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Les cardinaux à la période contemporaine : nouvelles perspectives de recherche

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Texte intégral

Un projet collectif sur les cardinaux et le cardinalat

1Il y a près d’un demi-siècle, évoquant l’historiographie du gouvernement central de l’Église, Laurent Chevailler déplorait que les rares études menées alors ne cherchaient guère à analyser « le mystérieux échange entre le successeur de Pierre et ses conseillers »1. Tandis que, depuis une trentaine d’années, les recherches sur l’histoire de la Curie romaine à l’époque contemporaine connaissent un renouveau marqué, à la faveur notamment des ouvertures d’archives vaticanes, il nous a semblé judicieux de mettre l’accent, dans le cadre d’un projet collectif associant l’École française de Rome, le centre Droit et Sociétés Religieuses (EA 1611) de l’université Paris-Sud (Paris-Saclay) et l’unité de recherche « Religion, Culture et Société » (EA 7403) de l’Institut catholique de Paris, sur le groupe des cardinaux et la fonction cardinalice. Car s’il est vrai que l’historiographie récente s’est employée, en se plaçant au croisement de l’histoire religieuse et de l’histoire institutionnelle, à proposer une histoire plus incarnée des instances centrales de gouvernement de l’Église catholique, les personnes qui y œuvrent demeurent davantage dans l’ombre que les institutions.

2Pourtant, parmi les personnels de Curie, les cardinaux constituent, tant en corps, le Sacré Collège, qu’à titre individuel, un élément davantage mis en lumière, qui a bénéficié de plusieurs apports scientifiques conjugués. En premier lieu, de meilleures conditions d’accès aux archives ont permis des publications fondamentales d’inventaires et de sources2. En outre, de nombreuses études monographiques ont porté sur les cardinaux « éminents », dans un contexte de renouveau de la biographie cardinalice qui intègre une méthode historique rigoureuse et part à la conquête de nouvelles sources3. Si les cardinaux résidentiels – c’est-à-dire attachés à d’importants archidiocèses ou diocèses et ayant charge d’âmes – ont souvent attiré davantage l’attention pour leur rôle de premier plan dans la vie ecclésiastique, voire politique ou sociale, de leur pays, certains cardinaux de Curie ont également été l’objet d’enquêtes précises, à l’exemple d’Eugenio Pacelli ou d’Angelo Giuseppe Roncalli, diplomates du Saint-Siège devenus papes. Enfin, les cardinaux ont aussi été appréhendés par une approche globale qui permet aujourd’hui de disposer d’outils de recherche à caractère prosopographique, renouvelant les traditionnels « répertoires » de cardinaux4 et les instantanés du Sacré Collège réalisés en vue de conclaves jugés imminents5. C’est ainsi que les entreprises biographiques sectorielles se sont poursuivies, comme le montre la prosopographie des cardinaux du premier XIXe siècle réalisée par Philippe Boutry (2002)6, l’ouvrage de LeBlanc (2007) sur les cardinaux du XIXe siècle7 ou encore les prosopographies de la Congrégation de l’Index de 1701 à 1917 (2005 et 2010)8. Même mêlés aux autres personnels de la Curie ou aux évêques de certains espaces, les cardinaux forment en effet une catégorie aisément identifiable. Si l’on compte plus de trois mille cardinaux dans l’histoire de l’Église romaine depuis le XIe siècle, période à laquelle ils acquièrent le monopole de l’élection pontificale par la détermination du décret In nomine Domini de Nicolas II en 1059, leur nombre restreint les rend accessibles à l’analyse et à la synthèse. Au 10 février 2014, date de dernière mise à jour du site de la Salle de presse du Saint-Siège9, on comptait 199 cardinaux dont 106 détenaient la qualité d’électeurs, les 93 restants ayant été atteints par la limite d’âge des 80 ans. Ce chiffre est à comparer aux plus de 5000 évêques catholiques. En embrassant l’ensemble de la période 1775-2015, on dénombre 1317 cardinaux créés10. Les études statistiques générales, assez anciennes et qui restent parcellaires11, mériteraient d’être poursuivies. La stabilité institutionnelle du cardinalat offre en effet des avenues à l’analyse sur une longue durée, tandis que les nouvelles techniques de l’information permettent des approches statistiques plus efficaces. Le site alimenté par Salvador Miranda, « The Cardinals of the Holy Roman Church »12, fréquemment sollicité par les auteurs du volume, notamment ceux qui travaillent sur les périodes les plus récentes (C. Prudhomme, F. Weiser), doit être salué pour sa qualité et sa fiabilité. Cette base de données sur les cardinaux, remarquablement conçue, contient entre autres les listes des consistoires, des titres cardinalices (évêchés suburbicaires, églises et diaconies), des cardinaux camerlingues, des secrétaires du Saint-Office ou des vicaires de Rome, des fiches biographiques ainsi que des références bibliographiques et une sitographie. Formidable outil, ce site soulève plusieurs questions méthodologiques. Il est, en effet, délicat d’attester la stabilité d’une source qui peut être transformée d’un simple clic de l’auteur ; ceci conduit aussi à s’interroger sur la pérennité d’un site porté par un chercheur isolé.

3C’est en prenant en compte ce foisonnement, signe d’un intérêt à la fois vif et partiellement désordonné pour les instances romaines et leurs acteurs, stimulé aussi par un contexte historiographique dynamique sur les sociétés de cour13, la genèse de l’État moderne et des procédures administratives14, ou encore les élites européennes15, que nous avons tenté de bâtir puis de promouvoir ce programme, intitulé « Cardinaux et cardinalat, une élite à l’épreuve de la modernité (1775-1978) », adoptant une périodisation ample s’étendant de l’élection de Pie VI à l’« année des trois papes »16. Cet arc temporel, couvrant plus de deux siècles et embrassant quatorze pontificats, permet d’englober les transformations majeures liées la disparition du pouvoir temporel du pape, puis celles engagées par le concile Vatican II. Un appel à communications fut lancé au printemps 2013, recueillant 70 réponses soumises à l’appréciation des 20 membres du comité scientifique du programme. Avec eux, nous avons pu mesurer l’intérêt suscité, en France, en Italie mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas, en Slovaquie, en République tchèque, en Roumanie, aux États-Unis et au Québec, par cet appel. Significativement, plusieurs propositions nous ont conduits à prolonger l’enquête jusqu’aux mutations ouvertes par le pape François. Cependant, nombre d’autres privilégiaient un traitement strictement individuel de tel ou tel cardinal. Quoiqu’à regret, nous n’y avons pas donné suite dans la mesure où le projet n’était pas de déboucher ex abrupto sur la constitution d’une prosopographie – laquelle serait, au demeurant, très utile – mais de faire émerger des perspectives comparées et des approches transversales.

