Chapitre troisième. Les inscriptions
p. 147-180
Texte intégral
... rassembler des empires dispersés, adoucir les mœurs, rapprocher par la pratique d’une langue commune les idiomes discordant et sauvages de tant de peuples et faire naître le dialogue, donner aux hommes la civilisation …1
Introduction
1Les inscriptions romaines éclairent plusieurs aspects de la vie quotidienne, que ce soit les expressions culturelles comme les pratiques funéraires, les croyances religieuses ou les organisations politiques et privées. Elles constituent également des indicateurs essentiels de la diffusion des gentilices latins et de la citoyenneté romaine dans les provinces. Ce simple constat explique que les documents épigraphiques forment une source essentielle pour aider à reconstruire l’histoire romaine et à retracer le processus de romanisation.
2Nous porterons notre attention sur les inscriptions latines et grecques de la période romaine afin d’appréhender les changements sociaux, politiques, urbains et religieux de la société illyrienne2. L’autre intérêt de cette enquête est de préciser, d’après les épitaphes, les modes de diffusion de la langue latine dans ces provinces et les formes de son assimilation en Illyrie. À travers les inscriptions funéraires, les Illyriens ont pu témoigner de leur appartenance à la civilisation romaine puisque les épitaphes indiquent le statut du défunt. Elles constituent un moyen important d’expression de l’identité personnelle pour les citoyens romains des provinces3. Ces aspects symboliques dépassent le simple contexte funéraire et font des inscriptions latines une source fondamentale pour reconstruire la vie du défunt.
3Malgré l’importance des témoignages épigraphiques, les publications d’inscriptions latines d’Albanie ont insuffisamment souligné leur valeur documentaire. Jusqu’au XIXe siècle, les voyageurs étrangers avaient publié quelques inscriptions découvertes au gré de leurs visites. C. P. Sestieri fut le premier à publier un corpus de l’ensemble des inscriptions latines connues dans les années 19404. Après la Seconde Guerre mondiale, les archéologues albanais ont publié occasionnellement des inscriptions latines d’Albanie5, surtout dans des articles concernant certains sites riches en inscriptions6. Ce fut seulement dans les années 1980 que S. Anamali et H. Ceka ont commencé à préparer un corpus de toutes les inscriptions latines découvertes dans le pays7. Du côté de l’épigraphie grecque, les corpus publiés sous la direction de P. Cabanes ont constitué une avancée très importante, non seulement pour étudier la ville d’Apollonia, qui utilisait le grec durant la période romaine, mais aussi pour connaître l’introduction des éléments italiens et romains au sein de la société hellénistique8.
4S. Anamali avait, lui aussi, considéré les inscriptions latines comme des éléments importants permettant de suivre le processus de romanisation9. Toutefois, il plaça les inscriptions dans un contexte historique étroit, ne les mettant jamais en relation avec les évolutions sociales et politiques d’une société très hiérarchisée comme l’était la société romaine. Selon l’auteur, le nombre réduit (environ 285) d’inscriptions latines trouvées en Illyrie méridionale et la faible densité des lieux de découvertes indiqueraient l’absence de romanisation de la société illyrienne. La rareté relative des inscriptions latines dans le territoire illyrien est le résultat de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’usage de l’alphabet latin constituait un phénomène plutôt urbain. Comme on l’a déjà montré, le territoire était surtout organisé en petits villages sans forte urbanisation. Ensuite, le nombre réduit d’inscriptions latines est la conséquence de la longue présence de l’hellénisme dans ces régions. En Chaônie et à Apollonia, les inscriptions continuent naturellement d’employer le grec. Même dans les colonies romaines, comme Dyrrachium, Bouthrôtos et Byllis, le latin semble disparaître progressivement au profit d’un retour du grec avant la fin du IIIe siècle de notre ère.
5Les plus anciennes inscriptions latines retrouvées en Illyrie datent du Ier siècle avant notre ère, mais leur nombre augmente considérablement aux Ier-IIe siècles de notre ère. Les épitaphes constituent la majorité des inscriptions conservées et l’on trouve seulement un petit nombre de dédicaces adressées aux dieux ou aux empereurs et d’évergésies. Malheureusement, la plupart des inscriptions ont été trouvées de manière fortuite et l’on ignore du coup leur contexte archéologique, ce qui rend leur datation plus difficile.
6Les sites urbanisés constituent les principaux gisements d’inscriptions (fig. 36).
7Des villes comme Dyrrachium, Byllis, Bouthrôtos et Scodra se sont rapidement intégrées au vaste système de communication de l’Empire romain et ont reçu dès l’époque augustéenne des contingents de colons romains. La société de ces villes était ainsi composée de diverses classes sociales aux statuts juridiques variés. La position géographique des villes et les rapports très anciens avec Rome ont permis une influence directe du centre de l’Empire sur les membres de cette société provinciale. Outre les classes supérieures de la société, les inscriptions concernent aussi les affranchis et la plèbe, et révèlent ainsi la diversité sociale de leurs commanditaires.
8Les informations fournies par les inscriptions offrent des témoignages à partir desquels il est possible de reconstituer certains aspects de la société illyro-épirote à l’époque romaine. Dans ce contexte, nous allons traiter des inscriptions par catégories : les épitaphes, les évergésies, les inscriptions religieuses et les inscriptions bilingues. Nous manifesterons un intérêt particulier pour le déclin de la production épigraphique durant le IIIe siècle et sur les transformations socio-politiques de l’Empire à cette époque. Les problèmes et les renseignements liés à chacune de ces catégories d’inscriptions permettront d’étudier les transformations de la société illyrienne pendant l’Empire.
Les épitaphes
Les monuments funéraires
9Le mot latin désignant la tombe est monumentum et, pour les Romains, la tombe était un monument qui rappelait la vie du défunt10. Les monuments funéraires de Dyrrachium et d’Apollonia appartiennent au type de la columella, une petite colonne cylindrique, habituellement sans ornements, apparue à l’époque hellénistique11. La plupart des columellae trouvées en Albanie date des IIIe-Ier siècles avant notre ère, mais à Apollonia elles ont continué à être utilisées au Haut-Empire. En revanche, en Dalmatie ce type n’apparaît qu’à l’époque impériale et porte des noms exclusivement romains. La majorité des columellae de la période hellénistique sont très simples, mentionnant le nom du défunt et le patronyme, accompagnés de la formule xaipe. Même si ce type de monument funéraire a perduré sous le Haut-Empire, il a été très peu utilisé pour rédiger les épitaphes latines12.
10La période impériale utilise également beaucoup les stèles, qui offrent nombre de renseignements sur les traditions funéraires. Pendant la période hellénistique, les stèles étaient rares sur le territoire illyrien, sauf dans les villes. Outre une inscription, les stèles présentent l’image valorisante du mort. On mentionne plus souvent l’âge du défunt et une attention plus grande est portée aux dédicants de l’inscription, les commemoratores. Ces deux éléments constituent des innovations épigraphiques introduites par les Romains. La période romaine apporte aussi un changement dans les conceptions de la population sur l’au-delà13. Pendant l’Empire, à partir du règne d’Auguste, la formule rituelle qui accompagne presque toutes les épitaphes est dis manibus sacrum.
11Les autels forment un autre groupe de monuments funéraires liés à la romanisation car, dans la majorité des cas, ils imitent les formes romaines, tout comme les tombes monumentales en forme de mausolée. À Apollonia, parmi les monuments funéraires, on a trouvé aussi de nombreuses plaques inscrites, d’un genre assez simple, qui étaient appliquées sur la structure des tombes en forme de petite cella.
12Dans toutes les régions de l’Illyrie, qu’elles soient urbaines ou rurales, la crémation et l’inhumation ont coexisté pendant tout l’Empire. L’incinération des corps apparaît en Illyrie méridionale dès le IIIe siècle avant notre ère. Il faut associer à cette forme de sépulture les urnes cubiques trouvées à Dyrrachium, Apollonia, Belsh et Selca14. Les objets trouvés dans ces tombes indiquent une population romanisée même si la tombe est anépigraphe.
La distribution
13Les inscriptions latines se retrouvent dans les villes principales. À la différence de Scodra, Byllis et Dyrrachium ainsi qu’Apollonia employaient déjà la langue grecque, mais durant la période romaine, le latin a supplanté le grec dans les inscriptions des colonies. Dans les zones rurales, les inscriptions latines sont quasiment absentes, proviennent surtout des périphéries des grandes villes et restent peu nombreuses au regard des inscriptions trouvées dans les centres urbains. Ce constat laisse supposer que, dans les territoires ruraux, l’usage des inscriptions et sans doute de l’écriture est resté limité.
14D’après la répartition des témoignages épigraphiques, il apparaît clairement que Dyrrachium et la région des Parthinii constituent la principale zone d’inscriptions latines en Illyrie. Ce fait s’explique par l’importance de cette ville et de ses liens étroits avec Rome. D’après les épitaphes, il paraît évident que l’élite urbaine était romanisée. Le développement de la ville et l’intensification des échanges avec Rome, favorisés par sa position géographique, ont créé à Dyrrachium une véritable société cosmopolite. Cette situation perdurera jusqu’à la fondation de la colonie romaine par Auguste. L’installation des colons a conduit à la disparition de la langue grecque au profit de la langue latine après un siècle de coexistence, preuve du rôle déterminant joué par la colonisation dans la romanisation des sociétés provinciales.
15À Scodra et à Byllis, on remarque aussi un usage répandu de la langue latine. La présence de colons romains dans ces villes a constitué un facteur essentiel dans l’emploi du latin par la population locale. L’influence des colonies apparaît également dans l’utilisation du latin dans les régions voisines de ces villes. Les territoires ruraux de Dyrrachium, de Scodra et de Byllis ont davantage employé le latin que les autres campagnes illyriennes.
16Le désir de paraître romain n’était néanmoins pas présent partout. Apollonia était une ancienne colonie corcyro-corinthienne où la tradition de la culture grecque était restée vivace même durant la période romaine. Le statut privilégié de civitas libera et immunis que Rome accorda à la ville se reflète dans le maintien de la langue grecque. Très peu d’inscriptions latines sont connues à Apollonia et dans ses environs15. Cependant, malgré la persistance du grec à Apollonia, des changements dans la nature et le formulaire des inscriptions se sont produits durant la période impériale, surtout à l’époque des Flaviens et de l’empereur Hadrien16. L’épigraphie d’époque impériale se distingue par un agrandissement de la taille des lettres qui revêtent alors un caractère ornemental. Indépendamment des modifications de la graphie employée par les lapicides, des changements ont affecté le style et l’iconographie des monuments funéraires en raison d’une influence de la tradition romaine.
17Il est permis de conclure que l’usage de la langue latine était lié, pour l’essentiel, à la présence des colons en Illyrie et en Épire. Ces derniers ont constitué pour l’élite locale un modèle à imiter. L’écriture latine, à l’instar de l’écriture grecque, est demeurée un phénomène avant tout urbain. L’usage des inscriptions latines s’est davantage développé dans les villes où l’on employait déjà des inscriptions grecques, au point de les supplanter dans une large mesure. Ainsi, la présence romaine n’a pas contribué à une plus grande diffusion de l’écriture parmi les Illyriens, son influence se limitant à l’onomastique et au formulaire.
