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Chapitre 7. Une vaste implantation épigravettienne dans la vallée du Gallero

p. 85-101

Résumés

En plus de la découverte d’un habitat épigravettien enfoui profondément dans une séquence tardiglaciaire, les prospections archéologiques ont aussi permis de récolter en surface de l’industrie lithique sur les deux rives du Gallero. Trois locus principaux (CDP 7, 10 et 15) ont fait l’objet d’une étude particulière. L’interprétation chrono-culturelle de l’industrie ramassée sur ces locus se fonde sur une analyse typo-technologique et économique et sur des observations stratigraphiques. Le matériel de surface est confronté à celui trouvé en fouille et des comparaisons sont effectuées avec d’autres sites italiens récemment étudiés
Les assemblages récoltés sur les locus CDP 10 et 7 sont constitués de deux lots chronologiquement distincts. La composante majoritaire est épigravettienne et est rapprochée de séries de la fin de l’Épigravettien ancien. La composante plus récente est difficile à dater mais ne peut être antérieure au Mésolithique récent en raison de la présence de nucléus, débités par percussion indirecte. Le locus CDP 15 apparaît plus homogène et présente des affinités avec des séries de l’Épigravettien récent. Les observations stratigraphiques effectuées sur ces trois locus s’accordent avec l’analyse techno-économique et confirment l’existence d’au moins deux phases d’occupations épigravettiennes dans la vallée du Gallero : l’une, datée de 17 000-18 500 cal. BP, est grossièrement contemporaine de l’habitat enfoui, l’autre, plus récente, s’est probablement produite entre 13 000 et 15 000 cal. BP, durant l’interstade Bølling-Allerød. Enfin, à l’époque holocène, la vallée du Gallero a encore connu d’autres occupations plus tardives.

More than the discovery of an Epigravettian habitat deeply buried in Late-glacial deposits, the survey has also permitted to find surface lithic industry on the two sides of the Gallero valley. Three principal assemblages (CDP 7, 10 and 15) have been studied. The chrono-cultural interpretation of the industry found on these locus is based on a typo-technological and economic analysis and on stratigraphic observations. The surface collections are compared with the assemblage of the excavated level, and comparisons are also made with other italian sites recently studied.
The industry collected on the locus 10 and 7 is composed of two distinct chronological groups of pieces. The main component is Epigravettian and compared to series from the end of the Early Epigravettian. The more recent component is hard to date but it can’t be earlier than the Recent Mesolithic because of the presence of some cores knapped by indirect percussion. The surface collection from CDP 15 seems to be more homogenous and shows some similarities with series from Recent Epigravettian. The stratigraphic observations realized on the three locus provide some clarification on the chronological position of these collections and reveal that at least two Epigravettian occupation phases succeeded in the Gallero valley. The first is dated from 17-18 500 cal. BP and is roughly contemporary with the level excavated at CDP 7. The second, more recent, took place between 13 000 and 15 000 cal. BP during the interstadial Bølling-Allerød. Later, the Gallero valley was also occupied during the Holocene period.

Oltre alla scoperta di un abitato epigravettiano posto all’interno di una sequenza tardiglaciale, le prospezioni archeologiche hanno permesso di trovare industria litica in superficie sui terrazzi alluvionali del torrente Gallero. Sono state studiate tre aree principali di concentrazione di reperti (CDP 7, 10 e 15). L’interpretazione crono-culturale di questi insiemi di superficie si è basata su un analisi tipotecnologica, economica e su osservazioni stratigrafiche. Sono presentati confronti tra l’industria trovata sul sito scavato a CDP 7 e le industrie provenienti da altri siti italiani recentemente studiati.
Gli insiemi litici raccolti nei locus CDP 10 e CDP 7 sono composti da due gruppi cronologicamente distinti. La componente principale è epigravettiana ed è paragonabile con serie della fine dell’Epigravettiano antico. La componente più recente, difficile da datare, non può essere anteriore al Mesolitico recente per la presenza di alcuni nuclei scheggiatti con la tecnica della percussione indiretta. Il locus CDP 15 risulta più omogeno ed è confrontabile con la serie dell’Epigravettiano recente. Le osservazioni stratigrafiche eseguite su questi tre locus sono in accordo con l’analisi tecno-economica e confermano l’esistenza di almeno due fasi di occupazione epigravettiana nella valle del Gallero. La prima, datata a 17 000 – 18 500 cal. BP, è quasi contemporanea all’abitato scavato, l’altra, più recente, si colloca probabilmente tra i 13 000 e i 15 000 cal. BP, durante l’interstadio Bølling-Allerød. Durante l’Olocene, infine, la valle del Gallero ha conosciuto altre occupazioni più tardive.


Texte intégral

1L’histoire des recherches archéologiques menées à Campo delle Piane démontre clairement que la vallée du Gallero est un lieu riche en vestiges d’occupations préhistoriques. Succédant aux découvertes de G.B. Leopardi et d’A.M. Radmilli, nos propres travaux confirment le caractère exceptionnel de cette vallée pour la préhistoire ancienne (cf. chapitre 1). Outre la révélation d’un habitat épigravettien conservé sous une séquence tardiglaciaire, nos prospections pédestres témoignent aussi d’une implantation humaine étendue dont on retrouve les traces sur les deux rives du Gallero, comme l’ont d’ailleurs signalé les deux préhistoriens italiens (Leopardi, Radmilli 1951-52). L’étude du matériel lithique de surface et son interprétation chrono-culturelle font l’objet de ce chapitre. Dans ce but, des comparaisons sont effectuées avec l’industrie mise au jour par notre fouille, et de manière plus ponctuelle, avec des collections provenant d’autres sites des Abruzzes. D’autres rapprochements sont aussi proposés avec des séries plus lointaines récemment étudiées, particulièrement du nord-est et du nord-ouest de l’Italie.