4Cette optique a présidé à la tenue d’un premier colloque international et pluridisciplinaire, réuni à l’Institut catholique de Paris et à la Faculté Jean Monnet de Sceaux (université Paris-Sud) les 19 et 20 juin 2014. Sous le libellé « Les cardinaux entre Rome et le monde », cette rencontre a privilégié les aspects méthodologiques, les représentations et les fonctions de relais institutionnels assurées par les cardinaux. Les contributions présentées ont donné lieu à une publication partielle, rassemblant des études méthodologiques, dans les MÉFRIM en 201517 ; un deuxième ensemble, centré sur l’analyse du renouveau des biographies cardinalices, a également été accueilli dans cette revue au début de l’année 201618 ; en dernier lieu, un dossier d’articles portant sur les représentations du pouvoir des cardinaux dans la culture des XIXe et XXe siècles est actuellement en cours de préparation.

5Le présent volume s’attache quant à lui aux dimensions proprement romaines des cardinaux et du cardinalat, et plus précisément aux liens qui les unissent au souverain pontife dans les cadres longtemps mêlés de la cour papale et de la Curie romaine, mais aussi à la ville de Rome, faisant surgir du même mouvement la question de leur universalité (Urbs/Orbs). Si la résidence à Rome n’est obligatoire que pour les cardinaux de Curie, n’ayant pas charge d’âmes dans des diocèses, tous les cardinaux entretiennent un lien particulier à la Ville, car ils y sont « titulaires » d’une église et membres de dicastères (congrégations romaines, tribunaux et offices), même s’ils y participent de façon nécessairement lointaine et épisodique, du moins jusqu’à une époque récente. Ils sont également convoqués aux consistoires et sont souvent sollicités pour représenter le pape en dehors de Rome. Symboliquement et fonctionnellement tous ont donc un lien avec Rome.

6C’est sur cet aspect, les cardinaux comme élite romaine, que cet ouvrage collectif est centré. Quels sont les lieux de rencontre des cardinaux se présentant en corps constitué, sede vacante (conclave) et sede plena (consistoire) ? Comment les cardinaux travaillent-ils ensemble, parfois avec des tensions internes, au sein des dicastères ? Comment passe-t-on, de la fin du XVIIIe à celle du XXe siècle, d’une élite aristocratique très italienne et même romaine à un Sacré Collège internationalisé ? Comment évoluent la cour de Rome et, en son sein, les fonctions confiées aux cardinaux ?

7Ces questions devaient être posées sur un temps long, le seul à l’aune duquel l’historien peut espérer saisir les logiques profondes à l’œuvre au sein du plus ancien gouvernement du monde encore existant. Pour mieux percevoir les évolutions depuis la fin du XVIIIe siècle, l’architecture de ce volume est conçue sur le diptyque cour/curie. Si la confusion persistante jusqu’au début du XXe siècle entre ces deux notions19 peut être tenue pour typique d’une organisation dite d’« Ancien Régime » ne distinguant pas l’entourage du souverain de l’appareil de gouvernement, voire apparaître comme une anomalie alors que, depuis le début du XIXe siècle, la science du droit public dégage les critères de définition de l’État, la recherche sur les cardinaux permet de démêler ce complexe écheveau. Singulièrement, la figure du cardinal se place à la croisée des chemins, simultanément homme de confiance et de conseil, lié au pape par des rapports intuitu personae, et chef de dicastère ne détenant pouvoir et influence qu’ex officio – du moins en temps de sede plena –. Si, s’agissant des cardinaux, on note un passage graduel d’une logique de liens personnels vers une dimension plus objectivée, celle-ci n’est ni exclusive ni intégrale ; une zone grise, théâtre d’interférences et d’interpénétration entre cour pontificale et curie romaine, s’observe encore aujourd’hui. Les audiences, le consistoire, les titres cardinalices et l’inscription des cardinaux dans la géographie ecclésiastique de la Ville, le cérémonial de la Chapelle pontificale, les privilèges canoniques, voire le conclave, conservent une signification et une portée qu’on aurait tort de tenir pour le reliquat de formes de pouvoir vouées à la désuétude.

Les cardinaux, une élite politique entre métamorphoses de la cour de Rome et États modernes

8La première partie de l’ouvrage rassemble ainsi des études qui abordent les cardinaux comme une élite politique, en partie produite par des négociations entre les cours européennes et la cour de Rome. Les effets de la sécularisation graduelle des États et des sociétés sur ce processus se révèlent particulièrement complexes et méritent certainement encore de nombreuses recherches. Cependant, au sein même de la cour de Rome, le profil des cardinaux, ainsi que leurs prérogatives, évoluent. L’internationalisation du recrutement s’accompagne d’un resserrement doctrinal et d’un effort pour mettre à profit les potentialités administratives du corps des cardinaux, soulignant au passage la plasticité de certaines institutions pourtant séculaires comme les protections cardinalices, le conclave ou le consistoire.

Ultimes cardinaux de couronne ?