L’onomastique
18Nombre d’inscriptions découvertes à Dyrrachium et à Apollonia mentionnent des noms qui ne sont ni grecs ni latins. Cette particularité a incité les chercheurs albanais à attribuer une origine illyrienne à ces noms. D’après V. Toçi, parmi les inscriptions de Dyrrachium, on connaîtrait une vingtaine de noms illyriens17. Cependant des doutes sérieux existent sur l’appartenance ethnique précise des personnes qui portaient ces noms et leur origine reste obscure18.
19Malgré ces incertitudes, ces noms constituent un véritable marqueur dans les processus d’acculturation entre Illyriens, Grecs et Romains. Selon P. Cabanes, les inscriptions portant à la fois un nom grec ou latin et un surnom illyrien appartiendraient à des Illyriens désireux de s’agréger à la haute société. Quand le nom illyrien est accompagné d’un patronyme grec ou latin, cette combinaison onomastique montrerait l’origine illyrienne d’une personne hellénisée ou romanisée19. Ce phénomène révèle l’assimilation des populations locales par les Grecs ou les Romains. Ainsi, pendant presque un siècle avant la fondation de la colonie de Dyrrachium, les noms latins ont coexisté avec les noms grecs mais aussi avec les noms illyriens.
20À Apollonia, les noms romains apparaissent dans les inscriptions grecques dès la période hellénistique. Il est important de signaler que certains Illyriens adoptent directement le nom romain sans faire le détour par un nom grec comme le montre l’épitaphe rédigée en grec de Iucunda, fille de Teutea et Epicadus, affranchie de Melancos20. Comme nous l’écrivions plus haut, le même phénomène est observable à Dyrrachium avant même la fondation de la colonie21.
21Une grande partie de ces noms renvoie aux éléments italiens installés dans la partie orientale de l’Adriatique. Une série de noms d’origine italique, surtout messapienne, a été trouvée à Dyrrachium22. Ces personnes sont sans doute des Italiens installés dans la ville de Dyrrachium avant la déduction de la colonie. Pour s’adapter à la vie locale, ils ont choisi d’écrire en grec et non en latin. Néanmoins, parmi les exemples mentionnés, plusieurs autochtones adoptent des noms latins alors que leur patronyme est grec ou illyrien.
22La présence de noms italiens est bien attestée dans les actes d’affranchissement à Bouthrôtos. Cependant, il est difficile de distinguer les noms étrangers dans ces affranchissements, puisqu’ils appartiennent à une population rurale qui porte un nom grec23. Ce fait ne permet pas de connaître leur véritable origine.
23L’emploi d’un épichorique comme nomen ou cognomen est un autre élément notable des inscriptions de Dyrrachium24. Selon P. M. Fraser, les noms épichoriques d’Apollonia sont plus récents que ceux de Dyrrachium25. Dyrrachium et Apollonia continuaient à avoir des normes en commun durant la période impériale et la référence au nom de la ville constituait probablement un élément de prestige pour les particuliers et une référence aux traditions civiques.
24La citoyenneté romaine était liée à la filiation tandis que la citoyenneté grecque était davantage liée au contexte urbain26. C’est en raison de cette tradition grecque qu’on voit parfois l’utilisation comme cognomen, pendant la période romaine, du nom de la ville ou du koinon. À Byllis est attestée l’utilisation de l’ethnique Byllidensis comme patronyme, probablement pour montrer l’étroitesse des liens avec l’ancien koinon des Bylliones27. À Dyrrachium, on voit aussi l’ethnique Scodrina28.
25Malgré la présence romaine, certains noms illyriens perdurèrent dans les inscriptions latines. Parmi ces noms on peut mentionner Tata, qui est très fréquente dans la région de Scodra29, Genthius, Plator, Saius, Cleuata30, Mutilanus31, Morca32, Bennia33, Anda34 etc. Outre les noms romains et illyriens, on note l’usage très fréquent de noms ou cognomens grecs durant la période romaine, comme le montrent les épitaphes de Quintus Caecilius Epagatus35 provenant de Bouthrôtos, Quintus Dyrracinus Philerus36, Philologus37, Vibius Eusebes38, Petilius Apollonius39, ou bien Scandilia Pamphilia40, épitaphes provenant toutes de Dyrrachium. On connaît également des inscriptions dans lesquelles le nom est romain et le cognomen illyrien41. Cependant, malgré cette coexistence de noms, la majorité de l’onomastique de la période impériale possède une origine latine. L’onomastique latine attestée à Dyrrachium et Apollonia supplante totalement l’onomastique grecque et illyrienne aux Ier-IIe siècles de notre ère42.
26Nombre de ces inscriptions latines appartiennent à des affranchis. Cette situation s’explique par le désir de se présenter comme des Romains. Parmi les affranchis de Dyrrachium, on peut mentionner Catedius, affranchi de Gaius43 et Antonia Iucunda, affranchie de Marcus44. Un autre exemple est fourni par la stèle qu’Onésimos a érigée pour son ancien maître45. Dans un monument funéraire d’Apollonia, on voit la dédicace d’un esclave à un autre esclave46. C’est un exemple très rare indiquant le souci de montrer que les esclaves ont également la possibilité d’ériger un monument funéraire voire d’acquérir la citoyenneté. À Byllis aussi on trouve plusieurs exemples d’affranchis47. Toutefois, le nombre des inscriptions qui nous informent sur les affranchis pendant la période romaine est inférieur au nombre d’affranchis qu’on voit dans les inscriptions de Bouthrôtos hellénistique48.
27Les tria nomina, indicateurs de la présence de citoyens romains en Illyrie, demeurent rares. Ce sont surtout Dyrrachium et Byllis qui révèlent l’intégration d’Illyriens dans la cité romaine. Certains tria nomina sont formés de noms latins et grecs, une originalité de cette population. Parmi ces exemples, citons Quintus Caecilius Epagatus49, Publius Gavivarius Philargyrus50, Quintus Dyrracinus Phileros51 etc.
28Une inscription de Dyrrachium révèle l’usage de noms thériophores au sein de la société illyrienne. Une fille est nommée Lupa, sa sœur Ursa. Ces noms sont courants dans les provinces de Dalmatie, Pannonie et Norique. Il faut noter que la mère de ces deux filles porte un nom grec, Thémis52.
29De manière plus générale, on a déduit du répertoire onomastique de la période romaine une volonté de la population locale d’employer l’onomastique du vainqueur53.
30Quelques-unes des inscriptions et des stèles funéraires indiquent, entre autres informations, l’activité professionnelle des personnes. ÀApollonia par exemple, on note la présence du pugiliste Ulpios Praktikos54, et de deux gladiateurs, l’un nommé Lascivus55 et l’autre vainqueur de douze combats56. Un autre gladiateur portant un nom illyrien, Epicado Monomacho, est attesté à Ballsh57. Parmi les autres professions identifiées à Apollonia, relevons un mime au répertoire obscène auquel son père a dédié la tombe58. On voit aussi un philosophe pythagoricien, Marcus Porcius59 et un orateur d’Apollonia qui apparaît dans une inscription de Corinthe60.
31À Dyrrachium, on note encore la présence d’un devin établissant ses prévisions d’après le vol et le cri des oiseaux61 et d’un architecte62. Une autre inscription provenant de cette ville mentionne aussi un médecin ophtalmologiste63.
32Deux autres inscriptions de Dyrrachium évoquent les fabri tignuari et les saccarii. Les premiers sont cités dans l’inscription d’Epidamnus Syrus, honoré comme leur patron64. Les deux corporations sont étroitement liées à l’activité commerciale et portuaire de Dyrrachium en Adriatique.
33Une autre information très importante sur les professions exercées à Bouthrôtos est fournie par une inscription qui semble dédiée au Génie de la ville, Genio Coloniae65. Dans cette inscription, une liste indique les membres d’un collège formé d’hommes exerçant des professions importantes dans la ville comme, par exemple, celles de magister, praefectus, praefectus iure dicundo, librarius et scriptor.
34Les épitaphes de militaires sont les plus riches en informations prosopographiques. Elles indiquent l’origine du soldat, sa légion et ses zones d’affectation. Les légionnaires étaient des citoyens romains et versaient chaque mois 1 à 2 % de leur solde pour l’érection de leur tombe. Malheureusement, les épitaphes de militaires trouvées en Albanie sont très peu nombreuses. À ce jour, on en connaît seulement trois : l’une provient de Dyrrachium, l’autre de Scampis et la dernière de Kalivaç, près de Tepelena. L’épitaphe de Dyrrachium appartient à un soldat qui servait dans la légion V Macedonica. Quintus Paesidius, né à Dyrrachium, a participé aux guerres de Rome en Mésie au sein de la légion IX Hispanica puis en Pannonie et en Bretagne66. L’épitaphe de Scampis appartient à Marcus Aemilius Maximus qui a combattu en Mésie dans la légion XI Claudia et a participé à la guerre juive en 130 avec la légio III Gallica avant d’être transféré dans la légion IV Scythica où il fut décoré par l’empereur Antonin le Pieux, pour terminer sa carrière dans la légion III Gemina en Apulie et en Dacie67. Ces deux épitaphes appartiennent à des soldats qui ont accompli leur service militaire en dehors du territoire illyrien68. L’épitaphe de Kalivaç mentionne Publius Herennius qui servit dans la VIe légion69. Ainsi, hormis les soldats originaires de Dyrrachium, on ignore l’existence d’épitaphes appartenant à des soldats originaires d’autres régions d’Illyrie. Le fait que ces régions ne constituent pas une zone frontalière doit expliquer la rareté des épitaphes de militaires, à la différence de la Dalmatie où des légions étaient stationnées et les épitaphes de soldats nombreuses70. En outre, une inscription évergétique d’Apollonia témoigne de la carrière d’un soldat, Villius Valentinus Furius Proculus, préfet de la cohorte N en Syrie, tribun de la légion N Gemina en Pannonie71.
35D’après les épitaphes, on constate également la présence d’ étrangers dans les villes d’Apollonia et de Dyrrachium. On a trouvé à Dyrrachium un personnage originaire d’Ancône, Gaius Celsius72. Quant à Zôtikos, fils de Marcos, il vient de la cité phrygienne de Prymnessos73. Un autre individu porte un nom d’origine iranienne, Farmakos74. À Apollonia, on trouve un ressortissant de Smyrne, Alexander, mort à Apollonia75, un autre de Patras76 et un prêtre de Mithra, Mannès, père de Parthénopè, d’origine perse77. Dans ces inscriptions la présence d’Illyriens, d’Italiens ou de divers autres étrangers et la coexistence du grec avec le latin témoignent du multilinguisme de ces grandes villes.
Les inscriptions honorifiques
36Les inscriptions honorifiques contribuent aussi à la connaissance de l’organisation institutionnelle des villes. Par exemple, l’inscription dédiée à Germanicus retrouvée à Bouthrôtos montre qu’il avait été élu duumvir quinquennalis avant la mort d’Auguste78. Outre Germanicus, on trouve aussi comme patron de la ville Lucius Domitius Ahenobarbus. La dédicace à Ahenobarbus était l’œuvre de la colonie de Bouthrôtos79. D’autres inscriptions de cette ville mentionnent des magistrats80. Plusieurs inscriptions honorifiques trouvées à Bouthrôtos concernent Atticus et les affranchissements qu’il effectua, révélant ainsi le rôle très important de ce personnage dans la cité81.
37Par ailleurs, l’institution des duumvir quinquennalis apparaît dans presque toutes les villes coloniales et les municipes de ce territoire. Ces magistrats sont attestés à Byllis82, Dyrrachium83 et Lissus84.
