Chapitre 1. Ériger et constituer la basilique
p. 19-57
Texte intégral
Il est faux que j’aie détruit [la basilique Saint-Pierre], ce sont les fabriciens qui l’ont fait, sur l’ordre du pape Jules.
Falsum istud utique : neque enim everti ego. Verum iussi Iulii, evertere operarii.
Bramante répondant à saint Pierre dans le dialogue satyrique Le Singe d’Andrea Guarna (1534)
L’instauration de la basilique (1506-1523)
1Le 18 avril 1506, le pape Jules II, alors âgé de soixante-trois ans, posa la première pierre de l’un des quatre piliers destinés à soutenir un jour une vaste coupole, prête à rivaliser avec celle du Panthéon. Un nouveau chantier était ouvert à l’arrière de l’ancienne basilique, à quelques pas du chevet qui sombrait doucement vers la ruine. Ces fondations portaient un projet fragile qui peina à recueillir le soutien de la Curie et du public ; fragile, il l’était aussi dans sa structure. Le pape ne pouvait espérer l’achever dans les années désormais comptées d’un pontificat commencé à un âge avancé : la réalisation de l’édifice résulterait inévitablement d’une succession de modifications et d’évolutions. Il fallut en fait compter plus d’un siècle pour y parvenir ; un empilement de personnalités artistiques aux désirs parfois contradictoires. L’idéal albertien enjoignant l’architecte « de ne rien accepter dont l’exécution inachevée ne [le] fasse trahir [ses] propres exigences »1 se trouvait alors aboli. Cette critique à peine voilée, que Leon Battista Alberti avait formulée à l’égard des travaux entrepris par Nicolas V, était ignorée : on s’engageait à nouveau dans un chantier dont le rythme s’apparenterait à celui des cathédrales du Moyen Âge, avec leur démesure mais aussi avec tous les risques que les ruptures impliquaient.
2Et il en serait ainsi. L’acte de naissance marquait aussi la maladie à venir. Dès 1507, on constatait une importante fissure2. Tout au long du XVIe siècle, une série d’interventions renforcèrent les piles et leurs fondations3. Le premier pilier, situé au sud-ouest de la future croisée du transept, se révéla pour les siècles suivants sinon le plus faible des quatre, du moins celui qui présentait un grand nombre de lésions visibles et attirait le regard des observateurs. Il fut consacré en 1606 par Paul V pour recevoir le suaire de Véronique, l’une des plus importantes reliques de la basilique, ce qui ne manqua pas d’accroître l’attention qu’on lui accordait.
3Les travaux engagés en 1452 par Nicolas V – le pape qui avait retenu à Rome les maîtres toscans Fra Angelico et Benozzo Gozzoli, celui qui avait attiré en son giron les esprits si critiques de Leon Battista Alberti et Lorenzo Valla – avaient principalement visé à étendre le chœur de l’ancienne basilique, à élargir les bras du transept et surtout à créer une abside beaucoup plus saillante, capable d’accueillir un personnel curial abondant, clairement séparé de la nef de l’église. Ce nouveau chœur devait s’imbriquer dans le corps de l’ancienne basilique. Le toit de la nef avait été restauré peu de temps auparavant, à l’occasion du Jubilé de 1425, mais cela n’empêcha pas le pape d’entreprendre une reconstruction générale. À en croire Giannozzo Manetti, son exégète : « Nicolas avait décidé de la renouveler avec magnificence, depuis les fondations jusqu’au toit »4. C’est lui qui assigne ces travaux à Bernardo Rossellino, alors ingénieur du Palais5. Dans une autre biographie du Pontife, dont la rédaction est attribuée à Poggio Bracciolini, on lit aussi le souhait de « reconstruire la nef, au-dessus de l’autel de Saint-Pierre ». Plus étonnamment, il est fait état de la volonté de « de réduire l’élévation [de l’église] dans la forme des thermes de Dioclétien »6. Il n’est point ici question de coupole, mais d’une voûte. Alors que Poggio présente les autres travaux du pape comme des constructions (palais de Sainte-Marie-Majeure), des agrandissements (Palais du Latran et du Vatican), des « restaurations depuis les fondations » (Saint-Etienne-le-Rond), il décrit les projets de Nicolas V pour Saint-Pierre comme la restauration d’un état que la basilique et son site ne connurent pourtant jamais. Il s’agit alors plutôt d’évoquer une réduction conceptuelle qu’une restauration effective. La démarche renvoie certes à la singulière christianisation des édifices antiques, mais elle confère surtout un caractère transversal, temporel et topographique au nouveau Saint-Pierre.
4Dans un tout autre esprit, accordant à la réputation de l’architecte une importance de premier ordre, Jules II reprit les travaux. Il les confiait à Donato Bramante, un homme de sa génération et de sa confiance, auquel il assignait la tâche de donner à la ville et à la basilique Saint-Pierre un nouveau visage. D’abord en 1505, avec la construction de la cour du Belvédère qui, en reliant différentes constructions des palais vaticans, donnait à une accumulation dispersée de bâtiments une apparence urbaine et organique. Puis, ne se satisfaisant pas de l’immense chantier lancé sur le Mont Vatican, Jules II envoya Bramante en 1508 imprimer sa marque sur la ville elle-même, avec la percée de la via Giulia, fournissant un accès prestigieux et moderne à la colline vaticane jusqu’alors isolée sur la rive ouest du Tibre.
5Le projet poursuivait la tradition inaugurée par Nicolas V et inscrivait en partie le nouveau transept dans les fondations que ce dernier avait creusées. Pour sa part, Jules II y voyait volontiers l’emplacement idéal du mausolée qu’il avait commandé à Michel-Ange et qui, après d’interminables conflits, serait relégué dans la basilique d’origine paléochrétienne de Saint-Pierre-aux-Liens. Mais cette perspective ne résolvait pas la question du lien entre la nouvelle construction et la basilique constantinienne ; elle limitait surtout toute évolution d’envergure. Les dessins de Bramante, de son assistant Antonio da Sangallo le Jeune et de leur entourage, en particulier ceux conservés à Florence, témoignent d’un projet de plus grande ampleur. Ils envisagent tous une vaste coupole sur tambour dont l’extension était déterminée par l’emplacement au sol de quatre piliers. À l’évidence, les deux regardant vers l’est débordaient sur la croisée du transept et le début de la nef de l’ancienne basilique. Ces dessins, qui présentent une variété de solutions, font de nos jours l’objet de débats infinis pour déterminer si le projet bramantien consistait en une croix latine, une croix grecque ou encore une croix de Jérusalem, c’est-à-dire un plan centré de type rayonnant évoquant le blason du royaume croisé de Jérusalem, avec ses quatre petites croix enchâssées dans les bras d’une plus grande7. Ces différentes options correspondent naturellement à des choix esthétiques mais elles sont également liées à des débats liturgiques dont on connaît encore mal le contexte. Sans pouvoir résoudre les intentions de Bramante, il apparaît cependant clairement que toutes les options conduiraient à une destruction au moins partielle de l’ancienne basilique, ce qui eut lieu. Malgré les difficultés et les interrogations entourant encore la genèse de ce projet donc, on peut établir que certains des plans étant autonomes, ils peuvent être vus comme des plans centrés, alors que d’autres, évoquant un raccord avec l’existant, la nef constantinienne, forment alors une croix latine. Mais, à la vérité, ni les uns ni les autres ne préjugent de la suite des travaux et ils ne permettent pas de déterminer si le nouvel édifice devait se substituer à l’ancien ou s’il devait le compléter. Ils reflètent l’ambiguïté que Jules II lui-même cultiva dans les mots.
6La bulle promulguée en 1510 constitue le premier règlement législatif dessinant les contours de la fabrique, la structure administrative, un dicastère dans le vocabulaire ecclésiastique, qui eut en charge non seulement l’organisation matérielle du chantier de reconstruction et d’embellissement de la nouvelle basilique, mais aussi et surtout son financement8. Dans ce texte, le pape prend acte de la nécessité « de réparer l’église parmi toutes les églises de la ville et du monde, de réédifier les édifices qui lui sont liés et de construire, d’agrandir et même de reconstruire »9.
7Baldassare Castiglione, dans le Courtisan (1513-1518), montre en exemple aux princes italiens les travaux de Jules II dans la ville et dans la basilique afin de « laisser un souvenir de soi à la postérité […] comme faisaient les Romains de l’Antiquité »10. Le volontarisme frappe les esprits mais la mise en œuvre du chantier révolte. Et de nombreuses voix s’élèvent pour contester un projet de destruction/refondation11. Le même Castiglione lança un avertissement au pape Léon X. Dans sa célèbre lettre, il dénonça « ces papes […] qui se sont employés à ruiner les temples anciens, les statues, les arcs et autres édifices glorieux ! »12. Dans l’imaginaire des hommes du temps, l’instance de destruction n’apparaissait cependant pas si clairement, la responsabilité en était attribuée tantôt à Jules, tantôt à Bramante. Le pape était perçu comme une fonction éternelle dont l’origine était connue mais dont la fin se transmuterait dans les cieux du Jugement. Pour sa part, l’intervention architecturale était vue comme une rupture. Andrea Guarna, dans son dialogue satyrique Le Singe (1534), mettait en scène saint Pierre interrogeant Bramante : « Pourquoi as-tu rasé mon temple de Rome qui, par son ancienneté, attirait à Dieu les mécréants ? »13.
8Il fallait résoudre cette difficulté liée à la temporalité. Dans la médaille commémorative gravée par l’orfèvre Cristoforo Caradosso l’année de la fondation, on lit l’inscription suivante : Templi petri instauratio, et dans l’exergue Vaticanus M. Les travaux engagés ne sont pas présentés comme une nouvelle basilique mais plutôt comme une synthèse d’innovation et de préservation14. Le terme d’instauratio possède en effet le sens d’une reconstruction, d’une réparation mais aussi celui d’un renouvellement, d’une continuation. L’instauratio s’accompagne d’une série de modèles antiques aux résonances idéologiques15. Cette continuité, plus conceptuelle que factuelle, était nécessaire pour faire accepter à la Curie les modifications colossales qui s’annonçaient.
9À ce stade, il n’était plus possible d’arrêter l’entreprise et les fondations posées par Bramante marquaient inévitablement la suite des opérations. Lorsque Jules II mourut en 1513, puis son architecte un an plus tard, un projet élaboré conflictuellement semblait toutefois s’évanouir. Conflit entre les deux hommes : celui qui souhaitait édifier son mausolée près de la tombe de l’apôtre Pierre et celui qui envisageait une église complètement nouvelle, avec une coupole sur un plan centré et une ouverture vers une nouvelle place au sud, du côté où se trouvait alors l’obélisque16. Conflit avec la Curie, dépossédée en l’espèce de son primat liturgique et conflit aussi avec le peuple chrétien, saigné aux quatre veines pour un projet lointain et dispendieux. Léon X entretint le même rapport personnel avec le nouvel architecte Raphaël que celui qui avait uni Jules II et Bramante, limitant le conseil à un cercle très restreint. En lui adjoignant Giuliano da Sangallo, concurrent de Bramante par le passé ainsi que Fra Giocondo, que Raphaël regardait comme un octogénaire sage et savant17, on poursuivait dans une voie moyenne, sans véritable choix, complétant le transept méridional, composant un corps à plan centré greffé sur une église halle, élevant le tegurium, une couverture abritant la tombe de l’apôtre. Le chantier respirait alors le poison de l’ennui : Raphaël préférant se consacrer à d’autres tâches pour lesquelles il éprouvait plus de liberté, Giuliano partant pour Florence et Fra Giocondo expirant en 1515.
10Malgré les protestations indignées des premières années, qui avaient concentré leur véhémence sur Bramante, les inévitables destructions se poursuivirent jusqu’au XVIIe siècle. Elles engloutirent progressivement et totalement les restes de la basilique de Constantin dans une nouvelle construction qui n’en conservait ni le plan, ni la forme, ni l’apparence. De l’église paléochrétienne ne resterait qu’une partie des fondations, désormais enfouies dans ce que l’on appela « les grottes », et l’orientation de l’édifice dont la façade s’ouvre vers l’est, tout comme sa grande rivale d’ailleurs, la basilique de Saint-Jean-de-Latran. L’image qui se fixe par la suite est celle d’une refondation, l’instauratio préservant la mémoire d’un édifice inéluctablement disparu mais apparaissant dans une forme plus parfaite : « Comme elle avait été construite par la puissance de Constantin et désormais détruite par une puissance encore plus forte, c’est-à-dire par le temps, [Jules II] décida de la refonder dans une forme plus magnifique que la première »18. Sforza Pallavacino, l’historiographe officiel du concile de Trente au milieu du XVIIe siècle, exprime en des termes d’une limpidité jésuitique les trois notions motrices de la légende de la reconstruction : la basilique est l’expression visible du pouvoir temporel du Pontife, le temps contribue à l’inscrire dans une histoire naturelle en évolution et non en rupture volontaire, le nouvel édifice, par la volonté apostolique, vise à l’excellence architecturale. Il s’agit par conséquent, dans les esprits, d’une refondation et non d’une reconstruction.
