Chapitre 17. Modernisation et société civile
Morphologie du mouvement associatif livournais des années 1830
p. 387-409
Texte intégral
1Depuis le XVIIe siècle, il existe à Livourne des associations destinées à l’élite de la cité. Le mouvement de création s’accélère toutefois dans la première moitié du XIXe siècle, et dans la décennie 1828-1838 l’on assiste à une véritable floraison d’institutions civiles et d’associations locales :
Tab. 21 – Principales associations et revues autorisées à Livourne dans la première moitié du XIXe siècle
Nom | Orientation | Date de creation |
Accademia aegli Avvalorati | récréative | 1790 |
Accademia delle Stanze | récréative | 1806 |
Accademia Labronica | littéraire, artistique et scientifique | 1816 |
Gabinetto Scientifico e Letterario di Livorno | littéraire et scientifique | 1823 |
Società di mutuo insegnamento | éducative-civique | 1828 |
Indicatore livornese | journal scientifique, artistique et littéraire |
1829** |
Giornale di commercio | professionnelle | 1829 |
Istituto dei Padri di famiglia | éducative-professionnelle | 1833 |
Impresa Patria | civique | 1835* |
Cassa di Risparmio | civique | 1835 |
Casino del Commercio | récréative et professionnelle | 1837 |
Accademia del Casino | récréative | 1837 |
2 Les associations livournaises des années 1830 présentent plusieurs points communs avec leurs homologues du centre et du nord de la péninsule italienne, à commencer par leurs formes. Comme dans d’autres cités italiennes, coexistent plusieurs grands types d’associations, qui différent par les objectifs poursuivis : certaines sont à dominante récréative, d’autres sont davantage culturelle ou civique. Bien que cette classification ne doive pas être considérée avec trop de rigidité – toutes ces associations sont des lieux de sociabilité où se forge un discours dominant, où se retrouvent souvent les mêmes hommes, et qui sont dotées d’une plasticité, pour reprendre le terme employé par M. Agulhon à propos des cercles de la France bourgeoise, qui invite à ne pas trop s’attacher à la description d’une typologie associative1 –, elle permettra de mieux comprendre les étapes qui rythment la mise en place de l’associationnisme livournais et ses spécificités.
3Les premières associations livournaises sont fondées dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Il s’agit de structures culturelles, dénommées académies, ayant pour but de stimuler la vie littéraire, scientifique et artistique de la cité, et réservées à l’oligarchie municipale2. Au XVIIIe siècle, une partie de ces académies s’oriente davantage vers l’aspect récréatif. Celui-ci se développe encore au XIXe siècle, avec la fondation de casini (qui s’apparentent au cercle). Académies et casini du XIXe siècle ont en commun de cultiver une sociabilité d’élite plus large, dans lesquelles se rassemble ceux qui disposent du talent, du temps et de la rente nécessaires à l’exercice d’une culture du loisir, au-delà désormais de l’ancienne oligarchie municipale3.
4L’essor des structures récréatives et leur renouvellement (des associations du XVIIIe siècle, seule l’académie des Fulgidi, une des plus ouverte, survie au siècle suivant) marque en effet l’extension du champ associatif à l’ensemble des élites locales, au négoce surtout. D’ailleurs, certaines des nouvelles associations des années 1830, comme le Casino del Commercio, sont plus spécifiquement destinées aux négociants et ont un aspect pratique et professionnel. Cet élargissement du recrutement est particulièrement net avec la création des associations civiques, un nouveau type de structure qui se développe dans les années 1830. Quoique recrutant aussi dans les élites, ce sont des initiatives plus engagées, autour desquelles se structure une opinion et une intelligentsia locale. Davantage destinées à conforter l’emprise de l’élite sur la cité, les associations civiques ont en général un but philanthropique, permettant à leurs membres d’agir collectivement en direction de la plèbe urbaine. Leur trait le plus saillant est le rôle éducatif qu’elles veulent jouer dans la cité. Les années 1830 s’illustrent donc par la multiplicité des initiatives ; par l’émergence de nouvelles formes associatives, qui concurrencent ou complètent les anciennes structures, qu’elles influencent aussi en les poussant vers le débat économique et social ; et par l’élargissement du recrutement. L’essentiel, de ce point de vue, est le développement des associations civiques, qui connaissent un développement inégalé en Toscane.
5Toutes ces associations restent, sur le plan politique, d’une très grande prudence. D’une part parce qu’elles sont dominées par des notables modérés, et d’autre part parce que la surveillance du Buongoverno limite, jusqu’au Quarantotto, les possibilités d’expression politique. Il n’en reste pas moins qu’elles jouent un rôle important dans le processus de politisation des élites modérées, car c’est en leur sein que se structure l’opinion libérale livournaise. Cette maturation politique est indissociable d’une autre maturation, de nature sociale, tendant à la construction d’une bourgeoisie locale. Le nouvel esprit d’association4 des années 1830 amorce ainsi un processus de recomposition et d’unification des élites livournaises. Par ailleurs, la politisation, la modernisation des élites et l’esprit d’association sont des phénomènes qui ne doivent pas être considérés d’un strict point de vue local. L’essor de l’associationnisme livournais s’inscrit en effet dans un mouvement d’ampleur péninsulaire et européenne : entre 1830 et 1848, une multitude d’associations et d’institutions privées surgissent dans la plupart des villes italiennes5, un phénomène qui touche aussi la France et l’Angleterre, avec des influences réciproques non négligeables6.
6Si la plupart de ces associations légales ne concernent qu’une élite urbaine, disposant de l’aisance et du loisir indispensables à l’exercice de cette sociabilité, elles n’en sont pas moins importantes, car elles signalent les progrès de la société civile, désormais capable de s’organiser sur un mode autonome. Elles constituent aussi la matrice dans laquelle se forme la nouvelle opinion publique italienne. Dans la plupart des centres urbains du centre et du nord de la péninsule, cette opinion publique joue un rôle essentiel en ce qui concerne le processus d’unification nationale. Les progrès de la circulation des idées favorisent en effet la formation d’un environnement intellectuel national, ou si l’on veut un processus de nationalisation de la culture italienne, au sein duquel s’affirme rapidement un milieu libéral et réformateur7.
7L’opinion libérale et modérée italienne se structure non seulement à partir des associations, mais aussi des réseaux de collaborateurs réunis autour des journaux et des revues nouvelles ; des grands congrès scientifiques italiens qui, entre 1837 et 1847, réunissent des personnalités venues de toute l’Italie et cherchent des solutions nationales aux problèmes économiques et sociaux des États de la péninsule ; et des artistes et écrivains engagés dans le Risorgimento, comme Alessandro Mazzoni qui, avec Les Fiancés (I Promessi Sposi, 1822), signe une des principales œuvres de la nouvelle littérature de renaissance nationale, ou encore le Livournais F.D. Guerrazzi, auteur en 1836 d’un roman historique, l’Assedio di Firenze, dans lequel il utilise le passé médiéval pour exalter la liberté des peuples.
8L’associationnisme agit donc à différentes échelles. La diffusion d’idées nouvelles, la sociabilité et les projets communs favorisent tout à la fois l’émergence d’un espace public national, la constitution de nouvelles élites régionales et la recomposition des élites locales. À l’échelle locale, il s’agit d’affirmer l’hégémonie des élites dans une ville en mutation, ce processus de légitimation passant par la formulation d’un nouveau projet social. Sur le plan régional, l’associationnisme, qui se combine au jeu des affaires, facilite l’organisation du courant libéral modéré toscan, qui aspire à devenir une nouvelle classe dirigeante. Il participe donc, là encore, d’un processus de rapprochement autour d’un projet. Déterminer les objectifs et la composition de ces nouvelles associations permettra ainsi de préciser en quoi elles ont pu constituer le support d’un projet modernisateur légitimant une bourgeoisie locale, par ailleurs reliée à la nouvelle opinion régionale et nationale.