38À travers ces inscriptions, il est également possible de déterminer la position d’une ville dans son cadre provincial, comme c’est le cas de la colonie de Scodra dont le statut est connu par une inscription trouvée à Doclea85. Deux inscriptions nous apprennent que Scampis était un vicus de Dyrrachium. La première mentionne le soldat Marcus Aemilius Marcus, né à Vicus Scampa86. La seconde appartient à Quintus Mussius Clemens qui était édile, questeur, duumvir, de la tribu Aemilia et originaire de Dyrrachium87. De Bouthrôtos proviennent aussi deux inscriptions qui mentionnent un magister vici, Aulus Granus88, ce qui témoigne de l’organisation de l’espace urbain selon le modèle de Rome.
L’évergétisme
39L’évergétisme est l’un des moteurs du développement urbain. Les inscriptions mentionnant des constructions publiques entreprises par des personnes privées montrent le lien étroit unissant l’épigraphie et l’urbanisation. L’interaction de ces deux éléments est aussi un autre indicateur de la romanisation de la population. L’évergétisme ne constituait pas une nouveauté dans le territoire illyrien. Ce phénomène était bien connu, en particulier dans les colonies grecques d’Apollonia et de Dyrrhachion, mais pendant la période romaine on observe une intensification de l’activité édilitaire. L’explication est à chercher dans la fierté des citoyens fortunés d’apparaître comme des notables distingués au sein de leur ville. Les constructions publiques financées par les membres de l’élite locale confirment la place de ces personnes dans la hiérarchie municipale.
40Ces édifices participaient beaucoup à la monumentalisation des centres urbains, l’un des traits caractéristiques de la civilisation romaine. Le choix de financer sur ses propres deniers la construction de temples ou d’autres monuments publics manifestait la volonté de l’élite provinciale illyrienne de faire partie intégrante de la société romaine. Toutefois les constructions les plus importantes, sans doute en raison de leur coût exorbitant au regard des fortunes privées, ont été réalisées à l’initiative de dirigeants romains89.
41Byllis offre de nombreux témoignages sur la pratique de l’évergétisme dans les villes illyriennes. Une inscription sur une falaise de la ville mentionne la construction d’une voie partant de Byllis par un officier romain sous le règne de Lucius Vérus. Ainsi, on apprend que la construction ou la réparation des routes pouvait faire l’objet d’une évergésie. Dans la même ville, une autre inscription indique la construction de thermes par M. Sallenus qui semble avoir joué un rôle important dans les affaires publiques, et qui était peut-être le patron de la colonie90.
42Dyrrachium offre également plusieurs cas d’évergétisme connus par des inscriptions. L’une d’elles indique qu’un certain Lucius Flavio Telluri Gaetulico, duumvir quinquennalis, patron de la colonie, a acheté un terrain pour construire une bibliothèque publique à la fin du règne de Trajan. Il appartenait à la tribu électorale Aemilia. Sous Trajan il faisait déjà partie de l’ordre équestre. L’inscription fait allusion à des combats de gladiateurs organisés dans la ville lors de son inauguration91. Malgré de nombreux exemples d’évergétisme dans la ville de Dyrrachium, le caractère parfois incertain de leur découverte ne permet pas toujours de connaître la fonction des bâtiments construits.
43À Apollonia aussi, l’élite romanisée finançait la construction des bâtiments publics les plus importants, comme le montre l’inscription de Quintus Villius Crispinus Furius Proculus qui édifia le bouleutérion au IIe siècle92. Ainsi les personnes qui entreprenaient ces constructions occupaient une position importante dans les affaires locales. Bien évidemment, l’évergétisme reste un phénomène urbain et son essor à l’époque romaine s’explique aussi par la survivance des traditions civiques grecques au sein des villes de l’Illyrie et de l’Épire. En conclusion, on peut affirmer que l’Empire romain a permis aux élites locales des villes d’Illyrie d’accroître et de satisfaire leur désir d’autocélébration.
Inscriptions et religion
44Un autre élément à travers lequel on pourrait suivre la romanisation est la religion. On s’interroge sur son rôle dans l’intégration des peuples à l’Empire romain. Bien qu’il n’ait pas existé de religion officielle au sein de l’État romain, la religion a été mise à profit par Rome comme outil de propagande à travers le symbolisme véhiculé par les cultes. Ainsi, la religion, de concert avec le culte impérial, a joué un rôle important dans l’intégration des sociétés indigènes aux cadres de l’idéologie impériale.
Le culte impérial
45L’idéologie constitue un élément très important de diffusion de l’image du souverain dans toutes les provinces. Pour cette raison, l’étude du culte impérial est un sujet très important qui revêt des aspects religieux, philosophiques et politiques en même temps. Ce culte constitue l’un des phénomènes les plus caractéristiques de l’époque impériale et a exercé une influence sur tous les niveaux de la société romaine. Les inscriptions, ainsi que les sculptures, les autels et les monnaies sont autant d’éléments permettant l’étude de ce culte.
46Diverses théories existent sur son origine, la plupart liées à l’imitation par Auguste des rois hellénistiques93. Cependant, plusieurs études concernant certaines régions de l’Empire ont conclu que l’histoire de chaque contrée aurait influencé les formes de ce culte, en conférant un caractère régional à cette expression du pouvoir impérial.
47Auguste puis Tibère ont joué un rôle essentiel dans l’introduction du culte impérial. La diffusion de l’image du souverain, sur le forum ou la place des villes provinciales, coïncide avec des changements sociaux au sein des populations de l’Empire94. Ces changements se traduisent en particulier par un repositionnement de l’élite locale. Sa détention de magistratures municipales exigeait qu’elle multipliât les actes de bienfaisance publique en entretenant le culte impérial. Ce fut surtout après la mort d’Auguste que des monuments furent érigés en son honneur par les membres de sa famille, en particulier Tibère.
48Les colonies de Bouthrôtos et de Byllis sont les premières où l’on peut noter la présence du culte impérial. Des inscriptions honorifiques dédiées à Germanicus95, proviennent de Bouthrôtos, ainsi que des statues de membres de la famille impériale, Auguste, Agrippa et Livie. Á Byllis, un monument a été dédié à Auguste et une inscription le désigne comme divi filius Augustus96. À Apollonia, Aristô, fille d’Aristonidès et épouse d’Eutyclès, vénérait Iulia Sébastè97, preuve de la place que le culte impérial commence à prendre parmi les Grecs. Dans cette ville, on note aussi une dédicace à l’empereur Claude98. Un culte rendu à Claude est également attesté par une dédicace de Dyrrachium99.
49La période qui suit le règne de Néron marque une diminution de la présence du culte impérial, sans que l’on puisse avancer à ce propos une explication satisfaisante puisque, sous la dynastie flavienne, Domitien est l’objet d’un culte100. Notons la conservation exceptionnelle d’une statue probablement dédiée à Néron et trouvée à Dyrrachium101. Les Antonins sont davantage vénérés à Apollonia où l’on ne compte pas moins de quatre dédicaces102. Quant à Byllis, la seule dédicace découverte concerne Antonin le Pieux103.
50Le culte impérial connut un nouvel essor pendant les règnes de Trajan et d’Hadrien. Hadrien est représenté par des sculptures de Byllis et d’Apollonia et son culte est attesté par quelques inscriptions dédicatoires trouvées à Dyrrachium104 et à Apollonia105. Dans de rares cas, ces dédicaces relèvent de l’initiative personnelle de ces empereurs, comme Hadrien à Dyrrachium.
51D’après d’autres inscriptions, la commémoration de Caracalla est attestée à Bouthrôtos106, celle de Septime Sévère à Scodra107 et à Apollonia108, celles d’Élagabal109 et de Gordien III110 à Apollonia. Notons cependant que les statues ou les portraits impériaux n’ont pas été érigés à la demande des empereurs, mais à l’instigation des membres des élites provinciales en signe de reconnaissance ou dans l’espoir d’une aide financière de la part du souverain111.
52Si l’on compare avec d’autres provinces, le culte impérial resta discret en Illyrie et en Épire sans doute parce que la Macédoine, en raison de son statut de province sénatoriale, n’était pas directement soumise à l’influence de l’empereur. Les cultes rendus à Auguste, Trajan et Hadrien étaient surtout le résultat de leur philhellénisme et de leur implication directe dans l’organisation de cette province. De plus, dans l’histoire des villes illyriennes et épirotes, le culte personnel ne reposait sur aucune tradition car ces cités avaient connu soit un système d’administration collégiale, soit la tutelle de rois illyriens qui n’avaient jamais été divinisés.
53Une institution importante liée au culte impérial était constituée par les sévirs augustaux, qui étaient normalement des affranchis. À Dyrrachium, les sévirs augustaux formaient un élément constitutif de la colonie. On relève les noms de deux frères, Sergius Cornelius Castricius112, Lucius Papius qui ont construit le temple de Minerve113, Lucius Scantius Nymphodotus114 et Caius Vinicius Eutychos115. La présence de sévirs augustaux est également attestée à Byllis116. À Apollonia, l’évergète qui édifia le bouleutérion fut aussi prêtre du culte impérial.
La religion
54Les inscriptions dédicatoires ou votives en faveur de divinités sont, avec les statues et les temples, la source la plus importante pour comprendre divers aspects de la vie religieuse en Illyrie et en Épire à l’époque romaine.
55Les héros sont vénérés avant l’arrivée des Romains dans les villes d’Illyrie et d’Épire puisque nombre d’entre elles leur attribuaient leurs fondations. Selon la légende, Héraclès était, avec Dyrrachios, le cofondateur de la ville de Dyrrachium117. D’un autre côté, la mention d’Énée dans une inscription d’Apollonia118 témoigne de la forte association de la ville à la tradition troyenne. Bouthrôtos était aussi très imprégnée de la légende d’Énée, et Virgile y situe la rencontre du héros avec Andromaque119.
56La ville d’Apollonia se présente comme la principale zone pour étudier le phénomène religieux. Pendant la période hellénistique, sont attestés le culte de Zeus120, celui d’Aphrodite121 et celui d’Athéna122. À cette époque on observe une piété particulière envers Artémis à Apollonia. La déesse ne cessa d’être vénérée pendant la période romaine123. Artémis est présente par des sculptures et des stèles à Apollonia, surtout à l’époque hellénistique.
57Dyrrachium également vénérait la déesse et, d’après Appien, un temple d’Artémis se trouvait à l’entrée de la ville124. Ensuite, sous la forme romaine de Diane, son culte à Dyrrachium est attesté à l’époque impériale125. Cette déesse semble avoir compté parmi les divinités les plus importantes non seulement dans les colonies grecques mais aussi dans les communautés illyriennes. Une statuette en bronze atteste un culte d’Artémis dans la région de Dassarétie au IIIe siècle avant notre ère126.
58Parmi les dieux les plus vénérés figure Asclépios, très présent sur les inscriptions de la période hellénistique. Une inscription de Dyrrachium127 et une autre d’Apollonia128 indiquent la présence d’Asclépios dans ces villes. À Apollonia, il semble qu’un temple lui ait été érigé, puisque le monnayage civique d’époque sévérienne l’utilise comme motif iconographique. À Byllis, Lycotas a dédié un monument à Asclépios et à la colonie129. À Bouthrôtos, le temple d’Asclépios est accolé au théâtre, et, comme lui, il s’agit d’un édifice hellénistique reconstruit pendant la période romaine. Cette proximité topographique entre le temple d’Asclépios et le théâtre a été également notée dans d’autres villes de l’Empire. À Bouthrôtos, Asclépios semble très important puisqu’il apparaît sur les monnaies frappées par la ville. Mieux, tous les actes d’affranchissements sont très probablement liés à son temple. Il faut néanmoins noter que toutes ces actes sont antérieurs à la colonie romaine et il n’y a aucune inscription latine concernant ce culte.