9Plusieurs études portent sur les cardinaux non-romains, qu’il s’agisse des cardinaux de « siège » ou « résidentiels » (ayant charge d’âmes dans un diocèse donné), parfois appelés cardinaux de « couronne » lorsque la création relève de négociations avec des États qui revendiquent un droit de regard sur ce processus et certaines prérogatives dans le gouvernement de l’Église. Ils constituent la majorité du Sacré Collège : autour de 55 % au début du XXe siècle20 et de 65 % des cardinaux électeurs en 201521. M. Gayte et C. Prudhomme montrent que l’ouverture du Sacré Collège à de nouveaux continents aux XIXe (Amérique du Nord) et XXe siècles (Afrique, Asie, Océanie) a fait émerger de nouveaux « sièges cardinalices » (Boston, Sydney…) diversifiant ainsi une géographie jusque là exclusivement européenne. L’entrée d’évêques des rites orientaux dans le Sacré Collège, venus notamment de l’Empire austro-hongrois (I. Cârja), s’explique tant par la pression des nationalités que par le souci romain de développer une active politique orientale dès la seconde moitié du XIXe siècle.

10Si ces créations cardinalices sont l’objet d’âpres négociations entre les États et le Saint-Siège, laissant d’importantes archives aux historiens, faut-il les percevoir comme des « failles » dans la liberté du souverain pontife (A. Virot) ou bien comme le fruit de subtils équilibres entre les États, et, au sein d’un épiscopat, entre groupes de sensibilités diverses (F. Le Moigne-C. Sorrel) ?

11La question reste ouverte et F. Jankowiak montre que, tout au long du XIXe siècle, les papes n’ont eu de cesse de légiférer pour protéger l’élection pontificale de toute intromission séculière, après les expériences traumatiques des exils de Pie VI et Pie VII et du conclave tenu à Venise. De façon significative, c’est en 1903, bien après la perte des États pontificaux, qu’a lieu la dernière manifestation concrète de pression politique sur l’élection d’un pape par l’exclusive portée par l’Autriche-Hongrie contre le cardinal Rampolla, dans un contexte de tensions en Europe orientale et de cristallisation d’alliances interétatiques fragilisant le concert européen.

Impacts complexes de la sécularisation des sociétés et des États

12Les tensions liées à la sécularisation sont partout sensibles, comme en France où le gouvernement supprime les traitements spécifiques accordés aux cardinaux en 1880 (A. Virot), ou à Turin en 1883 où l’entrée solennelle dans la ville du cardinal Alimonda provoque un conflit entre l’État – qui refuse la participation des autorités civiles – et le maire de Turin, soucieux d’assurer à l’événement une certaine pompe (P. Cozzo-A. Merlotti). Quatre-vingts ans plus tard, la sécularisation semble intégrée par certains cardinaux, ce dont témoigne l’attitude des cardinaux français qui refusent après le concile certains fastes ou honneurs civils (F. Le Moigne-C. Sorrel).

13Ce reflux sensible des cardinaux de la vie publique n’est toutefois pas universel et ce volume confirme la complexité du processus de sécularisation et, d’une certaine manière, de la « persistance de l’ancien régime »22. Malgré la Séparation, la République française se montre très attentive, après la reprise des relations diplomatiques en 1921, au nombre de cardinaux français (A. Virot, G. Coco, F. Le Moigne-C. Sorrel), notamment en vue des conclaves, le tout dans une perspective géopolitique globale, qui intègre les alliés politiques de la France (A. Virot). De même, alors que les catholiques s’étaient surtout montrés discrets et soucieux d’intégration, les cardinaux deviennent très présents dans la vie politique américaine des années 1980-1990, lorsque les présidents républicains Reagan et Bush s’emploient, par stratégie électoraliste, à établir des liens forts avec eux (M. Gayte). De même, dans certains pays d’Afrique, la création d’un cardinal peut être l’occasion de manifester une fierté nationale, notamment dans le contexte des indépendances (C. Prudhomme mentionne les fêtes lors du retour à Ouagadougou du cardinal Paul Zoungrana en 1965).

14La confrontation avec les États modernes peut cependant être extrêmement violente. P. Doria rappelle le cas du cardinal hongrois Mindszenty, bloqué à l’ambassade américaine de Budapest de 1956 à 1971 et qui ne participe donc pas à Vatican II. C. Prudhomme souligne qu’en Afrique et en Asie, les cardinaux jouent fréquemment un rôle politique de premier plan, de dénonciation des excès des gouvernements, parfois au prix de leur vie (assassinat en 1977 du cardinal Biayenda, archevêque de Brazzaville).

L’évolution sociale, géographique et doctrinale du corps des cardinaux

15Cette évolution du rôle politique conduit à s’interroger sur le profil social des cardinaux. Plusieurs articles apportent ainsi des précisions éclairantes sur la composition du collège cardinalice. G. Pelletier perçoit un décalage géographique au sein des promotions sous Pie VI : alors que les cours européennes continuent à soutenir des candidats issus de la haute noblesse, dans les États pontificaux, la part de la noblesse romaine « historique » diminue au profit de la noblesse provinciale. P. Cozzo et A. Merlotti analysent la raréfaction des cardinaux de couronne originaires de Piémont-Sardaigne dès la première moitié du XIXe siècle, qui s’explique par les tensions politiques du Risorgimento mais aussi par une certaine désaffection des familles aristocratiques piémontaises à l’égard des hautes carrières ecclésiastiques. L’identification des milieux d’origine et des réseaux de relations des porporati reste cependant un champ largement ouvert à la recherche.

16Parallèlement à cette évolution sociale, plusieurs articles soulignent qu’à partir du pontificat de Pie IX, les critères de création cardinalice intègrent un souci d’internationalisation tout en s’écartant de logiques strictement géographiques pour privilégier une ligne doctrinale de défense de la romanité, manifestée par le Syllabus puis l’infaillibilité. P. Cozzo et A. Merlotti relèvent que les élévations au cardinalat pour le Piémont-Sardaigne couronnent alors davantage d’individus issus de la petite bourgeoisie, ayant fait carrière au sein de l’État pontifical et d’une parfaite romanité. En ce sens d’ailleurs, l’internationalisation – qui s’accélère sous Pie IX – peut être aussi comprise comme un effet indirect du Risorgimento, qui fait porter les regards de la papauté au-delà du clergé italien (A. Virot).

