Chapitre 7. Les liens hagiographiques entre Rome et les églises dalmates
p. 229-250
Texte intégral
1Le rôle de la littérature hagiographique dans les réformes ecclésiastiques du haut Moyen Âge a été démontré à de nombreuses reprises1. Les saints honorés en Dalmatie constituent un exemple particulièrement intéressant encore méconnu. Il n’est pas dans mon intention de proposer une étude globale des nombreux cultes attestés en Dalmatie entre le VIe et le XIe siècle ou un catalogue exhaustif des différents saints de la région2. Je voudrais simplement m’attarder sur l’origine et les fonctions des « saints patrons » des deux principaux sièges de la région : Anastasie et Chrysogone à Zadar, la capitale de la Dalmatie, et Domnio à Split, le siège métropolitain. Bien que j’aie déjà analysé la diffusion du culte de Domnio à Salone dans l’Antiquité tardive, mon propos ne sera pas répétitif dans la mesure où saint Domnio, dont la mémoire est honorée à Split durant toute la période, n’est plus présenté comme l’évêque de Salone martyrisé sous l’empereur Dioclétien au début du IVe siècle mais comme un disciple de saint Pierre, envoyé par le prince des apôtres pour évangéliser la Dalmatie sous l’empereur Trajan.
2Une vue d’ensemble des dévotions à Zadar et à Split, des origines à la fin du XIe siècle, montre l’importance de porter une grande attention à la nature des témoignages (souvent tardifs ou peu fiables) ainsi qu’à la chronologie très fluctuante des transferts de reliques et de la rédaction des textes hagiographiques. Le premier transfert de reliques de saints dalmates fut réalisé, nous l’avons vu, par la papauté puisque le Liber Pontificalis évoque le transfert des reliques des saints de Dalmatie et d’Istrie à Rome par le pape d’origine dalmate Jean IV par mesure de précaution devant l’instabilité politique, sociale et religieuse de la région dans la première moitié du VIIe siècle3. La christianisation des slaves et l’organisation des Églises sur les côtes dalmates contrôlées par Byzance aux VIIe et VIIIe siècles, essentiellement à Zadar, Trogir, Split, Dubrovnik et Kotor, permirent aux communautés locales d’honorer leurs saints et d’accueillir dans certains cas les reliques venues de l’Orient byzantin. Nous traiterons plus loin le cas de l’église métropolitaine de Split qui continua à honorer les saint salonitains de l’Antiquité tardive, tout en renouvelant et romanisant profondément la légende hagiographique de son fondateur. Les autres cités de la Dalmatie byzantine, dont l’organisation ecclésiastique tardo-antique est encore peu connue4, ne semblent pas avoir conservé de cultes de l’époque paléochrétienne, à l’exception du culte de saint Pierre qui est attesté dans l’ensemble de la Dalmatie depuis l’Antiquité tardive5. Ces cités honorent donc, à partir du IXe siècle, des reliques de saints orientaux arrivées en Dalmatie au moment de la « reconquête » byzantine de la région. Nous voudrions montrer dans ce chapitre, d’une part, qu’il serait erroné d’interpréter systématiquement ces cultes comme des cultes byzantins et, d’autre part, que les cultes des saints honorés dans les métropoles dalmates révèlent des liens et une influence croissante de l’Église de Rome dans ces métropoles6.
I. Les « saints étrangers » de Zadar : l’empreinte précoce de l’hagiographie romaine
A. L’essor de l’Église et de la cité de Zadar, capitale de la Dalmatie byzantine
3La tentative de reconquête byzantine des côtes de l’Adriatique septentrionale et orientale au début du IXe siècle s’est accompagnée de plusieurs translations de reliques de Constantinople jusqu’à la Dalmatie, notamment celles de sainte Anastasie à Zadar (en 806 ?) et de saint Tryfon à Kotor (en 809 ?)7. Si ces translations sont documentées par des récits et des chroniques du bas Moyen Âge, il est indéniable que les transferts de reliques ont contribué au début du IXe siècle à renforcer l’identité des cités byzantines de l’Adriatique orientale8 au moment où l’empire byzantin recouvra, à la suite de la Pax Nicephori, son autorité administrative sur les villes côtières de Dalmatie. Toutefois, comme l’a montré récemment Tirpimir Vedriš, il serait réducteur et parfois même erroné d’utiliser l’expression « saints byzantins » pour désigner les principaux cultes zaratins9.