9Mais il convient au préalable de préciser ce que recouvre, dans l’historiographie du Risorgimento, le rapport entre associations, modernisation et bourgeoisie. L’intérêt de l’historiographie pour les associations italiennes du XIXe siècle s’est longtemps focalisé sur les sociétés secrètes et conspiratives, loges maçonniques, charbonnerie et groupes mazziniens, cherchant à retracer la constitution du courant républicain et radical du Risorgimento. C’est ainsi que le rôle de la franc-maçonnerie, puis de Mazzini et de la Giovine Italia, déterminant pour la mise en place d’un pôle révolutionnaire et radical dans la Livourne de la Restauration, a été un aspect bien mis en valeur par l’histoire politique traditionnelle du Risorgimento8. Il n’en allait pas de même pour les structures légales de sociabilité, du moins jusqu’aux années 1980, lorsque l’historiographie italienne s’est mise à reconsidérer les processus qui ont donné naissance à l’Italie contemporaine. L’intérêt nouveau pour les associations légales du XIXe siècle intervient en effet dans un contexte de révision des anciens paradigmes interprétatifs du Risorgimento, révision qui tente de sortir de l’ancien face à face entre l’interprétation marxiste et l’interprétation libérale9.
10Est particulièrement remis en cause le postulat gramscien d’un échec du Risorgimento, échec que Gramsci liait à l’incapacité de la bourgeoisie italienne à mener à terme les réformes nécessaires10. Selon D. LoRomer, dont le travail s’inscrit en partie dans ce type de révision historiographique, le dynamisme associatif du négoce livournais montrerait au contraire une volonté réformatrice très affirmée jusqu’à la révolution de 184811. Dans le même temps, c’est le rapport entre bourgeoisie et modernité, et plus largement les paradigmes et les rythmes de la modernisation des sociétés contemporaines européennes qui ont été reconsidérés12.
11L’effet de ces déplacements interprétatifs a été de relancer l’étude de la bourgeoisie italienne, ou plutôt des bourgeoisies italiennes, étant donné la diversité des situations mise en valeur par les différentes études de cas13. Outre les différences constatées selon les localités et les régions, ces travaux ont montré que l’absence d’engagement dans le processus d’industrialisation n’empêchait pas la formation de bourgeoisies locales modernisatrices. A. M. Banti surtout, a retracé la formation, au cours du XIXe siècle, d’une robuste bourgeoisie agraire piacentine, construite hors de l’investissement industriel et de la sphère d’influence des familles aristocratiques, et organisée au sein d’associations professionnelles, les comices agraires14.
12Le lien entre associations, bourgeoisie et modernisation socio-politique de la péninsule a ainsi été particulièrement mis en évidence15. Sur le plan politique, les associations de la première moitié du XIXe siècle apparaissent comme des structures ayant permis la politisation des élites. Le lien établi entre politisation et sociabilité a ainsi récemment permis de revitaliser l’histoire du Risorgimento, en élargissant la question de l’appropriation des idées nouvelles au-delà des milieux dirigeants16. Les progrès de la sociabilité seraient liés à l’affirmation de la société bourgeoise et favoriseraient le passage d’une société de statut à une société de classe. Dans le cas de Milan, ou de Pise, la bourgeoisie développe ainsi des pratiques de sociabilité empruntées à la sociabilité nobiliaire, qui lui permettent de s’affirmer dans la cité, et d’englober finalement la noblesse dans une nouvelle élite17 ; ou dans le cas de Plaisance, de créer une sociabilité originale et de se constituer en alternative à la noblesse18.
13Le cadre associatif livournais participe de cette thématique liant sociabilité, modernisation et bourgeoisie, mais le fait que la grande bourgeoisie locale soit surtout composée de négociants non catholiques portés à la tête des « nations » donne aux termes locaux du débat une coloration particulière. Nous verrons que l’influence de la sociabilité nobiliaire toscane, quoiqu’avérée, provient de l’extérieur, (surtout de Pise) et ne constitue pas un obstacle ou une alternative à la nouvelle sociabilité bourgeoise. Par contre, la confluence des différents éléments de l’élite sociale au sein d’une nouvelle bourgeoisie modernisatrice est confrontée aux limites qui séparent encore « nations » et sphère civique. Gardant à l’esprit l’importance structurelle des frontières communautaires dans la cité, notre problème consistera ainsi à confronter la dynamique unifiante et modernisatrice du phénomène associatif des années 1830 avec les apories liées aux divisions antérieures des élites locales.
14Avant les années 1830, malgré les élargissements opérés à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle et la possibilité légale accordée aux Juifs d’entrer dans les académies (1801), le tissu associatif livournais reste fortement dual. Il ne mêle que très partiellement négociants et non négociants, situation qui reflète surtout le poids des logiques communautaires, avec une élite rentière, catholique, participant largement aux institutions locales réservées (municipalité, administrations, clergé) et une élite non catholique, issue du négoce, contrôlant les « nations » et la chambre de commerce. Cette sociabilité duale, construite sur le clivage communautaire, est déjà établie depuis les XVIIe et XVIIIe siècles dans les structures caritatives locales, confréries catholiques et associations caritatives des « nations », juives surtout, constituant deux structures parallèles d’entraide.
15À partir du règne de Pierre-Léopold, les structures d’assistance placées sous l’autorité publique se sont développées. Elles restent liées à l’Église, qui en assure le fonctionnement quotidien, mais elles sont insuffisantes19. Dans ces conditions, dès les années françaises et surtout pendant la Restauration, les associations caritatives dépendant des dons et de l’activité des notables se sont elles aussi développées, en conservant un caractère communautaire affirmé. Pendant la seconde période lorraine, une partie des structures charitables destinées aux pauvres catholiques, soit deux hôpitaux, deux orphelinats et le dépôt de mendicité, en cours d’édification, sont sous le contrôle du gouverneur et de la députation locale de l’Imperiale e Reale Uffizio di Carità, instituée à l’époque impériale (1810). La ville compte aussi onze confraternités laïques, dont la plus importante est l’Arciconfraternità di Carità, dite della Misericordia, plus particulièrement destinée au transport des indigents malades ou défunts et animée par les notables catholiques20.
16La direction de la Misericordia est assurée par des notables catholiques, fonctionnaires, avocats, propriétaires et négociants, dont le point commun est la relation étroite entretenue avec les institutions municipales. En 1830, le premier dirigeant de la Misericordia est le gonfalonier B. Sproni ; la plupart des dix-sept autres responsables sont inscrits comme rentiers nobili ou cittadini, six étant prieurs entre 1820 et 1840. Par ailleurs, sept appartiennent à la noblesse de la ville, dont six ennoblis avant les années 1830. Seuls quatre sont des négociants ou des courtiers en activité21. L’aspect institutionnel de la Misericordia apparaît encore plus nettement par le fait que plusieurs de ses membres participent à la direction des institutions charitables officielles, hôpitaux, maisons de charité et mont de piété. Là encore, nous retrouvons le schéma de la notabilité catholique locale, qui fonde une bonne part de son autorité dans l’exercice des charges publiques. L’État, de son côté, y trouve son compte, car en dissociant gestion (les notables laïcs) et activité d’assistance (l’Église), il domine l’ensemble et évite d’être doublé, sur ce secteur sensible, par un autre pouvoir.
