Chapitre 9. Histoire des boutiques et histoire économique
p. 161-186
Texte intégral
1La documentation archéologique, épigraphique, iconographique et littéraire livre de nombreuses informations sur les composantes de l’économie d’Ostie. Il faut distinguer les lieux de métier connus des activités attestées dans les sources écrites ou iconographiques dont la localisation demeure inconnue. En utilisant la métaphore de l’engrenage, F. Braudel définit les espaces de travail comme des rouages formant un système économique. Il distingue les rouages de la limite basse des échanges, c’est-à-dire du petit commerce, de ceux de la limite haute des échanges, correspondant au grand commerce. La première catégorie rassemble les marchés, les boutiques et le colportage, tandis que la seconde réunit les édifices de stockage, les foires et les bourses1. Cette classification ne peut être transposée telle quelle à notre étude pour deux raisons principales. En premier lieu, F. Braudel n’intègre pas dans cette classification l’ensemble des lieux de production ; de plus, une typologie élaborée pour l’étude des échanges dans l’Europe du XVe-XVIIIe siècle ne saurait être totalement opérante pour la période antique. C’est pourquoi, il importe de considérer les « avatars de l’économie » étudiés par J.-P. Morel dans son étude topographique du commerce et de l’artisanat de Rome dans laquelle il distingue les manufactures, les boutiques, les marchés et les entrepôts2. À propos d’Ostie, J. DeLaine s’est attachée à étudier les différentes structures économiques au sein desquelles elle distingue les ateliers de grandes dimensions, les boutiques, les entrepôts, ainsi que les lieux de ventes aux enchères3. À leur suite, nous choisissons de ne pas traiter l’artisanat domestique, ainsi que les marchés périodiques, ou nundinae à propos desquels la documentation d’Ostie demeure muette. Les rouages économiques d’Ostie forment un système complexe qu’il faut envisager dans son ensemble et au sein duquel il paraît important de replacer les boutiques.
2Ostie agit comme une interface entre trafic fluvial et maritime. Cette situation nodale place Ostie à la croisée de plusieurs territoires, et par extension de plusieurs centres de consommation. En premier lieu, il y a la capitale peuplée d’environ un million d’habitants durant le Haut-Empire, constituant selon N. Morley le deuxième centre de demande du monde romain après les armées4. Selon E.C. De Sena, l’hinterland de Rome se déploie sur plus de 5000 km2, s’étendant sur la côte de Centumcellae au nord à Antium au sud et comprenant la partie méridionale de l’Etrurie et une large partie de la vallée du Tibre5. Ostie et Portus font partie intégrante de cet hinterland et jouent un rôle central dans l’approvisionnement de la capitale, dans le cadre de l’annone ou non. Ensuite, vient la population d’Ostie même et de son suburbium qui est estimée entre 30000 et 60000 habitants durant le Haut-Empire. Il s’agit d’une ville de taille importante, bien qu’elle soit trop petite pour compter au nombre des mégapoles méditerranéennes. Enfin, Ostie jouait assurément un rôle économique important à l’échelle du Latium. Le transport y était assuré par route ou cabotage. Le système portuaire formé par Ostie et Portus ne suffisait évidemment pas à approvisionner tous ces territoires, mais y participait certainement pour une grande part. Ainsi, le suburbium de Rome et celui d’Ostie, les campagnes du Latium et ses villas maritimes produisaient une partie des richesses destinées à ces populations6. Inversement, le port d’Ostie devait servir de port d’exportation à certains produits destinés au reste de l’Empire. Ostie s’inscrit donc dans un système économique complexe : la ville jouait un rôle dans l’approvisionnement de la capitale, mais également – à une échelle plus locale – dans celui de son propre hinterland.
3De nombreux modèles théoriques ont été élaborés en vue de l’étude diachronique de l’économie urbaine. L’un des enjeux centraux de ces débats réside dans la relation que la ville antique entretient avec la campagne. Ainsi, le modèle de la « ville de consommateurs » élaboré par M. Weber et repris par M. Finley fait de la ville un centre de consommation pour la production émanant des campagnes avoisinantes7. Ce modèle s’oppose à celui de la « ville de producteurs », correspondant selon M. Weber aux villes médiévales produisant les biens pour leurs propres besoins et ceux des territoires ruraux avoisinants. Pour A. Wallace-Hadrill, Pompéi se rapproche de la « ville de producteurs » car la localisation des élites dans la ville était un prérequis pour assurer leur domination sociale et politique par le biais du patronage et des cérémonies qui lui sont associées8. Ce modèle a reçu de nombreuses critiques. Par exemple, D. Engels estime que cet idéaltype ne correspond à aucune réalité, seules les grandes mégapoles comme Alexandrie, Antioche ou Rome pouvaient s’en approcher9. Le modèle de la « service city » a été développé par D. Engels à propos de la ville portuaire de Corinthe. L’auteur a mis en évidence que la production urbaine et rurale ne suffisait pas à répondre aux besoins de la population de la ville. Il en conclut donc un fort rôle du commerce et des importations dans l’approvisionnement de Corinthe10. Ce modèle a été rapproché d’un troisième idéaltype wébérien : la « ville commerçante ». Cette dernière se définit par l’importance des profits provenant de la vente de produits importés sur le marché local, de l’exportation de productions locales ou de l’exportation des produits importés (il s’agit là du sous-modèle de la « ville de commerce intermédiaire »)11.
4Les spécificités de l’économie d’Ostie rendent difficile son classement au sein de cette typologie. De toute évidence, Ostie échappe au modèle de la « ville de consommateurs » et de la « ville de producteurs ». Étant donnée l’impor tance de son port, la ville n’opère pas des échanges uniquement avec la campagne avoisinante. De même, elle ne correspond pas précisément au modèle de la « service city » puisqu’une grande partie de ses importations n’était pas destinée à une consommation locale, mais plutôt à l’approvisionnement de Rome. Elle correspond davantage au modèle de la « ville commerçante » dans laquelle l’importation et l’exportation des produits jouaient un rôle majeur.
5Ostie se trouve donc à la croisée de différents marchés dans toutes les acceptions du terme. Trois notions doivent être considérées. Le « market place » tout comme le « market principle » ont été définis par S. Kaplan à propos de l’approvisionnement de la France durant l’Ancien Régime et repris par J. Andreau au sujet de l’économie antique12. Le market place comme lieu se définit comme un espace de transactions. Le market principle est défini par S.L. Kaplan comme un « système de relations dans le cadre desquelles, où qu’eût lieu la transaction, les forces impersonnelles de l’offre et de la demande déterminaient les prix qui décidaient de la répartition des ressources, des revenus et des productions13 ». Enfin, le marché peut désigner un « espace, une région, dans lesquels une marchandise trouve à être vendue14 ».
6L’intrication des boutiques dans les hauts rouages de l’économie d’Ostie, qu’ils soient productifs, portuaires ou marchands, définit la place et le rôle qu’elles occupent dans ce système en évolution.
9.1 Côtoyer les grands ateliers et les marchés
7Les boutiques ne sont pas les seuls lieux de métier impliqués dans l’artisanat et le commerce à Ostie (pl. XIII). Les grands ateliers et les marchés ont assumé des fonctions analogues, mais ils se distinguent par des caractéristiques architecturales distinctes. Si ces rouages de l’économie font système, encore faut-il s’interroger sur les relations qu’ils entretiennent entre eux. Comment les boutiques se différencient-elles de ces espaces ? Existe-t-il des liens unissant ces différents lieux ? Les questions de la spécialisation, des concentrations horizontales ou verticales et celle de la destination de la production seront abordées à travers des études de cas.
9.1.1 Produire pour Rome ou pour Ostie ?
8Ostie se démarque d’autres sites connus – comme Pompéi ou Herculanum – par la présence d’édifices de grandes dimensions servant à la production ou à la transformation de biens. Les fouleries et les boulangeries d’Ostie ont fait l’objet de monographies et sont les mieux connues de ces grands ateliers. Cette catégorie d’édifices doit être distinguée des boutiques. Les premiers se démarquent par leurs grandes dimensions, la quantité d’équipements dont ils disposent et enfin, par une ouverture sur la rue plus limitée. Il s’agit donc d’ateliers caractérisés par la concentration d’équipements et de main-d’œuvre, ainsi que par un rôle commercial limité. Afin de limiter les confusions, ces édifices seront désignés comme de « grands ateliers ».
9.1.1.1 Les fouleries : mode opératoire commun, deux métiers distincts
9L’exemple des fouleries d’Ostie permet de mesurer les spécificités de l’artisanat en boutique au regard des grands ateliers.
10L’examen des fouleries d’Ostie permet de distinguer deux groupes d’édifices que leur organisation interne oppose bien qu’ils partagent le même type d’équipements. Les fouleries de petite taille, incorporées dans des boutiques, s’opposent aux grands établissements15. Ceux-ci se distinguent par leurs dimensions importantes et par le grand nombre de leurs équipements (fig. 60). Les travaux de L. Pietrogrande, ainsi que ceux de Cl. De Ruyt permettent d’inventorier trois de ces locaux : la Fullonica Maggiore (II, XI, 1), la Fullonica di Via degli augustali (V, vii, 3) et la foulerie située à l’arrière du Tempio dei Fabri Navales (III, ii, 1-2)16. Ce corpus a été repris et étudié en détail par M. Flohr dans son livre consacré au monde des foulons17. Ces locaux furent édifiés aux Ier et IIe siècle de notre ère.
11Les fouleries installées en boutique sont au nombre de quatre : les locaux r1i13b22, r2i04b12, r2i06b16 et r2i11b08. L’installation de ces ateliers est datée entre le IIe siècle et la première partie du IIIe siècle.
12L’équipement nécessaire au fonctionnement d’une foulerie se compose de stalles de foulage et de bassins de rinçage. Il s’agit là de points de comparaison pertinents entre ces deux types de locaux. Les petites fouleries sont pourvues d’un nombre réduit de stalles (entre trois et quatre). Les bassins de rinçage sont de grandes dimensions au regard des autres bassins maçonnés des boutiques d’Ostie. Toutefois leur volume, allant de 1,7 à 6,4 mètres cubes (soit 1700 et 6400 litres) est bien plus réduit que celui des équipements des grandes fouleries. Ces dernières sont dotées d’un nombre conséquent de stalles de foulage. Compris entre 35 et 45, ce chiffre n’est dépassé en Italie, à notre connaissance, que par un local mis au jour à Rome (Casal Bertone) qui est pourvu de 97 stalles de foulage18. Les bassins de rinçage sont de dimensions supérieures aux précédents locaux. Dans chacune de ces grandes fouleries, trois à quatre bassins sont reliés par des conduites formant un complexe au sein duquel l’eau circule. Leur volume cumulé est compris entre 46,5 et 52,2 mètres cubes (soit 46500 et 52200 litres) par foulerie. Il apparaît que les grandes fouleries disposent de treize fois plus de stalles en moyenne que les petits locaux, tandis que leurs bassins ont une capacité volumétrique en moyenne dix fois supérieure aux petites fouleries. Si les mêmes maillons de la chaîne opératoire étaient réalisés dans ces deux types de locaux, la quantité de textile traitée devait être bien plus importante. En outre, en considérant le nombre de stalles comme un indicateur du nombre maximal de travailleurs occupés au même moment à cette tâche, il apparaît que les grandes fouleries devaient accueillir dix fois plus de foulons que les petits locaux.
13Une comparaison avec d’autres sites permet de préciser cette typologie. N. Monteix distingue deux types de fouleries à Pompéi : les unes ne sont pourvues que d’un bassin et de deux stalles, les autres possèdent davantage d’équipements19. La capacité volumétrique de ces établissements est également un bon point de comparaison. Si les bassins de rinçage de Pompéi (leur volume est compris entre 1887 et 4572 litres) semblent plus petits que ceux d’Ostie (entre 1700 et 52200 litres), les locaux de Pompéi sont souvent dotés de plusieurs bassins maçonnés. La capacité volumétrique des bassins des petites fouleries d’Ostie est donc inférieure à celles de Pompéi, tandis que les grands établissements d’Ostie ont une capacité bien plus élevée que les établissements des cités du Vésuve.
14La distinction entre ces deux types de locaux se manifeste également dans leur organisation interne. Les vastes ateliers se distinguent par leur architecture. Il s’agit de locaux pourvus de piliers disposés autour des bassins centraux. Selon L. Pietrogrande, l’espace central était à ciel ouvert ou couvert de claies de bois ou d’une tenture20. En outre, il importe de considérer la surface totale des locaux, ainsi que celle libre de tout équipement. Les petites fouleries, mesurant entre 31 et 80 m2 ont une surface libre importante (entre 25 et 34 %). Au contraire, les grandes fouleries sont très vastes – 228 à 241,5 m2 – mais sont dotées d’une surface libre réduite (ne représentant qu’entre 2 et 3 % de la surface totale). Ces résultats indiquent une plus grande optimisation des surfaces disponibles dans les grands établissements dont l’espace est presque saturé. Les aires libres ne correspondent en réalité qu’aux étroits passages permettant de circuler entre les équipements. Au contraire, les petites fouleries sont dotées de vastes espaces libres. La disposition des équipements marque un autre point de distinction : les bassins de rinçage occupent le centre des grands établissements, tandis que les stalles de foulage sont localisées le long des murs des boutiques-ateliers. Dans ces dernières, les équipements n’occupent qu’un côté de la boutique dans les locaux r2i4b12 et r2i6b16, tandis qu’ils sont installés dans une pièce séparée dans les boutiques r1i13b22 et r2i11b08. Cette séparation suggère le déroulement d’autres opérations dans les aires libres ou encore la présence d’un espace de transactions et de services aux clients. Ce dernier aspect semble confirmer par la présence des seuils à rainure longitudinale équipant de larges baies – entre 2,59 et 2,65 m – par opposition aux seuils à deux vantaux – entre 1,33 et 1,73 m de largeur – permettant de pénétrer dans les grands établissements.