4La cité de Zadar, métropole de la Dalmatie byzantine, est désignée dans le De administrando imperii par son nom grec « Diadora » donné, selon Constantin Porphyrogénète, par ses habitants hellénophones. Il indique aussi son nom latin, Iadera, dans lequel il voit la preuve étymologique de son ancienneté : « la ville de Diadora est appelé en langue romaine jam erat, ce qui signifie : « elle existait déjà », c’est-à-dire qu’elle avait déjà été fondée avant Rome ; c’est une grande ville. La tradition populaire lui donne le nom de Diadora »10. L’empereur décrit brièvement la topographie ecclésiastique de la cité, au Xe siècle, dominée par la cathédrale Sainte-Anastasie qui frappe par un sol constitué d’une « magnifique mosaïque » et par « ses colonnes vertes et blanches, toute décorée d’images encaustiques de style antique »11. Il évoque aussi, à proximité, « une autre église, couverte d’un dôme, la Sainte-Trinité, et au-dessus de cette dernière, encore une autre église, à la manière de celle des Catéchumènes, en rotonde également, dans lequel on monte par un escalier en colimaçon »12. Il ne semble pas connaître, en revanche, le monastère Saint-Chrysogone qui deviendra, à partir de 986, l’un des centres du rayonnement de la culture bénédictine en Dalmatie sous l’abbatiat de Madius, ancien moine du Mont-Cassin et membre de l’aristocratie locale. Nous reviendrons plus loin sur le rôle majeur de ce monastère dans l’histoire ecclésiastique de la région.
5Les premières attestations d’une organisation ecclésiastique zaratine remontent au IVe siècle, avec la mise en place d’un premier complexe épiscopal, non loin du forum impérial, et la participation de prêtres ou évêques de Zadar à divers conciles : un évêque, qui n’est pas nommé, est présent au synode romain de 341 et un prélat, nommé Felix, participe aux conciles d’Aquilée en 381 et de Milan en 39013. Les informations sont plus précises au VIe siècle où la présence de l’évêque Andreas de Zadar au concile de Salone de 530 révèle que l’évêque de Zadar est suffragant de la métropole de Salone. À la fin du VIe siècle, trois lettres de Grégoire le Grand à l’évêque Sabinianus en 597 et 598 délivrent des éléments importants sur l’Église de Zadar, sur le conflit entre l’évêque de Zadar et celui de Salone, et sur ses rapports privilégiés avec Rome. Tout en renouvelant « les privilèges concédés par ses prédécesseurs à l’Église de Zadar », le pape rappelle à Sabinianus « la nécessité de transmettre à Rome une copie des écrits conservés dans les archives de son Église » (si qua ex eis scripta in ecclesiae uestrae scrinio reiacent, eorum huc exemplaria transmitti necesse est)14.
6La présence d’un scrinium à Zadar s’explique sans doute par le haut niveau d’organisation de l’administration de Zadar, alors capitale de la Dalmatie. L’essor continu de la cité et de l’Église zaratines aux VIIe-VIIIe siècles, qui profitait de l’héritage antique, de la présence des nombreuses élites et d’une relative stabilité politique (Ravenne et Aquilée étaient tombées sous le contrôle des Lombards et Salone fut abandonnée par ses habitants), explique sans doute le choix de Zadar comme capitale de l’administration byzantine pour l’Adriatique orientale puis, à la fin du IXe siècle, comme capitale du thème de Dalmatie. La position dominante de Zadar et l’étendue territoriale de la Dalmatie15 supposaient l’existence d’un gouvernement local jouissant d’une forte autonomie sous la conduite d’un prior qui exerça aussi les fonctions d’« archonte » ou, à partir de 986, de « proconsul » de Dalmatie16. En dépit de l’organisation précoce de son église, de son administration et de sa position dominante, la cité de Zadar ne contient au Xe siècle aucune trace de cultes paléochrétiens, à l’exception du culte de saint Pierre attesté par la titulature initiale de la cathédrale17 (dédiée ensuite à sainte Anastasie), à l’existence d’autres églises dédiées à saint Pierre18 et à la persistance de fêtes liturgiques consacrées à saint Pierre19. Anastasie, la patronne de Zadar, n’est pas originaire de Dalmatie puisque l’évêque Donat aurait ramené ses reliques de Constantinople au début du IXe siècle avant de les déposer dans la cathédrale comme en témoigne encore un sarcophage de marbre blanc du IXe siècle20.
