Dans les petits papiers du pouvoir. Abjurations huguenotes du temps de l’édit de Nemours (1585)
Résumés
L’article interroge la mise en œuvre de l’édit de Nemours (juillet 1585) dans la France des guerres de Religion. Après avoir établi que ses conséquences furent non négligeables, on s’interroge sur la manière dont il fut appliqué. Qui en furent les maîtres d’œuvre ? Quel savoir-faire fut mis en place pour traquer les faux convertis, contraindre les néophytes à tenir parole ? L’article aborde dans un dernier temps le problème du niveau d’adhésion, notamment aux formules eucharistiques catholiques qui étaient exigées des convertis.
The article questions the implementation of the Edict of Nemours (July 1585) in France under the Wars of Religion. Having established that its consequences were significant, questions are raised as to how it was applied. Who were the driving forces? What expertise was set up to track down false converts, forcing neophytes to keep their word? The article lastly discusses the problem of level of adhesion, in particular the Catholic Eucharistic formulas required of converts.
Entrées d’index
Mots-clés : France, XVIe siècle, abjuration, protestants, application de la loi, Henri III, bureaucratie, eucharistie
Keywords : France, 16th century, abjuration, Protestants, law enforcement, Henry III, bureaucracy, Eucharist
Texte intégral
« Bloody paperwork ! »
Harry Tuttle dans Brazil (Terry Gilliam, 1985)
1Les Foucauldes s’entêtèrent. La visite du roi en leur cachot n’y changea rien. Pas plus, la litanie des confesseurs, des grands et des curés qui se relayèrent en prison dans l’espoir de les convertir. Huguenotes, les deux sœurs Radegonde et Claude Foucauld refusèrent d’abjurer. Elles furent pendues puis brûlées, par sentence du parlement de Paris, le 28 juin 15881. Crespin rapporte que, l’une des sœurs ayant tenté d’arracher le crucifix de bois qu’on lui avait de force attaché au cou, elle fut précipitée au feu vivante, coupable d’avoir étonné la colère de la foule.
2On avait arrêté les Foucauldes en octobre 1587, en vertu de l’édit de Nemours (19 juillet 1585) qui prétendait interdire le protestantisme dans un royaume qui le tolérait depuis vingt-cinq ans2. Le monarque donnait six mois aux huguenots pour abjurer ou quitter le pays, puis dès octobre 1585 réduisait ce délai à 15 jours, prenant au piège d’une rigueur bureaucratique de nombreux réformés attardés au pays pour y solder leurs comptes avant d’émigrer. Radegonde Foucauld, 40 ans, veuve et mère de trois enfants, faisait le tour de ses créanciers lorsqu’elle fut dénoncée par son vigneron et jetée en prison pour « hérésie »3. L’affaire fit grand bruit : elle est rapportée par D’Aubigné, par De l’Estoile et par Jean de la Fosse. Non parce que l’anecdote est troublante ou édifiante, non par la violence qu’elle reflète – l’époque n’en est pas avare – mais parce qu’il y a alors bien longtemps que nul réformé n’est mort légalement sur le bucher4.
3L’édit de Nemours n’a pas marqué la mémoire collective. On lui préfère l’édit de Nantes, plus généreux (1598) ou l’édit de Fontainebleau, plus rigoureux (1685). Comme ce dernier pourtant, l’édit de Nemours revient sur les édits de pacification antérieurs pour en finir avec le protestantisme. Enregistré le 18 juillet 1585, le roi séant en parlement, il conclut d’interminables négociations de paix entre le monarque (par l’intermédiaire de sa mère) et les princes lorrains engagés dans la Ligue, qui s’étaient conclues par le traité de Nemours (7 juillet 1585). L’édit casse les résolutions prises avec la paix de Bergerac (1577) et entraîne le royaume dans une huitième guerre civile qui ne prendra vraiment fin qu’avec l’édit de Nantes (avril 1598). L’exercice du culte protestant, baptême compris, est interdit. Plus coupables que les autres, les ministres ont un mois pour quitter le royaume ; les simples fidèles, six mois pour abjurer ou s’exiler. Ceux qui choisissent de partir ne peuvent conserver de biens au royaume mais doivent les vendre. Les huguenots n’ont plus le droit d’occuper des offices royaux et les places fortes qui leur avaient été concédées doivent être rendues5. Les chambres mi-parties, qui jugeaient les affaires dans lesquelles des protestants étaient impliqués, sont abolies. Enfin, Henri de Navarre et Condé sont déclarés inaptes à la succession au trône.
4On peut donc s’étonner de cette météorite politique de l’histoire des guerres de Religion que constitue l’édit de Nemours, qui revient sur tous les édits de pacification antérieurs, rayant d’un coup de plume ce que la mère du roi, Catherine de Médicis, avait promu sa vie durant : la coexistence confessionnelle pacifique. Si les historiens ont disputé et débattent encore pour comprendre les intentions du roi d’après ce texte, on voudrait ici interroger le pouvoir davantage par les instruments qu’il choisit que par les ambitions qu’il affiche : comment l’édit fut-il appliqué ? Quels furent les moyens déployés par la Couronne et ses auxiliaires, après plus de vingt années de légalité du protestantisme, pour connaître, traquer, convertir ou expulser les réformés français, qui souvent avaient pignon sur rue ? Comment débusquer un « hérétique » ? Comment attester une identité religieuse ? Quels sont les savoirs et les savoir-faire de la conversion forcée au temps des guerres de Religion ?
L’édit de Nemours fut-il appliqué ?
5On voudrait, dans les pages qui suivent, faire le pari qu’il est possible de remonter aux intentions politiques en partant d’une étude des conséquences et de la mise en œuvre de la loi. Que le pouvoir doit se saisir par ses effets, ses procédures – le « comment » – autant que par ses ambitions – le « pourquoi ». C’est dire, en d’autres termes, qu’une politique se comprend mieux par les moyens qu’elle déploie que par les objectifs qu’elle affiche. Il s’agit donc de refuser de réduire l’édit de Nemours à une norme légale pour étudier plutôt un dispositif qui mêle des normes (c’est-à-dire des mots) et des instruments d’application : aussi bien des hommes (baillis, sénéchaux, sergents, commissaires mais aussi évêques, curés, officiaux, religieux, imprimeurs) que des formulaires (abjurations, procès-verbaux, certificats, etc.). Ici encore, les historiens s’affrontent sur la question de l’application du texte. Pour Robert Sauzet, « l’édit de Nemours et plus encore celui du 6 octobre sont pratiquement inapplicables et inappliqués »6. Au contraire, Nathanaël Weiss écrit un siècle plus tôt et soutient que cet édit ne « fut pas une simple menace » ; çà et là, « il fut plus que rigoureusement exécuté »7.
6Il n’est pas possible de tenir un mi-chemin entre ces deux propositions. Ce qui ressort avec force des archives, c’est la sévérité de l’application du texte. Les abjurations sont innombrables, les départs aussi. On en donnera quelques exemples, nécessairement impressionnistes. À Marseille, l’édit sonne le glas d’une communauté protestante à bout de souffle : de décembre 1585 à janvier 1586, quarante-cinq huguenots y abjurent8. Parmi eux, des « calvinistes de la première heure » dans la cité phocéenne9. Plus au Nord, l’official d’Aix ouvre un cahier flambant neuf pour y coucher ces nouvelles âmes : une première abjuration y est enregistrée dès le 30 juillet 1585 puis tout s’accélère entre octobre et décembre, quand le roi réduit les délais, avec 134 convertis en trois mois et 200 pour l’entière année 1585. Des huguenots se convertissent tous les mois entre juillet 1585 et avril 1586. Dans les périodes de pointe, on monte jusqu’à dix enregistrements par jour10. À Dijon, pour juillet et août 1585, on note trente-quatre certificats d’abjurations11 et à Saint-Lô, dans l’année 1585, on comptabilise plus de 300 abjurations12. À ces quantités qui, forcément, parlent à ceux qui doutent et attendent de voir ce que feront les autres, s’ajoute la « qualité ». Des très grands, fort notables, renoncent à leur foi et portent avec eux l’exemplaire aura de leur célébrité. C’est le cas de la chancelière de l’Hospital.