15Cette organisation n’est pas sans conséquences sur les conditions de travail propres à ces deux catégories. D’une part se dessine le portrait des foulons-boutiquiers travaillant à faible effectif, mais de manière plus polyvalente et en contact avec la clientèle. D’autre part, les foulons travaillant dans les grands établissements se démarquent par leur grand nombre, une spécialisation des tâches plus prononcée, ainsi que par l’absence de contact avec la clientèle. Selon M. Flohr, les fouleries installées en boutique correspondaient à un travail familial, tandis que les plus grandes étaient destinées à accueillir le travail de salariés ou d’esclaves21. Quoiqu’intéressante, cette hypothèse demeure invérifiable.
16Se pose alors la question de la fonction de ces deux types d’édifices. Les différences qui se dessinent, tant du point de vue de l’organisation interne qu’en termes de productivité, permettent probablement de distinguer deux filières d’une même activité artisanale. L’une en contact avec la clientèle, aux rendements réduits répondrait à un besoin local. L’autre, composée des grands établissements, se caractérisait par une optimisation de l’espace, mais également par une spécialisation plus grande dans la chaîne opératoire ; elle devait répondre à un autre besoin. Il pourrait s’agir du dernier maillon de la production textile : le tissu importé à Ostie y subirait la dernière étape permettant sa distribution à Rome ou à Ostie. Cette hypothèse formulée par Cl. De Ruyt a été reprise par M. Flohr22. Les grandes fouleries devaient alors fonctionner pour des négociants en textile qui devaient être impliqués dans des exportations de tissus vers Rome plutôt que pour des clients privés d’Ostie.
17Afin de vérifier cette hypothèse, il faut comparer le corpus des fouleries d’Ostie à celui d’autres villes. Ostie se distingue avant tout par la prépondérance de ses grands ateliers de foulerie23. Sur le corpus des 25 fouleries d’Italie recensées par M. Flohr, 18 sont situées dans des boutiques24. Les fouleries hors boutique ne sont attestées qu’à Florence, Ostie, Pompéi et à Rome. La plus grande proportion de fouleries en atelier se retrouve à Ostie avec près de la moitié des locaux. Doit-on expliquer cette prépondérance par la taille de la ville d’Ostie et l’importance de sa population ? Dans ce cas, les fouleries répondraient avant tout à une demande locale. Ou s’agit-il d’une particularité découlant de l’activité d’exportation de textiles ? Une comparaison avec Pompéi apporte quelques éléments de réponse. De nombreux travaux ont mis en évidence l’importance de l’activité des foulons dans cette ville qui a été qualifiée à plusieurs reprises de ville exportatrice de draps25. Par conséquent, les fouleries de Pompéi n’étaient probablement pas destinées à l’unique satisfaction des besoins locaux et pouvaient être impliquées dans l’exportation de textile. Les 13 fouleries de Pompéi ont une capacité cumulée de 43 stalles de foulage. Les 6 fouleries d’Ostie disposent au total de 134 stalles. Rapporté aux populations estimées des deux villes, et en prenant en compte les zones non fouillées, on trouve à Pompéi une stalle pour 232 habitants estimés, et une stalle pour 184 à 373 habitants à Ostie26. Il s’agit donc à peu près du même ordre de grandeur. De ce fait, si la thèse selon laquelle Pompéi exportait des draps est avérée, il en allait probablement de même pour Ostie. Toutefois, une partie de l’exportation du textile traité à Ostie pouvait être destinée à Rome, qui ne représente pas un marché comparable aux destinations d’exportation de Pompéi. Il faut remarquer le très faible nombre de stalles installées en boutiques à Ostie (11, soit 8 % du total). En excluant les vastes fouleries de ces estimations, il n’y aurait à Ostie qu’une stalle pour 2727 à 4545 habitants. Ces estimations ne correspondent pas du tout avec la situation connue à Pompéi. Par conséquent, l’hypothèse selon laquelle la production des grandes fouleries d’Ostie n’était destinée qu’à l’exportation – et par conséquent, que seules les fouleries en boutiques produisaient pour la population locale – doit être rejetée. Il est certain qu’au moins une partie des grandes fouleries participaient à la production destinée à la population locale.
18Toutefois, la restriction de leur accès nous pousse à envisager une coopération entre les deux types de locaux : les grands ateliers devaient être uniquement dédiés à la production, tandis qu’au moins une partie des tissus devait être distribuée en boutique. Il est alors possible d’envisager la vente de ces produits en boutiques déjà spécialisées dans la foulerie comme l’a suggéré L. Pietrogrande27. Au contraire, il est également plausible qu’une partie des textiles produits dans les grands ateliers aient été vendus – et éventuellement transformés – dans la boutique d’un drapier ou d’un tailleur.
9.1.1.2 Les boulangeries : du pain pour Rome et pour Ostie
19En l’état de notre documentation, aucune boulangerie n’a été identifiée dans les boutiques d’Ostie. Selon les travaux dirigés par J.T. Bakker, quatre boulangeries peuvent être identifiées avec certitude à Ostie (la boulangerie I, ii, 2-6 ; le Caseggiato dei Molini I, iii, 1 ; le Molino I, xiii, 4 et le Caseggiato delle Fornaci II, vi, 6-7). Leur identification repose sur la présence d’équipements propres à l’activité de boulangerie-meunerie : meules, pétrins et fours. Il existe quatre autres locaux hypothétiques (I, iv, 5 ; I, ix, 2 ; I, xii, 4 ; II, viii, 9) dont l’identification repose sur la présence d’une partie de ces équipements. Deux boulangeries ont été édifiées au IIe siècle et deux autres au IIIe siècle de notre ère28. L’architecture de ces boulangeries doit être distinguée de celle des boutiques. Les grandes boulangeries ne sont que très rarement pourvues de larges entrées équipées d’un seuil à rainure longitudinale. L’entrée est plus généralement composée d’une étroite porte disposant d’un seuil à deux vantaux. Les meules et les pétrins occupent généralement l’espace central. Les différences entre ces ateliers et les boutiques sont particulièrement mises en évidence lorsque des boutiques sont transformées en boulangeries. Ainsi les boutiques de l’édifice I, ii, 2-6 ont subi de radicales transformations afin de former une boulangerie. Les baies ont été condamnées, les étages supprimés, tandis qu’un pavement de blocs de basalte a été installé.
20Parmi ces 8 boulangeries-meuneries, seules 3 communiquent avec des boutiques. Selon toute probabilité, ces locaux commerciaux étaient employés pour vendre le pain produit dans les grandes boulangeries qui leur étaient reliées29. La boulangerie hypothétique I, ix, 2 communique avec deux boutiques, le local du Caseggiato dei Molini (I, iii, 1) (fig. 61) est relié à trois boutiques, tandis que la boulangerie I, xiii, 4 communique avec cinq boutiques. Ces boulangeries-meuneries correspondent donc au type A élaboré par N. Monteix, définissant les boulangeries disposant d’espaces de vente30.
21L’hypothèse selon laquelle les boulangeries d’Ostie étaient impliquées dans l’Annone donne lieu à d’autres hypothèses relatives à la fonction de ces boutiques. En amont de cette question se trouve celle de la destination de la production des boulangeries d’Ostie. Pour Cl. De Ruyt, la production des plus vastes boulangeries d’Ostie devait être destinée à Rome31.
22L’idée d’une implication des boulangeries d’Ostie dans l’annone tient en grande partie à la mention d’un panis ostiensis dans un passage du Code théodosien datant de 39832. Ce texte fixe le prix du pain à un nummus. Différentes interprétations ont été proposées au sujet de la nature et de la destination de ce pain. Deux questions s’entremêlent : la vente de ce pain à bas prix s’inscrivait-elle dans le programme de l’annone ? Enfin, le qualificatif ostiensis renvoie-t-il à la vente à Rome de pains produits à Ostie ou indique-t-il que le pain était vendu à Ostie ?
23J.-M. Carrié définit le panis ostiensis et fiscalis comme du pain vendu directement par les boulangers, s’opposant au panis gradilis des distributions frumentaires33. Selon B. Sirks, il s’agirait de pains vendus à bas prix au personnel ayant en charge la perception des impôts d’Ostie et de Portus34. Il s’oppose donc à la thèse de distributions gratuites à Ostie, tout en indiquant que le pain qui y était produit pouvait avoir été acheminé jusqu’à Rome dans le cadre de l’annone35. Selon D. Vera, le panis ostiensis, était destiné à être vendu à prix fixe aux habitants d’Ostie36. La question du panis ostiensis reste donc toujours ouverte. L’archéologie livre toutefois quelques indices quant à la destination du pain produit à Ostie.
24Selon J.T. Bakker, à l’exception du local I, ix, 2, toutes les boulangeries-meuneries mises au jour à Ostie devaient être impliquées dans l’annone37.
25En considérant l’hypothèse selon laquelle des frumentationes existaient à Ostie, faut-il voir les boutiques attachées aux grandes boulangeries comme des lieux de distribution ? Cette hypothèse a déjà été envisagée par C. Virlouvet au sujet des boutiques bordant le forum de César à Rome38. L’état actuel de la documentation ne permet pas de répondre à cette question.
26La question de la capacité de production de ces boulangeries a été traitée par J.T. Bakker. Selon l’archéologue, une meule à grain d’Ostie suffirait à répondre au besoin en pain de 225 personnes. Au total, 178 meules devaient donc être nécessaires pour satisfaire la totalité de la population estimée39. Or, seule une soixantaine de meules a été inventoriée à Ostie. En appliquant la densité de boulangeries par hectare connue à Ostie aux zones encore ensevelie, la ville devrait comprendre environ 90 meules. Cette estimation demeure bien en deçà des 178 meules nécessaires pour nourrir la population d’Ostie selon J.T. Bakker. À titre de comparaison, un total de 88 meules a été inventorié à Pompéi40. Mise en rapport avec une population traditionnellement estimée à 10000 habitants, il y aurait une meule pour 113 habitants41. Toutefois, il faudrait déterminer si les boulangeries de Pompéi ne produisaient du pain que pour les habitants de la ville ou s’il était également vendu à la population de l’hinterland. En considérant les estimations démographiques d’Ostie, il y aurait une meule pour 277 à 555 habitants. Cl. De Ruyt indique qu’il faut y ajouter les marins s’apprêtant à prendre le large, dont les provisions devaient en partie se composer de pain42. En dépit du statut hypothétique de ces estimations, la comparaison du rapport entre le nombre de meules et les habitants de Pompéi et d’Ostie indique que la production de cette dernière était faible. Ce dossier suggère donc que les boulangeries-meuneries d’Ostie ne produisaient probablement pas suffisamment de pain pour que nous puissions envisager une exportation vers Rome.
9.1.1.3 Les autres ateliers connus
27Malgré l’état lacunaire de la documentation, d’autres ateliers ont été identifiés à Ostie.
28L’atelier IV, v, 3 est pourvu d’équipements hydrauliques indiquant sa fonction artisanale. Son installation est datée du IIe siècle43. Un grand bassin maçonné (3 m sur 1,37 m) est doté d’un orifice permettant l’écoulement du trop-plein d’eau dans un second bassin longitudinal courant le long des trois murs restant de la pièce. Ce deuxième bassin est incliné (hauteur maximale de 74 cm et minimale de 54 cm) afin d’assurer une circulation de l’eau. Son identification traditionnelle comme foulerie a été rejetée par L. Pietrogrande en se fondant sur l’absence d’équipements caractéristiques nécessaires à cette activité44. L’étroitesse du bassin périphérique (24 cm) suggère le travail sur des objets souples tels que du tissu, ou rigides mais de largeur réduite comme de l’osier.