7Si les récits de la translatio reliquiarum sont beaucoup plus tardifs21, le rôle de Donat dans l’essor du culte d’Anastasie22 est confirmé dès le milieu du Xe siècle par Constantin Porphyrogénète qui évoque également le culte de saint Chrysogone23. Il est intéressant de constater que les deux principaux saints de Zadar sont donc des « martyrs étrangers », Anastasie de Sirmium et Chrysogone d’Aquilée. D’après Ivanka Petrović, leur culte à Zadar, qui « s’explique par les liens étroits qui existaient entre la Dalmatie et les centres d’Aquilée, de Rome et de Ravenne »24, est à l’origine des autres principaux cultes de la cité où l’on retrouve les martyrs qui « appartiennent au cycle hagiographique latin des saints Anastasie et Chrysogone (Passio S. Anastasiae ou Passio S. Chrysogoni et sociorum) »25, c’est-à-dire les martyres de Thessalonique (Agape, Chionia et Irène) et les martyrs de Nicée en Bithynie (Théodote et ses fils)26, ou encore le culte de saint Siméon le Sage qui se développa à partir du XIIe siècle. Si la plupart de ces saints ou de leurs reliques (à l’exception de Chrysogone d’Aquilée) sont originaires de l’Orient byzantin, l’analyse attentive du cycle d’Anastasie et de Chrysogone met en évidence son empreinte romaine.
B. La « romanisation » précoce du cycle de sainte Anastasie et de saint Chrysogone
8Le calendrier liturgique de Zadar situe la festivité de sainte Anastasie le 25 décembre et celle de saint Chrysogone le 24 novembre27. Le martyrologe de Bède, en 755, et celui d’Adon, en 858, furent les premiers à mettre en relation Chrysogone et Anastasie durant leur emprisonnement à Rome au cours duquel Chrysogone aurait converti son gardien, le vicaire Rufin et sa famille, comme en témoigne une fresque du VIIIe siècle de la Basilique souterraine de Saint-Chrysosogne qui représente Anastasie, Rufin et Chrysogone avec une auréole :
9Certains ont nié l’origine romaine de Chrysogone et considéré que son culte28 aurait été importé d’Aquilée au cours du VIe siècle. Cette hypothèse supposerait l’existence de deux saints homonymes puisque le sacramentaire léonien et les actes d’un concile du pape Symmaque en 499 évoquent la célébration de messes en l’honneur de saint Chrysogone et l’existence d’un titulus Chrysogoni29 à Rome, ce qui tend à montrer qu’un illustre fondateur du même nom était honoré à Rome à la fin du Ve siècle. L’existence à Rome de deux églises (titulus Chrysogoni et titulus Anastasiae) situées à peu près à la même hauteur du Tibre, de part et d’autre du fleuve, est un autre point commun entre les deux saints. Elle révèle en outre un processus fréquent dans la Rome du Ve siècle : comme dans les cas célèbres de Sabine ou de Suzanne, Chrysogne et Anastasie furent probablement à l’origine des donateurs ou fondateurs dont la sainteté fut ensuite confondue avec les légendes de martyrs homonymes30. Quelle que soit l’origine réelle des saints Anastasie et Chrysogone, l’origine de leur légende révèle, d’après C. Lanéry, une « romanisation » du cycle hagiographique, comme en témoignent les premières attestations de la Passion de sainte Anastasie (BHL 401) dans les milieux ascétiques romains31. On assiste donc, dans le cas d’Anastasie, à une dissociation précoce entre la naissance romaine de la légende hagiographique et la diffusion du culte et des reliques de la sainte qui furent conservées en Orient jusqu’au début du IXe siècle et furent ramenées à Zadar par l’évêque Donat de Zadar avec l’accord de l’empereur byzantin32. Cette translatio reliquiarium – qui s’inscrit dans le cadre de la reconquête byzantine de la région peu avant la Pax Nicephori – s’explique sans doute aussi par un culte local à Anastasie dont la Passion évoque le martyr sur les îles Palmaria dont la localisation est très incertaine33.
10Les martyrologes confirment également l’ancienneté du culte romain de saint Chrysogone – honoré à Zadar comme à Rome le 25 décembre – dont la légende hagiographique raconte l’emprisonnement à Rome puis le martyre à Aquilée où il avait été conduit sur ordre de Dioclétien34. Les reliques de Chrysogone furent transportées ensuite en Dalmatie à une époque inconnue mais Constantin Porpyrogénète35 indique que le martyr d’Aquilée était déjà honoré dans la première moitié du Xe siècle à Zadar où commençait à se développer, grâce à d’importantes donations aristocratiques36, le monastère Saint-Chrysogone qui allait devenir le cœur du rayonnement bénédictin sur la région.