59Cependant l’arrivée des Romains entraîne un processus d’assimilation des divinités indigènes aux dieux romains, de sorte que les Illyriens adaptent leurs propres dieux à la religion romaine comme, par exemple, Jupiter Parthinus ou Diana Candavensis. Dès le IIe siècle avant notre ère, les monnaies de Scodra frappées après la chute du roi Genthios représentent Zeus Parthinus qui fut désigné plus tard sous la forme romaine de Jupiter Parthinus. La valorisation et l’intégration des dieux indigènes étaient des pratiques que Rome avait encouragées dès la romanisation de l’Italie130.
60À Apollonia, le culte rendu aux Nymphes conserve une place importante dans la vie spirituelle de la ville puisque ces divinités figurent sur les monnaies et que l’on connaît l’épitaphe de l’un de leur prêtre131. En l’honneur des Nymphes, la ville organisait aussi des concours. La vénération des dieux grecs pendant la période romaine apparaît aussi au travers de plusieurs œuvres romaines qui représentent des dieux grecs comme par exemple Éros132 et Héra133 à Dyrrachium et Apollon134 à Apollonia.
61Ainsi, le polythéisme romain a également laissé une place aux dieux indigènes. Ce phénomène a prolongé la conservation des particularismes locaux, mais dans plusieurs cas, il a provoqué une absorption graduelle de ces cultes dans un syncrétisme romain. De plus, même si l’identité des divinités avait une dimension locale, les formules utilisées étaient empruntées aux Romains. L’interpretatio romana, en donnant des noms latins aux dieux étrangers, reconnaissait ces divinités tout en contribuant à les romaniser.
62Les divinités romaines ont pris une large place dans la vie religieuse en Illyrie puisqu’on note la construction d’un temple de Minerve à Dyrrachium135 et à Bouthrôtos. En revanche, à Apollonia, des dédicaces s’adressent à Artémis136 et à Tyché137. Diane est vénérée à Dyrrachium138, ainsi que Fatum139. Ce culte du destin n’est attesté que dans cette ville. Malheureusement la partie supérieure de l’autel est endommagée au point de ne plus permettre de distinguer la représentation iconographique. À Bouthrôtos, deux inscriptions mentionnent les cultes de Stata Mater (c’est-à-dire Vesta) et des Lares140.
63Les dieux d’origine orientale sont attestés à Lissus d’après une inscription dédiée à Men141. Une inscription découverte à Kavaja, près de Dyrrachium, témoigne de la vénération pour Men et Jupiter142. Le Jupiter mentionné à Byllis est accompagné de l’épiclèse Sabasios143. D’habitude Sabasios, dieu du jus fermenté (saba ou sapa) d’origine thraco-phrygienne, est associé à Dionysos. Toutefois, à Byllis, il a été associé à Jupiter, comme c’est le cas dans d’autres régions de l’Empire144. L’origine du nom de cette divinité rappelle le sabathium, une sorte de bière illyrienne produite à partir de l’orge145. Près de Scodra, dans une localité traversée par la voie reliant Lissus à Naissus, on a trouvé une main votive du IIIe siècle de notre ère attestant le culte de Sabasius146 (fig. 37).
64À Dyrrachium, la présence de Mithra est attestée par une inscription, de même que son prêtre Marcus Laelius Aquila147. La tombe de Parthénopè, personnage d’origine perse d’après le nom de son père Mannès, a été attestée par une inscription d’Apollonia. Il était probablement le « guide de sagesse » du culte de Mithra à Apollonia148. La diffusion du mithriacisme dans l’Empire romain est liée aux guerres de Rome en Arménie et contre les Juifs. De plus, les esclaves et les soldats originaires de ces régions ont contribué à l’introduction de Mithra dans les milieux romains149. Ainsi le mithriacisme serait très répandu car c’est un culte de soldats. En effet, les légions de l’Illyricum ont pris une place de plus en plus importante durant le IIIe siècle. Déjà, à l’époque d’Hadrien, de nombreux Orientaux sont recrutés au sein des légions stationnées dans cette région150. L’annexion de nouveaux territoires orientaux à l’Empire, en élargissant le réseau commercial entre l’Illyrie et ces régions par l’intermédiaire de la Via Egnatia, a facilité la diffusion de ce culte. Ainsi à Scampis, une des villes traversée par la Via Egnatia, on a trouvé une petite plaque en bronze du IIIe siècle de notre ère, qui appartenait probablement à un prêtre de Mithra (fig. 38). Les prêtres ont joué un rôle d’autant plus important dans la diffusion de cette croyance qu’elle ne possédait aucune capitale religieuse.
65L’existence de ces cultes est à mettre en relation avec la présence de plusieurs orientaux connus à Dyrrachium et à Apollonia. Il peut s’agir de commerçants installés dans les villes portuaires d’Illyrie. La diffusion du mithriacisme et d’autres cultes à mystères ne traduit pas seulement une influence de l’Orient sur l’Empire romain mais la mobilité des individus et des idées entre les provinces151. Les divinités d’origine orientale, comme Isis-Tyché et Hermanubis, apparaissent à partir du règne de Septime Sévère sur les monnaies frappées à Apollonia. Cette symbiose entre la divinité grecque et la divinité égyptienne sur les monnaies d’Apollonia est singulière, mais doit s’expliquer par la faveur dont bénéficient les cultes orientaux sous Septime Sévère. Pourtant, une stèle d’Apollonia, datée des Ier-IIe siècles de notre ère, montrant un couple et leur esclave, atteste la présence de ce culte dans la ville avant le règne de Septime Sévère152. La femme tient un sistre, une patère et une situle pour symboliser son service auprès d’Isis. En Épire, l’influence de ce culte apparaît dès l’époque de Pyrrhus qui, au début du IIIe siècle avant notre ère, avait noué des liens très étroits avec Ptolémée Ier Sôter et Ptolémée II Philadelphe153.
66L’apparition de ces divinités témoigne du degré d’ouverture de la société urbaine illyrienne aux religions issues d’autres provinces de l’Empire. Toutefois les cultes orientaux ne sont attestés qu’en ville et il n’existe aucun témoignage de la présence du culte de Mithra en zone rurale.
67Toutes ces inscriptions dédiées aux empereurs et aux dieux romains montrent que l’écriture était devenue une forme de communication avec les dieux, confirmant ainsi l’intégration de la région à la religion romaine. En même temps, les inscriptions votives et dédicatoires constituent des actes de propagande personnelle qui témoignent de l’introduction des traditions romaines et de leur fusion avec les traditions locales.
Les inscriptions bilingues
68Le phénomène du bilinguisme est mieux connu dans la partie orientale de l’Empire que dans la partie occidentale et reste le fait des Romains davantage que des Grecs154. On interprète généralement ce phénomène sous la forme d’une traduction ou d’une imitation155. Toutefois, le phénomène du bilinguisme n’est pas seulement une manifestation linguistique, il correspond aussi à une expression du biculturalisme produit par la longue coexistence des Romains avec divers peuples employant la langue grecque156. Ces rapports entre indigènes et Romains ont également conditionné la vie politique et culturelle des provinces.
69Toutefois, les inscriptions bilingues sont très rares par rapport aux inscriptions employant le grec ou le latin de manière exclusive. En Albanie, on a retrouvé seulement quatre inscriptions bilingues : deux épitaphes, une évergésie et une dédicace aux Dioscures. Cette dernière est la seule qui provient de la campagne.
70Les deux épitaphes ont été trouvées à Dyrrachium et appartiennent à une même famille, les Maximi157. Cette famille faisait probablement partie de la communauté italienne établie dans la ville avant la fondation de la colonie romaine158. Une des inscriptions bilingues mentionne une Maxima Pomenteinos et un Gaios Pomenteinos159. Ce nom apparaît également sur une autre inscription du corpus des inscriptions de Dyrrachium (n° 297). Selon P. Cabanes, le nom serait originaire de la cité volsque de Pometia. Une autre inscription latine de Dyrrachium mentionne le gentilice Pomentinus160 et A. Evans indiquait naguère à Épidaure la présence d’un duumvir nommé Marcus Pomentinus Turbo161. Le gentilice Pomentinus, toujours en rapport avec la même famille des Maximi, est également attesté dans un site rural des environs de Dyrrachium162. On l’a trouvé aussi à Grammata163 et Dyrrachium164. Même si l’inscription est bilingue, son contexte semble local. Le formulaire funéraire, très simple, emploie le grec et mentionne seulement la défunte, omettant le commemorator, contrairement à la tradition épigraphique romaine.
71L’existence du bilinguisme à Dyrrachium avant la fondation de la colonie romaine constitue un phénomène essentiel pour la compréhension des relations sociales organisant cette ville. Le fait que les Italiens installés à Dyrrachium choisissent, dans leurs manifestations publiques, de recourir aux deux langues est une preuve de leur volonté de s’intégrer au milieu indigène et témoigne en même temps de liens culturels étroits avec leur patrie. Ces inscriptions bilingues manifestent la symbiose culturelle qui s’est opérée à Dyrrachium. Dans ce contexte, le fait que les inscriptions bilingues trouvées à Dyrrachium appartiennent à la sphère privée montre la profondeur du processus d’acculturation dans cette ville.
72De ce fait, les Italiens établis à Dyrrachium utilisent la langue locale pour favoriser leur insertion dans une société marquée par la coexistence de deux communautés. Cet usage ou cet apprentissage du grec n’exclut pas que certains négociants italiens connaissaient déjà le grec avant leur installation en Orient car nombre d’entre eux étaient originaires de Grande Grèce. Par conséquent, la langue grecque ne constituait pas un obstacle pour les communications. Cependant, pour ces hommes installés de l’autre côté de l’Adriatique, il restait toujours important de montrer leur citoyenneté, comme cela apparaît sur une inscription d’Apollonia écrite en grec au nom de Marcus Tullius, sans doute un « Rômaios »165. L’inscription date des Ier-IIe siècles de notre ère, et exprime le fort attachement des citoyens romains à leur cité d’origine.
73Ainsi, l’emploi du grec par les Romains pour s’adresser aux indigènes n’est pas seulement un geste de bonne volonté, c’est un effort de séduction à l’attention des autochtones pour faciliter un rapprochement entre communautés. Du coup, on voit que les Romains apprennent le grec pour des raisons que ne partagent pas les indigènes, qui recourent au latin pour s’intégrer à la société romaine. À ce propos, rappelons que c’est à Apollonia que le jeune Octavien a séjourné pour apprendre le grec.
74Un autre exemple d’inscription bilingue d’époque impériale trouvée à Amantia est fourni par C. Patch166. L’inscription indique la construction d’un grenier à blé dans la ville au IIe siècle de notre ère. Cette inscription bilingue revêt une grande importance par sa mention de travaux à l’époque impériale dans la ville d’Amantia, car ce site reste encore très peu fouillé et donc mal connu. Amantia conservait de fortes traditions hellénistiques et, durant la période romaine, elle devint une cité libre. L’utilisation de la langue latine à côté de la langue grecque montre le phénomène d’acculturation qui a eu lieu dans cette ville.