2Pour conforter l’interprétation chronologique des séries de surface, on s’appuie parallèlement sur l’analyse du contexte stratigraphique des locus reconnus lors de nos prospections. Au final, c’est donc le croisement des données archéologiques et stratigraphiques qui permet d’apprécier au mieux la chronologie des occupations préhistoriques dans la vallée du Gallero. La démarche suivie est explicitée dans le chapitre 4 sur la méthodologie.

1. Des indices d’occupations préhistoriques sur les deux rives du Gallero

3Plusieurs parcelles situées de part et d’autre du Gallero ont livré du matériel lithique en surface (fig. 1b, chap. 4). Rappelons brièvement les conditions dans lesquelles ce matériel a été récolté : les prospections se sont échelonnées sur plusieurs années mais chaque locus repéré n’a fait l’objet que d’une ou deux opérations de ramassages maximum. Quand la parcelle s’avérait riche en vestiges lithiques, ces ramassages ont été effectués de manière systématique, sur la base d’un carroyage aux mailles assez larges de 25 m de côté, parfois moins dans les zones les plus denses (cf. chapitre 4)1.

4Trois locus se distinguent par l’abondance du matériel recueilli : l’un, Campo delle Piane 10 (CDP 10), est situé sur la rive gauche du Gallero et les deux autres sur la rive opposée. Campo delle Piane 7 (CDP 7) correspond à la parcelle en bordure de laquelle a été découvert l’habitat épigravettien profond et Campo delle Piane 15 (CDP 15) est localisé à 200 mètres environ du gisement fouillé (fig. 1b, chap. 4)2. Le nombre de vestiges lithiques retrouvés est comparable (un peu plus d’un millier de pièces pour chaque locus) sur des aires cependant variables (entre 8000 m2 et 1,5 ha) (tabl. I). Nous pouvons noter en outre l’absence de découverte d’autre catégorie significative de vestiges (céramique, objet métallique) lors de nos prospections sur ces parcelles.

5L’étude est centrée sur ces trois séries de surface, quantitativement les plus riches, donc les plus aptes à répondre à notre problématique chrono-culturelle. Il convient aussi de rappeler qu’à la suite du bilan positif de ces récoltes, ces locus ont fait l’objet de sondages qui n’ont toutefois pas permis la découverte d’un niveau archéologique en place autre que le niveau profond révélé par les fouilles.

6Des ramassages réalisés sur cinq autres parcelles, toutes situées sur la rive gauche du Gallero (CDP 8, 9, 11, 12 et 13), ont aussi livré du matériel lithique mais en quantité nettement plus modeste. Il n’y sera fait que brièvement allusion, en comparaison avec les trois séries plus importantes. Enfin, des découvertes sporadiques ont été effectuées ici et là, de part et d’autre du Gallero. Si tous ces ensembles lithiques ne sont pas d’un égal intérêt, on remarque qu’ils se concentrent le long du Gallero, sur ses deux rives.

2. L’analyse typo-technologique et économique : un premier moyen d’attribution chrono-culturelle des séries de surface

7Le premier problème que pose l’étude d’une collection de surface est évidemment celui de son homogénéité. En l’absence de données stratigraphiques solides, il est tout de même possible d’évaluer la cohérence de l’assemblage en conjuguant plusieurs approches, typologique, technologique et économique. Cette démarche a été conduite sur les trois séries principales. L’analyse des deux premières, CDP 10 et 7, a déjà été publiée et nous en rappelons ici l’essentiel des résultats (Olive, Valentin 2005), enrichis de nouvelles comparaisons avec des sites plus tardivement étudiés.

8Nous complétons cette étude par des observations faites sur des vestiges découverts postérieurement et provenant d’un troisième locus, CDP 15.

2.1. Les locus Campo delle Piane 10 et 7 (M.O, A.T., B.V)

9C’est essentiellement l’industrie récoltée à CDP 10 qui a fait l’objet de cette première analyse. À cette occasion, les pièces les plus significatives de CDP 7 (supports bruts et retouchés, nucléus) ont aussi été examinées à titre de comparaison3.

10L’interprétation des assemblages de CDP 10 et CDP 7 a été facilitée par la conjonction de plusieurs paramètres, à la fois économiques et techniques, dont la combinaison fait apparaître la co-existence de deux composantes principales assez contrastées. Il est clair cependant que cette distinction repose avant tout sur des critères qualitatifs et exprime de grandes tendances, les conditions de découverte minorant l’intérêt de décomptes précis.

