Introduction
p. 1-27
Texte intégral
1En octobre 1786, Goethe assiste au palais ducal à un procès qui attire tout Venise car une des parties en cause n’est autre que l’épouse du doge Paolo Renier. C’est pour le voyageur l’occasion de tourner en dérision les mœurs judiciaires dans une affaire dont l’issue lui semble jouée d’avance. Il s’agit d’une banale dispute autour de la possession de biens dont des testateurs ont autrefois disposé sans en avoir les titres car ils étaient soumis à fidéicommis. Goethe nous dit que les « fidéicommis jouissent dans cet État de la faveur la plus décidée », saisissant le fait que la pratique y est particulièrement diffusée, que les héritiers y sont attachés et que l’État défend l’institution par l’entremise du droit et de la justice. C’est précisément cette relation triangulaire, entre les fidéicommis, leurs héritiers et l’État, que cette recherche entend prendre pour objet.
Fidéicommis et ordre lignager
2Il importe, au préalable, de poser quelques jalons en rappelant que le fidéicommis est un acte privé, institué dans le cadre d’un testament, par une personne qui soumet la transmission de tout ou partie de son héritage à deux conditions : l’interdiction de vendre les biens et la substitution de l’héritier (le fedecommissario, le grevé ou l’institué) par un autre (le chiamato, l’appelé ou le substitué) suivant l’ordre qu’il a lui-même fixé2. La substitution peut s’appliquer à un nombre déterminé de générations – elle est dite graduelle – ou être perpétuelle, chaque grevé étant tenu de restituer le bien qu’il a reçu au substitué qui est tenu à la même obligation. En étant instaurée par la seule volonté d’un particulier qui règle son hérédité sur plusieurs générations en rendant indisponibles ses biens, la substitution fidéicommissaire va donc à l’encontre des règles de dévolution coutumières.
3Le fidéicommis trouve sa matrice dans le droit romain où il ne se présente pas comme un véritable acte juridique mais plutôt comme une prière adressée par le fondateur au bénéficiaire pour que ce dernier offre une prestation de caractère patrimonial à une tierce personne (souvent privée de capacités)3. Il peut porter sur n’importe quel objet et s’adresse à la seule conscience du bénéficiaire (fidei commissum) avant de recevoir une formalisation juridique à partir du règne d’Auguste. Le fidéicommis moderne présente davantage d’analogies avec le fidéicommis de famille justinien qui permet au père de tester sur les bona familiae, mais limite la substitution à quatre générations4. Sans ligne de continuité avec le droit antique, le fidéicommis moderne se distingue de sa matrice romaine sur deux points fondamentaux, car il désigne des fidéicommissaires qui sont aussi les héritiers et il institue l’inaliénabilité des biens. Dans le cas antique, le fidéicommissaire est un intermédiaire ; dans le second, un héritier qui est tenu de transmettre l’héritage selon la volonté du fondateur. C’est l’expression de cette volonté qui distingue également le fidéicommis de deux régimes de la succession féodale : la primogéniture (dévolution de l’héritage au fils aîné) et le majorat (succession au plus âgé au même degré que le défunt) qui sont réglés par la coutume et autorisés par le souverain. Dans un fidéicommis, le testateur est, en revanche, libre de fixer l’ordre de succession. Or au cours des XVIe et XVIIe siècles et sous des régimes coutumiers différents, on observe un double mouvement : la diffusion de la primogéniture et son articulation avec le fidéicommis si bien que l’indivisibilité inter familiam est étroitement associée à l’inaliénabilité extra familiam5.
4L’apparition des fidéicommis dans les derniers siècles du Moyen Âge est le fruit de la rencontre entre la formalisation de la pratique testamentaire sous l’influence des notaires6 et l’affirmation d’un conception lignagère de la famille7, en particulier parmi la noblesse, à laquelle les fidéicommis sont généralement associés. La constitution de la famille en lignage passe, en effet, par les biens. Cette fusion résulte de la combinaison – variable selon les lieux – de l’influence du système féodal dans lequel la prohibitio alienationis lie les biens à la famille titulaire et de la réappropriation du droit romain. La loi Omnis Hereditas (Digeste, 50, 17, 138) établit une équivalence entre, d’un côté, le lignage où l’héritier remplace le mort dans la succession et, de l’autre, l’héritage qui passe d’une personne à une autre8. En écrivant que les familles sont des « corps et université [qui] s’entre[- tiennent] par subrogation de personnes qui naissent en icelles », Guy Coquille, commentateur au XVIe siècle des Coutumes du Minervois, exprime la même idée : les héritiers ne reçoivent pas des biens, mais ils viennent occuper une place9. Dans ce système de transmission, ce ne sont pas les choses qui circulent, mais une personne qui en remplace une autre dans un bien10. Il n’y a pas transfert de propriété, mais seulement occupation de positions dans un patrimoine immobilisé. Quand les légistes de la fin du Moyen Âge proclament que familia id est substantia11, ils ne voient pas seulement dans les biens un moyen pour assurer la pérennité de l’existence collective de la famille, ils les assimilent à la famille elle-même en établissant une équivalence entre l’essence et la substance. En conséquence, les biens constituant le fidéicommis ne sauraient être aliénés12. Cette « substantification des lignages » érige le fidéicommis en un sujet juridique13. Il n’est rien d’autre qu’une fondation à laquelle le testateur assigne la mission de porter la « maison », cet « héritage matériel et spirituel comprenant la dignité, les origines, la parenté, les noms et les symboles, la position, la puissance et la richesse »14. Claude Lévi-Strauss poursuit son propos en donnant une définition plus précise encore : « Qu’est-ce donc que la maison ? D’abord, une personne morale ; détentrice, ensuite, d’un domaine composé de biens matériels et immatériels ; et qui, enfin, se perpétue en transmettant son nom, sa fortune et ses titres en ligne directe ou fictive, tenue pour légitime à la seule condition que cette continuité puisse s’exprimer dans le langage de la parenté ou de l’alliance, et le plus souvent, des deux ensemble ». Les fidéicommis ne sont rien d’autre qu’une des déclinaisons du système de transmission « à maison ».
5Destinés à conserver dans la famille les biens fonciers, considérés comme la seule richesse véritable, ils se diffusent au XVIe siècle en Europe et dans toute l’Italie sous l’effet de mutations économiques et sociales. Quand, dans les villes marchandes, le commerce cède la place à la rente et une certaine fluidité sociale à la consolidation des statuts, l’objectif prioritaire est de conserver les positions acquises et de ne pas laisser s’échapper les biens. Parallèlement, la soustraction des biens aux échanges peut aussi être interprétée comme une protection contre les effets d’une économie de plus en plus ouverte où l’on peut faire commerce de tout. Le fidéicommis apparaît alors comme un outil particulièrement approprié pour mettre à l’abri les fortunes indispensables au maintien des familles. La symbiose entre les biens et la famille conduit le fidéicommis à assumer à la fois une fonction culturelle, en étant le vecteur de l’identité familiale, et un rôle économique, en exerçant une tutelle sur les biens rendus indisponibles. À l’échelle collective, la mise hors marché de quantités toujours plus importantes de biens a des effets sur les droits de tiers – la dot, le fisc, les créanciers – aggravant l’incertitude des transactions et des échanges15. Par bien des aspects, ils sont un des éléments constitutifs des sociétés d’Ancien Régime, à la croisée de la parenté, du politique, du social et de l’économique. Le fidéicommis qui s’exprime, dans le testament, en termes juridiques est un phénomène social total – social pur, écrirait Y. Thomas16 – tant cette pratique de transmission révèle un système de valeurs qu’il contribue, en retour, à façonner.
Positionnement historiographique
6À la suite des légistes d’Ancien Régime et des historiens du droit des successions et de la famille17, les fidéicommis sont entrés dans le champ des historiens dans les années 1970 à la faveur de la multiplication des études consacrées au comportement économique de la noblesse, aux stratégies de reproduction sociale et aux pratiques de transmission18. Les historiens ont fait le choix d’une méthode et d’une échelle d’analyse : l’étude monographique qui était dictée par la nécessité de se référer à un cadre juridico-politique cohérent et d’exploiter de manière intensive archives notariales et archives judiciaires. Les travaux ont été nombreux et précoces en Italie19, puis en Espagne20, moindres en France21, en Angleterre22 et dans le monde germanique (Lanzinger)23, plus récents aux Amériques24. La seule approche comparative à l’échelle européenne demeure à ce jour celle de J.P. Cooper qui s’appuie, par ailleurs, sur des études monographiques25. Il serait d’un grand profit aujourd’hui d’approfondir la comparaison avec des institutions similaires dans d’autres aires culturelles, en particulier le waqf musulman qui vise les mêmes objectifs et pose les mêmes questions26.
7Ces travaux ont transformé le fidéicommis en un objet polymorphe et polysémique qui apparaît tout à la fois comme un rempart contre l’incertitude biologique en anticipant l’extinction d’une lignée, l’incertitude politique en écartant la menace d’expropriations arbitraires, l’incertitude économique en plaçant des biens hors marché, l’incertitude juridique, enfin, en limitant la gamme des choix possibles en matière successorale et en réduisant l’imprévisibilité de l’acte testamentaire. La prise en compte de la diversité des clauses et des pratiques a permis de penser, à nouveau frais, la chronologie de sa diffusion. Ainsi a-t-il été montré que des actes posant des conditions d’inaliénabilité et de substitution pouvaient préexister à l’institution formelle des fidéicommis27, comme il n’est parfois pas nécessaire d’y avoir recours car la coutume ou les stratégies de transmission atteignent le même objectif28.
8En complexifiant l’objet, l’historiographie a également opéré des déplacements interprétatifs. Les travaux de G. Delille ont démontré que les fidéicommis, placé au point de rencontre du marché et de la transmission, était la clé du système de circulation des biens29. La quête des motivations des acteurs a délaissé le terrain économique au profit d’une approche anthropologique qui a mis en évidence le « besoin d’éternité » qui animait le testateur selon la formule de M. A. Visceglia30. Le fidéicommis établit un « lien d’identité » entre générations par l’intermédiaire d’un double processus d’identification propre à la logique du don : entre le donateur et le donataire et entre le donateur et l’objet31. Le testateur reprend ce qu’il a donné selon le paradoxe du keeping-while-giving décrit par A. Weiner32. Les contemporains ont d’ailleurs perçu cette dimension en déplorant la vanité et parfois la vacuité de la volonté de se perpétuer dans les choses et de prolonger son emprise sur les siens.