29Une fabrique d’étoupe a été identifiée par G. Hermansen dans l’édifice I, x, 3. L’installation de l’atelier daterait de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle45. Son identification se fonde d’une part sur la présence d’une inscription se référant probablement aux stuppatores dans un édifice voisin (I, x, 4)46. D’autre part, une série d’équipements mis au jour dans l’édifice semble correspondre à cette activité. L’étoupe était utilisée dans la production de mèches de lampes, de torches, de cordes et était parfois utilisée pour le calfatage des navires47. Il s’agissait d’un processus visant à la transformation du lin ou du chanvre selon un mode opératoire qui nous est transmis par Pline l’Ancien48. Le lin, lesté d’un poids, est d’abord trempé dans l’eau ; il est ensuite séché au soleil avant d’être broyé au maillet afin d’en détendre les fibres. Enfin, le peignage permet de séparer l’écorce des fibres49. Selon G. Hermansen, les équipements découverts dans l’atelier I, x, 3 correspondent à ces étapes. Les pièces 1 et 4 devaient être destinées à l’étape du trempage en eau chaude opérée grâce à des bassins maçonnés et des chaudrons. Le séchage avait lieu, selon G. Hermansen, sur le toit ou dans le couloir du vico del pino. Le broyage était entrepris sur les blocs rectangulaires de marbre découverts dans les pièces 2 et 4. Il est très difficile de prendre position face à la proposition d’identification de G. Hermansen pour plusieurs raisons. En premier lieu, aucune fabrique d’étoupe n’a été identifiée à notre connaissance dans le monde romain. Les chaudières et les bassins maçonnés étant susceptibles d’être employés pour d’autres activités, les pierres rectangulaires constituent l’élément le plus singulier et probablement le plus solide pour corroborer cette identification.
30D’autres activités sont attestées sans qu’il soit possible de déterminer leur localisation. Si une majorité des briques employées dans la construction des édifices d’Ostie provient de Rome, quelques ateliers de production locale datant du IIe siècle ont été identifiés à partir d’inscriptions50.
31La production de lampes à huile par l’officine d’Annius Serapiodorus est attestée dès l’époque sévérienne, mais décline entre le milieu du IIIe siècle et le IVe siècle51. C. Pavolini y adjoint les lampes portant le timbre MARI FRUC et MAURI52. Il s’agit de productions limitées à diffusion essentiellement locale. Selon C. Pavolini, la production de lampes à Ostie n’est pas attestée avec certitude pour les Ier et IIe siècles53.
32Dans le Caseggiato dei Doli I, iv, 5, près de 400 moules en bronze datés du IIIe siècle ont été découverts. De forme semi circulaire, ils sont composés de deux parties dont l’une dispose de reliefs évoquant les jeux ou le théâtre54. Ces objets furent interprétés comme des moules servant dans la production de pâtisseries distribuées durant les représentations, d’ex-voto ou de souvenirs en cire ou en terre-cuite55.
33Enfin, un atelier monétaire a été actif à Ostie au début du IVe siècle. Face à la révolte du vicaire d’Afrique Lucius Domitius Alexander, Maxence a transféré un atelier de Carthage à Ostie en 308 qui a été fermé en 313 par Constantin56. Les monnaies produites dans cet atelier se caractérisent par une grande circulation, dans tout le bassin méditerranéen57.
34Il apparaît que les équipements découverts dans les ateliers IV, v, 3 et I, x, 3 ne se retrouvent pas en boutiques. Inversement, la production de verre et de bijoux n’est attestée qu’en boutiques. Il s’agit donc de cas d’indépendance totale entre les grands ateliers et les boutiques. En revanche, il est très difficile d’établir un lien entre les ateliers non localisés et les boutiques.
35Les activités des grands ateliers d’Ostie ne recoupent pas exactement celles des boutiques. Les équipements y sont également plus imposants. C’est pour cette raison que la question de la destination de leur production se pose. Il est possible qu’au moins une partie de celle-ci soit destinée à Rome58. Les relations entre les ateliers et les boutiques sont variées. Il peut s’agir de situations de concurrence ou de recoupement partiel des activités, d’indépendance totale ou de coopération dans la chaîne de production et de commercialisation. Ces configurations semblent varier d’une activité à l’autre. Toutefois, la documentation manque pour étudier le rôle que les boutiques ont pu jouer dans la redistribution des biens produits dans ces ateliers. Parmi les grands ateliers mis au jour, trois boulangeries et la probable fabrique d’étoupe ont été construites dans d’anciennes boutiques. Ils furent installés à la fin du IIe siècle et au cours du IIIe siècle. Ces remaniements de boutiques en grands ateliers témoignent, durant cette période, de la nécessité d’un réajustement du format des unités de production. La construction de ces grands locaux devait être induite par la nature même des activités qui y furent installées, nécessitant un espace plus vaste, ou par l’accroissement de certaines entreprises devant faire face à une demande croissante dans certains secteurs. Ces remaniements interviennent après la reconstruction quasi-totale d’Ostie au début du IIe siècle et par là même après la construction d’une grande partie des boutiques d’Ostie. De ce fait, ils semblent procéder d’une adaptation du système productif au récent essor démographique de la ville, générant des demandes plus importantes, auxquelles le format des boutiques ne permettait plus de répondre.
9.1.2 Vendre autrement
36Seuls trois marchés sont connus à Ostie. Si leur identification pose certains problèmes, la documentation permet une première comparaison avec les boutiques.
9.1.2.1 Une ville portuaire sans nundinae ?
37Il n’existe à Ostie nulle trace de nundinae. Le phénomène est pourtant particulièrement présent dans le sud du Latium et en Campanie59. Dans cette zone, 25 villes abritant des nundinae ont été identifiées ; elles sont datées du début de la période impériale jusqu’à l’Antiquité Tardive60. L’absence d’Ostie au sein de cette liste est difficilement explicable puisque des nundinae sont attestées dans des villes de moindre importance, comme Pompéi. Selon B. Shaw, les nundinae d’Afrique se rattachent à une économie opérant à l’échelle des domaines fonciers et de la ville ; ces foires restaient donc en dehors de la sphère du grand commerce61. N. Morley s’oppose à cette idée en observant que les nundinae de Campanie permettaient les échanges entre la campagne et la ville, mais tenaient également lieu de point de départ des exportations vers Rome62. L’absence de nundinae dans les inscriptions d’Ostie serait imputable à la faible importance de la production agricole d’Ostie face au poids du grand commerce. D’autre part, en suivant l’hypothèse de N. Morley, cette absence pourrait également s’expliquer par le faible rôle joué par cette production agricole dans les exportations vers Rome.
9.1.2.2 Le forum vinarium
38Un groupe d’inscriptions attestent l’existence d’un forum vinarium à Ostie63. Sa construction remonte au moins au Ier siècle de notre ère64. Une dédicace à Marc-Aurèle datée de 162 indique une occupation s’étendant au moins jusqu’à la seconde moitié du IIe siècle65. Il est précisé qu’il s’agit d’un lieu distinct du macellum : un membre de la famille des Gamalae fait don de « pondera ad macellum et mens/ uras ad forum vinarium »66. F. Coarelli propose d’identifier ce lieu à l’aire libre située au nord de l’îlot I, XIV, à côté duquel deux des inscriptions furent mises au jour67. Une des inscriptions indique qu’un temple et un quadrige se trouvaient dans ce forum.
39Selon ce faisceau d’inscriptions, des negotiatores en vin y travaillaient. R. Meiggs et F. Coarelli ont comparé le forum vinarium d’Ostie à celui de Rome situé à proximité du portus vinarius68. Dans ce dernier, J. Andreau a relevé dans les sources épigraphiques l’activité d’un coactor vinarius, de coactores argentarii, d’argentarii et de coactores69. Les inscriptions indiquent l’activité de négociants en vin, mais aussi de membres de collèges professionnels liés aux activités portuaires et fluviales : les navicularii et les fabri tignarii. N. Tran y voit donc un lieu de transactions, mais aussi un espace collégial70. Bien que le terme negotiator ne soit pas exclusivement réservé au commerce de gros, la présence de ces métiers portuaires semble corroborer l’hypothèse selon laquelle il s’agissait d’un lieu de vente de produits importés71. Selon J. DeLaine, il s’agissait aussi d’un lieu de vente aux enchères (comme l’indique la présence d’un coactor uinarius) de vin en gros72.
40La localisation et la configuration de ce forum demeurent inconnues, faute de données archéologiques. Cependant, la documentation épigraphique permet d’y voir un lieu principalement consacré au commerce du vin ; des manieurs d’argent devaient également y exercer leur art. En l’état de notre documentation, il est impossible de déterminer s’il s’agissait d’un lieu de vente au détail pouvant concurrencer l’activité des boutiques. Au contraire, il peut être envisagé que cet espace était le lieu de l’achat en gros du vin revendu au détail dans les boutiques.
9.1.2.3 Les macella d’Ostie
41D’après Cl. De Ruyt, le terme macellum désigne un marché alimentaire où l’on vendait du poisson, de la viande, des fruits et légumes et du pain73.Les sources textuelles indiquent que le macellum servait avant tout à la vente de viandes et de poissons. À partir de la fin du Haut-Empire, la place accordée aux poissons est beaucoup plus discrète, ce que Cl. De Ruyt voit comme une conséquence du déclin des grands viviers74. Par conséquent, les sources textuelles indiquent que les macella de l’Antiquité Tardive devaient être essentiellement des marchés de viande75.
42Plusieurs inscriptions d’Ostie attestent l’existence d’un macellum76. Ce dernier est traditionnellement identifié à l’édifice formé d’un ensemble de boutiques donnant sur un espace central localisé à l’ouest du forum (IV, v, 2) (fig. 62)77. Son identification se fonde sur la localisation voisine de quelques inscriptions comportant le terme macellum. L’une fut mise au jour à proximité du Ninfeo (I, XIV, 1), situé juste au nord de l’édifice78. Une autre a été découverte au Forum, tandis que deux autres ont été déplacées à Rome79. Enfin, des fragments d’une inscription furent découverts dans l’édifice IV, v, 2, dans les terme delle sei colonne (IV, v, 10-11), ainsi que dans la Schola del Traiano (IV, v, 15)80. Si sa localisation est établie, ce macellum ne se distingue pas vraiment des boutiques puisqu’il est lui-même composé de onze de ces locaux. Il s’agit là d’un cas de figure normal, puisque Cl. De Ruyt constate que tous les macella identifiés du monde romain comprennent des boutiques, à l’exception du marché alimentaire de Leptis Magna81.
43Le Foro della statua Eroica (I, xii, 2) – en cours d’analyse par les équipes germanobritanniques dirigées par A. Gering et L. Lavan – aurait probablement été occupé par un marché alimentaire durant l’Antiquité Tardive. Cette identification se fonde sur la localisation d’une inscription mentionnant un macellum, ainsi que sur la découverte d’orifices dans le pavement correspondant probablement aux étals des boutiques installées sous la colonnade entourant cet espace82. La construction de ce marché serait postérieure au règne de Constantin. En l’attente de cette publication, il paraît impossible de discuter de l’identification de cet espace comme macellum. Quoi qu’il en soit, cette place a dû très certainement servir de marché temporaire, comme l’indique la présence d’étals.
44Si la localisation de ces deux macella est correcte, l’un est formé de boutiques, tandis que l’autre de stands ou d’étals. En outre, deux commerces alimentaires peuvent être identifiés dans le premier macellum. Il apparaît donc que macella et boutiques peuvent se recouper partiellement tant sur le plan architectural que fonctionnel. Les étals temporaires suggèrent toutefois que la mise en vente de produits alimentaires pouvait être assurée par les producteurs eux-mêmes à intervalles réguliers, tandis que la vente en boutique agit comme un relais entre le fournisseur et le commerçant.
45Les marchandises échangées sur ces marchés devaient être en grande partie identiques à celles mises en vente dans les boutiques. En revanche, l’organisation et la nature des échanges ayant lieu dans ces espaces semblent différer. Si le Forum vinarium était un point de redistribution des importations de vin, probablement de vente au gros, la place du Foro della Statua Eroica accueillait vraisemblablement des marchés alimentaires temporaires.
46Boutiques, marchés et vastes ateliers se distinguent non seulement par leurs caractéristiques architecturales, mais également par leur fonction. Si certains grands ateliers et boutiques produisent parfois les mêmes biens, selon des chaînes opératoires similaires, la quantité, ainsi que les modes de travailler diffèrent. Il semble que ces cas de figures soient à rattacher à des situations de concurrence, dans la mesure où il apparaît que la production des vastes ateliers ne pouvait être entièrement destinée à l’exportation. Inversement, la production de certains grands ateliers devait être revendue en boutiques, révélant des situations de coopération entre les différents rouages. De même, les marchés d’Ostie étaient le lieu de vente de produits – surtout alimentaires – pouvant être achetés en boutiques. Boutiques et marchés se distinguent cependant par leur position dans les circuits de distribution : il est hautement probable que le forum vinarium ait été un lieu d’achat en gros pour les boutiquiers qui revendaient le vin au détail dans leur local. Enfin, les macella d’Ostie, dont la localisation n’est pas tout à fait assurée, avaient un rôle très semblable à celui des boutiques : si le macellum IV, v, 7 est en partie composé de boutiques, la place centrale pouvait accueillir des étals temporaires de marchands revendant le produit des campagnes. Cette fonction devait d’ailleurs être exclusive pour le macellum tardif d’Ostie.
