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L’étude sur le magnétisme des sédiments

p. 119-122


Texte intégral

1. Problématique

1La présence de nombreuses traces d’altération thermique (silex brûlés, nombreux charbons) sur le niveau archéologique de Campo delle Piane 7 et le problème posé par l’identification des foyers nous ont incité à mettre en œuvre des méthodes d’analyse susceptibles de déterminer si le sédiment avait été chauffé ou non et à quelle température. Il s’agit de l’analyse de susceptibilité magnétique et de la réalisation de courbes thermomagnétiques. A cet effet, des prélèvements ont été effectués au sein de plusieurs taches brunes qui paraissaient fortement altérées et dans le paléosol « rouge » associé aux vestiges (fig. 1). Cette démarche visait à ajouter des arguments supplémentaires à nos réflexions sur la présence de foyers et/ou de traces d’incendies sur ce niveau, en complément des analyses micromorphologiques.

2. Méthodes employées

2.1. Susceptibilité magnétique

2La susceptibilité magnétique est liée à la présence de minéraux magnétiques dans un sédiment (tabl. I). Ces minéraux sont soit hérités du substrat (sédiments alluviaux par exemple), soit résultent d’une pédogenèse (minéraux biogéniques) ou bien encore de l’action du feu sur le sédiment (Le Borgne 1955).

3Neuf échantillons ont été prélevés et la susceptibilité magnétique du sédiment a été mesurée. Cette mesure est le rapport de la susceptibilité magnétique de l’échantillon à sa masse qui est exprimé avec une précision de 10-8 m3/kg. Elle doit être considérée comme relative à un contexte sédimentaire donné. Dans le but de prendre en compte ce facteur, deux des échantillons (nos 2 et 4) ont été prélevés immédiatement sous le paléosol rouge, au sein d’une unité limono-argileuse (parfois graveleuse) ayant les mêmes caractéristiques alluviales mais exempte de traces de pédogenèse significative.

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Fig. 1 – Localisation des échantillons analysés et mesures de susceptibilité magnétique associées (en 10-8 m3/kg).

Tabl. I – Principaux oxydes et hydroxydes de fer présents dans les sols.

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2.2. Courbes thermomagnétiques

4Pour estimer la température de chauffe, deux échantillons (nos 2 et 3) ont de plus été traités afin de réaliser des courbes thermomagnétiques. Il s’agit de mesurer l’aimantation induite dans un champ magnétique faible pendant la chauffe et le refroidissement de l’échantillon. Chaque minéral magnétique (ferrimagnétique) possède une température de Curie spécifique qui correspond à une chute de la susceptibilité totale pendant la chauffe. Les transformations minéralogiques et chimiques qui peuvent se produire pendant la chauffe peuvent être identifiées par la non-réversibilité de la courbe de refroidissement. Sur un échantillon de sol, les principales transformations peuvent être :

  • en premier lieu la réduction de l’hématite en magnétite (due à la présence de matière organique) à environ 500°C, qui correspond à une brusque augmentation de la susceptibilité,

  • deuxièmement, la déshydratation de la lépidocrocite (hydroxyde de fer) en maghémite vers 260 °C, qui correspond également à une importante augmentation de la susceptibilité,

  • troisièmement, la transformation minéralogique progressive de la maghémite en hématite qui correspond à la lente décroissance de la susceptibilité à partir de 300 °C jusqu’à environ 650 °C.

5Si la courbe de refroidissement diffère de celle de la chauffe, on peut montrer qu’il y a eu transformation minéralogique sous l’action du feu et que les valeurs de susceptibilité magnétique résultantes sont de loin plus fortes que celles d’origine, avant chauffe. Il est alors possible d’estimer la quantité d’hématite réduite en attribuant l’essentiel du nouveau signal magnétique à la production de magnétite par le biais de cette réduction. Il est ainsi possible d’estimer les températures auxquelles les sédiments archéologiques ont été soumis dans le passé.

3. Résultats

6Le résultat des mesures est présenté dans le tableau 2, les deux courbes thermomagnétiques (échantillons nos 2 et 3) dans la figure 2.