17Cette évolution vers une plus grande homogénéité « idéologique » explique le rôle endossé par les cardinaux au XXe siècle de porte-voix de l’orthodoxie romaine, concernant la critique du racisme à la fin du pontificat de Pie XI23, la mise en valeur des préceptes de la morale sexuelle catholique dans les pays extra-européens après 1968 (C. Prudhomme) ou la lutte contre l’avortement aux États-Unis depuis les années 1970 (M. Gayte). Si la voix dissonante d’un Billot dans l’affaire de l’Action française le conduit à la démission (G. Coco), certains cardinaux peuvent être aussi des facteurs de changement, comme le montre l’adoption en 1988 du rite zaïrois, vecteur d’une liturgie africanisée pour laquelle le cardinal Malula a beaucoup œuvré (C. Prudhomme).

La plasticité institutionnelle de la cour de Rome

18Cependant, si la composition par nationalités du Sacré Collège se diversifie de façon croissante depuis la fin du XIXe siècle, cette internationalisation s’accompagne de la revitalisation du « spirito romano », dont A. Virot, C. Prudhomme, O. Sibre et F. Weiser identifient le ciment dans les institutions universitaires ecclésiastiques de la Ville et qui mériteraient sans doute une étude synthétique. Symboliquement aussi, l’enracinement romain de cardinaux toujours plus nombreux depuis la fin des années 1950 et toujours plus représentatifs de la réalité géographique et statistique de l’Église « réelle », se traduit par une inflation des titres cardinalices (A. Virot, F. Le Moigne-C. Sorrel). La société de cour qui relie les cardinaux depuis des siècles est donc suffisamment malléable pour s’adapter à ces évolutions notables, selon des logiques qu’il conviendrait encore d’approfondir.

19La cour de Rome s’est, en effet, également transformée depuis la fin du XVIIIe siècle. Si les aspects cérémoniels et artistiques en ont été souvent étudiés pour la période moderne24, les recherches n’ont ensuite été poursuivies que pour la période de la Restauration25, laissant encore de côté la fin du XIXe siècle et le tournant de 1870. Les études proposées ici permettent de distinguer quelques pistes.

20Les instances où se joue le rapport entre les cardinaux en corps et le Souverain pontife constituent des cas intéressants. Le fonctionnement romain se fait moins monarchique qu’aristocratique lors du conclave, rappelant que si le pape crée les cardinaux, il est lui-même « fait » par ces derniers. Cependant, l’expérience du conclave, marquée par les congrégations générales – ces discussions entre cardinaux avant le vote proprement dit – inspire une innovation pour les temps de sede plena. Comme le signale L. Pettinaroli, si le consistoire a survécu depuis le Moyen Âge comme instance symbolique et protocolaire, il a connu des renouveaux sous deux formes : comme lieu d’expression d’une collégialité cardinalice complémentaire de la collégialité épiscopale (assemblée du Sacré Collège en 1979, expérience du consistoire de 2015) et comme lieu d’exercice des limites de la primauté pontificale (renonciation de Benoît XVI en 2013). De façon significative, des structures anciennes de la cour de Rome peuvent répondre – ou être aménagées pour répondre – à des besoins nouveaux.

21Sur le plan liturgique, en dépit de certaines évolutions visant à simplifier le rituel – ainsi pour le consistoire – les symboles essentiels demeurent, de la couleur rouge à la « berretta ». La hiérarchisation protocolaire du Sacré Collège connaît aussi des ajustements, à l’exemple du motu proprio Ad purpuratorum (1965) plaçant d’emblée les patriarches orientaux cardinaux au sein de l’ordre épiscopal, mais sans titre (P. Doria).

22En revanche, une fonction, relevant clairement d’une logique de cour, est définitivement supprimée en 1964 : la protection cardinalice. Ce système, hérité de la période médiévale, avait été largement diffusé aux XVIIIe et XIXe siècles, à la faveur notamment de l’effervescence congréganiste (A. M. Dieguez). En cette période de centralisation du catholicisme mais où les relations de pouvoir avec les évêques ou avec les États pouvaient être parasitées par diverses tensions, la « formule » du cardinal protecteur, intermédiaire entre la congrégation et la Curie, semble avoir été un instrument efficace pour le gouvernement universel de l’Église. Les études de Miguel Canino Zanoletty sur les Salésiens et de Magali Della Sudda sur les organisations du laïcat féminin montrent l’importance de la protection cardinalice pour le développement du tissu associatif catholique, la légitimation d’innovations pastorales et l’essor missionnaire. Dans les années 1960, la suppression de ces protections est justifiée par l’obsolescence du système (peu de communautés religieuses y ont recours) et le surcroît de travail qui en découle pour les cardinaux de Curie. L’enquête mérite sur ce point d’être poursuivie, dans une perspective comparative, à partir d’archives locales et des riches fonds de la Secrétairerie d’État.

Une élite administrative : les cardinaux au sein de la Curie romaine

23Les études sur la protection et le consistoire introduisent déjà au rôle dévolu aux cardinaux de gestion administrative d’une Église répandue dans le monde. C’est sur ce versant administratif que porte plus spécifiquement la seconde partie des études rassemblées ici, en mettant l’accent tant sur les mécanismes d’information que de conseil ou de décision. Les archives romaines permettent de saisir la complexité des relations avec le pape et entre cardinaux, voire les tensions internes qui se manifestent en Curie, même s’il reste difficile de les systématiser.

Un rôle crucial : conseil, décision

24Si les cardinaux apparaissent comme les conseillers du pape sur les affaires importantes depuis le Moyen Âge, le cadre dans lequel s’exerce ce « conseil » évolue au fil des siècles. À partir du XVIe siècle, les congrégations romaines en constituent un lieu majeur, les cardinaux chefs de dicastères ayant un accès régulier et institutionnalisé au pontife, qui peut d’ailleurs se renforcer au XXe siècle (F. Castelli).