9La focalisation sur la noblesse qui – il est vrai – en avait fait son attribut a laissé place à une plus grande variété d’acteurs soulignant la diffusion sociale de l’institution et les diversités des significations dont elle était investie. Sous l’influence de l’anthropologie et de l’anthropologie juridique33, l’intérêt pour l’indisponibilité des biens a porté l’attention, une fois démontré que n’importe quel type de biens pouvait être assujetti, sur la signification dont étaient investies les choses placées hors marché.
10Dans ce panorama, l’étude des fidéicommis vénitiens paraît très en retrait, à la notable exception de la monographie de J.C. Davis sur la famille Donà delle Rose : consacrée aux modalités de transmission de la richesse, elle traite pour la première fois de l’adoption des fidéicommis à Venise à travers les choix patrimoniaux opérés par une famille patricienne dans la longue durée34. Les travaux postérieurs ont abordé les fidéicommis à travers la crise du patriciat au XVIIIe siècle : E. Garino en s’intéressant aux stratégies de succession35 et R. Derosas en se penchant sur l’adaptation des familles à l’instabilité juridique causée par l’abolition des fidéicommis en 1797, leur restauration en 1798 avant leur abolition définitive en 1806 par Napoléon36. Son analyse du marché foncier démontre combien la fin des fidéicommis a entraîné une vente massive de biens de la part de familles qui s’étaient considérablement endettées dans les dernières décennies de la République. Des historiens de la justice se sont appuyés sur des conflits de succession fidéicommissaire pour étudier la capacité des justiciables à utiliser les ressources procédurales et juridictionnelles37. Le sujet a connu un regain d’intérêt avec les travaux de P. Lanaro sur l’articulation des fidéicommis à l’institution dotale et de L. Megna sur la primogéniture38. Mais les fidéicommis apparaissent surtout au détour de monographies familiales sans constituer un objet d’études spécifiques39.
11Ce relatif effacement historiographique s’explique d’abord par des raisons documentaires. Les fidéicommis sont partout et nulle part à la fois. Il suffit d’ouvrir les archives des notaires, des familles, des institutions pieuses pour trouver des testaments et des actes de procès liés aux successions. Il n’est pas de magistratures qui n’aient à traiter, à un moment ou à un autre, de la question des biens conditionnés soit parce qu’ils sont en ruine, soit parce qu’ils sont l’objet d’une demande de levée de l’inaliénabilité, soit parce qu’ils empêchent le recouvrement des impôts, soit parce qu’ils sont investis sous forme de rentes publiques ou de capitaux dont il faut veiller au réinvestissement, soit parce qu’ils entrent dans une succession, soit encore parce qu’ils sont disputés en justice. Mais ils sont aussi nulle part car il n’existe pas dans les archives vénitiennes un enregistrement systématique des testaments instituant un fidéicommis et, encore moins, un inventaire des biens assujettis. Cette absence s’explique pour des raisons historiques. Ce type de fonds existe là où une réforme des fidéicommis a conduit l’État à demander aux familles de présenter leurs titres et l’inventaire de leurs biens, à l’image du Grand-duché de Toscane en 1747, ce qui a permis à S. Calonaci d’entreprendre une étude quantitative sur la diffusion et l’emprise des fidéicommis florentins depuis la fin du Moyen Âge. Rien de tel à Venise où l’enregistrement des testaments est partiel et l’inventaire des biens inexistant, et où aucune réforme systémique régulant l’usage des fidéicommis n’est envisagée avant leur abolition par la Municipalité en 1797.
12Au-delà de la diversité de leur approche et de leur terrain, les études sur les fidéicommis ont privilégié la phase d’institution, c’est-à-dire l’acte testamentaire qui permet de répondre à des questions aussi variées que la diffusion, l’usage social, la typologie des biens assujettis, la représentation de la famille révélée par les conjectures envisagées. D’autres travaux, bien moins nombreux, ont déplacé l’observation sur la succession fidéicommissaire, en particulier sur la litigiosité qu’elle engendre à partir d’études de cas. Je n’ai que très partiellement emprunté ces deux voies. À moins de dépouiller des centaines de testaments, il me paraissait hors de portée d’étudier de manière sérielle la phase d’institution des fidéicommis pour disposer des données quantitatives qui font tant défaut pour Venise. Il aurait été, en revanche, envisageable de reproduire la méthode de J. Davis en reconstruisant l’histoire patrimoniale d’une famille dans la longue durée, ce qui a le mérite de ne pas isoler les testaments, mais de les étudier dans leur interrelation. Cette piste n’a pas non plus été suivie car elle n’a vraiment d’intérêt qu’en multipliant les études de cas pour établir des comparaisons d’une famille à l’autre. La phase d’institution a donc été laissée de côté, même si le premier chapitre tente, en l’état des connaissances et à partir d’exemples glanés çà et là, de cerner ses enjeux. Plus en aval, la succession fidéicommissaire n’est pas non plus au centre de ce travail, même si les règles de transmission et le rôle de la justice dans la validation de la succession ont été analysés. La litigiosité qu’elle provoque est succinctement abordée, mais elle représente en soi un sujet d’études. C’est la phase intermédiaire qui a retenu notre attention, celle de la gestion durant laquelle le fidéicommis est entre les mains de l’héritier dont l’action et la capacité d’action sur le fidéicommis demandent à être évaluées. C’est aussi la phase qui permet de réfléchir à l’adaptabilité des fidéicommis et à la redéfinition des frontières de l’indisponibilité. C’est enfin le moment où l’État n’est pas seulement législateur, mais aussi un acteur central de leur gestion.
La tutelle publique sur les fidéicommis
13Quel que soit l’endroit, il n’y a pas de fidéicommis sans tutelle publique. Ils touchent trop aux fondements du système de parenté (la transmission et l’alliance), aux équilibres de l’ordre social (la prééminence de la noblesse) et au fonctionnement global de l’économie pour rester une affaire privée. Comme l’ont énoncé les légistes de manière unanime, ils ne peuvent échapper à l’autorité souveraine car ils relèvent de la loi positive. En retour, l’État reconnaît un acte privé qui est dérogatoire au droit commun au nom de la liberté testamentaire.
14À l’échelle italienne, l’interprétation du rôle de l’autorité publique demeure une question ouverte compte tenu de la diversité des contextes étatiques et de l’évolution dans chacun d’entre eux de la politique de l’État en matière fidéicommissaire. Deux écueils interprétatifs sont à éviter : le premier est de réduire l’action volontariste de l’État à un instrument de contrôle de la noblesse, le second est de voir dans son intervention le simple accompagnement juridictionnel d’une pratique sociale qui lui échappait. Il faut aussi se garder d’une lecture linéaire qui, à l’aune des restrictions qui lui sont apportées au XVIIIe siècle et de sa suppression pendant la période révolutionnaire, ferait du fidéicommis une pratique spontanée qui aurait échappé, dans un premier temps, aux prescriptions de l’autorité souveraine et qui aurait été ensuite de plus en plus encadrée à mesure que l’État étendait son emprise sur la société aristocratique et était de plus en plus acquis, au XVIIIe siècle, au principe de l’égalité entre héritiers, de la libre circulation des biens et de la pleine souveraineté de la propriété. Il est, par ailleurs, difficile d’établir une gradation nette, dans les interventions de l’État entre ce qui relève, d’un côté, de la régulation et de l’arbitrage, bref d’une police des familles, et ce qui serait, de l’autre, l’expression d’une politique restrictive et offensive dictée par les effets négatifs d’une immobilisation des biens trop étendue.
15Un point, enfin, attire l’attention : les États italiens où les fidéicommis subissent des restrictions sont des États princiers. À l’imitation des règles castillanes, l’instauration d’une primogéniture à Milan est soumise à l’autorisation du prince40. Une limitation du nombre de degrés des substitutions est introduite au Piémont (1729) et en Toscane (1747) où le fidéicommis est réservé à la noblesse, dont il était déjà l’attribut symbolique mais qui devient son privilège juridique. Des restrictions plus fortes encore sont adoptées à la fin du siècle dans le cadre d’une politique globale destinée à réduire l’immobilisation de la propriété, qu’il s’agissent des biens de mainmorte ecclésiastiques ou des biens fidéicommissaires41. Si la politique offensive des États monarchiques ne paraît guère faire de doute42, elle résiste néanmoins à une interprétation globale tant la chronologie et le contexte sont différents d’un État à l’autre. Est-ce que ces mesures prises aux dépens des fidéicommis servent les intérêts des héritiers en accroissant la disponibilité des biens ? Il y aurait là un élément de continuité entre des réformes restrictives et la régulation ordinaire des fidéicommis qui repose sur une forme de collaboration entre les ayants droit et l’État, facilitée par le fait que les membres des juridictions d’arbitrage pour lever l’inaliénabilité sur un bien peuvent partager une communauté d’intérêts avec les requérants. Ainsi à Milan observe-t-on une convergence de vue entre le Sénat, soucieux de préserver le statut des familles et les équilibres de la société, et les détenteurs de fidéicommis qui voient dans la tutelle publique la meilleure garantie de leurs intérêts43.
16Toujours est-il que la République de Venise n’a pas hésité dans les années 1760 à confisquer des biens ecclésiastiques, mais n’a jamais touché aux fidéicommis. Les autres États ont des princes quand Venise a pour souverains des patriciens qui s’efforcent d’agir en conjuguant leurs intérêts privés et l’utilité publique.
