Chapitre 1. Aux origines de l’infamie arbitraire : la disciplina militaris
p. 19-55
Texte intégral
1La longue suite de victoires des Romains et leur obstination à refuser la défaite ont toujours étonné sinon suscité l’admiration. Depuis l’Antiquité, on considérait que c’était la terrible disciplina militaris des armées de la République qui avait permis cette fermeté et son corollaire, la conquête du monde méditerranéen1. Ainsi C. Nicolet, reprenant Polybe, reconnaissait que lorsqu’« une cité accepte sans murmurer une telle sévérité dans les contraintes collectives, elle mérite ses victoires »2.
2La honte comme contrôle social fut toujours très efficace dans les corps disciplinés, comme l’armée, où les attentes envers chacun des membres étaient fortes. Pour une plus grande efficacité, les éloges et les humiliations étaient fréquemment associés à des récompenses ou des punitions qui officialisaient et éventuellement pérennisaient l’honneur ou le déshonneur. Récompenses et punitions constituaient les deux aspects d’une même entreprise, la disciplina militaris3. Celle-ci désignait de manière assez générale la discipline telle que nous l’entendons aujourd’hui, mais aussi le savoir-faire des soldats, leur conduite et leur « dressage »4. Elle reposait avant tout sur l’obéissance absolue aux chefs5. Cependant, elle avait une portée plus large puisqu’elle « concern[ait] également toutes les mesures tendant à favoriser le bon accomplissement de la mission guerrière »6. La guerre fut, de tout temps, un lieu privilégié de distinction7. S’inscrivaient ainsi dans la disciplina militaris aussi bien les honneurs et les décorations récompensant les bons soldats que les punitions frappant ceux ayant enfreint les consignes ou s’étant mal comportés.
3Avec la mise en place de la phalange hoplitique à la fin du VIe siècle8, le soldat était enserré dans une formation compacte et comptait sur son voisin pour sa protection et le succès du combat. La sévérité de la discipline devint telle que Polybe constatait que « des hommes affrontent une mort certaine en faction, plutôt que de quitter leur poste devant un assaillant bien supérieur en nombre ; c’est qu’ils redoutent le châtiment qui s’y attache »9. L’historien grec, qui décrivait la situation contemporaine ou légèrement antérieure, attestait le maintien de cette rigueur alors que la phalange hoplitique n’était plus qu’un lointain souvenir. En effet, la légion manipulaire, qui l’avait remplacée au IVe siècle, n’avait pas bouleversé une discipline qui avait fait ses preuves et qui s’avérait nécessaire pour accomplir des manœuvres complexes10.
4En outre, la réforme tactique s’était accompagnée d’un profond remaniement de la levée qui concernait désormais une plus grande partie du corps civique rendant les récompenses et les punitions plus que jamais nécessaires11. L’image de sévérité légendaire de la disciplina militaris romaine, dont les supplices, à l’instar de la décimation, fascinent tant12, occulte le fait que les punitions humiliantes étaient également, et peut-être moins rarement, employées. Les anecdotes transmises par les sources biaisent notre regard sur la discipline romaine et renforcent son image féroce et presque inhumaine13.
1.1. Les motifs des punitions humiliantes
5L’examen des motifs des peines militaires infamantes constitue la meilleure piste pour appréhender ces dernières dans leur rôle et leurs modalités. Nous avons repéré neuf motifs principaux : perte des enseignes ; prise du camp ; défaite dans un combat ; capture ; lâcheté ; désobéissance ; mauvaise conduite ; négligence dans l’exercice des devoirs et tâches militaires (s’endormir pendant sa garde, mauvais état du matériel…) ; sédition (voir tabl. 1 et fig. 1).
6La défaite l’emporte de loin sur tous les autres motifs. Elle représente 10 des 38 motifs recensés, soit un peu plus du quart. Si nous regroupons les catégories ayant trait à une défaite ou à la lâcheté de manière générale, nous arrivons même au total de 23 motifs sur 38, soit quasiment les deux tiers. Ce résultat est à la fois prévisible et surprenant14. Si toutes les armées du monde sanctionnent les soldats vaincus, la réputation de grande sévérité de l’armée romaine laissait présager des châtiments plus durs. Il est encore plus étonnant que des punitions infamantes aient été utilisées contre un officier désobéissant et des officiers mutins15. Dans le second cas, celui des tribuns militaires congédiés ignominieusement pour leur conduite séditieuse peu avant Thapsus, César fit sûrement un choix politique, car il ne pouvait se permettre de décimer des soldats alors que la guerre civile venait d’éclater.
7Quant aux deux motifs restants, la négligence et la mauvaise conduite, ils sont représentés par des cas très divers. Toutefois, dans aucun exemple nous n’avons affaire à des délits au sens propre du terme ni à des fautes graves : ni vols, ni violences, ni non-accomplissement des devoirs. Les soldats furent blâmés parce qu’ils étaient de mauvais exemples16. Seules les causes des renvois ignominieux de 46 semblent avoir été relativement graves, mais, là encore, le contexte de guerre civile explique certainement l’indulgence dont fit preuve César17.
8Cette hétérogénéité prouve que les punitions infamantes n’étaient pas associées à certaines fautes selon une règle bien établie. Elles étaient décidées arbitrairement par le général, détenteur de l’imperium militiae, selon son caractère et, surtout, selon son évaluation de la situation. Cela est d’autant plus sûr que plusieurs des motifs donnant lieu à une peine humiliante étaient également présentés par Polybe comme méritant la bastonnade18.
9Les punitions humiliantes sanctionnaient les atteintes à une sorte de code de l’honneur du légionnaire, les refus flagrants d’industria et de uirtus, qui donnaient un mauvais exemple aux autres soldats.
10Si elles étaient souvent infligées dans un contexte difficile, jamais la guerre ne fut perdue à la suite des défaites pour lesquelles les sources conservèrent la trace de sanctions humiliantes. Parfois, elles étaient décidées après que tout danger fut écarté voire même après une victoire : en 458, Cincinnatus punit les soldats qu’il venait de sauver et, en 72, Lucullus sanctionna les fuyards qu’il avait réussi à arrêter et avec lesquels il avait finalement repoussé les troupes de Mithridate. Les peines infamantes intervenaient aussi lors d’une remise en ordre des troupes après des désastres récents : en 10 apr. J.-C., Tibère reprit en main les légions de Germanie ébranlées par la défaite de Varus et, en 14-16 apr. J.-C., Germanicus fit de même à la suite de leur révolte. Les punitions humiliantes paraissent avoir été appliquées lorsque la situation de l’armée était difficile, mais non désespérée et, généralement, alors que la guerre était encore en cours. En outre, bien qu’il faille se méfier des déformations des sources, les défaites subies par les soldats n’étaient, à l’exception des césariens face aux pompéiens en 48, jamais majeures et elles ne concernaient que rarement l’ensemble de la légion, mais plutôt quelques cohortes. Il s’agissait souvent de soldats vaincus dans des engagements mineurs aux faibles répercussions stratégiques, mais ayant parfois de fortes conséquences symboliques comme la perte des enseignes.
11En somme, les punitions infamantes intervenaient lorsque certains éléments de l’armée donnaient un mauvais exemple et menaçaient de miner le moral du reste de la troupe, rendant la suite de la campagne plus difficile, mais pas sans espoir. Les chefs rechignaient alors à employer des moyens extrêmes, comme la décimation, qui pouvaient avoir l’effet inverse à cause de leur brutalité même. Pour que la punition fût efficace, il fallait qu’elle fût acceptée par les hommes. Les récits montrent les soldats approuver les mesures prises à leur encontre19 et indiquent que les sanctions pouvaient être levées après que l’armée se fut rachetée20 ou qu’elle eut réclamé la clémence pour ses camarades punis21. Le châtiment était conçu principalement comme une incitation à laver l’honneur de l’armée. De la sorte, les punitions humiliantes permettaient, au contraire de la décimation, l’instauration d’un véritable dialogue entre le général et ses hommes et cet échange cristallisait la volonté d’effacer et de racheter la défaite.
1.2. Arbitraire du général et cérémonie humiliante
12L’examen des cas de punition infamante transmis par nos sources révèle qu’elles furent toutes décidées par le chef de l’armée en personne (dictateur, consul, proconsul, légat ou général aux pouvoirs extraordinaires) à l’exception des maîtres d’armes qui faisaient donner de l’orge aux soldats dont les progrès étaient insuffisants22. Jamais un tribun, un préfet, un centurion n’est dit avoir pris une telle mesure alors qu’ils avaient aussi pour tâche de faire respecter la disciplina militaris et disposaient d’une panoplie de châtiments (amende, privation et aggravation de service, peine corporelle et même peine de mort)23.
13L’imperium du général était au service de la disciplina militaris qui rassemblait les usages et les normes que les Romains jugeaient efficaces dans la conduite d’une guerre24. Le général avait toute autorité sur les citoyens devenus milites par un serment, y compris le pouvoir de les mettre à mort sans prouocatio jusqu’aux leges Porciae du début du IIe siècle25. Il était tout aussi libre d’infliger des punitions humiliantes et de dégrader ou renvoyer puisque « le droit de nomination et de révocation des officiers est étroitement lié à celui de former l’armée ; il en fait même véritablement partie »26. La disciplina militaris était le seul fondement des sanctions décidées par le général jusque sous l’Empire où se développèrent des réglementations quasi juridiques27. Ce droit de punir était tellement incontestable que, d’après nos sources, jamais punition ne fût considérée comme illégale28. En revanche, les prisonniers renvoyés par Pyrrhus furent dégradés sur décision du Sénat, car, jouissant du postliminium, ils n’étaient plus des milites, mais des citoyens, et par conséquent le général n’avait plus aucun pouvoir sur eux29.
14La nature particulière de l’imperium militiae et le fait que le fautif fût justement miles et non plus citoyen entraînaient de fortes différences entre la procédure pénale civile et la procédure pénale militaire. Les historiens sont unanimes pour décrire le procès militaire comme une instance expéditive où le général remplissait les rôles d’accusateur et de juge et où les considérations militaires primaient30. Les peines infamantes, quoique ne punissant pas des délits, étaient sans doute régies par des procédures identiques. En effet, dans aucun des cas répertoriés ne se tint un procès. En l’absence de jury, tout obéissait à la discrétion du général qui s’appuyait sur sa propre évaluation de la conduite du soldat. Jamais il ne se donnait la peine d’écouter la défense des soldats ni même celle des officiers. L’arbitraire de la procédure rend la question de la prise de connaissance d’autant plus capitale. Les rapports des officiers et des sous-officiers palliaient l’incapacité du chef d’armée d’observer directement l’attitude de chaque légionnaire31. En outre, le général pouvait aussi s’appuyer sur la réputation auprès des soldats à l’instar de Germanicus lorsqu’il reprit en main les légions de Germanie32.