75Il est intéressant de noter que dans les villes d’Épire, le phénomène du bilinguisme semble inconnu même s’il existait une forte communauté de Romains qui a sans doute été hellénisée au point d’employer le grec dans les inscriptions. Cela s’explique aussi sans doute par le fait que l’écriture n’a jamais été beaucoup utilisée dans les régions épirotes, sauf à Bouthrôtos au IIe siècle avant notre ère. Dans les autres villes les inscriptions demeurèrent fort rares.
76Une autre inscription bilingue a été trouvée à Baldushk, près de Tirana167. Le texte est gravé sur un monument votif dédié aux Dioscures, Castor et Pollux, qui étaient les dieux protecteurs des marins. Leur présence sur le territoire illyrien reste unique, si l’on excepte de la baie de Grammata où de nombreuses inscriptions ont été dédiées aux Dioscures. Elles ne sont pas là le fait des indigènes, puisqu’il s’agit d’une baie abritant les navires en difficulté168.
77L’apparition du latin dans les inscriptions bilingues coïncide avec l’installation de l’administration romaine et de ses structures militaires et économiques. De manière plus générale, le bilinguisme a joué un rôle majeur dans la transformation du pouvoir romain en le rendant plus accessible aux populations locales. Le bilinguisme constitue le prélude à l’introduction de l’écriture latine en Illyrie illustrée par les inscriptions relatives aux travaux publics et au culte impérial.
La diminution du nombre des inscriptions latines au IIIe siècle
78Le dénombrement des inscriptions latines trouvées en Albanie montre une réduction pendant le IIIe siècle, un phénomène qui s’explique par les transformations importantes affectant l’Empire à cette époque.
79Vraisemblablement pour des raisons financières, Caracalla promulgue en 212 une constitution qui attribue la citoyenneté à toutes les populations de l’Empire169. C’est dans ce contexte que le statut romain a perdu son importance car les élites provinciales traditionnelles se trouvaient alors dans une position financière difficile. Les épitaphes, éléments caractéristiques de la culture romaine, ont perdu de leur importance au IIIe siècle.
80Le IIIe siècle voit également une diminution de l’évergétisme car la loi de Caracalla a paralysé l’initiative des élites municipales qui exerçait un effet dynamique sur le processus d’urbanisation170. L’empereur est devenu la seule personne capable de financer les constructions publiques. Les dépenses sont considérables au IIIe siècle dans le domaine des réfections routières. La nouvelle situation militaire a probablement imposé à l’Empire de restaurer son réseau routier dans les Balkans. Par exemple, à Apollonia a été découverte une borne milliaire de Caracalla. Cette borne se révèle d’une grande importance car elle indique non seulement l’existence d’une seconde branche de la Via Egnatia au départ d’Apollonia, mais elle marque aussi une nouvelle étape dans le développement de cette voie et de la région sous les Sévères171. À Levan172 et Sulzotaj173, près d’Apollonia, deux autres bornes milliaires ont été découvertes, l’une du IIIe siècle, et l’autre au nom des deux fils de Constantin. Une borne au nom de Dioclétien provient du castrum romain tardif de Paleokastër174. Une autre borne de l’époque sévérienne a été trouvée à Gorica (près de Gjirokastër), et appartenait à la voie qui reliait Apollonia à Hadrianopolis175. Malheureusement, aucune de ces bornes n’a été trouvée in situ, ce qui limite considérablement la valeur de leur témoignage pour la géographie historique. Cependant, indices de la présence romaine sur le territoire, elles témoignent des travaux de construction et de réfection des routes menés par les souverains au profit de l’armée, mais aussi de l’amélioration des vecteurs de transmission du pouvoir central et de la civilisation romaine.
81On note qu’au cours du IIIe siècle apparaissent à Apollonia de nouveaux noms, inconnus jusque-là dans les inscriptions de la ville et d’autres sites à l’intérieur des terres176. Ce phénomène s’explique par la probable émergence dans les documents d’individus appartenant aux classes sociales inférieures. Il se peut que ces nouveaux noms appartiennent à des citoyens qui, avant l’édit de Caracalla, n’avaient pas accès aux formes d’expression publique177. Le même phénomène est perceptible dans l’arrière-pays illyrien. Cependant, il est vrai que les autres sites offrent avec parcimonie des inscriptions latines du IIIe siècle, comme par exemple les quelques épitaphes de Dyrrachium et de Byllis.
82Pendant ce même siècle, on remarque la réapparition du grec dans quelques inscriptions. Ce phénomène a également touché les colonies romaines de Dyrrachium, Byllis et Bouthrôtos. À Byllis, parmi les inscriptions en langue grecque, on peut noter l’épitaphe d’Ignatia érigée par son mari Dioclès178, la tombe de Luparion construite par sa femme Zosima179, une dédicace à Eubulos par l’affranchie Iulia180, une inscription dédiée par Sosipatra à sa fille Maceta181 et la tombe que Calliopè construisit pour son fils Krotameni182. Le même phénomène apparaît dans les alentours de Byllis, par exemple à Greshicë où l’on a trouvé une stèle dédiée à Markelos par sa femme Prikeipeina, avec l’image du défunt et une croix183. Une autre stèle a été dédiée à Saturnina par son fils184. À Dyrrachium au IIIe siècle, on note également plusieurs cas d’emploi de la langue grecque, par exemple la tombe de Zotikos de Prymnessos, fils de Markos, originaire de Phrygie et mort à Dyrrachium185 et les épitaphes de Flavius Maximus186, Flavius Longinus187 et Stephanos188.
83Il est difficile d’expliquer cette transformation linguistique et onomastique qu’on perçoit dans la société illyrienne du IIIe siècle. Les inscriptions grecques n’étaient toutefois pas absentes des colonies romaines pendant le Haut-Empire, comme l’attestent l’épitaphe de Clara Terentia189 à Dyrrachium, et une inscription du IIe siècle à Bouthrôtos dédiée au gouverneur de Macédoine, Marcus Ulpius Annius Quintianus190. Mais l’on ne dispose toujours pas d’une connaissance suffisante du IIIe siècle pour interpréter cette situation qui semble relever d’un choix personnel.
84Cependant, la rareté au IIIe siècle de monuments funéraires inscrits semble aussi s’expliquer par l’emploi des sarcophages. L’usage des sarcophages durant l’époque hellénistique à Dyrrachium et à Apollonia cesse après la conquête romaine. Ils réapparaissent dans la seconde moitié du IIe siècle à Dyrrachium. Pendant le IIIe siècle, les sarcophages sont présents surtout à Dyrrachium, mais aussi, dans une moindre mesure, dans des villes importantes comme Apollonia, Bouthrôtos et Hadrianopolis191. Il est très probable que l’élite urbaine de Dyrrachium a alors changé son mode de distinction, en utilisant ce type de sépulture.
85La réutilisation de la langue grecque dans les monuments funéraires du IIIe siècle a été également suivie d’un changement onomastique dans les villes. Comme on l’a vu d’après les exemples de Byllis et de Dyrrachium, la proportion de noms grecs dans les épitaphes s’accroît par rapport à l’époque impériale. Par ailleurs, on constate l’apparition de symboles chrétiens sur les tombes dès le IIIe siècle. Par exemple, à Byllis, une croix figure sur la stèle de Markelos192 et, à Apollonia, sur l’épitaphe d’une femme193. Toutefois les renseignements fournis par les épitaphes sur la diffusion du christianisme dans ces territoires restent maigres.
86De ce fait, les mutations politiques, économiques, sociales et religieuses de la population illyrienne et épirote au IIIe siècle apparaissent clairement dans les inscriptions et les monuments funéraires de la fin de l’Empire romain.
Conclusion
87La population urbaine illyrienne recourt pendant les premiers siècles de notre ère à la langue latine et à l’onomastique romaine. Ce phénomène entraîne la réduction des anciens noms illyriens ou grecs avec l’octroi de la citoyenneté romaine. La langue latine, devenant une nécessité pour les populations urbaines, est de plus en plus utilisée. Les inscriptions bilingues constituent une phase intermédiaire, qui indique l’apparition de la langue latine en Illyrie et touchent également aux problèmes d’identité culturelle. Le choix du bilinguisme allait de soi dans un contexte de mixité culturelle entre Illyriens, Grecs et Romains. Toutefois, l’intégration du latin dans ce milieu montre la capacité des indigènes à s’adapter aux nouvelles réalités sociales et politiques. L’apparition de noms latins dès l’époque républicaine trouve ici son explication.
88L’épigraphie latine se généralise pendant la période impériale. Ce fait est également lié à d’autres transformations occasionnées pendant les trois premiers siècles de notre ère comme l’urbanisation et la pratique de l’affranchissement ainsi que d’autres phénomènes culturels amorcés par Auguste194.
89Les informations fournies par les inscriptions latines d’Illyrie ne diffèrent pas de celles issues des autres provinces de l’Empire195. L’augmentation du nombre d’inscriptions latines au IIe siècle suit l’augmentation de la population et le développement urbain, et manifeste un bien-être général.
90Le petit nombre de textes épigraphiques conservés interdit d’avoir une idée précise des transformations sociales de la population illyrienne pendant la période romaine. Les rares inscriptions proviennent surtout des grandes villes et très rarement des zones rurales. De ce fait, on pourrait déduire que l’écriture et les coutumes romaines ne se diffusent pas à l’intérieur du territoire. Cependant, la fréquence de certaines formes de sépultures liées à la présence des Romains, comme les tombes monumentales et les sépultures au riche mobilier, montre que la population de l’intérieur ne vivait pas à l’écart du processus de romanisation. Ainsi, il faut préciser que les Romains n’ont pas toujours utilisé l’écriture sur les monuments funéraires, puisque nombre d’entre eux sont anépigraphes et offrent une riche documentation iconographique.
91La vie religieuse des Illyriens a également connu une évolution pendant l’Empire. Leurs dieux eux-mêmes se romanisent par l’interpretatio romana. De plus, le culte impérial a joué un rôle important dans la romanisation de la population puisque sa pratique permettait la symbiose d’aspects religieux et politiques.
92On aimerait ici souligner l’influence du latin sur la langue albanaise car une étude consacrée à cette question a relevé des formes intéressantes de conservation du latin196. Toutefois, cette influence est peut-être liée à une autre période historique, celle de domination vénitienne dans les villes côtières aux XIVe-XVIe siècles. Dans le domaine linguistique, plusieurs auteurs ont remarqué cette influence du latin sur la langue albanaise197 : E. Çabej y a ainsi montré la présence de certaines formes latines198. D’autres chercheurs ont identifié des mots latins conservés seulement en albanais et inexistants en roumain199. Quelques toponymes d’origine latine sont préservés en Albanie200. Un grand nombre de toponymes a probablement disparu ou a été remplacé par des toponymes slaves et turcs. En effet, l’histoire de ces régions après le IIIe siècle, marquée par les invasions barbares et la disparition du pouvoir central, a conduit à une « déromanisation » du territoire, ce qui rend très difficile l’étude de l’évolution du latin. Dans ce contexte, le processus de ruralisation et d’abandon des villes dans l’Antiquité tardive a conduit à la disparition du latin d’usage courant en ville.
93La disparition de la langue et de l’onomastique latine est perceptible dès le IIIe siècle de notre ère avec une renaissance épigraphique de la langue grecque. Cependant, les processus postérieurs à la chute de l’Empire ont gardé des traces linguistiques de la romanisation. Durant tout l’Empire, le latin est demeuré la langue de culture par laquelle la civilisation romaine a été transmise aux Illyriens.