L’État vénitien et le gouvernement des familles44
17Que les affaires de famille soient une affaire privée demeure une idée profondément ancrée et admise par l’État vénitien lui-même. Une succession ab intestat entre le père et le fils ne requiert, par exemple, aucune procédure de validation car la transmission de l’un à l’autre est jugée naturelle et mécanique. Il n’en reste pas moins que l’autorité publique s’est imposée à partir du XIIIe siècle, par l’intermédiaire de la codification et du développement des tribunaux, comme l’instance légitime de production des règles de succession et d’alliance, de certification et de validation des droits et de résolution des litiges. Les affaires de famille sont incontestablement un domaine dans lequel l’État a étendu sa juridiction et par lequel il a assis son autorité en délimitant une sphère propre d’intervention face à l’Église et aux familles.
18A dire vrai, l’Église lui a largement laissé le champ libre car la dévolution des biens n’est pas, pour elle, un enjeu juridictionnel puisqu’elle ne revêt aucune dimension sacramentelle à la différence du mariage45. La définition différente des degrés de parenté selon le droit canonique et le droit civil dit bien la séparation des deux sphères. Mais en qualité de principale bénéficiaire de legs testamentaires, elle capte à son profit des biens aux dépens des familles accumulant un patrimoine que les autorités civiles tente de circonscrire46. Dans la définition des règles de dévolution des biens, l’État utilise des critères qui relèvent de l’autorité ecclésiastique, comme la validation d’un mariage et d’une naissance légitime. Ce que l’on constate, par ailleurs, c’est une extension du champ d’intervention de l’État en matière de gestion des conflits matrimoniaux à l’époque même où, sous l’impulsion du Concile de Trente, l’Église réaffirme ses prérogatives par le renforcement des tribunaux ecclésiastiques47. La compétence acquise par l’État dans les affaires de séparation entre époux n’est pas, comme l’a montré Angelo Rigo, le fruit d’une volonté délibérée, mais le résultat de la pratique des Juges du Procurator48.
19Quant aux relations de l’État avec les familles, elles se sont construites sur un mode dialectique. Les Statuts rédigés en 1242 dans l’entourage du doge Jacopo Tiepolo codifient les coutumes alors en usage, mais ils imposent en retour des règles à même de façonner les comportements ; ils fixent un cadre normatif qui perdure, dans ses grandes lignes, un demi-millénaire, mais la loi tient compte, par des corrections et des ajouts, de nouvelles pratiques sociales – comme le fidéicommis – et de l’évolution des structures de la richesse davantage fondées sur les biens immeubles ; les règles de transmission sont édictées par des patriciens qui se les appliquent à eux-mêmes, mais elles valent pour l’ensemble de la société. Le processus de disciplinisation des familles par le droit ne doit donc pas être lu comme la simple imposition de la loi, à la fois parce que l’État a intégré dans le droit écrit des normes et des pratiques sociales et parce que les familles se sont reconnues dans la législation, se la sont appropriée, comme elles ont pu tirer avantage de la position d’arbitrage des tribunaux civils dans la certification des droits et la résolution des litiges.
20La situation très particulière de Venise où s’est épanouie une République aristocratique invite à poser la question de l’incidence de la nature du régime sur le gouvernement des familles. Il n’est pas dit qu’en lui-même le régime politique imprime une orientation particulière. Il convient donc d’écarter l’idée a priori selon laquelle l’ingérence de l’État serait moins forte dans un régime patricien : le cas florentin démontre qu’à la fin du Moyen Âge le renforcement de la tutelle publique et l’évolution des normes en matière de succession et d’alliance participent de la construction de la domination politique du patriciat49. À Venise, la transmission héréditaire du pouvoir s’accompagne, au début du XVIe siècle, de la définition de stricts critères d’appartenance au patriciat (naissance d’un mariage légitime, contrôle de l’identité de l’épouse et de la mère). Mais le groupe dirigeant s’impose à lui-même cette discipline matrimoniale car celle-ci est au service de sa prééminence politique. En revanche, il doit concilier la défense de ses intérêts – qui sont loin d’être uniformes – et ceux de l’ensemble de la société lorsqu’il apporte des ajustements aux règles de succession et d’alliance valables pour tous. Dans ce face-à-face entre les gouvernants et les gouvernés ne s’est jamais immiscée, à Venise, à la différence d’autres États italiens, l’autorité d’un prince, placé en position de surplomb et d’arbitrage. Certes, un prince ne manipule pas nécessairement les normes de succession et d’alliance pour abaisser la noblesse, s’assurer son soutien, jouer sur ses divisions internes, mais il change, par sa seule présence, le rapport de force entre les composantes de la société politique. Rien de tel à Venise où les patriciens n’ont jamais à composer avec une autre autorité qu’eux-mêmes dans la mesure où ils concentrent entre leurs mains la plénitude de la souveraineté qui ne leur a jamais été contestée.
21La spécificité d’un droit propre à Venise, fondé sur l’exclusion du droit romain, a été une construction politique délibérée afin de justifier le mythe d’une liberté originelle50 alors que le système juridique vénitien y trouve, en vérité, son origine51. La véritable originalité de la justice vénitienne par rapport aux cités de Terre Ferme ou à d’autres États italiens vient du monopole que le patriciat exerce dans la production et l’application de la loi. Les Statuts vénitiens combinent des normes juridiques héritées du droit romain et des coutumes de tradition lombarde, quand ceux d’autres cités italiennes font une large place au droit commun, ce système juridique fait de la superposition de coutumes locales, de lois statutaires, de droit romano-canonique dont les incohérences ont été gommées par l’immense travail d’interprétation et de commentaire de docteurs, de juges et d’avocats. Or c’est précisément l’activité de ces hommes de loi que le patriciat cherche à éloigner pour se réserver le pouvoir de dire la loi et de rendre la justice. Maîtrise du gouvernement et administration de la justice sont deux expressions de la souveraineté pour les patriciens52. Le droit vénitien est, comme l’écrit A. Mazzacane, « une action directement politique, gérée par les organes législatifs eux-mêmes au lieu d’être l’occasion de réflexions théoriques »53. Dès la rédaction des premiers Statuts, le corpus normatif est pensé comme unique, valable dans toutes les possessions vénitiennes (de Terre Ferme et d’Outre-mer) et utilisable sans le recours à des docteurs pour interpréter les situations qu’il n’aurait pas explicitement envisagées. En dépit de la fascination que pouvait exercer le droit romain, le patriciat a écarté avec constance les hommes de loi, de crainte qu’ils ne s’immiscent entre eux et les justiciables et ne fragilisent leur prééminence politique et sociale. C’est pourquoi les juges ne sont pas des techniciens et pourquoi les patriciens eux-mêmes – de rang intermédiaire – occupent ces fonctions ; c’est pourquoi encore la première édition imprimée des Statuts en 1477 comporte une traduction en langue vulgaire afin qu’ils ne soient pas seulement réservés à un petit nombre de spécialistes54 ; c’est la raison pour laquelle, enfin, les avocats qui prennent la parole devant les tribunaux ne peuvent pas être recrutés hors de l’ordre patricien. Et quand en 1531, le doge Andrea Gritti, animé d’un programme de renovatio urbis55, entreprend de revoir les Statuts sur la base du droit romain, il doit vite renoncer sous la pression des patriciens qui siègent dans les nombreux tribunaux et de ceux qui craignent que le pouvoir donné au petit nombre des hommes de loi ne préfigure une orientation oligarchique des institutions56. L’acceptation d’avocats « extraordinaires » non vénitiens dans les causes en appel, qui sont traitées à Venise, mais regardent la Terre Ferme pour lesquels la maîtrise du droit commun est requise, ne change pas de manière substantielle l’ordre des choses57 : le droit et la justice des familles sont l’affaire des patriciens qui sont jaloux de leur monopole et qui le justifient au nom de la liberté de la République dont ils sont les garants. Les patriciens, qui sont tout à la fois législateurs et juges, se trouvent dans une position ambiguë car ils agissent dans le sens de leurs intérêts – qui ne sont d’ailleurs pas toujours convergents compte tenu des fractures internes au groupe dirigeant – tout en veillant à la stabilité de l’ensemble de la société. Les fidéicommis sont au cœur de cet exercice d’équilibre.
22Si ne s’est jamais posée la question de l’autorisation du fidéicommis car il s’agit d’une disposition qui relève du dominium du testateur sur ses biens, la loi s’en est saisie à cause de ses effets indirects sur d’autres institutions ou d’autres systèmes de normes. Il aggrave l’incertitude inhérente au marché immobilier puisque les transactions de biens assujettis peuvent être frappées de nullité. Il fragilise le marché du crédit puisque l’inaliénabilité des biens empêche le recouvrement des créances. En matière successorale, il substitue à la conception de la famille qui irrigue les Statuts et qui est centrée sur la famille nucléaire et les parents proches, sur la fraterna, cette unité de gestion qui lie tout au plus deux générations, une conception plus patrimoniale qui repose sur une projection dans le temps et la transmission de biens et de statuts. Ce basculement est inséparable des changements advenus au cours du XVIe siècle dans les structures de la richesse, que la législation a dû prendre en compte. Le fidéicommis, enfin, rencontre sur sa route l’institution dotale avec laquelle il partage un point commun – l’inaliénabilité –, mais qui obéit à une logique toute différente. Quand la dot entraîne la circulation des biens hors de la famille, le fidéicommis vise la substitution des personnes dans les biens. Ce sont toutes ces contradictions qui ont poussé l’État à intervenir.