3.1. Les sédiments « non-chauffés » et non marqués par la pédogenèse

7L’échantillon n° 4, prélevé en dehors de toute pédogenèse visible, obtient la mesure la plus faible (6. 10-8 m3/kg). Le n° 2, également considéré comme non pédogenéisé mais riche en cailloutis, obtient une valeur légèrement supérieure (10.10-8 m3/kg). Ces deux échantillons servent de référence.

3.2. Les sédiments provenant du sol « rouge » en dehors de toute anomalie

8Les échantillons nos 3 et 9 ont été prélevés dans le sol « rouge » hors de toute tache brune et possèdent la même texture que l’échantillon n° 4. Ils ont des valeurs qui restent faibles, d’environ le double ou le triple du n° 4 (14 et 17.10-8 m3/kg).

Tabl. II – Résultats des mesures de susceptibilité magnétique et interprétation des deux courbes thermomagnétiques (fig. 2).

Échantillon

Description du sédiment

Susceptibilité magnétique (10-8 m3/kg)

Interprétation thermomagnétique (courbes)

1

limon argileux très rubéfié

135

non effectué

2

cailloutis rougeâtre à matrice limono-argileuse (cailloutis au sein du sol rouge)

10

présence importante de lépidocrocite et de magnétite monodomaine

3

sédiment rubéfié (argile limonause rouge avec traces d’objets chauffés)

14

maghémite dominante, magnétite monodomaine présente

4

limon argileux beige (non ou peu pédogenéisé)

6

non effectué

5

limon argileux brun rouge

55

non effectué

6

limon argileux rubéfié

78

non effectué

7

limon argileux brun rouge

63

non effectué

8

limon argileux brun rouge

30

non effectué

9

limon argileux beige

17

non effectué

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Fig. 2 – Courbes thermomagnétiques des échantillons n° 2 (T114) et n° 3 (V112).

9Cependant la courbe thermomagnétique montre que, comparé à l’échantillon n° 2, le n° 3 contient de la maghémite qui est considérée comme un minéral associé à une chauffe du sédiment (fig. 2). Pour déterminer la température de chauffe, il faut se reporter à la courbe de l’échantillon n° 2 où l’on observe que vers 300°C l’augmentation de la susceptibilité magnétique est d’environ 1,5 fois la valeur initiale. Ceci correspond à peu près au rapport entre la valeur de la susceptibilité magnétique de l’échantillon n° 2 et celle du n° 3 (14/10 = 1,4). Nous pouvons donc en déduire que la température de chauffe de ce dernier n’a probablement pas excédé 300°C. Par analogie avec l’échantillon n° 3, nous pouvons donc considérer que l’échantillon n° 9 a dû subir une chauffe similaire ou légèrement supérieure.

3.3. Les sédiments provenant des taches brunes

10La plus forte susceptibilité mesurée atteint 135.10-8 m3/kg pour l’échantillon n° 1. Cette valeur correspond probablement à un sédiment chauffé à des températures supérieures à 400- 500°C. Cependant la courbe thermomagnétique de l’échantillon n° 2 ne montre à 500°C qu’une augmentation de 2,8 fois sa valeur d’origine (10.10-8 m3/kg). La valeur après une seule chauffe de cette importance devrait donc être de l’ordre de 30.10-8 m3/kg (3 × 10 = 30) au lieu de 135.10-8 m3/kg. Dans le cas de l‘échantillon n° 1, il est donc probable que plusieurs chauffes se soient succédé, à des températures supérieures à 500°C. Par analogie avec cet échantillon, nous pouvons donc considérer que les échantillons nos 5, 6 et 7 ont dû subir des chauffes répétées du même ordre. L’échantillon n° 8, quant à lui, correspondrait à une seule chauffe.

4. Conclusion

11Les mesures effectuées mettent en lumière une chauffe faible du paléosol « rouge » aux environs de 300°C, qui pourrait être compatible avec un épisode d’incendie (feu courant, échantillons nos 3 et 9). Les échantillons prélevés au sein des taches brunes et charbonneuses (nos 1, 5, 6, 7) sont marqués par des chauffes importantes et répétées (supérieures à 500°C). Ces observations sont compatibles avec une interprétation de ces taches comme des foyers ayant servi plusieurs fois.

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