11Jules II détenait incontestablement les moyens d’imposer ses choix ; le rapport personnel et particulier qu’il entretenait avec les artistes qui travaillèrent pour lui en témoigne. Mais la question financière restait ouverte, et la prise de décision en la matière dépendait de choix plus largement partagés auxquels le camerlingue, principale figure du gouvernement ecclésiastique, était associé. Pour financer les travaux de la nouvelle basilique, on décida d’organiser une collecte sur le modèle de Nicolas V consacrant les indulgences du Jubilé de 1450 aux travaux du Latran. Mais il était impossible de se contenter d’attendre chaque fois que 25 ans se fussent écoulés avant de voir affluer les fonds et d’en limiter la collecte aux pèlerins. Jules II généralisa donc la perception d’une série de contributions spécifiques d’abord à Rome, l’étendit ensuite à l’État ecclésiastique puis enfin assez rapidement à la Chrétienté toute entière. Cette territorialité était justifiée par le caractère catholique, universel de l’église abritant la sépulture de Pierre, le prince des apôtres dont le pape était l’héritier. Elle renforçait son autorité personnelle et, à travers lui, le caractère temporel de l’Église romaine, par contraste avec sa rivale la basilique du Latran qui, même si elle avait également été fondée par Constantin, n’était somme toute que la première des basiliques urbis et orbis. Pour ce faire, il institua dès 1507 un office de commissaire, chargé d’organiser le commerce des indulgences et de recueillir les offrandes spécialement destinées au chantier. Ce personnage, qui parvient à ses fins à travers un réseau européen de commissaires spécialement nommés et rémunérés à la commission, est alors le principal interlocuteur du pape. Parallèlement, la gestion du chantier fut confiée à partir de 1514 à un administrateur privé, extérieur à la Curie et à ses conflits, le banquier Giuliano Leni, chargé de rendre les décisions pontificales effectives, de garantir l’approvisionnement en matériaux et en main d’œuvre. En préférant associer le sort de l’entreprise à sa personne et à sa volonté, et non à la chambre apostolique dans son ensemble, il posait alors les fondements d’un système qui allait au cours des siècles suivants se retourner contre ses intentions et accroître l’autonomie de la fabrique.
12La bulle du début de l’année 1510 ne contient pas de véritable programme de construction, mais se présente plus comme une déclaration d’intentions. Elle ne vise pas davantage à résoudre la question institutionnelle de la prise de décision des partis architecturaux, tant l’entreprise naissante est alors autocratique. Cette loi, au contenu très administratif, entend régler les questions de financement d’un chantier dont personne ne peut alors prédire l’ampleur, la durée et le coût. Pour « présider à ce grand ouvrage et recueillir les donations des fidèles pour une œuvre si pieuse et si louable », elle attribue à la fabrique une série de bénéfices variés et hétérogènes provenant des indulgences, notamment plénières, des suffrages en faveur des âmes du purgatoire, des revenus de dispenses d’âge pour les ordres ecclésiastiques, des dispenses matrimoniales et d’autres sources encore. En généralisant une collecte systématique sur certains revenus, la réglementation instaurait un mode de financement radicalement différent de ce qui avait jusqu’alors prévalu et avait consisté, sur une base volontaire, à accorder des indulgences en remerciement des offrandes faites en faveur de la basilique.
13L’obligation d’offrande au profit de la basilique, une pratique relevant de la dîme et donc de l’impôt, puise son origine dans une décision d’Urbain V en 1370. Les évêques du diocèse suburbicaire de Porto-Santa Rufina furent alors contraints de reverser les dons perçus alors qu’ils officiaient le cérémonial pontifical dans la basilique Saint-Pierre, lors de certaines fêtes, assez nombreuses, notamment durant la semaine des Palmes. Cet argent leur revenait jusqu’à présent, selon un privilège acquis depuis plus de trois siècles. Pour cette raison, Guy de Boulogne, alors titulaire du siège épiscopal, s’empressa à la mort du pape qui suivit la décision de peu de mois, de faire annuler ce qu’il considérait comme une spoliation19. Mais le principe d’une offrande obligatoire en faveur des travaux destinés à l’entretien de la basilique pouvait se prévaloir de fondements historiques.
14Ces financements occasionnels ne pouvaient suffire. Sous Léon X, on passa donc à une série de prélèvements plus systématiques. Il fixa l’obligation de verser 20 % des legs pieux à la fabrique, les legs faits en faveur d’établissements ecclésiastiques et instituts de bienfaisance, qu’ils fussent temporaires c’est-à-dire ponctuels, comme une messe à la mémoire d’un défunt ou perpétuels, contraignant les héritiers à faire dire cette messe chaque année et donc à verser à l’église la même somme annuellement. L’impôt devait être spontanément versé à la fabrique par les héritiers mais, si en l’espace d’une année ayant suivi la mort du testateur, ils ne s’en étaient pas acquittés, la fabrique pouvait procéder à la confiscation pure et simple de l’ensemble de la somme. La collecte spontanée était alors sous un double contrôle : un premier de l’église bénéficiaire, qui avait tout intérêt à faire verser les 20 % d’impôt si elle souhaitait conserver les 80 % de la somme, et un second contrôle, placé sous la vigilance des commissaires de la fabrique, prêts à rappeler au souvenir de la fabrique ceux qui, par négligence ou suite à un accord sur des rétrocommissions, avaient failli à leur devoir. Cette mesure allait successivement être étendue aux legs pieux des vivants, élargissant ainsi considérablement l’assiette de perception. Cet impôt ne ferait que s’étendre : à partir de 1551, Jules III instaurait la perception de 20 % sur tout don en faveur d’un établissement religieux20, et en 1562, Pie IV ouvrait le droit de saisir les legs aux œuvres pieuses et aux pauvres, non exécutés dans l’année suivant la mort du donateur.
15L’activité des commissaires, dispersés dans des territoires aux régimes politiques variés, provoqua en bien des endroits des réactions et parfois des résistances. Pour trancher ces controverses, Jules II instaura un tribunal, organe juridique propre à la fabrique et distinct des autres tribunaux de la Curie. Sa fonction visait à s’assurer que les vœux des donataires décédés fussent exécutés en faveur des œuvres pieuses et que des héritiers négligents ou sans scrupules ne les détournassent pas. Bien rapidement, dès 1523, la compétence de ce tribunal serait considérée comme exclusive sur tous les cas concernant le domaine d’exercice de la fabrique. Il n’y a alors pas de possibilité de faire appel à aucune juridiction supérieure. Afin d’accroître encore son efficacité, on accorda en 1562 la faculté aux délégués de la fabrique de contraindre les notaires d’ouvrir en leur présence les testaments afin de vérifier l’existence d’un legs pieux21. Cette mesure se révéla plus profitable que celle du double contrôle qui prévalait jusqu’alors. Mais elle eut la fâcheuse conséquence de vulgariser la présence de la fabrique dans le plus sinistre des moments de l’existence de chaque chrétien ayant vécu un tant soit peu dans l’opulence, prête à saisir par la force son obole. Le rôle du tribunal fut confirmé et renforcé par tous les pontifes qui suivirent. Au début du XVIIe siècle, afin de renforcer la crédibilité de celui-ci, on décida que les commissaires devaient être soit dans l’état clérical, soit diplômés en droit canon et civil22. Enfin, on confirma plusieurs fois au cours de ce siècle que personne, quel que fût son rang, ne pouvait échapper à la juridiction de la fabrique23.
16Dans ses premières années, la fabrique de Saint-Pierre était principalement un instrument financier, destiné à recueillir des fonds et à organiser leur emploi pour les travaux de reconstruction de la basilique. Cette fonction était renforcée par une institution judiciaire qui lui donnerait progressivement une autonomie significative au sein même de l’appareil de l’État. Les décisions architecturales étaient alors prises dans un dialogue assez direct entre le pontife et son architecte, empêchant une adhésion large au projet. En sa qualité d’institution séparée du pouvoir exécutif, la fabrique était l’héritière des œuvres qui furent créées en Italie au long du XIIIe siècle, chargées des grandes entreprises architecturales publiques et religieuses. Ses caractéristiques révèlent bien des familiarités avec ces institutions, notamment en matière de financement. Si celles-ci ont le plus souvent alimenté leur caisse au moyen de dons spontanés, on observe en bien des cas des réglementations volontaristes allant beaucoup plus loin que l’attribution des legs pieux non exécutés qui revenaient naguère, en fonction de réglementations locales, aux œuvres de construction des cathédrales. À Pérouse, l’œuvre de la Commune, qui réalisa la fontaine d’Arnolfo di Cambio et le palais des Prieurs, contrôlait les travaux publics mais son financement était spécifique et provenait des condamnations prononcées par le capitaine et le podestà ainsi que de prêts que les citoyens les plus fortunés de la ville étaient contraints de lui concéder, à un taux inférieur à celui du marché24. Mais dans certains cas, les faiblesses d’une naissance chétive n’étaient gage que d’une plus grande force à venir. On le voit à Venise avec l’œuvre de Saint-Marc qui, après avoir collecté des rentrées spécifiques à ses débuts comme les héritages en déshérence, devint d’une solidité financière exceptionnelle, plus forte que l’entité locale l’ayant fait naître, au point de jouer le rôle au XIIIe siècle de banque de dépôt municipale pour le paiement de la dette publique25.
17Cette histoire, Jules II la connaissait peut-être. Elle se répéta au XVIIIe siècle pour la fabrique de Saint-Pierre. Une fois les travaux les plus coûteux achevés et le système législatif et administratif de collecte financière assuré, on assista à une confrontation entre l’institution et l’État qui l’avait fait naître. Ce conflit, qui conduirait à une nouvelle réforme en 1752, se déroula alors que la basilique et plus particulièrement la coupole, étaient au centre des préoccupations.
18L’histoire de la fabrique pose le problème de l’articulation des niveaux décisionnels entre le pape, la chambre pontificale et les clercs en charge de son administration et de son fonctionnement. C’est aussi la question des rapports entre l’évêque, le pouvoir communal et le chapitre qui travaillait les œuvres médiévales. Dans certains cas, plus complexes, prenait place un quatrième acteur, cette fois de type entrepreneurial, comme on le voit au XIVe siècle dans l’œuvre de la cathédrale de Florence, où l’Arte della lana complique le jeu et impose sa manière de travailler26. Ce fut aussi un peu le cas dans cette première période de la fabrique, mais le banquier qui tenait les cordons de la bourse serait évincé quelques années après la réforme structurelle qui, conduite Clément VII en 1523, permettrait de relancer enfin avec dynamisme un chantier quelque peu assoupi.
Une fabrique universelle (1523-1589)
19Lorsque Clément VII, alors dynamique quadragénaire, accéda au siège pontifical en 1523, l’architecte de la fabrique était Antonio da Sangallo le Jeune, héritier de Bramante, le seul homme ayant suivi le chantier depuis 1506 et qui allait assurer sa continuité jusqu’à sa mort en 1546, date à laquelle Michel-Ange assuma cette responsabilité. Dans un célèbre document, désigné sous le nom de Memoriale, Antonio da Sangallo avait critiqué le projet de Bramante27. Mais pas seulement. Il demandait « qu’on donnât de la cohésion (chonchordare) au plan qui est difforme ». L’empilement des projets successifs avait provoqué d’importantes disproportions. Ce phénomène ne ferait hélas que s’amplifier. Il soulignait que les projets de « grande tribune », c’est-à-dire de la coupole, « étaient en porte-à-faux (posare in falso) » et qu’il fallait intervenir sur les arcs et les pilastres.