17Les institutions caritatives de la communauté juive constituent l’autre pôle de l’assistance urbaine. Alimentées par les dons des riches notables de la communauté, elles prennent en charge les différentes catégories d’indigents et interviennent aussi bien en matière de soins (en particulier avec l’Opera pia spedale israelitico, qui dirige l’hôpital juif de la ville) que de distribution de nourriture, de vêtements, ou de dots aux jeunes filles pauvres22. En outre, les dons des notables entretiennent un important réseau d’écoles communautaires destinées aux enfants juifs issus de milieux modestes. En 1844, Livourne comporte dix-huit institutions scolaires juives, treize pour les garçons de la communauté, cinq destinées aux filles. Ces créations restent sous la tutelle des dirigeants de la « nation ». Toutes les écoles de la communauté juive, par exemple, sont placées sous la responsabilité des députés désignés à cet effet par les gouvernants de la « nation », une situation que l’on retrouve avec la communauté grecque orthodoxe, où les dirigeants laïcs de la communauté ont la haute main sur l’école de la « nation »23. Ainsi, les associations charitables de notables se sont développées mais restent étroitement liées à leurs institutions respectives de référence, et reflètent le maintien des structures communautaires de pouvoir dans la cité la Restauration.
18En termes de sociabilité et d’animation de la vie publique, la deuxième moitié du XVIIIe siècle est cependant marquée par l’apparition de formes communes et laïcisées dont le succès se prolonge dans la première moitié du XIXe siècle. La fréquentation des cafés, des théâtres, des réceptions et festivités estivales liées à la villégiature, puis aux bains, favorisent l’émergence d’une sociabilité d’élite plus importante, au sein de laquelle se côtoient négociants des « nations », rentiers et fonctionnaires24. Au cours de la seconde période lorraine, cette sociabilité commune trouve un nouveau lieu de formation dans les salons, et prend un caractère parfois plus politique. Le salon d’Angelica Palli, poétesse et fille du négociant grec Panaiotti Palli, et de son mari Gian Paolo Bartolommei, installé dans le palais Bartolommei, à la Venezia, rassemble ainsi, à partir des années 1820, la jeune bourgeoisie intellectuelle de Livourne, sans distinction de communauté (Guerrazzi, Bini, M. Palli, Ricci, F. Pachò, L. et F. Giera, S. Uzielli), accueille Manzoni et Lamartine et devient un des lieux de formation du mouvement révolutionnaire local25.
19Le mouvement associatif des années 1830 ne part donc pas de rien. D’autant que plusieurs associations livournaises, qui affichent la volonté de recruter largement au sein des élites locales, fonctionnent déjà pendant les années françaises et les premières années de la Restauration. Certaines ont été fondées au XVIIIe siècle, comme l’Accademia dei Floridi, association récréative et charitable créée en 1771 et disparue en 1812, dont une des principales activités, pendant les années françaises, consistait à gérer le théâtre San Marco, ouvert en 180626. En 1797, les nouveaux statuts des Floridi, qui regroupe désormais cent vingt membres prévoient d’élargir le recrutement de l’association à l’ensemble de la bonne société locale. Les nouveaux académiciens devront être choisis « parmi les propriétaires de Livourne ou parmi ceux qui y sont stablement domiciliés depuis huit ou dix ans pour commercer, ou parmi ceux qui se consacrent légitimement à la profession juridique ou à un autre emploi honorable »27. Les Floridi sont relancés en 1848, mais cette fois-ci uniquement dans le but de gérer un théâtre, à un moment où les salles se multiplient. Dans les années 1840, qui sont les années les plus fastes pour les salles de la ville, il existe six théâtres à Livourne, dont trois grands, qui offrent une capacité d’accueil bien supérieure à leur fréquentation. La forte demande du public livournais, qui stimule la concurrence entre entrepreneurs n’est en effet pas seule en cause, les ouvertures de théâtres étant aussi stimulées par la création de plusieurs associations spécialisées. Deux d’entre elles, les Floridi et les Avvalorati, gèrent les deux plus grands théâtres de la ville.
20Une des particularités du mouvement associatif livournais est ainsi d’avoir été très tôt et durablement marquée par l’activité théâtrale. L’Accademia degli Avvalorati, propriétaire du théâtre du même nom, fondée en 1790 et encore active à la fin du XIXe siècle, est une des principales associations culturelles de la ville, une des plus prestigieuse, aussi. Elle regroupe les propriétaires du théâtre du même nom, dans le but de surveiller la gestion et la programmation, concédées à un impresario. Sa création est motivée par les difficultés financières qui menacent l’existence du plus ancien théâtre de la ville, créé au XVIIIe siècle. Dès sa fondation, cette académie théâtrale s’illustre en se dotant d’une forme d’organisation inédite, inspirée des sociétés commerciales : trente-quatre Livournais aisés acceptent d’acquérir chacun une action du théâtre, et d’en devenir ainsi copropriétaires28. Un autre aspect innovant des Avvalorati, que l’on retrouvera dans les associations des années 1830, est la motivation civique, car l’académie a été créée là encore pour préserver un des lieux les plus anciens de la culture locale, menacé par les difficultés financières du propriétaire29.
21Le théâtre des Avvalorati, qui compte au milieu du XIXe siècle cent vingt-huit loges réparties en cinq ordres, est aussi un lieu privilégié de la mise en scène sociale, où se donne à voir aussi bien le rassemblement que la hiérarchie interne des élites locales. Les loges sont des éléments très importants d’appartenance à ces élites : tout Livournais qui a réussi et désire faire reconnaître sa position se doit d’en avoir une, de préférence aux Avvalorati. Les Loges des Avvalorati sont des biens transmissibles aux héritiers, fréquemment mentionnées dans les testaments, qui peuvent d’ailleurs être vendues. Leurs possesseurs (les palchisti) doivent en outre souscrire une participation aux spectacles prévus pour chaque saison théâtrale. La hiérarchie des loges est signifiée par les différences de souscriptions, plus élevées au fur et à mesure qu’on va vers le premier ordre des loges. Les écarts sont peu élevés : cinquante-cinq lires pour les deux premiers ordres, quarante pour le troisième, vingt-cinq pour le quatrième, mais ils suffisent pour marquer les hiérarchies30. En 1838, vingt et une des quarante-huit loges des deux premiers ordres sont possédées par des négociants, auxquelles s’ajoutent la loge du souverain, celles d’aristocrates toscans (Franceschi, Corsini) ainsi que de rentiers et avocats locaux. Neuf de ces quarante-huit loges sont possédées par des négociants des « nations » non catholiques, qui détiennent aussi vingt et une des cinquante-deux loges composant les troisième et quatrième ordres. Les notables juifs, dont on a dit le poids dans la richesse locale, ne détiennent qu’une loge des deux premiers ordres, mais vingt des deux ordres suivants.