7Mais l’on peut saisir le problème par l’autre bout, et placer dans la lumière ceux qui refusent la conversion et doivent s’exiler ou affronter la justice. Il en est d’illustres : le sculpteur Barthélemy Prieur fuit à Sedan ; l’architecte Androuet du Cerceau quitte la cour ; Bernard Palissy finit ses jours à la Bastille pour n’avoir pas renoncé. Encore ces noms fameux ne doivent-ils pas masquer la liste des sans-grades qui, fort nombreux aussi, choisissent d’encourir les rigueurs de la loi plutôt que d’abandonner leur foi. À Orléans, le marchand protestant Jehan Vauvelles et Jehanne Jacquemain sa femme sont emprisonnés pour avoir refusé de se convertir, condamnés à des peines pécuniaires et d’amende honorable, encore confirmées au parlement de Paris (avril 1586)13. On est en mesure à Coutances, grâce à la conservation d’un document exceptionnel, de faire la part de ceux qui choisirent l’exil de ceux qui optèrent pour la loyauté monarchique, pour reprendre l’alternative posée par Albert O. Hirschman entre « exit » et « loyalty »14. Ainsi, si l’on suit les « rôles » adressés en novembre 1588 à Hervé de Longaunay, lieutenant du roi en Basse-Normandie, 423 protestants adultes, soit la plupart des huguenots coutançais « se sont reduictz en l’Eglise catholique, apostolique et romaine et ont faict profession de foi et abjuré leur erreur »15. Mais 184 ont refusé et 38 sont passés « aux îles », c’est-à-dire à Jersey et Guernesey16. Gare à ceux qui feignent un exil éphémère puis rentrent en catimini sans avoir abjuré : Christofle Manger, de Chantellou, « estant retourney et aprehendey pour ce qu’il ne s’est voullu reduire a esté battu de verges par trois jours de marché, la corde au coul, et bany à perpétuité et ses héritages confisqués »17. Nathanaël Weiss propose de généraliser, à partir du cas de Coutances, la proportion d’un tiers de huguenots « opiniâtres », pour deux tiers de « tièdes » – ce sont ses propres termes. Si une telle généralisation est abusive, tant sont inépuisables les déterminismes locaux, elle permet tout au moins de remettre en cause l’idée que l’édit de Nemours ne fut jamais appliqué.
8Le cas rouennais est sans doute le plus éloquent puisque, selon Philip Benedict, « la plupart des membres de la désormais modeste église réformée choisissent de partir en Angleterre ou en Zélande »18. Tous les jours, ils s’aventurent sur de petits bateaux qui les mènent outre Manche, malmenés par les flots mais certains que ces tribulations sont celles du peuple de Dieu. Et leurs embarcations, des arches de Noé huguenotes. À chaque fois que renaissent les persécutions dans le royaume, en 1562, 1568 et 1585, Rye, petit port du Sussex, voit se déverser sur ses plages ces Français indésirables. Les cas de migrations massives de communautés religieuses ne sont pas rares, même s’il faut se méfier des chroniques huguenotes qui glorifient ces refus collectifs de conversion : le protestant français Daval assure ainsi qu’à Dieppe,
presque toute l’Eglise passa en Angleterre avec les sieurs Cartault et de Licques, leurs pasteurs, où elle fut rassemblée à la Rye, lieu qui leur fut destiné par la Reine Elisabeth, princesse vraiment protectrice de la foi et des fidèles. Le peu qui restèrent à Dieppe dont il n’y avait que presque un de chaque maison pour la conservation de leurs biens, furent contraints d’aller à la messe et à hurler avec les loups19.
9La notation vaut qu’on s’y arrête : elle témoigne de stratégies intrafamiliales de divisions des tâches, les uns ayant à préserver la foi, les autres à protéger les biens. La conversion s’affirme ici comme stratégique, pour la « conservation des biens » et doit se penser dans l’articulation de refus familiaux plus larges dans lesquels les fils, les frères ou les cousins ont la charge de maintenir digne la flamme des consciences, en s’exilant ou en prenant les armes. Les épouses ont aussi un rôle à part dans ces stratégies : à Coutances, plus de quatre-vingt-dix femmes excluent d’aller à la messe20. Ne pouvant que difficilement s’exiler, ni prendre les armes, elles peuvent décider de rester sur place tout en refusant la conversion. Bien qu’elle refuse d’abjurer, Madame de Rohan se voit accorder un délai avant de quitter le royaume « pour sa grossesse et aultres malladies qui luy sont survenues », à charge qu’elle ne fera « aucun exercice de ladicte nouvelle oppinion »21. Des femmes, souvent avec l’accord de leur mari, souhaitent demeurer « sans bruit et en privé, l’instrument familial de la conservation des croyances et des pratiques protestantes »22.
10Ainsi, si les menaces économiques pèsent lourd dans la décision des hommes de se convertir, elles peuvent être moins déterminantes pour les femmes, comme en témoigne par exemple le baron de la Moussaye, petit noble breton :
voyant les choses ainsi confuses et selon l’apparence une ruine inevitable de ma famille et maison, qui n’avoit faute d’envieux, j’obey à l’edit du roy, faisant la profession. Quant à ma chere femme, comme elle estoit plein de pietté, de zelle et de crainte de Dieu, aussy persévéra-t-elle constamment jusques à la fin en la vraye religion23.
11La question mériterait une enquête en soi : on sait par exemple que le roi répond au sénéchal de Reims, qui l’interrogeait sur le protocole à tenir « pour les biens immeubles des femmes cathollicques desquelles les mariz font profession de ladicte nouvelle oppinion », que son intention est qu’elles puissent jouir de leurs biens24.
12À Guernesey, à partir de 1585, l’afflux de réfugiés français, notamment de pasteurs mais aussi de grands nobles (parmi lesquels Condé) donne un nouveau souffle à des églises naguère désertées. On rouvre à cette date un « livre des colloques » pour écrire l’histoire toute fraîche de cette communauté transplantée25. Les migrants sont si nombreux que les prix s’affolent et contraignent les habitants à demander aux réfugiés français de mieux se répartir dans les petits villages du pays26. Avec l’Angleterre et les Pays-Bas, Genève est une troisième zone d’accueil pour ces migrants de la foi : on y ouvre un nouveau « livre des habitants » pour recenser les immigrés huguenots27. On pourrait multiplier les exemples. Bien sûr, il faut garder en tête que là où les huguenots sont les plus forts, notamment dans le Sud du Royaume ou dans les villes qu’ils contrôlent, l’édit de Nemours n’est pas appliqué. Pire, les protestants prennent immédiatement les armes pour lutter contre le texte. Mais il n’est plus possible, au regard de la masse documentaire, de soutenir que l’édit de Nemours fut un coup d’épée dans l’eau. Il trancha dans le vif. Décapita le protestantisme français ou ce qu’il en restait treize ans après la Saint-Barthélemy. Il s’agit donc de se demander non pas s’il fut appliqué mais par quels moyens : comment connaître ceux qui, dans telle ville, dans tel village, dans telle rue, sont protestants ? Comment s’assurer qu’ils se convertissent, qu’ils persévèrent dans la « vraie foi » ? En d’autres termes, quels savoirs s’articulent à ce pouvoir répressif, quelle bureaucratie du croire se met en place pour assurer la mise en œuvre des désirs royaux ?