11Le premier de ces paramètres concerne la matière première. Deux grandes catégories de matériaux ont été distinguées dans ces deux locus. La première comprend des silex à grain fin provenant essentiellement de deux formations géologiques, la Maiolica surtout (niveaux inférieurs) et la Scaglia, qui ont également fourni la presque totalité de l’industrie lithique retrouvée en fouille (cf. chapitre 6). La seconde catégorie est constituée de silex à grain plus grossier, homogène, et présentant une patine blanc-crème. Elle trouve son origine dans les couches supérieures de la Maiolica. Une bonne part de ces matières premières – les silex attribués à la Maiolica – se rencontre localement, dans les alluvions de la vallée du Tavo et au sein d’anciennes terrasses.

12Ces deux familles de matériaux ont subi des traitements techniques et économiques clairement distincts qui renvoient à des contextes culturels différents.

2.1.1. Une composante épigravettienne majoritaire

13Pour l’essentiel, l’ensemble des éléments débités dans les silex à grain fin est d’allure épigravettienne et présente des affinités avec le matériel lithique du Fucino examiné et d’autres sites plus lointains.

14L’outillage ramassé à CDP 10 est relativement abondant (une soixantaine de pièces), composé de lames retouchées (26), dont aucune n’est entière, de grattoirs (11), d’éclats retouchés (21), de burins (4) et de quelques lames tronquées (4) (tabl. I et fig. 1). Ce sont préférentiellement les lames les plus régulières et les plus larges qui ont été retouchées, sur un ou deux bords, par une ou plusieurs générations d’enlèvements. Les grattoirs, quant à eux, sont réalisés sur des supports variés (lames, éclats, éclats laminaires) et courts pour les exemplaires entiers (fig. 2). Parmi les éléments tronqués, on note la présence de lames souvent étroites portant une troncature concave (fig. 1 nos 7, 8). Des pièces semblables ont été observées dans plusieurs assemblages du Fucino (Radmilli 1977, fig. 66 n° 14, fig. 74 n° 3, fig. 81 n° 27). Les burins se caractérisent par une certaine hétérogénéité que ce soit du point de vue des supports que de la typologie et il n’est pas exclu que certains d’entre eux aient été des nucléus.

Tabl. I – Inventaire des vestiges lithiques par locus.

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Fig. 1 – Lames retouchées et lames tronquées récoltées en surface à Campo delle Piane 7 et Campo delle Piane 10 (nos 5-8 : dessins D. Molez ; nos 1-4, 9-10 : dessins M. Ballinger).

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Fig. 2 – Grattoirs récoltés en surface à Campo delle Piane 7 et Campo delle Piane 10 (nos 1-3 : dessins D. Molez ; nos 4-9 : dessins M. Ballinger).

15À CDP 10, les armatures sont peu nombreuses (2), elles le sont davantage à CDP 7 (16) (tabl. I et fig. 3). La panoplie se compose de lamelles à dos (toutes fragmentées), parfois tronquées (fig. 3 n° 4), et de pointes à dos rectiligne assimilables à des microgravettes (fig. 3 nos 7-9, 13). Il faut noter également la présence à CDP 7 d’une pointe à dos anguleux aménagée sur une petite lame, par une retouche croisée profonde. Le dos est opposé à une retouche inverse de l’apex, rasante et envahissante (fig. 3 n° 14).

16Dans les deux locus, les supports et les nucléus en silex à grain fin témoignent d’au moins deux objectifs de production. De nombreux nucléus (une quarantaine) attestent une production de lames courtes et de lamelles, obtenues à partir de volumes de dimensions réduites, petits blocs ou éclats débités qui semblent avoir fait l’objet de mises en forme simplifiées (fig. 4 nos 1-2). Les supports ont été extraits à partir de plans de frappe lisses et légèrement inclinés, et détachés au percuteur de pierre tendre comme le montrent des stigmates caractéristiques, observables sur de nombreux talons (points d’impact punctiformes, parfois associés à des esquillements et à des rides sur le bulbe)4. Dans leur état final, les nucléus sont de dimensions variées (de 65 mm à 20 mm) et montrent une exploitation uni- et bipolaire, avec parfois plusieurs surfaces de débitage. Au moment de l’abandon, quand il existe deux plans de frappe, l’un d’entre eux a généralement servi à tirer profit de l’un des flancs initiaux (débitage alterne). Les modalités de débitage sont variables : plutôt frontales sur des volumes initialement étroits, selon une progression semi-tournante sur les volumes larges. Avec la prudence qu’impose le caractère limité des éléments disponibles pour la description des schémas opératoires dans cette série de surface, on discerne deux conceptions un peu différentes au sein de cette production de petites lames et de lamelles, en lien avec le volume d’origine du nucléus. D’une part des nucléus aux convexités ouvertes d’où sont extraites des lames courtes et larges, d’autre part des nucléus plus cintrés permettant la production de petites lames et lamelles présentant une légère torsion.

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Fig. 3 – Armatures lithiques provenant des locus Campo delle Piane 7 et Campo delle Piane 10 (nos 1-6, 12-13 : dessins D. Molez ; nos 7-11 : dessins M. Ballinger).

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Fig. 4 – Quelques nucléus provenant de Campo delle Piane 7 et Campo delle Piane 10 (dessins D. Molez).