22Le théâtre des Avvalorati regroupe donc toutes les composantes de la haute société locale, mais reflète aussi la complexité des hiérarchies et des statuts. Si les loges marquent une reconnaissance de la richesse comme critère d’entrée dans l’élite des palchisti, elles signifient aussi que les négociants des « nations » ne constituent pas le premier cercle de la notabilité urbaine. La composition de l’académie des Avvalorati reflète encore davantage cette inégalité. Entre la fin du XVIIIe siècle et les années 1830, les choses ont à cet égard peu évolué. En 1794, l’académie comprenait des membres de l’oligarchie civique, des négociants des « nations », grecs orthodoxes et protestants, ainsi que des étoiles montantes du négoce et des affaires, comme Dupouy31. Mais les membres des « nations » n’étaient que sept sur trente-quatre et il n’y avait aucun juif. En 1816, puis en 1830, et encore en 1837, le schéma n’a pas évolué : les Avvalorati ne comptent encore aucun juif et les membres des « nations » ne sont que six, puis huit. Le prestige de l’académie et du théâtre, considérés comme de véritables institutions emblématiques de la culture livournaise, favorise la stabilité de sa composition, les membres s’attachant en général à conserver leur action. Cette valeur civique fait du théâtre un des symboles de l’urbanité livournaise, mais contribue aussi à limiter la pénétration des éléments jugés les plus étrangers à la culture commune. De fait, la création des nouvelles associations est en partie liée à la recherche de lieux communs, permettant de dépasser ce clivage communautaire. Les obstacles mis à l’entrée de l’Accademia degli Avvalorati favorise ainsi la création, dans les années 1840, de l’Accademia dei Fulgidi (théâtre Rossini) et la relance de celle des Floridi (théâtre San Marco), qui compte alors quatre vingt-cinq membres, et opère unrecrutement plus inter-communautaire.
23Le conservatisme et la résistance à l’élargissement du recrutement n’est pas propre aux Avvalorati, ni même à Livourne. On le retrouve aussi à Pise, ou à Milan, mais il s’agit dans ces derniers cas d’une résistance nobiliaire. Pour Livourne, compte davantage la limite confessionnelle, que l’on retrouve dans d’autres associations livournaises, surtout lorsqu’elles ont une dimension civique importante et sont contrôlées par la rente catholique de la cité.
24Une seule association récréative non théâtrale, l’Accademia delle Stanze, est attestée dans les premières années de la Restauration. Créée en 1806, vouée au jeu et à la conversation, elle recrute parmi la noblesse locale, le négoce, les professions libérales et la fonction publique, soit une composition qui mêle les différents éléments de la haute société locale. Ce brassage ne fait pas de l’Accademia delle Stanze une association totalement nouvelle, car les statuts restent très proches des anciens casini nobiliaires, en particulier du Casino dei nobili de Pise. L’Accademia delle Stanze reste en effet très liée à l’autorité municipale et reste essentiellement dirigée par des nobles. Plus qu’une association, elle est une institution administrée par une congrégation de quatre conservateurs nommés par le gonfalonier de Livourne, dont trois sont issus du corpo dei nobili et un du corpo dei cittadini32.
25Cet aspect institutionnel concerne aussi l’Accademia Labronica, créée en 1816, dans le but « de promouvoir dans la patrie le goût et la culture des sciences, des lettres et des arts »33. L’article cinq du projet de statuts stipule l’interdiction des discussions, même indirectement, en matière de religion et autres « disciplines ecclésiastiques », « ainsi que sur les dispositions gouvernementales, le système et les opinions politiques contemporaines »34. Attachés au statut civique de l’association, les promoteurs prévoient aussi de réunir l’académie dans le palais communal35. La direction de la Labronica est confiée à un conseil académique, avec un président, un vice-président, deux censeurs et un relatore ; elle a des archives et une bibliothèque, toutes deux confiées à un secrétaire nommé par le conseil, et elle est gérée par un camerlingue, lui aussi nommé par le conseil36. Là encore, si tous les négociants peuvent, en droit, entrer dans l’académie (la seule condition d’admission est d’être établi à Livourne), la direction et l’animation est aux mains de non négociants très liés aux institutions locales. Parmi les sept organisateurs initiaux, essentiellement des avocats et/ou des propriétaires37, trois sont membres du magistrat municipal entre 1817 et 1823, un est prêtre et un autre fonctionnaire de la douane ; l’on retrouve une configuration similaire au sein de la première direction constituée en 1816.
26Parmi les membres de l’académie, les négociants sont rares, et aucun membre fondateur de l’académie n’appartient à une « nation », caractéristique que l’on retrouve encore dans la Labronica des années 1830. Très significativement, un des principaux animateurs et secrétaire de la Labronica est Giuseppe Vivoli, érudit et historien local, fonctionnaire des douanes et fervent catholique, figure de proue intellectuelle d’un courant conservateur, qui lie catholicisme et identité civique. Cette fermeture de la Labronica explique sans doute qu’un de ses membres les plus libéraux, Giuseppe Doveri, ait fondé en 1823 un Gabinetto scientifico e letterario doté de deux bibliothèques réunissant environ huit mille volumes. Le Gabinetto a davantage pour but de diffuser la culture dans la ville et il est plus ouvert aux influences extérieures38. C’est à partir du Gabinetto – et de Doveri – que naissent ensuite la plupart des initiatives philanthropiques et éducatives des années 1830.
27Les associations livournaises de la Restauration présentent donc un profil contrasté. Elles n’ont pas un recrutement réservé aux nobles, comme c’est encore le cas du Casino dei nobili de Pise, – chose qui semble par ailleurs difficile dans une ville négociante comme Livourne –, et la plupart n’excluent pas formellement les membres des « nations ». Mais ces associations restent sous l’influence d’un modèle encore largement répandu en Toscane, qui lie sociabilité et institution municipale. De plus, si elles ne mettent pas de barrières officielles à l’adhésion des non catholiques, la présence des négociants des « nations » reste en général limitée, voire inexistante. Bien que le mouvement d’élargissement n’aille pas jusqu’aux directions, les associations récréatives semblent avoir été les moins rétives à abolir les frontières communautaires. Par contre, la première Accademia Labronica, qui est largement contrôlée par la notabilité civique et catholique, représente le lieu culturel offrant la plus grande résistance à l’entrée des non catholiques, et en particulier aux juifs, qui semblent, sur le plan associatif, encore cantonnés dans leurs structures communautaires. Néanmoins, la création de la Labronica est aussi un important tournant dans le rapport que les élites entretiennent avec la cité, car elle est la première association clairement orientée vers le développement d’une culture et d’une histoire locale, nécessaire pour cimenter l’union des élites autour des valeurs civiques locales. De ce point de vue, le rattachement à la municipalité n’est pas que conservatisme. Lorsque l’article deux des statuts énonce que l’emblème de la Labronica « représente l’Hercule labronico qui montre avec sa massue la tour des armoiries communales de Livourne », il sanctionne aussi les progrès de l’esprit civique et de l’attachement à la patria, c’est à dire à Livourne39.
28Un attachement d’ailleurs à double tranchant : cet amour de la ville à partir d’un passé commun, enraciné dans l’histoire de la péninsule40, marginalise en effet les « nations ». Vivoli, par exemple, tout en valorisant le passé antique et médiéval de Livourne, met l’accent sur le rôle des Médicis dans l’essor du port moderne, faisant en même temps passer les « nations » à l’arrière-plan de cette réussite41. Ce civisme est aussi construit sur le catholicisme. L’association du patriotisme et du civisme est suffisamment forte à Livourne pour passer dans le sentiment national naissant au sein de la plèbe urbaine. Ainsi, l’abbé Gioberti, théoricien du néoguelfisme et auteur Del primato morale e civile degli Italiani (1843), reçoit à Livourne un accueil triomphal (mai 1848) : outre l’intérêt que lui portent les libéraux, une partie des Livournais s’enthousiasment pour le nouveau pape Pie IX, que les néo-guelfes souhaitent voir à la tête d’une confédération italienne libérale. Il est tout à fait probable que l’usage politique du catholicisme ait été un vecteur important, tant de la politisation de la plèbe que de la construction d’une société civile locale. Pour autant, il s’agit d’une étape, qui cède ensuite le pas à des formes plus laïcisées.