Sanctionner les récalcitrants
13Chronologiquement, la première mesure punitive à l’encontre des huguenots est la « saisie » de leurs armes. La deuxième est la confiscation des biens des « rebelles », c’est-à-dire de ceux qui ont pris les armes ou refusé d’abjurer. Les chevilles ouvrières de cette deuxième opération sont les baillis qui s’y activent à partir de novembre 1585, le roi leur demandant de lui expédier au plus tôt « les procès verbaulx des saisies [qu’ils auront] faictes des biens de ceulx qui se sont absantez pour le faict de la relligion ou qui continuent en la nouvelle oppinion sans s’absenter » et de lui « faire entendre le debvoir et advancement [qu’ils auront] donné à la vente de leurs meubles et baulx à ferme, de leurs immeubles, ensemble des oppositions qui ont esté formées »28. En avril 1587 encore, le roi réitère la sanction de « lèse majesté » contre tous ceux qui se sont élevés en armes pour s’opposer à l’édit et déclarent réunis à son domaine tous les biens des opposants29. La technique n’est pas nouvelle : déjà pendant la troisième guerre civile (1568-1570), les confiscations immobilières avaient été nombreuses. Depuis, pourtant, les huguenots avaient eu le temps de prospérer, dans la visibilité. Le bailli de Dreux fait ainsi, dès le mois de novembre 1585, saisir par des sergents royaux les biens de ceux qui s’étaient absentés ou abstenus d’aller abjurer. Des huissiers y besognent de novembre 1585 à juillet 1586 et sillonnent le bailliage. On peut s’arrêter sur un échantillon de leurs exploits : François Herbin, sergent royal à Dreux, est commissionné pour confisquer à Havelu, dans le canton d’Anet, les biens d’un certain François de Abra de Raconis. Le sergent rapporte ainsi avoir « saisy réellement et de faict et mis en la main du roy nostre sire et de justice ung lieu et maison consistant en chambres basses, chambres haultes, grenier dessus, cave, court, granches, estables et jardins […] avec cinquante cinq arpents de terre ou environ, labourables, avec les foings estans de present pendant par les prez, cens, rentes, droits seigneuriaux » (26 juillet 1586)30. Il en coûte à ceux qui se sont « absentés » pour faire la guerre au roi, ou ceux qu’on suspecte de l’avoir fait, la perte de toutes leurs richesses. Les sergents du bailliage de Dreux s’emparent des biens de quelque 242 familles. La Couronne agit aussi en utilisant son monopole sur la « fonction publique », c’est-à-dire sur les offices. On ne peut plus désormais être officier et protestant et rares sont ceux qui peuvent se permettre de se priver d’un tel capital.
14Il revient aux municipalités de réquisitionner les armes des protestants. Dès le 18 juillet 1585, Henri III écrit aux habitants catholiques de Giens que les armes des huguenots seront saisies et mises à l’hôtel de ville31. Double est la peine. Dépouillés de l’insigne honneur de faire « bonne garde » de leur cité, les réformés sont à la merci de leurs voisins catholiques mais aussi de tous les profiteurs de guerre, voleurs et soldats d’infortune. Pire, les protestants ont l’obligation d’envoyer un « homme cathollicque » à leur frais pour faire la garde à leur place32. Las, il faut quitter sa foi ou fuir la ville. La très catholique municipalité de Dijon s’y emploie avec zèle. La hantise que trahit cette recherche des armes est celle de l’ennemi intérieur. Dès le 30 octobre 1585, sur l’ordonnance du gouverneur Mayenne, l’échevin Edme Rappelet, aidé d’un enseigne et d’un sergent de la paroisse Saint-Pierre, perquisitionne une à une les maisons huguenotes pour y saisir les armes des « suspectz de la religion pretendue reformée, afin d’eviter qu’ilz ne s’aident desdictes armes contre la volunté du roy »33. Il ratisse large, n’hésitant pas à confisquer les armes de fidèles convertis au lendemain de la Saint-Barthélemy, soit douze ans auparavant. Nicolas Vacquetot a vu ses armes prises par l’échevin et s’en plaint au conseil de ville : il assure avoir abjuré des années auparavant. Même erreur pour Jean Richard qui certifie « ne faire aulcune profession que de la religion catholique apostolique et romaine depuis la Sainct Berthelemy mil cinq cens soixante et douze »34. En 1585, il faut en convenir, les listes ne sont plus à jour : les municipalités sont prises de court et, avec la paix qui dure presque sans relâche depuis 1577, elles ont relâché leur effort de surveillance sur leurs concitoyens protestants. Nicolas Vacquetot peut à bon droit demander à la mairie « d’ordonner que sesdicts harmes luy seront randues et estre mis au nombre des serviteurs fidelz et quatolicque de ladite ville et son château »35. Mais les listes traînent ; elles ont la mémoire longue et capricieuse. Quiconque y est couché, même par erreur, subit leurs tourments.
Gouverner par liste. La bureaucratie de l’édit de Nemours
15C’est l’évidence, la Couronne doit réunir des informations de meilleure qualité pour se lancer dans une politique efficace d’extirpation de l’hérésie. Avec la guerre, les besoins d’argent sont insatiables. Il faut se servir de la confiscation des biens des « rebelles » pour financer les dépenses militaires. Mais avant de s’emparer des meubles et des immeubles, il faut connaître les dissidents. Comment savoir qui a abjuré, qui est parti légalement, qui a quitté sa maison pour prendre les armes, qui ne s’est pas converti tout en restant pacifique – mais clandestin ? Il faut des listes à jour ; mobiliser des agents de terrain pour se constituer un savoir sur les convertis.
16On saisit bien ce lien entre désir de confiscation et volonté de savoir à travers un texte du roi, du 23 décembre 1585, dans lequel il revient en détail sur l’exécution de son édit. L’arme de sa politique sera la liste (les « roolles »). Il classe les protestants en « cinq chapitres » : « ceux qui portent les armes contre Sa Majesté » ; « ceux qui ont porté les armes » mais désirent désormais « se réduire en son obéissance et se convertir à la Religion Catholique » ; « ceux qui obéïssans à l’Edict se sont retirez hors du Royaume » ; « ceux qui ne sont point sortis hors de leurs maisons et ont faict declaration de vivre catholiquement » ; « ceux qui ont tousjours demeuré en leurs maisons et persistent en leur opinion sans faire abjuration et profession de foy »36. Fort de ces nouveaux cadres de collecte de données, le stock de savoirs sur les rebelles et les convertis grossit peu à peu, attaché à un désir de conversion authentique comme à une inextinguible soif d’argent. Sur le terrain, l’offensive s’affûte. Baillis et sénéchaux en sont les aiguilleurs. La lettre que reçoit le bailli de Lyon atteste le rôle des listes dans les politiques de conversion :
Mais à fin que nous puissions estre à la verité esclaircis et informez qui sont ceux qui se sont absentez hors nostredict Royaume, suyvant nosdicts edict et declaration, ceux qui se sont faicts catholiques et comme ils se compportent et ceux aussi qui sont eslevés en armes contre notre service et auctorité et les ont portées depuis la publication de nosdicts edicts et declaration, mesme dernierement avec nostredict cousin le Prince de Condé. À ceste cause, nous voulons et vous mandons qu’après vous estre bien et deuëment informez de chacune desdictes qualitez de personnes ayans leurs principales et ordinaires demeures en vostre ressort et jurisdiction, vous ayez à en faire roolles par chappitres, contenant leurs noms, surnoms, qualitez, paroisses de leursdictes demeures, pour incontinent après (v°) l’envoyer au gouverneur et nostre lieutenant general de la province37.
17Entre juillet et octobre 1585, on passe d’un édit de circonstance à une véritable volonté de savoir, d’enquêter, de classer, d’avoir des noms, des surnoms, des listes, des adresses, des gestes. En décembre 1585, le roi dicte au bailli de Blois un formulaire spécifique pour classer ses huguenots :
Faire ledit rolle par chappitre separez, contenant les noms et surnoms l’ung de ceulx qui se sont eslevez et portent les armes contre nostre service ; l’aultre de ceulx qui se sont reduictz et retournez à l’Eglise cathollicque, appostollicques et romaine ; le tiers de ceulx qui se sont retirez hors cestuy nostre royaume ; le quart de ceulx qui ne sont pointct sortiz de leurs maisons et ont faict declairation de vivre cathollicquement ; et le cinquieme de ceulx qui ne se sont poinct absantez et neantmoins n’ont faict profession de foy.
Pour ledict roolle ainsy faict l’envoyer au conseil par nous estably en la chambre de nostre tresor à Paris, pour l’execution des noz edict et declaration des mois de juillet et octobre dernier38.