15Après avoir réuni l’ensemble de l’armée et exposé ce qu’il reprochait aux fautifs, le général proclamait publiquement la sanction33. Cette manière de faire évoque, plus que le procès pénal, les cérémonies par lesquelles les généraux honoraient les soldats et leur attribuaient des récompenses34. Cette similarité entre les deux procédures rappelle que la disciplina militaris était maintenue par un juste équilibre entre punitions et récompenses35.
16Si, dans le cas de la remise des récompenses, le caractère public de la procédure – notamment le discours qui exposait les exploits – visait à maximiser l’honneur et la gloire du soldat36, il assurait au contraire, dans le cas des peines infamantes, l’humiliation et son corollaire, la stigmatisation37. Cette manière de faire était en effet la plus efficace pour élever ou dégrader statutairement, mais aussi symboliquement, un individu38. Parfois le général révélait aussi des faits ignorés du plus grand nombre ou surprenait par sa rigueur, signe qu’il jouissait d’une liberté totale dans l’appréciation des conduites au point qu’il se trouvait parfois en désaccord avec ses hommes39. Aussi, comme pour les honneurs, la punition résidait-elle tout autant dans la cérémonie humiliante par laquelle la peine était prononcée que dans la peine elle-même.
1.3. Le contenu des punitions infamantes
17Les punitions infamantes peuvent être regroupées en deux grandes catégories. La première vise simplement à stigmatiser les soldats fautifs, donc à les dégrader symboliquement. La seconde regroupe des sanctions qui modifient le rang du soldat dans l’armée, voire l’en excluent, et qui associent par conséquent humiliation et dégradation statutaire.
1.3.1. Les punitions humiliantes
18Parmi les punitions humiliantes les plus anciennes figure la substitution de l’orge au blé dans les rations données aux soldats. Cette mesure était prise à l’encontre de ceux qui n’avaient pas été désignés par le sort lors de la décimation, châtiment ancestral40. La punition ne résidait pas dans la moindre qualité de l’alimentation, mais dans l’humiliation qu’elle provoquait puisque « à Rome, l’alimentation est un langage de la “distinction”, qui sert à situer chacun dans le temps, l’espace, la société »41. Les Romains mangeaient du blé42 tandis qu’ils donnaient aux esclaves, aux gladiateurs et aux bêtes de l’orge43. Le général proclamait ainsi l’incapacité des soldats fautifs à remplir leur devoir44. Il les dégradait symboliquement de leur condition civique pour les placer au niveau d’une sous-humanité proche de l’animalité. Aussi les soldats romains étaient-ils fortement attachés à leur pain de blé, signe distinctif de leur qualité de miles, et rejetaient-ils l’orge qu’ils accablaient de défauts45. Bien qu’elle fût assez simple à mettre en œuvre et somme toute peu rigoureuse, cette mesure demeurait extraordinaire selon Polybe et devait d’autant plus frapper les esprits46. Elle durait plus ou moins longtemps selon la sévérité du général et dépendait souvent du temps mis par la troupe à laver le déshonneur47.
19L’expulsion du camp était aussi une punition très ancienne qui touchait les survivants à la décimation48. Toutefois, dès 302, elle apparaît séparée de la décimation pour punir des cohortes qui avaient perdu leurs enseignes49. Une vingtaine d’années plus tard, c’est également la sanction, associée aux rations d’orge, décidée par le Sénat contre les prisonniers rendus par Pyrrhus50. Elle est encore utilisée durant la première guerre punique51 ainsi que par Corbulon dans sa campagne d’Arménie en 58-5952. Sa permanence atteste l’efficacité que les Romains lui accordaient.
20Stigmatisation plus visible que les rations d’orge, l’exclusion du camp revêtait trois aspects principaux. Concrète d’abord puisqu’elle aggravait les conditions du service en privant de la protection du rempart, du confort de la tente53, et des moments de sociabilité. Pédagogique ensuite, car elle aguerrissait les soldats en les confrontant davantage aux dangers54. Cet objectif semble avoir été celui du Sénat lorsque, en 280, il interdit aux prisonniers de Pyrrhus de s’abriter derrière un éventuel retranchement hors du camp55. Symbolique enfin et surtout56, parce qu’elle représentait la déchéance du statut de miles et l’expulsion de la cité57. La punition s’arrêtait une fois que les soldats s’étaient rachetés – le sénatus-consulte de 280 réclamait les dépouilles de deux ennemis pour mettre un terme au châtiment – ou que le but était atteint aux yeux du général58. La longévité de cette punition s’explique sans doute par sa capacité à atteindre si complètement le soldat sans faire couler le sang.
21Le général désignait au reste de l’armée les hommes qui s’étaient mal conduits en les rabaissant publiquement et en leur niant la qualité de miles. Cette part de l’armée que l’on châtiait pouvait être plus ou moins importante. Dans la plupart des cas, seuls quelques individus étaient punis, notamment des centurions59, mais il arrivait aussi que le général infligeât un tel traitement à toute une unité60. Lorsqu’ils étaient peu nombreux, les soldats fautifs se tenaient debout, au milieu du camp, dans les principia ; lorsqu’ils dépassaient un certain nombre, ils accomplissaient des travaux dégradants61. La visibilité était indispensable à leur stigmatisation. Parlant de légionnaires qui creusaient ainsi un fossé, Plutarque précise qu’ils travaillaient « sous les yeux et la surveillance des autres soldats »62.
22D’autres modalités étaient plus humiliantes. Corbulon demanda à son licteur d’arracher les vêtements d’Aemilius Rufus, préfet de cavalerie, comme s’il s’apprêtait à le faire flageller63, avant de l’abandonner aux yeux de toute l’armée dans une nudité partielle qui signalait la perte de son statut64. Le plus souvent, le général ordonnait aux soldats punis de s’exposer en tunique, à la différence de leurs camarades toujours en armes. Le soldat exposé était alors discinctus, c’est-à-dire sans ceinture ni fourreau et donc désarmé65. Cette précision revient dans nos sources pour presque chaque cas d’exposition66. Tite-Live indique que les centurions punis par Marcellus en 209 tenaient leur épée dégainée67. Peut-être s’agissait-il ici de rendre la station debout plus pénible ? Toutefois, le désarmement n’était pas la cause principale de l’absence de ceinture. « Méfiez-vous de ce jeune homme mal ceinturé » aurait dit Sylla à propos de César68. La manière de porter la ceinture, et donc sa tunique, était révélatrice des mœurs69 au point que discinctus finit par désigner (moribus) dissolutus, neglegens, perditus70. Sans ceinture, la tunique tombait plus bas et était plus ample à la taille, comme celle des femmes71. Interdire la ceinture obligeait les soldats à nier leur uirtus, qualité propre à l’homme72. Cette tenue était aussi celle que les Romains portaient à l’intérieur de leur demeure73. Le général insistait ainsi sur la contradiction entre l’attitude et le statut de ses soldats. L’exposition leur déniait donc les vertus guerrières et les excluait symboliquement de l’armée74.
23Selon Valère Maxime, L. Calpurnius Piso, le consul de 133, aurait ordonné à C. Titius de porter une toge déchirée et d’être pieds nus75. Le piteux état de la toge, vêtement du citoyen, évoquait la réalité de sa valeur civique. Le consul le privait également d’un autre signe distinctif du miles, la caliga réglementaire, qui symbolisait l’endurance nécessaire aux longues marches76. Piso rendait enfin la station debout plus pénible, donnant une dimension physique au châtiment. C’était sans doute le même souci qui guidait Auguste lorsqu’il ordonnait aux soldats exposés de porter des briques tout le jour77. Rester debout aussi longtemps constituait un châtiment corporel déguisé78. Quant à la perche de dix pieds ou la motte de gazon qu’Auguste ordonnait aux soldats exposés de tenir79, comment ne pas voir une parodie de la hasta pura et de la corona obsidionalis ? Portant des caricatures de récompense80, ils paraissaient bien loin de mériter de tels honneurs.
24La durée de l’exposition, de quelques jours à toute la durée du service81, dépendait là aussi du bon vouloir du général. Cette punition semble avoir été utilisée de façon quasi continue de 209 av. J.-C. à 59 apr. J.-C. : elle apparaît pour la première fois en 209 contre des centurions de l’armée de Marcellus, puis en 133, sous Sylla, en 72, sous Auguste et en 58-59 lors de la campagne arménienne de Corbulon82. C’est le signe d’une certaine efficacité, et le terme νενομισμένη employé par Plutarque suggère qu’il s’agissait d’une punition traditionnelle83.
25Parmi les récits d’exposition, celui de C. Titius présente deux mesures supplémentaires : l’interdiction d’utiliser les bains collectifs et celle de nouer des liens avec ses camarades (Valère Maxime) ou de participer aux repas communs (Frontin)84. La stigmatisation n’était plus seulement symbolique, mais aussi concrète. Qu’il s’agisse des liens (conuictus) ou des repas communs (conuiuium), le résultat était le même85 : le soldat était écarté de la vie du camp. L’exclusion des bains publics y ajoutait la négation de la romanité du soldat. Ces deux punitions, qui sont un hapax, étaient-elles des formes aggravées d’exposition ou des punitions indépendantes ? Quelle que soit la réponse, l’exemple de C. Titius nous révèle qu’en termes de peines infamantes, les généraux laissaient parfois libre cours à leur imagination. Dans cet art de la disciplina militaris, leur inventivité était une qualité, et seules les punitions les plus courantes sont connues.
1.3.2. La dégradation et le renvoi
26La première forme de dégradation statutaire est le retrait du grade ou d’une position honorifique86. En 252, P. Aurelius Pecuniola fut déchu de son tribunat militaire et relégué dans l’infanterie87 ; des porte-enseignes furent cassés par César à l’été 4888 ; Auguste destitua un préfet de cavalerie89 ; en 10 apr. J.-C., Tibère dégrada un légat lors de la reprise en main des légions de Germanie90 ; Paccius Orfitus, commandant de garnison, apparaît comme primipile un peu plus loin dans le récit de Tacite, après avoir été réprimandé par Corbulon en 58-5991 ; et, enfin, Vespasien annula la promotion au rang de préfet d’un jeune homme à cause de sa conduite efféminée92. En outre, nous pouvons supposer que C. Titius et Aemilius Rufus, après avoir été exposés, le premier en 133 av. J.-C. et le second en 58-59 apr. J.-C., furent dégradés93. Il était en effet peu probable qu’ils conservassent leur grade d’officier après avoir été si durement humiliés et discrédités. G.R. Watson, puis S.E. Phang, affirment que la gradus deiectio ne fut employée régulièrement qu’à partir du moment où la carrière militaire fut constituée, c’est-à-dire avec la professionnalisation de l’armée sous l’Empire94. Toutefois, bien que nous n’ayons que deux cas sous la République, en 252 et en 48, cette peine devait être déjà régulièrement utilisée.