Législation, administration, justice
23L’action de l’État se déploie à plusieurs niveaux : législatif, administratif et judiciaire. Les fidéicommis apparaissent dans des actes législatifs et réglementaires dont la rédaction s’étale sur plusieurs siècles. Ce cadre normatif est révélateur de l’impact de la diffusion des fidéicommis sur d’autres systèmes normatifs comme il permet d’appréhender le positionnement de l’État qui varie suivant les enjeux et qui n’est pas intangible dans la durée. Ce corpus de lois et de règlements n’a jusqu’ici jamais été rassemblé. Des lois étaient connues, mais aucune tentative n’a été entreprise pour les réunir, les mettre en perspective et tenter, dans la mesure du possible, de contextualiser leur production. La première étape de ce travail de collecte s’est appuyée sur la dernière édition, en date de 1729, du Novissimum statutorum ac Venetarum legum volumen, appelé couramment Novissima Veneta Statuta, qui comporte les Statuts médiévaux, les corrections ultérieures et les lois civiles jugées les plus significatives ordonnées chronologiquement jusqu’ à la date d’édition58. Ce corpus a ensuite été croisé avec la législation mentionnée dans la rubrique « Fedecommissi » du fonds Compilazione delle leggi59. Les documents rassemblés par matières n’y sont pas de première main et ils ne font parfois qu’allusion à une loi, de sorte qu’il est nécessaire de remonter aux délibérations des conseils, mais ils comportent parfois une littérature grise – notes et mémoires – qui est bien sûr absente du corpus normatif, mais qui est précieux pour pénétrer dans les débats sur le fidéicommis. Le dossier « Fidecommissi » est mince et dominé par deux affaires : l’accès des enfants légitimés au fidéicommis et le type de rente publique qui peut subroger des capitaux dans un fidéicommis. Ce matériel a été complété au fil des dépouillements dans les délibérations du Sénat et de différentes magistratures. Le corpus réuni n’est sans doute pas exhaustif, mais il comporte les lois les plus importantes et a exhumé des dispositions qui étaient jusqu’ici totalement inconnues. La plupart des pièces concernant la juridiction des Provveditori di Comun et les biens assujettis à fidéicommis en ruine sont inédites. Parler de législation est impropre car le matériel réunit comporte parfois des mémoires qui sont apparus particulièrement éclairants. Réunir des dispositions législatives qui peuvent être séparées de plusieurs siècles comporte le risque de les considérer comme des productions a-historiques. Ce choix paraît néanmoins justifié par le fait que certaines lois sont en vigueur très longtemps et servent de point de départ à des corrections ultérieures ; il nécessite néanmoins un effort constant de contextualisation. À la lumière de ce corpus, il ressort qu’il y a peu de domaines auxquels les fidéicommis sont étrangers. S’il n’y a pas de réforme systémique des fidéicommis au XVIIIe siècle, ce qui demande à être expliqué, il y a néanmoins des ajustements législatifs continus qui démontre la réactivité de l’État et la pression constante qu’exercent les fidéicommis sur d’autres droits.
24Dès lors que l’État agit en garant de l’intégrité des fidéicommis, il n’est pas trop fort de dire qu’ils envahissent littéralement l’administration entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Cela ne passe pas par la création de magistratures nouvelles, mais par l’adaptation des magistratures anciennes en fonction de leur domaine de compétence : au Grand Conseil, les dispenses par la grâce, aux Provveditori di Comun la vente des biens en ruine, aux Governatori delle entrate la vente des biens des débiteurs du fisc et l’annulation de ces mêmes ventes pour cause de fidéicommis, aux Provveditori in Zecca les rentes publiques « vincolate », et surtout aux Juges du Procurator, la certification des testaments et les levées de dépôts des capitaux conditionnés. Le rôle de cette Cour de justice, qui se définit elle-même comme « la seule compétente en matière fidéicommissaire », occupe une place centrale dans cette recherche, à la mesure de l’importance qu’elle a assumée dans le contrôle et le réinvestissement des capitaux. Le matériel inédit qui a été exploité, en particulier les arrêtés de levée de dépôt, met en évidence combien les fidéicommis en encombrant l’administration en ont changé la pratique, d’abord en obligeant à mettre en place des procédures nouvelles que nous avons jugé utile de reconstituer et en poussant à expérimenter des techniques de contrôle pour identifier les biens et les personnes et vérifier la garantie des investissements. Si les fidéicommis sont une charge pour l’État, ils ont aussi été le vecteur du perfectionnement de technologies administratives. Ce dispositif normatif et administratif n’enferme pas l’État dans un tête-à-tête avec les fidéicommis, car il est sollicité par les héritiers autant qu’il est conçu pour les contrôler.
Des héritiers administrateurs
25Les représentants des fidéicommis sont l’objet de jugements contradictoires. Ils sont vus comme des victimes qui ne peuvent pas disposer librement des biens. À la fin du XVIe siècle, la querelle sur le caractère favorabile ou odiosum – selon les mots de Pellegrini60 – des fidéicommis porte sur la question de savoir si la transmission doit privilégier la famille ou l’héritier. Mais la dispute théorique est tranchée dans les faits car, entre l’ancien dominus (testateur) et le nouveau dominus (héritier), préférence est accordée au premier au nom du respect de sa volonté souveraine et de l’intérêt supérieur de la famille qui l’emporte sur la liberté de l’héritier61, assimilé à un simple usufruitier. La liberté du fondateur est toutefois limitée tant par la nécessité de tenir compte de la légitime que par la rédaction, de plus en plus stéréotypée, de l’ordre des substitutions. À la fin du XVIIIe siècle, pour les tenants d’une conception absolue de la propriété, le fidéicommis apparaît comme étranger aux catégories classiques du droit romain car les trois attributs du droit de propriété – l’usus, le fructus, l’abusus – sont séparés dans le fidéicommis et ne peuvent jamais être réunis si ce n’est avec sa disparition. D’un côté, l’usufruitier est dépossédé de la faculté de disposer du bien ; de l’autre, cette faculté qui était détenue par le testateur n’appartient plus à personne ; elle est comme suspendue, aussi inatteignable que les biens qu’elle rend indisponibles. On comprend dès lors, au-delà des arguments économiques et moraux, pourquoi les juristes modernes qui tiennent à réunir les trois attributs du droit de propriété entre les mains d’un même sujet ont condamné le fidéicommis.
26On est tenté aujourd’hui d’utiliser les catégories juridiques qui servent à qualifier les biens communs pour sortir du cadre du droit romain et de ses réélaborations modernes et penser l’originalité du régime de propriété qui sous-tend le fidéicommis62. Celui-ci fonctionne comme un bien commun, non pas un bien au service d’une multitude, mais un bien au service d’une famille. Certes, dans le premier cas, les bénéficiaires ne sont pas juridiquement définis alors que dans l’autre les ayants droit font l’objet d’une claire énonciation. Mais les uns et les autres se trouvent placés dans le même rapport aux biens, celui de l’usage ou de la jouissance qui ne coïncide pas avec la propriété. Pour qualifier ce rapport, P. Napoli s’appuie sur les travaux de G. Agamben sur la théologie franciscaine qui postulait l’usage comme un moment séparé de la propriété au nom d’une conception de la pauvreté expropriative63. François d’Assise préconisait une vie dépourvue de volonté car le péché originel était le fruit d’un acte de volonté. L’usage des choses relèverait, au contraire, de l’habitude, de l’inaction, de la passivité. Dans le fidéicommis, l’acte de volonté est tout entier contenu dans celui du testateur ; le substitué a abdiqué la sienne et se soumet à celle d’un autre, privé de la capacité d’agir sur les biens, reclus dans un état de passivité. Du statut de victime à celui de coupable, il n’y a qu’un pas.
27Au XVIIIe siècle, la charge est lourde contre les titulaires de fidéicommis accusés d’inertie et de négligence envers les biens. Mais à travers eux c’est le système qui les conduit à un tel comportement qui est visé. Comme l’écrit en 1765 Antonio Genovesi : « une loi qui protège la paresse ou les mauvaises mœurs n’est pas valide par nature. Or telle est la loi de l’inaliénabilité »64. À la notice « population » de son dictionnaire du droit vénitien, publié en 1778, Marco Ferro lui fait écho : « Presque toutes les terres soumises à fidéicommis sont incultes par négligence des propriétaires, qui ne sont pas attachés à des biens dont ils ne peuvent disposer, des biens qui leur ont été cédés bien mal volontiers, et donnés par anticipation à leur successeurs, lesquels ne devraient pas être leurs héritiers car ils ne les ont pas désignés »65. Quant à Daniele Manin, il reprend en 1848 les mêmes arguments dans Della veneta giurisprudenza : « D’autre part, se développait naturellement chez les possesseurs de biens liés, particulièrement après quelques générations, et quand la révérence envers la mémoire du testateur s’était au fil du temps émoussée, le désir de briser ce lien gênant ou de le trahir, en aliénant de manière arbitraire ces biens, ou en les laissant dépérir »66. Ce sont là des poncifs qui sont repris dans toutes les critiques que les penseurs des Lumières ont adressées au fidéicommis et à la primogéniture et qui comportent bien sûr leur part de vérité.
28Pour ne pas avoir à trancher entre la figure de la victime et celle du coupable, il est utile, à la suite de P. Napoli, de penser l’usage à partir des catégories de l’administration qui peuvent être une alternative à celles de la propriété, à l’image du pape considéré comme l’administrator ou le procurator et non le dominus des biens de l’Église67. C’est d’ailleurs par ce terme que le cardinal Giambattista De Luca désigne « il possessore del fidecommisso, il quale viene stimato un’amministratore legale dell’eredità a comodo proprio, e degli altri chiamati »68. Les actes judiciaires évoquent les représentants « dell’eredità fideicommissaria » qui interviennent « per conto e benefitio delli fideicommissi ordinati »69. Convoquer la figure de l’administrateur permet de ne pas aborder la propriété seulement sous l’angle d’un dominium sur les choses mais à travers le prisme de son exercice, de déplacer l’attention du titulaire d’un droit absolu, à un tiers chargé d’administrer les biens. Le considérer comme tel, c’est lui restituer une autonomie et une capacité d’agir au lieu d’en faire a priori un être passif. Une fois encore, le cardinal Giambattista De Luca, en observateur inspiré, pose le problème dans les bons termes : « Si le successeur est sain, le fidéicommis ne sera pas nécessaire ; s’il est fou, on ne trouvera jamais assez de protections pour empêcher les dissipations. Bien au contraire, plus sont forts les liens et les prohibitions, et d’autant plus faciles et plus rapides sont les dissipations et plus vite le possesseur s’appauvrit »70. C’est de ce jugement dont il faut partir pour comprendre le comportement du titulaire d’un fidéicommis qui peut agir contre celui-ci, en laissant dépérir les biens, en les vendant illégalement, en accaparant leurs capitaux, mais qui peut aussi se mettre à leur service en étant un gestionnaire actif et inventif. Le fait important est que la répartition de ces rôles n’est pas donnée une fois pour toutes et que la même personne peut, tour à tour, assumer l’un et l’autre. La seconde partie du jugement de De Luca est tout aussi riche de suggestions : des interdits trop rigides nuisent au fidéicommis. L’État vénitien a pris au sérieux ce risque en consentant des adaptations pour assurer la préservation du fidéicommis. Or c’est parce que les fidéicommis ne sont pas des réalités intangibles que leur représentant n’est pas seulement réduit à être un gardien passif qui, au mieux, se contente d’encaisser la rente, au pire, laisse les biens dépérir faut de pouvoir les vendre.