11L’origine de la dévotion de sainte Anastasie et de saint Chrysogone montre qu’il est impossible de les considérer comme des « saints byzantins » dont le culte aurait permis à l’empire de renforcer l’identité byzantine de la Capitale dalmate. Leurs liens indéniables avec l’hagiographie romaine ne permettent pas toutefois de les considérer non plus comme des saints romains puisque leur culte n’a cessé d’évoluer au fur et à mesure de leur appropriation par l’Église, les élites et les fidèles de Zadar. La réforme de l’Église zaratine dirigée par l’évêque Donat – qui devint lui-même un des principaux saints de Zadar grâce notamment à son long épiscopat et à son action de pacification entre les pouvoirs francs et byzantins – souligne au contraire l’ambivalence culturelle et liturgique des cultes zaratins37. On pourrait parler enfin d’ambivalence sociale : selon une étude récente de Tirpimir Vedriš, apparut peu à peu une sorte compétition entre les deux cultes qui reproduisait la rivalité voire les conflits des communautés des habitants de la ville : alors qu’Anastasie était vénérée par le peuple de Zadar, le culte de Chrysogone, étroitement lié à l’essor du grand monastère éponyme soutenu par les élites, représentait davantage les valeurs élitaires et l’excellence spirituelle de l’aristocratie38. La relative nouveauté de ces saints a sans doute favorisé les dévotions particulières et les identifications des différents groupes de la société zaratine. À cet égard, l’exemple de la capitale dalmate est bien différent de celui de la métropole de Split qui honorait encore les saints de l’Antique Salone.
II. La naissance de l’apostolicité du christianisme salonitain : la construction d’un lien hagiographique entre l’église de Split et le siège de Rome
12Mon objectif n’est pas de proposer un panorama complet de l’hagiographie spalatine. Je souhaiterais simplement étudier les procédés et les fonctions d’une métamorphose hagiographique qui refléta et favorisa le renforcement de l’autorité romaine en Dalmatie : la transformation du plus ancien culte de Dalmatie, celui de l’évêque Domnio, l’évêque martyrisé sous Dioclétien, en un culte apostolique39, célébrant l’évangélisation de la région par un disciple de saint Pierre. Le premier chapitre de ce mémoire avait été consacré en partie au culte salonitain de Domnio attesté par plusieurs sources tardo-antiques. Tout en continuant à honorer Domnio, l’Église de Split le présenta, à partir des Xe-XIe siècles, comme un disciple de saint Pierre. La tradition du Domnio apostolique, qui légitima la suprématie de la métropole de Split-Salone sur la Dalmatie, semble inconnue avant les Xe-XIe siècles. Cela signifie que Thomas l’Archidiacre, qui défend l’apostolicité de l’Église de Split40, utilisa une tradition récente et non des sources anciennes. Deux textes antérieurs au XIIIe siècle évoquent explicitement l’apostolicité de Domnio41 : les actes du (pseudo ?) concile de Split de 925, contemporain de la réorganisation de la région par le pape Jean X, et une Vita Domnii du XIe siècle (BHL 2268), écrite par Adam de Paris vers 1070. Mais rien ne prouve l’authenticité du concile de 925 et l’origine de la Vita Domnii est elle-même très obscure puisqu’elle est citée pour la première fois par Thomas l’Archidiacre42. L’Historia Salonitana contribue à fixer cette tradition d’apostolicité dans la mesure où les Vitae Domnii postérieures n’évoquent que le Domnio apostolique et méconnaissent le Domnio du IVe siècle. Le dossier littéraire de saint Domnio, au cœur de la controverse sur les saints de Salone, a été plusieurs fois étudié. Je me contenterai donc de renvoyer à ces travaux, en tentant, quant à moi, d’entrer dans la forge d’Adam, autrement dit de m’attarder sur la transformation de la légende de Domnio et sur la naissance de la « fiction »43 d’apostolicité.
A. Une « fiction » hagiographique du XIe siècle : la Vita Domnii d’Adam de Paris
1. Origines de l’apostolicité de la Dalmatie
13La remise en cause de l’apostolicité de Domnio à la fin du XIXe siècle déclencha de vives réactions, essentiellement à Split où les autorités ecclésiastiques, avec le soutien de l’Église de Rome, multiplièrent les initiatives éditoriales, religieuses et disciplinaires contre Bulić44. Pourtant, l’apostolicité du christianisme dalmate ne dépendait pas uniquement de la légende de Domnio : saint Paul déclare en effet avoir répandu la bonne parole « de Jérusalem jusqu’aux régions de l’Illyrie45 ». La seconde épître à Timothée, dont l’authenticité est douteuse mais qui n’est pas postérieure au IIe siècle, évoque la mission de Tite, disciple de Paul, « en Dalmatie46 ». Mais aucune preuve historique ne confirme la présence d’une communauté chrétienne à Salone avant le IIIe siècle47. Les réactions spalatines et romaines devant la remise en cause de l’apostolicité de Domnio illustrent à elles seules l’importance des enjeux soulevées par une « fiction » hagiographique qui touche le cœur de l’identité latine de la Dalmatie. L’apparition du Domnio apostolique, vers les Xe-XIe siècles, s’inscrit en effet dans une période fondamentale pour l’histoire politique de la Croatie indépendante et la réorganisation de l’Église croato-dalmate par la papauté.