27Sous la République, à chaque dilectus, les soldats les plus méritants étaient choisis comme centurions, optiones et porte-enseignes95 tandis que les officiers des légions étaient recrutés parmi les membres de l’ordre équestre, eux-mêmes sélectionnés par les censeurs96. L’Empire maintint le mérite à côté de l’ancienneté parmi les critères de promotion97. Aussi ôter un grade revenait-il à nier les vertus et la légitimité à exercer le commandement. La gradus deiectio répondait en outre à une nécessité militaire. En confirmant leur réputation de lâcheté par le biais de la dégradation, le général manifestait sa volonté de donner à ses soldats des chefs qui leur montreraient le bon exemple tout en mettant ces derniers en garde. Loin d’être uniquement une sanction administrative brisant la carrière des ambitieux, la dégradation était une humiliation parce qu’elle accordait la position, en la rabaissant, à la valeur militaire. Il est donc très probable que cette punition fût aussi ancienne que l’armée civique et qu’elle fût plus fréquente que ne le laissent croire les sources98.
28Les trois seuls exemples de changement d’arme dans les sources datent de 280, 252 et 133 av. J.-C.99. Comme la dégradation, la militiae deiectio actualisait la faible valeur du soldat et lui attribuait une place correspondante dans l’armée. La honte était d’autant plus forte que l’écart entre le rang de départ et le rang d’arrivée était grand puisque l’enrôlement dépendait de critères censitaires et moraux100. Les centuries de la 5e classe fournissaient par exemple des frondeurs dont la fuite ou le manque de zèle au combat avaient finalement peu de conséquences. En faisant d’un cavalier un fantassin ou même un frondeur, le général officialisait sa piètre opinion du soldat.
29Les généraux recouraient parfois à des mesures collectives rabaissant l’ensemble de l’unité voire de l’armée. Ainsi une légion pouvait perdre le surnom honorifique dont elle bénéficiait comme celle à laquelle Agrippa ôta le titre d’Augusta en raison des difficultés rencontrées lors de sa campagne contre les Cantabres en 19101. Pire, la légion n’était parfois pas reconstituée après un désastre, le nom restant funeste et honteux102. En revanche, le Sénat contraignit Marcellus à utiliser les légions de Sicile de façon ignominieuse en les privant notamment de toute possibilité de récompense103. En les cantonnant dans un service dégradant, le Sénat souhaitait proclamer la faible valeur et le manque d’ardeur de ces soldats. La gravité d’une telle sanction explique sans doute que nous ne la rencontrions qu’en de très rares occasions.
30En dernier recours, le général pouvait renvoyer de l’armée104. Cette missio était qualifiée d’ignominiosa pour la distinguer des licenciements honorables105. Un soldat qui avait commis un delictum pouvait ainsi être congédié de l’armée à titre de peine. Pour s’assurer que le renvoi était humiliant et en préserver la mémoire, le général précisait le motif dans les registres (semper enim debet addere, cur miles mittatur écrivait Ulpien) et il le proclamait lors d’une contio.
31Les sources offrent plusieurs exemples de missio ignominiosa répartis de 132 av. J.-C. à 70 apr. J.-C. : en 132, Q. Fabius Maximus Eburnus fut contraint de quitter la province de Sicile pour avoir cédé une forteresse aux esclaves révoltés106 ; en 46, César chassa des soldats négligents puis des officiers lâches ou peu sérieux107 ; en 36, Marc Antoine congédia le légat d’une légion vaincue108 ; Auguste chassa Herennius109 ; en 14-16, Germanicus licencia des centurions ayant mauvaise réputation auprès de leurs hommes110 ; en 39, Caligula renvoya des légats qui s’étaient montrés trop lents à accomplir leur tâche111 ; enfin, en 70, Titus congédia un cavalier qui, fait prisonnier, avait réussi à s’échapper112. Le plus souvent, les généraux expulsaient un ou quelques individu(s) de l’armée, mais il pouvait arriver qu’une légion entière fût licenciée ou menacée de l’être113. Le soldat chassé de l’armée était méprisé par ses anciens camarades, mais aussi, et surtout par le reste de la communauté qu’il retrouvait. Toutefois, lorsqu’une légion entière était congédiée, le nombre atténuait la portée de l’humiliation.
32La missio était la mort militaire du soldat. Le général reconnaissait qu’il était impossible de réformer le mauvais soldat et qu’il était préférable de le renvoyer. Ce constat n’existait pas dans les autres punitions si bien que la missio était « la plus grave des peines morales »114. Avec la professionnalisation de l’armée, à la fin de la République et surtout sous le Principat, la missio devint un des derniers recours des généraux qui répugnaient désormais à employer la peine de mort contre des engagés volontaires. À l’humiliation s’ajoutaient les pertes financières dues à la fin prématurée du service.
33Les peines militaires infamantes consistaient en une dégradation soit seulement symbolique soit symbolique et statutaire à l’issue d’une cérémonie humiliante. Ces spectacles du déshonneur proclamaient le manque de courage ou de zèle du soldat et lui attribuaient parfois en sus des défauts contradictoires avec la vie militaire. À cette stigmatisation s’ajoutaient parfois la perte du grade, le changement d’arme, voire le renvoi ignominieux de l’armée. La procédure s’apparentait donc à des cérémonies de dégradation statuaire ou symbolique telles que les a analysées H. Garfinkel115. La punition dépendait surtout du statut des soldats sanctionnés et de leur nombre puisqu’il était difficile de changer d’armes une cohorte entière sans rompre l’équilibre tactique de la légion ou de maintenir un officier à son rang après l’avoir humilié devant ses hommes. En revanche, un simple soldat, qui devait désormais endurer le mépris de ses camarades, pouvait être maintenu à sa place puisque ces peines avaient généralement pour but d’inciter le fautif à se racheter.
1.4. Les fonctions des punitions
34Les peines militaires infamantes avaient certes un but afflictif, mais servaient surtout à exhorter, d’une part, le soldat fautif à se réformer et, d’autre part, le reste de la troupe à continuer à bien se conduire. La stigmatisation permettait la consolidation du groupe autour des valeurs militaires ainsi réaffirmées.
1.4.1. Quelles cibles ?
35Pour les 34 cas de peine militaire infamante connus, les fantassins constituaient un peu moins de la moitié des cas, tandis que les officiers en formaient un peu plus du tiers (tabl. 2). Naturellement, la gradus deiectio concernait surtout les officiers qui représentent cinq, et même six avec les sous-officiers, des sept cas de dégradation. Les fantassins sont les plus touchés par les punitions humiliantes avec 13 cas sur 20. Enfin, 6 des 9 renvois ignominieux concernent des officiers ou des sous-officiers, les trois cas restants se partageant entre des fantassins et un cavalier. Sans surprise, les punitions individuelles touchaient de préférence les cadres de l’armée et les punitions collectives les soldats.
36De manière générale, il y a presque autant de cas de simples fantassins punis (17) que d’officiers et de sous-officiers (18) : c’est bien l’ensemble de l’armée qui était concerné par la disciplina militaris même si les punitions différaient116. Par son équité, la disciplina militaris était acceptable malgré sa sévérité.
37Cette idée est confirmée par l’universalité de la peine d’exposition. Cette dernière fut appliquée à des soldats de tout grade : sur six cas connus, deux concernent des officiers, deux des sous-officiers et deux de simples fantassins. L’emploi de cette forme paroxystique d’humiliation contre n’importe quel militaire suggère que « soldiers were internally motivated by honor and shame, by the esteem of their peers and superiors »117. Comme l’armée romaine représentait un groupe inclusif par excellence, tout ce qui provoquait une stigmatisation en son sein s’y avérait particulièrement efficace. Bien sûr, les gradés et les cavaliers romains, qui avaient davantage à perdre, ressentaient plus vivement la dégradation.
1.4.2. Quels effets ?
38La fonction de la punition était moins de faire expier sa faute au soldat que de l’amender. Polybe soulignait déjà que punitions et récompenses avaient le même but : exhorter le soldat romain à accomplir son devoir avec le plus d’ardeur et de courage possibles118. La similarité des objectifs expliquait celle des procédures dans les cérémonies honorifiques et humiliantes. Le déshonneur infligé était, comme l’honos, un instrument de définition axiologique qui devait guider le soldat vers son rachat119. La stigmatisation, en l’atteignant dans son amour propre, abreuvé des idéaux d’endurance, de bravoure et de sacrifice120, encourageait le soldat à redoubler d’efforts afin de prouver que la dégradation était imméritée. La peine infamante s’appuyait donc sur l’idée d’une rédemption121 et les soldats eux-mêmes réclamaient parfois d’être punis, signe de leur « internalization of military habitus »122.
39Si nous trions les motifs des peines selon le type de punition, nous observons que la missio ignominiosa résultait dans la moitié des cas d’une conduite incompatible avec la vie militaire123. En revanche, sur 19 motifs de punitions humiliantes, 15 ont trait à la défaite. Ces punitions, souvent collectives, pouvaient facilement être levées, et encourageaient les soldats à laver l’affront en le leur rappelant quotidiennement124. Tout en humiliant le fautif, elles manifestaient l’espoir du général de les voir se racheter125.
40Par l’exclusion réelle ou symbolique et la stigmatisation des indignes, le général renforçait la solidarité et la cohésion du groupe, et proclamait la valeur de ceux qui avaient été épargnés par les sanctions. Le chef d’armée favorisait ainsi l’élaboration d’un esprit de corps, d’une confiance mutuelle entre le reste des hommes qui leur permettaient d’aller au combat. Le soldat stigmatisé prenait aussi conscience de la défiance de ses camarades à son égard et des dangers auxquels l’exposait son isolement, ce qui devait l’inciter à regagner l’estime des autres.
41Toutefois, la punition avait surtout une fonction protreptique pour le reste de l’armée, au même titre que l’honos126. La sanction, et notamment toutes les représentations qu’elle véhiculait à travers sa forme et ses modalités d’application, rappelait les valeurs militaires que chaque soldat devait adopter. En humiliant le mauvais soldat, le général faisait un exemple127. La rigueur de la punition dépendait sans doute de la menace que la faute du soldat faisait planer. Le châtiment devait intimider la légion et pour cela frapper immédiatement128. Les soldats, qui pouvaient s’identifier à leurs camarades punis, étaient détournés par un « habitus of obedience »129. La cérémonie humiliante et la punition contribuaient ainsi à unir l’armée autour des valeurs et des normes que le condamné avait transgressées130. Cela expliquerait pourquoi « la sévérité de la sanction n’était pas proportionnelle à la gravité de la faute, mais inversement proportionnelle au nombre des fautifs »131. En accablant les soldats fautifs, le général dédouanait les autres132, leur redonnait confiance et les rassemblait dans le rejet des indignes pour dépasser la défaite. Scipion Émilien n’agit pas autrement lorsqu’il reprit en main l’armée d’Espagne en échec devant Numance133. Dans cette perspective, officiers et sous-officiers, qui avaient un devoir d’exemplarité, étaient tout particulièrement surveillés134. C’est pourquoi Vespasien révoqua la nomination à une préfecture d’un jeune homme efféminé135. Responsable de ses hommes, le gradé était parfois sanctionné plus lourdement que ceux-ci136 : Suétone laisse entendre que les centurions étaient les victimes privilégiées des punitions infamantes décidées par Auguste137.