25Cette prégnance des congrégations permanentes ne réduit pas la vitalité d’autres instances de conseil, souvent peuplées de cardinaux. Ainsi les congrégations cardinalices ad hoc26, très diverses mais qui adoptent souvent un mode de fonctionnement proche des congrégations : elles sont très importantes sous Pie VI (G. Pelletier) et Pie VII (R. Regoli) mais aussi lors de crises, comme pour l’Allemagne du Kulturkampf (M. Valente). Il faut également évoquer ici l’importance du secrétaire d’État, figure cardinalice de premier ordre sur laquelle le pape s’appuie fermement27, tel Pie VII, formant avec Consalvi un véritable « tandem » pour le concordat de 1801 (R. Regoli), Pie IX et son alter ego Antonelli, qui reste 28 ans en fonctions, ou encore Pie XI en syntonie avec son nouveau secrétaire d’État Pacelli par exemple pour chercher un apaisement au Mexique (P. Valvo). Cependant, les papes peuvent aussi recourir à d’autres cercles plus informels – et moins cardinalices – liés à l’origine du pape (les « perugini » évoqués par A. Ciampani pour Léon XIII) ou par la sollicitation d’experts, consulteurs stables de chaque congrégation ou, plus ponctuellement, laïcs, voire cardinaux résidentiels (J.-M. Ticchi). Des passerelles existent d’ailleurs entre la fonction d’expert et celle de cardinal, comme le montre F. Weiser, qui étudie les 43 experts à Vatican II devenus cardinaux après 1965.

26Malgré ces nuances, le rôle décisionnel des cardinaux se révèle souvent crucial, comme en témoignent les riches fonds de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires dès 1814 (Valente, Ticchi, Valvo, Pelletier, Regoli, Ciampani, Cárcel Ortí…) pour ce qui concerne la diplomatie mais aussi, plus largement, les relations avec les États sécularisés. Après la fin des États pontificaux, les cardinaux jouent ici un rôle crucial dans l’élaboration tant politique que doctrinale d’une papauté qui doit s’insérer de façon nouvelle dans le concert des nations (A. Ciampani, M. Valente, J.-M. Ticchi).

Gouverner avec les cardinaux, gouverner les cardinaux

27Les papes doivent donc gouverner avec les cardinaux, et parfois gouverner les cardinaux. Les études ici réunies offrent, en effet, un intéressant aperçu des relations administratives des différents papes avec les cardinaux.

28Pie VI, qui hérite d’une Curie divisée par la crise jésuite, gouverne avec les cardinaux mais garde une certaine indépendance à leur égard, notamment lorsqu’il part en 1782 pour Vienne en dépit de leur avis négatif (G. Pelletier). Pie VII s’appuie sur son secrétaire d’État et sur un petit groupe de cardinaux pour faire accepter à une majorité hostile de cardinaux et consulteurs le concordat de 1801 (R. Regoli). Si Pie VII sollicite en permanence un groupe de « cardinali onnipresenti ed « onniconsultati »» (R. Regoli), on retrouve une configuration similaire sous Léon XIII, dont le processus décisionnel – du moins en matière diplomatique – révèle une forte collégialité, même si le nombre de cardinaux consultés reste limité à une petite dizaine (J.-M. Ticchi, M. Valente). Pie X semble, quant à lui, avoir tendance à contourner la Curie par sa segretariola28 mais aussi en prenant ses distances à l’égard de dicastères, tel le Saint-Office, au sein duquel il ne nomme aucun nouveau cardinal, malgré les décès qui clairsèment la congrégation (F. Castelli). Au contraire, Benoît XV et Pie XI suivent les procédures et, en tant que préfets de cette congrégation, interviennent personnellement dans les dossiers. Ce style « autoritaire » de gouvernement29, probablement anticipé par les cardinaux, explique la remise fréquente au pape de certaines questions.

29Au sein d’un même pontificat, des évolutions de l’attitude pontificale à l’égard des cardinaux peuvent être sensibles30. P. Valvo montre que, dans le cas mexicain, les cardinaux des AES ne sont plus sollicités après 1931 : si ce processus peut sembler moins « démocratique » au prisme d’une grille d’analyse séculière, l’arrivée du secrétaire d’État Pacelli permet de recentrer la politique mexicaine du Saint-Siège et de neutraliser les canaux parallèles constitués à la faveur de dissensions entre Pie XI et Gasparri sur ce dossier. M. Levant confirme, par ailleurs, la vision d’un Pacelli situé « à un point d’équilibre » entre les courants qui traversent la Curie, confortant « le positionnement centriste » sur lequel Pie XI avait été élu en 1922. Paul VI enfin, désireux de réformer la Curie, expérimente une forme – qui prend fin sous Jean-Paul II – de déconcentration, en confiant la direction de quelques nouveaux organes curiaux à des archevêques résidentiels. C’est le cas de la commission Justice et Paix, confiée au cardinal Maurice Roy, depuis Québec (G. Routhier).

Les cardinaux, protagonistes des tensions curiales

30Plusieurs articles soulignent que les cardinaux peuvent alimenter des tensions – parfois nées lors des conclaves – pouvant aller jusqu’à entraver l’exercice du pouvoir pontifical. Se pose ici la question des « partis » qui traversent la Curie et de leur dénomination. Tous les auteurs ne partagent pas la même perspective. M. Levant utilise la clé de lecture de « partis », récurrents depuis la fin du XVIIIe siècle, qui seraient des « réseaux de solidarités ou d’amitiés, […] de fidélités réciproques », unis dans « un même intransigeantisme à l’égard du monde moderne issu de la Révolution » mais différant « quant aux moyens de la lutte à mener contre lui ». Aux binômes « zelanti/politicanti », « aggiornamento/tradition », elle préfère l’alternative « consalviste »/ « intégriste ». Dans les années 1920, cette dichotomie s’incarnerait dans le « conflit aiguisé » entre Gasparri et Merry del Val. Si ces catégories sont parfois utilisées ponctuellement par d’autres auteurs (M. Valente évoquant l’« intransigeant » consulteur Franzelin ; A. Ciampani qui définit Berardi comme « modéré »), elles sont aussitôt repoussées comme trop rigides pour saisir la complexité des parcours personnels (P. Valvo) ou comme des reliques de la polémique du XIXe siècle (A. Ciampani)31.