2. Les trois représentations de Domnio
14Les trois étapes de la représentation de saint Domnio reflètent l’histoire des relations entre l’Église de Split et le siège de Rome. L’Antiquité et le haut Moyen Âge semblent n’avoir connu qu’un seul évêque salonitain du nom de Domnio, martyrisé sous Dioclétien en 304 et inscrit dans les martyrologes syriaque et hiéronymien dès la fin du IVe siècle. Ce n’est qu’à partir du Xe et plus sûrement du XIe siècle qu’apparut un autre Domnio, disciple de saint Pierre, qui aurait reçu du « prince des apôtres » la mission d’évangéliser la Dalmatie. Ce Domnio, qui s’imposa rapidement comme le saint principal de Dalmatie, aurait fondé la communauté chrétienne de Salone avant devenir le patron de la ville et de la cathédrale de Split où les fidèles se recueillent encore devant le reliquaire du « disciple du prince des Apôtres48 ».
15L’Église de Split défendit ainsi une interprétation complexe exprimée dès le XIIIe siècle par Thomas l’Archidiacre dans l’Historia Salonitana49 et transmise au XVIIIe siècle par Farlati dans l’Illyricum Sacrum : ces deux ouvrages fondamentaux de l’historiographie croate soutiennent l’existence des deux Domnio, le disciple de saint Pierre, appelé Doimus, Domnius ou Domnione, et le martyr de Dioclétien, généralement désigné sous le nom de Domnio ou Domnius II. Cette croyance fut battue en brèche par F. Bulić à la fin du XIXe siècle qui publia les comptes-rendus de ses travaux dans le Bullettino di storia e di archeologia dalmata. Celui-ci dirigea des fouilles archéologiques, dans le quartier épiscopal et dans les cimetières chrétiens voisins, qui confirmaient les doutes émis au XVIIIe siècle par K. Matijašević50 et qui aboutissaient au rejet du Domnio apostolique : « saint Domnius disciple du prince des Apôtres n’[était] qu’un dédoublement relativement tardif d’un autre Saint très authentique, saint Domnio, qui régit précisément l’Église de Salone dans les dernières années du IIIe siècle et souffrit le martyre sous Dioclétien51 ». A priori, la production hagiographique ne reflète pas ce dédoublement puisque toutes les Vitae Domnii se rapportent au « faux52 » Domnio, le disciple de saint Pierre, et passent sous silence le « vrai » Domnio martyrisé sous Dioclétien.
16Le dossier hagiographique de saint Domnio est le plus riche de Dalmatie par la quantité et la diversité de ses formes littéraires (Vitae, Passiones, Translationes, Inventiones, Miracula). Sans compter le récit de Thomas l’Archidiacre dans l’Historia Salonitana qui distingue deux Domnios différents, l’Illyricum sacrum de Farlati53 transmet six recensions différentes de la Vita Domnii. Farlati appelle Vita prima (BHL 2269) la plus longue biographie du saint qui aurait été composée à partir des Actes proconsulaires. Il attribue la Vita secunda, qui n’est pas recensée par la BHL, à l’évêque de Salone Hésychius, le correspondant d’Augustin54 ; la troisième (BHL 2268), sur laquelle nous reviendrons, est connue sous le nom d’Adam de Paris. Les trois dernières Vitae, sont des panégyriques de saint Domnio composés à des fins liturgiques : la quatrième, qui est anonyme et s’inspire fortement de la Vita prima, est transmise par un manuscrit du XVIe siècle conservé à Venise ; la cinquième Vita, qui s’inspire d’une légende croate traduite en latin, et la sixième, qui fut rédigée au XVIIe siècle par l’archidiacre de Split Lucas Gaudentius, sont extraites de lectures liturgiques à la louange de Domnio.