29Dans les années 1830, l’esprit civique et l’amour de la patria locale se diffusent aussi au sein du négoce livournais, mais sur des bases sensiblement différentes, le catholicisme ne pouvant être un ciment commun aux élites locales. Le rapprochement entre les différents éléments de l’élite passe en premier lieu par l’adoption commune des formes de sociabilité en vigueur dans les noblesses urbaines italiennes et dans les aristocraties européennes. Outre la proximité de Pise – qui est d’autant plus proche que les négociants livournais et les nobles pisans ont souvent des propriétés voisines – la constitution chaque été, lors de la saison des bains de mer, d’une société aristocratique du loisir, tout à la fois florentine et européenne, favorise cette pénétration de modes de sociabilité aristocratique au sein de la bourgeoisie négociante livournaise.
30Le modèle aristocratique des casini nobles est repris dans les nouvelles associations récréatives, qui reprennent aussi le terme de casino et les mêmes pratiques de sociabilité. La principale association récréative créée pendant cette décennie, l’Accademia del Casino, qui a pour but d’offrir à ses membres la possibilité de
réunions en journée et le soir pour converser, lire et se distraire par des jeux autorisés (essentiellement le billard et les cartes) et aussi permettre de temps en temps une participation importante d’invités à des fêtes dansantes ou autres divertissements qui, par esprit de pure récréation ou de bienfaisance civique, pourraient être donnés42,
31reprend les dispositions des casini dei nobili, et plus largement, des associations récréatives qui fleurissent dans de nombreux centres urbains italiens de la Restauration. Ouvertes toute la journée et tard dans la soirée, elles offrent à leurs membres les plaisirs de la conversation, de la lecture des gazettes et du jeu, services auxquels s’ajoutent, de temps à autres, l’organisation de concerts, fêtes et bals ouverts aux invités des membres.
32Cependant, l’Accademia del Casino innove aussi. Elle a un recrutement élargi à toutes les franges de la bonne société locale. Tout comme la nouvelle association et le théâtre des Floridi, son siège est situé via San Marco, à proximité de la Venezia et du nouveau quartier d’entrepôt au nord de la ville. Elle n’est en aucune façon liée à la municipalité. Strictement réservée aux soci (membres associés) et à leur famille, elle est une initiative totalement privée, entièrement financée par ses membres. Les fonctionnaires (cinq) sont présents mais faiblement représentés, et mis à part Martellini, gonfalonier de Livourne, – mais il n’est pas en tête de liste et adhère à titre privé – on ne trouve aucun représentant des autorités. Bien que n’ayant aucun objectif économique, l’Accademia del Casino est organisée comme une société de capitaux. Cette dernière innovation, que l’on retrouve dans d’autres associations de ce type créées dans les années 1830-1840 en Italie, consiste à faire du nouveau casino une société par action dont le capital est réparti entre les soci. Elle est dotée d’un important capital de cent mille lires toscanes, divisé en cent actions de mille lires chacune.
33L’implication idéologique de cette disposition est importante : le Casino, comme d’autres associations livournaises créées dans la décennie, s’inspire de la doctrine saint-simonienne, – dont on précisera plus loin l’influence au sein de l’intelligentsia livournaise –, pour qui l’association des capitaux doit être le fer de lance de la société nouvelle. De fait, le Casino devient, dans les années 1830- 1840, le principal lieu de rencontre des membres de l’élite locale les plus engagés dans le jeu des affaires, et à ce titre il contribue fortement à structurer la jeune finance livournaise. La volonté d’instituer un rapport égalitaire entre les membres est un autre trait saillant de l’Accademia del Casino. La liste des membres fondateurs ne fait ainsi apparaître aucun ordre hiérarchique ni aucune distinction interne d’aucune sorte. En outre, chaque associé ne peut détenir qu’une action, de façon à conserver la parité qui doit régner dans une société d’égaux, à but purement récréatif.
34Cet égalitarisme est cependant un égalitarisme d’élite : aux mille lires initiales s’ajoute une participation annuelle aux dépenses. Bien peu de Livournais peuvent en effet se permettre de consacrer une telle dépense au loisir. Comme le souligne le commissaire de l’intérieur de Livourne, le nouveau Casino, en réalité, réunit « les principaux et plus riches négociants et propriétaires de cette ville »43. Cet aspect du recrutement est confirmé par le fait que 53 % des chefs de famille inscrits dans la première classe des contribuables à la tassa di famiglia pour l’année 1839 sont des membres fondateurs du Casino44 et par la présence de la plupart des grands noms du négoce livournais, comme Tommaso Lloyd, Pietro Bastogi, Francesco Larderel ou Giorgio Rodocanacchi. Si cette sélection des membres par l’argent donne au Casino une nette ossature ploutocratique, elle n’empêche pourtant pas la présence de négociants d’envergure moyenne, voire de courtiers. Par ailleurs, si les négociants, banquiers et courtiers constituent le groupe le plus représenté – quarante-quatre noms de membres apparaissent dans la liste des raisons négociantes de l’almanach de 1830 et soixante-treize au moins exercent ou ont exercé des professions liées au négoce –, les professions libérales et les propriétaires constituent plus du quart des membres. Inversement, certaines riches familles livournaises, comme les Michon, ne participent pas à l’entreprise45.
35Les « nations » fournissent plus du tiers du recrutement initial de l’Accademia del Casino. Parmi les cent membres fondateurs, trente-huit sont en effet des non catholiques (dont trente-cinq négociants ou banquiers) appartenant aux principales « nations » de Livourne. Mais cette participation est inégale, avec une nette dominante britannique et une représentation juive qui ne reflète pas l’importance de la communauté dans l’élite de la richesse livournaise :
Tab. 22 – Membres fondateurs non catholiques de l’Accademia del Casino
« Nation » | Nombre de membres |
Anglaise | 18 |
Hollandaise-Allemande | 9 |
Grecque orthodoxe | 6 |
Juive | 5 |
Total | 38 |
Sources : Statuti dell’Accademia del Casino di Livorno ; ASF, Stato Civile della Toscana, Censimento del 1841, 12127-12130.
36Le Casino n’est pas seulement un espace récréatif réservé aux plus riches de la cité. S’il est effectivement dominé par la nouvelle élite de l’argent, la fortune n’est pas le seul critère d’agrégation. Entrent aussi en ligne de compte des critères idéologiques et communautaires. La faible participation des notables très impliqués dans les oeuvres de charité catholique, ainsi que la relative discrétion de la présence juive met en évidence combien la volonté de regroupement manifestée par les fondateurs du Casino tend à marginaliser les parties les plus marquées par l’engagement associatif de type confessionnel. L’engagement trop exclusif dans des logiques communautaires a pu être un obstacle à l’entrée dans un organisme à vocation rassembleuse, dominé par des hommes pragmatiques, modérés et prudents.
37La volonté de relier la fondation de l’Accademia del Casino au mouvement d’association des capitaux, parce qu’elle en fait un lieu de convergence pour l’élite éclairée de la rente, du négoce et des professions libérales, a sans doute rebuté les éléments les plus conservateurs, catholiques et juifs, attachés au maintien des clivages communautaires. Inversement, cette relation entre le Casino et les idées ou investissements nouveaux favorise la présence d’entrepreneurs comme Larderel, d’intellectuels locaux comme Doveri et des plus importants marchands-banquiers britanniques de Livourne. Le regroupement de notables catholiques et de non catholiques au sein de l’Accademia del Casino dépasse en effet la simple logique du cercle de l’argent, car il participe d’un engagement civil. Il manifeste un mouvement d’ensemble, une dynamique associative globale, dans laquelle placements communs, adhésions aux idées nouvelles de progrès et projet social sont étroitement liés et constituent le ciment de la nouvelle société civile livournaise.