20Les travaux firent sous la direction de San Gallo d’importants progrès, en particulier dans le bras sud du transept. Ils furent cependant brutalement interrompus en 1527, lorsque les troupes de Charles Quint mirent la ville à sac. Après son élection en 1534, Paul III, le pape Farnèse, mit quelque temps avant de s’intéresser à la construction de la basilique. Il ne le fit qu’après avoir confié à l’architecte de la fabrique la construction de la chapelle Pauline pour laquelle il demanderait par la suite à Michel-Ange de réaliser deux fresques. Le pape nomma Baldassare Peruzzi second architecte. Il partageait avec lui une préférence pour un plan centré, contrairement à Sangallo, de longue date acquis à un compromis entre le bâti existant et les aspirations à un renouvellement liturgique. Sangallo présenta son projet pour la coupole en grande pompe, sous la forme d’une immense maquette que chacun pouvait observer, discuter et critiquer. Il construisit également un mur de séparation entre la partie occidentale, en éternel chantier, et la partie orientale, en éternel délabrement. Si cet élément provisoire clarifiait la situation, facilitant les célébrations dans les restes de l’ancienne basilique, il marquait symboliquement mais définitivement la fin d’une possible alliance entre les deux parties. Avec la nomination de Michel-Ange en 1546, une nouvelle période commença. Lui qui avait observé de loin les errances du chantier, proposa une solution, également sous la forme d’une maquette que l’on pouvait donc facilement comparer avec celle de Sangallo. Il révoqua tous ceux qui avaient travaillé pour l’ancien architecte et installa, malgré son grand âge, une équipe renouvelée portant un projet nouveau dont la mise en œuvre allait durer dix-huit ans28. Il conserva pratiquement tout ce que Sangallo avait construit, acheva même la voûte du bras nord. Il renonça cependant à l’idée d’un déambulatoire. À l’intérieur, il s’employa à donner une cohérence lisible aux éléments. À la croisée du transept, on construisit la corniche et l’on prépara les pilastres destinés à l’extérieur du tambour.
21Après deux années d’étude, Michel-Ange réalisa, entre 1558 et 1561, la grande maquette en bois concrétisant ses intentions pour le tambour et la coupole. La direction d’un chantier commencé cinquante-huit ans plus tôt s’interrompit cependant avec la mort du maître en 1564, parvenu à l’âge de quatre-vingt-huit ans. La construction allait se poursuivre, subissant toutefois de notables évolutions. Mais l’image qui resterait aux yeux de tous est celle de la dernière maquette de Michel- Ange, véhiculée dans la gravure d’Étienne Dupérac et dans les images successives. Malgré des modifications techniques et formelles, l’idée des deux coupoles enchâssées surmontées d’un lanternon resterait.
22Le napolitain Pirro Ligorio, antimichelangien notoire, lui succéda et poursuivit l’élévation du tambour, achevant en particulier la pose des voussoirs de l’entablement. Malgré tout, pris dans les fourches caudines du redoutable parti philo-florentin conduit par Vasari, l’architecte napolitain fut accusé de dénaturer le projet de Michel-Ange et rapidement évincé au profit de son second, Giacomo Vignola. Pendant les sept années que dura son office, Vignole fit progresser de nombreuses parties de la basilique mais rien n’avança dans la coupole. Il estimait en effet auparavant nécessaire d’achever les chapelles satellites qui serviraient à la renforcer29. Mais il semble avoir été saisi de quelque hésitation devant un tambour au diamètre si vaste, tant et si bien qu’il préféra consacrer ses dernières années d’activité à la décoration intérieure des chapelles plutôt que de lancer dans les airs une entreprise si périlleuse.
23L’achèvement de la coupole devait encore attendre. Giacomo della Porta fut nommé en 1574 alors qu’il travaillait à l’édification de la coupole du Gesù, démontrant par cet exercice posséder toutes les qualités requises. Mais Grégoire XIII, occupé par ailleurs à refinancer la fabrique, préféra lancer à Saint-Pierre des chantiers plus modestes, comme la chapelle située au nord-est de la croisée du transept et qui porte aujourd’hui son nom. La grande coupole restait au point mort. En 1585, Sixte Quint ayant été élevé au siège pontifical, il lui fit s’adjoindre un compatriote tessinois, Domenico Fontana, son protégé depuis une quinzaine d’années déjà. Fontana réalisa l’année suivante le transport de l’obélisque sur la place à l’est de la basilique, mettant devant les yeux de tous son habileté d’ingénieur et sa maîtrise de la statique ; un préalable nécessaire à l’aventure de la grande coupole30. La décision fut prise et exécutée d’abattre le chœur de Bramante ; une page était définitivement tournée et le nouvel édifice, encore orphelin de la coupole, commençait à se profiler dans sa cohérence. Les compétences des deux hommes étant désormais réunies pour lancer le défi technique longtemps procrastiné : l’achèvement de la coupole se trouvait désormais au centre des multiples entreprises artistiques de Sixte Quint et le chantier repartit dès l’été 1588. Mais il fallut une nouvelle réforme institutionnelle bouleversant l’organisation de la fabrique pour y parvenir. Elle fut promulguée au début de l’année suivante et permit d’achever enfin la coupole en moins de deux ans.
24La période qui court de 1523 à 1589 vit, malgré bien des interruptions, la conclusion d’une partie importante des travaux de construction du chœur de Saint-Pierre, noyau initial de sa refondation. Elle avait été régie sous un régime administratif spécifique accordant une très large autonomie à la fabrique. Une autonomie de décision qui allait de pair avec une autonomie financière, permettant de dissocier prudemment les finances du chantier de celles de la Chambre apostolique. Des coûts imprévisibles s’annonçaient en effet. Pour cette raison, les pontifes s’employèrent à doter l’institution d’une multitude de sources de financements propres, petits et grands, afin de préserver autant qu’il fût possible, les finances de l’Église.
25Après la gestion très personnelle du chantier que les papes Jules II et Léon X avaient conduite, imposant leurs choix à la Curie même lorsque ceux-ci relevaient de questions liturgiques importantes et controversées, Clément VII chercha à asseoir le projet sur des bases plus solides et mieux partagées. Pensons simplement qu’à cette date, la question de la primauté de la basilique vaticane parmi les quatre basiliques patriarcales continuait à être régulièrement discutée : en 1523, Clément VIII réaffirma cette primauté face au Latran et en 1542, Paul III dut encore se justifier à l’égard de Sainte-Marie-Majeure soulignant que le clergé de Saint-Pierre n’était pas inférieur à celui de la basilique perchée sur l’Esquilin31. La basilique de Pierre méritait donc ces efforts. Les partis architecturaux mis en œuvre jusqu’alors s’engageaient dans la démesure et une certaine collégialité de décision, si elle ne pouvait en garantir le succès, était du moins de nature à rassurer. Parallèlement, il ne serait pas possible de récolter les immenses sommes nécessaires si la reconstruction ne rencontrait pas une large adhésion.
26Clément VII s’efforça à donner un caractère plus catholique – dans le sens d’universel – à l’entreprise : « étant donné que ce sacré et sublime temple de saint Pierre n’est pas le nôtre ni celui de personne en particulier mais celui de toutes les nations chrétiennes en commun »32. Une commission de soixante curiaux fut créée, le « Collège des LX ». Ses membres devaient représenter un certain nombre de nationalités. Cette règle permettait de contrebalancer l’influence du chapitre de Saint-Pierre qui, dans les vingt premières années du siècle, s’était opposé aux nouveaux projets, en particulier à une construction de plan centré, notamment pour des raisons liturgiques. Le chapitre était pour sa part massivement, sinon en totalité, composé d’Italiens. Si quelques Français et quelques éphémères Espagnols avaient été placés à sa tête à la fin du Moyen Âge, la responsabilité de l’institution resta entièrement réservée à des Italiens pour la période qui court de la décision de reconstruire la basilique en 1506 jusqu’à la nomination de Henry Benedict Stuart en 1751, neveu du roi catholique Jacques II d’Angleterre mais natif du sol romain.
27La composition du chapitre n’était guère plus internationale. Parmi les trente membres du clergé de Saint-Pierre qui composent le premier cercle, on compta quelques personnalités étrangères, comme Lucas Holstenius, l’humaniste originaire de Hambourg qui légua quantité de notes d’érudition à la Bibliothèque vaticane dont il avait été surintendant, ou le cardinal français Matthieu Cointrel, devenu posthumément célèbre grâce au Caravage qui décora sa chapelle à Saint-Louis. Cependant, les étrangers en trois siècles excédèrent à peine la dizaine33. Le chapitre, outre qu’il avait créé nombre de contrariétés à Jules II, n’était donc pas d’une grande utilité pour rendre le projet de reconstruction plus international. Les tentatives pour influencer la fabrique ne manquèrent naturellement pas, comme en 1566, lorsque le cardinal Alexandre Farnèse, petit-fils de Paul III, archiprêtre de la basilique, soutiendrait vivement la candidature de Vignole à la charge d’architecte de la fabrique. Mais institutionnellement, suite à la réforme voulue par Clément VII, le chapitre n’y avait aucune légitimité.
28Le Collège des LX était donc autonome du chapitre, mais composé de membres, appelés ministres ou députés, nommés par le pape et placés sous son autorité et sa protection. Par « fabriciens », on entend plus généralement les membres de ce conseil mais aussi tous ceux qui travaillent pour la fabrique. Outre les inévitables nominations pour raisons diplomatiques et politiques, on chercha à composer le Collège de quelques personnes de qualité. Alors qu’il parvint au siège pontifical en 1534, le pape Paul III, sentinelle du népotisme et gardien des intérêts de la famille Farnèse, s’empressa d’y nommer l’humaniste Paolo Giovio34. Le collège dominait les questions architecturales et l’organisation technique du chantier. Dans le même temps, il avait pleins pouvoirs sur les modes de financement qui lui avaient été conférés, contrôlait par conséquent directement le tribunal et, à travers lui, le réseau des commissaires. Cette réforme institutionelle visait aussi à remédier aux abus commis par certains de ces derniers ayant eu la fâcheuse tendance à tisser des liens privilégiés avec le conseil restreint qui dirigeait l’institution auparavant. Les charges préexistantes furent abolies au profit d’un petit conseil d’officiels, nommés pour une période déterminée.
29Au fil des biographies, Vasari fournit un récit de la construction de Saint-Pierre qui a longtemps prévalu comme récit de la refondation. Si aujourd’hui plusieurs de ses jugements sont remis en question en raison du parti pris florentin qui influença sa lecture des événements, il est intéressant de noter que la fabrique comme instance collective ne fait son apparition dans son discours qu’au moment de la maquette réalisée par Antonio Labacco pour Sangallo35. Nous sommes donc entre 1539 et 1545, après la réforme introduisant le puissant Collège des LX. Avant cela, Vasari ne connaît qu’une seule instance décisionnelle, la figure du pape.
30La large autonomie conférée à l’institution fut à son tour source de conflit, en particulier lorsque Paul III hérita des structures mises en place par Clément VII. Selon Vasari encore, à la mort de Sangallo, les députés de la fabrique avaient pensé engager Giulio Romano, ce qui allait à l’encontre des intentions du pape qui avait décidé personnellement d’engager Michel-Ange36. La nature se chargea en quelque sorte de résoudre le conflit puisque le candidat envisagé mourut la même année, ne laissant contre Michel-Ange que quelques figures de second rang comme Nanni di Bacio Bigio, un des anciens collaborateurs de Sangallo.
31Les difficultés que Michel-Ange rencontra avec la fabrique naissaient en partie de cette conviction que sa nomination avait été personnelle. Il connaissait le chantier de la construction depuis ses débuts et avait observé le rapport personnel que les architectes entretenaient avec le pape. Parvenu à un âge avancé, à un niveau de reconnaissance et d’admiration universel, il lui était difficile de composer avec une instance collective qui s’immisçait en qualité de commanditaire. Vasari relate qu’un jour, le Collège étant réuni sous la présidence du pape, Michel-Ange, souhaitant répondre aux critiques collectives qui lui étaient adressées, demanda à ce dernier : « J’aimerais entendre ces députés s’exprimer ! ». Et le cardinal Cervini, celui qui une fois devenu pape avait souhaité instaurer une si radicale cure de moralité et de dépenses à l’Église qu’il ne survivrait que trois semaines à son office, lui répondit : « mais les députés, c’est nous ! ». Et la suite du dialogue s’enflamma, Michel-Ange rêvant toujours de la fabrique des premières années, où elle se contentait de gérer les fonds et d’appliquer les décisions architecturales arrêtées par le pape et son architecte37. Les échanges entre Michel-Ange et les fabriciens sont, depuis, devenus légendaires38. La force acquise par la fabrique à la suite de cette réforme était telle qu’en 1547, Paul III dut réaffirmer le rôle de l’architecte et, en 1549, en vint à publier un bref pour enjoindre les députés à suivre les décisions de Michel-Ange.
32Quoi qu’il en soit, pour mener à bien ces travaux, il fallait trouver des finances. L’attirail hétérogène d’attributions accordées par les premiers papes ne pouvait y suffire. Et l’archiconfrérie laïque destinée à la collecte de fonds, créée par Paul III, ne pouvait, sur une base volontaire, espérer compléter les budgets39. D’autant que bientôt, la source de revenus que représentait la vente des indulgences allait se tarir.