9.2 En marge du port
47Le développement du rôle portuaire d’Ostie a suivi plusieurs étapes mises en évidence par F. Zevi. La mise en place du système formé par Pouzzoles, Ostie et Rome remonte à la seconde guerre punique durant laquelle il a joué un rôle important dans le ravitaillement militaire, préfigurant son rôle dans l’approvisionnement civil83. À la fin de la République, le contrôle des mers et l’augmentation de la population ont nécessité la mise en place de nouvelles infrastructures. Si Jules César envisageait déjà la construction d’un port à Ostie, ce n’est que sous Claude que furent initiés les premiers grands travaux. Le bassin de Claude n’avait pas pour vocation, selon F. Zevi, à se substituer au port de Pouzzoles, mais plutôt à le compléter84. Les échecs subis par ce premier port furent probablement à l’origine des motivations poussant Trajan à faire édifier le bassin hexagonal de Portus85. Ce n’est donc qu’avec ce second port qu’Ostie a pu supplanter Pouzzoles et mettre fin au système qui a vu le jour au lendemain de la seconde guerre punique.
48Ce rôle d’avant-port s’est donc affirmé avec la construction du port de Trajan. Selon R. Meiggs, Ostie avait alors trois fonctions principales dans l’approvisionnement de la capitale : fournir les infrastructures portuaires permettant la rupture de charge, entreposer les marchandises, et acheminer les biens vers Rome86. L. De Salvo a insisté sur l’importance de l’annone qui devait constituer le noyau dur de l’économie d’Ostie87. De ce fait, l’Etat a exercé un contrôle important sur Ostie, tout en stimulant son économie par le biais de politiques de construction d’infrastructures portuaires88. Ostie jouait également un rôle de redistribution des produits venant de toute la Méditerranée vers Rome et servait aussi à l’exportation des produits italiques89. R. Meiggs a mis en évidence qu’une partie de la nourriture, des produits finis et non finis devait être destinée à la population d’Ostie elle-même90.
49Dans un article récent, M. Heinzelmann propose une autre hypothèse : à partir de la construction du port de Trajan, Ostie n’aurait plus joué de rôle dans l’approvisionnement de la capitale. Il fonde cette théorie sur les faibles dimensions du port d’Ostie et sur le fait que les marchandises d’outre-mer devaient être déchargées à Portus, puis directement acheminées à Rome, sans passer par Ostie91. Les navires ayant déchargé les marchandises destinées à Rome passeraient ensuite à Ostie pour y échanger des cargaisons privées92. Cette hypothèse doit être nuancée. De nombreux collèges professionnels impliqués dans l’approvisionnement de la capitale – dans le cadre ou non de l’annone – sont attestés à Ostie durant le IIe siècle, ainsi qu’au début du IIIe siècle93. Par exemple, le collège des mensores frumentarii, ayant pour charge le contrôle du grain dans le cadre de l’annone, est attesté à Ostie entre 140 et 21194. De même, le personnel administratif impliqué dans le ravitaillement de la capitale en blé est attesté à Ostie au IIe siècle comme le procurator annonae ostiensis, le tabularius Ostis ad annonam95. Ces inscriptions poussent à rejeter la thèse de M. Heinzelmann. Il faut néanmoins admettre qu’Ostie devait jouer un rôle secondaire dans l’approvisionnement de la capitale face à Portus, en raison des très grandes dimensions de ce dernier.
9.2.1 Les activités du port et de la mer
50À Ostie, les activités du port et de la mer sont essentiellement connues grâce aux sources épigraphiques. Cependant, des édifices mis au jour tels que les entrepôts ou le Piazzale delle corporazioni entretenaient un lien avec ces activités.
9.2.1.1 Les métiers du port
51Les titulatures professionnelles des bateliers sont nombreuses et révèlent la variété des activités portuaires. Les lenuncularii et probablement aussi les scapharii réalisaient, à l’aide de navires propulsés à la rame, des opérations de transbordement des navires marchands96. Les codicarii opéraient sur des navires fluviaux soit pour le transfert des marchandises entre Portus, Ostie et Rome, soit pour le cabotage97. La fonction des traiecti est discutée ; les historiens s’accordent toutefois à les identifier comme des passeurs98. Les urinatores plongeaient pour repêcher les marchandises tombées à l’eau99. Les mensores avaient pour rôle de mesurer et de contrôler les marchandises100. Enfin, il y a les activités de construction navale et de transport. Les fabri nauales étaient des charpentiers de marine, tandis que les navicularii armaient des navires ou entreprenaient le transport sur mer des marchandises101.
52Rien dans notre documentation ne permet d’établir un lien quelconque entre ces acteurs et les boutiques. Cependant, il est toujours possible d’imaginer qu’une boutique servait de bureau ou de local destiné à passer des contrats.
9.2.1.2 La question du Piazzale delle corporazioni
53Située derrière la scène du théâtre, le Piazzale delle corporazioni (II, vii, 4) est composé d’une vaste cour portiquée dont le centre est occupé par un temple. Comme l’a souligné N. Tran, la présence de la mention « l (oco) d (ato) d (ecurionum) » inscrite sur les bases des statues localisées sur la place, montre que l’usage de ce lieu était contrôlé par les autorités urbaines et qu’il devait donc s’agir d’un espace public de la cité102. Ce double portique se développe sur trois côtés de la place, il a été édifié au cours du Ier siècle et compte 61 stations pour la plupart ornées d’une mosaïque de pavement. Ces dernières représentent des motifs évoquant le commerce et le transport qui sont parfois accompagnés d’inscriptions qui permettent d’établir un lien avec certaines associations professionnelles ou certaines activités. Durant le IIIe siècle, des murs en opus vittatum furent édifiés entre le mur périphérique et les colonnes du portique, formant ainsi une série de petites pièces103. Certaines d’entre elles disposaient de banquettes maçonnées dont rien ne subsiste hormis leur indication sur la carte de G. Becatti.
54Les mosaïques de cette place sont traditionnellement appelées stationes. Cette dénomination se réfère aux stationes municipiorum et aux stationes extarum ciuitatum connues à Rome104. Ces dernières servaient vraisemblablement de lieux de commerce ou de réunion pour les commerçants étrangers105. Ces stationes de Rome sont traditionnellement rapprochées d’une inscription grecque de Pouzzoles datée de 174 faisant état d’une station que les habitants de Tyr ne peuvent plus conserver en raison de son prix de location élevé (10000 deniers annuels)106. L’emploi de cette dénomination implique donc une interprétation précise du rôle de ces pièces. Son application aux cellules du Piazzale delle corporazioni d’Ostie repose sur l’inscription « stat (io) sabratensium » ornant la pièce 14107. Une forme plus abrégée est également attestée sur deux autres inscriptions : « s (tatio) n (egotiatorum) f (rumentariorum) c (oloniae) c (urbitanae)/ naviculari curbitani d(e) s (uo) »108 et « s (tatio) c (orporis) f (rumentariorum) »109. Il est donc possible de rapprocher les stationes connues dans les sources écrites des pièces du Piazzale delle corporazioni.
55Le contenu des inscriptions, ainsi que des figurations représentées sur les mosaïques permettent de formuler quelques hypothèses. Sur les 61 stationes, seules 21 comportent une inscription pouvant être rapprochée d’une activité. Les plus nombreuses sont celles pourvues d’un nom de ville systématiquement associé à celui des navicularii, plus rarement des negotiatores. Il s’agissait donc de lieux associés à l’activité des armateurs et négociants de cités étrangères. C. Pavolini y voit un atlas figuré des trafics d’Ostie110. Les villes africaines prédominent : Carthage, Missua, Musluvio, Hippo Diarrhitus, Gummi, Curbitani, Sullectum et Sabrata111. Deux villes de Sardaigne apparaissent : Turris et Carales112. Enfin, on y trouve Alexandrie et Narbonne113. L. Salvo explique la prépondérance de l’Afrique et dans une moindre mesure de la Sardaigne par leur rôle de grands fournisseurs en blé114. Cette hypothèse semble confirmée par la figuration d’un modius à côté des inscriptions de Gummi, Carales et de Curbitani. Les autres mosaïques des cités d’outre-mer représentent souvent des motifs évoquant le grand commerce : navires, phares, et poissons. Enfin, quatre autres inscriptions mentionnent des navicularii sans qu’une cité ne leur soit associée (dans les stations 3, 15 et 16).
56Par ailleurs, sept mosaïques représentent des figures se référant au contrôle du blé. Un modius y est représenté, parfois accompagné d’un rutellum (dans les stations 5, 7, 33, 38 et 55). Ces objets sont étroitement liés à l’activité des mensores ayant en charge le contrôle des marchandises. Toutefois leur figuration sur certaines mosaïques mentionnant des cités d’outre-mer indique qu’il pourrait s’agir d’une évocation plus large du commerce du blé.
57Enfin, quelques inscriptions semblent être le fait de corps de métier d’Ostie ou de Portus. Ainsi, une inscription mentionne deux quinquennales des stuppatores et restiones. Une autre comporte la mention du corpus pellionum ostiensium et portensium, tandis qu’une dernière se réfère aux codicarii, navigant sur des navires fluviaux.
58Au total, les activités représentées semblent, pour une très grande part, liées au commerce maritime et plus précisément à l’approvisionnement en grain.
59La mention sur cinq de ces inscriptions de la formule « de suo » indique un financement des mosaïques par les corps professionnels. La rareté de cette formule – qui n’apparaît que sur 8 % des stationes – est-t-elle une conséquence de l’état lacunaire de la plupart des inscriptions ou traduit-elle la rareté de ce mode de financement ? La question de la fonction de cette place donne lieu à deux interprétations traditionnelles.
60Selon G. Calza, il s’agissait d’un forum commercial, accueillant commerçants et armateurs impliqués dans l’approvisionnement de Rome, rassemblés en ce lieu par les autorités115.
61L’hypothèse selon laquelle ces espaces étaient des lieux de représentation et non d’activité économique est plus communément admise. Elle fut formulée par D. Van Berchem qui propose d’y voir des espaces financés et décorés par les membres des associations professionnelles pour se réunir lors des entractes des représentations théâtrales116. D’après R. Meiggs, il s’agit de lieux mis à disposition de représentants commerciaux117. Selon C. Pavolini, il s’agirait d’emplacements concédés aux associations ayant participé à la construction du théâtre. Ce serait un lieu de représentation et non pas d’activité économique118. Cette interprétation est également suivie par N. Tran, pour qui il s’agirait d’un espace de représentation investi par les associations afin de mettre en évidence leur identité comme corps intégré à la cité119.
62Rien ne permet de déterminer si ce lieu était utilisé par les marchands pour leur négoce ou par les membres des collèges pour se réunir, ou comme simple espace d’affichage. L’absence de seuil dans ces pièces indique que les quelques banquettes mises au jour étaient accessibles par tout un chacun. Il est possible d’imaginer que ces locaux étaient employés pour passer des contrats, ce qui ne nécessiterait pas la présence de dispositifs de fermeture. Rien ne permet donc de déterminer s’il s’agissait bien là d’un espace d’activité commerciale. L’ensemble du dossier permet néanmoins de définir à minima le Piazzale delle corporazioni comme un espace de représentation et d’affichage pour des métiers liés au grand commerce et plus particulièrement au commerce du grain.
9.2.2 Les entrepôts et les boutiques
63Au total, Ostie compte 14 entrepôts120. Si tous sont datés du Ier ou du IIe siècle de notre ère, de récents travaux ont permis d’identifier des modifications sévériennes, voire plus tardives dans certains d’entre eux121. Ces édifices comprennent une série de pièces de stockage dotées de seuils à deux vantaux, parfois équipées de vides sanitaires. G. Rickman distingue trois types d’édifices : ceux organisés autour d’une cour centrale, les entrepôts dont les cellules sont disposées de part et d’autre d’une cloison centrale et enfin les entrepôts à couloir central122. Le deuxième type est absent à Ostie, tandis qu’il est bien attesté à Portus. Les cellules de stockage de ces entrepôts ont pour particularité d’être accessibles depuis la rue. À Portus, leur accès est régulé par une enceinte percée de portes d’octroi. L’inexistence de dispositifs similaires à Ostie expliquerait donc l’absence de ce type d’entrepôts qui seraient alors ouverts à tous. Le dernier type se distingue de plusieurs manières. En premier lieu, la surface de ces entrepôts est bien plus réduite que les autres123. Leur surface moyenne est de 668 m2 contre 3950 pour les entrepôts à cour, de même, le nombre de cellules y est plus faible. Enfin, ils sont nettement plus éloignés du Tibre que les autres types d’entrepôts. Selon G. Rickman, ces petits entrepôts seraient employés afin de pourvoir aux besoins d’Ostie, tandis que les autres étaient – tout du moins partiellement – destinés à stocker des biens destinés à Rome124.