18Alors, les baillis lancent sur le pays les yeux du roi. Quelques listes ici et là sont tombées de cette curiosité jusqu’à nous, répétant, fidèles, les critères royaux. Subodorons qu’il y en eut beaucoup d’autres. Les baillis et leurs hommes commencent par consulter les curés. Ceux-ci savent bien qui va à la messe et qui n’y va pas ; qui a fait mine d’y assister un dimanche puis ne s’est plus montré. Après tout, quel critère mieux affuté que la « pratique » pour distinguer fidèles et opiniâtres ? La politique royale de conversion demande peut-être moins de croire juste que de filer droit. Le bailli de Dreux expédie ses sergents chez les curés des paroisses de son ressort : qu’ils somment les prêtres de transmettre des listes ! Ces derniers-ci ont huit jours pour livrer au greffe du bailliage les « roolles » complets des protestants ayant abjuré, de ceux qui se sont « retirés hors du Royaume » ou sont revenus et de ceux qui se sont tout bonnement abstenus de faire abjuration. Le procès-verbal de Thomas Laurent, sergent royal au bailliage de Dreux, est exemplaire. On peut le lire au moment où il pénètre au domicile de Guillaume Regnault, curé de l’église Saint-Pierre d’Abondant, interrogé avec ses auxiliaires
Ausquelz parlant comme dessus, je leur ay faict commendement et injonction de porter ou envoyer en greffe du baillliage et conté de Dreux, dedans huictaine pour tout delay, certtificatz soubz leurs sings des noms, surnoms et quallitez des personnes demeurantz en leurs paroisses, lesquelz se seroient retirez hors du royaume pour l’execution de l’edict du mois de juillet mil cinq cens quatre vingtz et cinq, estant de la nouvelle opynion, et néanmoins sont depuis retournez en leurs maisons et demeures – ou de ceux lesquels ne se sont absentez ains demeurez en leurs maisons sans faire abjuration de lad. nouvelle oppynion, et profession de la Religion catholicque appostolicque et romayne entre les mains de son evesque diocessain ou son vicaire – et encore de ceux lesquelz en ont faict lesdictes abjurations et professions, n’ont neanmoings persisté et ne persistent en lad. religion catholique, appostolique et romaine.
19À deux pas, J. Duvivier, curé de Mezières en Drouais, s’applique avec zèle à la tâche. Il adresse au bailli les listes détaillées des « noms et surnoms et qualités des personnes demeurant en la parroisse de Messières des plus opiniastres de la nouvelle opinion, lesquelz n’ont obey à l’edict du roy ny faict abjuration de leurs faulses erreurs et opinions devant Monseigneur de Chartres ou son grand vicaire ». La minutie du « roolle » est pour l’époque étonnante. Quelques lignes tirées de la liste des « rebelles » suffisent à en faire montre : « Estienne Passavant, demeurant depuis ung mois ou deux à Esclusalle et sa femme, cordonnier, fort obstinés, tous lesquelz ont voulu demeurer rebelles et désobeissants », « La veuve Anthoine Guille dict Michauld, absente du pays »…39
20La mairie de Dijon, à la demande des officiers du bailliage, rédige aussi une minutieuse liste entre novembre et décembre 1585, distinguant « les noms et surnoms de ceulx qui se sont reduictz », les « Noms et surnoms de ceulx de la nouvelle religion pretendue reformée qui n’ont satisfaict à l’eedict et qui se sont absentez », les « noms et surnoms de ceux jugés par deliberation de la chambre du conseil de la ville de Dijon estre de la religion nouvelle pretendue reformée », enfin, les « noms et surnoms de ceulx […] ayant cy devans et dès longtemps abjurez ladicte religion nouvelle pretendue reformée »40. Les informations les plus détaillées sont réservées à ceux qui n’ont pas abjuré et sont soupçonnés par la mairie d’être huguenots : traîtres en puissance aux yeux de la mairie, l’enquête doit être à leur endroit des plus minutieuses. Parmi les informations collectées, on précise par exemple les « divisions familiales », c’est-à-dire les cas où les époux ne sont pas tous deux hérétiques41. Ainsi, à côté du nom de Henry de Montsanglot, estimé huguenot clandestin, une autre main a cru bon d’ajouter « sa femme non » ; à côté de Jehan Damorel, orfèvre, on a stipulé « sa femme non ». Dans cette liste, les professions sont établies, les adresses parfois mentionnées. Il s’agit de pouvoir localiser les traîtres en puissance et de les neutraliser au plus vite. C’est surtout vrai quand les individus concernés sont mal connus de la mairie et qu’il sera difficile de prendre appui sur le voisinage pour les retrouver. Ainsi les adresses sont d’autant plus précises que les identifications personnelles ne le sont pas : « ung nommé André, menuisier, demourant en la rue du marche au blé » ; « ung potier d’estain demourant à la vielle poissonnerie » ; « ung nommé François qui est menuisier demeurant au coing de la rue du cousté de la chapelle, tirant à la maison de belle. Sa femme non ». Par un mauvais tour de l’histoire, le peintre Evrard Bredin, auteur du premier plan de la ville de Dijon (1574) se trouve saisi dans les rets du regard cartographique municipal et classé parmi les huguenots exilés42. On trouve aussi des ratures, nombreuses, pour ceux qui, d’abord capturés par la liste, ont fini par abjurer. Le « roolle » se présente comme un work in progress, mêlant grande précision (adresses, professions, liens familiaux, comportements religieux) et grande confusion (rajouts d’une autre écriture, biffures, mentions marginales : « a abjuré », « hérétiques », « absent », « viendra faire la déclaration »).
21Faire semblant d’abjurer n’est pas assez. Encore faut-il persévérer. Les nouveaux convertis sont placés sous étroite surveillance, comme l’établit une seconde liste du curé de Mézières, pointant les « noms, surnoms et qualités de ceulx et celles qui ont été à Chartres quérir leur absoulte [absolution] mais n’ont continué ny persisté à l’Eglise sinon que cinq ou six dimanches l’ung quelques fois à la messe et non à vespres ny aux jours des festes accoustumées ». L’absolution, précieux sésame octroyé par l’évêque, n’est finalement qu’un formulaire, qui ne dit rien de la suite. Quand les religieux n’y suffisent pas, les voisins prennent le relais et ouvrent grand leurs yeux. Ils jouent les surveillants au plus près du quotidien des convertis, les oreilles aux aguets pour surprendre une mauvaise parole, une fausse excuse. À Amiens, les nouveaux catholiques sont placés sous la vigilance de « deux personnes de leur voisinage, chargées de rendre compte à l’autorité de leur conduite comme catholiques »43. Le roi exige que les huguenots de Lyon qui se « réduisent » à son obéissance « baillent caution et asseurance des Catholiques, assavoir les gentilzhommes de gentilhomme, et les autres d’autres qualitez de personnes […] qui respondront pour eux qu’ilz n’adhereront et ne feront directement ou indirectement aucune chose pour l’assistance desdicts de la nouvelle oppinion, au prejudice de nostredict service »44. On ne saurait mieux dire que la surveillance est foncièrement horizontale, panoptique ; elle requiert les yeux et les oreilles des habitants. Les sociétés d’orthodoxies sont des mondes de délateurs et d’espions.
22On le voit bien à Auteuil, où un lieutenant du prévôt de Paris mène une minutieuse enquête auprès des curés et des habitants de son ressort. On a conservé son procès-verbal45 :
Pour quoy faire, me suys enquis du curé dudict Autheul, ses vicaires et aultres habitants des lieux, qui m’ont dict que cy devant ilz ont cogneu ung nommé maistre Pierre de Machicot, advocat à présent demeurant audict Passy, paroisse dudict Autheul, avoir esté de la nouvelle religion pretendeue reformée. Mais qu’ilz scavent, comme je scais estre vray, que depuys le premier edict de Sadicte Majesté touchans ceulx de la prétandeue nouvelle religion, ledict Machicot, ses serviteurs et servantes, ont esté par troys divers jours à la messe en l’église dudit Autheul ; et ne se sont toutesfoys lesdictz Machicot et ses gens reconciliez, ne receu le corps de nostre Seigneur. Et sy il y a envyron troys sepmaines ou plus, que ledict Machicot ne ses gens n’ont esté à la messe, ne sait-on pourquoy, cy ce n’est pour ce que ledict Machicot est fort caducque, au moyen de l’aage qu’il a, ou pour ce qu’il a plusieurs ulcaires aux jambes ; mais que ce ne peuct empescher que les serviteurs et servantes dudcit Machicot ne vassent à la messe comme ilz ont commancé à y aller depuys ledict premier esdict de Sa Majesté.