17La production de lames plus longues n’est attestée que par des supports, la plupart transformés en outils. L’absence de nucléus laminaires et de déchets caractéristiques de leur débitage laisse penser que ces produits sont arrivés sur ces locus de Campo delle Piane déjà débités et répondent à un objectif à part entière, strictement laminaire. En effet, la plupart des nucléus récoltés résultent de l’exploitation de petits volumes qui ne peuvent donner lieu à ce type de production. Un constat identique a été effectué sur les industries des grottes de La Punta et de Maritza, situées en bordure du bassin du Fucino (Cremonesi 1968 ; Grifoni, Radmilli 1964).

18Ces lames sont de régularité moyenne, un peu robustes (de 15 à 25 mm de large pour 6 à 11 mm d’épaisseur) et de profil généralement très rectiligne. La fragmentation importante des supports et le nombre limité des parties proximales ne permettent pas de se prononcer sur le(s) mode(s) de détachement choisi(s). Quelques talons de produits robustes évoquent un débitage avec un percuteur de pierre tendre (zone d’impact punctiforme, rides sur le bulbe) ; d’autres lames plus fines présentent des caractères qui pourraient évoquer une percussion avec un matériau organique (talons plus épais, légèrement inclinés, présence d’une lèvre). En l’absence de nucléus et de déchets dérivant de cette production, il est également difficile de reconstituer la méthode de débitage. On peut seulement lire sur les supports des inversions de débitage sans pouvoir se prononcer sur le rôle exact joué par les deux plans de frappe opposés.

2.1.2. Une composante plus récente

19Plusieurs éléments plaident en faveur de la présence d’un lot plus récent, identifié dans les séries de CDP 10 et 7. Ce lot est constitué de fragments de lames et de lamelles ainsi que de quelques nucléus portant des stigmates d’une percussion indirecte5 (fig. 4 nos 3, 4). Or, dans l’état actuel des connaissances, ce mode de détachement n’est pas attesté avant le Mésolithique récent (Perrin et al. 2009).

20Il est intéressant de noter que ces produits sont pour une grande part dans un silex à grain grossier. Dans ce matériau, des supports et des nucléus (8) portent les traces d’une production originale qui n‘a pas fourni d’outils puisque les lames retrouvées sont restées brutes. L’allure générale des produits évoque un prélèvement des meilleurs supports pour un usage différé, donc un comportement opposé à celui constaté à propos de la production laminaire en silex fin. À côté de ce lot en silex à grain grossier, on a relevé aussi la présence, dans les séries de CDP 10 et 7, de quelques éléments en silex fin qui peuvent se rattacher à cette composante plus récente de l’assemblage : un nucléus lamellaire probablement débité au punch (voire par pression) (fig. 4 n° 4), un fragment de lame débité selon la même modalité, et plusieurs pointes de flèche (3).

2.1.3. En conclusion, au moins deux faciès culturels

21Ainsi, il apparaît que les assemblages recueillis à CDP 10 et 7 résultent d’un mélange. Celui-ci est constitué d’au moins deux lots chronologiques clairement distincts.

22Le premier, majoritaire, est assurément épigravettien et s’apparente à des séries de la fin de l’Épigravettien ancien. L’élément le plus évident est le rôle central des lames dans le système de production comme supports préférentiels des outils. L’utilisation du percuteur tendre minéral (au moins pour la production de petites lames et de lamelles), l’exploitation de surfaces de débitages peu carénées et peu cintrées, le recours à des modalités bidirectionnelles et la recherche de produits laminaires plutôt larges et rectilignes sont autant d’éléments qui suggèrent un rapprochement avec les industries de la fin du Pléniglaciaire (datées entre 17 000 et 19 000 cal. BP environ et réunies au sein de l’EA3 : cf. Tomasso 2014b). On pense par exemple aux sites de grotta di Pozzo (Cancellieri 2010), grotta delle Settecannelle (Ucelli Gnesutta et al. 2006) ou encore, plus loin vers le nord, grotte des Enfants couche 4 et grotte de la Péguière (Tomasso 2014b). La morphologie des microgravettes (longues, élancées sur des lamelles régulières), la présence d’une pointe à dos anguleux sur petite lame, les burins sur lames et les lames retouchées apportent des arguments supplémentaires en faveur de ce rapprochement.

23Le second lot, moins abondant mais néanmoins bien représenté, est plus tardif et ne doit pas être antérieur au Mésolithique récent d’après ce que l’on connaît actuellement de l’usage de la percussion indirecte. Les critères typologiques et technologiques qui isolent ces deux composantes chronologiques sont en outre renforcés par une économie différente des matières premières : une production laminaire locale pour le silex grossier et l’apport de lames débitées pour les silex fins.

24Enfin, il faut souligner que ces locus ont chacun fourni un certain nombre de vestiges d’attribution incertaine comme des nucléus à éclats (20 à CDP 10, 7 à CDP 7), pour la plupart dans un silex grossier, qu’il est difficile de rattacher à l’une ou l’autre de ces composantes (fig. 4 n° 5).

2.3. La troisième concentration de surface : Campo delle Piane 15 (M.O., A.T.)

25CDP 15 est la troisième parcelle ayant fourni une série de surface abondante (1229 pièces, tabl. I). Ce locus a aussi fait l’objet de sondages archéologiques limités (une quinzaine) dont le bilan augmente très légèrement le nombre de pièces récoltées mais, comme en CDP 10 et 7, ils n’ont pas abouti à la découverte d’un niveau archéologique conservé. La petite série de vestiges mis au jour dans ces sondages est comparable au matériel de surface, aussi, comme en CDP 10, les deux lots sont traités ensemble.