38 Si l’apparition des nouvelles associations est largement liée à la diffusion d’une culture commune du loisir au sein des élites locales, la pratique de l’otium, dans une ville aussi active et engagée dans le commerce que Livourne, ne peut-être dégagée du negotium. D’autant que la notion de loisir, pour les classes dominantes du XIXe siècle, ne signifie pas oisiveté, mais disponibilité. Le loisir est la marque de celui qui dispose de son propre temps, et l’investit dans des occupations honorifiques et désintéressées46. À Livourne comme dans d’autres cités européennes et italiennes du XIXe siècle, ce loisir civique est en grande partie orienté vers l’engagement social et la philanthropie, et il touche désormais davantage le monde du négoce47.
39La plupart des membres de l’Accademia del Casino participent ainsi aux associations locales civiques qui surgissent dans la même période et en particulier aux associations à but éducatif, dont le caractère philanthropique tient au fait qu’elles sont pour la plupart destinées à promouvoir l’éducation du peuple. L’intérêt des élites pour l’éducation populaire provient d’abord d’une prise de conscience des difficultés sociales dans la cité, où la misère et la délinquance sont alimentées par un sous-emploi chronique. Il ne s’agit cependant pas de développer l’éducation populaire pour faciliter l’obtention d’un emploi, mais de sauvegarder l’équilibre social et le pouvoir des élites en améliorant la moralité de la plèbe48.
40L’enseignement mutuel est la forme choisie par les membres de l’élite engagés dans cette entreprise d’éducation populaire. Apparues à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, les écoles d’enseignement mutuel se développent sur le Continent à partir de la Restauration. Elles ont une large diffusion dans la Toscane de la seconde période Lorraine, la première école étant créée en 1819, à Florence, par Cosimo Ridolfi, un des principaux animateurs du libéralisme modéré toscan49. Comme son nom l’indique, la méthode consiste à confier une partie de l’enseignement aux élèves eux mêmes. Un seul enseignant supervise l’école et enseigne à un petit groupe d’élèves d’enfants plus âgés, dits « moniteurs », lesquels enseignent à leur tour aux plus jeunes. La formule séduit l’intelligentsia toscane, car elle semble pouvoir offrir un solide et rapide enseignement élémentaire à un nombre important d’enfants des classes populaires, à coût réduit et sans devoir former un nombre important de maîtres.
41C’est surtout l’idée d’une élite de « moniteurs » issue du peuple répandant l’enseignement dans son milieu d’origine qui attire : elle correspond à l’idéologie dominante au sein des réformateurs libéraux, toscans et livournais, pour qui l’amélioration de la situation sociale passe par l’élévation morale et spirituelle du peuple. Livourne s’illustre particulièrement dans l’entreprise. La Società del Mutuo Insegnamento de Livourne, créée en 1828, regroupe au moment de sa formation soixante membres, qui financent le lancement d’une école ouverte l’année suivante. L’adhésion à la société est de vingt lires. S’y ajoute une cotisation de cinq lires par mois. Le succès rapide de la formule est attesté par le fait qu’en 1831 la société compte cent quinze membres et que d’autres écoles livournaises ont adopté le système d’enseignement mutuel, dont une école primaire communale et deux écoles charitables de la communauté juive50.
42Ces écoles sont destinées aux garçons. Mais, pour assurer les progrès de la moralité et le respect de l’ordre social au sein du peuple, il faut aussi inculquer des principes éducatifs aux futures épouses et mères des foyers populaires. C’est pourquoi, en 1836, deux asili infantili destinés aux fillettes fonctionnent à Livourne grâce à l’initiative privée. Elles sont dirigées par les épouses de membres de la haute société locale et accueillent, au milieu des années 1840, plus de quatre cent fillettes âgées de deux à sept ans. L’enseignement dispensé est très pratique, axé sur la cuisine et les travaux ménagers. Il doit préparer aux fonctions domestiques, dans l’optique du mariage ou d’un emploi51.
43Par ailleurs, une bonne part des nouvelles associations éducatives livournaises est orientée vers des finalités très professionnelles, car les progrès de l’éducation doivent aussi permettre à la ville de mieux s’adapter aux évolutions de l’économie et de surmonter les difficultés du port. Cette volonté s’était faite jour dès les années françaises : en 1797, les statuts réformés de l’Accademia dei Floridi prévoyaient en effet d’aider à l’établissement de deux écoles, l’une de science nautique et l’autre de langue anglaise52. Pendant la Restauration, plusieurs notables se préoccupent d’améliorer la formation professionnelle dans la cité, comme Carlo Michon, qui créée en 1825 une école destinée à la formation des artisans locaux, dans laquelle le dessin est la principale matière53.
44Dans les années 1830, cet intérêt pour la formation est aussi destiné au milieu négociant lui même. En 1833, la création d’un Istituto dei padri di famiglia a pour but de perfectionner l’éducation des fils de l’élite commerciale livournaise (voire à l’initier, car l’Istituto dispense aussi un enseignement élémentaire préparatoire). L’enseignement dispensé dans l’Istituto diffère sensiblement de l’enseignement secondaire classique que la fréquentation du collège San Sebastiano inculque aux rejetons de l’élite livournaise. Un nombre important de fils de négociants n’ont pas ou peu fréquenté le collège San Sebastiano, tenu par les pères Barnabites sous la haute autorité de l’État. L’Istituto apparaît ainsi comme une alternative à l’enseignement des Barnabites et à l’enseignement traditionnellement dispensé aux élites toscanes. L’accent mis sur les langues modernes, la géographie, la géométrie, l’arithmétique et les sciences naturelles est destiné à adapter l’instruction « aux conditions locales » et à « répandre les connaissances indispensables ou utiles à l’exercice des différentes professions industrielles ou commerciales »54. L’acquisition des connaissances est facilitée par la création, au sein de l’Istituto, d’une bibliothèque et d’un musée « destinés à s’enrichir des études sur les produits naturels et manufacturés qui peuvent servir et qui servent d’aliment au commerce toscan »55.
45Il ne s’agit donc pas de reproduire simplement les pratiques négociantes du passé, mais de former une classe d’entrepreneurs aptes à saisir les nouvelles possibilités d’investissement en Toscane. Ces innovations sont financées par les adhérents de l’association, qui ne peuvent être membres actifs qu’en ayant au moins un fils élève dans l’Istituto56. Les membres actifs composent le « corps délibérant » de la société, et à ce titre élisent les quatre conservateurs, le surintendant à l’instruction et le trésorier responsables de l’Istituto. Ils peuvent en outre intervenir auprès des élèves, donnant cours et conférences en sus des enseignements régulièrement dispensés. Avec des pères à la fois directeurs d’école et éducateurs, l’association est donc aussi très patriarcale, de sorte que la volonté d’innovation des fondateurs est fortement teintée de conservatisme social.
46 La volonté de lier davantage éducation scolaire et formation au métier de négociant participe de cette construction d’un milieu et d’une identité négociante initiée pendant les années françaises. Après la Restauration, l’intérêt pour la formation, qui se diffuse plus largement au sein du négoce, contribue à affermir encore cette identité. Les hommes qui animent la chambre de commerce à cette époque jouent un rôle essentiel dans la naissance et l’essor de ces associations professionnelles, mais aussi des autres associations, en particulier éducatives. On les retrouve d’ailleurs dans la plupart des comités fondateurs et des directions des institutions éducatives précédemment citées. Particulièrement attentifs au problème de l’instruction locale, ils votent par exemple, en 1834, une contribution aux associations éducatives juives et chrétiennes de la ville57. Dans les années 1830, les Regini, Chelli, Rodocanacchi, Bastogi, Lloyd, Dalgas, Grabau… soit le groupe de grands négociants qui contrôle la chambre de commerce, sont aussi présents dans la plupart des nouvelles associations, récréatives et civiques. Porte-parole du négoce, ils rassemblent autour d’eux une large frange du négoce, mais aussi d’autres éléments des élites locales58 .