94Si le latin semble avoir remplacé la langue grecque en Illyrie, il s’est introduit plus rapidement dans les régions utilisant le grec avant la venue des Romains que dans les zones ignorant l’écriture. En revanche, en Épire, la langue latine ne semble guère avoir été utilisée, hormis par la colonie de Bouthrôtos et sur quelques exemples de bornes milliaires manifestant le contrôle du pouvoir central sur le territoire.
95L’usage du latin paraît lié à l’essor d’une élite urbaine. Les épitaphes provenant des nécropoles des villes montrent qu’une partie de leurs habitants les plus distingués ont reçu des noms romains, preuve de changements socioculturels profonds. L’usage d’inscriptions latines a signifié l’intégration des couches les plus élevées dans la société romaine.
96Ainsi, la population présente dans les inscriptions du Haut Empire est très différente de celle du Ier siècle avant notre ère, période d’apparition des premières inscriptions latines. Les différences sont visibles sur le plan onomastique, où la majorité utilise des noms romains et sur le plan religieux, où les dieux vénérés sont ceux de tout l’Empire. Ces deux éléments marquent un profond changement social, culturel et spirituel.
Notes de bas de page
1 Pline, Histoire Naturelle, III, 39.
2 Jusqu’à présent, il n’existe aucun document attestant l’existence d’une écriture chez les Illyriens. Diverses études ont laissé penser qu’une des bagues trouvées dans la nécropole médiévale de Dalmace (Komani) portait une inscription illyrienne, mais il s’agissait en réalité d’une formule apotropaïque byzantine rédigée en grec. Voir E. Çabej, Mbishkrime unazash të Shqipërisë veriore, dans BUSHT, 2, 1957, p. 122-126. L’absence d’écriture a conduit les chercheurs à étudier la langue illyrienne à travers les noms de lieux et de personnes jugés d’origine illyrienne. La complexité et la teneur des débats entre linguistes expliquent que la question de la langue illyrienne ne relève pas de ce travail.
3 Voir G. Woolf, Monumental Writing and the Expansion of Roman Society in the Early Empire, dans JRS, 86, 1996, p. 29.
4 C. P. Sestieri, Nënshkrime latine të Shqipnis... cit., il inclut également dans ce corpus les inscriptions publiées auparavant dans le Corpus Inscriptionum Latinarum.
5 S. Anamali, H. Ceka, Mbishkrime latine të pabotueme të Shqipnisë, dans BUSHT, 1, 1961, p. 103-134.
6 V. Toçi, Données sur l’élément illyrien à Dyrrachium à la lumière des nouveaux témoignages archéologiques, dans SA, 1, 1972, p. 77-84 ; N.Ceka, Mbishkrime byline... cit., p. 49-121 ; L. Miraj, Mbishkrime për ndërtimet e Dyrrahut... cit., p. 249-257 ; F. Miraj, Mbishkrime latine të Durrësit, dans Iliria, 1-2, 1991, p. 269-274.
7 Mme Élisabeth Deniaux a été chargée ensuite de la publication de l’ensemble du corpus, qui vient de paraître dans la Collection de l’École française de Rome : Corpus des inscriptions latines d’Albanie, édité par S. Anamali, H. Ceka, É. Deniaux, Rome, 2009, ici abrégé sous la forme CIA.
8 Il s’agit du Corpus des inscriptions grecques d’Illyrie méridionale et d’Épire, ici abrégé sous la forme CIGIME.
9 S. Anamali, Proçese shndërrimi në trevën jugore Ilire, dans Iliria, 1, 1986, p. 5-41.
10 L. Keppie, Understanding Roman Inscriptions, Londres, 1991, p. 100.
11 Selon D. Rendić Mioćević, la columella est d’origine illyrienne. Il l’appelle « cippe sépulcral de type sud-illyrien ». Cependant, cette catégorie de monument funéraire est connue non seulement en Illyrie méridionale mais aussi en Grande Grèce et dans d’autres régions méditerranéennes. Voir D. Rendić Mioćević, Epidamnos-Dyrrachion, Rider-Municipium Riditarium (Dalmatie) et leur fonds épigraphiques comme sources de l’onomastique illyrienne, dans P. Cabanes (éd.), Grecs et Illyriens dans les inscriptions en langue grecque d’Épidamne-Dyrrachion et d’Apollonia d’Illyrie, Paris, 1993, p. 120.
12 On connaît seulement deux exemples provenant de Dyrrachium : CIA, no 91 et 123.
13 J. M. C. Toynbee, Death and Burial in the Roman World, Baltimore-Londres, 1971, p. 35.
14 H. Hidri, Nekropoli antik i Dyrrahut, dans Iliria, 2, 1986, p. 100 ; N. Ceka, Qyteti Ilir i Selcës së poshtme, Tirana, 1985, p. 109-111 ; A. Mano, Nekropoli i Apollonisë, Tuma I (gërmime të viteve 1958-1959), dans Iliria, 1, 1971, p. 103-207.
15 CIA, no171-177.
16 N. Ceka, La datation des inscriptions en langue grecque d’Apollonia et de Dyrrachion, dans P. Cabanes (éd.), Grecs et Illyriens dans les inscriptions en langue grecque d’Épidamne-Dyrrachion et d’Apollonia d’Illyrie, Paris, 1993, p. 21, 24-25.
17 Voir V. Toçi, Données sur l’élément illyrien... cit., p. 77-84. Voir aussi C. De Simone, L’elemento non greco nelle iscrizioni di Durazzo ed Apollonia, dans P. Cabanes (éd.), Grecs et Illyriens dans les inscriptions en langue grecque d’Épidamne-Dyrrachion et d’Apollonia d’Illyrie, Paris, 1993, voir l’appendice p. 50-75 ; O. Masson, Encore les noms grecs et les noms illyriens à Apollonia et Dyrrachion, dans P. Cabanes (éd.), Grecs et Illyriens dans les inscriptions en langue grecque d’Épidamne-Dyrrachion et d’Apollonia d’Illyrie, Paris, 1993, p. 78. Parmi les plus fréquents, notons Daksaios et sa variante Daksios, Genthios, Madena, Plator et Platoria, Preuratos et sa variante Pleuratos, Teutaia ou Tataia, Tritos, Bersantos etc.
18 O. Masson, Encore les noms grecs et les noms illyriens... cit., p. 77-80.
19 P. Cabanes, Apollonie et Épidamne-Dyrrachion : épigraphie et histoire, dans P. Cabanes (éd.), L’Illyrie Méridionale et l’Épire dans l’Antiquité II, Paris, 1993, p. 152.
20 CIGIME 1, 2, n° 29. On peut citer d’autres exemples de noms romains comme Laelius fils d’Asclepiadas, CIGIME 1, 2, n° 60 ; Iulia Lampas, CIGIME 1, 2, n° 101 ; Clodius fils de Clodius, CIGIME 1, 2, n° 108 ; Quadratus, CIGIME 1, 2, n° 109 ; le cognomen Optata, CIGIME 1, 2, n° 130 ; Zolia Oppia fille de Philonos, CIGIME 1, 2, n° 137 ; le métronyme Selenius, CIGIME 1, 2, n° 143 ; Rufus Valerius, CIGIME 1, 2, n° 145 ; Secunda, CIGIME 1, 2, n° 148 et Fundania fille d’Ofelionos, CIGIME 1, 2, n° 166.
21 Parmi les exemples trouvés dans les inscriptions grecques de Dyrrachium, citons le cognomen Amoenus, CIGIME 1, 1, n° 21 ; Annaia Celsus, CIGIME 1, 1, n° 104 ; Grania Annoleia, CIGIME 1, 1, n° 160 ; Decumus fils de Decumus, CIGIME 1, 1, n° 168 ; Patulcius, CIGIME 1, 1, n° 179 ; Quintus Granius Salvius, CIGIME 1, 1, n° 272. Il s’agit d’un citoyen romain dont le nom est écrit en grec ; Labia, CIGIME 1, 1, n° 277 ; Lucius Mufeius, CIGIME 1, 1, n° 292 ; Madena Pometina, CIGIME 1, 1, n° 297 ; Cornelia Naso, CIGIME 1, 1, n° 300 ; Marcos Apponius, CIGIME 1, 1, n° 301 ; Marcos Benevertius, CIGIME 1, 1, n° 302 ; Nana Anecia, CIGIME 1, 1, n° 321 ; Nicos Laetius, CIGIME 1, 1, n° 333 ; Pollia Marcus, CIGIME 1, 1, n° 359 ; Porcia Barnaius, CIGIME 1, 1, n° 360 ; 361 ; Tataia Grania, CIGIME 1, 1, n° 396 et Tireus Trebellius, CIGIME 1, 1, n° 414 ; 419.
22 C. De Simone, L’elemento non greco nella iscrizioni di Durazzo ed Apollonia... cit., p. 35-75.
23 P. Cabanes, Les noms latins dans les inscriptions grecques d’Épidamne-Dyrrachion, d’Apollonia et de Bouthrôtos, dans A. D. Rizakis (éd.), Roman Onomastics in the Greek East, Social and Political Aspects, Paris, 1996, p. 90.
24 Comme par exemple : Lysimachidès Epidamnios, CIGIME 1, 1, no 513 ; Agenos Epidamnios, CIGIME 1, 1, n° 516 ; Dardanos, CIGIME 1, 1, n° 31 ; Epidamnus Syrus, CIL III, 611, CIA, no 37 ; Quintus Dyrracinus Phileros, V. Toçi, Mbishkrime dhe relieve nga nekropoli i Dyrrahut, dans BUSHT, 2, 1962, p. 101, CIA, no 100 ; Iulia Durrachina, CIA, no 96.
25 P. M. Fraser, Funerary Forms and Formulae at Dyrrachion and Apollonia, dans P. Cabanes (éd.), Grecs et Illyriens dans les inscriptions en langue grecque d’Épidamne-Dyrrachion et d’Apollonia d’Illyrie, Paris, 1993, p. 31.
26 Cl. Nicolet, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris, 1988, p. 38.
27 CIA, no 214 : Caecilia (L(ucii) f (ilia) / Venusta Byllid (ensis) / cum Lartidio Naisso / marito suo hic sita est / cum quo annis XXXXII / sine querella sanctissime vixit.
28 CIA, no 83 : Novia Scodrina.
29 CIA, no 4 ; 16.
30 CIA, no 17.
31 CIA, no 27.
32 CIA, no 126.
33 CIA, no 138.
34 CIA, no 206.
35 CIA, no 235. Il semble que ce personnage a bénéficié de la citoyenneté romaine grâce à la protection d’Atticus.
36 CIA, no 100.
37 CIL III, 614 ; CIA, no 40.
38 CIA, no 92 : [D(iis) M(anibus)] s (acrum) / [Vale]rio Eusebenti / q (ui) v (ixit) a (nnos) IIII Vibius [Eus]ebes fil (io) / caris (simo) et Popil (iae) Ianuarie / uxori q (uae) v (ixit) a (nnos) XXXV et sibi / viv (u) s fec (it).