33En effet, on le sait, les indulgences révoltaient les communautés du nord de l’Europe sur leur principe et leur fonctionnement. On s’interrogeait également sur leur destination, en faveur de la basilique Saint-Pierre comme lieu de culte privilégié. Les protestants émirent des doutes sur la présence même de Pierre dans la ville de Rome. Par-là, ils contestaient non seulement l’autorité spirituelle et institutionnelle du Saint Père, mais aussi le Saint Siège dans sa réalité physique et sa position géographique40. Il n’y avait qu’un pas à franchir et Martin Luther suggéra que, si le pape avait su le mal auquel les indulgences avaient conduit, il « aurait préféré laisser [la basilique] aller en cendre plutôt que de l’édifier avec la chair et les os de ses brebis » : c’est la cinquantième des fameuses thèses proclamées publiquement à Wittemberg en 1517.
34Cette interprétation ayant connu le succès qu’on sait, les privilèges accordés à la fabrique furent discutés lors d’une des sessions du concile de Trente en 156241. Ce ne sont pas seulement les malversations occasionnellement commises par les commissaires qui étaient en jeu, mais un système dans son ensemble, composé d’un empilement de commissions légales et de rétrocommissions obscures. Les décisions qui suivirent le concile touchèrent par conséquent gravement les finances de la fabrique. Les ventes d’indulgences furent abolies dans leur forme la plus mercantile par Pie IV et Pie V42. Il en fut de même pour l’application des biens spirituels aux défunts, comme les messes de suffrage des âmes du Purgatoire43. Ces décisions étaient vraisemblablement nécessaires. Pallavacino, avec le recul d’un siècle, en vient à penser que les indulgences émises par Jules II pour financer la fabrique ont coûté à l’Eglise des millions d’âmes : « cet édifice matériel de Saint-Pierre a ruiné en grande partie son édifice spirituel »44.
35Le décret promulgué en 1564 par Pie IV et venant conclure les travaux du concile, se garde bien de faire référence à la fabrique de Saint-Pierre. Il suggère cependant à plusieurs reprises la possibilité, dans des situations juridiques de second ordre, de reverser à la fabrique de « quelque église que ce soit »45 l’argent indignement ou illégalement perçu. En généralisant la pratique au profit des communautés locales, en redonnant toute son actualité à une tradition remontant au Moyen Âge que l’extension des pouvoirs de la fabrique de Saint-Pierre avait eu tendance à confisquer à son profit, on tenta de faire oublier quelque peu un demi-siècle d’abus trop visibles en faveur d’un intérêt particulier.
36Une véritable source de financement allait être trouvée dans la réactivation des bulles de la croisade, en particulier de la croisade espagnole. Dans le contexte des relations difficiles que le pape entretenait avec l’Empereur Charles Quint et qui avait conduit au désastre du sac de la ville en 1527, ce n’était pas un moindre paradoxe. Après avoir été présente sur différents fronts, d’abord architectural puis fiscal et juridique, la fabrique se trouvait au cœur d’une autre activité, diplomatique cette fois. De longues négociations portèrent à un compromis. En 1537, Paul III concéda aux Espagnols la bulle de la Croisade, leur assurant un financement pour lutter contre les Ottomans en Autriche mais surtout en Afrique du Nord et en Méditerranée orientale46. La dîme était prélevée sur le clergé de l’Empire. Mais cette nouvelle source de revenus devait s’accompagner du reversement annuel d’une copieuse partie de la somme au profit de la fabrique ; ce privilège était renouvelable par période de six ans. En échange, la fabrique renonçait à exercer ses prérogatives sur les territoires sous domination espagnole. Certains soutiennent que cette source a représenté, pour la période concernée, plus de deux tiers du financement de la fabrique et placerait donc l’Espagne (et les territoires italiens sous sa domination) comme principaux contributeur de la basilique47. Il n’en alla pas de même pour le Portugal, du moins avant son annexion par les Habsbourg en 1580. En 1545, le roi Jean III faisait savoir au secrétaire de la fabrique qu’« il ne voulait rien savoir des prérogatives de la fabrique parce que le Portugal est pauvre et qu’il a tant d’ennemis à surveiller »48.
37Après des débuts difficiles – la guerre entre Charles Quint et François Ier concentrant les ressources espagnoles sur d’autres fronts- la taxe sur la Croisade espagnole fut versée régulièrement, à l’exception de la brève période de la guerre du sel (1556-57), provoquée par la décision de l’État ecclésiastique de doubler la taxe sur l’importation du sel en provenance du sud de la péninsule.
38Devant faire face aux manques provoqués par la réforme des indulgences et à d’autres encore, Pie IV profita de la pression que les Ottomans exerçaient en Méditerranée dans les années 1560 sur les armées de Philippe II pour soumettre le renouvellement de la bulle à une renégociation des conditions en sa faveur. Mais la taxe perçue sur la « prédication de la Croisade », pour reprendre le nom que portait cette collecte fiscale, fut régulièrement renouvelée, tant elle était essentielle pour la fabrique. Ainsi, le financement de la construction s’insérait dans une politique plus vaste, proclamée par Pie IV, se traduisant par la possibilité d’exercer un impôt temporel sur les biens mobiliers et immobiliers des institutions ecclésiastiques pour « l’expédition contre les Turcs, pour la fabrique de la basilique du Prince des apôtres, ou pour toute autre cause urgente »49. L’idée qui liait le sort de la basilique à la lutte contre les Infidèles, mise en œuvre par Paul III pour des raisons tactiques, était entérinée.
L’achèvement des travaux, la nécessité des certitudes (1589-1626)
39Les difficultés n’étaient pas seulement d’ordre financier. Pour achever la basilique, il fallut une nouvelle réforme institutionnelle, mettant cette fois fin à la séparation des intérêts de la fabrique et du chapitre. Cette réforme fut conduite par Sixte Quint en 1589, alors que l’on édifiait finalement la coupole. Ces travaux durèrent de 1588 à 1590, deux ans seulement, un temps record, surtout au regard de la durée de l’ensemble du chantier. Si on la compare au projet de Michel-Ange, la coupole était désormais plus élancée, ses côtes plus effilées, les pilastres plus étroits et l’entablement plus élaboré50. Della Porta abandonna la forme hémisphérique pour la remplacer par un profil plus ovale. Surtout, les reins des calottes furent considérablement renforcés et étaient solidaires sur une hauteur de trois fois celle prévue par Michel-Ange. Si les deux coupoles sont de hauteur comparable, la taille du lanternon a été considérablement réduite par Della Porta, allégeant le poids supporté par la structure et sa forme complétement redessinée.
40On travailla à l’édification du lanternon dès l’automne 1590 mais, après la mort de Sixte Quint, les travaux se trouvèrent quelque peu ralentis. On prépara la sphère de bronze, d’un poids de près de deux tonnes, surmontée encore d’une croix. Parallèlement, on mettait en place les plaques de plomb sur les voiles de la coupole, un complément d’étanchéité déjà envisagé par Michel-Ange, qui allait ajouter un poids d’environ 170 tonnes sur l’édifice51. À l’automne 1593, tout était enfin achevé.
41Dans la coupole réalisée, la calotte externe est deux fois moins épaisse que la calotte interne, alors que Michel-Ange envisageait un rapport d’un cinquième52. Cette différence induit une conséquence technique importante. Si dans le projet de Michel-Ange, le lanternon reposait verticalement sur la calotte externe avant de trouver un second appui, mais toujours vertical, sur la calotte interne, dans celui de Della Porta, le lanternon repose en premier verticalement sur la calotte interne et se trouve soutenu horizontalement par la calotte externe. Une importante structure métallique fut insérée dans la maçonnerie afin de renforcer la stabilité de l’édifice53. Elle est composée de cinq cercles et de deux séries de plates-bandes métalliques. Très vite, on prit conscience de la faiblesse de cette structure et, dix ans à peine après l’achèvement de la coupole, on constata d’importantes fissures à la colonnade du tambour, tant et si bien qu’en 1602 on renforca déjà le fer destiné au chaînage54. On constata également un affaissement du pilier de Véronique et Della Porta dut renforcer ses fondations55.
42L’achèvement de la coupole avait un caractère conclusif, même si en réalité, il restait beaucoup à faire pour la nef de la basilique, l’autre moitié de l’église. Pour marquer cette étape, Della Porta fit graver sur le pavement de la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs le profil de la coupole vaticane, la calotte interne et celle externe56. Après cela, plus personne ne contesterait la primauté de la basilique Saint-Pierre sur les trois autres basiliques patriarcales.
43À la mort de Della Porta en 1602, il était impossible de nier la cohérence donnée au nouvel édifice : le couvrement était achevé, la décoration intérieure et le pavement harmonisés, le tegurium de Bramante couvrant l’autel avait été démantelé une dizaine d’années plus tôt, le corps désobstrué sauf, bien entendu, du côté du mur Farnèse.
44Plusieurs membres de la Curie, en particulier l’influent cardinal Baronio, s’opposaient à la destruction des restes de l’ancienne basilique, pourtant laissés à l’abandon. À cette occasion, le débat fondateur sur le choix du plan de la basilique resurgit. Le plan centré, propre aux projets de Bramante et de Michel-Ange, était à nouveau contesté pour son caractère païen et humaniste alors que le plan basilical ou son évolution historique, le plan à croix latine, étaient considérés comme une simplicité s’imposant au regard de l’expérience de l’Église primitive57. Vers 1605, un compromis rhétorique sembla s’établir : on conserverait le caractère centré que Michel-Ange avait donné au nouvel édifice mais, en étendant le bras vers l’est, celui-ci deviendrait le chœur d’une église en croix latine. Carlo Maderno, devenu l’architecte de la fabrique depuis la mort de della Porta, fut chargé des travaux, malgré d’autres propositions venues d’architectes importants. Paul V lui demanda donc de construire une nouvelle façade flanquée de deux tours, sorte de portique en avant de la basilique ancienne. Les travaux se déroulèrent dans des conditions difficiles, le terrain s’avérant particulièrement inadapté. C’est à cette occasion qu’on découvrit que des rivières souterraines « dans lesquelles on pouvait naviguer avec une barque » passaient sous les fondations et que « dans l’Antiquité, une vallée » se trouvait en ce lieu58. Après avoir édifié le portique, la question de la prolongation de la nouvelle basilique se posait désormais en termes essentiellement techniques. On accéléra donc la destruction des restes de la basilique constantinienne pour creuser les fondations d’une nouvelle nef reliant la nouvelle façade et le chœur de l’église. Cette destruction avait été auparavant décidée par la fabrique dans un contexte polémique, tenant cette fois plutôt à la préservation de l’intégrité de projet de Michel-Ange. Comme si le mur Farnèse avait protégé le plan centré de toute expansion vers l’est, une hypertrophie qui aurait provoqué un déséquilibre des quatre bras. Le mur fut abattu en 1615, la destruction totale était désormais irréversible. Le seul souvenir visible de l’ancienne basilique se trouverait désormais dans les colonnes réemployées pour la nouvelle59.
45La basilique fut enfin consacrée par Urbain VIII, le 18 novembre 1626, date à laquelle, selon la tradition, Sylvestre Ier avait consacré la basilique ancienne au IVe siècle. La refondation annoncée par Jules II 120 ans plus tôt s’achevait donc. Mais contrairement aux annonces rassurantes qui avaient alors été faites et répétées à de nombreuses reprises, c’était une basilique entièrement neuve et moderne qui s’élevait désormais sur le Mont Vatican. Elle reprenait le site de la basilique constantinienne comme celle-ci avait repris le site du cirque de Néron dont on s’était bien gardé de préserver le souvenir. Quant à la coupole, les soucis commençaient à poindre. Quelques années avant la consécration, en 1622, Maderno avait demandé la création d’un emploi destiné spécifiquement à contrôler les mouvements et les fissures de l’édifice60.
46L’impulsion finale à la construction de la coupole avait été donnée sous Sixte Quint, alors qu’il engageait la fabrique dans une importante réforme institutionnelle destinée à résoudre les conflits, souvent latents, entre la fabrique et le chapitre. Cette rivalité avait fréquemment ralenti les prises de décision et, par conséquent, le chantier. Après plus de soixante années de séparation, l’archiprêtre du chapitre était placé à la tête de la fabrique, les deux charges étant ainsi réunies61. Dans un premier temps, la fabrique resta autonome et ne fut pas intégrée à l’organisation en congrégations voulue par Sixte Quint pour donner à la Chambre une nouvelle efficacité gouvernementale : le pape à sa tête, déléguant l’exécutif à quatorze congrégations réparties par domaines de compétences. Clément VIII chercha à circonscrire encore plus clairement le terrain des affrontements polémiques générés par la fabrique. Le dicastère gérait en effet d’importantes sommes d’argent destinées à la reconstruction de la basilique ; les querelles temporelles et symboliques s’y engouffraient volontiers. Il supprima dans les premières années du XVIIe siècle le Collège des LX, dont nombre de ses membres n’avaient pas manqué de polémiquer voire d’entraver certains travaux ambitieux. Peu après, il conférait à la fabrique le statut de congrégation, la plaçant ainsi au même niveau que les autres ministères, sous la responsabilité directe du Pontife, la privant du régime exceptionnel dont elle avait joui depuis 162662. La fabrique disposait alors d’un organe décisionnel beaucoup plus resserré autour du préfet, composé d’une poignée d’officiels de la Chambre (dont l’auditeur et le trésorier général), du juge et de l’avocat de la fabrique et d’un économe-secrétaire, toujours choisi parmi les prêtres du chapitre : l’importance de cette dernière charge allait progressivement s’accentuer63. À certaines périodes, d’autres prélats venaient s’adjoindre à la congrégation, sans que leur nombre ou leur qualité ait fait l’objet d’un règlement administratif. En outre, la congrégation comprenait parmi ses membres l’architecte, le contrôleur des travaux ou toiseur (alors appelé soprastante) et le commissionnaire (fattore).