23Grande est la curiosité des agents du roi. Grande est en retour la loquacité de ses sujets, même si, bien sûr, il ne faut pas exagérer le nombre de délateurs. Il y eut aussi beaucoup de catholiques qui ne dirent rien et ne firent rien. D’autres encore qui aidèrent les huguenots. Quoi qu’il en soit, à la rencontre des grandes oreilles et des grandes bouches, les jugements royaux se font pénétrants ; ils adhèrent aux détails sinueux du terrain, savent par exemple prendre en compte l’état de santé (la maladie) des hétérodoxes. Transformés en informateurs, les voisins endossent volontiers les habits du délateur. Le curé d’Auteuil et quelques habitants repèrent parmi les ouailles un autre mauvais paroissien qu’ils promettent à la gibecière du lieutenant :
Plus m’a esté dict par ledict curé, ses vicaires et plusieurs parrocians dudict lieu qu’il y a une ferme nommée la ferme de Bilancourt, qui est de la paroisse dudict Autheul, en laquelle demeure ung nommé Durlin et quelque autre train ; qu’ilz ne sçavent s’ilz sont de ladicte nouvelle religion pretandeue reformée, pour ce qu’ilz ne scavent comment ilz se gouvernent en icelle ferme qui est fort loing du village, et pour ne avoir jamais veu ledict Durlin en la paroisse ny aultres eglises. Aussi ilz scavent que en ladicte ferme il y a ung enffant qui peult estre aagé de huict ou neuf moys pour le moings et qu’il n’a encore receu le baptesme (20 octobre 1585).
24Si absolu qu’il s’imagine, le pouvoir royal ne peut croître ni conduire une politique d’ampleur sans les informations, concédées de bonne grâce par les voisins et les acteurs locaux, sollicités par les agents du roi ou incités par leurs propres curés. Les habitants devancent parfois les désirs du « haut » et se font dénonciateurs. On se souvient de Radegonde Foucauld, trahie par un vigneron. Dans tous les cas, l’expertise locale demeure irremplaçable pour traquer les mauvais fidèles. Le monarque a besoin de la contribution et des savoirs indigènes des proches pour tisser son autorité : sans eux, les mailles trop larges de ses filets ne remontent que les gros poissons, ceux que tout le monde connaît déjà comme protestants, les célébrités : les de l’Hospital, les Androuet du Cerceau… Mais pour le menu fretin, il faut des informateurs locaux : sans eux, on ne sait rien des enfants sans baptême, des fermes isolées, des paroissiens malades ni des simulateurs habiles. Sans eux, le roi ne sait mener une politique efficace de conversion. Bien sûr, il peut toujours décréter que les personnes correspondant à tel critère seront persécutées et mises hors de la communauté ; mais il reste dépendant des acteurs locaux pour connaître les particuliers qui répondent à ces critères, c’est-à-dire pour passer du niveau juridique – qu’est-ce qu’un hérétique ? – au niveau personnel – cette personne l’est-elle ? Qualification juridique de la réalité sociale et qualification sociale de la réalité juridique marchent main dans la main. Autrement dit, la traque des hérétiques et l’obligation de se convertir ne sont jamais imposées d’en haut sans collaboration de la base. Les compétences des voisins, des curés restent indispensables pour combler les lacunes des autorités centrales dans leur connaissance des contextes locaux.
25La guerre civile est par excellence le règne de la liste. Quand on ne croit plus ce que disent les gens, on s’en remet aux papiers, porteurs de la « moralité perdue » des personnes. Comme moment d’effondrement de la confiance et du « cela va de soi », la guerre civile implique de coucher les appartenances sur le papier, de caser les hommes dans des listes qui se souviendront à leur place et dispenseront de les croire sur parole. Parce que l’auto-déclaration de l’individu ne fait plus consensus, il faut multiplier les « exo-déclarations » qui, sur une feuille, lient un nom propre, un métier et une appartenance religieuse (« catholique », « hérétique », « converti », « relaps »…). L’exemple de Saint-Lô illustre bien le tournant paperassier de toute politique de conversion ambitieuse46 : les huguenots se présentent d’abord à Michel le Mennicier, lieutenant du bailli de Cotentin ; le greffier du bailliage dresse alors procès-verbal de leur résolution puis leur remet un « reçu ». Ceux qui désirent quitter le pays doivent ensuite se rendre auprès de M. de Longaunay, lieutenant du roi en Basse-Normandie qui leur délivre un « passeport », leur permettant de se retirer en toute sécurité hors du royaume47. Ceux qui à l’inverse souhaitent abjurer, après avoir signé le procès-verbal de leur déclaration, sont adressés à M. Thomas Halley, official de Saint-Lô pour y faire abjuration. Ils reçoivent de ses services une attestation à présenter en retour au bailliage, qui en fait mention dans son procès-verbal. On le constate derechef, dans ces allers-retours de formulaires, pouvoir politique et pouvoir religieux unissent leur bureaucratie (tant sur le plan des savoirs que sur celui des procédures) pour parvenir à la conversion des « hérétiques ».
26Dans leur façon d’interroger les curés ou les voisins, les baillis montrent que ce qui semble importer, a priori, c’est moins le croire que le faire. Mais cette réarticulation du visible et de l’invisible, cette mise en avant des appartenances explicites se fait-elle forcément au détriment d’une authenticité du croire ?
L’eucharistie au village
27Méfions-nous des sources, trop étroitement administratives, royales ou municipales. Elles disent rarement tout de ce qui s’est dit, faiblement tout ce qui s’est pensé. Revenons au cas des conversions dijonnaises. Après avoir étudié les « certificats d’abjuration » conservés à la mairie, Mack P. Holt a conclu à l’absence de « toutes références explicites à des doctrines, à des croyances et à la théologie catholique en particulier ». Pour lui, les magistrats qui exigent ces certificats semblent « se soucier beaucoup plus des actes scandaleux, de conduite séditieuse et de loyauté envers le roi et de menaces à l’ordre public que de déclarations explicites de foi ou de doctrine ». Sans sous-entendre que les croyances sont sans importance, Mack P. Holt avançait que les convertis peuvent « ne pas avoir été sincères en abjurant leur foi », notamment parce que ce qu’on leur demandait était surtout une obéissance extérieure mais ne touchait pas le fondement des croyances48.
28À l’évidence, les âmes des fidèles, plus encore leurs réticences mentales, leurs objections de conscience, sont aussi impénétrables que celle du roi. Qui s’avance dans l’analyse de la « sincérité » des conversions chemine en eaux troubles. On voudrait simplement ici poser une nuance : à rebours de certaines conversions hâtives des lendemains de la Saint-Barthélemy, où il s’agissait dans l’urgence de sauver sa vie en promettant une fidélité toute extérieure, avec l’édit de Nemours, les hommes ont du temps. Ils ont toujours le « choix » entre résistance, exil, dissimulation ou abjuration. Le contexte n’est plus aux violences physiques à l’encontre des hérétiques49. En revanche, par rapport à 1572, l’attention au contenu de la doctrine épousée s’est aiguisée.
29Les mésaventures de Guillaume Cuyer permettent d’aborder plusieurs points : les enquêtes de voisinage, les listes de coupables (et leur validité) mais aussi des questions relatives au contenu de la foi et à la sincérité des conversions. On croise pour la première fois ce marchand dijonnais au début du mois de novembre 1585, tandis qu’il adresse une plainte à la municipalité. L’échevin Edme Rappelet a, la veille, saisi ses armes, « jaçoit que sont plus de quinze ans qu’il a tousjours faict et continué, comme il faict encores à present, exercice de la religion catholique ». Cuyer sait que sa bonne volonté et ses déclarations seront insuffisantes. Il joint à son propos « une certiffication de son pere confesseur »50. On rencontre ce genre de certificat par dizaines dans les archives de la mairie : ils sont rédigés ad hoc par les curés, sur demande des intéressés, pour faire valoir auprès des autorités municipales, notamment parce qu’ils ont été inscrits (ou maintenus) par mégarde sur des registres infamants. Guillaume Cuyer propose même de prouver sa bonne foi « par tous les voysins et parrochiens qui l’ont veu et congneu en tel exercice et debvoir ». Aussi bien les voisins ne sont-ils pas seulement enrôlés par les autorités. Ils sont mis en avant par les habitants afin d’établir leur « bonne foi ». À l’heure des persécutions, le savoir indigène est seul capable de lier une personne et une assiduité dominicale. Or, en dernière instance, c’est toujours un visage qu’il s’agit de reconnaître en l’amarrant à un nom propre. Dans le quartier, le régime de l’interconnaissance peut donc à la fois sauver et condamner : parce qu’ils vous « connaissent », c’est-à-dire sont capables de vous reconnaître, les voisins sont ceux qui vous dénoncent mais aussi ceux qui peuvent vous sortir d’embarras.