Rendre disponible l’indisponible
29L’interprétation des conséquences économiques de l’inaliénabilité fut longtemps dépendante des critiques émises au XVIIIe siècle par les penseurs réformateurs au nom de la pleine souveraineté du droit de propriété, de la libre circulation des terres et de la défense des droits des créanciers71. Sous leur plume, l’inaliénabilité apparaît à la fois rigide et néfaste car elle nuirait à la mise en valeur des biens, et au-delà à l’économie « nationale ». À leur suite, les historiens se sont demandé si le fidéicommis atteignait son objectif de conservation de la fortune des familles, s’il était donc efficace, ou s’il était, au contraire un obstacle à l’adaptation des patrimoines aux variations de la conjoncture. S’il est difficile de ne pas juger négativement son impact sur le marché des biens fonciers, la réponse est plus complexe à l’échelle familiale. D’un côté, les biens fidéicommissaires, qui ont besoin d’être « réalimentés », peuvent souffrir d’un manque de liquidités et de l’absence de biens libres. De l’autre, des études ont insisté sur le fait que le fidéicommis offrait un cadre juridique stable qui permettait aux locataires de la terre de faire des investissements avec des garanties à long terme72. Peu d’études ont, en revanche, interrogé l’intangibilité des frontières entre les biens libres et les biens assujettis.
30Leur distinction ne repose pas sur une différence de nature car ils appartiennent pleinement à la sphère marchande. Leur interdépendance n’est donc pas du même ordre que celle mise en lumière par Y. Thomas dans le monde romain où l’existence des biens libres, ceux qui ne pouvaient revenir à personne, qui étaient soustraits au marché et qui étaient inestimables, définissaient en creux l’espace du commerce et la valeur marchande des biens en circulation73. Dans un patrimoine, l’interdépendance des biens libres et des biens assujettis relève du mode de gestion et du souci de garder une marge de manœuvre pour de nouveaux investissements et la constitution des dots. La ligne de partage passe aussi au sein des fidéicommis entre les biens que l’on garde et ceux dont on souhaite se séparer. Si pour la plupart des biens l’entrée dans un fidéicommis est un voyage sans retour, quelques-uns font le chemin inverse. La levée de l’inaliénabilité est possible, mais à l’issue de procédures très encadrées. Interroger l’adaptabilité d’un dispositif réputé aussi rigide place au centre de l’analyse l’arbitrage de l’autorité souveraine et des tribunaux, qui en sont l’émanation, dans les affaires de famille74. La politique en matière fidéicommissaire place face à un apparent paradoxe : d’un côté, la défense systématique de l’institution, de l’autre, des accom modements avec le principe de prohibition. Comment s’opère le passage entre le disponible et l’indisponible ? Quelles instances en décident ? Comment un dispositif peut-il être à la fois d’une extrême rigidité et d’une remarquable élasticité sans contradiction apparente ? La réponse s’exprime en des termes différents selon la nature des biens – immeubles ou capitaux – qui ne sont pas soumis aux mêmes procédures de levée de l’inaliénabilité.
Capitaux et fidéicommis ou comment résoudre la contradiction
31« Ces biens qu’on ne peut ni donner, ni vendre, mais qu’il faut garder »75 appartiennent à deux catégories : les biens symboliques qui sont investis d’une signification car ils sont porteurs de l’identité familiale ou des qualités de leur possesseur et des biens utiles destinés à produire un revenu qui permet le maintien du rang de la famille. Ces deux catégories ne recoupent pas la distinction entre biens immeubles et biens meubles. Parmi les biens immeubles figurent des biens symboliques – le palais et la villa – et des biens de rapports – terres, maisons –, sans qu’existe une nette séparation entre les deux car la possession de biens stables est le signe d’un pouvoir sur les lieux et les hommes. À l’identique, parmi les biens meubles existent des objets auxquels leur propriétaire est tellement attaché qu’il les considère comme sacrés. Les choses deviennent des signes investis de significations symboliques à l’image des collections d’œuvres d’art et des objets précieux76. Elles ne perdent pas leur valeur marchande si elles sont seulement gardées et peuvent constituer un utile réservoir de valeurs facilement mobilisables. Si elles sont placées dans un fidéicommis, elles sont privées de leur valeur d’utilité pour un gain que leur possesseur espère obtenir sur un autre terrain, celui de la réputation, de la renommée et de l’honneur, qui, dans l’échelle des valeurs de la société d’Ancien Régime, sont placés au-dessus de l’utilité marchande. Parmi les biens meubles assujettis figurent parfois des activités commerciales et des capitaux. Dans un fidéicommis peuvent donc coexister des biens de statuts différents. Certains y entrent car on leur prête une qualité particulière qui définit la substance de la famille, entendue comme son essence et que le testateur a à cœur de préserver. A côté de ces biens symboliques, en figurent d’autres qui ont vocation à assurer la subsistance de la famille et que rien ne distingue d’autres biens de même nature si ce n’est la prohibition qui les frappe.
32La présence des capitaux dans les fidéicommis ne manque pas de soulever des interrogations. Si l’on en juge par les traités d’économie domestique, à commencer par les Quattro Libri della famiglia d’Alberti, l’argent n’est pas la vraie richesse, à la différence des biens « stables », car il est volatil77. Sa vocation est de circuler, mais il ne peut être gardé sous peine de disparaître tandis que les terres et les maisons non seulement produisent de la richesse mais permettent sa conservation. Trois siècles après Alberti, le vénitien Giammaria Ortes tient le même discours suivant un raisonnement circulaire : comme les biens stables fondent la richesse et appartiennent aux nobles, seuls les biens stables ont vocation à entrer dans les fidéicommis qui doivent être réservés à la noblesse. Les fidéicommis ne peuvent ni conserver des activités commerciales soumises à la conjoncture, ni les empêcher de péricliter en une génération. Ortes ajoute : « La même chose doit être dite avec plus de raison encore pour l’argent […], lequel, n’étant pas en lui-même richesse ni meuble, ni immeuble, mais seulement l’équivalent des vraies richesses que sont les biens, ne peut produire le même effet et pour lui-même être soumis à fidéicommis comme les biens »78. Or les fidéicommis comportent, non de l’argent comptant, mais des capitaux, sous forme de prêts aux particuliers ou de rentes publiques. Les uns et les autres ont beau avoir le statut de biens immeubles fictifs, ils n’en demeurent pas moins des capitaux dont la vocation est d’être employée. Deux logiques semblent alors s’opposer : celle des capitaux qui doivent circuler et celle des fidéicommis qui visent à immobiliser la valeur. Si l’historiographie a bien identifié la présence de capitaux dans les fidéicommis et l’a interprétée comme un signe de leur transformation en réservoir de valeurs financières, elle n’a pas cherché à comprendre comment cette contradiction était résolue : comment en effet conserver les capitaux dans le fidéicommis tout en permettant qu’ils jouent leur rôle de capitaux, c’est-à-dire qu’ils soient investis ? La résolution de cette contradiction ne peut être le fait des représentants des fidéicommis qui sont une partie du problème. Face à des capitaux qui sont disponibles, la tentation est grande de les garder pour soi et non dans le fidéicommis. Comme on ne peut attendre un telle vertu de leur part, c’est l’État qui se pose en garant des fidéicommis en mettant en place un dispositif juridico-administratif en mesure de concilier l’inconciliable : la circulation des capitaux sans sortie du fidéicommis. Or, ce dispositif, placé sous la tutelle des Juges du Procurator, était jusqu’ici complètement inconnu. Il permet de changer le regard sur le fidéicommis qui démontre une réelle plasticité, sur l’État, placé en position de co-gestionnaire, et sur les dépositaires des fidéicommis qui jouent de toutes les ressources du dispositif.
33Trois points de méthode doivent, enfin, être précisés. En prenant comme objet d’étude la relation triangulaire entre l’État, les fidéicommis et les héritiers, ce travail ne porte pas sur un milieu social particulier. Le patriciat occupe néanmoins une place centrale à la fois parce qu’il a fait un usage important des fidéicommis et parce qu’il est, collectivement, l’État. Et au sein du patriciat, la focale a tendance à se resserrer sur la composante la plus riche, celle qui dispose de biens et de capitaux. Les conclusions que nous serons amené à formuler sur les modalités de gestion des fidéicommis valent pour ce milieu et cette frange étroite.
34Le gouvernement des fidéicommis est appréhendé dans la longue durée à partir des textes normatifs produits de la fin du Moyen Âge jusqu’à la fin de la République, voire jusqu’à la première domination autrichienne. Selon la thématique abordée et l’état de conservation des sources, la focale peut se concentrer sur une période particulière. Ainsi les suppliques adressées aux Provveditori di Comun pour demander la vente d’un bien conditionné portent-elles sur le début du XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle. La conservation des arrêtés de levée de dépôt des Juges du Procurator à partir de 1728 a amené à étudier la gestion des fidéicommis au XVIIIe siècle. Ce travail joue donc sur différentes temporalités et séquences chronologiques en fonction des phénomènes étudiés.
35Le troisième point regarde l’usage des sources. Cette recherche croise présentation analytique du corpus juridique et examen de la jurisprudence et de la pratique. Selon les besoins de la démonstration, alternent donc exposé du cadre normatif, analyse sérielle pour mesurer l’activité d’une magistrature ou l’ancienneté des testaments examinés par elle, présentation d’exemples particuliers qui viennent étayer les phénomènes ou les pratiques mis au jour, études de cas, enfin, qui permettent de restituer la complexité des interactions. C’est ainsi que prend place, à la fin du chapitre 2, une étude des fidéicommis de la famille Correggio, de leur fondation à leur division, et que le dernier chapitre consacré à la famille Celsi relie toutes les questions abordées dans ce travail à partir d’une histoire patrimoniale qui offre une cohérence narrative. Il ne faut pas cacher, pour autant, la difficulté à passer des exemples singuliers, des reconstitutions de détail, de la déconstruction des montages financiers à un niveau interprétatif plus général. De ce point de vue, ce travail est aussi une expérience méthodologique.