1.5. Un adoucissement au cours du temps ?
42À la fin de la République et au début de l’Empire, les Romains louaient déjà la sévérité de la disciplina militaris des ancêtres138. De leur aveu même, les punitions se seraient adoucies au fil des siècles. À partir de là, plusieurs historiens, en particulier S.E. Phang, conclurent à une évolution des peines militaires vers plus de souplesse, les punitions humiliantes se substituant aux peines corporelles et capitales, notamment la décimation, aux environs du IIIe siècle. Enfin, avec l’Empire et la professionnalisation de l’armée, les dégradations statutaires et les amendes auraient pris le dessus, même si, dans des situations critiques, les chefs revenaient parfois aux peines infamantes139.
1.5.1. L’origine des punitions infamantes
43Les rations d’orge et l’ordre de camper hors du retranchement étaient les peines qui frappaient les légionnaires épargnés par le sort lors d’une décimation140. Si, comme l’affirme S.E. Phang, ces punitions pouvaient être une « alternative » à la décimation, il n’est pas nécessaire de faire remonter leur apparition à la moyenne République141. L’humiliation est d’autant plus efficace que l’individu appartient à un groupe fortement intégré et que les normes et les valeurs de ce dernier s’appuient sur l’honneur. En outre, le passage à la phalange hoplitique puis à la légion manipulaire et l’augmentation des effectifs rendirent plus nécessaire la disciplina militaris. Ainsi, V. A. Maxfield ouvre son étude consacrée aux décorations militaires en rappelant que le premier exemple attesté date du milieu du Ve siècle142. Récompenses et châtiments étant étroitement imbriqués dans la disciplina militaris, il n’est pas invraisemblable de supposer qu’à la même époque, des punitions humiliantes étaient déjà employées. La première punition humiliante transmise par les sources, une privation de butin, date de 458. Cette sanction était l’inverse des premiers honneurs militaires qui consistaient en une part honorifique du butin, notamment les spolia de l’ennemi vaincu143. Rien ne prouve donc que les rations d’orge et l’interdiction de camper à l’abri du retranchement n’apparurent qu’avec la décimation et ne furent, comme peines indépendantes, qu’une commutation de celle-ci. Au contraire, il semble que ces mesures furent utilisées dès la mise en place de la disciplina.
44Nous ne pensons pas non plus que l’exposition se substitua aux châtiments corporels, pas même pour les aristocrates. S. E. Phang avance deux arguments pour étayer son hypothèse144. Selon elle, l’exposition serait issue de la décision du général de se contenter du déshabillage public qui précédait la flagellation145. Que la mise à nu du coupable sous les yeux de tous les soldats assemblés fût un préalable nécessaire au châtiment corporel et, par sa nature humiliante, fasse partie de la punition ne signifie pas que l’exposition ne fût pas employée de manière indépendante par les généraux. En outre, le sort de C. Titius, que S.E. Phang prend comme exemple, donne-t-il l’impression d’une réelle commutation ? Le préfet de cavalerie fut contraint de se tenir debout, dans une tenue honteuse, dans les principia, tout le jour, et ce jusqu’à la fin de son service146 ! Nul doute qu’une telle exposition mettait fin à tout espoir de carrière postérieure, politique ou militaire, et niait le statut élevé des condamnés dans la hiérarchie civique aussi sûrement qu’une flagellation. Il suffit de songer aux reproches qu’eut à souffrir le fils de Scipion l’Africain pour avoir été capturé lors de la guerre contre Antiochos III ou de l’énergie que mit le fils de Caton l’Ancien à récupérer son épée lors de la bataille de Pydna147. Enfin, les généraux n’attendirent pas la fin de la République pour se montrer moins rigoureux envers les aristocrates présents dans leur armée, justement parce qu’ils étaient conscients des conséquences de tout blâme. Frontin témoigne de la rareté des châtiments corporels contre les membres des grandes familles : qu’en 252, le consul Cotta osât faire battre un membre de la gens Valeria lui sembla si exceptionnel qu’il jugeât l’épisode digne d’être signalé sans autres fioritures148. D’ailleurs, dès 209, Marcellus eut recours à l’exposition pour punir de simples centurions149. La commutation est d’autant moins probable que nous nous trouvons en pleine deuxième guerre punique, période où les Romains firent preuve d’une grande sévérité. Il semble donc que dès l’origine de la disciplina militaris, les généraux avaient le choix entre différents types de punitions (pécuniaires, corporelles, capitales et infamantes) et répugnaient à en infliger à leurs pairs. Même si l’on suppose que les châtiments corporels et capitaux, jugés trop cruels à la fin de la République, reculèrent – peut-être à la suite des leges Porciae sur la prouocatio au camp150 – cela ne signifierait pas pour autant que les peines infamantes fussent apparues à cette époque, mais simplement qu’elles devinrent plus employées.
45Un passage de Suétone peut confirmer la grande ancienneté des peines infamantes si on identifie ce genre de punition aux animaduersiones et ignominiae remises en vigueur par Tibère151. L’inventaire des punitions humiliantes (tableau 2) indique que 14 punitions sur 33 attestées sont datées entre 458 et 72 ; 4 eurent lieu durant les guerres civiles ; et 15 sont d’époque impériale, de 31 av. J.-C. à 71 apr. J.-C.152. Un quart des cas seraient donc antérieurs au IIe siècle.
46Notons aussi que la décimation, décrite par Polybe au milieu du IIe siècle153, fut encore employée par Crassus dans la guerre contre Spartacus en 72154 ; par Marc Antoine en 44 et 36155 et même par Auguste en Illyrie en 34-33156. Cicéron et Octavien, en dénonçant la rigueur de Marc Antoine pour des raisons partisanes, innovaient sans doute157. En effet, les soldats de César eux-mêmes réclamèrent à deux reprises d’être décimés pour expier leur sédition, et ceux de Marc Antoine voulurent racheter de la même manière leurs échecs dans la campagne parthique. Malgré le caractère rhétorique de la demande, qui aboutit toutefois dans le cas de la répression de la mutinerie de Plaisance en 49 à des exécutions, le châtiment ne paraissait donc pas d’un autre âge158. Si Plutarque affirmait que Crassus, en 72, avait employé « un châtiment traditionnel tombé en désuétude »159, force est de constater que cette punition était au goût du jour dans les décennies qui suivirent. La décimation était considérée à l’époque impériale, où elle n’était plus guère utilisée160, comme un symbole de la disciplina militaris des ancêtres161. Il semble plutôt s’agir d’une véritable construction historiographique, élaborée probablement à la fin de la République et sous l’Empire, faisant de la décimation la punition par excellence contre les soldats rebelles ou lâches. Les exemples de la fin du Ier siècle av. J.-C. montrent cependant qu’elle était encore employée à une époque basse lorsque la crainte de voir leurs hommes déserter pouvait inciter les généraux à plus de clémence. Cicéron, dans un discours transmis par Appien, signalait la rareté de ce châtiment de tout temps162. Les généraux romains de l’Empire étaient nostalgiques d’une sévérité ancestrale, exagérée, comme souvent, par la tradition163. Plutarque était victime de cette image d’Épinal qui trompe encore des historiens modernes164. La décimation fut toujours exceptionnelle165, le dernier recours utilisé principalement contre des mutins et des légions qui avaient lâché pied honteusement166. Il se dégage donc ici également l’impression d’une certaine permanence des types de peine au moins jusqu’au début du Principat, malgré les changements provoqués par la conquête, sans doute parce que le général avait besoin de toute la palette pour choisir la plus adaptée.
47Les peines infamantes furent utilisées dès les origines de la disciplina militaris parce qu’elles convenaient mieux à certaines situations167. Elles sanctionnaient la défaite et le manque de zèle ou de bravoure dans l’accomplissement des devoirs militaires168. L’exhortation, au cœur des punitions humiliantes, était bien plus importante que l’aspect rétributif. L’efficacité de ces sanctions paraissait si grande qu’elles accompagnaient même la décimation (rations d’orge ; ordre de camper hors du retranchement) pour que les survivants n’oubliassent pas qu’eux aussi étaient fautifs et devaient se corriger. L’humiliation avait un avantage considérable sur les châtiments corporels : la durée. Les dégradations statutaires ou symboliques étiquetaient les coupables et ravivaient sans cesse le souvenir de leur déshonneur. La punition infamante n’était pas la commutation d’une peine corporelle, elle avait une fonction différente : offrir, à moindres frais, un exemple à l’armée. Les soldats punis constituaient de véritables épouvantails et, par leur visibilité, ils incitaient à se détourner des mauvaises conduites.
48La cruauté de l’ancienne disciplina militaris était une image savamment entretenue par la tradition, à la fois en harmonie avec la vision idéalisée des ancêtres, mais aussi parce qu’elle était fréquemment employée par les généraux pour légitimer leurs propres sanctions. En effet, la disciplina militaris, loin d’être un code exhaustif, était un art que les chefs devaient exercer au mieux pour guider leurs armées vers la victoire169. Ils disposaient de toute une gamme de punitions, parmi lesquelles les punitions infamantes, qu’ils enrichissaient parfois, mais dont les cadres avaient été posés de longue date. Ces punitions étaient, dès l’origine, des peines à part entière parce qu’elles avaient une efficacité réelle pour inciter les coupables à se corriger et le reste de l’armée à se détourner de leur mauvais exemple.
1.5.2. La professionnalisation de l’armée sous l’Empire et ses conséquences
49À partir de Marius, de profondes réformes donnèrent naissance à une armée de métier170. Cela impliquait de concilier le maintien des effectifs et le recrutement avec les exigences de discipline et d’efficacité171. Une des manifestations les plus visibles du nouveau statut des soldats fut l’apparition d’une sorte de « droit militaire » sous le Principat172. Désormais, certains aspects de la vie du soldat ne dépendaient plus uniquement du bon vouloir du général, mais des réglementations, y compris des points de disciplina militaris173. Ce développement traduit un changement des mentalités et la volonté impériale de mieux encadrer la vie militaire, d’en retirer l’arbitraire des armées de la République. Le souci d’adoucir les punitions militaires est identique. La nouvelle condition du légionnaire, sélectionné pour ses qualités, mais déraciné et astreint à une vie rude parfois dans des contrées inhospitalières174, ne pouvait être soumise à une disciplina militaris aussi féroce qu’autrefois sous peine de rebuter les jeunes Romains175. Les exécutions devinrent véritablement exceptionnelles176 tandis que les amendes, humiliations, dégradations et renvois furent plus habituels parce qu’ils avaient le mérite de ne pas ruiner l’investissement consenti à la formation du soldat et de ne pas effrayer les potentielles recrues. Les guerres civiles avaient favorisé un tel changement : les imperatores ne pouvaient pas prendre le risque d’être trop brutaux sous peine de voir les désertions se multiplier.