30Si l’on fouille plus avant dans ce dossier dijonnais, millefeuille d’abjurations et de certificats divers, on finit par dénicher les « certificats » griffonnés par des prêtres en faveur de Guillaume Cuyer :
Je soubzigné moy, Claude Billocquart, prebstre de la parroiche Nostre Dame, certiffie avoir par plusieurs fois confessé honnorable homme Guillaume Cuier marchant demeurant au dessus de Bourt, parroiche Nostre Dame et ne rien trouvé en luy que tousjours que d’etre bon cretiens et bon catolique et en ay delivré ceste le penultiesme jour du mois d’octobre mil cinq cens quatre vingt et cinq. Billocard.
Je soubzsigné, prebstre vicaire en l’eglise paroichiale Nostre Dame de Dijon, certiffie avoir veu en ladicte eglise par plusieurs fois honorable homme Guillaume Cuier, marchand, assistant aulx baptesmes de ces enfants et aux obsec des trespassés en toute humilité, comme ung bon chrestien en toute humilité doibt faire et ne l’ay cogneu aultre. Faict le penultieme octobre 1585. Masson.
31Le premier certificat est sommaire, le second l’est moins. Pour établir la sincérité de sa conversion, Cuyer a mis en avant le baptême catholique de ses enfants, sa participation aux cérémonies ecclésiastiques mais aussi aux enterrements de ses voisins et parents catholiques. Deux curés en témoins de bonne moralité ! La mairie ne s’en satisfait pas. Elle diligente une enquête de voisinage, comme le « suspect » l’avait du reste suggéré. Un premier voisin est interrogé, le notaire Claude Valet, qui habite à quelques pas. Après avoir prêté serment, il confirme que depuis treize ans,
il a congneu et veu ledict Cuier marchant demeurant au dessus du grand bourg, lequel assistoit à ladicte église Nostre Dame quelque foys, aultrefoys à la Saincte chapelle et aux Jacobins ; l’a vehu estre present aux mariages de ses enfants, baptemes de ses enfants et obsesques d’aulcungs de sesdits enffants et de ses voisins et semblablement l’a veu a plusieurs et diverses foys especiallement et l’hors de Pasques […] en ladicte église Nostre Dame prier à la table de communion et du Sainct Sacrement et recepvoir icelluy. Qu’est tout.
32La « sincérité » de la conversion est établie ici à plusieurs niveaux, grâce à l’expertise des voisins : par l’assistance aux offices d’une part ; par le baptême, mariage et enterrements de ses enfants et voisins d’autre part. Surtout, on est catholique parce qu’on communie « diverses foys » : la répétition des gestes s’affirme comme un signe de loyauté. Les voisins vont tous dans le même sens : Bonaventure le Febvre, grenetier, jure avoir aperçu à de nombreuses reprises Cuyer habillé « somptueusement » « pour aller au divin service et croit que c’estoit à l’intention d’y recepvoir son Createur »51. À rebours d’une première hypothèse, qui soutenait que l’on demandait alors une « conversion de façade », de nombreuses archives établissent au contraire que le voisinage guette chez les nouveaux convertis la consommation régulière du corpus christi comme le signe ultime d’une abjuration véritable. Les ressources de Guillaume Cuyer pour établir l’authenticité de sa conversion finissent par payer. Il est finalement couché, en décembre 1585, sur la liste de ceux qui ont « dès longtemps abjurez ladicte religion nouvelle pretendue reformée, promis d’estre conversés à la religion catholique, apostolique et romayne »52. Bien sûr, il faudrait conduire une enquête sur le temps long pour repérer dans les archives ceux qui sont demeuré catholiques ou redevenus protestants.
33Force est néanmoins de constater un processus de « confessionnalisation par le bas » que donnent à voir les compétences mobilisées par les voisins, les questionnaires inventés par les curés, pour établir la sincérité du néophyte. En son cœur, la pratique eucharistique du converti creuse la différence entre « catholiques de cœur » et « catholiques de bouche ». Les preuves en sont innombrables. On citera l’attestation délivrée par Sébastien Richard à Jehan Corderot le 28 novembre 1585 :
Je soubz signé Me Sebastien Richard prebstre vicaire de l’église Monsieur Sainct Jehan à Dijon certifie à tous qu’il apartiendra que se jourd’huy, vingt-huictiesme novembre, j’ay ouy et receu au sainct sacrement de confession Jehan Corderot et après icelle confession m’a protesté vivre et morir bon chrestien selon l’église catholique, apostolique et romaine et a, iceluy jour, ledict Corderot receu et usé le sainct sacrement de l’autel et à icelle reception a dict croire icelluy sacrement estre le vray corps de Dieu realement et de faict celluy qui nous a racheté par l’effusion de son sang, lequel Corderot m’a requis ce present certificat pour montrer à tous qu’il apartiendra l’acte qu’il a faict de chrestien avec la promesse et protestation à moy faicte sedict jour come dict ay, sy dessus tesmoins mon saing manuel cy mis, les ans et jours que dessus. Richard.
34Plus explicite encore, le certificat rédigé par un vicaire de Saint-Nicolas en faveur de Huguenin et Jehan Boucaut, père et fils, et de Toussaint Tousset, qui viennent abjurer entre les mains du prêtre et demandent à recevoir « les sainctz sacrementz de conffession et le corps de Nostre Saulveur et redempteur Jesus Christ » :
Je leur ay demandé, poursuit le prêtre, si vouloyent pas recepvoir le sainct sacrement de l’autel. Ilz m’on dict que oy [oui] et qui croyent que realement et veritablement estoit contenu le corps de Nostre Seigneur Jesus Crist sur une chacune hostie et que vouloyrent recepvoir et que ce n’estoit pas plus pain mais le vraye corps et sang de Nostre Seigneur Jesus Crist et après ilz se sont presenté devant le grand aultel où, devotement presents tous ceulx qui estoyent en l’église ilz ont receu le corps de Nostre Seigneur53.
35Cette attention aux contenus de la conversion distingue à nos yeux les abjurations de 1585 de celles de 1572, plus nombreuses mais peut-être plus éphémères. Le monarque espère dorénavant œuvrer en profondeur. Il y est invité au premier chef par les évêques et archevêques qui rédigent un peu partout des professions de foi explicitement catholiques. On a trace d’une profession de Guyenne, vertement critiquée par les huguenots locaux. L’on sait que l’évêque d’Angers en fit circuler, interdisant aux curés de recevoir les néophytes à la communion avant de leur avoir fait jurer sa profession. L’archevêque de Lyon, après avoir félicité le monarque pour son édit, exhorte ses curés à instruire avant tout les candidats à la conversion54. Pour l’archevêque de Lyon, même dans l’urgence, de simples curés ne peuvent « s’ingere[r] à reconcilier les heretiques qui retournent à l’Eglise, de quelque qualité et condition qu’ilz soyent, ains qu’ilz les renvoyent à nous ou à ceux qui par nous auront esté député : et s’ilz avoyent desja donné l’absolution à quelques uns, qu’ilz leur facent entendre qu’elle est de nulle valeur et qu’ilz leur faut avoir recours à nous ou à nosz deputez, eux n’ayant la puissance d’absouldre les heretiques »55. Cette profusion des professions répète les deux points suivants : l’importance des formulaires et la centralité eucharistique. Inquiet de la diversité des formulaires, Henri III fait rédiger par des docteurs une « profession de foi officielle », à la fin du mois de décembre 1585 (cf. annexe 1). Elle est similaire en tous points à celle de l’évêque de Lyon, sauf au regard de la mention du concile de Trente, tue dans la version officielle. Henri III insiste pour que désormais, les formules utilisées lors des abjurations soient « unyformes »56. Le roi est à un tournant profondément mystique de son existence – il s’excuse du temps qu’il a pris à rédiger ce formulaire en rappelant qu’il était occupé à faire ses « dévotions ». La profession royale enjoint à l’abjurant de croire qu’à la messe, le sacrement de l’autel est « vrayement, reellement et substantiellement le corps et sang et pareillement l’ame et la divinité de Nostre Seigneur Jesus Crist et qu’il se faict mutation et changement de tout le pain au corps et de tout le vin au sang de Nostre Seigneur, lequel changement l’Eglise cathollicque appelle transsubtantiation et que soubz l’une des especes seullement on prand tout antierement Jesus Cripst (sic) »57. Pleinement catholique, la formule ne peut se prononcer du bout des lèvres. Il ne s’agit pas de convertir à tour de bras des fidèles non avertis mais bien de placer au cœur du processus d’abjuration l’adhésion à la formule eucharistique catholique. On retrouve par exemple le formulaire de profession de foi royal suivi mot pour mot dans l’abjuration de David de Villeneuve à Tourettes le 10 mai 1586, devant l’évêque de Fréjus58.