17Parmi ces six textes hagiographiques se rapportant à Domnio, seule la Vita tertia d’Adam de Paris semble connue au Moyen Âge. Il s’agit sans doute du texte évoqué par Thomas l’Archidiacre qui raconte dans l’Historia Salonitana que l’archevêque de Split Laurent confia à Adam de Paris, qui se dirigeait vers Athènes, le soin de réécrire les Passions de saint Domnio et saint Anastase55. Les cinq autres recensions, qui sont des résumés ou des réécritures de la Vita tertia, sont postérieures au XVe siècle56.
18La plus ancienne Vita Domnii, la Vita tertia d’Adam de Paris (BHL 2268), qui contient aussi un court récit de translation des reliques de saint Domnio, a été éditée d’abord au XVIIe siècle par les bollandistes dans les Acta Sanctorum57 puis reprise au XVIIIe siècle par Farlati dans l’Illyricum Sacrum58. Si ce dernier ne cite pas ses sources, le bollandiste Henschenius précise que la Vita leur a été communiquée par le savant dalmate Jean Lucius (1604-1679) « d’après le Breviarium Spalatensis ». Il est donc probable que les bollandistes, d’ordinaire soucieux de signaler leurs sources manuscrites, n’aient pas eu accès à une copie médiévale mais seulement au Bréviaire moderne, probablement imprimé, qui était en usage dans l’Église de Split au XVIIe siècle.
3. Qui est Adam de Paris ?
19Les origines de la Vita Domnii d’Adam de Paris sont pour le moins incertaines. L’identité de l’auteur est mystérieuse. En l’absence de témoins manuscrits médiévaux, la première source attribuant le texte à Adam de Paris est l’Historia Salonitana de Thomas l’Archidiacre au XIIIe siècle59. Ce récit a fondé une solide croyance qui fut transmise par l’histoire littéraire traditionnelle : l’archevêque Laurent de Split, au XIe siècle, aurait demandé à Adam de Paris, de passage en Dalmatie durant son voyage vers Athènes, de réécrire « dans un style brillant60 » la Vita Domnii qui existait déjà dans une langue peu soignée : « Adam se trouvait donc à Spalatro vers l’an 1059 ou 1060, puisque le Pape Nicolas II n’occupa le Saint Siège que depuis le mois de janvier 1059, jusqu’au mois de Juin 1061. Il ne se contenta pas de retoucher l’ancienne légende de saint Dominus et de saint Anastase, il composa des Hymnes en l’honneur des Martyrs ; et mit en vers tout ce qui se chantoit en musique dans l’Office de saint Domnius. Il ne reste de ces Actes, que ce qui s’est trouvé dans le Bréviaire de cette Église ; ce qui se réduit aux Leçons de Matines : mais je ne sais si on doit les garder comme dignes de foi »61.
20À défaut de nouvelles informations, il faut reconnaître que nous savons peu de choses62 sur l’auteur de la Vita Domnii dont une étude récente a montré l’importance de l’œuvre poétique63 : indépendamment de son abondante production liturgique, Adam de Paris est peut-être aussi l’auteur d’une Passion inédite d’un martyr Alexandre (BHL 284d) qui lui est attribuée dans un légendier du XVe siècle particulièrement riche en légendes des provinces de l’Illyricum (cod. Padoue, Biblioteca Universitaria, sign. 1622, fol. 210v-213v). Victor Saxer écarte à juste titre toute identification avec Adam de Saint-Victor64 et il est peut-être inutile de vouloir attribuer à tout prix des origines parisiennes à l’auteur de la Vita : l’adjectif parisiensis pourrait résulter d’une confusion qui aurait pu être causée par une erreur de lecture ou l’altération du support manuscrit. En effet, aucun élément ne confirme le voyage d’un Adam de Paris à Split au XIe siècle ; ensuite, il n’existe, semble-t-il, aucune copie de la Passion ou de l’office de saint Domnio dans les manuscrits occidentaux du Moyen Âge. Enfin, ce nom était usuel en Croatie, au milieu du XIe siècle, où l’on recense plusieurs Adam ayant exercé des fonctions religieuses ou administratives sous le règne du roi de Dalmatie-Croatie Kréšimir IV. Vers 1070, date supposée de la composition de la Vita Domnii, les documents diplomatiques témoignent de l’existence d’au moins trois Adam65 : un joupan de Nin (Adamus, iupanus Nonensis), un moine ayant accédé à l’épiscopat (Adamus, monachus electus episcopus) et un abbé de Saint-Barthélémy (Adamus, abbas sancti Bartholomei). Mais aucun indice ne permet d’attribuer la Vita Domnii à l’un de ces trois hommes. La date de la rédaction, vers 1070, appelle un commentaire : si rien ne permet de la considérer comme sûre, elle correspond à la tenue d’un concile provincial à Split, sous le pontificat d’Alexandre II (1061-1071), qui avait rappelé la nécessité de latiniser la liturgie et le clergé local. Dans ce contexte, la fiction d’un Domnio apostolique, disciple de saint Pierre, apporte une légitimité supplémentaire à la romanisation de la région. Mais ce rapprochement, qui pourrait nous éclairer sur les mobiles de cette fiction, ne dissipe pas les incertitudes sur l’auteur de la Vita Domnii dont la transmission soulève, elle aussi, plusieurs difficultés.