26L’assemblage de CDP 15 montre de nombreuses ressemblances avec les séries de CDP 10 et 7. Il s’en distingue néanmoins par une donnée importante : la quasi-absence de silex à grain grossier qui est un matériau bien représenté dans les deux autres locus. En CDP 10, nucléus en silex à grain fin et à grain grossier s’équilibrent à peu près (respectivement 39 et 32) ; en CDP 15, les seconds sont nettement minoritaires (3 pour 38 nucléus en silex fin). On note le même déséquilibre dans les supports laminaires bruts. Parmi les silex à grain fin que nous avons pu déterminer, nous avons reconnu les mêmes variétés (Maiolica et Scaglia rossa) que dans les deux autres concentrations de surface.

27Ainsi, c’est plus précisément avec la composante épigravettienne, identifiée en CDP 10 et 7, que peut être comparé l’assemblage de CDP 15. Cependant, par-delà une appartenance commune à l’Épigravettien, des différences peuvent être mises en évidence entre CDP 15 et les deux autres assemblages en ce qui concerne les méthodes de débitage tout autant que l’équipement lithique.

28Les mêmes types d’armatures ont été retrouvés à CDP 15 (fig. 5 nos 15-23). La vingtaine d‘éléments récoltés (28) comprend surtout des fragments de dos (20), parfois obtenus par des retouches croisées, quelques lamelles à retouches fines latérales (5), deux pointes à dos rectiligne (microgravettes), une lamelle tronquée et un fragment mésial de lame à dos courbe (pointe cassée ?). Dans ce locus également, la fragmentation est importante (un seul exemplaire entier). Au-delà de cette homogénéité des séries d’armatures entre tous les locus, et, une fois encore avec la réserve imposée par le contexte de découverte, une apparente diminution des gabarits et surtout de la régularité des supports lamellaires peut être évoquée. Plus précisément, c’est l’absence des microgravettes de grande dimension, sur longues lamelles étroites et régulières, qui caractérise CDP 15 en regard des deux autres séries.

29L’outillage comprend une soixantaine de pièces. Comme en CDP 10 et 7, il est dominé par les grattoirs (30) et les lames retouchées (14) (fig. 5). On note, pour les premiers, une grande diversité dans le choix des supports et les exemplaires entiers sont plutôt courts (fig. 5 nos 1-10). À côté d’outils aménagés sur des lames centrales larges (fig. 5 nos 2, 5), une majorité est installée soit sur des produits latéraux ou irréguliers (fig. 5 nos 3, 7-10), soit même sur des éclats (fig. 5 n° 6). Les lames retouchées sont différentes de celles des deux autres locus. Il s’agit en majorité de pointes à retouches bilatérales (2 sub-entières, fig. 5 nos 13-14, 4 fragments, fig. 5 n° 4) façonnées sur des petites lames épaisses par une retouche bilatérale symétrique semi-abrupte. Très calibrées en largeurs (1,5 cm de large environ) et avec des longueurs pour les deux pièces entières de 5 et 6 cm, ces lames semblent incompatibles avec les nucléus retrouvés sur le site. Aux grattoirs et aux pointes s’ajoutent 2 pointes-becs (une avec pédoncule fig. 5 n° 11, l’autre associée à un grattoir, fig. 5 n° 12), 3 lames tronquées, 2 burins (un sur lame, un sur éclat) et 8 éclats retouchés. Notons enfin qu’à l’exception de quelques éclats retouchés, d’un grattoir et du fragment de lame à dos courbe, l’ensemble des armatures et des outils est fabriqué sur du silex à grain fin.

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Fig. 5 – Outils et armatures lithiques provenant de Campo delle Piane 15.

30La majorité des nucléus (15) témoignent d’une production lamino-lamellaire orientée vers l’obtention de supports plus ou moins larges (fig. 6 nos 1-3, 5, 9-10). La modalité dominante est unidirectionnelle, certains nucléus montrent deux ou plusieurs séquences depuis des plans de frappes opposés mais l’utilisation de ces derniers ne peut être analysée dans le détail (alternée, successive, …). Ils sont relativement inclinés (proches de 70°) et sont entretenus par de grandes tablettes emportant toute la surface à chaque renouvellement.

31Une autre composante est formée par des nucléus installés sur des surfaces étroites (8), à partir de fragments, de galets ou d’éclats. Les plus grands (4, fig. 6 no 5) pourraient représenter une étape d’initialisation des débitages lamino-lamellaires aboutissant aux nucléus présentés au-dessus : les enlèvements identifiables montrent en effet un déplacement de la surface d’ouverture vers la face large du support. En revanche, les plus petits (4) sont clairement lamellaires (fig. 6 no 8). L’exploitation, est menée sans préparation du volume, en utilisant sa morphologie initiale. Le plan de frappe, lisse, est entretenu par l’enlèvement de petits éclats de réfection depuis la surface de débitage avec un angle de chasse relativement fermé. La plupart des nucléus (3) semblent témoigner d’une succession de séquences depuis deux plans de frappe opposés. La surface de débitage est installée sur une face étroite du support mais s’étend un peu vers l’un ou l’autre des flancs, le cintre est donc relativement ouvert.