47Les dépenses augmentèrent rapidement. En vingt ans, on construisait beaucoup plus que ce qui n’avait été réalisé depuis Jules II : la coupole, la nef et la façade. Les ressources habituelles n’y suffirent guère, même si les revenus de la croisade espagnole entraient régulièrement. Sixte Quint alimenta directement la construction de la coupole avec des fonds de la Trésorerie secrète, sorte de liste civile du pontife. Sous Paul V, le cardinal Palotta qui avait été nommé à la tête du binôme regroupant fabrique et chapitre, se sentit obligé en 1605 de faire un don représentant la moitié des frais prévus pour l’achèvement des travaux64. Mais cela ne suffit guère et Paul V instaura un mode de financement nouveau pour la fabrique : à partir de 1608, donc dès le début des travaux de Maderno, on procéda à l’émission de bons du trésor. Le remboursement de la dette représenta certaines années jusqu’à 40 % du passif de la fabrique. L’institution prit l’habitude de vivre à crédit. Même après les travaux herculéens de Bernin, on empilait les dettes. Après 1655, la fabrique s’engagea dans des opérations financières complexes, saisissant l’occasion du marché pour émettre des bons de caisse destinés à refinancer la dette à meilleur taux, en profitant du prestige dont jouissait le nouvel édifice auprès du public65. Parallèlement, la fabrique réalisa des investissements extérieurs, elle constitua en particulier un important patrimoine immobilier. Ces acquisitions n’apportaient pas la seule satisfaction pécuniaire. La fabrique était par exemple le bailleur des locaux d’institutions prestigieuses, comme ceux de l’Académie de Saint-Luc, étendant son emprise matérielle sur l’activité artistique qui se déroulait en ville66.
La basilique achevée, survient le temps des doutes (1626-1751)
48Urbain VIII, emporté dans le tourbillon de travaux qui changèrent le visage de la ville, souhaita engager un vaste projet d’intégration urbaine de la gigantesque enveloppe enfin réalisée. La primauté revenait alors naturellement à Bernin auquel il accordait ses faveurs. Les intentions du pape Barberini furent en partie menées à terme par son successeur Innocent X. Les travaux visaient une double intégration. Une harmonisation intérieure, en surélevant le pavement de la basilique et en créant un objet de convergence visuelle à travers le fameux baldaquin. Une intégration extérieure, en composant, grâce à la colonnade, un second dispositif perspectif mettant en évidence la coupole et l’obélisque. Si la postérité est toute à la gloire du Bernin, il dut aussi affronter quelques déconvenues à Saint-Pierre depuis son entrée à la fabrique en 1629. À peine quelques années plus tard, un rapport établi en avril 1636 déterminait d’importantes fissures à la base du tambour, causées par un affaissement des piliers de la croisée67. Ce document, mettant gravement en cause Bernin, répondait à une rumeur qui s’était répandue en ville. Son contenu dévoile une certaine préoccupation et l’auteur suggère, par précaution, de transférer la Sainte Face et les autres reliques abritées dans les piliers à Sainte-Marie-du-Peuple. Malgré cet émoi, les conséquences sur l’opinion publique restèrent limitées.
49Mais il y eut une affaire plus grave et plus retentissante. En cherchant à compléter, sur ses propres dessins, les deux tours en façade que Maderno n’avait pu achever, Bernin rencontra en effet quelques obstacles. La construction de la tour sud provoqua rapidement des fissures importantes au centre de la façade. On poursuivit néanmoins la construction de la tour nord, attribuant les problèmes au tassement géostatique. Mais en 1646, l’ordre fut donné de démanteler ces deux constructions, le péril ayant progressé de manière très visible68. Le temps de la gloire semblait éclipsé, commençait celui des soucis.
50En 1680, alors que Bernin s’éteignait doucement, une rumeur se répandit dans la Curie. Elle se nourrissait des conclusions du rapport de 1636 qui, cette fois, étaient rendues publiques. Innocent XI déclara à Giovanni Carlo Vespignani, secrétaire-économe de la fabrique : « notre époque rencontre toutes les calamités. Déjà le palais de la Chancellerie s’effondrait et il nous a fallu le réparer, nous avons aussi cru que la coupole de Saint-Pierre voulait se précipiter à notre époque »69. Le pape confia donc une nouvelle inspection à Giuseppe Paglia, un prêtre dominicain qui avait été l’assistant de Borromini pour la construction du palais de Propaganda Fide et travailla ensuite comme architecte de la Chambre70. Les fissures à la surface interne de la coupole s’étaient élargies et la responsabilité était assignée à Bernin car il avait aménagé des escaliers dans les vides intérieurs des piliers de la croisée. Baldinucci, dans la biographie qu’il lui consacra, prit la défense de Bernin (fig. 1)71. Carlo Fontana, qui veillait à la mémoire du maître, s’empressa lui aussi de dissiper ces médisances. Sous le gouvernement d’Innocent XI, la fabrique était fortement structurée autour de Vespignani. Habituellement critique à l’égard de Bernin, celui-ci changea radicalement d’attitude au moment de sa nomination à ces responsabilités administratives et passa à une intense défense des intérêts de l’institution72. Il créa un emploi de custode della cupola, distinct des deux gardiens de la basilique ; cette nouvelle fonction relevait-elle de la précaution technique ou de la communication rassurante ? Le gardien de la coupole devait-il contrôler l’évolution des dommages ou empêcher les visiteurs inopportuns qui auraient pu divulguer des réalités structurelles inquiétantes ? C’était sûrement un peu les deux73. En soutenant Fontana à s’engager dans la rédaction du Tempio Vaticano, monumental ouvrage qui – pour des raisons éditoriales – ne verrait le jour qu’en 1694, Vespignani construisit un opaque rempart contre toute critique sur d’éventuels défauts de construction.
51Aucune intervention n’ayant été alors conduite, la situation ne pouvait guère s’améliorer. En février 1714, Carlo Fontana, premier conseiller de l’Académie de Saint-Luc, s’éteignait. Une parole se libérait, elle prendrait la voix de Filippo Juvarra. Peu de temps avant son départ pour la cour des Savoie, donc cette même année 1714, le jeune architecte sicilien, ancien collaborateur de Fontana, réalisa une inspection de la coupole. Les conclusions, qu’il transmit à Clément XI, étaient édifiantes : l’édifice présentait des problèmes qui, s’ils n’étaient pas corrigés, pourraient devenir irrémédiables74. En 1742, les craintes resurgirent et s’amplifièrent. Le climat intellectuel était radicalement différent sous le gouvernement de Benoît XIV et nombreux furent ceux qui s’estimaient alors autorisés à émettre leur avis et à polémiquer publiquement. On observa un vent de panique dans le public, sur fond de guerre de succession d’Autriche menaçant d’entraîner les confins de l’État ecclésiastique. La commande d’expertises ne fit qu’amplifier l’inquiétude. Cet épisode fait l’objet du reste de notre ouvrage.
52Ces années furent également marquées par une lente restructuration de la fabrique, à la fois dans son domaine de compétence financier et par conséquent juridique mais aussi dans son activité comme maître d’œuvre. En 1667, les fontaines installées sur la place et l’escalier monumental de la basilique donnaient une touche finale à la somptueuse place créée par la colonnade ovale. Les dépenses les plus importantes touchaient ainsi à leur fin. La fabrique devrait rembourser des dettes de longues années. Les entrées, désormais assises sur des bases solides et juridiques, continuaient à affluer régulièrement. Son budget était l’un des plus importants de l’État. La question se posa donc de réorienter cette source si bien structurée vers d’autres œuvres, moins architecturales cette fois. Déjà en 1660, Alexandre VII commença à freiner : il retira à la fabrique le droit de considérer les dations aux pauvres comme des biens de l’Église et les requalifia en biens aux personnes, échappant ainsi à la compétence et donc à la taxation de la fabrique. Par rapport aux périodes précédentes, les termes étaient alors inversés : la fabrique devenait un organisme dont la puissance financière s’accroissait alors que les objectifs pour lesquels il avait été fondé étaient désormais en grande partie accomplis. En 1715, le pape qui par le passé avait à plusieurs reprises dû puiser dans la liste civile pour renflouer la fabrique, en vint même à lui demander une substantielle aide financière « pour la lutte contre les Turcs »75. La fabrique alimentait les caisses de l’État. Afin de rétablir un équilibre, on considéra à partir de 1733 que tous les biens de la fabrique appartiendraient désormais au Saint Siège.
53Des modifications institutionnelles devaient accompagner cette évolution financière. Au cours du XVIIe siècle, la congrégation était devenue plus souple. Composée d’une dizaine de cardinaux et de quelques membres de droit, elle était divisée en deux sections : la « congrégation générale », constituée de l’ensemble de ses membres et la « congrégation particulière » qui se limitait au préfet, accompagné de trois cardinaux choisis parmi le collège général, plus l’économe-secrétaire et le juge ordinaire. Cette congrégation restreinte avait en charge la gestion administrative et économique au quotidien. Dans le cadre d’une restructuration progressive visant avant tout à déposséder financièrement la fabrique au profit de la Chambre, plusieurs tensions institutionnelles apparurent, notamment aux moments où des efforts particuliers étaient nécessaires. Ce fut le cas notamment en 1742, lorsque les fissures visibles dans la coupole risquaient d’entraîner des dépenses considérables et difficilement prévisibles pour sa restauration et sa consolidation. En effet, des conflits surgirent entre le pape et le préfet de la fabrique Albani. Peut-être était-il aussi plus facile de piloter une congrégation composée d’une quarantaine de membres dans laquelle les cardinaux n’étaient plus majoritaires76. Pour dépasser ces blocages et les éviter à l’avenir, Benoît XIV engagea une prudente réforme de l’institution. Commencée par un recadrage des prérogatives du tribunal de la fabrique77, elle ne pourrait être complète qu’en 1751, à la mort d’Albani.
54À l’occasion de la promulgation de cette réforme, le pape limita les pouvoirs de dépense discrétionnaires du préfet, exigeant l’avis de la « congrégation particulière » pour toutes les sommes importantes78. Il réaffirma également son autorité sur les activités du secrétaire-économe. En complément, il promulgua en 1752 une réforme du chapitre le plaçant sous son autorité directe79. Benoît XIV était lui-même issu du chapitre, et il connaissait parfaitement les manœuvres auxquelles l’association entre chapitre et fabrique avaient conduit. Cette mesure permettrait d’éviter l’avis de la congrégation de la fabrique qui avait servi de prétexte pour ralentir certaines décisions du pape. En compensation, et à titre symbolique, l’autorité de l’archiprêtre in spiritualibus était confirmée et la prééminence de Saint-Pierre sur le Latran réaffirmée, mettant fin à une querelle ayant duré des siècles. La congrégation particulière devenait exclusivement cardinalice.
55Originaire de Bologne, issu de la puissante famille Lambertini, Benoît XIV avait été élu pape en 1740 dans un contexte politique difficile, nourri de tensions nationales au sein du Sacré Collège. Assisté du cardinal Silvio Valenti Gonzaga qu’il choisit comme secrétaire d’État, il s’employa à réduire ces dissensions en signant une série de concordats avec plusieurs nations européennes. Malgré une neutralité proclamée, durant l’année 1742, les armées espagnoles avaient traversé les États du pape pour affronter les Autrichiens au nord. C’est dans ce contexte que la polémique sur la stabilité de la coupole s’enflamma.