31Cependant, les tensions curiales peuvent être exogènes. Les pressions des États sont les plus sensibles (G. Coco). Les Églises locales, par l’intermédiaire de lobbies (G. Routhier), de leurs évêques (P. Valvo) ou de cardinaux (V. Cárcel Ortí), surtout si ceux-ci sont organisés (M. Valente), ou s’ils sont exilés à Rome (V. Cárcel Ortí, P. Valvo), peuvent exercer des pressions sur un représentant pontifical ou directement sur la Curie. Depuis la fin du XVIIIe siècle, un autre facteur de pression émerge : l’opinion publique, que Pie VI refuse de mobiliser autour d’une croisade après la Révolution (G. Pelletier) mais que Pie IX cherche à organiser après 1870 sur une base internationale (A. Ciampani)32.

Élite romaine et circulations internationales

32Si les cardinaux constituent une élite romaine, leurs liens sont nombreux avec l’appareil diplomatique vatican (O. Sibre). Les tensions entre représentants diplomatiques et cardinaux de Curie, souvent en contacts par d’autres biais avec les Églises locales, sont, à ce titre, particulièrement intéressantes. V. Cárcel Ortí montre comment le cardinal Segura trouve des relais au sein même des Affaires ecclésiastiques extraordinaires pour attaquer le nonce Tedeschini, qui reçoit malgré tout le soutien de ses supérieurs, les secrétaires d’État Gasparri puis Pacelli. De même, Boggiani fait l’expérience, avant d’être cardinal, des pressions de l’épiscopat mexicain, qui ont probablement raison de son poste de délégué apostolique en 1914 (P. Valvo). Inversement, l’articulation peut être harmonieuse, comme dans le cas de Jacobini, nonce en Allemagne en bons termes avec Bismarck, qui devient secrétaire d’État en 1880 et facilite le règlement des tensions du Kulturkampf (M. Valente).

33Certaines phases constituent également des moments critiques. C’est le cas pour les exils du pape (mais aussi des cardinaux) hors de Rome, en 1798-1800, mais surtout en 1809-1814 et 1849-1850, qui sont parfois aussi des « aubaines » pour la recherche, comme le souligne G. Pelletier à propos de la correspondance échangée entre le pape et les cardinaux en 1798-1800, en lieu et places d’audiences qui ne laissent pas nécessairement de traces archivistiques.

34Autre expérience limite et marquante, les conciles offrent aux papes l’occasion de mieux connaître les cardinaux résidentiels et ainsi de reconsidérer le recrutement au sein de la Curie. Pie IX fait ainsi preuve d’hostilité à l’égard du cardinal von Hohenlohe – qui s’était opposé à l’infaillibilité à Vatican I – lorsque celui-ci doit être envoyé comme ambassadeur du Reich à Rome (M. Valente). L’expérience de Paul VI à Vatican II semble avoir été plus fructueuse. G. Routhier souligne que le pape Montini a ainsi reconnu la discrétion et les qualités de médiateur du cardinal Roy, auquel il fit ensuite appel pour la difficile mise en place d’instances curiales pour les laïcs et le développement. D’autres figures de l’assemblée conciliaire sont également intégrées à la Curie romaine soit à plein temps (Mgr Villot et Mgr Martin) ou comme cardinaux résidentiels membres de dicastères romains (Lefebvre et Meyer au Saint-Office) (F. Le Moigne – C. Sorrel). La période conciliaire permet enfin une influence accrue des cardinaux résidentiels (intervention du cardinal Liénart du 13 octobre 1962 soutenue par des cardinaux allemands) au service de l’épiscopat et au détriment de la Curie. Cependant, la mise en œuvre de la collégialité remet en cause localement le pouvoir des cardinaux. F. Le Moigne-C. Sorrel et M. Gayte soulignent l’évolution entre les organisations hiérarchiques locales créées sous Benoît XV, dominées par les cardinaux et donc par une légitimation romaine de l’autorité (Assemblée des cardinaux et archevêques en France, National Catholic Welfare Conference aux États-Unis), et les conférences épiscopales nées dans les années 1960, dont la présidence est élective. Malgré tout, les cardinaux conservent leur rôle essentiel d’aristocratie électrice du pape, malgré les inquiétudes de Pie IX, qui craignait qu’un conclave en plein concile ne conduise à l’élection de son successeur par les évêques (F. Jankowiak) ou les projets d’élection du pape par le corps épiscopal, évoqués dans la mouvance de Vatican II33.

35Au terme de ce travail collectif, les coordinateurs tiennent à exprimer leur immense gratitude aux collaborateurs du projet dans son ensemble et aux contributeurs de ce volume en particulier. Nous remercions également chaleureusement tous les membres du comité scientifique34 pour leur soutien au long du projet, ainsi que les institutions partenaires – l’Université Paris-Sud, l’Institut catholique de Paris et l’École française de Rome, qui accueille cet ouvrage dans sa Collection.

Notes de bas de page

1  L. Chevailler, Réflexions sociologiques sur la Curie romaine et sur ses méthodes de gouvernement durant le pontificat de Pie X, dans Études juridiques et historiques dédiées à Monsieur le Chanoine Raoul Naz, Chambéry, 1971, p. 23-29, ici p. 23.

2  Outre la publication sous l’égide de P. Christophe, des Carnets du Cardinal Baudrillart couvrant la période 1914-1935 (Paris, 1994-2003, 9 vol.), il faut réserver une mention particulière à la Collectanea Archivi Vaticani, laquelle, depuis 1968 mais à un rythme plus soutenu depuis une vingtaine d’années, réalise des éditions de sources et d’inventaires, souvent essentielles pour notre objet : cf. bibliographie p. 404-405.

3  Nous nous permettons de renvoyer à notre introduction au dossier « Sources et approches des biographies cardinalices », dans MEFRIM, 128-1, 2016, http://mefrim.revues.org/2538.