39 CIA, no 30.
40 CIA, no 107.
41 CIA, no 75 : Visellius Pladomenus.
42 S. Anamali, Aperçu comparatif entre l’onomastique dyrrachienne et apolloniate et celle des centres de l’arrière-pays illyrien, dans P. Cabanes (éd.), Grecs et Illyriens dans les inscriptions en langue grecque d’Épidamne-Dyrrachion et d’Apollonia d’Illyrie, Paris, 1993, p. 116. S. Anamali avait noté à Apollonia une plus grande diversité de noms latins par rapport à Dyrrachium. Selon lui, cette différence résulte de la situation politique établie après la guerre menée par Rome, qui aboutit à la déduction d’une colonie à Dyrrachium et à l’octroi du statut de civitas libera et immunis à Apollonia. Dans ce contexte, le maintien à Apollonia de la langue grecque a influencé un plus grand nombre d’inscriptions qu’à Dyrrachium et a abouti à une plus grande diversité onomastique.
43 CIA, no 103 : Catedius / G(ai) l (ibertus) Chrussippus / Tertiae uxori.
44 CIL III, 614 ; CIA, no 40.
45 CIGIME 1, 2, n° 195.
46 CIGIME 1, 2, n° 243.
47 Maria Salvia a dédié une stèle à son patron, l’augustale M. Marius Gemellus CIA no 196 ; la stèle de Lamyrus CIA, no 198 ; Philocalus qui a érigé une stèle pour sa femme, une affranchie, CIA, no 202 ; un ancien esclave, Caius, porte le nom de son ancien maître et lui dédie une épitaphe, CIA, no 193 ; une inscription identique provient de Scampis CIA, no165.
48 P. Cabanes, Les affranchis à Apollonia, dans P. Cabanes, J.-L. Lamboley (éd.), L’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’Antiquité IV, Paris, 2004, p. 83-88. La plus grande originalité de Bouthrôtos sur le plan épigraphique réside dans la rareté des inscriptions postérieures à l’implantation de la colonie romaine.
49 CIA, no 235.
50 CIA, no 201.
51 CIA, no 100.
52 CIA, no 76 : Lupae / Tadi He/disti ser (vae) / q (uae) v (ixit) a (nnos) XVIII / pos (uerunt) sib (i) Ursa so/ror et Themis / mater ; voir aussi É. Deniaux, Recherches sur les activités du port de Dyrrachium à l’époque romaine : Fabri tignuari et saccarii, dans D. Berranger-Auserve (éd.), Épire, Illyrie, Macédoine… Mélanges offerts au Professeur Pierre Cabanes, Clermont-Ferrand, 2007, p. 75.
53 Voir également P. Cabanes, Les noms latins dans les inscriptions grecques d’Épidamne-Dyrrachion, d’Apollonia et de Bouthrôtos... cit., p. 93.
54 CIGIME 1, 2, n° 224.
55 CIGIME 1, 2, n° 215.
56 CIGIME 1, 2, n° 242. Le nom n’est pas lisible.
57 CIA, no 210.
58 CIGIME 1, 2, n° 226.
59 CIGIME 1, 2, n° 260.
60 CIGIME 1, 2, n° 322. La présence d’un Apolloniate dans cette ville pourrait suggérer le maintien de liens étroits à l’époque romaine entre Apollonia et son ancienne métropole.
61 CIGIME 1, 2, n° 57 : « Démosthénès a élevé ce monument pour son père Philippos, en souvenir ; il a vécu 65 ans ; il observait le vol et le cri des oiseaux ».
62 L. Miraj, Mbishkrime për ndërtimet…, p. 256 : Lucius Tutili Rufus architectus.
63 CIL III, 614 ; CIA, no 40.
64 CIA, no 132 ; É. Deniaux, Recherches sur les activités du port de Dyrrachium à l’époque romaine... cit., p. 76-78.
65 É. Deniaux, Recherches sur la société de Buthrote, colonie romaine, dans P. Cabanes, J.-L. Lamboley (éd.), L’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’Antiquité IV… cit., p. 391-397.
66 CIA, no 58 : Q(uinto) Paesidio C(aii) f (ilio) / Aem (ilia) Macedoni / prim (o) pil (o) leg (ionis) IX Hisp (anae) / praef (ecto) castror (um) leg (ionis) IV / Scythic (ae) trib (uno) milit (um) leg (ionis) / eiusdem auguri / flamini Neronis / Claudii Caesaris Aug (usti) / Germanici.
67 CIA, no 153 : M(arco) Sabidi[o M(arci) f (ilio] / Aem (ilia) Ma[ximo] / mil (iti) leg (ionis) XI C[laud (iae)] signif (ero) cornu[cular (io)] / optioni at spe[m ordi]nis (centurioni) leg (ionis) s (upra) s (criptae), prom[oto a] / divo Hadrian[o in leg (ionem) III] / Gall (icam) d (onis) d (onato) ab eu[d (em) imp (eratore ob vic/to]r (iam) iudaic (am) torqui[bus armil (lis) / ph]aleri, coron[a] mura[li] [(centurioni) leg (ionis) I[III / S]/cythicae item (centurioni) leg (ionis) I […] / prom (oto)] / ab imp (eratore) Antonino in le[g (ionem)…] / ab eod (em) imp (eratore) prom (oto) in leg[(ionem) XIII Gem[(inam). [v (ixit) a (nnos) LXX ? mil (itavit) st (ipendia)] / (centurioni) (centuriae) Ka (esonii) XX continua XL. Valer[ia ?... pos (uit)] / l (oco) d (ato) a convic (anis) Scamp (ensibus) inlatis et su[pra scriptis] / […]anno uiola et ro[sas] ?
68 Voir S. Anamali, Proçese shndërrimi... cit., p 17.
69 CIA, no 227 : P(ublius) Herennius P(ublii) f (ilius) / [miles] legionis VI Hic situs est. Son nom est très courant dans l’Empire. Voir É. Deniaux, À propos des Herennii de la République et de l’époque d’Auguste, dans MEFRA, 91, 2, 1979, p. 623-650.
70 J. J. Wilkes, Inscriptions from Dalmatia and Moesia Superior since ILIUG AND AIMS, dans XI Congresso internationale di epigrafia greca e latina (Rome, 18-24 settembre 1997), Rome, 1999, p. 455-456.
71 CIGIME 1, 2, no 187.
72 CIGIME 1, 1, no 20.
73 CIGIME 1, 1, n° 58.
74 CIGIME 1, 1, n° 338.
75 CIGIME 1, 2, n° 244.
76 CIGIME 1, 2, n° 213.
77 CIGIME 1, 2, n° 259.
78 CIA, no 274.
79 CIA, no 275 ; É. Deniaux, Buthrote colonie romaine... cit., p. 46.
80 CIA, n° 234 ; 236 ; 238 ; 264 ; 265.
81 Voir É. Deniaux, Buthrote colonie romaine... cit., p. 43-44.
82 CIA, no 180 ; 188.
83 CIA, no 33 ; 35 ; 36 ; 37 ; 98.
84 CIA, no 23 ; 24 ; 25.
85 S. Anamali, Scodra koloni romake... cit., p. 11.
86 CIA, no153.
87 CIA, n° 154.
88 CIA, no 264 ; 265.
89 Par exemple, la reconstruction des fortifications de Lissus par César, celles de Byllis par Auguste ainsi que les aqueducs de Bouthrôtos et Dyrrachium.
90 CIA, n° 191.
91 CIL III, 607 ; CIA, no 35. La famille de Lucius Flavius Tellurus Gaetulicus occupait depuis longtemps une place importante dans la gestion des affaires de la colonie.
92 CIGIME 1, 2, no 187. Voir également P. Cabanes, L’évergétisme à Apollonia d’Illyrie et à Dyrrachium à l’époque romaine, dans M. Cébeillac-Gervasoni, L.Lamoine, F.Trément (éd.), Autocélébration des élites locales dans le monde romain. Contexte, textes, images (IIe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.), Clermont-Ferrand, 2004, p. 128.
93 Voir R. Étienne, Le culte impérial dans la péninsule ibérique. D’Auguste à Dioclétien, Paris, 1958, p. 1-4.
94 Voir E.Rosso, Élites et imitatio : la reprise par les élites des types statuaires impériaux, dans M. Cébeillac-Gervasoni, L. Lamoine, F. Trément (éd.), Autocélébration des élites locales dans le monde romain... cit., p. 40.
95 G.Pollo, Një mbishkrim i Germanikut në Butrint, dans Iliria, 1, 1988, p. 213-215 ; CIA, no 274.
96 CIA, no 184.
97 CIGIME 1, 2, n° 173. Dans cette ville, le culte de Livie est associé au culte local d’Eileithyia.
98 CIGIME 1, 2, n° 180.
99 CIA, no 90 : Ti (berio) Claudio D[rusi f (ilio) Caes (ari)] / Aug (usto) German[ico pontif (ici) max (imo)] / trib (unicia) pot (estate) IIII imp (eratori)[VIII co (n) s (uli) III p (atri) p (atriae)] / C(aius) Helvius T(iti) f (ilius) Aem (ilia tribu) Nige[r…].
100 CIGIME 1, 2, n° 174.
101 Voir M. Cavalieri, La statua loricata di Durazzo e la politica imperiale di fine I secolo d.C., dans S. Santoro, M. Buora (éd.), Progetto Durrës… cit., p. 221-243.
102 CIGIME 1, 2, n° 182, 183, 184, 185. Malheureusement, on ne parvient pas à dater les inscriptions car on ignore les noms des empereurs.
103 CIA, no 190 : Imp (eratori) Caesari T(ito) Aelio Hadri/ano Antonino / Aug (usto) pio pont (ifici) max (imo) / tri (bunicia) pot (estate). III co (n) s (uli) III p (atri) p (atriae). / publice / ex d (ecreto) d (ecurionum).
104 CIGIME 1, 2, n° 30, 66.
105 CIGIME 1, 2, n° 181.
106 CIA, n° 240.
107 CIA, no 7 : Imp (eratori) Cae (sari) / L(ucio) Septimio / Severo Per (tinaci) / Aug (usto) tr (ibunicia) / p (otestate) II imp (eratori) / III co (n) s (uli) / proco (n) s (uli) p(atri) p(atriae) d(ecreto) / d(ecurionum).
108 CIGIME 1, 2, n° 270, 271.
109 CIGIME 1, 2, n° 269.
110 CIGIME 1, 2, n° 272.
111 C. B. Rose, The Imperial Image in the Eastern Mediterranean, dans S. Alcock (éd.), The Early Roman Empire in the East, Oxford, 1997, p. 109.
112 CIA, no 61 : D(is) M(anibus) s (acrum) / Serg (io) Corne/lio Castricio / Saturnino Aug (ustali) / fratri Castriciae Nice / matri / [S]erg (ius) Corne/[li]us Castrici/[u]s Lycario Aug (ustalis) p (osuit).
113 CIA, no 78 : L(ucio) Papio L(ucii) l (iberto) / Fortunat[o] / Aug (ustali) perpetuo / biselli (o) ex d (ecuronium) d (ecreto) hon (orato) / [h] (oc) templum Miner[vae] / solo ab re p (ublica) dato si [ne.. /...]RIAMI [...]AT...
114 CIA, no 81.
115 CIA, no 74 : D(is) M(anibus) s (acrum) / Aeliae Eu/posiae q (uae) v (ixit) / ann (os) XXXV / C(aius) Vin (i) cius / Eutychus Aug (ustalis) / uxori optimae / et sibi vivus posuit / in fron (te) p (edes) XXX / in agro p (edes) XXX.
