val. Max. 2, 9, 6. Cf. notices nos 50-51.
139 Plu., CG 2, 7-9 et Gell. 15, 12. Cf. notice no 62.
140 Seule exception, en 183, lorsque Caton remplaça Scipion l’Africain, qui venait de mourir, par Flaccus comme princeps Senatus : Liv. 39, 52, 1-2 (cf. notice no 5). La mort du prince du Sénat, peut-être pour des raisons pratiques liées aux débats au sein du Sénat, pouvait justifier la réouverture de l’album.
141 Sur ce point déjà Kunkel – Wittmann 1995, p. 429.
142 Avant le plébiscite reddendorum equorum d’époque gracchienne, les sénateurs pouvaient cumuler cheval public et siège à la curie.
143 Le seul cas de blâme mentionné par Denys est celui de Rufinus en 275 qui est un topos (D.H., Ant. Rom. frg. 20 L Pittia).
144 Voir surtout Liv. 39, 42, 7 – 43, 5 et Plu., Cat. Ma. 17, 1-6 et Flam. 18, 4 – 19, 8. Cf. notice no 7.
145 Le récit de Plutarque est clair à ce propos : voir Plu., Cat. Ma. 17, 5 : Ἐκβληθέντος οὖν τοῦ Λευκίου τῆς βουλῆς ὑπὸ τοῦ Κάτωνος, ὁ ἀδελφὸς αὐτοῦ βαρέως φέρων ἐπὶ τὸν δῆμον κατέφυγε καὶ τὴν αἰτίαν ἐκέλευσεν εἰπεῖν τὸν Κάτωνα τῆς ἐκβολῆς (« Lucius ayant été chassé du Sénat par Caton, son frère, indigné, en appela au peuple et il somma Caton de déclarer la cause de l’expulsion », trad. R. Flacelière et E. Chambry), repris quasi à l’identique dans Flam. 19, 2. Cf. en particulier Carawan 1989-1990, p. 324-325.
146 Ainsi Tatum 1990, p. 39.
147 Liv. 39, 42, 6.
148 D’après les mots mêmes de Tite-Live qui affirme à la ligne suivante longe grauissima in L. Quinctium oratio est.
149 Gell 6, 22 et 17, 2, 19. Cf. notice no 54.
150 Notons qu’un peu plus loin (Liv. 39, 43, 1), Tite-Live laisse entendre qu’il aurait lu les fameux discours de Caton, versions remaniées pour Carawan 1989- 1990, p. 325-327 et authentiques pour Briscoe 2008, p. 359.
151 Liv. 39, 44, 9 ; T. Flamininus, pour se venger, souleva une opposition contre les actions de Caton : Plu., Cat. Ma. 19, 2-3.
152 L. Quinctius Flamininus, consulaire (Liv. 39, 42, 5-6 entre autres) ; P. Manlius ou A. Manlius Vulso, prétorien (Plu., Cat. Ma. 17, 7). Cf. notices nos 6 et 7. Cf. Fraccaro 1956c, p. 483-486 et Astin 1988, p. 28-29.
153 Ainsi Carawan 1989-1990, p. 323-324 et Kunkel – Wittmann 1995, p. 406 n. 46.
154 Déjà Willems 1885, 12, p. 235.
155 Pommeray 1937, p. 34 ; voir aussi Greenidge 1894, p. 54 ; Astin 1988, p. 23 et Kunkel – Wittmann 1995, p. 406-407.
156 Parmi eux nous connaissons Ti. Gutta et M’. Aquillius (Cic., Cluent. 127). Cf. notices nos 21 et 25.
157 Plu., Mar. 5, 5-6. Cf. notice no 15.
158 Plu., Cat. Ma. 17, 1-6 et Flam. 18, 4 – 19, 8. Cf. notice no 7.
159 Voir en particulier Plu., Flam. 19, 3-4. Les censeurs, personnages puissants et gratiosi, avaient un accès privilégié à l’information : lettres et conversations d’amis et de clients qui pouvaient se trouver sur place, être dans le consilium d’un magistrat ou promagistrat, servir comme légat…
160 Mommsen 1889-1896, 4, p. 64 n. 2 et 106. Tatum 1990, p. 35 est plus prudent et suppose que les censeurs pouvaient aussi agir de leur propre initiative.
161 Liv. 39, 42, 7.
162 Caton l’Ancien, In Lentulum apud censores, frg. 200 Malcovati = frg. 183 Cugusi (ap. Gell. 5, 13, 4).
163 L’hypothèse d’H. Malcovati de l’identifier avec P. Cornelius Lentulus Caudinus, le préteur de 203 est, de son propre aveu, bien fragile : cf. Malcovati 1953, p. 80-81.
164 Ainsi C. Aurelius Cotta, consul en 252, face à l’indiscipline de 400 chevaliers questus apud censores effecit, ut notarentur (Front., Strat. 4, 1, 22). Les magistrats eux-mêmes pouvaient donc réclamer l’intervention des censeurs. Cf. notice no 46.
165 Garfinkel 1956, p. 423.
166 Voir Pommeray 1937, p. 33.
167 Le cas du témoin bâilleur (Gell. 4, 20, 8-10 ; cf. notice no 77) semble plutôt avoir eu lieu en dehors du cadre du regimen morum, en rapport avec la mission économique des censeurs.