4  À l’âge pré-informatique, on peut rappeler la tentative en 1888 faite par le comte Francesco Cristofori de proposer une véritable « étude d’histoire statistique » sous la forme d’une « cronostassi dei cardinali », soit des listes de titres cardinalices : F. Cristofori, Storia dei cardinali di Santa Romana Chiesa, dal secolo V all’anno del Signore MDCCCLXXXVIII, Rome, 1888, p. VIII.

5  Ainsi, dès le milieu du XVIIIe siècle, les tableaux confectionnés par Pons-Augustin Alletz, notamment Description historique de la tenue du conclave, et de toutes les Cérémonies qui s’observent à Rome depuis la mort du Pape jusqu’à l’exaltation de son successeur. Avec la Liste des cardinaux qui composent aujourd’hui le Sacré College [sic] depuis la mort de Benoist XIV, Paris, Guillaume-Nicolas Desprez, 1758. Deux autres éditions sont réalisées en 1769 et 1774. Continué aux XIXe et XX siècles (G. Berthelet, Conclavi, pontefici e cardinali nel secolo XIX. Atti concernenti la malattia, morte ed elezione del papa, Turin, 1903), le genre n’est pas entièrement délaissé de nos jours : cf. G. Zizola, Le successeur, Paris, 1996.

6  Ph. Boutry, Souverain et pontife : recherches prosopographiques sur la Curie romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846), Rome, 2002 (CEFR, 300).

7  DBC.

8  H. Wolf (dir.), Prosopographie von Römischer Inquisition und Indexkongregation, 1814-1917, Paderborn-Munich-Vienne-Zürich, 2005 ; Id., Prosopographie von Römischer Inquisition und Indexkongregation 1701-1813, Paderborn-Munich-Vienne-Zürich, 2010.

9  http://www.vatican.va/news_services/press/documentazione/documents/cardinali_statistiche/cardinali_statistiche_prospetto_it.html

10  www2.fiu.edu/∼mirandas/essay.htm.

11  J. F. Broderick, The Sacred College of Cardinals. Size and geographical composition (1099-1986), dans AHP, 25, 1987, p. 7-71 ; P. A. Viton, « Obligatory » Cardinalatial Appointments 1851-1929, dans AHP, 21, 1983, p. 275-294.

12  http://webdept.fiu.edu/∼mirandas/cardinals.htm

13  Un bilan historiographique depuis l’ouvrage fondateur de N. Elias, Die Höfische Gesellschaft, publié en 1969 mais rédigé dans les années 1920, dans T. Trétout, Introduction : la Cour, objet d’histoires, dans Hypothèses, 12/1, 2009, p. 17-26. Les historiens des périodes plus anciennes ont montré tout le profit qu’il était possible de tirer pour l’étude de la cour de Rome de ces approches croisées entre histoire sociale et culturelle : cf. P. Partner, The Pope’s Men : the Papal Civil Service in the Renaissance, Oxford, 1990 ; R. Ago, Carriere e clientele nella Roma barocca, Rome-Bari, 1990 ; M. Rosa, La Curia romana nell’età moderna : istituzioni, cultura, carriere, Rome, 2013 (La corte dei papi, 24) ; M. A. Visceglia, La città rituale : Roma e le sue cerimonie in età moderna, Rome, 2002 (La corte dei papi, 8).

14  Cf. J.-Ph. Genet, La genèse de l’État moderne : les enjeux d’un programme de recherche, dans Actes de la recherche en sciences sociales, 118/1, 1997, p. 3-18 ; F. Burdeau, Naissance d’un droit, dans Nonagesimo anno. Mélanges en hommage à Jean Gaudemet, Paris, 1999, p. 521-540 [sur l’émergence du droit administratif français] ; F. Dreyfus, L’Invention de la bureaucratie : servir l’État en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis (XVIIIe-XXe siècles), Paris, 2000. Ces problématiques ont contribué au renouvellement des études sur l’administration pontificale de la fin du Moyen Âge et de la période moderne, cf. par exemple P. Jugie, Les familiae cardinalices et leur organisation interne au temps de la papauté d’Avignon, dans Aux origines de l’État moderne : le fonctionnement administratif de la papauté d’Avignon [Actes de la table ronde internationale de l’École française de Rome (Avignon, 22-24 janvier 1988)], Rome, 1990 (CEFR, 138), p. 41-59 et plus généralement A. Jamme, O. Poncet (éd.), Offices, écrit et papauté, XIIIe-XVIIe siècle, Rome, 2007 (CEFR, 386).

15  Ainsi le réseau de recherche Encounters of European Elites, coordonné par Andrea Ciampani (LUMSA) et appuyé sur la base de données ODIS hébergée par l’Université catholique de Leuven (centre KADOC) : http://www.eece.eu/events.htm

16  Cf. F. Jankowiak, L. Pettinaroli, Cardinaux et cardinalat, une élite à l’épreuve de la modernité (1775-1978) : réflexions autour d’un projet collectif, dans Rechtsgeschichte. Zeitschrift des Max-Planck-Instituts für europäische Rechtsgeschichte / Legal History. Journal of the Max Planck Institute for European Legal History, 20, 2012, p. 363-365.