50Parallèlement, le système des récompenses se complexifia et se rigidifia en partie177, et sans doute en alla-t-il de même pour les punitions. Les généraux devinrent d’autant moins libres dans l’exercice de la disciplina, que l’empereur était désormais au-dessus d’eux. Avec la mise en place d’une véritable carrière militaire, les dégradations statutaires, gradus deiectio aussi bien que militiae deiectio, prirent un tour plus administratif178. La dégradation statutaire devint plus fréquente, car l’avancement, accroissant solde et pécule pour la retraite, était devenu la principale ambition des soldats. La missio ignominiosa remplaça avantageusement la peine capitale, privant le soldat du « plan d’épargne » que l’armée constituait pour sa retraite179. La crainte de perdre le fruit de ses efforts était suffisante pour exhorter les soldats à accomplir scrupuleusement leur devoir180.
51En revanche, le contexte des punitions humiliantes restait le même que sous la République : une situation difficile, souvent née d’une défaite, et nécessitant une réaction énergique du commandant pour remettre l’armée sur le chemin de la victoire en rétablissant la disciplina militaris. Nous avons l’exemple des dégradations décidées par Agrippa à la suite des difficultés rencontrées contre les Cantabres en 19 av. J.-C.181 ; la reprise en main des légions de Germanie par Tibère en 10 apr. J.-C., après la défaite de Varus, puis par Germanicus en 14-16, après leur révolte182 ; les renvois décidés par Caligula lors de son expédition en Germanie en 39183 ; surtout ceux de Corbulon dans sa difficile campagne pour la reconquête de l’Arménie en 58-59184 ; et enfin le renvoi d’un cavalier qui avait été capturé par les Juifs lors de la campagne de Titus en 71185. Ainsi, les punitions humiliantes, et tout particulièrement les seules dégradations symboliques, furent employées en temps de crise186. Puisque ces sanctions continuaient de jouer le même rôle que sous la République, il est faux de dire que les « shaming ceremonies were often replaced with formal demotion or dishonorable discharge »187. Certes les dégradations statutaires devinrent plus fréquentes, mais elles ne pouvaient pas obtenir le même effet sur le soldat et sur la légion que les dégradations symboliques. Aussi ces punitions purement humiliantes continuèrent-elles d’exister comme le signalent Suétone, Polyen et Végèce qui font état de leur application périodique188.
52Voir une évolution de la disciplina militaris vers plus de rationalité s’accorde avec l’apparition d’une armée professionnelle et se vérifie avec le développement du « droit militaire »189. Envisager un adoucissement de la disciplina militaris au fil des siècles consisterait cependant à tomber dans le piège tendu par la tradition qui idéalisait la sévérité des Ancêtres. Les punitions humiliantes sont utilisées par toutes les armées du monde ou presque parce qu’elles permettent, en s’en prenant à l’amour propre, de rétablir le moral des troupes et de transformer une armée de vaincus ou d’indisciplinés en une armée victorieuse. Elles sont efficaces parce qu’elles s’appuient sur la forte intégration des membres dans le groupe militaire où les valeurs d’honneur sont centrales et au cœur de la nouvelle identité du citoyen devenu miles. E. Flaig l’a bien mis en avant pour les légions de citoyens de l’armée professionnelle du Principat190. Celui qui refusait le sacrifice de soi pour la réussite ou la survie du groupe, but premier de la socialisation au sein de l’armée191, ne partageait pas le code de l’honneur commun et était à ce titre totalement déconsidéré. La punition humiliante confortait le sentiment de trahison des camarades, sanctionnait leur mépris et confirmait leurs valeurs, nécessaires à l’efficacité de l’armée192.
1.6. Les conséquences à long terme
53« Le ciuis est à la fois miles et quirite, tel Janus il a un double visage »193. Qu’arrivait-il au miles qui avait subi une peine infamante lorsqu’il redevenait quirite ? Un détour par la Sparte d’époque classique qui, à l’instar de Rome, demandait à ses citoyens de servir dans les phalanges d’hoplites et avait développé une idéologie guerrière du sacrifice patriotique s’avère ici instructif. Les soldats qui avaient lâché pied lors des combats étaient qualifiés de « trembleurs » (τρέσανται) et leur sort est décrit par Xénophon et Plutarque194. Les humiliations, comme se raser seulement la moitié de la barbe ou porter une tenue sale et d’une certaine couleur, rappellent les stigmatisations infligées aux soldats des légions romaines. Les « trembleurs » subissaient en outre différentes interdictions, celle de se marier (pour ne pas donner à la cité une progéniture aussi indigne que leur père ?) et celle de revêtir une magistrature. Néanmoins, comme l’indique leur participation aux jeux de balle et aux chœurs, ils restaient des citoyens bien qu’ils ne fussent plus des homoioi195. Ainsi, les Spartiates stigmatisaient fortement les lâches en temps de paix pour exhorter les citoyens à accepter la belle mort chantée par Tyrtée, plutôt que de fuir et de mettre en péril leurs camarades196. Platon recommandait lui aussi, dans Les Lois, que les lâches devinssent des sous-citoyens, frappés d’une amende proportionnelle à leur cens et astreints à une vie honteuse197. Aristote affirmait que c’était justement la crainte de la honte, ce que les Romains appelaient le pudor, qui empêchait les soldats-citoyens de fuir198. Pour les Grecs d’époque classique, la frontière entre vie civile et militaire devait donc être allégrement franchie pour punir le soldat-citoyen qui faisait preuve de lâcheté.
54Les Romains étaient informés de ce qui se passait dans les camps, même si leurs armées étaient éloignées de la Ville et retranchées du reste de la communauté par le serment tout le temps que durait la campagne. L’armée ne formait pas un monde à part, mais était une fraction de la cité provisoirement détachée de celle-ci pour remplir une mission guerrière. Les affaires militaires étaient débattues au Sénat. Nous avons plusieurs exemples où ce dernier se mêla des affaires de disciplina militaris : il recommanda des conditions de service ignominieuses pour les prisonniers rendus par Pyrrhus vers 280199 et pour les légions de Cannes durant la deuxième guerre punique200 ; il supprima la solde des chevaliers récalcitrants en 252201 ; il relégua M. Fulvius Nobilior en Espagne après qu’il eut licencié sa légion sans autorisation en 180202. En outre, Polybe affirmait que les décorations militaires étaient fièrement arborées par leurs titulaires à Rome, en différentes occasions de la vie civique203, et ce qui valait pour les honneurs valait peut-être aussi pour l’infamie. Ainsi, il était interdit au soldat qui survivait au fustuarium de regagner sa patrie, preuve que les peines militaires pouvaient annuler la citoyenneté204. Autrement dit, l’existimatio des soldats qui subissaient des peines infamantes s’amoindrissait aussi bien au camp qu’une fois redevenus quirites du fait des bavardages de leurs camarades. Herennius s’inquiétait ainsi de ce que son père allait dire après qu’il eut été renvoyé ignominieusement de l’armée205.
55Parfois, cette mauvaise réputation était officiellement confirmée par les censeurs qui convertissaient la moindre valeur militaire en moindre valeur civique. En 252, le consul Aurelius Cotta se plaignit auprès des censeurs pour que les chevaliers désobéissants fussent notés. Il fut entendu et 400 jeunes hommes furent exclus de l’ordre équestre206. En 209, dans un contexte certes particulier où les légions de Cannes servaient de boucs émissaires aux difficultés de Rome, les censeurs privèrent de leur cheval public les membres de l’ordre équestre appartenant à ces légions207. Valère Maxime et Frontin supposaient également que Q. Fulvius Flaccus, censeur en 174, avait exclu son frère du Sénat justement à cause de la démobilisation sans ordre d’une légion en 180208. Même si ces deux auteurs commettaient une confusion, un tel blâme leur paraissait possible. En 142, Scipion Émilien exclut également de l’ordre équestre un chevalier qui avait servi un gâteau de la forme de Carthage avant l’assaut contre cette ville209. Le même censeur changea de tribu un centurion à cause de sa conduite à Pydna210. Ces épisodes révèlent que les censeurs puisaient dans la conduite aux armées des motifs de dégradation211. Bien qu’aucune source n’en fasse état, P. Aurelius Pecuniola, C. Titius et son escadron, Q. Fabius et les centurions punis par Marcellus en 209 et par Sylla attirèrent probablement l’attention des censeurs. Parfois alertés par les généraux eux-mêmes, ils devaient prendre connaissance des punitions infligées dans les légions et évaluer en conséquence la dignité du citoyen. La bonne conduite dans les légions faisait partie intégrante des devoirs du citoyen et ces magistrats s’assuraient que chacun répondît aux attentes de la communauté. Le fait d’avoir été condamné à une peine infamante devait également avoir des conséquences lors des dilectus futurs. Cependant le témoignage des camarades et des généraux suffisait-il pour que les censeurs et les futurs commandants fussent prévenus contre certains citoyens ?
56À plusieurs occasions, notare désigne une punition militaire. Dans deux cas, il est certain que le verbe renvoie à une dégradation statutaire212, mais nous le retrouvons ailleurs où son sens est plus flou213. César écrivait à une époque où la censure n’avait pas encore disparu et son utilisation de notare doit être comprise dans ce contexte. Il renvoyait probablement à une procédure comparable à celle du regimen morum : inscription d’une dégradation dans les registres militaires du commandant. Par la suite, le terme acquit un sens plus général de « blâme officiel »214. L’emploi de ce verbe suggérerait qu’une notice y figurait, accolée aux noms des soldats punis par le général afin d’en garder la mémoire et sans doute le motif. Ce sont ces notae qui, après avoir été relevées par des appariteurs ou signalées par les généraux, étaient utilisées lors des cens ou des dilectus suivants. Sous l’Empire, les livrets militaires remplirent la même fonction215. Ils étaient consultés au moment de la démobilisation afin de vérifier que le soldat méritait l’honesta missio216. Consignée par une nota dans son livret, la mauvaise conduite suivait le soldat sa carrière durant et même au-delà. Les instances militaires ou politiques pouvaient utiliser cette information pour accorder le statut civique ou le rang du soldat dans l’armée avec la valeur de son comportement. De la sorte, elles prenaient acte de la mauvaise réputation du légionnaire du fait de sa lâcheté ou de sa négligence en le dégradant au sein de l’armée ou de la hiérarchie civique.