32Enfin, un dernier groupe de nucléus (16) résulte de modalités variées de production d’éclats. Les talons évoquent l’usage d’un percuteur en pierre tendre. Aucun nucléus n’atteste d’une production autonome de plus longues lames.

33L’assemblage de CDP 15 apparaît globalement plus homogène que les séries de CDP 10 et CDP 7 mais cela n’exclut évidemment pas l’existence de quelques pièces intrusives comme en témoignent la découverte sur ce locus de 2 pointes de flèche (1 exemplaire à pédoncule et ailerons, 1 exemplaire cassé) et la présence de certains produits évoquant une production au punch6. On peut émettre l’hypothèse que cette relative homogénéité est à mettre sur le compte d’une faible représentation de silex en grain grossier qui fournit, dans les autres séries, les plus nombreux indices d’un mélange avec des éléments plus récents, postérieurs au Paléolithique.

34Le matériel de CDP 15 présente de fortes affinités avec les séries de l’Épigravettien récent. En particulier, les modalités de production lamino-lamellaire (semi-tournante, unidirectionnelle, sur des surfaces plutôt larges) et de production lamellaire (sur la tranche de surfaces étroites unidirectionnelle, sur des volumes produits ou récoltés ad hoc) rappelle ce qui a pu être mis en évidence dans l’ER2 et l’ER3a (Montoya 2004, 2008 ; Duches et Peresani 2010 ; et pour la nomenclature des étapes chronologiques : Tomasso 2014b), dans des industries datées entre 13 000 et 15 000 cal. BP (Bølling-Allerød). La présence de pointes à retouche bilatérale semble devoir conforter ce rapprochement puisqu’on retrouve de telles pointes, par exemple, dans la couche 1 de la grotte des Enfants (datée de la fin de l’Allerød) ou à riparo Mochi (Tomasso 2014b). Plusieurs éléments, et en particulier les schémas de débitages et les modalités de retouche des armatures, distinguent bien ces industries de celles, plus récentes, de l’ER3b, datées du Dryas récent (Montoya et Bracco 2005 ; Tomasso 2014b). Avec plus de réserve, certains indices plaideraient pour une attribution à l’ER2 (Bølling) plutôt qu’à l’ER3a, en particulier la recherche systématique de surfaces de débitage relativement peu cintrées (voir les éléments de distinction développés par C. Montoya 2008a).

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Fig. 6 – Nucléus provenant de Campo delle Piane 15.

2.4. Des comparaisons en faveur d’une attribution partielle des séries de surface à l’Épigravettien

35Des similitudes existent donc entre les trois plus importantes séries de surface que nous avons récoltées à Campo delle Piane. Pour une grande part au moins, ces séries sont apparentées à des industries attribuées à l‘Épigravettien. Soulignons, en outre, que le matériel issu de nos prospections se rapproche de celui recueilli auparavant dans la vallée par G.B. Leopardi et A.M. Radmilli que nous avons pu observer.

36Au-delà de cette caractérisation épigravettienne générale, les analogies opérées avec des industries ayant récemment bénéficié d’une analyse techno-économique similaire, permettent d’identifier au moins deux ensembles chronologiquement distincts. Les séries des locus CDP 7 et 10 sont à rapprocher de l’Épigravettien ancien, la collection de CDP 15 relève essentiellement de l’Épigravettien récent.

37À l’appui de cette interprétation, on peut ajouter la confrontation avec le matériel issu de nos propres fouilles à CDP 7. Bien qu’assez pauvre, ce matériel possède plusieurs points communs avec la composante épigravettienne du matériel de surface de CDP 7 et de CDP 10 :

  • dans l’approvisionnement en matière première : on retrouve, en fouille comme en surface, les mêmes variétés géologiques de silex à grain fin,

  • dans la composition et le style de l’outillage : mêmes types d’armatures, grattoirs et lames retouchées.

  • dans les choix techno-économiques : seule la production de lames courtes et de lamelles est attestée dans le niveau mis au jour ; les plus longues lames ne se retrouvent que sous forme de supports retouchés et paraissent avoir été débitées hors de ce secteur d’activités. Cependant, en raison de l’extension du niveau archéologique au-delà des limites de la fouille, il n’est pas permis d’affirmer qu’il s’agit d’un apport lointain de lames sur le site d’habitat.

38Le matériel récolté en place à CDP 7 possède l’avantage d’être homogène et daté de la fin du Pléniglaciaire, vers 18 500 – 17 500 cal. BP (cf. fig. 5, chap. 5). Cette datation est cohérente avec l’attribution de cette série et des deux assemblages de surface de CDP 7 et 10 à la phase finale de l’Épigravettien ancien.

39La série issue des ramassages à CDP15 présente des affinités avec les assemblages plus récents et nous avons proposé un rapprochement avec les séries de l’ER2 et de l’ER3a datées dans le Bølling et l’Allerød.

40Une composante plus récente est clairement attestée en CDP 10 et 7 ; elle est difficile à dater mais ne peut être antérieure au Mésolithique récent. N’oublions pas que le site de Campo delle Piane est également connu pour ses structures d’habitat protohistoriques datées du Bronze final et du début de l’âge du Fer (Cuttili, Pellegrini 2001).