47Ces hommes impulsent deux types d’initiatives. Certaines sont plus spécifiquement négociantes et participent du renforcement de l’identité de ce milieu, et d’autres visent à rassembler, toujours autour du grand négoce, rentiers, avocats et intellectuels éclairés. La création d’un journal destiné à donner des informations sur le mouvement du port et les questions commerciales, le Giornale di commercio est une initiative qui participe de la première catégorie. C’est aussi le cas du Casino del Commercio, une association récréative créée en même temps que l’Accademia del Casino, mais davantage destinée au milieu négociant. Parmi les activités offertes aux membres, les statuts du Casino del Commercio prévoient la possibilité de lire des gazettes, revues et livres spécialisés. Cet aspect professionnel s’accompagne d’une nette volonté de rassembler les différents niveaux du négoce. L’action permettant d’adhérer au Casino del Commercio n’est que de cinquante lires, auxquelles s’ajoutent soixante lires de cotisation annuelle. Cent trente-six individus ou firmes souscrivent au projet fondateur, presque tous commerçants et négociants, dont une bonne part de petite ou moyenne envergure59. 35 % des souscripteurs de 1837 et cinq des huit signataires de la demande d’autorisation envoyée au gouvernement toscan sont aussi des membres fondateurs de l’Accademia del Casino, essentiellement des grands négociants.
48Ce dernier aspect permettra sans doute de mieux saisir le sens de la double création de 1837. Les éléments les plus dynamiques du grand négoce essaient en effet de concilier deux mouvements autour deux, soit à la fois réunir une nouvelle élite de l’argent et du talent et rassembler largement le négoce local, du modeste grossiste ou détaillant aisé au merchant banker britannique. Ils apparaissent ainsi comme un groupe charnière dirigeant un mouvement de réorganisation et de consolidation de l’élite locale. Dans leur projet, ils réussissent à grouper autour d’eux quelques entrepreneurs, des avocats et des rentiers déjà intégrés au jeu des nouveaux investissements mobiliers, qui se mêlent à eux pour former le noyau d’un nouveau groupe dirigeant au sein de la cité. Avec la création de l’Istituto dei padri di famiglia, les négociants les plus engagés dans l’associationnisme savent là encore s’entourer d’éléments non négociants. Comme le montre la liste de ses membres fondateurs, l’Istituto dei padri di famiglia mêle les principaux dirigeants de la chambre de commerce des années 1830, catholiques (Chelli, Binard) et non catholiques comme les Dalgas, Grabau (nation hollandaise-alllemande), Macbean (nation anglaise) et Fernandez (nation grecque) aux hommes des professions, fonctionnaires (d’Angiolo, le professeur Doveri) et avocats (Pachò et Sansoni).
49Le négoce tend donc à être plus qu’un milieu professionnel : en rassemblant dans les associations nouvelles et autour du thème éducatif d’autres éléments des élites locales, il tend à devenir un groupe social. D’autant que la construction d’une nouvelle classe dirigeante locale n’implique pas seulement les hommes : les épouses dirigent les associations scolaires et charitables destinées aux fillettes du peuple, ce qui permet de renforcer les relations associatives tissées entre les maris60. Comme on le verra au chapitre suivant, ces rapprochements sont aussi générationnels, avec l’affirmation politique et intellectuelle des enfants du siècle. Le négoce livournais, tout en s’ouvrant aux nouvelles formes d’entreprise et d’activité qui se développent dans cette décennie, ne renonce pourtant pas à son identité autonome. Bien au contraire, il renforce sa cohésion en développant des institutions spécifiques mais largement ouvertes, agrégeant à cette occasion des éléments appartenant à d’autres segments de l’élite locale. Bref, il tend à occuper une position centrale dans la nouvelle élite livournaise en phase de constitution. La limite la plus nette de ce processus de rassemblement tient à la faible présence des notables de la communauté juive. L’Istituto dei Padri di famiglia par exemple, comme les autres institutions éducatives créées à cette époque, ne comprend pas de représentants de cette « nation », et cela malgré la volonté de ne pas enfermer l’éducation donnée dans l’emprise de l’Église catholique61. De sorte que la notabilité communautaire, elle aussi très vivace, ne s’articule qu’imparfaitement au processus d’agrégation des années 1830.
Notes de bas de page
1 Agulhon 1977, p. 59-63.
2 Sur les académies des XVIIe et XVIIIe siècles, cf. Piombanti 1903, p. 258- 259.
3 Sur cette fonction des académies, Roche 1978 ; id. 1988.
4 Le terme est emprunté à Meriggi 1992, p. 87.
5 Cf. Meriggi, « Società, istituzioni e ceti dirigenti, dans Sabbatucci, Vidotto 1994, p. 190-213 ; id. 1992 ; A. Signorelli 1999, p. 183-207.
6 Les clubs anglais constituent souvent un modèle pour les associations récréatives de la péninsule. À Livourne, l’Accademia del Casino emprunte beaucoup aux clubs anglais et comporte du reste un nombre significatif de britanniques de Livourne. Cf. Fettah 1997, p. 140-143.
7 Pécout 1997, p. 98-103 ; Berengo, « Intellettuali e organizzazione della cultura nell’età della Restaurazione », dans Raponi 1981 ; Carpi 1974.
8 Baretta 1912 ; Michel, F. D. Guerrazzi e le cospirazioni politiche in Toscana, Rome-Milan, 1904 ; Grassi 1897 ; Scaramella 1901 ; Francovich 1962 ; Bertini 1985.
9 Cf. Riall 1994, p. 1-10.
10 Gramsci 1991, « Cahier 19 », en particulier p. 58-79.
11 LoRomer 1987, p. 247 et p. 266.
12 Voir, sur ce point, le débat provoqué par le livre d’A. Mayer, La persistance de l’Ancien Régime, Paris, 1983 (1e édition en langue anglaise, 1981) et l’importance, pour l’historiographie italienne, de la remise en cause de l’idéal-type anglais de modernisation. L’histoire de l’Angleterre industrielle du XIXe siècle et de ses classes dirigeantes, qui représentaient auparavant l’étalon-mètre du processus de modernisation européen, a été reconsidérée par l’historiographie anglo-saxonne des années 1980. Cf., en particulier, Wiener 1981 ; Stone, Fawtier Stone 1984 ; Rubinstein, 1981 ; Id. 1993. Sur l’idéal-type weberien du bourgeois et sa critique, cf. Sombart 1966 ; Romanelli, « Sullo studio delle borghesie ottocentesche », dans Signorelli 1988, p. 15-21 ; Id., « Borghesia/Bürgentum/Bourgeosie. Itinerari europei di un concetto », dans Kocka 1989, p. 69-84 ; Macry, Romanelli 1984, « Premessa », p. 333-338.
13 Pour une vue d’ensemble de ce renouvellement historiographique, qui s’est traduit par la formation d’un groupe de travail italien sur les bourgeoisies urbaines du XIXe siècle et par plusieurs initiatives éditoriales, cf. Macry, Romanelli 1984, p. 333-612 ; Signorelli 1988 ; MEFRIM, 97, 1, 1985, ainsi que les présentations de Romanelli, 1991 ; Banti 1985 ; Id., « Introduzione », dans id. 1996, VII-XVII ; ce dernier a mis en évidence la diversité des modèles patrimoniaux, certaines bourgeoisies urbaines s’orientant davantage vers les revenus fonciers (cas de Plaisance), d’autres vers le capital mobilier (cas de Naples ou de Lucques).