64La nature des biens conservés dans les entrepôts n’est pas très bien connue. La présence de vides sanitaires – ou suspensurae – situés sous le pavement de ces pièces n’implique pas nécessairement le stockage du grain. En revanche, la présence de trous ménagés dans les seuils permettait à l’air de circuler et d’assurer une plus grande durée de conservation des denrées entreposées125. La présence de tels équipements dans les entrepôts du Piccolo Mercato (I, viii, 1), des Grandi Horrea (II, ix, 7) et des Horrea Antoniniani (II, ii, 7) pourrait donc indiquer le stockage du grain126. Toutefois, C. Pavolini a indiqué qu’une telle denrée pouvait être entreposée à l’aide de structures surélevées en bois127. Enfin, la découverte d’une strate d’une hauteur de 8 cm composée exclusivement d’arêtes de poissons dans l’une des cellules de stockage du Piccolo Mercato nous empêche de généraliser ce raisonnement128. Toutefois, cet exemple doit être considéré à part, puisqu’aucune amphore n’a été retrouvée sur place, ce qui ne correspond pas aux modes de transport et de stockage connus pour le poisson et les produits qui en sont dérivés129.
65S’il ne fait aucun doute que les entrepôts étaient destinés à stocker des biens de nature variée, il a été suggéré à plusieurs reprises que ces espaces pouvaient être des lieux de transactions. Toutes ces hypothèses reposent en grande partie sur la question de l’accessibilité des entrepôts. Selon J.T. Bakker, le positionnement des niches cultuelles de certains entrepôts face à l’entrée principale agissait comme une invitation à y entrer130. Au contraire, N. Tran y voit plutôt des lieux de culte destinés au personnel de l’entrepôt131. Les sources écrites suggèrent que les entrepôts étaient également des lieux de transactions commerciales : on y échange des clés permettant d’ouvrir les cellules pour accéder à la marchandise132. J. Andreau indique la présence de négociants en marbre ou en vin dans les horrea attestés dans les inscriptions de Rome, permettant d’émettre l’hypothèse que ces lieux pouvaient servir à « une forme plus intégrée de commerce qui ne requérait point la pratique de ventes aux enchères et l’octroi de crédit par les banquiers de métier »133. J. DeLaine, en examinant l’architecture des Horrea Epagathiana et Epaphroditiana, ainsi que le Piccolo Mercato a suggéré que ces structures à cour centrale pouvaient servir de lieu de ventes aux enchères134. En outre, il apparaît que ces entrepôts pouvaient être employés par des particuliers ou dans le cadre de l’annone, bien que les distributions frumentaires n’y aient pas lieu135.
66Si une grande partie des édifices de stockage d’Ostie devait probablement être destinée à entreposer le blé de l’annone, l’ensemble de ce dossier laisse penser à une plus grande diversité, tant architecturale – les grands entrepôts partiellement destinés au stockage du grain public s’opposent aux petits entrepôts – que fonctionnelle – parallèlement aux activités de stockage, des transactions commerciales pouvaient s’y dérouler. Nous retiendrons avant tout qu’une partie de ces lieux était engagée dans le grand commerce, au sein duquel l’annone devait jouer un rôle substantiel.
67Parmi les entrepôts d’Ostie, seuls les édifices à cour centrale – qui sont également les plus vastes – sont pourvus de boutiques ouvertes sur la rue. L’absence de lien topologique direct entre ces boutiques et l’intérieur des magasins ne permet pas de conclure à la mise en vente directe des biens stockés. Au contraire, la séparation topologique entre boutiques et entrepôts suggère l’existence de deux maillons distincts de la chaîne de distribution136. Une partie des marchandises entreposées pouvaient être achetée par des boutiquiers en vue de leur vente. Toutefois, l’appartenance à une même unité construite peut indiquer une source d’investissement unique lors de la construction.
9.2.3 Les liens entre les boutiques et le grand commerce
68En revanche, il apparaît que certaines boutiques entretenaient une dépendance envers le grand commerce d’Ostie. C’est le cas de la bijouterie du théâtre. La matière première employée était du satin spar, variété de gypse provenant de l’actuelle Grande-Bretagne. La production de verre dans le monde romain était majoritairement secondaire, nécessitant donc l’importation de matières premières137. Si cette situation n’est pas propre à Ostie, cet exemple montre bien que des situations de dépendance entre le petit et le grand commerce existaient.
69Par ailleurs, un ensemble de liens indirects entre les boutiques et le grand commerce émerge de la documentation. Certaines boutiques rattachées à des boulangeries servaient à la vente du pain qui y était produit. Or, certaines de ces boulangeries devaient entretenir un lien étroit avec les grands entrepôts d’Ostie. L’exemple le plus éloquent est la boulangerie du Caseggiato dei Molini qui était reliée aux Grandi Horrea par une arche passant au-dessus de la via dei molini138. Cette passerelle servait probablement à approvisionner la boulangerie en blé directement depuis les entrepôts. Cette situation suggère donc que le pain vendu dans ces boutiques était produit à partir d’un blé importé.
70Certaines boutiques étaient techniquement liées aux activités portuaires et maritimes et relevaient donc d’une économie indirectement liée à la fonction portuaire d’Ostie.
71Dans ce cadre, il faut se demander dans quelle mesure l’activité des boutiques relevait d’une économie induite par le port. L’activité des boutiques serait alors suscitée par la consommation des agents travaillant dans le secteur portuaire et maritime d’Ostie. La méconnaissance des phases antérieures à la reconstruction d’Ostie constitue l’un des principaux obstacles à l’étude des conséquences démographiques de la construction des ports d’Ostie. Il est par ailleurs impossible de connaître la part de la population – estimée entre 25000 et 60000 habitants – tirant leur revenu de ces activités portuaires. En plus des habitants d’Ostie, F. Kolb estime qu’environ 4000 saisonniers venaient à Ostie et Portus durant le mare clausum pour effectuer les travaux de manœuvre et de halage139. Aucun élément ne permet d’étudier la profession des clients des boutiques d’Ostie. En revanche, il est certain que les activités portuaires et maritimes ont profité – de manière indirecte tout du moins – au dynamisme économique des boutiques. Nous l’avons vu, la majorité des boutiques a été construite parallèlement ou suite à l’édification du port de Trajan. Seules 10 % des boutiques ont été édifiées dans le cadre de politiques édilitaires ou d’évergésies. De ce fait, une grande majorité des boutiques a dû être construite par des particuliers. La construction d’immeubles de rapport et de nombreuses boutiques devait certainement répondre à une demande induite par une population importante déjà établie, probablement attirée par les opportunités que représentait le port. La situation inverse est improbable : le grand nombre de boutiques et d’immeubles aurait été construit par les investisseurs privés dans le but d’attirer une grande population. Le phénomène d’afflux démographique et de construction urbaine ont pu s’opérer de concert, probablement en s’alimentant mutuellement. Mais ils prennent indubitablement racines dans la construction du port d’une part et dans l’entreprise de reconstruction d’Ostie d’autre part.
72L’ensemble de notre documentation ne permet pas de conclure à la participation des boutiques aux activités portuaires et maritimes. Il s’agit donc de deux sphères économiques relativement indépendantes. En revanche, des liens indirects entre ces deux entités se sont établis. Ainsi, les produits importés pouvaient être transformés ou revendus dans les boutiques. De même, les boutiques associées aux entrepôts traduisent de probables investissements multiples. Certaines boutiques participaient donc à une économie indirecte ou induite par les activités portuaires. En outre, rien n’indique que la production des boutiques d’Ostie était exportée. En cela, le grand commerce constitue véritablement à Ostie la limite haute des échanges.
9.3 La place des boutiques dans une économie en recomposition
73Intriquées dans un écheveau des rouages économiques en recomposition, les boutiques occupent une place centrale dans l’économie urbaine d’Ostie.
9.3.1 Le maillon central de l’économie urbaine
74Aux yeux de nombreux historiens et archéologues, les boutiques occupent une place centrale dans l’économie urbaine. Qualifiée de « spina dorsale del picolo commercio » d’Ostie par C. Pavolini ou de « phénomène prédominant de l’activité économique à Rome » par J.-P. Morel, la boutique, à la fois lieu d’échanges et atelier, se trouve intégrée au système de production et de distribution de la ville140.
9.3.1.1 Un espace ouvert aux clients
75Les boutiques se différencient en premier lieu des autres lieux par leurs caractéristiques architecturales. Leur surface est bien plus réduite. Le Piazzale delle Corporazioni mesure plus de 5600 m2, le Foro della Statua Eroico plus de 1400 m2, tandis que la surface moyenne des entrepôts d’Ostie est de plus de 3200 m2 (pour une surface cumulée de 52118 m2). Ces grandes surfaces contrastent largement avec les 35,6 m2 que mesurent les boutiques en moyenne.
76Les boutiques se distinguent des autres entités par un mode de clôture faisant intervenir un seuil à rainure longitudinale permettant une très large ouverture vers l’extérieur et par extension vers les consommateurs. Les ateliers et entrepôts se caractérisent au contraire par un seuil à deux vantaux, mais surtout par une visibilité et un accès plus restreints depuis les espaces publics. Cela mène à penser que ces lieux étaient fermés au public ou ouverts à une clientèle plus restreinte. Ainsi, il a été suggéré dans plusieurs ouvrages que les entrepôts devaient être ouverts à des négociants en gros141. La correspondance entre le mode de clôture et le type d’activité semble confirmée par les quelques cas de reconversion de boutiques en ateliers plus vastes. Lors de l’installation de boulangeries ou de l’hypothétique fabrique d’étoupe dans d’anciennes boutiques, le mode de clôture a également été modifié. On passe alors d’espaces ouverts sur la rue à des lieux beaucoup moins accessibles.
77Si ces remarques sont valables pour les ateliers et les entrepôts, elles ne semblent pas opérantes au sujet des marchés. Il est possible de déduire des sources épigraphiques que le Forum vinarium était également relativement ouvert et à caractère public comme en témoigne la statue du quadrige et l’attestation de l’existence d’un templum fori vinari142. Le macellum IV, v, 2 – si sa localisation est confirmée – est formé de boutiques et dispose d’une cour intérieure largement ouverte sur la rue. Le probable second macellum situé sur le Foro della statua eroica (I, xii, 2) n’était pas composé de boutiques construites, mais plus vraisemblablement d’étals mobiles disposés autour d’une vaste cour centrale accessible depuis le decumanus. Cette configuration suggère que la place était utilisée comme marché temporaire. Les boutiques se distinguent donc de ce dernier lieu par leur fort ancrage spatial et leur fonctionnement continu.
78Enfin, les boutiques se démarquent des entrepôts et du forum vinarium sur un autre plan. Ces derniers étaient probablement surtout destinés à une clientèle de négociants et par là même, à une vente en gros. Au contraire, les boutiques étaient pourvues d’un faible espace de stockage.
79Tout ceci indique que les boutiques constituaient des lieux de vente au détail et d’activités artisanales tournés vers une large clientèle urbaine, mais également vers les gens de passage.
9.3.1.2 Le poids d’un espace omniprésent
80Les boutiques se distinguent des autres lieux par leur très grand nombre. Si 1263 boutiques ont été identifiées, on ne dénombre que 31 édifices à vocation économique appartenant aux autres catégories. Considérées comme un ensemble, les boutiques se démarquent donc par un poids très important à l’échelle de la ville.
81Presque toutes les rues d’Ostie sont pourvues de boutiques, contrairement aux autres édifices économiques qui sont plus rares. Par comparaison, les boutiques sont presque ubiquitaires.
82Les édifices à fonction économique occupent en tout 20 % de l’étendue urbaine mise au jour (tab. 13). 10 % de la surface d’Ostie est affectée aux entrepôts, tandis que les boutiques en occupent 9 %. Les boutiques et les entrepôts occupent un espace bien plus conséquent que les autres types d’espaces économiques. Ainsi, le Piazzale delle corporazioni n’occupe que 1,2 % de la surface urbaine mise au jour. Les boulangeries et fouleries n’en occupent que 1 %, tandis que le Foro della statua eroica ne représente que 0,3 %. Il apparaît donc que les entrepôts et les boutiques sont les deux composantes économiques les plus importantes d’Ostie, au regard de leur surface. Il est en revanche impossible d’étudier ce poids à travers la part de la population occupée à ces activités, ni à travers les valeurs marchandes générées.
Tab. 13 – Occupation de la surface d’Ostie par les édifices économiques.
Lieux | Surfaces cumulées (m2) | Rapport à la surface d’Ostie |
Entrepôts | 46118 m2 | 10 % |
Piazzale delle Corporazioni | 5600 m2 | 1,2 % |
Foro della statua eroica | 1400 m2 | 0,3 % |
Fouleries | 694 m2 | 0,2 % |
Boulangeries | 3481 m2 | 0,8 % |
Boutiques | 44500 m2 | 9 % |
Total | 91043 m2 | 21,5 % |
9.3.1.3 Satisfaire les besoins quotidiens
83Les activités des boutiques se démarquent par une certaine hétérogénéité. La boutique se définit avant tout comme un lieu de commercialisation. Certaines abritaient des activités de production, mais également – comme le suggèrent les sources textuelles – des activités administratives ou des services. La nature des activités ayant lieu dans la plupart de ces commerces demeure inconnue. Seuls des commerces alimentaires, des fouleries, une bijouterie et une verrerie sont attestés archéologiquement. Il s’agit là d’un effet de source tenant à la particularité des équipements de ces types de locaux. Il est donc impossible, sur ces seuls éléments, de conclure à la prédominance de ces activités qui constitueraient une spécialisation de l’économie d’Ostie. Il faut au contraire en rappeler la rareté : ces locaux ne représentent pas même 5 % des 1263 boutiques identifiées à Ostie. Parmi les activités connues, une large part est consacrée à la commercialisation – et parfois à la transformation – de denrées alimentaires et de textiles, correspondant aux besoins primaires nécessaires à la vie. Par analogie avec les autres sociétés préindustrielles, J. Andreau affirme que l’alimentation, l’habillement et le logement devaient représenter 90 % des dépenses d’une famille moyenne143. En revanche, certaines boutiques d’Ostie devaient être consacrées à la production et à la vente de biens secondaires. Par exemple, la verroterie du théâtre produisait des bijoux de faible valeur car il s’agissait de gypse et non de pierres précieuses. Il s’agit donc d’un produit de demi-luxe.