56Magnus in folio. Minus in solio l’avait baptisé le Pasquin80. Si Benoît XIV se montra grand dans les écrits, c’est parce qu’il était spécialiste du droit canon, riche d’une longue expérience administrative dans différents dicastères. Il n’en éprouva pas moins quelques difficultés dans les rapports, d’un genre nouveau, qu’il dut entretenir avec l’appareil d’état. Immanquablement, ses nouvelles fonctions conduisirent certains à changer d’attitude à son égard. Et il en éprouva un certain malaise. Il en vint un jour à accuser Aldrovandi, le pro-dataire, d’être « capable de lui faire vendre la coupole de Saint-Pierre à son insu »81.
57Les réformes qu’il entreprit furent importantes. Sur un plan spirituel, en premier lieu. En s’opposant à la division de l’Église, il refusa de prendre parti pour l’une ou l’autre des tendances qui s’affrontaient : son entourage était composé de Jésuites mais aussi de Jansénistes. Il apporta son soutien au controversiste dominicain Daniele Concina qui pourfendait l’un et l’autre parti. Benoît XIV s’impliqua également dans les réformes des rites et s’opposa à la dévotion du sacré cœur, la considérant comme tendanciellement idolâtre, mais soutint le culte de la via crucis qui suggérait une spiritualité de l’imitation. Pour cette raison, il approuva la fondation des Passionistes (1742) et des Rédemptoristes (1749) qui offraient une nouvelle manière de prêcher l’Évangile. Plus fortement encore, son action eut de grandes conséquences sur l’espace accordé à la société civile.
58Dans le domaine culturel, son action fut aussi très importante et s’adressait au public. Au Capitole, il créa progressivement un pôle culturel : extension des collections d’art antique, fondation de la pinacothèque du palais des Conservateurs et instauration par la suite d’une académie du nu masculin – libre et gratuite – où les jeunes artistes pouvaient s’entraîner82.
59Le domaine académique constituait pour Benoît XIV une voie naturelle d’accroissement du savoir. Depuis 1703, il était lui-même membre de l’Académie d’Arcadie, où l’on cultivait le « sublime et le beau », mais aussi la vérité de la connaissance antiquaire s’opposant aux interprétations non historiques83. Cette tradition de débat entre les lettrés, il voulut l’instaurer au sein même de l’État, fédérant et institutionnalisant en partie des initiatives antérieures. Dès son élection, il fonda quatre académies consacrées à différents domaines historiques : les conciles, la liturgie, le siège pontifical romain et la Rome antique84. Composées chacune d’une douzaine de membres, un programme leur suggérait les questions prioritaires à traiter, pour la plupart des problèmes de longue date pris au piège d’interminables controverses enfouies sous des montagnes de légendes85. Giuseppe Bianchini, inspirateur à bien des égards de ces académies, y prit une part très active. Et ce n’était pas un hasard si la muse de ces académies était ce scientifique qui, pour la première fois, avait refait les expériences de Newton sur la réfraction prismatique de la lumière et insufflait aux nouveaux académiciens, quoiqu’avec peine, les bienfaits de l’empirisme dans les travaux scientifiques.
60L’Académie des conciles réunissait des savants aux spécialités très variées comme le libanais Joseph-Simonius Assemani, préfet de la bibliothèque vaticane, Michelangelo Giacomelli, bibliothécaire de Valenti Gonzaga, traducteur de Xénophon mais aussi auteur d’un ouvrage de science politique86, ou le lettré janséniste Giovanni Gaetano Bottari. L’Académie de liturgie était dirigée par Joaquín Portocarrero, premier conseiller de la congrégation des Rites. Le prélat madrilène était aussi membre de la fabrique et vicaire du chapitre de Saint-Pierre. Il renonça à cette dernière charge lors de son élévation à la dignité cardinalice, à l’été 1743, pour se consacrer à ses fonctions de membre de la fabrique87. On était alors en plein dans les tourments de la restauration de la coupole. Bibliophile averti, il financerait en 1750 la célèbre description des palais vaticans rédigée par feu Agostino Taja, une entreprise moins mouvementée à laquelle Bottari ne put s’empêcher de mettre la main. Cette académie comptait parmi ses membres Ignazio Reali, camérier secret, premier maître de cérémonie de la chapelle pontificale et membre, lui aussi, de la congrégation de la fabrique. L’Académie d’histoire ecclésiastique se réunissait sous la présidence du conte Girolamo Crispi, docteur en droit, un temps malheureux archevêque de Ravenne lorsque la ville fut prise par Ferrare. Elle rassemblait parmi d’autres le mathématicien Minime François Jacquier, Ludovico di Costanzo, camérier secret du pape, en charge de la garde-robe88, mais aussi Bottari. L’Académie romaine réunissait des connaisseurs de l’Antiquité plus que de littérature ancienne, parmi lesquels le jésuite Contuccio Contucci, futur conservateur du musée kircherien à partir de 1746, Giacomelli et toujours l’inévitable Bottari. Dans un pays possédant une longue tradition d’académies privées, ces quatre doctes assemblées avaient un statut ambigu : d’un côté, elles constituaient un savoir qui n’était pas l’émanation directe du Saint Siège, mais d’un autre côté, elles relayaient sinon la voix du pontife, du moins ses préoccupations intellectuelles et idéologiques immédiates.
61Benoît XIV réforma également l’université de la Sapienza, ouvrant plus largement la recherche à l’expérimentation, offrant des cours sur des approches nouvelles et redonnant quelque crédibilité à une institution qui n’était alors guère plus vue que comme le répétiteur de théories éculées89. La réforme promulguée en 1748 actait un mouvement déjà engagé depuis la nomination du nouveau recteur de l’université Clemente Argenvilliers, la même année où Benoît XIV lui demandait de devenir secrétaire de la congrégation particulière de la fabrique. Parallèlement, le pape réforma la congrégation de l’Index, en ôtant de la liste, dans un premier temps, les œuvres traitant du système copernicien et des théories de Galilée ; une contradiction, alors que l’Église avait depuis longtemps absorbé la partie purement mécanique de ses travaux.
62Par son action, le pape contribua à développer une importante activité intellectuelle, au sein même de l’État ecclésiastique et financée par ses deniers. Dans bien des domaines, y compris ceux qui concernaient très directement les compétences spirituelles de l’Église, on disposait désormais d’un savoir plus directement scientifique, séparé d’un savoir de nature dogmatique dont l’élaboration revenait aux congrégations, consistoires et conciles. Il ne s’agissait pas toujours d’une distinction de contenus, mais le mode argumentaire différait radicalement. Les moyens de parvenir au consensus – objectif que les académies partageaient avec les assemblées ecclésiastiques – se trouvaient révélés aux yeux du public et livrés à son jugement. Ce projet était conforme à l’annonce du programme des quatre académies : « dans une République bien réglée, les hommes devraient être sages et doctes »90. Benoît XIV se montra donc favorable à un certain débat d’idées : il soutenait Montesquieu et évita que L’Esprit des lois ne fût mis à l’index ; dans des circonstances dont il ne fut guère récompensé, il apporta aussi sa protection à Voltaire, lors de l’affaire du Mahomet. Le panorama intellectuel était alors plus complexe, donnant une parole sinon officielle du moins écoutée et parfois reconnue à de nombreux personnages qui ne s’exprimaient jusqu’alors que dans des cercles privés. Il ne fallait alors pas s’étonner que les polémiques qui se déroulèrent sous son pontificat fussent non seulement publiques mais aussi extrêmement nourries.
63Plus proche de lui, dans les arcanes de la cour pontificale, on trouvait une série de personnages que nous rencontrerons à nouveau lors de la polémique sur la stabilité de la coupole. Ils constituent un personnel aux expériences et aux attentes très variées : au plus haut de la hiérarchie, les cardinaux Valenti Gonzaga et le secrétaire des brefs, Domenico Passionei. Parmi les camériers personnels, dits « secrets » : Prospero Colonna di Sciarra, Lodovico di Costanzo, Ignazio Reali et Antonio Leprotti, le médecin du pape. Il y avait aussi Giuseppe Livizzani, secrétaire des mémoriaux, en charge des suppliques de tout genre envoyées directement au Pontife par les sujets de l’État. Cette charge, qui prit une importance considérable au cours du XVIIIe siècle, le mettait donc en contact quotidien avec Benoît XIV. Parmi les chapelains secrets, Giovanni Bottari et Michelangelo Giacomelli, piliers des académies. Parmi les chapelains ordinaires, Saverio Brunetti. Parmi les serviteurs du sacré palais, on trouve trois architectes : Ferdinando Fuga, Nicola Salvi et Pietro Hostini. Tous ces personnages s’exposèrent largement durant la polémique.
64Le grand absent des académies lambertiniennes et des réformes conduites par le pape en général était le cardinal Annibale Albani, préfet de la congrégation de la fabrique et archiprêtre de la basilique depuis près de trente ans. Il était en outre camerlingue depuis 1719 et détenait ainsi des fonctions politiques et économiques clés. Il était tout simplement le second personnage de l’État. Il tenait une légitimité héréditaire, « cardinal neveu » du pape Clément XI, le pourfendeur du jansénisme. Albani n’était pas d’un caractère facile et cultivait une certaine passion pour les intrigues de palais. Il avait déjà fréquemment agacé Benoît XIII, le très rigide pape Orsini91. Lors du conclave qui élut Lambertini, il avait intensément conspiré contre Pompeo Aldovrandi, le candidat préféré de bien des nations92. À peine élu, Benoît XIV avait choisi Aldovrandi comme cardinal pro-dataire. Le dataire, outre apposer la date sur les documents officiels, avait pour fonction d’instruire les demandes de bénéfices ecclésiastiques. Il était donc l’un des personnages essentiels d’un état reposant sur le clientélisme. Ce choix ne fut pas du goût d’Albani et les rapports entre le nouveau pape et la fabrique s’engageaient mal. Benoît XIV dut attendre 1747 pour qu’Albani démissionnât enfin de son poste de camerlingue. Il ne prit cette décision qu’après la réforme de l’université dont il avait été rigoureusement tenu à l’écart. Mais il resta jusqu’à la mort aux commandes de la fabrique, contraignant le pape à différer jusqu’en 1751 la réforme de l’institution tant souhaitée. Sa retraite de camerlingue lui permit cependant de publier en 1747 une collection historique des bulles concernant la basilique.
65Annibale était aussi le frère du cardinal Alessandro Albani, le puissant préfet des eaux, membre de nombreuses congrégations dont celle de la fabrique, mécène des arts et commanditaire de la villa qui porte son nom, destinée à abriter sa collection exceptionnelle. Les deux frères avaient en effet hérité en 1721 de la collection d’œuvres d’art et de la bibliothèque accumulée par Clément XI, en partie sur les deniers de la liste civile. Annibale Albani était aussi membre de l’Académie des Arcades et étendait son influence en province : il finança de nombreux projets artistiques pour sa ville natale Urbin et fut le protecteur de l’Académie du dessin et des mathématiques de Pérouse.
66Le préfet n’était cependant pas le seul acteur de la fabrique. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la fonction d’économe-secrétaire avait pris une importance considérable, y compris dans les domaines artistiques et architecturaux93. Il lui revenait de gérer l’ensemble des activités de la fabrique au quotidien, par délégation du préfet. Mais les choses avaient surtout changé depuis l’arrivée de Carlo Vespignani à cette fonction le 1er septembre 1680 qui fut suivie de la disparition de Bernin trois mois plus tard94. Les grands travaux étant achevés, les fabriciens n’avait alors pas jugé nécessaire de nommer un successeur à la charge d’architecte de la fabrique95. Pendant une longue période, l’économe-secrétaire fut donc conduit à assumer nombre de décisions dévolues normalement à l’architecte. Il fallut attendre 1697 pour que Carlo Fontana fût nommé à cette fonction96. Lui qui s’était opportunément mis au service de la fabrique en 1680, alors que la polémique sur la coupole visait la responsabilité d’un Bernin expirant, lui qui l’avait durant presque vingt années fidèlement servie. Pour sa part, Vespignani tirait sa légitimité d’une longue expérience administrative au sein de l’institution. Il avait démontré sa compétence en publiant en 1676 le premier recueil historique des privilèges dont jouissait la fabrique, utile instrument de travail pour les juges et commissaires97. Ses capacités financières et juridiques lui avaient paradoxalement accordé la crédibilité nécessaire à mener les questions artistiques. Ainsi, durant son mandat, le caractère indissociable des fonctions administratives et artistiques s’imposa à tous.