TRANSCRIPTION DU CORPUS JURIDIQUE RELATIF AUX FIDÉICOMMIS
Le corpus juridique est transcrit dans des annexes accessibles en ligne à l’adresse : www.efrome.it/publications/ressources-en-ligne.html
Il est regroupé par thèmes : législation successorale, enregistrement des testaments, dots, fiscalité, biens en ruine, capitaux conditionnés.
Notes de bas de page
2 B. Brugi, Fedecommesso, dans Digesto italiano, XI, Turin, 1895 ; R. Trifone, Il fedecommesso, storia dell’istituto in Italia, Rome, 1914 ; L. Tria, Il fedecommesso nella legislazione e nella dottrina dal secolo XVI ai giorni nostri, Milan, 1945 ; R. Trifone, Fedecommesso, dans Nuovissimo digesto italiano, vol. VII, Turin, 1957 ; M. Caravale, Fedecommesso (diritto intermedio), dans Enciclopedia del diritto, XVII, Milan, 1968, p. 109-114.
3 C. Ferrini, Teoria generale dei legati e dei fedecommessi secondo il diritto romano con riguardo all’attuale giurisprudenza, Milan, 1889 ; R. Trifone, Il fedecommesso… cit., p. 1-14 ; L. Desanti, La sostituzione fedecommissaria : per un corso di Esegesi delle fonti del diritto romano, Turin, 1999.
4 A. Romano, Famiglia, successioni e patrimonio familiare nell’Italia medievale e moderna, Turin, 1994, p. 11, p. 21 et s. ; C. Giardina, Successioni (Diritto intermedio), dans Novissimo digesto italiano, Turin, 1971, p. 727-748.
5 A. Romano, op. cit., p. 73 ; E. Besta, Le successioni nella storia del diritto italiano, Milan, 1961, p. 216 ; G. Vismara, Famiglia e successioni nella storia del diritto italiano, Rome, 1975, p. 48.
6 L. Giavarini (dir.), L’Écriture des juristes, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, 2010.
7 L. Gambino, Il substrato socio-culturale del fedecommesso familiare, dans La nuova critica, 27-28, 1971, p. 143-176.
8 Y. Thomas, L’extrême et l’ordinaire : remarques sur le cas médiéval de la communauté disparue, dans J.-C. Passeron et J. Revel (dir.), Penser par cas, Paris, 2005, p. 64 (45-73).
9 Cité par B. Derouet, Territoire et parenté : pour une mise en perspective de la communauté rurale et des formes de reproduction familiale, dans Annales H.S.S., 50/3, p. 666 (645-686).
10 G. Delille, L’economia di Dio : famiglia e mercato tra cristianesimo, ebraismo, Islam, Rome, 2013, chap. IV « Uomini che girano intorno ai beni », p. 182-197.
11 Formule d’Adage d’Alberico qui s’inspirait de Bartole. Alberaci de Rosate Bergomensis, Dictionarium Iuris tam Civilis, quam Canonici […], Venise, 1573, réimp. anast., Turin, 1971, sub voce, p. 266 ; Bartoli a Saxoferrato, Commentaria in primam infortiati partem, Lyon, 1555, ad l. In suis, ff. de liberis et posthumis (D. 28, 2, 11) : « Familia accipitur in iure pro substantia ».
12 L. Feller, Introduction, dans L. Feller et A. Rodriguez (éd.), Les objets sous contrainte : circulation des richesses et valeur des choses au Moyen Âge, Paris, 2013, p. 17-18.
13 E. Haddad, Les substitutions fidéicommissaires dans la France d’Ancien Régime : droit et historiographie, dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 365-381.
14 C. Lévi-Strauss, Histoire et ethnologie, dans Annales ESC, 6, 1983, p. 1224.
15 J.-Y., Grenier L’économie d’Ancien Régime : un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris, 1996 ; R. Ago, Economia barocca : mercato e istituzioni nella Roma del Seicento, Rome, 1998, p. 109 ; M. Barbot, Incertitude ou pluralité des droits ? Conflits sur les droits fonciers et immobiliers dans la Lombardie d’Ancien Régime, dans J. Dubouloz et A. Ingold (dir.), Faire la preuve de la propriété : droits et savoirs en Méditerranée, Rome, 2012, p. 275-278 (274-301).
16 Y. Thomas, La valeur des choses : le droit romain hors la religion, dans Annales H.S.S., 57/6, 2002, p. 1431-1462.
17 A. Padovani, Studi storici sulla dottrina delle sostituzioni, Milan, 1983 ; M. G. Di Renzo Villata, Persone e famiglia nel diritto medioevale e moderno, dans Digesto IV edizione, sez. Civile, XIII, Turin, 1996, p. 457-527.
18 Je renvoie aux MEFRIM « Fidéicommis. Procédés juridiques et pratiques sociales (Italie-Europe, Bas Moyen Âge-XIXe siècle) » et à l’article introductif, J.-F. Chauvard, P. Lanaro, A. Bellavitis, « De l’usage du fidéicommis à l’âge moderne. État des lieux », dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 321-337.
19 Pour une tentative d’analyse à l’échelle italienne, voir A. Romano, Famiglia, successioni e patrimonio familiare nell’Italia medievale e moderna, Turin, 1994. Pour le Piémont : E. Genta, Fedecommessi e primogeniture in Piemonte : dal diritto comune al diritto del principe, dans G. Carità et E. Genta (dir.), Percorsi storici : studi sulla città di Cavallermaggiore, Cavallermaggiore, 1990, p. 355-384, C. Bonzo, Dalla volontà privata alla volontà del principe : aspetti del fedecommesso nel Piemonte sabaudo settecentesco, Turin, 2007. Pour La Lombardie : A. Padoa Schioppa, Sul fedecommesso nella Lombardia teresiana, dans A. De Maddalena, E. Rotelli, G. Barbarisi (dir.), Economia, istituzioni, cultura in Lombardia, III, Istituzioni e società, Bologne, 1982, p. 807-826 et M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio : riflessioni sull’uso del fedecommesso in Lombardia tra Cinque e Seicento, dans Archivio storico lombardo, CXV, 1989, p. 91-148. Pour la Toscane : S. Calonaci, Dietro lo scudo incantato : i fedecommessi di famiglia e il trionfo della borghesia fiorentina (1400ca-1750), Florence, 2005 ; C. Galligani, L’ordine delle famiglie. I consorzi gentilizi nella Lucca del Seicento tra maggiorascato e primogenitura, Pise, 2009. Pour Rome : M. Piccialuti, L’immortalità dei beni : fedecommessi e primogeniture a Roma nei secoli XVII e XVIII, Rome, 1999 ; N. La Marca, La nobiltà romana e i suoi strumenti di perpetuazione del potere, 3 vol., Rome, 2000. Pour le Royaume de Naples : M.A. Visceglia, Il Bisogno di eternità : i comportamenti aristocratici a Napoli in età moderna, Naples, 1988 et G. Delille, Famille et propriété dans le Royaume de Naples (XVe-XXe siècle), Rome-Paris, 1985 ; I. Mineo, Nobiltà di stato. Famiglie e identità aristocratiche nel tardo Medioevo. La Sicilia, Rome, 2001.
20 B. Clavero, Mayorazgo : propriedad feudal en Castilla, 1369-1836, Madrid, 1989 ; M. T. Pérez Picazo, El Mayorazgo en la historia económica de la región murciana, expansión, crisis y abolición (s. XVII-XIX), Madrid, 1990 ; F. Hernandez, J. Marion, Parentesco, linaje y mayorazgo en una ciudad mediterranea : Murcia (siglos XV-XVIII), dans Hispania, 58/1, 1998, p. 157-183 ; M.C. Gerbet, La Nobleza en la Corona de Castilla : sus estructuras sociales en Extremadura (1414-1516), Cáceres, 1989 ; J.-P. Dedieu, Familles, majorats, réseaux de pouvoir : Estrémadure, XVe-XVIIIe siècle, dans J.-P. Dedieu et J. L. Castellano, Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, 1998, p. 111-146 ; J.-P. Amalric, La propriété de la terre dans l’Europe du sud (Italie, Midi de la France, Espagne) : typologie, utilisation, marché, dans S. Cavaciocchi (dir.), Il mercato della terra, secc. XIII-XVIII, Florence, 2004, p. 97-117.
21 Une synthèse des études pour la France est proposée par E. Haddad, Les substitutions fidéicommissaires dans la France d’Ancien Régime : droit et historiographie, dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 365-381 ; M. Petitjean, Essai sur l’histoire des substitutions du IXe au XVe siècle dans la pratique et la doctrine spécialement en France méridionale, Dijon, 1975 ; J.-M. Augustin, Famille et société : les substitutions fidéicommissaires à Toulouse et en Haut-Languedoc au XVIIIe siècle, Paris, 1980 ; G. Augustins, Comment se perpétuer ? Devenir des lignées et destins des patrimoines dans les paysanneries européennes, Nanterre, 1989.
22 H. J. Habakkuk, Marriage Settlements in the Eighteenth Century, dans Transactions of the Royal Historical Society, 4e s., 32, 1950, p. 15-30 ; L. Bonfield, Marriage Settlements, 1601-1740, Cambridge, 1983 et Id., Per una comprensione del trasferimento intergenerazionale della proprietà fondiaria inglese dal Medio Evo alla fine del diciottesimo secolo, dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 339-349.
23 Pour une synthèse, voir M. Lanzinger, Il fedecommesso nell’area di lingua tedesca : storia di una lunga fine, dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 351-364 ; B. Bayer, Sukzession und Freiheit : Historische Voraussetzungen der rechtstheoretischen und rechtsphilosophischen Auseinandersetzungen um das Institut der Familienfideikommisse im 18. und 19. Jahrhundert, Berlin, 1999.