B. La transmission de la Vita Domnii d’Adam de Paris depuis le XIe siècle
21Après l’Historia Salonitana de Thomas, au XIIIe siècle, les principaux témoignages sur la Vita Domnii d’Adam de Paris se trouvent, au XVIIe siècle, dans les Acta Sanctorum qui éditent le texte d’Adam de Paris, et, au XVIIIe siècle, dans l’Illyricum Sacrum de Farlati. En l’absence d’indication sur des copies médiévales latines de la Vita Domnii, j’ai entrepris des recherches qui s’avèrent à ce jour infructueuses. J’ai pu constater, comme V. Saxer, que « la Bibliothèque Vaticane [était] particulièrement pauvre en catalogues de manuscrits des fonds yougoslaves66 », contrairement aux bibliothèques vénitiennes. Mais le principal obstacle tient à l’absence d’inventaires des manuscrits liturgiques de Dalmatie67 : « tant que n’aura pas été fait leur inventaire méthodique, il est illusoire de prétendre écrire l’histoire de la liturgie latine dans ce pays68 ». D’autres travaux pionniers m’ont apporté une aide précieuse, notamment ceux de l’ancien bibliothécaire de Venise, Giuseppe Praga, qui était lui-même originaire de Zadar69. Ce dernier a laissé à la Biblioteca Marciana de nombreuses archives, souvent inédites, relatives à l’histoire politique, religieuse et culturelle de la Dalmatie, en particulier un ensemble de quatre-vingt-cinq fiches correspondant à des livres dalmates, manuscrits et imprimés, du VIIe au XVe siècle70. Malheureusement, on ne recense dans cette liste provisoire ni lectionnaire71, ni légendier. G. Praga ne signale qu’un seul bréviaire latin72 de l’Église de Split, conservé au Musée Correr de Venise : il contient un calendrier qui témoigne de la vivacité du culte du Domnio73 mais ne transmet aucun extrait de la Passion. En l’absence de légendiers spalatins, les manuscrits des autres villes dalmates ne contenaient pas non plus de référence à la Vita Domnii : c’est le cas, par exemple, d’un manuscrit hagiographique conservé aujourd’hui à la Bibliothèque royale de Bruxelles qui, selon dom Cagin, était en usage dans l’abbaye bénédictine d’Osor à la fin du Moyen Âge74.
22Mes propres recherches se sont donc concentrées sur les livres liturgiques en usage dans les Églises ayant joué un rôle primordial dans l’histoire de Split, au premier rang desquels se trouvent Ravenne, Aquilée et Venise. La Vita Domnii met en évidence des liens étroits qu’entretient la légende du Domnio apostolique avec celle d’Apollinaire de Ravenne, les deux saints ayant été envoyés par saint Pierre pour évangéliser respectivement Salone et Ravenne. Nous avons vu aussi que le pape Jean X, plus connu sous le nom de Jean de Ravenne, joua un rôle important dans la réorganisation liturgique et administrative de la Dalmatie. Alors que le culte d’Apollinaire est attesté à Split au Moyen Âge, il est frappant de constater que le riche légendier de Ravenne, conservé à la Bibliothèque Vaticane (cod. Vat. lat. 1190, XIIe siècle), ne mentionne jamais saint Domnio alors qu’il contient les Passions d’autres saints de Dalmatie et d’Istrie75, comme celles d’Anastase de Salone ou de Maurus de Poreč. L’extension du culte d’Anastase, que reflète l’évolution de la toponymie croate76, témoigne également du lien avec Aquilée qui se targue elle aussi d’avoir des origines apostoliques grâce au passage de saint Marc77 et dont la liturgie présente des similitudes avec celle de Split78. Enfin, Venise qui gouverna la Dalmatie pendant plusieurs siècles et qui conserve aujourd’hui un fonds d’archives et de manuscrits croates de première importance, n’offre pas d’autre témoin médiéval du culte de Domnio que le bréviaire que nous avons mentionné79. Il existe un autre bréviaire manuscrit à la biblioteca Marciana, contenant le texte d’Adam de Paris. Malheureusement, ce manuscrit, qui date du XVIIe siècle, est contemporain voire postérieur à l’entrée de la Vita dans le bréviaire imprimé de Split80. Il constitue une copie supplémentaire d’un texte imprimé et n’apporte aucune information nouvelle pour l’établissement du texte par rapport au bréviaire utilisé par les bollandistes pour les Acta Sanctorum (voir Annexe 1).