36On voudrait, pour conclure, pointer une tension dans l’analyse. Dans la préface donnée en 1997 à Piété baroque et déchristianisation (1973), Michel Vovelle se disait conscient de l’ambiguïté de l’analyse des signes extérieurs, c’est-à-dire des traces à disposition de l’historien, pour sonder les reins et les cœurs59. L’expérience de la guerre civile et les conséquences du schisme religieux font, semble-t-il, de l’adhésion manifeste à un groupe religieux le fondement de la certitude religieuse aux dépens du contenu même du message – phénomène que Philippe Büttgen a défini comme une « satellisation du vrai par le social »60. L’on voit de fait se multiplier les « signes » ou les « marques » de l’adhésion à une confession – en l’occurrence les certificats et les formulaires d’abjuration. Plus généralement, dans la guerre civile, il est vital de s’identifier visiblement (par des symboles, des vêtements, des couleurs) comme catholique ou protestant, ligueur ou royaliste. Pour Michel de Certeau, « l’effritement des croyances dans les sociétés qui cessent d’être religieusement homogènes rend alors plus nécessaires les repères objectifs : le croyant se différencie de l’incroyant – ou le catholique du protestant – par des pratiques. En devenant un élément social de différenciation religieuse, la pratique reçoit une pertinence religieuse nouvelle. On se regroupe, et l’on se compte, en fonction de ce critère »61. Michel de Certeau va plus loin, en écrivant qu’au bout du compte, les « pratiques » tendent à l’emporter sur les doctrines, l’extériorité sur l’intériorité. L’hypothèse pourrait être ici confortée par ce que l’on demande aux voisins ou aux curés (l’assistance à la messe) mais aussi par ce que les municipalités exigent de leurs concitoyens (l’obéissance) : moins des enquêtes sur l’orthodoxie que sur l’orthopraxie. En outre, le nombre élevé d’abjurations collectives plaide en faveur d’une lecture plus sociale que « psychologique » des conversions de 1585. On se convertit par village ou par famille : dix huguenots de Salernes abjurent presque tous en même temps, soit entre le 2 et le 12 novembre 1585. Le 23 octobre 1585, toute la famille d’André de Pena, conseiller au parlement de Provence, se convertit : lui d’abord, puis sa femme et leurs trois filles62. La prolifération des gestes extérieurs du croire serait inversement proportionnelle à la sincérité de la conviction intérieure.
37Toutefois, contre une lecture qui verrait dans les abjurations de 1585 des simulacres de conversion, auxquels ni les convertis ni les convertisseurs ne croyaient, on a ici voulu souligner la densité des réseaux de surveillance mis en place autour des conversions et surtout l’exigence eucharistique des formulaires. Il faudrait étudier plus avant ceux qui abjurèrent du bout des lèvres puis revinrent au protestantisme. L’édit de Nemours arrive à un moment fort de lassitude des protestants vis-à-vis des vexations dont ils sont les objets. Si les violences physiques ont presque disparu, les violences légales, symboliques, elles, n’ont jamais été aussi fortes. De guerre lasse, surtout dans le Nord du Royaume, beaucoup renoncent et épousent la messe. Pour combien de temps ? Difficile à dire. Seules des enquêtes plus poussées permettront de réévaluer le poids de l’édit de Nemours dans l’histoire de l’étouffement à petites goulées du protestantisme français.
Annexe – Profession de foi rédigée par le roi, 23 décembre 158563
38Je croy en Dieu le Pere tout puissant createur du Ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles et en Nostre Seigneur Jesus Christ, filz et unicque de Dieu qui est né du pere devant tous les siecles, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vray Dieu de Dieu vray, engendré et non faict, consubstanciel à son Pere, par lequel toutes choses ont esté faictes, qui est descendu des cieulx pour nous et pour nostre salut et a esté incarné du Sainct Esprit et de la Vierge Marie, a esté faict homme crucifié par nous soubz Ponce Pillate, a enduré mort, a eté ensepvelly, est dessendu aux Enfers le troisième jour, est resuscité suivant les Saintes Escriptures, est monté au ciel, siet à la dextre de son pere, de là où il viendra en gloire pour juger les vifz et les morts, duquel ne prandra jamais fin.
Je croy aussy au Sainct Esprit, seigneur et vivificateur qui procede du Pere et du Filz, qui est adoré et glorifié avec le Pere et le Filz tous ensemble, qui a parlé par la bouche des prophetes.
Je croy semblablement à une Saincte Eglise cathollicque et appostollicque.
Je confesse ung batesme pour la rémission des pechez et attendz la resurrection des morts et la vie du siege à venir.
Je croys aussy et embrasse les traditions appostollicques et ecclesiatiques et toutes les aultres observations et constitutions de l’Eglise. J’approuve la Saincte Escripture selon les sens et interpretations qu’a tenu et tient encore de present nostre mere Saincte Eglise et ne la prandray jamais ny interpreteray aultrement que selon le commung et consentement des peres.
Je confesse aussy qu’il y a vraiment et proprement sept sacrements de la loy nouvelle, qui ont esté instituez et ordonnez par Nostre Seigneur Jesus Crist au salut du genre humain, asscavoir le batesme, la confirmation, l’eucaristie, la penitence, l’extreme onction, les ordres et le mariage lesquelz donnent et conferent grâce pareillement.
Je croys les ceremonies approuvées et receues de l’eglise cathollicque en l’administraion sollennelle d’iceulx sacrement.
Oultre, je confesse qu’en la Saincte Messe le vray, propre et propitiatoire est offert pour les vivans et trespassez et qu’au Sainct Sacrement de l’authel est vrayement reellement et substantiellement le corps et sang et pareillement l’ame et la divinité de Nostre Seigneur Jesus Crist et qu’il se faict mutation et changement de tout le pain au corps et de tout le vin au sang de Nostre Seigneur, lequel changement l’Eglise cathollicque appelle transsubtantiation et que soubz l’une des especes seullement on prand tout antierement Jesus Cripst (sic).
Je croy fermement et tiens qu’il y a un purgatoire et que les ames qui y sont detenues sont aydées par les prieres et suffrages des fidelles.
Je confesse qu’il fault invocquer et honorer les sainctz qui regnent avec Jesus Crist et qu’ilz font et presentent des prieres et oraisons à Dieu pour nous ; qu’il fault porter honneur et reverence à leurs relicques. Je ne doubte aussy aucunement qu’il ne faille avoir des ymages de Nostre Seigneur Jesus Crist, de la benoiste Vierge Marie et de tous les saintz et leur rendre l’honneur qui leur est deu.
Je croy aussy que la puissance d’excommunier comme d’eslargir les pardons et indulgences est laissée à l’Eglise par Nostre Seigneur Jesus Crist, et que l’usaige d’icelle est fort utille et salutaire au peuple chrestien.
Je croy constamment que l’homme à son liberal arbitre, par laquel il peult bien ou mal [fol. 97 v°] faire, que le pecheur n’est justiffié par la seulle foy, mais aussi par les œuvres bonnes.
Je recongnois la Saincte Eglise cathollicque appostollicque et romaine comme la vraye mere et maistresse de toutes les aultres ; pareillement, je recongnois Nostre sainct pere le pape comme vicaire de Jesus Crist et vray successeur de Sainct Pierre, prince des apostres.
Dadventaige, je recoy tout ce qui a esté definy, laissé et arresté par les sainct canons et concilles generaulx, en condemnant et approuvant tout ce qui est au contraire comme damnée et reprouvée heresie.
C’est la saincte foy catholique dont je fay profession et que je croy en verité et scincerité de cœur et confesse de bouche devant Dieu ses anges et toute la cour celleste et devant vous monsieur, laquelle je promet et jure tenir faire et observer moiennant la grâce de Dieu de poinct en poinct, sans jamais y contrevenir directement ny oblicquement en aucun article, jusques au dernier soupire de ma vie et en cas de contravention je me soubzmetz aux peines de l’edict et declaration sur icelluy ainsy me soit Dieu en ayde et les sainctz evangilles.
Amen.
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Advertissement 1585 = Advertissement de la part de monseigneur le revenrendissisme archevesque comte de Lyon, primat des gaules, au clergé de son diocèse : touchant la réduction des desvoyez et heretiques à la saincte eglise catholique apostolique romaine, Lyon, 1585.