57Si les blâmes des censeurs constituent les seuls exemples de conséquences sur la vie civile pour la période républicaine, la missio ignominiosa s’accompagnait en revanche de dispositions qui faisaient du soldat démobilisé un infamis au sens strict du terme. Congédié ignominieusement de l’armée, le soldat était frappé de l’infamie prétorienne selon les termes mêmes de l’édit217. À cette restriction des capacités judiciaires, aux effets relativement lourds218, s’ajoutait l’interdiction de séjourner à Rome ou à proximité de l’empereur219. Ces dispositions prises par le préteur à une époque inconnue, au plus tard au Ier siècle apr. J.-C., alors que la missio ignominiosa était devenue la peine maximale la plus usitée, ne faisaient qu’inscrire dans la loi une situation existant depuis des siècles. Nul doute que le témoignage d’un citoyen, stigmatisé lors de son passage dans les légions, n’était déjà pas écouté sous la République220. On entrevoit la portée réelle de la peine militaire infamante qui venait menacer le statut civique du soldat sanctionné. Avec l’Empire, la mise à l’écart était même concrète avec la relégation. Même si la missio ignominiosa se substitua de plus en plus à la peine de mort, et qu’elle affectait le caput du soldat sans lui ôter la vie, ses effets sur la vie civile existaient déjà à l’époque républicaine comme pour d’autres peines infamantes, mais sans doute pas avec la même intensité. La Table d’Héraclée écartait ainsi les soldats congédiés ignominieusement du décurionat221. Les peines militaires infamantes, loin de se limiter au camp, amoindrissaient la dignitas du soldat et du citoyen qu’il était avec des conséquences sur sa vie civile. L’infamie prétorienne qui frappait les soldats congédiés avec ignominie n’est qu’une des manifestations supplémentaires du processus de juridicisation de l’infamie à une époque où le regimen morum ne s’exerçait plus à l’égard des simples citoyens. Si les soldats victimes des autres peines infamantes ne sont pas mentionnés dans l’Édit du préteur, ils devaient certainement en ressentir les effets dans la suite de leur carrière puis une fois démobilisés.
***
58Prononcées de manière arbitraire par les généraux après une cognitio sommaire devant l’armée rassemblée, les peines militaires infamantes servaient à intimider le reste de l’armée et à inciter les fautifs à se corriger. En cela, ces procédures de stigmatisation étaient des cérémonies publiques de dégradation telles que les a analysées H. Garfinkel222. En ce sens, les peines militaires infamantes rappellent fortement la procédure censoriale qu’elles inspirèrent peut-être.
Notes de bas de page
1 Plb. 1, 17, 11 ; Cic., Tusc. 1, 2 et Rep. 2, 30 ; Val. Max. 2, 7, 6 ; 2, 8, pr. et 6, 1, 11 ; Ps. Quint., Decl. 3, 14 ; Veget. 1, 1, 2.
2 Nicolet 1979a, p. 125.
3 Sur la question des décorations militaires voir Maxfield 1981.
4 A. Neumann, RE, Suppl. 10, 1965, col. 142 s. v. Disciplina militaris.
5 Giuffrè 1980, p. 243 ; Y. Le Bohec, Neue Pauly, 3, 1997, col. 690-692.
6 Vendrand-Voyer 1982, p. 262. Voir aussi Phang 2008, p. 1.
7 Lendon 1997, p. 243-245.
8 Cornell 1995, p. 183-186 ; Cosme 2007, p. 14-17.
9 Plb. 6, 37, 12 : καί τινες μὲν ἐν ταῖς ἐφεδρείαις προδήλως ἀπόλλυνται, πολλαπλασίων αὐτοῖς ἐπιγινομένων οὐ θέλοντες λιπεῖν τὴν τάξιν, δεδιότες τὴν οἰκείαν τιμωρίαν (trad. R. Weil et C. Nicolet).
10 Cosme 2007, p. 27-29.
11 Giuffrè 1980, p. 242.
12 Plb. 6, 37, 12.
13 Harmand 1967, p. 273. Voir aussi Watson 1969, p. 117-118 ; Nicolet 1979a, p. 145 ; Phang 2008, p. 111.
14 Phang 2008, p. 140.
15 Paccius Orfitus (Tac., Ann. 13, 36 et 15, 12, 2) cf. notice no 105 ; C. Avienus, A. Fonteius, C. Clusinas, T. Salienus et M. Tiro (Ps. Caes., Afr. 54). Cf. notices nos 109-113.
16 Suet., Tib. 19, 1, rapporte le cas d’un légat qui envoyait ses soldats chasser plutôt que d’accomplir des tâches militaires ; Cal. 44, 1, de légats congédiés de manière excessive par Caligula parce qu’ils avaient été trop lents ; Vesp. 8, 4, d’un jeune homme à qui Vespasien révoqua la promotion au rang de préfet parce qu’il était trop efféminé ; et Front., Strat. 4, 1, 28, d’un légat qui avait mal équipé ses hommes. Selon Tac., Ann. 1, 44, 5, Germanicus renvoya ignominieusement des centurions trop cupides. Enfin, Veget. 1, 13, nous apprend qu’on donnait de l’orge aux soldats qui s’exerçaient mal à l’escrime. Cf. notices nos 104, 117, 106, 97, 116 et 99.
17 Ps. Caes., Afr. 46, 4 et 54.
18 Plb. 6, 36-37.
19 Liv. 27, 13, 9.
20 Front., Strat. 4, 1, 21 et 28 ; Veget. 1, 13.
21 Tac., Ann. 13, 36. L’exemple le plus célèbre d’échange entre les soldats et le général survint en 47 : lorsque, face à la grogne de ses soldats, César leur proposa de leur accorder leur missio, ils la refusèrent parce qu’ils la perçurent comme une missio ignominiosa, alors qu’elle ne l’était point puisque César leur promettait de leur verser les récompenses prévues (Front., Strat. 4, 5, 2 ; App., BC 2, 93 ; D.C. 42, 53, 1-4 et Polyen 8, 23, 15).
22 Veget. 1, 13.
23 Plb. 6, 36-39. Pour un résumé sur les différentes punitions, voir la synthèse souvent reprise de Marquardt 1891, p. 319-321 et Faure 2013, p. 44-48 pour l’époque des Sévères.
24 Mommsen 1889-1896, 1, p. 140 et 156-171 ; Andrieux 1927, p. 18-19 et 68 ; De Martino 1972, p. 419 ; Giuffrè 1980, p. 243 ; Phang 2008, p. 115-117 ; Sage 2008, p. 225-226.
25 Lovisi 1999, p. 166-170.
26 Mommsen 1889-1896, 1, p. 137.
27 Sur la naissance d’un « ius militare », voir Vendrand-Voyer 1982 ; 1983 et 1984.
28 Phang 2008, p. 115.
29 Val. Max. 2, 7, 15b et Eutr. 2, 13, 2. Cf. notice no 85.
30 Mommsen 1907, 1, p. 33 et 36-37 ; Andrieux 1927, p. 6-7 ; Sander 1960, p. 300 ; Brand 1968, p. 72 ; De Martino 1972, p. 419 ; Cosme 2007, p. 159-160 ; Phang 2008, p. 115 et surtout p. 150.
31 Lucullus put constater personnellement la fuite des soldats qu’il força à s’arrêter pour refaire face à l’ennemi (Plu., Luc. 15, 7). La perte des enseignes est également une preuve flagrante. Voir Maxfield 1981, p. 134-136 : les moyens d’informations du général pour savoir à qui décerner des récompenses étaient certainement comparables à ceux qui servaient à déterminer les mauvais soldats. Voir aussi Plb. 6, 22, 3 : « Le vélite porte en outre un casque sans aigrette ; il arrive qu’il le recouvre d’une peau de loup ou de quelque chose d’analogue, à la fois pour se protéger et comme signe distinctif qui permet aux officiers subalternes de bien voir si leurs hommes se battent vaillamment ou non au premier rang » (trad. R. Weil et C. Nicolet).
32 Tac., Ann. 1, 44, 5.
33 Caes., Civ. 3, 74, 1 ; Ps. Caes., Afr. 54 ; Liv. 3, 29, 1-2 (a. 458) et 27, 13, 9 (a. 209) ; Tac., Ann. 1, 44, 5.
34 Plb. 6, 39, 1-3. Maxfield 1981, p. 133 parle de « award-giving ceremonies ».
35 Plb. 6, 39, 11.
36 Jacotot 2013, p. 270-281 ; Macmullen 1984, p. 449 ; Lee 1996, p. 206.
37 La bastonnade, obligeant les camarades du fautif à le frapper, et la décimation, survenant après que le général avait exposé ses reproches aux soldats, peuvent aussi s’apparenter à des cérémonies publiques (Plb. 6, 37, 2-3 et 38, 2).
38 Garfinkel 1956.
39 Ainsi l’armée de Corbulon, en 58-59, le pria de lever les peines infamantes qu’il avait infligées aux soldats vaincus (Tac., Ann. 13, 36, 3).
40 Plb. 6, 38, 2-3. Pour un exemple voir Front., Strat. 4, 1, 37.
41 Dupont 1996, p. 199.
42 Ibid., p. 203 ; Braun 1995, p. 32-34.
43 Cato, Agr. 56 ; Plb. 6, 39, 13 ; Plin., nat. 18, 72 et 74 ; Col. 2, 9, 16 ; Ulpien D. 33.9.3.8.
44 Lendon 1997, p. 264.
45 Gal., De Alim. fac. 1, 11.
46 Plb. 6, 38, 4.
47 Ainsi Frontin affirme que les réfractaires au service débusqués lors du cens de 214 et relégués dans les légions de Sicile furent nourris d’orge pendant sept ans (Front., Strat. 4, 1, 25) tandis que les cohortes punies par Marcellus ne reçurent qu’une ration d’orge parce qu’elles se rachetèrent dès le lendemain (Plu., Marc. 25, 10).
48 Plb. 6, 38, 2-3.
49 Liv. 10, 4, 3-4. On pourrait penser que, puisque le dictateur rejoint l’armée qui lui a été confiée, il est naturel qu’il n’y trouve que ceux qui avaient survécu à la décimation parmi les cohortes fautives, donc ceux qui campent hors du retranchement. Cependant, il serait surprenant que Tite-Live passe sous silence la décimation, châtiment symbolisant la disciplina terrible des vieux Romains. Cf. notice no 84.