24 C. Priest, Creating an American property law : alienability and its limits in american history, dans Harvard Law Review, 120/385, 2006, p. 387-458.
25 J. P. Cooper, Pattern of Inheritance and Settlement by great Landowners from the Fifteenth to the Eighteenth Centuries, dans J. Goody, J. Thiersk, Ed. Palmer Thompson (dir.), Family and Inheritance : Rural Societies in Western Europe, 1200- 1800, Cambridge, 1976, p. 192-327.
26 Le fidéicommis présente des analogies avec d’autres types de fondation inspirés par la même logique de protection des biens et qui se sont développés dans des aires culturelles différentes : le trust anglo-saxon et le waqf musulman. Dans un trust, le fondateur constitue un fonds doté d’une personnalité juridique qu’il confie à une personne de confiance (trustee) pour le compte d’un tiers qui en est bénéficiaire : B. A. Worthey, Le « trust » et ses applications modernes en droit anglais, dans Revue internationale de droit comparé, 14/4, 1962, p. 699-710. En droit islamique, le waqf (habis au Maghreb ou vakif en Turquie) est une donation à perpétuité de biens par un particulier à une institution caritative qui ne peut pas les aliéner. La donation dispose d’une personnalité juridique et est gérée par un administrateur qui distribue les revenus selon les volontés du fondateur. Parallèlement au waqf kayrī (public) s’est développé le waqf ahlī (privé) qui permet de contourner le droit de succession (dans lequel on ne peut disposer que du tiers de ses biens) en désignant des usufruitiers afin de favoriser un des enfants. Au même titre que les fidéicommis, leur interprétation est ambivalente : on peut y voir le moyen pour les familles de se mettre à l’abri de confiscations arbitraires, comme on peut les concevoir comme des instruments protecteurs en faveur de la descendance. Cf. L. Milliot, Introduction à l’étude du droit musulman, Paris, 1953, p. 537-573 ; F. Bilici (dir.), Le waqf dans le monde musulman contemporain (XIXe-XXe siècles), Paris, 1995 ; P. Ghazaleh, Fortunes urbaines et stratégies sociales au Caire, 1780-1830, Le Caire, 2009 ; S. Knost, Die Organisation des religiösen Raums in Aleppo : di Rolle der islamischen religiösen Stiftungen (auqāf) in der Gesellschaft einer Provinzhauptstadt des Osmanischen Reiches an der Wende zum 19. Jahrhundert, Beyrouth, 2009 ; T. Kuran, The Political Consequences of Islam’s Economic Legacy, dans Philosophy & Social Criticism, 39, 2013, p. 345- 405 ; M. H. Benkheira et al., La famille en islam d’après les sources arabes, Paris, 2013, p. 30 ; S. Weber, La fabrique d’une ville portuaire ottomane : les acteurs du développement urbain de Sidon entre le XVIe et le XVIIIe siècle, dans W. Kaiser (dir.), La loge et le fondouk : les dimensions spatiales des pratiques marchandes en Méditerranée Moyen Âge – Époque moderne, Paris-Aix, 2014, p. 21-69.
27 M. Lanzinger, Il fedecommesso nell’area di lingua tedesca : storia di una lunga fine, art. cit., p. 351-364.
28 R. Descimon, Les chemins de l’inégalité menaient-ils à la pérennité des lignages ? Réflexions sur les procédés juridiques qui permettaient de s’émanciper des normes égalitaires dans la coutume de Paris (XVIe-XVIIe siècle), dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 383-401.
29 Dans le Royaume de Naples à la fin du XVIe siècle, inaliénabilité des biens et réduction des héritiers par le biais de la primogéniture constituèrent la réponse de la noblesse féodale à la vente de fiefs et à l’arrivée de nouveaux acteurs que le régime précédent d’élargissement des héritiers et de ventes libres – qu’elle avait pourtant arraché au roi – avait favorisé. Cf. G. Delille, Famille et propriété dans le Royaume de Naples (XVe-XXe siècle)… cit., p. 31-81.
30 M. A.Visceglia, Il Bisogno di eternità… cit., 1988.
31 R. Descimon, Don de transmission, indisponibilité et constitution des lignages au sein de la bourgeoisie parisienne au XVIIe siècle, dans Hypothèses, 2006, p. 413 (p. 413-422).
32 A. Weiner, Inalienable Possessions : the Paradoxe of keeping-while-giving, Berkeley, 1992.
33 M. Godelier, Au fondement des sociétés humaines : ce que nous apprend l’anthropologie, Paris, 2007, p. 67-88 ; Y. Thomas, L’indisponibilité de la liberté en droit romain, dans Hypothèses, 2006, p. 379-389 ; K. Béguin, Introduction, dans Biens de tous, biens de personne : approches historiques et juridiques de l’indisponibilité, dans Hypothèses, 2006, p. 269-277.
34 J. C. Davis, The Decline of the Venetian Nobility as a Ruling Class, Baltimore, 1962 et Id., Una famiglia veneziana e la conservazione della ricchezza : i Donà dal 500 al 900, Rome, 1980.
35 E. Garino, Insidie familiari : il retroscena della successione testamentaria e Venezia alla fine del XVIII secolo, dans G. Cozzi (dir.), Stato, società e giustizia nella Repubblica Veneta (sec. XV-XVIII), Rome, 1985, p. 303-378.
36 R. Derosas, Dal patriziato alla nobiltà : aspetti della crisi dell’aristocrazia veneziana nella prima metà dell’Ottocento, dans Les noblesses européennes au XIXe siècle, Rome, 1988, p. 333-363 ; Id., La crisi del patriziato come crisi del sistema familiare : i Foscarini ai Carmini nel secondo Settecento, dans Studi veneti offerti a Gaetano Cozzi, Venise, 1992, p. 309-331 ; Id., Riflessi privati della caduta della Repubblica, dans S. Gasparri, G. e P. Moro (dir.), Venezia : itinerari per la storia della città, Bologne, 1997, p. 271-303.
37 C. Povolo, La primogenitura di Mario Capra (Vicenza 1619-1626), Vicence, s. éd., 1990 ; Id., Polissena Scroffa, fra Paolo Sarpi e il Consiglio dei dieci : una vicenda successoria nella Venezia degli inizi del Seicento, dans Studi veneti offerti a Gaetano Cozzi, Venise, 1992, p. 221-233 ; A. Sambo, Strategie d’immortalità tra resistenze private e veti pubblici : donne e famiglie nella Venezia del Seicento, dans Quaderni storici, 143/2, 2013, p. 567-595.
38 P. Lanaro, Fidecommesso, doti, famiglia : la trasmissione della ricchezza nella Repubblica di Venezia (XV-XVIII secolo), dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 519- 531 ; L. Megna, « La fonte perenne : fidecommessi e primogeniture a Venezia tra Cinque e Settecento », thèse de doctorat sous la direction de C. Povolo, Università degli studi di Messina (non publiée).
39 G. Gullino, I Pisani dal banco e Moretta : storia di due famiglie veneziane in età moderna e delle loro vicende patrimoniali tra 1705 e 1836, Rome, 1984 ; R. Derosas, I Querini Stampalia : vicende patrimoniali dal Cinque all’Ottocento, dans G. Busetto et M. Gambier (dir.), I Querini Stampalia : un ritratto di famiglia nel Settecento veneziano, Venise, 1987, p. 43-87.
40 En Castille, le souverain en fait, précocement, un instrument pour tenir en main la haute noblesse en se réservant le pouvoir – sauf rares exceptions – d’autoriser la fondation d’un majorat, un accroissement des liens et la constitution d’une hypothèque sur les biens grevés. B. Clavero, Mayorazgo… cit.
41 Sur les débats autour de la propriété au XVIIIe siècle, C. B. Macpherson, The Political Theory of Possessive Individualism : Hobbes to Locke, Oxford, 1962 ; S. Rodotà, Il terribile diritto : studi sulla proprietà privata e i beni comuni, Bologne, 1981 ; R. Bonini, La proprietà, « il terribile diritto » : eguaglianza degli uomini e distribuzione dei beni nel Settecento illuminista, Padoue, 1994. Parallèlement à la confiscation de biens ecclésiastiques, sont adoptées dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, des lois très restrictives sur les fidéicommis au nom de la libéralisation du marché des biens et du bon fonctionnement du système de crédit en Lombardie autrichienne, dans le royaume de Naples, dans le Grand-duché de Toscane en 1782, dans le duché de Modène en 1789, dans le royaume de Piémont-Sardaigne en 1796.
42 La monarchie pontificale apparaît bien en retrait compte tenu de ses spécificités : sur les propriétés ecclésiastiques, c’est une évidence, mais aussi sur les fidéicommis auxquels aucune restriction n’est imposée, la Congregazione dei baroni cessant même les saisies pour dette des biens fidéicommissaires au milieu du XVIIIe siècle. M. Piccialuti, L’immortalità dei beni… cit., p. 87-89.
43 A. Cogné, Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines ? Le cas de la Lombardie durant la période moderne, dans MEFRIM, 124-2, 2012, p. 501-517 ; L. Marchi, La legge toscana sui fedecommessi (1747) : il processo di autorizzazione degli « scorpori » dei beni fedecommessi, dans ibid., p. 579-592.
44 J’emprunte l’expression à A. Bellavitis qui s’est attachée à expliciter le lien entre la discipline des familles et l’affirmation de l’État : A. Bellavitis, Famille, genre, transmission à Venise au XVIe siècle, Rome, 2008, p. 16-21.
45 Sur la concurrence entre l’État et l’Église en matière matrimoniale, voir D. Lombardi, Matrimoni di Antico Regime, Bologne, 2001. Sur les mariages clandestins à Venise, qui n’ont ni validité canonique, ni légitimité civile, voir G. Cozzi, Padri, figli e matrimoni clandestini (metà secolo XVI-metà secolo XVIII), dans Id., La società veneta e il suo diritto, Venise, 2000, p. 19-64 ; J. M. Ferraro, Marriage Wars in late Renaissance Venice, Oxford, 2001.