84Certaines boutiques d’Ostie sont pourvues d’espaces de consommation144. Ainsi, les commerces alimentaires sont dotés de banquettes maçonnées mises à disposition de la clientèle. Cette caractéristique se trouve confirmée par les sources iconographiques indiquant également l’emploi de tables prévues à cet effet. Il s’agit là des seuls espaces économiques d’Ostie dotés d’équipements prévus pour la consommation.
85Les boutiques occupent une place centrale dans l’économie d’Ostie. D’une part, elles se trouvent au plus proche de la population urbaine par leur grand nombre, leur ouverture sur la rue et leur quasi-omniprésence. D’autre part, notre documentation indique qu’elles constituaient des lieux de vente des produits nécessaires à la vie quotidienne. Il s’agit donc d’un rouage économique résolument tourné vers la population urbaine d’Ostie.
9.3.2 Les boutiques et les ressources d’Ostie
86La boutique a été longtemps présentée comme le maillon reliant la production rurale et la clientèle urbaine. Ainsi P. Veyne indique-t-il que « Les boutiquiers fournissaient [les membres de la plèbe moyenne] et échangeaient, avec les cultivateurs du terroir, les produits de la cité contre les céréales nécessaires à la vie des citadins : soit la ville de l’« économie d’Ancien Régime » décrite par Cantillon »145. À propos d’Ostie, C. Pavolini décrit une situation analogue : « I possessori di orti e frutteti coincidevano poi, almeno in parte, con i proprietari delle tante tabernae cittadine, e qui, o nei mercati centrali, vendevano al dettaglio i frutti della terra, generi rapidamente deperibili che non potevano essere smerciati a grande distanza dal luogo di produzione »146. Cette vision du rôle joué par les boutiques dans l’économie tend à être nuancée147. En outre, les nombreuses spécificités d’Ostie en font une ville à part.
9.3.2.1 Boutiques et campagne
87La nature des sols du territoire d’Ostie a naturellement eu d’importantes conséquences sur la production agricole. Les environs d’Ostie et de Portus sont constitués de dunes sableuses, impropres à certaines productions148. Au contraire, les alluvions déposées par le Tibre ont rendu ses abords, ainsi que l’Isola Sacra fertiles149. La culture y était assurée grâce à des villae et des fermes. M. Heinzelmann en a identifié trois grâce à des prospections menées sur les territoires situés au sud d’Ostie, vers Piana Bella150. Une série d’établissements a été identifiée dans les collines de Dragoncello, située entre le Tibre et la Via Ostiense. Ceux-ci mesuraient entre 25 et 40 hectares chacun, des dolia y furent découverts, ainsi que des structures permettant la pisciculture. La plupart ont été occupés jusqu’au IVe sièce ap. J.-C.151. Ainsi, Constantin, lorsqu’il fait édifier une basilique à Ostie, lui adjoint plusieurs exploitations rurales152. À la fin du IVe siècle, Symmaque possède des terres situées le long du Tibre dont les localisations précises sont inconnues153.
88Le territoire d’Ostie était impropre à une culture importante de blé, de raisins ou d’olives154. Toutefois, dans l’une des villae de Dragoncello active entre le IIIe siècle av. J.-C. et le IVe siècle ap. J.-C., des pièces de stockage pourvues de suspensurae et la présence de pièces de meules à grain indiquent que du blé y était probablement cultivé155. Les sources écrites indiquent des élevages de porcins et de volailles, tandis que les poireaux, figues, melons et mûres d’Ostie étaient renommés156. Une grande partie des aliments vendus aux macella ou en boutique devait provenir de la région.
89L’ensemble de notre documentation indique qu’au moins une partie des boutiques d’Ostie était utilisée pour la vente de produits provenant des campagnes. Ainsi, le relief 5 représente une maraichère vendant des fruits et légumes qui étaient très probablement produits dans la région. Il en va de même pour le relief 3 représentant une scène de vente de volailles, de lapins et de fruits ou légumes. Toutefois, les activités de transformation des produits agricoles sont très rares à Ostie. Seule une probable fabrique d’étoupe et une activité de vannerie sont attestés. Ceci paraît bien peu face aux huileries, parfumeries, ou ateliers de lavage de toisons ou de filage découverts à Pompéi ou Herculanum, ainsi qu’aux 59 huileries identifiées à Volubilis ou à celles de Timgad157. Cette rareté tient probablement à la nature du sol.
9.3.2.2 La mer
90La production et la transformation des ressources maritimes sont méconnues à Ostie. La pêche constitue en vérité l’unique activité attestée. Une inscription datée du début du IIe siècle mentionne les piscatores et propolae, pêcheurs et vendeurs de poissons158. À Fiumicino en 1959, une barque mesurant 5 mètres de long a été mise au jour. Le Fiumicino 5 est une barque de pêche disposant d’un bassin en bois destiné à y déposer les poissons pêchés159. Une grande quantité d’hameçons a été découverte à Ostie, mais les indications de localisation font défaut160. Un grand nombre d’arrêtes de poissons a été découvert dans une cellule de stockage du Piccolo Mercato161. Ces poissons n’étaient pas stockés dans des amphores – ce qui aurait porté à croire qu’ils furent importés – et devaient avoir été pêchés dans la région d’Ostie. La pêche est donc attestée de manière certaine à Ostie. Selon R. Meiggs, les pêcheurs d’Ostie jouaient un rôle dans l’approvisionnement de la ville, mais également de Rome162. Pline le Jeune indique que les eaux d’Ostie regorgeaient de soles et de crevettes163. Les villas maritimes installées le long de la côte devaient jouer un rôle important dans la culture maritime. M. Heinzelmann en a identifié sept dans la seule zone s’étendant au sud d’Ostie, comprenant Piana Bella164.
91À notre connaissance dans une boutique, seul un hameçon de bronze mesurant 4,8 cm a été mis au jour de la Via della Fontana165. Le manque d’indications ne permet pas de déterminer s’il s’agissait là d’une boutique de pêcheur ou d’une fabrique d’outils, incluant des équipements de pêche. Par ailleurs, les indices permettant l’identification de la taberna dei pescivendoli (r4i05b38-39) comme une poissonnerie sont insuffisants. Par conséquent, nous ne saurons la voir comme un lieu de vente des produits de la pêche166. Les sources écrites indiquent que les macella étaient des lieux privilégiés de la vente de poissons.
92Cette rareté des produits de la mer contraste avec les activités attestées dans les villes côtières de Délos, Pompéi, Sabratha ou Leptiminus qui sont pourvues d’ateliers de salaison ou de production de pourpre167. Dans le dépôt d’amphores découvert à la Longarina et parmi le matériel mis au jour dans les Terme del Nuotatore, les amphores à salaison sont avant tout ibériques168. A. Tchernia indique qu’Ostie était fortement dépendante des importations de produits dérivés du poisson en raison de l’eau peu poissonneuse de la côte169. D’après notre documentation, il apparaît donc que la culture maritime d’Ostie n’était pas très variée170.
93Il apparaît que les boutiques d’Ostie ne sont pas que des lieux de redistribution en ville des produits de la campagne et de la mer. Le grand commerce semble avoir également joué un rôle important dans l’approvisionnement de certaines d’entre elles.
9.3.3 Vers une recomposition de l’économie d’Ostie à l’époque tardive ?
94La thèse selon laquelle Ostie a subi d’importantes mutations d’ordre socio-économique au cours du IIIe siècle est largement répandue. Le rôle joué par Ostie dans l’approvisionnement de la capitale aurait alors décliné au profit de Portus. Il importe donc de mener une étude plus resserrée de la place des boutiques dans l’économie d’Ostie à partir du milieu du IIIe siècle. L’une des questions principales porte sur le rôle respectif des importations et de la production de l’hinterland de Rome dans l’approvisionnement de la capitale. E.C. De Sena a estimé que l’hinterland de Rome fournissait à lui seul 32 % du vin consommé à Rome et à Ostie, ainsi que 25 % des olives171.
9.3.3.1 Le déclin du port
95F.H. Wilson a proposé une vision nuancée d’Ostie durant l’Antiquité Tardive. Celle-ci aurait davantage souffert de la « crise » du IIIe siècle que Portus. Toutefois, l’archéologue relève les indices d’activités de construction à travers le site172.
96Les études de G. Becatti consacrées aux demeures constituent un apport important à la connaissance des phases tardives d’Ostie. Il met en évidence l’ambivalence du tissu urbain de cette époque. Si une partie de la ville est en ruines, quelques demeures luxueuses y sont tout de même construites173. Cette dualité pousse à nuancer la thèse du déclin d’Osie.
97P.A. Février reprend cette thèse en se fondant sur deux arguments : d’une part Portus a acquis le statut de cité à part entière sous Constantin (en devenant la Ciuitas Flauia Constantiniana Portuensis)174, tandis que plus aucun entrepôt n’est édifié à Ostie175. Il nuance toutefois l’idée du déclin des activités économiques d’Ostie qui, à ses yeux, repose sur le postulat que les activités des deux villes étaient complémentaires. P.A. Février propose de voir deux cités aux fonctions différentes : « Mais on peut encore parler de double agglomération. La première possédait les demeures des négociants et des familles enrichies par le négoce, des greniers, et demeurait un centre de commerce ; la seconde disposait des installations portuaires et d’autres greniers. Mais il est certain qu’une telle symbiose était difficile à maintenir. L’une des deux agglomérations (celle qui avait le port) pouvait être amenée à prendre une importance croissante. L’autre (Ostie), dont la vie dépendait d’un port éloigné de son centre, ne pouvait maintenir son activité pendant une période troublée. Tout ce que l’on peut dire, c’est que, même si Port[us] accroît son rôle au IVe siècle, l’activité d’Ostie demeure importante »176.
98Selon R. Meiggs, le déclin des activités économiques d’Ostie répond à deux facteurs principaux. L’un est d’ordre global : il s’agit de la « crise » du IIIe siècle affectant la plupart des villes d’Italie, le second est spécifique à Ostie et tient à sa fonction d’avant-port de Rome. Un fort déclin des importations serait dû, pour une grande part, aux épidémies attestées dans les villes de l’Empire, ainsi qu’au déplacement de l’armée de Lucius Verus en Orient.177
99Pour C. Pavolini, ce déclin est imputable aux politiques impériales. La menace que représentaient les frontières et les travaux de fortifications entrepris pour leur faire face ne permettaient plus aux empereurs d’entretenir simultanément deux ports. Ceci se traduirait à Ostie par l’abandon de certains entrepôts, ainsi que d’une partie des quais. Ces changements ne manquèrent pas d’entraîner une baisse démographique, ainsi qu’un déclin de l’artisanat et du petit commerce local178.
100En 2004, A. Gering oppose le déclin des zones septentrionales d’Ostie, correspondant aux activités fluviales, au dynamisme des zones méridionales d’Ostie, dirigées vers la Via Severiana et un commerce plus local179.
101Toutes ces théories ont en commun d’expliquer le déclin économique d’Ostie par des facteurs généraux relevant de la « crise » du IIIe siècle et par le facteur local du rôle d’Ostie dans l’approvisionnement de Rome. Certaines de ces interprétations prêtent un rôle important aux empereurs dans le transfert des activités portuaires d’Ostie vers Portus.
102La documentation archéologique indique une dégradation des infrastructures portuaires d’Ostie qui semble confirmer l’étiolement du lien unissant Ostie à Rome.
103Les quais d’Ostie sont très mal connus en raison du manque de fouilles, mais également par leur destruction causée par l’évolution du cours du Tibre. Les quais situés au nord du Portico di Pio IX sont aujourd’hui inaccessibles. La route menant de la cafétéria aux archives a recouvert la partie de cette rue la plus avancée vers les quais. De cette portion ne subsiste que la carte de G.A. Guattani et une gravure produite par C. Fea au début du XIXe siècle180. Il s’agit de quais surélevés, composés d’une série d’arches. Le graveur n’a apporté que peu de détail à la maçonnerie ; il est donc impossible de proposer une datation de ces quais aujourd’hui disparus. Un autre point des quais nous est connu. Situé à l’ouest du Palazzo Imperiale, il s’agit d’une structure fouillée au début du XIXe siècle par P.E. Visconti, puis par M. Heinzelmann et A. Martin en 2000-2001. Dans leur rapport de fouilles, ces derniers n’ont relevé aucun élément postérieur au début du IIIe siècle que ce soit dans les structures, ou au sein du matériel mis au jour181.