67Le problème se posait en des termes différents lorsque la polémique repartit en 1742. Ne pouvant renvoyer le préfet de la fabrique, Benoît XIV remercia l’économe Luigi Altoviti Avila qui fut appelé à d’autres charges le 18 juin 174298. Celui-ci avait été nommé économe-secrétaire en 1734 par le bon vouloir d’Albani. Un autre fabricien le remplaça. Giovanni Francesco Olivieri assuma d’abord ces fonctions de facto avant d’être confirmé le 7 février 1743, affirmant son autorité en pleine tourmente sur la restauration99. Il remplit ces fonctions officiellement jusqu’en 1752, date de sa mort, qui coïncide en outre avec la réforme de la fabrique100. Olivieri était le neveu du cardinal Fabio degli Abati Olivieri101. Selon la parentèle, il n’était donc pas non plus éloigné des intérêts de la famille Albani. Il connaissait parfaitement l’institution, ayant été juge de la fabrique depuis de longues années. Olivieri laissa l’image d’un homme s’étant pleinement consacré aux intérêts de la fabrique, refusant le cumul des charges. À sa mort, outre ses multiples engagements pour l’ornementation de la basilique, un témoin se souvenait de lui comme celui qui « avait fait fermer beaucoup de trous »102.
68Albani et Olivieri menaient une congrégation dans laquelle peu de cardinaux s’exposèrent durant la polémique, du moins personnellement. Seuls Prospero Colonna di Sciarra et Carlo Rezzonico y paraissent en première personne. Les prélats sont eux aussi absents : ils sont au nombre de vingt-cinq mais aucun n’émerge des sources. Si un certain secret entourait les décisions des congrégations, cette défaillance montre surtout le caractère administratif, financier et juridique de l’institution et le désintérêt -ou le manque de compétence- de la grande majorité de ses membres pour les questions architecturales.
69Le secteur opérationnel de la fabrique s’était largement structuré entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe. Un triumvirat était placé à sa tête composé de l’architecte, d’un contrôleur-toiseur (revisore delle misure) et d’un responsable des travaux (soprastante). Les dénominations ont fréquemment changé au cours du temps, mais l’idée selon laquelle la responsabilité devait être déclinée en trois fonctions perdurait. À certaines périodes, soprastante désigne l’architecte en chef, à d’autres moments, celui-ci est qualifié de « suprême ». En outre, les dénominations officielles et usuelles ne correspondaient pas toujours : à la mort de Carlo Maderno en 1629, l’avviso le désigne comme l’« ingénieur principal qui servait comme architecte de la fabrique ». Puis en 1697, toujours d’après ces sources journalistiques, Carlo Fontana est nommé simplement « architecte de la fabrique, avec les mêmes prérogatives que Bernin et son fils second architecte »103. Ainsi, l’architecte en chef était assisté d’un second, responsable des mesures et des calculs ; ils déléguaient conjointement la mise en œuvre et le contrôle des opérations à un troisième.
70En 1742, les trois responsables techniques sont donc, par ordre hiérarchique : Filippo Barigioni, dit alors architetto soprastante, Luigi Vanvitelli, revisore delle misure et Filipo Valeri, fattore. Ce dernier occupe la fonction pendant une très longue période, de 1715 à 1750104. À cette époque, la structure décisionnelle est rendue encore plus complexe par la présence d’adjoints. Les deux responsables administratifs – préfet et économe-secrétaire – mais aussi chacun des membres du triumvirat, pouvaient alors s’adjoindre des subalternes qui, une fois en place, possédaient une charge viagère. Un an après sa prise de fonction comme économe-secrétaire, Altoviti nomma à son service Antonio Montauti comme architecte assistant. Cet architecte et sculpteur florentin, récemment arrivé à Rome, jouissait d’une certaine renommée de mauvaise fortune. Il avait été le malheureux propriétaire d’une princeps de Dante, illustrée dans les marges par la main de Michel-Ange, et disparue en mer avec toute sa collection lors de son déménagement vers la Ville éternelle105. En 1742, Montauti devint l’instrument de contrôle du nouvel économe-secrétaire Olivieri dans les affaires du triumvirat.
71Filippo Barigioni était lui aussi élève de De Rossi et de Fontana. Il avait commencé sa carrière au service d’Annibale Albani. Le cardinal lui attribua de nombreuses commissions officielles, comme des catafalques et les scénographies des conclaves106, alors qu’il n’avait encore aucune fonction dans quelque dicastère que ce soit ; il n’avait que ponctuellement travaillé pour le tribunal des routes, fournissant des expertises en ingénierie des ponts et chaussées. Lorsqu’il devint en 1730 architecte du peuple romain et architecte-toiseur de la fabrique, il n’avait jusqu’alors que très peu d’œuvres architecturales à son actif, du moins en première personne. Il parvint à obtenir les deux charges tout d’un coup, en faisant renvoyer Filippo Raguzzini qui les cumulait alors. L’architecte du peuple romain est une charge dépendant du sénateur de Rome, un office qui évoquait une grandeur passée et qui avait pour fonction, outre la participation et l’organisation de différentes cérémonies pompeuses, de veiller à l’entretien des vestiges témoignant de cette grandeur : le Capitole, le Panthéon, les Arcs de Triomphe, le Colisée et autres monuments de l’Antiquité107. La charge pouvait apparaître comme assez symbolique, et elle serait presque vidée de son contenu précisément sous Benoît XIV qui réactiva celle de commissaire des Antiquités. Cette dernière était hautement prestigieuse : créée par Léon X, son premier titulaire avait été Raphaël. Elle présentait surtout la caractéristique d’être placée sous l’autorité directe du Pontife. L’architecte du peuple romain n’eut en effet pas son mot à dire lors de la restauration du Colisée et fut mis de côté lors des travaux de construction des nouveaux musées du Capitole. Barigioni poursuivit cependant une carrière importante à la tête de la fabrique, ce qui lui permit aussi d’obtenir des commandes princières et cardinalices. Malgré son expérience dans le domaine de l’expertise architecturale plus orientée à des fins juridiques, Barigioni observa un relatif silence durant la polémique sur la stabilité de la coupole. Ce ne fut pas le cas du second architecte de la fabrique, Luigi Vanvitelli qui en fut l’un des acteurs principaux.
72Napolitain de naissance, Luigi Vanvitelli était le fils du célèbre peintre hollandais de vedute Gaspar van Wittel. Actif dans le domaine de la peinture au début de sa carrière, notamment au sein de l’Académie de Saint-Luc, il s’initia à l’architecture lors d’un chantier de la famille Albani, à Urbin leur ville d’origine. Il entra à petit pas dans la fabrique de Saint-Pierre. De fait, personne ne pouvait espérer s’y construire une place, en cette première moitié du XVIIIe siècle, sans avoir été, d’une manière ou d’une autre, l’obligé de l’un des deux frères Albani. Il réalisa différents travaux d’ingénierie publique sur le territoire de l’État ecclésiastique dont la plus importante est la construction du port d’Ancône (1734). Ces réalisations, économiquement stratégiques mais situées dans des lieux symboliquement secondaires, lui donnèrent l’occasion de faire valoir une réelle légitimité au sein de la fabrique. Les travaux de restauration de la coupole lui permirent d’accéder à une certaine notoriété qui le conduisit en 1746 à recevoir la régence de la congrégation des Virtuoses du Panthéon qui jouait en partie le rôle d’un syndicat professionnel des artistes.
73Tout était en place alors pour une confrontation fratricide avec Ferdinando Fuga, premier architecte de la chambre apostolique. Elle culminerait en 1752, lors de la compétition pour l’élection du Prince de l’Académie de Saint-Luc. Protégé par le cardinal Prospero Colonna, alors que Fuga était protégé par son frère le majordome Girolamo Colonna, il accéda à de nombreuses commandes. En particulier, la restructuration des Thermes de Dioclétien en 1748 fut l’occasion pour Vanvitelli, soutenu par Benoît XIV contre l’architecte du peuple romain, de reformuler la question de l’historicité de l’architecture, tant par rapport à l’héritage antique qu’à celui de Michel-Ange. Son départ pour Naples en 1749, où il réalisa la somptueuse résidence royale de Caserte, ne constitua qu’une manière de renforcer son emprise sur la scène romaine où il deviendrait plus tard, en 1754, architecte de la fabrique.
74Au cours du XVIIIe siècle, les responsabilités au sein du secteur opérationnel de la fabrique devinrent progressivement dynastiques : lorsque l’architecte en chef venait à mourir, l’architecte contrôleur prenait usuellement sa charge. En outre, pendant près d’un siècle, depuis l’entrée dans la fabrique de Antonio Valeri, élève de Mattia De Rossi et donc héritier du berninisme, la charge de fattore fut occupée par la famille Valeri108. De cette façon, pendant plus de soixante ans après la mort de Bernin, les responsabilités furent réservées à son cercle et à sa descendance. La promotion par l’expérience servait de justification à un fonctionnement clanique. En 1726, Luigi Vanvitelli entra au service de la fabrique, d’abord comme simple aide du toiseur, assumant une charge non rétribuée parallèle à l’organigramme, mais avec l’assurance – ou l’espoir – de pouvoir succéder à son mentor. Et de fait, en 1736, Filippo Barigioni, l’ancien contrôleur, un élève de Mattia De Rossi et de Carlo Fontana, monta en grade pour devenir architecte de la fabrique et Vanvitelli lui succéda109.
L’architecture en pratique
75La fabrique n’était pas seulement un terrain d’affrontement pour les architectes romains. L’institution était aussi une entreprise d’ingénierie civile, destinée à la rationalisation du chantier : ressources technologiques et acquisition de matériaux, formation de ses collaborateurs. Cette structure s’était constituée progressivement, afin d’assurer le succès d’une entreprise d’une telle importance. À partir du XVIe siècle, la fabrique fit l’acquisition d’un matériel technique abondant et développé : échafaudages, instruments pour le transport et la taille des pierres, outils de levée mais aussi cordes de chanvre, poulies, réserves de bois et de métaux pour la construction. Les besoins propres de construction varièrent en fonction des périodes mais l’infrastructure demeurait et posait la question continue de son utilité. Face à la constitution d’une réserve technique aussi importante (appelée « les munitions »), les fabriciens ont régulièrement hésité entre deux options : soit en amortir le coût en le louant occasionnellement à d’autres chantiers romains, parfois dépendant du Siège apostolique ou de commandes cardinalices, soit au contraire le conserver précieusement afin de préserver la primauté du chantier de Saint-Pierre110.
76Les concessions extérieures devaient contribuer à l’image de l’institution. Pour cette raison, les compétences et les instruments furent mis au service de chantiers particulièrement spectaculaires : en 1586, le déplacement, sans démontage, de l’oratoire de la crèche de Sainte-Marie-Majeure ou en 1667, le remplacement de deux colonnes du portique du Panthéon111. Qu’il s’agisse de réelles avancées techniques ou d’une organisation du travail particulièrement rigoureuse, la fabrique avait acquis une réputation exceptionnelle de conduite des chantiers. À plusieurs moments de son histoire, cette compétence a fait l’objet d’une large promotion, notamment imprimée. Plusieurs de ces publications coïncident étonnamment avec des moments où l’on s’interroge sur les ressources techniques de l’institution et sa capacité à mener à bien des entreprises architecturales particulièrement complexes. L’ouvrage de Domenico Fontana sur le déplacement de l’obélisque d’Héliopolis vers la place à l’est de la basilique (1590) paraît au moment de l’achèvement de la coupole et celui de Niccola Zabaglia sur les échafaudages (1743) alors que s’engagent les travaux de restauration de la grande coupole. Les autres ouvrages promus par la fabrique, comme le Tempio Vaticano de Carlo Fontana (1594) ou bien évidemment les Memorie istoriche del tempio vaticano de Giovanni Poleni (1748), présentent aussi un large volet consacré au discours technologique. Cet apport historique a été synthétisé plus tard par Giuseppe Valadier, héritier de la charge d’architecte de la fabrique, dans son Architettura pratica (1828) et s’est transmise jusqu’à nous. Les compétences techniques acquises et transmises au sein de la fabrique constituèrent progressivement un corpus de connaissances singulières ; du moins étaient-elles vues ainsi de l’extérieur. Au début du XIXe siècle, cette réputation serait mise à profit par l’institution, à travers la création d’une École publique d’architecture civile112.
77Les tâches de l’architecte de la fabrique du XVIIIe siècle ne se limitaient pas à une activité de conception dont il déléguait la mise en œuvre à des spécialistes plus versés dans les domaines d’ingénierie. La division des activités entre les trois fonctions composant le triumvirat ne se fait pas entre conception et mise en œuvre mais dans la répartition des responsabilités : le premier avait en charge la supervision de l’ensemble du projet, le second les devis, relevés et autres questions relevant de la mesure et le troisième le quotidien du chantier et le rapport avec les ouvriers. Les deux premières figures de ce trio étaient en relation directe avec les fabriciens et en premier lieu, avec le secrétaire-économe. Les trois architectes devaient affronter les problèmes techniques et structurels de l’édification dans une égale mesure. Afin de s’assurer un approvisionnement constant et une qualité contrôlable, la fabrique développa assez tôt ses propres manufactures pour les cordes, scieries pour le bois de construction et briqueteries et instaura parallèlement un régime de fournisseurs officiels. Toutefois, la qualité des briques employées pour la construction de la coupole fut par la suite largement critiquée. Celle-ci était en effet variable, en particulier lorsque l’on devait continuer la production à la saison hivernale, contrairement aux habitudes113. Les députés de la fabrique effectuaient des sélections des meilleurs travertins et autres pierres de construction dans les carrières autour de Rome.