46 J. Goody, La famille en Europe, Paris, 2001, p. 54-56.
47 Sur les tribunaux ecclésiastiques en matière matrimoniale, voir S. Seidel-Menchi et D. Quaglioni (dir.), I tribunali del matrimonio (secoli XV-XVIII), Bologne, 2006.
48 A. Rigo, Giudici del Procurator e donne « malmaritate » : interventi della giustizia secolare in materia matrimoniale in epoca tridentina, dans Atti dell’Istituto Veneto di Scienze Lettere ed Arti, CL, 1992-93, p. 241-266 ; Id., Interventi dello Stato veneziano nei casi di separazione : i Giudici del Procurator, dans S. Seidel Menchi, D. Quaglioni (dir.), Coniugi nemici : la separazione in Italia dal XVI al XVIII secolo, Bologne, 2000, p. 519-536.
49 I. Chabot, Le gouvernement des pères : l’État florentin et la famille (XIVe-XVe siècles), dans J. Boutier, S. Landi, O. Rouchon (dir.), Florence et la Toscane, XIVe-XIXe siècles : les dynamiques d’un État italien, Rennes, 2004, p. 241-263 ; C. Klapish-Zuber, Retour à la cité : les magnats de Florence, 1340-1440, Paris, 2006.
50 F. De Vivo, The diversity of Venice and her myths in recent historiography, dans The Historical Journal, 47, 2004, p. 169-177 ; M. Simonetto, Diritto, giustizia e società : la Repubblica di Venezia negli studi degli ultimi quanrant’anni, dans Studi veneziani, n.s. XLVII, 2004, p. 235-272.
51 E. Besta, Il diritto e le leggi civili di Venezia, dans Ateneo Veneto, 20, 1897, p. 302-303 ; G. Cozzi, La politica del diritto nella Repubblica di Venezia, dans Id. (éd.), Stato, società e giustizia nella Repubblica Veneta, Rome, 1980, p. 22-24.
52 A. Ventura, Politica del diritto e amministrazione della giustizia nella Repubblica Veneta, dans Rivista storica italiana, 94, 1982, p. 589-608.
53 A. Mazzacane, Lo stato e il dominio nei giuristi veneti durante il « secolo della Terra Ferma », dans Storia della cultura veneta, 3/1, Dal primo Quattrocento al Concilio di Trento, Vicence, 1980, p. 580.
54 Les travaux d’A. Bellavitis sur la restitution de la dot ou d’A. Rigo sur les séparations attestent de la connaissance de la loi et de la maîtrise des procédures de la part de gens de modeste condition. Cette familiarité n’empêche pas d’avoir recours à des avocats hors du tribunal pour argumenter sa cause, en particulier dans les procédures en appel qui connaissent une inflation au cours de l’époque moderne. Cf. A. Bellavitis, Famille, genre, transmission… cit., p. 55-72 ; A. Rigo, Giudici del Procurator e donne « malmaritate »…, art. cit. ; M. Bellabarda, Le pratiche del diritto civile : gli avvocati, le Correzioni, i Conservatori alle leggi, dans Storia di Venezia, VI, Dal Rinascimento al Barocco, Rome, 1994, p. 813-816 (p. 795-824).
55 M. Tafuri (dir.), « Renovatio Urbis » : Venezia nell’età di Andrea Gritti (1523- 1538), Rome, 1984.
56 G. Cozzi, Repubblica di Venezia e Stati italiani : politica e giustizia dal secolo XVI al secolo XVIII, Turin, 1982, p. 293-318.
57 S. Gasparini, I giuristi veneziani e il loro ruolo tra istituzioni e potere nell’età del diritto comune, dans K. Nehlsen von Stryk et D. Nörr (dir.), Diritto comune, diritto commerciale, diritto veneziano, Venise, 1985, p. 76 et s. (p. 67-105).
58 Novissimum statutorum ac Venetarum legum volumen, duabus in partibus divisum, Aloysio Mocenigo Venetiarium principi dicatum, Venettis MDCCXXIX, Ex Typographia Ducali Pinelliana (abrégé sous le titre Novissima Veneta Statuta, 1729).
59 Indépendamment des éditions des Statuts qui conservent une structure chronologique et ne contiennent que la législation considérée comme essentielle, le Sénat crée en octobre 1662 une nouvelle magistrature, les Sopraintendenti alla formazione delle leggi, dans le but d’ordonner par matières toutes les lois et les délibérations produites par la République. En 1767, elle étend sa tutelle à un compilateur des lois chargé de poursuivre l’œuvre de compilation et de préparer une nouvelle édition qui n’a jamais vu le jour.
60 M. A. Pellegrini, De fideicommissis praesentim universalibus tractatus frequentissimus […] nunc primum in lucem editus, Venetiis, apud R. Meiettum, MDXCV, p. 4-5.
61 M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio : riflessioni sull’uso del fedecommesso in Lombardia tra Cinque e Seicento, dans Archivio storico lombardo, CXV, 1989, p. 97 (91-148).
62 Les débats contemporains autour de la notion des biens communs sont presentés par Paolo Napoli qui réfléchit à la manière dont les communs, réputés indisponibles, peuvent s’articuler avec le marché et recevoir une reconnaissance juridique : P. Napoli, Indisponibilità, servizio pubblico, uso : concetti orientativi su comune e beni comuni, dans Politica & Società, 3, 2013, p. 403-426.
63 P. Napoli, op. cit., p. 419-420 ; G. Agamben, Altissima povertà : regole monastiche e forme di vita, Vicence, 2011, p. 151 et s.
64 A. Genovesi, Delle lezioni di commercio o sia d’economia civile, 1765, dans F. Venturi (éd.), Illuministi italiani, V, Riformatori napoletani, Milan-Naples, 1962, p. 218 : « Che una legge che protegge la poltroneria, o il mal costume, è di sua natura irrita. Or tal è la legge dell’inaliénabilità ».
65 M. Ferro, « Popolazione », dans Dizionario del diritto comune, e veneto, che contiene le leggi civili, canoniche, e criminali : i principi del Gius naturale, di politica, di commercio, con saggi di storia civile romana, e veneta, vol. 2, Venise, Santini & figlio, 1845, p. 472 (1ère éd. 1778-1782) : « Quasi tutte le terre fedecommesse si veggono incolte, per negligenza dei proprietarii, che non si affezionano a beni, dei quali non possono disporre, a beni che sono loro stati ceduti mal volentieri, e dati preventivamente ai loro successori, i quali non dovrebbero esser loro eredi, perché eglino non li hanno nominati. Il diritto dunque di primogenitura, e di fedecommesso è una legge che si potrebbe dire esser stata fatta a fine di diminuire la popolazione degli stati ».
66 D. Manin, Della veneta giurisprudenza civile mercantile e criminale : discorso di Daniele Manin tratto dal primo volume dell’opera intitolata Venezia e le sue lagune, Venise, 1848, p. 37 : « D’altra parte sorgeva naturale ne’ possessori de’ beni così vincolati, specialmente dopo alcune generazioni, e quando la reverenza della memoria del testatore era dal tempo affievolita, il desiderio d’infrangere quel vincolo molesto o di deluderlo, alienando arbitrariamente essi beni, o lasciandoli deperire ».
67 P. Napoli, op. cit., p. 420-425.
68 G. B. De Luca, Il Dottor volgare ovvero il compendio di tutta la legge civile, canonica, feudale, municipale, nelle cose più ricevute in pratica ; moralizzato in lingua italiana per istruzione e comodità maggiore di questa Provincia, Rome, G. Corvo, 1673, Lib. X « de’ Fidecommissi », cap. 31, § 11, p. 259.
69 ASVe, GP, Terminazioni di levo di deposito, filza 15, n° 49, 1742.
70 G. B. De Luca, Il Dottor volgare… cit., cap. 1, § 5, p. 19 : « Se il successore sarà savio, il fedecommesso non bisogna, e se sarà pazzo non si ritroverà mai cautela sufficiente per riparare alle dissipazioni. Anzi quanto maggiori sono i vincoli e le cautele delle proibizioni, tanto più facile e presta si rende la dissipazione, e più presto il possessore si impoverisce ».
71 Sur les critiques formulées au XVIIIe siècle, voir N. La Marca, La nobiltà romana e i suoi strumenti di perpetuazione del potere... cit., vol. 1, p. 167-188 ; F. Venturi, Settecento riformatore, I, Da Muratori a Beccaria, 1730-1764, Turin, 1969, p. 166-167.
72 M. Di Tullio, L’economia del fedecommesso : la gestione delle « aziende » agricole dei Visconti di Brignano (secc. XVI-XVIII), dans MEFRIM, 124/2, 2012, p. 471-487.
73 Y. Thomas, La valeur des choses : le droit romain hors la religion, art. cit.
74 A. Cogné, Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines ?, art. cit., p. 501-517 ; L. Marchi, La legge toscana sui fedecommessi (1747), art. cit., p. 579-592 ; S. Calonaci, Dietro lo scudo incantato… cit., p. 197-202.
75 Titre de l’introduction de M. Godelier, L’Énigme du don, Paris, 1996.
76 K. Pomian a utilisé le terme de sémiophore pour qualifier ces biens qui assurent le lien entre le visible et l’invisible et qui sont investis de significations personnelles et familiales, étrangères à la sphère marchande. Cf. K. Pomian, Collectionneurs, amateurs, curieux : Paris-Venise, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, 1987.
77 L. B. Alberti, I libri della famiglia, édités par R. Romano, A. Tenenti, F. Furlan, Turin, 1994, Livre III, p. 262-263.
78 G. Ortes, Dei fidecommessi a famiglie e a chiese e luoghi pii (1773), dans Scrittori classici italiani di economia politica, XXVII, Milan, 1804, p. 41 : « Lo stesso con molto più di ragione dee dirsi del danaro equivalente a quei prodotti e a quelle merci o quei 10 acri stessi di terra, il quale per non essere in se stesso ricchezza nè mobile nè stabile ma solo equivalente appunto di tali vere ricchezze che sono i beni, non può produrre l’istesso effetto o per se stesso esser fidecommesso come i beni, e dee perdersi negli abusivi interessi di esso come si perde nel permutarlo coi beni ».
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