50 Val. Max. 2, 7, 15b. Cf. notice no 85.
51 Front., Strat. 4, 1, 19. Cf. notice no 86.
52 Front., Strat. 4, 1, 21 et Tac., Ann. 13, 36, 3. Cf. notices nos 96 et 98.
53 Val.-Max. 2, 7, 15b.
54 Front., Strat. 4, 1, 19.
55 Val.-Max. 2, 7, 15b.
56 Contra Parker 1923, p. 234 qui considère que le danger auquel étaient confrontés les soldats sanctionnés était primordial.
57 Helgeland 1978, p. 1493 ; Lee 1996, p. 203 ; Phang 2008, p. 142.
58 Val. Max. 2, 7, 15b et Eutr. 2, 13, 2 ; Tac., Ann. 13, 36, 3 précise que la punition ne fut levée que precibus uniuersi exercitus.
59 Liv. 27, 13, 9 ; Val. Max. 2, 7, 9 et Front., Strat. 4, 1, 26 et 28 ; Suet., Aug. 24, 5 et Polyen 8, 24, 3. Cf. notices nos 88, 89, 94 et 97.
60 Front., Strat. 4, 1, 27 ; Plu., Luc. 15, 7. Cf. notices nos 90 et 92.
61 Front., Strat. 4, 1, 43 ; Plu., Luc. 15, 7. Cf. notices nos 91-92.
62 Plu., Luc. 15, 7 : ἐφεστώτων καὶ θεωμένων τῶν ἄλλων στρατιωτῶν (trad. R. Flacelière et E. Chambry). Pour les soldats punis par C. Curio, Frontin indique in conspectu armati exercitus (Front., Strat. 4, 1, 43).
63 Cordier 2005, p. 169.
64 Ibid., p. 164 et Phang 2008, p. 140-141.
65 Ainsi, dans Ps. Caes., Bell. Hisp. 22, 7 par exemple, discinctus a le sens de « désarmé ». Voir aussi Front., Strat. 4, 1, 43 selon lequel la légion châtiée par C. Curio en 76 avait d’abord fauché la litière pour les chevaux en étant inermis.
66 Liv. 27, 13, 9 ; Val. Max. 2, 7, 9 ; Front., Strat. 4, 1, 26 et 27 ; 4, 1, 43 ; Plu., Luc. 15, 7 ; Suet., Aug. 24, 5 ; Polyen 8, 24, 3.
67 Liv. 27, 13, 9.
68 Suet., Iul. 45, 5 : ut male praecinctum puerum cauerent (trad. H. Ailloud). Rappelons aussi les critiques que subit Néron pour se présenter en public en tunique et sans ceinture (D.C. 63, 13, 3).
69 Dupont – Éloi 2001, p. 120-121 ; Davies 2005. L’importance de la manière de porter la tunique est le sujet de Gell. 6, 12 qui rapporte l’épisode de P. Sulpicius Galus (cf. notice no 60).
70 TLL, 5/1, col. 1316 s. v. Discingo.
71 Williams 1999, p. 129 et 146-148 ; Phang 2008, p. 142.
72 Hellegouarc’h 1963, p. 244.
73 Cic., Fam. 10, 32, 3.
74 Parker 1923, p. 237.
75 Val. Max. 2, 7, 9 et Front., Strat. 4, 1, 26. Cf. notice no 89.
76 Goldman 1994b, p. 122.
77 Polyen 8, 24, 3. Voir Parker 1923, p. 237.
78 Déjà Phang 2008, p. 141.
79 Suet., Aug. 24, 5.
80 Sur ces récompenses voir Maxfield 1981, p. 67-69 et p. 84-86.
81 Val. Max. 2, 7, 9 : per omne tempus militiae et Front., Strat. 4, 1, 28 : donec emitteretur.
82 Liv. 27, 13, 9 ; Val. Max. 2, 7, 9 ; Front., Strat. 4, 1, 26-28 ; Plu., Luc. 15, 7 ; Suet., Aug. 24, 4-5 ; Polyen 8, 24, 3. Cf. notices nos 87, 89, 90, 91, 92, 94 et 97.
83 Plu., Luc. 15, 7. Dans ce sens, Andrieux 1927, p. 52.
84 Val. Max. 2, 7, 9 et Front., Strat. 4, 1, 26. Cf. notice no 89.
85 Notons l’orthographe proche des deux mots. Frontin s’inspirait peut-être de Valère Maxime, à moins que tous les deux ne puisent dans une source commune puisqu’ils donnent les mêmes détails quant à la punition. Aussi est-il difficile de savoir si Frontin a mal lu Valère Maxime ou si c’est ce dernier qui a mal lu leur source commune ou bien s’il s’agit d’une erreur assez ancienne dans les manuscrits de Frontin puisque aucune version ne corrige conuiuium en conuictum. L’interdiction des repas communs serait plus cohérente avec l’interdiction des bains collectifs et moins difficile à mettre en place que l’interdiction de tout « lien » entre soldats.
86 Watson 1969, p. 124-125 ; Southern 2006, p. 147 ; Phang 2008, p. 143-144.
87 Val. Max. 2, 7, 4 et Front., Strat. 4, 1, 31. Cf. notice no 100.
88 Caes., Civ. 3, 74, 1. Cf. notice no 102.
89 Macr., Sat. 2, 4, 5. Cf. notice no 103.
90 Suet., Tib. 19, 1. Cf. notice no 104.
91 Tac., Ann. 13, 36 puis 15, 12, 2. Cf. notice no 105.
92 Suet., Vesp. 8, 4. Cf. notice no 106.
93 Val. Max. 2, 7, 9 ; Front., Strat. 4, 1, 28. Cf. notices nos 89 et 97.
94 Watson 1969, p. 124 ; Lendon 1997, p. 247 ; Phang 2008, p. 143.
95 Plb. 6, 24. Voir aussi le discours de Spurius Ligustinus : Liv. 42, 34, 5-12 (a. 171).
96 Voir les résultats de Suolahti 1955, p. 141-145, 175-179 et le tableau récapitulatif p. 298 ; Demougin 1988, p. 283-284.
97 Watson 1969, p. 86-88.
98 Tac., Hist. 1, 52, 1 et D.C. 54, 11, 5 vont dans le sens d’un usage courant de la dégradation. D’ailleurs, Tacite suggère que l’attribution des grades était un aspect important du maintien de la disciplina.
99 Val. Max. 2, 7, 15b et Eutr. 2, 13, 2 (cf. notice no 85) pour les prisonniers de Pyrrhus ; Val. Max. 2, 7, 4 et Front., Strat. 4, 1, 31 pour P. Aurelius Pecuniola (cf. notice no 100) ; Val. Max. 2, 7, 9 pour l’escadron de C. Titius (cf. notice no 101). Sur ce point, voir Watson 1969, p. 124-125 ; Southern 2006, p. 147 ; Phang 2008, p. 143-144.
100 Plb. 6, 21, 7. Cosme 2007, p. 20-22.
101 D.C. 54, 11, 5. En 76 av. J.-C., C. Curio dispersa une légion séditieuse et répartit les soldats dans les autres légions (Front., Strat. 4, 1, 43).
102 Il en fut ainsi des trois légions qui furent anéanties dans le désastre de Varus en 9 apr. J.-C. : voir Watson 1969, p. 121-122 et Phang 2008, p. 144-145.
103 Sur ce cas unique, voir Maxfield 1981, p. 128.
104 Watson 1969, p. 122-124 ; Phang 2008, p. 143-145.
105 Ulpien D. 3.2.2.2 et Macer D. 49.16.13.3.
106 Val. Max. 2, 7, 3. Notons qu’ici, le consul P. Rupilius ne chassa pas de l’armée, mais de la province parce que Q. Fabius était questeur et non officier : cf. MRR, 1, p. 498 (T. R. S. Broughton précise cependant que la questure n’est pas certaine). Cf. notice no 107.
107 Ps. Caes., Bell. Afr. 46, 4 et 54. Cf. notices nos 108-113.
108 Front., Strat. 4, 1, 37. Cf. notice no 114.
109 Quint., Inst. 6, 3, 64 et Macr., Sat. 2, 4, 6. Cf. notice no 115.
110 Tac., Ann. 1, 44, 5. Cf. notice no 116.
111 Suet., Cal. 44, 1. Cf. notice no 117.
112 Joseph., BJ 6, 362. Cf. notice no 118.
113 En 49, César menaça de licencier ignominieusement toute la IXe légion : Suet., Iul. 69, 2 ; et il fit de même, bien que le caractère ignominieux soit moins certain, avec la Xe légion qui se rebellait en appelant les soldats « Quirites » : Front., Strat. 4, 5, 2 ; App., BC 2, 93 ; D.C. 42, 53, 1-4 ; Polyen 8, 23, 15. Suet., Aug. 24, 2 rapporte également la dissolution de la Xe légion par Auguste pour insubordination. Cf. Watson 1969, p. 122.
114 Andrieux 1927, p. 51.
115 Garfinkel 1956.
116 Cf. Nicolet 1979a, p. 149 et Lee 1996, p. 204.
117 Phang 2008, p. 143.
118 Plb. 6, 39, 11. Cf. Maxfield 1981, p. 55.
119 Jacotot 2013, p. 394-402.
120 Phang 2008, p. 112.
121 Val. Max. 2, 7, 15b et Eutr. 2, 13, 2 sur les dispositions du Sénat contre les prisonniers rendus par Pyrrhus ; Liv. 27, 13, 9 et Plu., Marc. 25, 9-10 sur les soldats que Marcellus, en 209, incita à effacer la honte de leur défaite ; Front., Strat. 4, 1, 29 indique que l’ordre de camper hors du retranchement ne prendrait fin que lorsque redimerent ignominiam.
122 Phang 2008, p. 112.
123 Citons les exemples des tribuns militaires négligents renvoyés par César peu avant Thapsus, d’Herennius jugé trop adonné aux vices par Auguste, des centurions de Germanie chassés à cause de leur cupidité par Germanicus, des légats qui arrivèrent en retard au camp de Caligula. Cf. notices nos 109-113 et 115-117.
124 Contra Phang 2008, p. 140.
125 Phang 2008, p. 112-113. Platon affirmait déjà cela dans Les Lois, 944 D : Τὸν γὰρ κακὸν ἀεὶ δεῖ κολάζειν, ἵν’ ἀμείνων ᾖ, οὐ τὸν δυστυχῆ· οὐδὲν γὰρ πλέον (« il faut toujours punir le lâche, pour le corriger ; jamais le malheureux ; on n’y gagnerait rien », trad. A. Diès).
126 Jacotot 2013, p. 394-402.
127 Le récit du cavalier congédié ignominieusement par Titus présente un cas de sévérité du général qui, face aux difficultés rencontrées, devait se montrer intransigeant : Joseph., BJ 6, 362. Le cas du légat congédié par Tibère est similaire : l’intransigeance était nécessaire pour reprendre en main les légions de Germanie après le désastre de Varus (Suet., Tib. 19, 1).