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Edict du Roy, 1585 = Edict du roy sur la reunion de ses subjets à l’Eglise Catholique, Apostolique & Romaine, leu & publié en la Court de Parlement à Paris, le Roy y seant, le 18 de juillet 1585, Paris, 1585.
El Kenz 1997 : D. El Kenz, Les bûchers du roi. La culture protestante des martyrs (1523‑1572), Seyssel, 1997.
Geisendorf 1963 = P.F. Geisendorf (éd.), Le livre des habitants de Genève, tome 2, Genève, 1963.
Gouyon 1901 = G. Vallée et P. Parfouru (éd.), Mémoires de Charles Gouyon, baron de la Moussaye (1553-1587), Paris, 1901, p. 142.
Hirschmann 1970= A. O. Hirschmann, Exit, Voice and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and States, Cambridge, 1970.
Holt 2003 = M. P. Holt, L’évolution des « politiques » face aux Églises (1560-1598), dans T. Wanegffelen (dir.), De Michel de L’Hospital à l’Édit de Nantes. Politique et religion face aux Églises, Clermont-Ferrand, 2003, p. 591-607.
Kaiser 1992 = W. Kaiser, Marseille au temps de troubles, 1559-1596 : morphologie sociale et luttes de factions, Paris, 1992.
L’Estoile 2003 = P. de L’Estoile, Registre-journal du règne de Henri III, t. VI, M. Lazard et G. Schrenk (éd.), Genève, 2003.
Lettres patentes du Roy 1585 = Lettres patentes du roy nostre Sire au seneschal de Lyonnois ou son Lieutenant à Lyon, pour faire executer sa volonté contre ceux qui se sont eslevez et ceux qui ont suivy le prince de Condé, Lyon, 1585.
Mentzer 2001 = R. Mentzer, La place et le rôle des femmes dans les Églises réformées, dans Archives de sciences sociales des religions, 113, 2001, p. 119-132.
10.4000/assr.20192 :Ogier 1996= D. M. Ogier, Reformation and society in Guernsey, Woodbridge, 1996.
Playoust 1999 = A. Playoust, Réformes de l’ombre au XVIe siècle. Lecture d’un registre d’abjurations de la fin du siècle, dans Provence historique, 197, 1999, p. 599-613.
Reglement que le roy 1586 = Reglement que le Roy veut estre observé par les billifs et seneschaux ou leurs lieutenants pour l’execution de l’edict d sa maiesté sur la reunion de ses subiects à l’Eglise Catholique, Lyon, 1586.
Rossier 1861 = L. Rossier, Histoire des protestants de Picardie, Paris, 1861.
Sauzet 1992 = R. Sauzet, Henri III et Henri de Navarre, dans Id. (dir.), Henri III et son temps, Paris, 1992, p. 239-252.
Schickler 1892 = F. de Schickler, Les églises du refuge en Angleterre, t. I, Paris, 1892.
Toustain de Billy 1864 = R. Toustain de Billy, Mémoires sur l’histoire du Cotentin et de ses villes. Première partie, Villes de Saint-Lô et Carentan, Saint-Lô, 1864.
Vovelle 1997 = M. Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle, Paris, 1997 (1re édition 1973).
Weiss 1886 (1) = N. Weiss, Deux martyres parisiennes : Radegonde et Claude Foucaut, 28 juin 1588, dans BSHPF, 35, 1886, p. 406-410.
Weiss 1886 (2) = N. Weiss, La réaction catholique à Orléans pendant la Ligue. Jean Vauvelles et Jeanne Jacquemain, d’Ingré. Avril 1586, dans BSHPF, 35, 1886, p. 252-255.
Weiss 1887 = N. Weiss, état nominatif des protestants de Coutances en 1588, dans BSHPF, 36, 1887, p. 246-258.
Weiss 1889 = N. Weiss, Le protestantisme à Auteuil, Passy et Billancourt en octobre 1585. Procès-verbal d’enquête officielle, dans BSHPF 38, 1889, p. 34-36.
Notes de bas de page
1 Weiss 1886, p. 406 et s.
2 Christin 1997.
3 Crespin et Goulart 1608, p. 756-757 ; L’Estoile 2003, p. 14-15.
4 El Kenz 1997.
5 Edict du Roy 1585, p. 8-9 : « declarons par cesdictes presentes, tous ceux de nos subjects de quelque qualité et condition qu’ils soient, qui se trouveront atteints d’heresie, incapables de tenir et exercer aucunes charges publiques, estats, offices et dignité ».
6 Sauzet 1992, p. 249.
7 De Félice – Weiss 1895.
8 Archives Départementales (désormais AD) des Bouches-du-Rhône, 5 G 878, fol. 36-38 ; II B 147, fol. 358 et 381 E 390, fol. 102-126, cité par Kaiser 1992, p. 273.
9 Kaiser 1992, p. 273.
10 AD Bouches-du-Rhône, 1 G 1220 ; et Playoust 1999, p. 599-613.
11 Archives municipales (désormais AM) Dijon, D 66.
12 Toustain de Billy 1864, p. 113.
13 Bibliothèque Nationale (BN), Ms. Dupuy, 137, fol. 83 publié par Weiss (2), 1886.
14 Hirschmann 1970,
15 Delisle 1890.
16 Weiss 1887, p. 246 ; et De Félice – Weiss 1895, p. 22.
17 Weiss 1887, p. 256.
18 Benedict 1981, p. 172.
19 Schickler 1892, p. 299.
20 Weiss 1887, p. 247.
21 BN, Ms. fr. 3309, fol. 92 (17 décembre 1585).
22 Mentzer 2001.
23 Gouyon 1901, p. 142.
24 BN, Ms. fr. 3309, fol. 90 (13 décembre 1585).
25 Ogier 1996, p. 88.
26 Schickler 1892 p. 300.
27 Geisendorf 1963.
28 BN, Ms. fr. 3309, fol. 88 (19 novembre 1585, aux baillis du royaume).
29 Declaration du Roy 1587.
30 De Felice – Weiss 1895, p. 26.
31 BN, Ms. fr. 3309, fol. 12v.
32 Ibid., fol. 13 (aux officiers de la justice de Giens, 29 juillet 1585).
33 AM Dijon, D 66, pièce non numérotée (Procès-verbal de la saisie des armes par Edme Rappellet).
34 AM Dijon, D 66, pièce non numérotée.
35 Ibid., pièce non numérotée.
36 Reglement que le roy 1586.
37 Lettres patentes du roy 1585 (enregistrées à la sénéchaussée de Lyon, 22 novembre 1585), p. A3.
38 BN, Ms. fr. 3309, fol. 89v.
39 De Félice et Weiss 1895.
40 AM Dijon, D 66, pièce non numérotée (17 décembre 1585).
41 Diefendorf 1988.
42 Bredin 1575.
43 Rossier 1861, p. 107.
44 Lettres patentes du roy 1585.
45 Archives Nationales, Y 3879, pièce non numérotée et Weiss 1889.
46 Toustain de Billy 1864, p. 113.
47 BN, Ms. fr. 4901, fol. 16v.
48 Holt, 2003. Mack Holt ne note que deux certificats pour lesquels des contenus religieux apparaissent (en 1568).
49 Crouzet, 1990, II, p. 186-196. Denis Crouzet montre qu’on est alors entré dans une « guerre des mots ».
50 AM Dijon, D 66, pièce non numérotée.
51 Ibid.
52 Le dossier Cuyer est dispersé parmi les pièces des AM Dijon, D 66.
53 AM Dijon, D 66, pièce non numérotée (dernier novembre 1585).
54 Advertissement de la part 1585, p. 4 v°.
55 Ibid., p. 4-5.
56 BN, Ms. fr. 3309, fol. 93.
57 Ibid.
58 AD Var, 16 J 20, Fonds Villeneuve-Tourettes. Le texte de l’abjuration a été publié sur le site des AD Var : http://www.archives.var.fr/article.php?laref=439&titre=fiche-2013-05-02-15-19-37- [Consulté le 2 mars 2016].
59 Vovelle 1997, p. XIV.
60 Büttgen 2008, p. 91.
61 Certeau 1970.
62 AD Bouches-du-Rhône ; et Playoust 1999, p. 611.
63 BN, Ms. fr. 3309, fol. 96-97.
Auteur
Aix-Marseille Université / IUF - jeremie.foa@univ-amu.fr
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