14 Banti 1989.
15 Malatesta, « La storiografia della sociabilità negli anni Ottanta », dans Id. 1988, p. 7-18 ; voir aussi les contributions du n° thématique « Elites e associazioni nell’Italia dell’Ottocento », Quaderni storici, 77, 1991 ; Les travaux de M. Agulhon sur la sociabilité du XIXe siècle ont eu une influence très importante dans l’élaboration de cette thématique.
16 Ridolfi 1990 ; Pécout, « Les sociétés de tir dans l’Italie unifiée de la seconde moitié du XIXe siècle. La difficile mise en place d’une sociabilité institutionnelle entre volontariat, loisir et apprentissage civique », MEFRIM, 101, 2, 1990, p. 533- 576. Sur la politisation populaire en milieu rural. cf. Rizzi 1988.
17 Meriggi 1992 ; Adobbati 1993, p. 282-385.
18 Banti 1989.
19 E. Donati, « Dopoguerra e crisi economico-sociale : la Toscana nel 1815- 1817 », dans Ciufoletti, Rombai 1989, p. 584-585.
20 Volpi 1846, p. 62. Sur les structures caritatives toscanes et l’ampleur de la pauvreté en Toscane au début du XIXe siècle, cf. Woolf 1988. On se souvient que la décision prise par Pierre Leopold de supprimer les confraternités avait provoqué les émeutes populaires de 1790, à la suite de quoi elles avaient été en grande partie rétablies. Bien que leur nombre ait été plus réduit qu’au XVIIIe siècle, leur activité reste importante dans la première moitié du XIXe siècle.
21 Guida di Livorno, 1830, p. 11.
22 Salvadori 1993 p. 25-26.
23 Panessa 1991, p. 58-82.
24 Le rôle des cafés dans l’essor de cette sociabilité est très important. Les « nations » jouent un rôle important dans leur développement. Plusieurs cafés livournais de la Restauration sont tenus par des Suisses. En 1817, le café le plus fréquenté est le Greco qui, comme son nom l’indique, a un propriétaire grec. Cf. Rossi 1988, p. 100-101.
25 Rossi 1992, p. 69-79 ; Ghidetti 1991.
26 Piombanti 1903, p. 348.
27 Capitoli per la Reale Accademia dei Floridi, IV, art. II, cit. dans Adobbatti 1993, p. 380.
28 Hewitt 1995, p. 20.
29 Ibid. Les activités du théâtre des Avvalorati débutent au XVIIIe siècle.
30 ASL, Accademia e Teatro degli Avvalorati 47, Nota dei SSi Palchisti che hanno pagata la tassa dell’estate 1838.
31 Almanacco di Livorno per l’anno 1794, Livourne, 1794.
32 Statuts publiés en 1819. Cf. Adobbatti 1993, p. 379.
33 ASF, Presidenza del Buongoverno 364, affaire 5494, 20 août 1816, demande de création et projet de statuts, art. 3.
34 Ibid., art. 5.
35 ASF, Presidenza del Buongoverno 364, affaire 5494, 2 septembre 1816, Supplique au président du Buongoverno : « La susdite société se propose de faire ses réunions dans le palais communal, et à cette fin a en même temps envoyé un mémoire au magistrat civique, lequel, il est à espérer, ayant écouté l’approbation souveraine se fera un devoir d’y souscrire. »
36 ASF, Presidenza del Buongoverno 364, affaire 5494, 20 août 1816, demande de création et projet de statuts, art. 6,7, 8.
37 Il s’agit de Pietro Parenti, de l’avocat Antonio Giuseppe Mochi, de l’avocat Angelo Santoni, de Carlo Borghini, du docteur Giuseppe Vivoli, du prêtre Giovacchino Medici, curé de San Giovanni Battista, et de l’avocat Giuseppe Paffetti Pepi.
38 Piombanti 1903, p. 132. Une des bibliothèques est destinée uniquement au prêt et comporte des périodiques en langues française, anglaise et allemande.
39 ASF, Presidenza del Buongoverno 364, affaire 5494, 20 août 1816, demande de création et projet de statuts, art. 2.
40 Le renforcement concomitant des identités locale et nationale a été mis en évidence pour Lyon au XIXe siècle : cf. Saunier 1995.
41 Vivoli, t. 3 et t. 4, 1846 et 1856.
42 Statuti della Accademia del Casino di Livorno deliberati dagli azionisti nell’adunanza generale del 7 aprile 1838 e approvati da S. A. I e R., Livourne, 1838, Préambule.
43 ASF, Presidenza del Buongoverno 3195, affaire 862, Lettre du commissaire de l’intérieur au gouverneur de Livourne, 15 mai 1837.
44 ASL, Comunità 1558, Dazzaiolo della tassa di famiglia per l’anno 1839.
45 Fettah 1997, p. 127-129 et p. 156-159.
46 Corbin, « Du loisir cultivé à la classe de loisir », dans Id. 1995, p. 56-59 ; Daumard 1983.
47 Cf. Bec, Duprat, Luc, Petit 1994 ; sur le cas français, cf. Procacci 1993 ; sur l’importance que les libéraux lombards de la Restauration et du Risorgimento accordent à la philanthropie, cf. Greenfield 1964.
48 LoRomer 1987, p. 180.
49 Ibid., p. 176-177. En 1823, dans l’ensemble du grand-duché, on compte déjà trente-deux écoles de ce type.
50 Ibid., p. 181. Plus de cinq cent enfants de Livourne suivent alors cette forme d’instruction.
51 Rapporto sugli Asili Infantili di Carità per le Femmine, Livourne, 1834. selon un schéma que l’on retrouve dans la plupart des processus de fondation du temps, le rassemblement des épouses de l’élite éclairée se fait sous l’égide d’un intellectuel local, ici Enrico Mayer.
52 Adobbatti 1993, p. 380.
53 Pera 1895, p. 347-348 ; Cozzi, Nuti, Zangheri 1992, p. 89.
54 Regolamento delle società dei padri di famiglia in Livorno, Livourne, 1840, « Dispozioni generali ». Pour l’enseignement professionnel, les années françaises ont un rôle pionnier : c’est en effet en 1812 qu’est institué à Livourne une école de mathématiques et nautique. Cf. Piombanti 1903, p. 255.
55 Regolamento…, op. cit., « Disposizioni generali ».
56 Ibid., art. 7, « Della organizzazione della società ».
57 LoRomer 1987, p. 182.
58 Fettah 1997, p. 159-161.
59 ASF, Presidenza del Buongoverno 3195, Affaire 862, Progetto di Statuti e elenco dei sottoscrittori al progetto definitivo del Casino del Commercio, 1837.
60 En 1842, Paolina Larderel est présidente des asiles infantiles de charité destinés féminins et Luisa Dalgas intendante. Parmi les autres femmes de la bonne société livournaise présente dans la direction, on trouve Enrichetta Grabau, Giovanna Senn et Costanza Fernandez, toutes femmes de grands négociants de la chambre, mais aussi une femme de riche rentier local, Atenaide Gamba, et Clementina Cantini, femme du directeur des douanes locales. Cf. Guida civile e commerciale, 1843.
61 L’article 2 des statuts spécifie que l’instruction religieuse est donnée uniquement aux élèves catholiques par des ecclésiastiques spécialement désignés à cet effet par l’évêque.
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Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002