128 Andrieux 1927, p. 54.
129 Phang 2008, p. 151.
130 Phang 2008, p. 140.
131 Ducat 2005, p. 215 à propos de l’atimie plus douce des soldats spartiates de Sphactérie par rapport à celle d’Aristodémos.
132 D’une certaine manière, les dégradations infligées à C. Titius et son escadron de cavalerie visaient à en faire les boucs émissaires des difficultés rencontrées par Calpurnius Piso dans la guerre contre de simples esclaves révoltés (Val. Max. 2, 7, 9 et Front., Strat. 4, 1, 26 ; cf. notices nos 89 et 101). César, en ne cassant que les porte-enseignes après une défaite face aux troupes de Pompée, semblait les rendre seuls responsables (Caes., Civ. 3, 74, 1). Corbulon fit de même en humiliant son préfet de cavalerie, Aemilius Rufus (Front., Strat. 4, 1, 28 ; cf. notice no 97). Lintott 1968, p. 42 voit un processus comparable dans la décimation qu’il interprète comme un rite de purification.
133 Val. Max. 2, 7, 1 et Front., Strat. 4, 1, 1
134 Ps. Quint., Decl. 3, 15 : Haec enim condicio superiorum est, ut, quicquid faciunt, praecipere uideantur, et perniciosissimus est malae rei maximus quisque auctor (« Car la condition de nos supérieurs est telle que, quoi qu’ils fassent, ils paraissent en donner l’exemple, et que plus l’auteur d’un méfait est gradé, plus l’influence qu’il exerce est pernicieuse », trad. C. Schneider).
135 Suet., Vesp. 8, 4. Cf. notice no 106.
136 Val. Max. 2, 7, 9 ; Liv. 27, 13, 9 ; Front., Strat. 4, 1, 37. Cf. notices nos 89 et 114.
137 Suet., Aug. 24, 5.
138 Watson 1969, p. 117 ; Phang 2008, p. 8.
139 Harmand 1967, p. 289 ; Watson 1969, p. 117-126 ; Lendon 1997, p. 248-249 et surtout Phang 2008, p. 112 et 140-151.
140 Voir Plb. 6, 38, 2-3.
141 Phang 2008, p. 142.
142 Maxfield 1981, p. 19.
143 Liv. 3, 29, 1-2. Maxfield 1981, p. 55-59 et en particulier p. 59.
144 Phang 2008, p. 140 et 141.
145 Phang 2008, p. 112.
146 Val. Max. 2, 7, 9 et Front., Strat. 4, 1, 26. Cf. notice no 89.
147 Sur le fils de Scipion l’Africain, Val. Max. 3, 5, 1 (cf. notice no 8). Pour le fils de Caton : Val. Max. 3, 2, 16 ; Front., Strat. 4, 5, 17 ; Plu., Aem. 21, 1-5 et Cat. Ma. 20, 10-11 ; Just. 33, 2, 1.
148 Front., Strat. 4, 1, 30.
149 Liv. 27, 13, 9.
150 Ces lois n’interdisaient pas ni n’empêchaient la mise à mort et les châtiments corporels – comme le montre Lovisi 1999, p. 208-217, qui insiste sur les moyens de tourner la prouocatio – mais témoignent d’une évolution des mentalités qui rendait ces punitions moins acceptables y compris pour des soldats.
151 Suet., Tib. 19, 1.
152 Voir le tableau récapitulatif 6.1.
153 Plb. 6, 38.
154 Plu., Crass. 10, 4 et App., BC 1, 550.
155 Pour 43 : App., BC 3, 178 ; 218 et 230. Pour 36 : Front., Strat. 4, 1, 37 et Plu., Ant. 39, 7 ; D.C. 49, 27, 1.
156 App., Ill. 76 et D.C. 49, 38, 4.
157 Cicéron était même de mauvaise foi puisqu’il considérait le fustuarium comme le châtiment légitime pour les soldats qui abandonnaient leur général : Cic., Phil. 3, 14.
158 Pour les épisodes césariens, il s’agit de la mutinerie de Plaisance en 49 : App., BC 2, 194 ; D.C. 41, 35, 5 ; et de l’échec devant Dyracchium en 48 : App., BC 2, 262. Suet., Iul. 68, 5 parle seulement de poena. Pour la campagne parthique d’Antoine : Plu., Ant. 44, 4.
159 Plu., Crass. 10, 4 : πάτριόν τι τοῦτο διὰ πολλῶν χρόνων κόλασμα τοῖς στρατιώταις ἐπαγαγών (trad. R. Flacelière et E. Chambry).
160 Parker 1923, p. 233-234 ; Watson 1969, p. 119-120 ; Lee 1996, p. 204 ; Y. Le Bohec, Neue Pauly, 3, 1997, col. 346 s. v. Decimatio ; Cosme 2007, p. 160 ; Phang 2008, p. 127-129.
161 Tac., Ann. 3, 21, 1.
162 App., BC 3, 218. Certes, le propos de Cicéron vise à présenter Antoine comme un général cruel ce qui le mène sans doute à forcer le propos. Néanmoins, qu’il pût affirmer que la décimation était une punition qui de tout temps avait été rarement infligée, est à nos yeux significatif.
163 Watson 1969, p. 117 ; Harmand 1967, p. 288 ; Phang 2008, p. 8-9.
164 O. Fiebiger, RE, 4/2, 1901, col. 2272 s. v. Decimatio ; Brand 1968, p. 106-107 ; et encore Cosme 1993, p. 67.
165 Ainsi Lintott 1968, p. 42 : « Fortunately, the mass fustuarium was fairly infrequent ».
166 Cicéron, dans le discours transmis par App., BC 3, 218, donne l’impression d’un châtiment rigoureusement encadré.
167 Watson 1969, p. 125.
168 Phang 2008, p. 140 reconnaît d’ailleurs qu’elles concernaient « especially soldiers guilty of cowardice ».
169 Voir la présentation que fait Suétone de la manière dont César exerça le commandement : Suet., Iul. 65 et 67.
170 Voir les deux synthèses récentes : Cosme 2007, p. 51-200 et Cadiou 2009.
171 Cf. Vendrand-Voyer 1983, p. 68-93 et Cosme 2007, p. 153-161.
172 Vendrand-Voyer 1982 ; 1983 et 1984.
173 Phang 2008, p. 131-139. La section 49.16 du Digeste rassemble plusieurs dispositions portant sur les châtiments contre les légionnaires. Toutefois, la plupart de celles-ci sont postérieures à la période que nous étudions.
174 Selon Vendrand-Voyer 1983, p. 95, c’est cette situation qui conduisit l’administration militaire à « prendre en charge les soldats, et chercher, par un rôle de prévoyance et d’assistance, à amoindrir les conséquences de cette rupture en organisant de véritables structures sociales ».
175 Watson 1969, p. 118 ; Phang 2008, p. 147-151.
176 Harmand 1967, p. 289 ; Sage 2008, p. 226.
177 Maxfield 1981, p. 63-66.
178 Watson 1969, p. 124 ; Lendon 1997, p. 247 et Phang 2008, p. 143.
179 Carrié 1992, p. 152-154 ; Cosme 2007, p. 171-175.
180 Watson 1969, p. 122 ; Giuffrè 1974, p. 242-249 et 250-263 ; Campbell 1984, p. 311 ; Vendrand-Voyer 1984, p. 13-14 ; Phang 2008, p. 144 ; Sage 2008, p. 226.
181 D.C. 54, 11, 5.
182 Suet., Tib. 19, 1 et Tac., Ann. 1, 44, 5.
183 Suet., Cal. 44, 1.
184 Front., Strat. 4, 1, 21 et 28 ; Tac., Ann. 13, 36 et 15, 12, 2.
185 Joseph., BJ 6, 362.
186 Southern 2006, p. 146.
187 Phang 2008, p. 143.
188 Suet., Aug. 24 ; Polyen 8, 24, 2 ; Veget. 1, 13.
189 Phang 2008, p. 147-151.
190 Flaig 1992, p. 132-138.
191 Ibid., p. 135.
192 Ibid., p. 136-142.
193 Vendrand-Voyer 1984, p. 12.
194 Xen., Lac. 9, 1-6 et Plu., Ages. 30, 2-4.
195 K.-W. Welwei, Neue Pauly, 12/1, 2002, col. 784 s. v. Tresantes et Lévy 2003, p. 48-49.
196 Récemment Ducat 2005, p. 205-216 a mis en doute l’existence même des « trembleurs ». Selon lui, il n’y aurait eu que deux exemples, Aristodémos en 480 et les prisonniers de Sphactérie en 425, que Xénophon, puis Plutarque à sa suite, auraient érigés en règle générale. Cette conclusion semble excessive. En effet, nous ne pensons pas que Xénophon ait pu être dupe à ce point, malgré sa partialité évidente, car nous retrouvons ce genre de mépris social à l’égard des lâches – le châtiment contre les « trembleurs » se limitait en grande partie à cela – dans de nombreuses autres sociétés.
197 Plat., Lg. 944 E – 945 A.
198 Arist., EN 1116b, 15-20.
199 Val. Max. 2, 7, 15b et Eutr. 2, 13, 2. Cf. notice no 85.
200 Front., Strat. 4, 1, 25. Cf. notice no 49.
201 Front., Strat. 4, 1, 22. Cf. notice no 46.
202 Liv. 40, 41, 7-11.
203 Plb. 6, 39, 6-10. Sur cette question, voir Maxfield 1981, p. 141-143.
204 Plb. 6, 37, 4.
205 Quint., Inst. 6, 3, 64 et Macr., Sat. 2, 4, 6. Cf. notice no 115.
206 Val. Max. 2, 9, 7 et Front., Strat. 4, 1, 22. Cf. notice no 46.
207 Liv. 27, 11, 14. Cf. notice no 49.
208 Val. Max. 2, 7, 5 et Front., Strat. 4, 1, 32. Cf. notice no 10.
209 Plu., Moralia 200 D-E. Cf. notice no 61.
210 Cic., de Orat. 2, 272. Cf. notice no 78.
211 Sur les motifs de blâme censorial, voir le chap. 5.
212 Caes., Civ. 3, 74, 1 et Suet., Tib. 19, 1.
213 Tac., Hist. 1, 52, 1 ; Suet., Vit. 8, 1 ; Gell. 16, 4, 5.
214 Cf. chap. 4.5.
215 Cosme 1993, p. 67-80.
216 Ibid., p. 72.
217 Julien D. 3.2.1 et Ulpien D. 3.2.2 pr.
218 Cf. chap. 16 et 19.1.
219 Ulpien D. 3.2.2.4 et Macer D. 49.16.13.3.
220 Sur l’importance de l’existimatio dans les procès, voir le chap. 9.1.
221 Tabula Heracleensis, l. 120-121.
222 Garfinkel 1956.
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