17  Cardinaux et cardinalat (1775-1978) : sources et approches, F. Jankowiak, L. Pettinaroli (dir.), dans MEFRIM, 127-2, 2015. Ce dossier regroupe six articles : L. Pettinaroli, Introduction : les approches du cardinalat entre histoire, droit, théologie et archivistique ; J.-F. Chiron, Statut théologique du cardinalat et ecclésiologie contemporaine ; S. H. De Franceschi, La théologie catholique face au statut des cardinaux de l’Église romaine. Origines et fonctions du cardinalat selon le discours ecclésiologique du catholicisme posttridentin ; F. Jankowiak, Cardinaux et droit canonique ; É. Fouilloux, Cardinal ou cardinaux ? ; A. M. Dieguez, « Gli Eminentissimi Padri nella loro alta prudenza e saggezza vedranno cosa proporre ». Fonti vaticane per la ricostruzione dell’attività dei cardinali. https://mefrim.revues.org/2217

18  Sources et approches des biographies cardinalices (XIXe-XXe s.), F. Jankowiak, L. Pettinaroli (dir.), dans MEFRIM, 128-1, 2016, comprenant six autres contributions : F. Jankowiak, L. Pettinaroli, Introduction ; M. Ranica, « Il vero eroe » : la creazione cardinalizia di Francesco Luigi Fontana tra fonti e storiografia ; V. Poels, H. de Valk, A Stranger in the Sacred College of Cardinals : contextual and heuristic problems in investigating Cardinal van Rossum ; Ph. Roy-Lysencourt, Le parcours curial du cardinal Rafael Merry del Val ; K. Schelkens, The curious case of cardinal Willebrands. Oscillating between the College of Bishops and the College of Cardinals ; E. Galavotti, « Eccomi nominato papa ». Il diario del conclave del 1958 del cardinale Angelo Giuseppe Roncalli. https://mefrim.revues.org/2366.

19  Ce n’est qu’en 1908 que la constitution Sapienti consilio donne une définition strictement fonctionnelle et objectivée de la Curie romaine : « les congrégations, tribunaux et offices auxquels est réservé le traitement des affaires de l’Église universelle » (AAS, 1, 1909, p. 7-19, ici p. 7), prenant acte du même coup de la disparition définitive des États pontificaux.

20  Ph. A. Viton, « Obligatory » Cardinalatial Appointments… cit., p. 278 table 1.

21  Au 17 août 2015, 78 cardinaux ont la charge de diocèses, soit 65 % des 120 cardinaux électeurs, mais 35 % seulement de l’ensemble des 219 cardinaux http://www2.fiu.edu/∼mirandas/a-z-now.htm.

22  Le rôle des institutions religieuses, notamment des élites cléricales, est évoqué mais sans faire l’objet d’analyses détaillées dans l’ouvrage d’Arno Mayer, La persistance de l’Ancien régime : l’Europe de 1848 à la Grande guerre, Paris, 2010 [1983], p. 14-15 et p. 241-244.

23  I. Schuster, L’Église contre le racisme : une hérésie antiromaine. Déclaration des cardinaux-archevêques de Malines, Paris, Milan et du patriarche de Lisbonne, Paris, 1939.

24  M. A. Visceglia, C. Brice (dir.), Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, 1997 (CEFR, 231), notamment S. Andretta, Cerimoniale e diplomazia pontificia nel XVII secolo, p. 201-222 et R. Ago, Sovrano pontefice e società di corte : competizioni, cerimoniali e politica nella seconda metà del XVII secolo, p. 223-238.

25  Ph. Boutry, Une théologie de la visibilité. Le projet zelante de resacralisation de Rome et son échec (1823-1829), dans ibid., p. 317-367 ; I. Fiumi Sermattei, R. Regoli (dir.), La corte papale nell’età di Leone XII, Ancône, 2015.

26  Voir également A. M. Dieguez, « Gli Eminentissimi Padri… »cit.

27  Cf. Les secrétaires d’État du Saint-Siège (1814-1979). Sources et méthodes, dans MEFRIM, 110-2, 1998, p. 439-686 ; Les secrétaires d’État du Saint-Siège. XIXe-XXe siècles, dans MEFRIM, 116-1, 2004, p. 7-311.

28  Voir aussi A. Dieguez (éd.), L’archivio particolare di Pio X : Cenni storici e inventario, Cité du Vatican, 2003 (CAV, 51) ; A. Dieguez, S. Pagano, Le carte del « sacro tavolo » : aspetti del Pontificato di Pio X dai documenti del suo archivio privato, Cité du Vatican, 2006 (CAV, 60).

29  J.-D. Durand, Lo stile di governo di Pio XI, dans C. Semeraro (éd.), La sollecitudine ecclesiale di Pio XI : alla luce delle nuove fonti archivistiche [Atti del Convegno internazionale di studio. Città del Vaticano, 26-28 febbraio 2009], Cité du Vatican, 2010, p. 44-60.

30  Les perspectives les plus fines et détaillées sont présentées ici au sujet du pontificat de Pie XI qui a attiré de nombreux chercheurs ces dernières années (voir les contributions de Cárcel Ortí, Coco, Castelli, Levant, Valvo). Cf. aussi R. Regoli, Il ruolo della Sacra Congregazione degli Affari ecclesiastici straordinari durante il pontificato di Pio XI, dans C. Semeraro (éd.), La sollecitudine ecclesiale di Pio XI… cit., p. 184-229 ; J. Prévotat (éd.), Pie XI et la France : l’apport des archives du pontificat de Pie XI à la connaissance des rapports entre le Saint-Siège et la France, Rome, 2010 (CEFR, 438), L. Pettinaroli (éd.), Le gouvernement pontifical sous Pie XI. Pratiques romaines et gestion de l’universel, Rome, 2013 (CEFR, 467).

31  Voir aussi Ph. Boutry, Ultramontanisme, dans DHP, p. 1651-1653.

32  E. Lamberts (éd.), The Black International, 1870-1878 : the Holy See and militant Catholicism in Europe, Bruxelles-Rome, 2002.

33  On retrouve ici la délicate question de l’articulation avec l’épiscopat, qui constitue un enjeu théologique et ecclésiologique majeur. Cf. J.-F. Chiron, Statut théologique du cardinalat… cit.

34  Brigitte Basdevant-Gaudemet, Martin Baumeister, Séverine Blenner-Michel, Pierre Bonin, Vicente Cárcel Ortí, Philippe Chenaux, Andrea Ciampani, Giuseppe Maria Croce, Alejandro Mario Dieguez, Jean-Dominique Durand, Carlo Fantappiè, Emma Fattorini, Emilia Hrabovec, Philippe Levillain, Alberto Melloni, Denis Pelletier, Philippe Portier, Jacques Prévotat, Roberto Regoli, Hubert Wolf.

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