41Le matériel de surface provenant d’autres parcelles prospectées (CDP 8, 9 11, 12, 13) s’avère moins significatif. Nettement plus modestes (tabl. I), ces assemblages se distinguent aussi par une proportion plus importante de silex à grain grossier et, conjointement, par le faible nombre d’éléments d’allure épigravettienne. Ils comprennent par ailleurs quelques éléments manifestement plus récents (pointes de flèche, pièces montrant des stigmates de percussion indirecte). Ces locus révèlent donc une présence épigravettienne encore plus étendue de part et d’autre du Gallero mais sans apporter d’indication chronologique précise.

3. Le contexte stratigraphique : un second moyen d’attribution chronologique des séries de surface (YLJ, MO)

42L’analyse typo-technologique autorise donc une détermination chrono-culturelle des séries de surface et permet d’isoler deux ensembles attribués à deux phases chronologiques de l’Épigravettien. Parallèlement à ces attributions fondées sur des analogies techniques, nous pouvons faire appel au contexte stratigraphique pour appuyer cette interprétation.

3.1. À l’échelle de la vallée, une corrélation entre aires de ramassages et dépôts tardiglaciaires

43Le premier constat est en effet celui d’une concordance spatiale entre les concentrations de surface et l’extension de la séquence tardiglaciaire, y compris les parcelles ayant livré du matériel de surface en quantité plus limitée et peu diagnostique (cf. fig. 1, chap. 4). Les prospections réalisées alentours, hors de ce secteur, n’ont rien donné ou seulement quelques pièces éparses. Soulignons que, dans cette région de piémont, la toponymie rend bien compte de la spécificité de cet espace géographique correspondant précisément au lieu-dit Campo delle Piane où se concentrent les découvertes récentes et plus anciennes.

44Au-delà de cette correspondance, le contexte stratigraphique diffère cependant entre les principaux locus de ramassages. Chacun a en effet donné lieu à une étude stratigraphique qui renseigne, au moins partiellement, sur l’origine du matériel récolté en surface.

3.2. Le contexte stratigraphique des principales concentrations de surface

45Le contexte stratigraphique du locus CDP 10 est connu grâce à la réalisation de sondages (manuels et mécaniques) dont les données ont été couplées à un modèle numérique de terrain. Nous l’avons choisi pour illustrer notre approche méthodologique qui croise analyses archéologique et stratigraphique (cf. chapitre 4).

46L’étude menée à CDP 10 indique que la densité des ramassages effectués dans cette parcelle coïncide avec la zone de contact entre la base des labours et le paléosol brun-rouge (cf. fig. 6, chap. 4). Il est donc probable que le matériel récolté provient, pour partie au moins, de ce paléosol, le même que celui associé au niveau archéologique mis au jour à CDP 7. Ainsi, on peut en déduire que la composante dominante de ce locus est contemporaine de l’industrie trouvée en fouille. L’étude stratigraphique conforte donc l’analyse archéologique de CDP 10.

47En revanche, les données stratigraphiques n’éclairent pas l’âge de la seconde composante minoritaire de l’assemblage de surface. La reconnaissance d’un débitage par percussion indirecte, dont l’usage n’est attesté qu’à partir du Mésolithique récent à trapèzes, indique que ce faciès est postérieur au développement du paléosol noir rapporté au début de l’Holocène, avant l’Atlantique (cf. chapitre 5)7. Cependant, la surface de ce paléosol a pu se maintenir longtemps avant d’être recouverte par les colluvions qui, par ailleurs, ne sont pas datées. Ce faciès plus récent peut donc provenir du sommet du paléosol noir comme des colluvions qui le recouvrent.

48Le contexte stratigraphique et topographique est différent à CDP 7 (fig. 7). Dans ce locus, l’aire de concentration maximale des ramassages de surface correspond au sommet d’un dôme de graviers pléniglaciaires qui était déjà visible au moment de l’occupation épigravettienne fouillée. Contrairement à CDP 10, l’évolution de la topographie et des dépôts dans ce locus n’apporte pas de précisions supplémentaires sur l’encadrement chronologique du matériel de surface car celui-ci provient d’un relief hérité du Weichsélien qui n’a été recouvert qu’à la fin du Tardiglaciaire, puis touché par les labours modernes. L’interprétation stratigraphique reste donc ouverte entre la fin du Pléniglaciaire et la fin du Tardiglaciaire (voire l’Holocène ancien). En revanche, une datation plus ancienne est exclue en raison de la très forte érosion de ce relief durant le Pléniglaciaire.

49Ainsi, les données stratigraphiques ne permettent pas de préciser la position chronologique du matériel de surface de CDP 7. Elles sont néanmoins compatibles avec l’inter prétation archéologique et peuvent expliquer la co-existence de deux composantes chrono-culturelles, l’une rattachée à la fin de l’Épigravettien ancien, l’autre post-paléolithique, car la même surface, restée stable depuis la fin du Pléniglaciaire, a pu livrer des vestiges d’époques différentes.

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Fig. 7 – Le contexte stratigraphique à Campo delle Piane 7.

50Enfin, en CDP 15, la situation est encore diverse. Ni le cailloutis pléniglaciaire, ni le paléosol associé au niveau d’habitat ont été rencontrés dans les sondages manuels et à la tarière réalisés sur ce locus (fig. 8). La collection de surface provient de limons tardiglaciaires qui sont postérieurs au niveau épigravettien fouillé, elle est donc plus récente que ce dernier. Notons que ce contexte sédimentaire particulier n’exclut pas non plus, comme dans les autres locus, la possibilité d’un mélange avec des vestiges d’époque holocène. Ces observations sont donc conformes aux déductions faites à partir de l’analyse techno-économique de l’industrie.