168 Notons toutefois que, s’il s’agissait bien d’un sénateur, le discours de Caton aurait pu être prononcé à l’occasion d’une contio tenue par les censeurs pour justifier leur décision face à des contestations à l’instar de ce que nous avons vu plus haut. Si la scène se passe après 184, les censeurs auraient alors fait appel à Caton pour parler en faveur du blâme puisque, depuis sa censure, il jouissait d’une immense autorité dans le domaine de la préservation des mores. Sur ce point, nous nous permettons de renvoyer à Bur Caton.
169 Cic., Cluent. 126. Sur ce point voir Clemente 2010, p. 54-55.
170 Willems 1885, 12, p. 235 ; Greenidge 1894, p. 79 ; Pommeray 1937, p. 29-30 et Kunkel – Wittmann 1995, p. 271 et p. 405-408.
171 Voir en particulier Greenidge 1894, p. 52 ; Pommeray 1937, p. 30. Citons entre autres : Liv. 4, 31, 5 ; Cic., Cluent. 119 ; Rep. 4, 7 frg. 5 et Off. 3, 111 ; Val. Max. 2, 9, 2 et 6.
172 Kunkel – Wittmann 1995, p. 407.
173 Cic., Sest. 55 et Off. 3, 111.
174 Cic., Cluent. 132. Cf. notice no 27.
175 Tatum 1990, p. 35 contra Mommsen 1889-1896, 4, p. 65-66 et Suolahti 1963, p. 50. Pour l’abrogation en 52 par Metellus Scipion : D.C. 40, 57, 1-3. Sur la réaction de Cicéron voir Clemente 2010, p. 56-58.
176 Ainsi déjà Calderini 1941, p. 43-44 qui en faisait la principale innovation. Contra Tatum 1990, p. 36.
177 Val. Max. 6, 2, 8.
178 F. Münzer, RE, 2A/1, 1921, col. 881-885, no 20 s. v. Scribonius ; J. Bartels, Neue Pauly, 11, 2001, col. 303-304, [I 7].
179 MRR, 2, p. 215 et Suolahti 1963, p. 477-483. 55 est la meilleure date possible avec 61 : en 64, la censure avait été interrompue brutalement à cause d’un conflit avec les tribuns ; en 65 les censeurs avaient également rapidement abdiqué ; et la censure de 70 est sans doute une date trop haute pour dire qu’Helvius Mancia, qui avait combattu durant la guerre Sociale, était arrivé à l’ultima senectus. Cf. Suolahti 1963, p. 464-477. En 55 cependant, Pompée était consul et on comprendrait alors la remarque de Valère Maxime à la fin du récit : Itaque eo tempore et fortissimum erat Cn. Pompeio maledicere, et tutissimum (« Ainsi à cette époque il fallait avoir du courage pour dire du mal de Cn. Pompée, mais c’était en toute sécurité », trad. R. Combès). Combès 1997, p. 235 optait déjà pour 55.
180 Tatum 1990, p. 42.
181 Ibid., p. 39.
182 Willems 1885, 12, p. 236-237 ; Mommsen 1889-1896, 4, p. 65-66 ; De Martino 1973b, p. 153 ; Nicolet 1979a, p. 81 ; Astin 1985, p. 187, mais dans 1988, p. 20 n. 25 il minimise la nouveauté ; Marshall 1985, p. 98 ; Kunkel – Wittmann 1995, p. 408 ; Lewis 2006, p. 203 et Clemente 2010, p. 56. Greenidge 1894, p. 47 considère que la loi aurait avant tout rendu les censeurs responsables de leurs actes durant le recensement.
183 Voir la 2e partie de l’ouvrage.
184 D.C. 37, 9, 4.
185 Greenidge 1894, p. 55 et Nicolet 1979a, p. 80. Sur les changements de la société romaine ayant conduit Clodius à proposer sa réforme, voir Clemente 2010, p. 62-68 et 2016, p. 495-497.
186 Astin 1985, p. 189 et Tatum 1990, p. 40-41.
187 Sur cette évolution, voir chap. 5.4.1.
188 Willems 1885, 12, p. 236 n. 3 et Nicolet 1979a, p. 81.
189 La source principale sur ce plébiscite est Cic., Rep. 4, 2. Voir Belot 1866, p. 213-214 qui pense que l’initiative venait de sénateurs qui n’avaient plus les moyens d’entretenir leur cheval public, ce qui est plus que douteux ; Mommsen 1889- 1896, 6/2, p. 104-106 ; Stein 1927, p. 1-4 ; Hill 1952, p. 15 et 105-106 et surtout Nicolet 1966-1974, 1, p. 103-111.
190 Nicolet 1966-1974, 1, p. 104.
191 Liv. 29, 37, 8-10.
192 Sur les cumuls de blâmes, voir chap. 4.3.2.
193 Tout le monde s’accorde sur sa rapidité : voir déjà Mommsen 1889-1896, 4, p. 106.
194 Fraccaro 1956c, p. 432 et Tatum 1990, p. 43.
195 C’était l’explication proposée par Fraccaro 1956c, p. 432 aux acerbae orationes, le « bisogno di suscitare clamore ».
196 Voir déjà Greenidge 1894, p. 79.
197 Arist., Ath. 55, 2-4.
198 Contra Nicolet 1979a, p. 105.
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