78L’acheminement des matériaux faisait également l’objet de réglementations administratives. Afin de faciliter le transport des matériaux de construction et d’en abaisser le coût, Paul III concéda en 1538 une portion de la rivière Aniene, entre Ponte Lucano, c’est-à-dire après la cascade de Tivoli et la confluence avec le Tibre, à proximité de l’actuel ponte Salario. Cette voie était empruntée depuis les travaux de Nicolas V en 1452114. Un débarcadère sur le Tibre fut aussi spécifiquement attribué à la fabrique. L’usage exclusif du port de la Transpontine, proche du château Saint-Ange, permettait d’éviter l’engorgement de Ripa Grande et d’écourter les temps de transport terrestre115. Cette concession ne contenait pas seulement un droit de transport mais elle s’accompagnait d’une véritable extension territoriale : le pape attribuait à la fabrique l’exploitation des carrières le long du parcours du fleuve116.
79Au temps de Benoît XIV, la fabrique était donc une institution complexe, dont les rapports avec la chambre apostolique étaient tout aussi équivoques que confidentiels. La suprématie technique de l’institution l’exposait en première ligne lors des problèmes statiques de la basilique. Toute erreur était interdite. Les rapports – financiers et institutionnels – entre la fabrique et la Chambre constituaient l’une des principales querelles camérales de l’État ecclésiastique au milieu du XVIIIe siècle. Cet enjeu explique en partie la tension qui s’intensifia autour du choix de restauration envisagée : les dommages de la coupole dépassaient largement les limites de l’architecture et de la construction.
Notes de bas de page
1 Alberti 2004 : 102.
2 Frommel 1994 : 413.
3 Baldrati 2014 : 120-121.
4 Manetti 2005, p. 77.
5 Cagliotti 1992.
6 « Vitae quorundam pontificum », Duchesnes 1981 : II, 557-558.
7 Une synthèse de ces débats se trouve dans Klodt 1992. Pour les vingt dernières années durant lesquelles la querelle est loin de s’être éteinte, voir par exemple Thoenes 2005 et Satzinger 2008.
8 Plusieurs contributions ont éclairé le rôle institutionnel de la fabrique et permettent de dépasser le portrait qu’en avait dépeint Del Re (1969). Voir le recueil de documents de Basso (1987) puis les études de Marconi (2004 : 19-36), celles contenues dans le catalogue de l’exposition Magnificenze Romane (2008), et plus récemment Bellini (2011 : I, 23-43) et Sabene 2012.
9 Bulle Liquet omnibus de 1510.
10 Castiglione 1556 : 370.
11 Lamberti 2009 : 195-196.
12 Castiglione 1733 : 430.
13 Guarna 1970 : 105.
14 Murray 1967.
15 Temple 2011 : 162-213.
16 D’après le discours de Gilles de Viterbe datant de 1505 (Voir Hubert 1988 : 196).
17 Raffaello 1994 : 175.
18 Pallavacini 1666 : 3.
19 Martorelli 1792 : 97-98.
20 Bulle Accepimus vos in prosecutione de Jules III (1551).
21 Bulle Etsi per diversos de Pie IV (1562).
22 Par deux décisions en 1622 et 1627, voir De Nicolais 1817 : 221.
23 De Nicolais 1817 : 210.
24 Silvestrelli 1996.
25 Rando 1996.
26 Haines 1996.
27 Voir Geymüller 1875 : 293-303.
28 Bardeschi Ciulich 1977.
29 Bellini 2011 : I, 183.
30 Marconi 2008b : 45-56.
31 Bulle Admonet nos de Clément VII (1523) ; bulle Cum dilectus filius de Paul III (1542).
32 Bulle Admonet nos…
33 Rezza et Stocchi 2008.
34 Frey 1913 : 9.
35 Dubourg Glatigny 1998 : 332-335.
36 Vasari 1906 : V : 554-555.
37 Ibid. : VII : 232.
38 De Maio 1990 : 309-351.
39 Galassi 1975 : 141.
40 Pallavacino 1666 : 358, 639.
41 Ibid. : 494-495.
42 Bulle In principis de Pie IV (1565) et Etsi dominici de Pie V (1567).
43 Instaurée par Jules II : Et si ex commisso… § 27 (1507), et Liquet… § 26 (1509). Abolie par Pie IV et Pie V. L’application des biens spirituels aux défunts fut décidée par Leon X mais révoquée également suite au concile.
44 Pallavacino 1666 : 3.
45 Saint, sacré, universel et général concile de Trente…, 1564.
46 La description la plus détaillée de l’histoire de la bulle de la croisade se trouve dans Sabene 2012 : 51-69.
47 Dandelet 2008 : 41-48.
48 Sabene 2012 : 67.
49 De Statu ecclesiarum et monasterium…, § 2 (1560).
50 Pour une comparaison détaillée entre le projet de Michel-Ange et la réalisation de Della Porta, voir Bellini 2011 : I, 349-370.
51 Bellini 2011 : I, 400 ; Baldrati 2014 : 199-206.
52 Ibid. : I, 364.
53 Carusi 2010 : 125-150.
54 Paiement du 30/05/1602, AFSP, Arm. 26, A, 171, fol. 60v.
55 AFSP, Arm. 12, D, 3a, fol. 228.
56 Fontana 1694 : 329.
57 Marielli Mariani 1997 : 229-242.
58 McPhee 2002 : 22-24. Cet ouvrage fait ici référence aux sources antérieures publiées comme les Avvisi.
59 Bosman 2004.
60 AFSP, Arm. 7, F, 467, fol. 318.
61 Constitution Cum ex debito de Sixte Quint (1589).
62 Basso 1987 : 43-47.
63 Del Re 1969 : 294.
64 Hibbard 1971 : 168.
65 Sabene 2012 : 78-84.
66 AFSP, Libro mestrue e giustificazioni (11/09/1680), Arm. 42, F 21.
67 AFSP, Arm. 12, D, 3a, fol. 228-231.
68 McPhee 2002 : 36-81.
69 AFSP, Arm. 12, D, 3a, fol. 241.
70 Forte 1963 : 281-394.
71 Baldinucci 1682 : 82-101.
72 Dubourg Glatigny 2009.
73 Cette fonction fut abolie sous Clément XI.
74 ASSM, A-1114 -8a, fol. 2.
75 Sabene 2012 : 89.
76 En 1742, la congrégation générale de la fabrique est composée de dix-sept cardinaux (Alessandro Albani [préfet des eaux et des marais pontins], Annibale Albani, Vincenzo Bichi, Prospero Colonna, Marcellino Corio, Neri Maria Corsini [préfet de la signature de justice], Troiano d’Acquaviva d’Aragona, Carlo de Marini [préfet des rites sacrés], Giuseppe Firrao [préfet de la signature des grâces, des évêques et des réguliers], Antonio Saverio Gentili [surintendant de maison], Niccolo Giudice, Niccolo Maria Lercari, Vincenzo Petra Napoletano, Ludovico Pico della Mirandola, Carlo Rezzonico [préfet de l’économie de propaganda fide], Giovanni Battista Spinola [préfet de l’immunité], Silvio Valenti Gonzaga [secrétaire d’état]) et de vingt-quatre prélats (Don Cristoforo Almeyda, Luigi Innocenzo Altoviti, Francesco Felice Amadei, Filippo Leonardo Antamori, Carlo Calcagnini [auditeur de la Rote], Niccolo Casoni [président de la voirie], Girolamo Colonna [Protonotaire Apostolique], Giovanni Costanzo Caracciolo, Pietro de Carolis, Giuseppe Ferroni, Pietro Girolamo Guglielmi, Martino Innico Carracioli, Federico Lanti, Giovanni Francesco Olivieri, Urbano Paracciani, Pietro Carlo Petroni, Leonardo Petrucci, Joaquín Portocarrero, Ludovico Valenti [protonotaire apostolique], Ignazio Reali, Bartolomeo Ruggiero Arese, Gabriele Seriani, Michele Maria Vicentini, Johan Albert von Gudenus). La part des cardinaux dans la fabrique allait par ailleurs progressivement s’amenuiser au cours du siècle. En 1795, sous la préfecture du cardinal Stuart, duc d’York, la fabrique ne comptait plus que dix cardinaux et vingt-six prélats.
77 Bulle Reformatio tribunalium urbis (1745).
78 Ce petit conseil fut composé en 1751 de Silvio Valenti Gonzaga, Girolamo Colonna et Prospero Colonna. Il contrôlait les dépenses supérieures à 50 écus. Cette limitation visait à éviter que « essendosi introdotto l’uso, che delle spese anche riguardevoli e di grosse somme, da farsi o per bisogno o per abbelimento della basilica, se ne trattasse a dirittura col Papa o dal Cardinale Prefetto, o dal Economo della Fabbrica, quando per l’addieto simili importanti materie, prima di farne relazione al Papa, si esaminavano e maturavano dal Cardinale Prefetto unitamente con alcuni cardinale e ministri della congregazione generale, vogliamo che si rimetta in piedi questa usanza, che non solo gioverà all’Economico ma levarà in gran parte le critiche, che pur troppo si vanno promovendo contra le spese che si fanno per gli bisogni ed abbellimenti della Fabbrique » (ASV, Fondo Benedetto XIV, Bolle e costituzioni, Tome 20, fol. 178v.).
79 Bulle Ad honorandam (1752).
80 Morelli 1955 : 3.
81 De Angelis 2008 : 254.
82 Garms Cornides 1986 : 179-193.
83 De Angelis 2008 : 26.
84 Donato 2000 : 86-115.
85 Notizia delle Accademie… 1740 : 22-69.
86 Donato 2000 : 89.
87 Rezza, Stocchi 2008 : I, 235.
88 Morelli 1982 : II, 1327.
89 Favino 2008 : 491-513.
90 Notizia delle accademie… 1740 : 2.
91 De Angelis 2008 : 280.
92 Jaussin 1758 : I, 537-541.
93 Depuis 1655, les fonctions d’économe et de secrétaire étaient regroupées (Sabene 2012 : 115).
94 AFSP, Arm. 56, D, 356, f. 424.
95 Sabene 2012 : 121.
96 Nomination du 23 mars 1697 : AFSP, Arm. 42, G, 38.
97 Compendium privilegiorum Rev. Fabricae S. Petri a Johanne Carolo Vespignanio, Rome, 1676. Ouvrage d’une utilité primordiale, complété et republié en 1762.
98 Poleni 1748 : § 205.
99 AFSP, Arm. 12, E, 6, fol. 308 sqq.
100 Cependant, il n’assumerait plus ses fonctions à partir de 1747, étant très malade et retiré dans sa ville natale de Pesaro (Lambertini 1912 : II, 126). Il décède le 5 novembre 1752 (AFSP, Arm. 16, A, 170, f. 17r).
101 Lambertini 1912 : II, 24.
102 Valesio cité par Pastor 1931 : 116.
103 Galassi Paluzzi 1975 : 137, 139.
104 Nommé le 4 avril 1715 et en fonction jusqu’en juillet 1750, vraisemblablement date de sa mort. Voir AFSP, Arm. 27, C, 403, f. 217v ; Arm. 27, E, 431, f. 62 v.
105 Vasari-Bottari 1760 : III, 253-254.
106 Santese 1983.
107 Pasquali 1991 : 301-311.
108 Les fattori n’eurent guère d’occasion de promotion à l’intérieur de la fabrique, à l’exception de Antonio Valeri qui, ayant parallèlement poursuivi une ascension institutionnelle au sein de l’Académie de Saint-Luc, accéda à la charge d’architecte en chef en 1703. Il occupa cette position jusqu’à sa mort en 1736 (In urbe architectus… 1991 : 452-453). Antonio est le fondateur de cette dynastie qu’il parvient à installer durablement au cœur du triumvirat de la fabrique. Sur Valeri voir Delsere 2015 : 71-94.
109 Nomination de Vanvitelli le 13/11/1736. Voir AFSP Arm. 43, C, 77, fol. 33.
110 Marconi 2004 : 30-36.
111 Ibid. : 224-227, 250-260.
112 Di Sante, Grimaldi 2008 : 137-147 ; Marconi 2008 : 163-166.
113 Marconi 2004 : 92-97.
114 Manetti 2005 : 96.
115 Marconi 2004 : 125-132.
116 Baldrati 2014 : 133.
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