104Les entrepôts d’Ostie ont été principalement construits au IIe siècle, une récente campagne confirme la présence de modifications mineures durant l’époque des Sévères. L’abandon des entrepôts est à dater de la fin du IVe siècle selon A. Gering182.
105Plus largement, l’argument topographique doit être pris en considération. Il apparaît que les zones septentrionales d’Ostie, situées à proximité du Tibre, ont été abandonnées avant les autres, sans qu’une chronologie plus précise ait pu être établie. L’abandon de ces quartiers semble résulter directement du déclin des fonctions portuaires. En outre, l’accès au Tibre a dû être rendu plus difficile, sinon impossible par les décombres.
9.3.3.2 Maintien des importations et tendance autarcique
106Les études réalisées sur le matériel céramique des dépôts d’Ostie indiquent que la consommation de produits importés perdure durant l’Antiquité Tardive.
107Dans le dépôt de la Longarina, daté de l’époque augustéenne, 50 % des amphores proviennent de l’Italie du Nord ou de Pompéi-Sorrente183. L’analyse des amphores mises au jour dans les Terme del Nuotatore révèle qu’entre la période tardo-républicaine et l’époque antonine, les importations d’amphores produites en Italie ne cessent de diminuer, tandis que les amphores provinciales, provenant d’abord de Gaule et d’Hispanie, sont de plus en plus présentes184. Cette crise de la production italique s’explique par la très forte concurrence des amphores provinciales. Elle n’est pas circonscrite à Ostie, puisqu’elle est attestée dans toute la Méditerranée185. Les importations africaines se font de plus en plus importantes. La céramique de feu africaine remplace la production locale entre l’époque flavienne et antonine et se maintient à la première place jusqu’au IVe siècle186. Dès la fin de l’époque sévérienne, les amphores africaines connaissent un véritable essor ; elles prédominent au IVe siècle, la sigillée africaine suit la même évolution pour la céramique de table187. Toutefois, la production de lampes centro-italiques reste majoritaire durant toute la période impériale188.
108Cette stabilité des échanges a été nuancée par C. Pavolini, pour qui s’affirme à Ostie dès la période sévérienne, une forme d’« autarcie » économique. Ainsi, la production de l’atelier de lampes à huile d’Annius Serapiodorius d’Ostie, semble plus dynamique sous les Sévères qu’auparavant, tandis qu’il n’existe presque aucune trace de leur exportation189. L’autarcie dont parle C. Pavolini ne correspond pas à un isolement économique d’Ostie, mais à une tendance à la diminution des échanges entre Rome et Ostie qui se confirme notamment grâce à l’étude des céramiques des deux villes durant l’époque flavienne et l’Antiquité Tardive. Cette analyse menée par C. Pavolini révèle qu’Ostie s’ouvre davantage aux importations de céramiques venues d’Orient, probablement sous l’impulsion du nouveau pôle qu’est Constantinople. En revanche, ces biens sont d’une grande rareté à Rome et poussent l’archéologue à affirmer qu’une grande partie de ces importations était retenue à Ostie pour une consommation locale190. L’étude des céramiques révèle donc l’amorce d’un repli autarcique d’Ostie qui remonte, selon C. Pavolini, au milieu du IIIe siècle et qui tend à s’affirmer durant la période tardive191.
109La thèse d’une autarcie économique d’Ostie par rapport à la capitale durant l’Antiquité Tardive doit être nuancée. Quelques éléments indiquent la vivacité de certains échanges entre Rome et Ostie. Les indices manquent pour déterminer le moment où Ostie cesse d’intervenir dans l’annone. Les inscriptions de métiers liés à l’annone sont bien moins nombreuses durant la seconde partie du IIIe siècle qu’au siècle précédent. Cette diminution s’inscrit toutefois dans le contexte général de déclin des inscriptions de métier durant cette période. Selon H. Pavis D’Escurac, la disparition des mensores dans les inscriptions d’Ostie durant l’Antiquité Tardive indique que leur activité fut transférée aux mensores portuenses, opérant à Portus.192 Toutefois, la mention du préfet de l’annone durant la période tardive suggère une persistance du rôle d’Ostie dans l’annone193.
110En revanche, Maxence crée un atelier monétaire à Ostie dont l’activité est datée du début du IVe siècle. Ces monnaies produites à Ostie sont attestées dans tout le bassin méditerranéen194. Ces deux activités sont opérées sur l’impulsion et sous le contrôle des autorités impériales. Le pouvoir central joue donc un rôle important dans le maintien de la fonction d’avant-port d’Ostie.
9.3.3.3 D’un marché à l’autre ?
111Dans le cadre du repli progressif d’Ostie, il semblerait qu’une partie de l’économie se soit recomposée autour de circuits de production et de distribution plus locaux.
112On remarque que dans la production de verrerie et de bijouterie d’Ostie, la plus ancienne production attestée repose sur l’importation d’une matière première provenant de Grande-Bretagne, tandis que dans la verrerie de l’époque tardive, seules des matières premières remployées étaient utilisées et non de l’importation.
113Deux boutiques (r2i07b18 et r2i07b19) sont installées durant l’époque tardive dans le Piazzale delle corporazioni. Les boutiques, répondant à une demande locale, remplacent donc partiellement des espaces liés au grand commerce et plus particulièrement à l’importation de grain.
114Les zones septentrionales de la ville, occupées en grande partie d’entrepôts, sont abandonnées. La Via Severiana, construite à l’époque des Sévères, reliant Ostie à Terracine, indique la vitalité des échanges entre Ostie et les villes du Latium. Les zones méridionales de la ville, dans l’axe de cette voie, sont marquées par un dynamisme important. Ceci indique donc que l’économie d’Ostie a dû subir une recomposition en se tournant vers des échanges régionaux.
115La fonction probable du macellum tardif, de lieu de vente de produits régionaux, corrobore l’idée d’une vivacité des échanges locaux195. Par ailleurs, les sources écrites révèlent un dynamisme certain des villae et établissements agricoles des environs d’Ostie.
116Les activités de la ville sont encore vivaces durant l’Antiquité Tardive. La fonction portuaire d’Ostie, et plus particulièrement celle d’avant-port de Rome, semblent persister durant cette période, malgré un net déclin. Les sources indiquent un isolement grandissant d’Ostie vis-à-vis de la capitale. Cette transformation semble avoir entraîné la recomposition d’une grande partie de l’économie d’Ostie vers des échanges plus locaux dont une majorité devait s’organiser autour du nouvel axe formé par la Via Severiana. De ce fait, les boutiques semblent avoir pris une importance relative plus prononcée dans l’économie d’Ostie durant l’époque tardive. Pour être pleinement en mesure de répondre à la question du transfert des activités d’Ostie vers Portus, il faudrait disposer d’une documentation archéologique plus riche concernant Portus.
117Les boutiques jouent un rôle central dans l’économie du quotidien d’Ostie. Elles se situent au plus proche de la population urbaine et semblent répondre à ses besoins quotidiens. Les boutiques s’inscrivent dans un réseau complexe formé par les différents rouages de l’économie d’Ostie. Elles entretiennent des liens de coopération et de concurrence avec certains grands ateliers et marchés de la ville. Les boutiques semblent s’inscrire dans certains domaines urbains comprenant d’autres rouages de l’économie tels que les entrepôts ou les boulangeries. Il apparaît en revanche que les boutiques étaient nettement séparées des activités portuaires et maritimes. Le rôle joué par les différents rouages de l’économie d’Ostie semble avoir été dans une large mesure influencé par les activités portuaires de la ville. Ainsi, le déclin de ces dernières, attesté dès le milieu du IIIe s. ap. J.-C., a eu d’importantes répercussions sur la place occupée par les boutiques. Durant l’Antiquité Tardive, tandis que le lien unissant Rome à Ostie s’étiole, une économie plus locale semble prendre son essor, traduisant une recomposition de l’économie d’Ostie autour d’enjeux plus locaux.
Notes de bas de page
1 Braudel 1979, p. 15-117.
2 Morel 1987.
3 DeLaine 2005.
4 Morley 2007, p. 575-577.
5 De Sena 2005, p. 4-5.
6 Lafon 2001, p. 204-205.
7 Weber 1982, p. 21-22 ; Whittaker 1995, p. 11-12.
8 Wallace-Hadrill 1994, p. 121.
9 Engels 1990, p. 126. Wilson 2002, p. 232 affirme que ce modèle ne concorde pas avec les données provenant des fouilles des villes antiques.
10 Engels, p. 121-130. Ce modèle a reçu des critiques concernant l’exploitation des données archéologiques (Whittaker 1995, p. 12-14 ; Wilson 2002, p. 232).
11 Weber 1982, p. 23.
12 Andreau 1995, p. 949-950.
13 Kaplan 1988, p. 16.
14 Andreau 2004b, p. 141.
15 Cette distinction coïncide avec celle proposée par Flohr 2013.
16 Pietrogrande 1976 ; De Ruyt 1996 ; 1999 et 2001.
17 Flohr 2013.
18 Flohr 2011, p. 92.
19 Monteix 2011, p. 199-200.
20 Voir Pietrogrande 1976, p. 77-80 au sujet des caractéristiques architecturales des grandes fouleries.
21 Flohr 2011, p. 92-93 et 97.
22 De Ruyt 2002, p. 53 et Flohr 2011, p. 92-93 ; Flohr 2013, p. 85-87.
23 Voir aussi Flohr 2013, p. 353-355.
24 Flohr 2011, p. 92.
25 Moeller 1976 ; Borgard, Puybaret 2004, p. 58-59 : Pompéi ne passe de ville lainière à ville drapière qu’à la fin de son histoire. Monteix 2010, p. 217.
26 Au sujet des estimations démographiques de Rome, voir – entre autres – Virlouvet 1995 et 2000 ; Tchernia 2000b, Lo Cascio 2001 ; Scheidel 2008. À propos des estimations démographiques d’Ostie, voir Ch. IV.
27 Pietrogrande 1976, p. 85 à propos des deux fouleries situées Via della Fullonica.
28 Bakker 1999.
29 Pavolini 2005, p. 60 et Bakker 1999, p. 126.
30 Monteix 2010, p. 164-166.
31 De Ruyt 2002, p. 51.
32 C.Th.14.19.1 : « IMPP. ARCA(DIUS) ET HONOR(IUS) AA. THEODORO P(RAEFECTO) P(RAETORI)O. Panem Ostiensem adque fiscalem uno nummo distrachi volumus. Sancimus autem, ut nullus per sacrum rescributum audeat pretium ampliare ; que si obtulerit supplicationem, duarum librarum auri multa ferietur. DAT. PRID. ID. APR. MED(IOLANO) HONORIO III ET EUTYCHIANO CONSS. »
33 Carrié 1975, p. 1037.
34 Sirks 1999, p. 108-109.
35 Sirks 1999, p. 109.
36 Vera 2002, p. 355-356.
37 Bakker 1999, p. 120-128.
38 Virlouvet 1995, p. 71-73.
39 Bakker 1999, p. 111.
40 Monteix 2010, p. 163-167.
41 À propos des estimations démographiques, voir Dessales 2008, p. 15.
42 De Ruyt 2002, p. 50.
43 Pensabene 2007, p. 222.
44 Pietrogrande 1976, p. 85.
45 Hermansen 1982, p. 125.
46 Bloch 1953, 9 : « […]rius Fructosus patron (us) corp (oris) s[tuppatorum---te]mpl (um) et spel (aeum) M(i) t (hrae) a solo sua pec (unia) feci (t) ».
47 Hermansen 1982, p. 121.
48 Pline, H.N., 19, III, 16-18.
49 Sur la chaîne opératoire, voir Hermansen 1982, p. 124-125.
50 Pavolini 2005, p. 59.
51 Ceci 2001, p. 192-194 ; CIL, XV, 6295-6296.
52 Pavolini 2002, p. 341 ; CIL, XV, 6550 et CIL, XIV, 6553.
53 Pavolini 2002, p. 342.
54 Bakker 1999, p. 94-95.
55 Nous reprenons ici le point historiographique de Bakker 1999, p. 94-95. Pasqui, 1906, p. 372-373 ; Floriani Squarciapino 1954, p. 95-98 ; Salomonson 1972, p. 109- 112.
56 Voir la synthèse de P. Calabraia 2001, p. 137-140.
57 Calabraia 2001, p. 138.
58 De Ruyt 2002, p. 53 : « je dirai que le développement de l’artisanat à Ostie était à la fois lié aux besoins de la population romaine et dépendant du trafic maritime et fluvial. Les marchandises arrivaient non traitées au port, que ce soit le blé ou les draps. Les boulangers comme des foulons, installés à Ostie dans de grandes officines aux IIe et début du IIIe siècles, ont contribué à l’immense travail de transformation, non seulement pour la population stable de la ville, mais pour les besoins particuliers du grand marché de la ville de Rome ».