51Pour en terminer avec le contexte stratigraphique, il nous paraît intéressant de revenir sur la fouille de G.B. Leopardi. Les quelques indications fournies dans la publication (Leopardi 1954-55), croisées avec nos propres observations stratigraphiques, permettent d’en présumer l’emplacement et d’en préciser quelque peu la place chronologique. Leopardi note que sa découverte se situe à une centaine de mètres d’une ferme. La cartographie des dépôts tardiglaciaires que nous avons effectuée indique qu’il s’agit probablement de celle se trouvant à l’ouest de Campo delle Piane (fig. 9). Par ailleurs, Leopardi ne signale aucun cailloutis pléniglaciaire et précise au contraire que l’horizon archéologique reposait sur un sédiment argileux à poupées de calcite, probablement le limon tardiglaciaire8. Cette description évoque le contexte de CDP 15 qui se trouve, en outre, être le locus le plus proche de la localisation présumée de l’ancienne fouille. Cette similitude stratigraphique fournit une indication sur l’âge du niveau archéologique découvert par Leopardi, probablement plus récent que celui mis au jour par nous-mêmes en CDP 7.

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Fig. 8 – Le contexte stratigraphique de la concentration de surface à Campo delle Piane 15.

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Fig. 9 – Emplacement présumé des fouilles de G.B. Leopardi.

4. En conclusion, de multiples occupations épigravettiennes

52Ainsi, la vallée du Gallero a livré de multiples traces d’occupations épigravettiennes étalées dans l’espace et dans le temps. Nos propres découvertes s’ajoutent à celles de G.B. Leopardi pour l’attester.

53Les analyses techno-économiques et stratigraphiques des trois principales séries de surface se complètent et s’accordent pour les situer assez précisément dans la chronologie de l’Épigravettien. Les assemblages de CDP 10 et 7 sont apparentés à l’industrie lithique trouvée en fouille, datée de 17-18 500 cal. BP, et s’inscrivent dans la phase finale de l’Épigravettien ancien (EA3, Tomasso 2014b). La série récoltée à CDP 15, plus récente, est rapprochée des phases 2 et 3 de l’Épigravettien récent.

54Plusieurs occupations épigravettiennes – au moins deux – se sont donc succédé, la première à la fin du Pléniglaciaire, la seconde au Tardiglaciaire, durant l’interstade Bølling-Allerød.

55Comme nous le rappelions à l’entrée de ce chapitre, le site de Campo delle Piane a été abondamment fréquenté par les chasseurs épigravettiens. Les dépôts tardiglaciaires conservés sur ce site livrent en effet de nombreux vestiges de leur présence, que ces témoins soient encore en place ou remués par les labours. Nos travaux indiquent en outre que cette fréquentation a perduré puisque leurs passages s’échelonnent durant la fin du Dernier Glaciaire. Il est même probable que l’érosion, très vive dans cette région de piémont, a dû en effacer de nombreuses traces en emportant les sédiments tardiglaciaires qui les contenaient.

Notes de bas de page

1  Rappelons également que certaines parcelles n’ont jamais pu être examinées durant les dix années de notre programme de recherche en raison de la nature de leur exploitation agricole (terrains non labourés, arborés…)

2  D’après les indications fournies par Leopardi (Leopardi, Radmilli 1951-52), CDP 7 pourrait coïncider avec la zone sur laquelle il a, avec A.M. Radmilli, effectué de nombreux ramassages.

3  Après cette étude, plusieurs sondages (une quinzaine) ont été réalisés à CDP 10. Deux seulement ont livré des silex taillés (un peu moins d’une centaine pour chacun) qui s’ajoutent au matériel de surface. Ces vestiges sont pour l’essentiel peu diagnostiques (déchets de débitage) et les rares pièces significatives (5 outils et 6 nucléus) s’intègrent bien dans le matériel superficiel. Ils ont en outre été trouvés associés à des éléments plus récents (fragments de terre cuite, os modernes) qui dénotent un contexte taphonomique peu sûr. Pour ces différentes raisons, nous n’avons pas jugé utile de les étudier séparément.

4  Cf. Pelegrin 1991, 2000 ; Pelegrin, Riche 1999.

5  Ce diagnostic, effectué par l’un d’entre nous (B.V.), a été confirmé par J. Pelegrin qui a examiné un échantillon de cet assemblage.

6  Nous remercions Pierre Allard de son aide pour la reconnaissance de cette modalité de détachement.

7  Deux sondages dans le paléosol noir ont livré un matériel lithique associé à des vestiges modernes. Il est clair que dans le secteur où ces sondages ont été effectués, ce paléosol, en contact avec le sol actuel, a subi des perturbations.

8  « Tutte le selci giacevano orizzontalmente nel terreno scuro, nessuna al di fuori di esso… . La potenza media dello strato nero risulto di cm. 10 ; esso poggiava sulle argille giallastre calcifere sterili di reperti preistorici » [souligné par nous] (Leopardi 1954-55, p. 355).

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