116 CIA, no 196 : Sacrum / P(ublio) Terentio / P(ublii) F(ilio) Rufo / et M(arco) Mario / Gemello Aug (ustali) / Maria M(arci) l (iberta) Salvia / viro et fratri d(e) s (ua) p(ecunia) f(acendium) c(uravit) / Have.
117 Appien, Histoire Romaine, II, 39 (éd. D. Gaillard) : « Un roi barbare, du nom d’Épidamnos, fonda une cité sur la côte et la nomma Épidamne d’après son propre nom. Dyrrachios, le fils de sa fille et de Poséidon, ajouta à la cité un port et l’appela Dyrrachion. Quand les frères de ce Dyrrachos lui firent la guerre, Héraclès, rentrant d’Érythéia, passa une alliance avec lui pour une partie de son territoire ; c’est pourquoi les habitants de Dyrrachion le considèrent comme leur oikiste, puisqu’il a une part de leur terre, non qu’ils rejettent Dyrrachos, mais parce qu’ils vénèrent Héraclès plus qu’un dieu. On dit que, dans la bataille qui suivit, Héraclès tua Ionios, le fils de Dyrrachos, par erreur et qu’après lui avoir rendu les honneurs funèbres, il jeta le corps dans la mer afin qu’elle porte son nom ». Le culte d’Héraclès est très présent dans toute la zone adriatique. Voir J.-L. Lamboley, Les cultes de l’Adriatique méridionale à l’époque républicaine, dans Ch. Deplace, F. Tassaux (éd.), Les cultes polythéistes dans l’Adriatique romaine, Bordeaux, 2000, p. 137.
118 CIGIME 1, 2, n° 4.
119 Virgile, Énéide, III, 292-293.
120 CIGIME 1, 2, n° 9.
121 CIGIME 1, 2, n° 7.
122 CIGIME 1, 2, n° 19.
123 Voir F. Quantin, Artémis à Apollonia aux époques hellénistique et romaine, dans P. Cabanes, J.-L. Lamboley (éd.), L’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’Antiquité IV… cit., p. 595-608.
124 Appien, Histoire Romaine, II, 9, 60. Voir A. Muller, F. Tartari, L’Artémision de Dyrrhachion : offrandes, identification, topographie, dans CRAI, janvier-mars 2006, p. 65-92.
125 CIL III, 602 ; CIA, no 31.
126 Albanien : Schätze aus dem Land der Skipetaren, Mayence, 1988, n. 238, que nous abrégerons ensuite sous la forme Albanien 1988.
127 CIGIME 1, 1, n° 2.
128 CIGIME 1, 2, n° 5.
129 CIA, no 195 : Lycotas / Asclepio / et Coloniae d(e) s (ua) p (ecunia) f (ecit).
130 Voir J.-M. David, La romanisation de l’Italie... cit., p. 57.
131 CIGIME 1, 2, n° 189 : le prêtre des Nymphes est Titus Flavius Philonides. Ce dernier est probablement d’origine illyrienne parce qu’il est dit frère de Marcus Peducaues Genthianus et de Flavia Genthis, un cognomen illyrien.
132 Albanien 1988, no 305.
133 Ibid., no 177.
134 Ibid., n° 178.
135 CIA, no 78.
136 CIGIME 1, 1, n° 176, 177, 178, 393.
137 S. Anamali, H. Ceka, Mbishkrime të pabotuara... cit., p. 106-107.
138 CIA, no 31.
139 CIA, no 97 : L(ucius) Pap[ius / Phil]ocles et / [Mu]natia Sever[a] / Fatis v(otum) s(oluerunt) l(ibentes) a(nimo).
140 É. Deniaux, Buthrote colonie Romaine... cit., p. 47. Stata Mater était liée à la protection du feu.
141 CIA, no 21.
142 CIL III, 603 ; CIA, no 146 : I(ovi) O(ptimo) R(?) Meni Aug (usto) / Sintia Arete / v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito).
143 CIA, no 194 : I(ovi) O(ptimo) M(aximo)/ Sabasio/ Paullinianus.
144 R. Turcan, Les cultes orientaux dans le monde romain, Paris, 1989, p. 313-315.
145 Ammien Marcellin, Histoire, Rerum Gestarum, XXVI, 8 (éd. M.-A. Marie, Paris, Les Belles Lettres, 1977). Cette boisson apparaît au IVe siècle de notre ère. Il se peut que son nom soit influencé par le dieu phrygien.
146 Albanien 1988, no 318.
147 CIL III, 607 ; CIA, no 32.
148 CIGIME 1, 2, n° 259.
149 Voir R. Turcan, Mithra et le mithriacisme, Paris, 1993, p. 31-33.
150 F. Cumont, Les mystères de Mithra, Bruxelles, 1913, p. 34-35.
151 J. B. Rives, Religion in the Roman Empire, Malden, 2007, p. 136.
152 CIGIME 1, 2, no 197.
153 Voir F. Dunand, Le culte d’Isis dans le bassin oriental de la Méditerranée. II. Le culte d’Isis en Grèce, Leiden, 1973, p. 44-45.
154 F. Biville, The Greco-Romans and Greco-Latin : A Terminological Framework for Cases of Bilingualism, dans J. N. Adams, M. Janse, S. Swain (éd.), Bilingualism in Ancient Society. Language Contact and the Written Text, Oxford, 2002, p. 77.
155 J.N.Adams, S.Swain, Introduction, dans J.N.Adams, M.Janse, S.Swain (éd.), Bilingualism in Ancient Society. Language Contact and the Written Text, Oxford, 2002, p. 5.
156 Voir M. Dubuisson, Grecs et Romains : le conflit linguistique, dans Histoire, 50, 1982, p. 22.
157 Les stèles ont été trouvées à Durrës lors de travaux de construction. Malheureusement, on ignore leur contexte archéologique, mais il s’agit probablement d’une nécropole du IIe-Ier siècles avant notre ère. La datation des stèles de cette période repose sur leur étude paléographique et iconographique.
158 Toutefois, d’après l’emploi de ce gentilice en Dalmatie, J. Wilkes estime qu’il s’agit d’un nom adopté par les populations autochtones. J. J. Wilkes, Greek and Latin in the Territory of Dyrrachium, dans P. Cabanes, J.-L. Lamboley (éd.), L’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’Antiquité IV... cit., p. 383-389.
159 Ma[xima] [Po]mentinoc/ Ma[xima]a Aninia/ Maxima Pomentein (os)/ Gaioc Pomentein (os).
160 CIL III, 622.
161 A. Evans, Ancient Illyria. An Archaeological Exploration, Londres, 2006, p. 15.
162 CIA, no 147.
163 CIA, no 225.
164 CIA, no 69.
165 CIGIME 1, 2, n° 222.
166 C. Patsch, Das Sandschak Berat in Albanien, Vienne, 1904, p. 37, col. 199-200, fig. 180 ; CIA, no 218.
167 S. Anamali, Proçese shndërrimi... cit., p. 16 ; N. Ceka, D. Komata, Dy skulptura antike nga Baldushku, dans Iliria 1, 1987, p. 241-243. Le texte latin de l’inscription a été publié dans le CIA, no 30.
168 Voir A.Hajdari, J.Reboton, S.Shpuza, P. Cabanes, Les inscriptions de Grammata... cit., p. 353-394. L’existence dans cette baie d’un sanctuaire en plein air dédié aux Dioscures n’est pas négligeable.
169 Dion Cassius, Histoire Romaine, LXXVIII, 9, 5. L’empereur a pu ainsi percevoir auprès de tous les habitants libres la taxe portée de 5 à 10 % sur les héritages, payée par les seuls citoyens. Il attribue donc la citoyenneté à tout l’Empire afin de remplir le Trésor public qui traversait alors une période très difficile.
170 B. Ward-Perkins, From Classical Antiquity to the Middle Ages : Urban Public Building in Northern and Central Italy, AD 300-850, Oxford-New York, 1984, p. 14.
171 É.Deniaux, Découverte d’un nouveau milliaire de la Via Egnatia... cit., p. 178-182.
172 CIL III, 73-65.
173 Voir N. Ceka, L. Papajani, Rruga në luginën e Shkumbinit... cit., p. 48-53 ; CIA, no 169.
174 A. Baçe, Fortifikimet e antikitetit të vonë në vendin tonë, dans Monumentet, 11, 1976, p. 352-353 ; CIA, no 230.
175 CIA, no 229 : Imp (eratori) Caes (ari) Gal (erio) Val (erio) / Sever (o) inv (icto) Aug (usto) / cons (uli) V p (atri) p (atrie) procons (uli).
176 S. Anamali, Aperçu comparatif entre l’onomastique dyrrachienne et apolloniate... cit., p. 116.
177 Parmi les nouveaux noms apparus à Apollonia, on note Aγγθoνίκη, Aνδράγγθoς, ∏ρωτάγγθoς, Σµάργγδoς, Bυβλω, Aρωµγτίγ, Xγρίτων etc.
178 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 17.
179 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 18.
180 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 19.
181 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 20.
182 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 21. Même si l’inscription est écrite en grec elle garde la formule romaine Dis manibus sacrum.
183 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 44.
184 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 46.
185 CIGIME 1, 1, n° 58.
186 CIGIME 1, 1, n° 59 : « Ci-gît Flavius Maximus ayant vécu vingt-trois ans, deux mois et huit jours, ayant servi dans l’armée pendant six années. Il est mort vierge, sans avoir connu le mariage. Console-toi : personne n’échappe à la mort ».
187 G. Koch, Sarkofagët e periudhës perandorake, dans Monumentet, 1, 1988, p. 43.
188 CIGIME 1, 1, n° 60 : « Tombeau de Stéphanos fils d’Eugénios et d’Olympia et de sa femme Perpetua, fille d’Antiochos et de Paula ».
189 CIGIME 1, 1, no 23.
190 L. M. Ugolini, L’Acropoli di Butrinto... cit., p. 208-209.
191 Voir G. Koch, Sarkofagët e periudhës... cit., p. 39-81.
192 N. Ceka, Mbishkrime byline... cit., n° 44.
193 CIGIME 1, 2, n° 274.
194 Voir R. Étienne, Le siècle d’Auguste, Paris, 1970, p. 51-77.
195 E. A. Meyer, Explaining the epigraphic habit, dans Journal of Roman studies, 80, 1990, p. 74-96 ; G. Woolf, Monumental writing and the expansion of Roman Society in the early Empire, dans Journal of Roman studies, 86, 1996, p. 22-37.
196 Voir G. Bonnet, Les mots latins de l’albanais, Paris, 1999.
197 Meyer, à la fin du XIXe siècle et Meyer-Lübke, au début du XXe siècle, ont montré que la langue latine a nourri la langue albanaise sous une forme plus ancienne que celle qui a influencé les autres langues balkaniques. Voir G. Meyer, Die lateinischen elemente im Albanien. Gröbers Grundriss I.I. Auflage. 1888, p. 805 ; W.Meyer-Lübke, Rumanisch romanisch, albanesisch. Mitteilungen des Romanischen Instituts an der Universität Vienne I, Heidelberg, 1914, p. 32.
198 E. Çabej, Karakteristikat e huazimeve të gjuhës shqipe, dans SF, 2, 1974, p. 24-51.
199 Voir Sh. Demiraj, Romanizimi në Evropën Juglindore – Kohëzgjatja, përmasat dhe pasojat, dans SH, 1, 2004, p. 104.
200 Voir E. Lafe, Toponymes latino-romains sur le territoire albanais, dans SA, 1, 1973, p. 161-167.
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