59 Andreau 2000, p. 70.
60 Cf. Mac Mullen 1970.
61 Shaw 1981, p. 73.
62 Morley 1996, p. 168-174.
63 CIL, XIV, 376 : « pondera ad macellum et mensuras / ad forum vinar (ium) » ; CIL, XIV, 409 : « fori vinari (i) patronus » ; CIL, XIV, 430 : « negotiantium fori vinari » ; AE 1940, 64 : « L(ucius) Caecilius / Aemilianus / veteranus ex coh (orte) / pr (ima) praetoria decu/rio duovir Aeliae / Uluzibbirae Africae / corporatus in tem/plo fori vinari (i) impor/tatorum negotian/tium fecit sibi » ; AE 1940, 65 : « D(is) [M(anibus)] / Q(uintus) Turra[nius ---] / VIvir Aug (ustalis) [--- corporatus] / in templo fo[ri vinarii importatorum negotiantium] / [---]RAND[ » ; AE 1955, 165 : « Genio corporis / splendidissimi / importantium / et negotiantium / vinariorum / C(aius) Septimius Quietus / praeco vinorum / d (onum) d (edit) ».
64 CIL, XIV, 409 ; Coarelli 1996, p. 105.
65 AE 1940, 66 ; Tran 2006, p. 246.
66 CIL, XIV, 376.
67 Coarelli 1996, p. 109-111.
68 CIL, VI, 9181 ; CIL, VI, 9189 ; Meiggs 1973, p. 275 et 288 ; Coarelli 1996, p. 106-107. Se référer également à DeLaine 2005, p. 43.
69 Andreau 1987, p. 116 et 142.
70 Tran 2006, p. 246-247.
71 Sur le lien entre les negotiatores et le commerce de gros : Verboven 2007, p. 95-97. Au sujet de la fonction hypothétique du forum vinarium d’Ostie : DeLaine 2005, p. 43.
72 DeLaine 2005, p. 43.
73 Voir l’étude de Cl. De Ruyt 1983, p. 341-350.
74 Cl. De Ruyt 2007, p. 143.
75 Cl. De Ruyt 1983, p. 272 et 2007, p. 143.
76 Bloch 1953, p. 299-301, n° 67 : « …]m[…] / Nymp[hodotus…] / Pothus N[ymphodoti… .] / macellu[m…] / quot vetus[tate deficiebat refecerunt et] / [rei] publ (icae) Ost[iensium dono dederunt] » ; CIL, XIV, 375 : « pondera ad macellum » ; CIL, XIV, 376 : « pondera ad macellum et mensuras / ad forum vinar (ium) » ; CIL, XIV, 4719 : « Aurel[ius An]icius S[ymmachus v (ir) c (larissimus) / praef (ectus) u[rb (i vice s (acra) i (udicans) m]acell[um a se noviter r]eparatu[m ad ornatum] / urbis et i[n usum civium d]ecor[avit omni cultu] adiecti[s ponderibus] ».
77 De Ruyt 1983, p. 115-124.
78 Meiggs 1973, p. 399.
79 CIL, XIV, 423 au Forum et CIL, XIV, 375 et 376 à Rome.
80 Voir De Ruyt 1983, p. 123 : inscription Bloch 1953, p. 299-301, n. 67.
81 De Ruyt 1983, p. 302.
82 CIL, XIV, 4719. Lavan, Gering, travaux en cours.
83 Zevi 2001a, p. 273.
84 Zevi 2001a, p. 279.
85 Zevi 2001a, p. 280.
86 Meiggs 1973, p. 278.
87 De Salvo 1992, p. 47.
88 Voir les synthèses de Zevi 2001a et Zevi 2001b.
89 De Salvo 1992, p. 49 : « Ostia non era dunque solo un porto annonario, ma anche centro di convergenza e di irradiazione di tutte le libere attività commerciali dell’impero ».
90 Meiggs 1973, p. 278.
91 Heinzelmann 2010, p. 7.
92 Heinzelmann 2010, p. 9 : « From this point Ostia could function as an ideal place of intermediate trade between East and West. Incoming ships could unload their goods first at Portus as far as they concerned the annona, than [] continue their trip to Ostia, where they could unload private owned goods, deal with the local agents on the Piazzale delle Corporazioni and finally take new cargo on board for their destinations on the way back ».
93 Tran 2006, p. 305-311.
94 Sur les mensores, voir Cébeillac-Gervasoni 1994 ; Tran 2008.
95 Voir Cébeillac-Gervasoni 1994, p. 52.
96 CIL, XIV, 241 ; 250 ; 251 ; 252 ; 253 ; 341 ; 352 ; 409 ; 453 ; 4142 ; 4144 ; 4553 ; 4554 ; 5320 ; 5380. Voir De Salvo 1994, p. 147-148. Sur les scapharii : CIL, XIV, 409,13 ; 5327 ; 5328.
97 CIL, XIV, 309 ; De Salvo 1992, p. 176.
98 CIL, XIV, 403 ; 425 ; 4613 ; De Salvo 1992, p. 162 ; Valjus 1994, p. 141.
99 CIL, XIV, 303 ; 318 ; 4620.
100 CIL, XIV, 172 ; 309 ; 372 ; 438 ; 4620 ; 4623. Voir Cébeillac-Gervasoni 1994, p. 50-52.
101 Les fabri nauales : CIL, XIV, 168 ; 292 ; 368 ; 372 ; 392 ; 4551. Sur les navicularii : CIL, XIV, 106 ; 131 ; 170 ; 185 ; 278 ; 409 ; 430 ; 4142 ; 4549 ; 4648.
102 Tran 2006, p. 256-257 explique que de nombreuses statues y ont été retrouvées avec l’inscription « l (oco) d (ato) d (ecreto) d (ecurionum) ».
103 Pohl 1978, p. 187-193.
104 Pline, H.N., XVI, 236 ; Suétone, Néron, 37. Les inscriptions mentionnant ces deux types de stationes sont étudiées par Papi et Lega 1999, p. 349-352.
105 Ricci 2005, p. 58-60.
106 IG XIV, 830.
107 CIL, XIV, 4549, 14.
108 CIL, XIV, 4549, 34.
109 CIL, XIV, 4549, 38.
110 Pavolini 1996, p. 229.
111 Voir Cébeillac-Gervasoni 1994, p. 55. CIL, XIV, 4549, 18 : « navicul karthag de suo » ; CIL, XIV, 4549, 10 : « naviculari misuenses hic » ; CIL, XIV, 4549, 11 : « naviculari mu[s]lu[uit]a[ni] hic » ; CIL, XIV, 4549, 12 : « navicular[i H(ippone)] diarry (to) » ; CIL, XIV, 4549, 17 : « naviculari gummitani de suo » ; CIL, XIV, 4549, 34 : « s (tatio) n (egotiatorum) f (rumentariorum) c (oloniae) c (urbitanae) […] naviculari curbitani de s (uo) » ; CIL, XIV, 4549, 23 : « N(egotiantes naviculariis) F (eliciter)/ [navic]ulari syllecti[ni] » ; CIL, XIV, 4549, 14 : « stat (io) Sabratensium ».
112 CIL, XIV, 4549, 19 : « navic (ularii) Turritani » ; CIL, XIV, 4549, 21 : « navicul (arii) et negotiantes Karalitani ».
113 CIL, XIV, 4549, 40 : « [Ale]xandrin (i) » ; CIL, XIV, 4549, 32 : « navi (cularii) Narbonenses ».
114 De Salvo 1992, p. 392.
115 Calza 1915b, p. 196-206.
116 Van Brechem 1936 p. 111.
117 Meiggs 1973, p. 286-287.
118 Pavolini 2005b, p. 83-85.
119 Tran 2006, p. 245.
120 Se référer au catalogue élaboré par Rickman 1971, p. 15-75 qui a identifié les locaux I, viii, 1 ; I, viii, 2 ; I, viii, 3 ; I, xiii, 1 ; I, xvii, 1 ; I, viii ; I, xix, 4 ; II, ii, 7 ; II, ix, 7 ; III, ii, 6 ; IV, v, 12 ; l’hypothétique entrepôt V, i, 2 ; V, xi, 8 ; V, xii, 1.
121 Travaux effectués dans le cadre de l’ANR « entrepôts » en septembre 2011.
122 Rickman 2002, p. 354.
123 Rickman 2002, p. 354.
124 Rickman 2002, p. 355 ; Pavolini 2005, p. 97.
125 Voir Rickman 1971, p. 292-297, Gros 2001, p. 472 ; ainsi que les travaux de l’ANR « entrepôts ».
126 Des travaux sont actuellement menés par Bukowiecki concernant la fonction des suspensurae.
127 Pavolini 2005a, p. 99.
128 Vaglieri 1911d, p. 344.
129 Au sujet du conditionnement du poisson et de ces produits, voir Botte 2009, p. 105-168.
130 Bakker 1994, p. 186.
131 Tran 2008, p. 299.
132 Morel 1987, p. 158-154 ; Dubouloz 2008, p. 277-294.
133 Andreau 1987, p. 168.
134 DeLaine 2005, p. 43-45.
135 Rickman 1971, p. 194-196 ; Virlouvet 1995, p. 90 et p. 117.
136 Des liens indirects étaient possibles : la matière première utilisée dans les ateliers pouvait provenir des entrepôts.
137 À ce propos, nous renvoyons à Foy et Nenna 2003.
138 Bakker 1999, p. 58 ; voir aussi Bukowiecki, Rousse, Monteix 2008, p. 213 et 216.
139 Kolb 2003, p. 486.
140 Pavolini 2005, p. 110 et Morel 1987, p. 129.
141 DeLaine 2005, p. 43.
142 AE 1940, 65.
143 Andreau 1997, p. 319.
144 Au sujet de la consommation de vin dans les boutiques, voir Tchernia 2011, p. 196.
145 Veyne 2000, p. 1174-1175.
146 Pavolini 2005, p. 50.
147 Voir par exemple Monteix 2010 et Holleran 2012.
148 Meiggs 1973, p. 263 et Pavolini 2005, p. 48.
149 Pavolini 2005, p. 47.
150 Heinzelmann 1998.
151 Pellegrino 1983 ; De Franceschini 2005, p. 253- 259 ; Pavolini 2005, p. 48.
152 Lib. Pont. 1, 184.
153 Symmaque, ep. III, 82, 1.
154 Meiggs 1973, p. 266-267 et Pavolini 2005, p. 50.
155 A. Marzano 2007, p. 417.
156 Voir la synthèse de Meiggs 1973, p. 265-267.
157 Sur Volubilis : Layla Es-Sadra 2010 ; sur Timgad : Wilson 2002, p. 241 et Amraoui 2010.
158 CIL, XIV, 409.
159 Gianfrotta 1999, p. 12 ; Boetto 2001, p. 123.
160 Pavolini 2005, p. 51.
161 Vaglieri 1911d, p. 344.
162 Meiggs 1973, p. 267.
163 Pline, ep. II, 17, 28.
164 Heinzelmann 1998.
165 Gds, 1909, 24 février, p. 73 : n° inv. 1443.
166 Meiggs 1973, p. 267 ; Pavolini 2005, p. 51.
167 Sur Sabratha : Wilson 2002, p. 242-249 ; à propos de Leptiminus : Mattingly 2000, p. 74-81.
168 Botte 2009, p. 173-174.
169 Tchernia 1986, p. 294.
170 Sur la culture maritime, voir C. Virlouvet 1998, p. 7.
171 De Sena 2005, p. 7-8.
172 Wilson 1938, p. 158-162.
173 Becatti 1948 ; sur le paysage urbain tardif, voir p. 44-45.
174 CIL, XIV, 4449.
175 Février 1958, p. 326-328.
176 Février 1958, p. 328.
177 Meiggs 1973, p. 84-85.
178 Pavolini 1986, p. 274-275.
179 Gering 2004, p. 323-324.
180 Une photographie de la gravure est reproduite dans Carcopino 1910, p. 414, fig. 6.
181 Heinzelmann, Martin 2002, p. 17.
182 Gering 2004, p. 340.
183 Hesnard 1980.
184 Panella 1972, p. 668 ; 676 et 681 ; Pavolini 2001, p. 216-217.
185 Anselmino et al 1986, p. 71.
186 Anselmino et al 1986, p. 61.
187 Anselmino et al 1986, p. 71 et 50-54 à propos de la sigillée.
188 Anselmino et al 1986, p. 54-56.
189 Pavolini 2002, p. 342 y voit un signe de l’affirmation de l’autarcie économique d’Ostie : « Un ennesimo segnale di ambiguità, dunque da un lato un verosimile incremento del settore produttivo, dall’altro la spia di una certa incipiente tendenza – nella Ostia di questi decenni – a chiudersi nella dimensione dell’autarchia, del consumo strettamente locale ».
190 Pavolini 1996, p. 237 : « nel IV e agli inizi del V secolo, Porto e Ostia sembrano « trattenere » una quota di contenitori orientali percentualmente maggiore di quella che finisce per approdare sulla piazza di Roma ».
191 Pavolini 2001, p. 216-218 ; Pavolini 2000, p. 361 et p. 365-371.
192 Pavis D’Escurac 1976, p. 236.
193 Giardina 1977.
194 Calabraia 2001, p. 138.
195 Voir les travaux à paraître de L. Lavan et A. Gering.
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