23L’absence de copie médiévale de langue latine constitue un fait étonnant si l’on se réfère à la Vie de l’un autre saint de la Salone antique, saint Anastase, transmise au moins par neuf témoins médiévaux81. Si l’on peut supposer l’existence de copies aujourd’hui disparues, il est vraisemblable que la Vita fût transmise dans une autre langue, en paléocroate82 ou en grec. Le récit par Thomas l’Archidiacre des origines de la Vita Domnii contient, à ce propos, un indice intéressant : l’archevêque de Split aurait demandé à Adam de Paris de « faire resplendir les Passions des saints Domnio et Anastase dans un style brillant83 ». Cette précision pourrait indiquer qu’Adam fut en réalité chargé de traduire en latin une version existant dans une autre langue. Cette hypothèse serait parfaitement cohérente avec les décisions concilaires qui tentaient d’imposer la latinisation de la liturgie et du clergé dalmates, comme nous l’avons vu plus haut.
24Les zones d’ombre sont encore nombreuses sur la Vita Domnii et sur son auteur, Adam de Paris. Toutefois, nous avons vu dans le premier chapitre que l’analyse de la structure et des sources du texte mettait en évidence le caractère composite de la Vita Domnii et permettait de restituer les multiples fonctions du texte et la transformation de la légende de Domnio en « fiction » apostolique. Je résume brièvement : la partie centrale du texte, qui correspond parfaitement au cadre historique de l’Antiquité tardive, pourrait être le noyau d’une Passion ancienne du « vrai » Domnio alors que l’introduction et la conclusion contiennent des éléments plus tardifs. J’en identifierai six principaux :
l’envoi de Domnio à Salone par saint Pierre qui le nomma évêque (destinauit… Domnium Salonas episcopum constituens § 2)
la domination universelle de Rome (Vrbem, toto prouinciarum orbe Dominam § 2)
la mission universelle de saint Pierre (Petrus multis iam ad fidem Christi conuersis, alias quoque paretes orbis terrae ab erroris pernicie liberare cupiens 1 §)
le culte de sainte Marie (ecclesiam B. Mariae § 8)
l’abandon de Salone par les habitants qui se réfugient à Split (conciues… confugerant, ac deinde reuersi, in Diocletiani aedificio… Spalatum appellatum, sedem sibi posuerunt § 8)
la translation des reliques de Domnio par l’archevêque Jean dans l’ancien temple de Jupiter dédié à présent à Marie sainte mère de Dieu (templumque olim Ioui dicatum, eiectis idolis, per Ioannem Archiepiscopum sanctae Dei Genitrici Mariae consecrarunt, et ipsum Martyris corpus a Salonis quarto Kalendas Sextiles transtulerunt, in eodemque templo collocarunt § 8)
25Ces six éléments sont anachroniques avec la date de l’épiscopat de Domnio, historiquement attestée au tournant des IIIe et IVe siècles. La mission apostolique de Domnio, la représentation universelle de Rome, le culte de Marie et l’évocation de Split pourraient très bien correspondre, en revanche, à l’époque durant laquelle fut « composée » ou « réécrite » la Vita Domnii par Adam de Paris vers 1070 qui correspond à la suprématie de la métropole de Split sur les autres sièges dalmates et aux prémices de la réforme de l’Église universelle à laquelle Grégoire VII donna une impulsion nouvelle.
26L’apparition du Domnio apostolique aux Xe-XIe siècles a profondément modifié la signification et l’extension du culte de l’évêque Domnio de Salone. Si la mémoire de l’évêque martyrisé sous Dioclétien avait contribué à ancrer son culte dans la construction mémorielle de la Métropole dalmate comme d’autres figures de saints évêques ont pu façonner l’histoire de leur ville84, la légende du Domnio apostolique avait une tout autre fonction : l’analyse des ajouts médiévaux, qui semblent se concentrer au début et à la fin de la Vita Domnii, démontre en effet que cette fiction tardive cherchait surtout à renforcer et à représenter les liens privilégiés entre l’Église de Rome et la métropole de Split85, son principal relais en Dalmatie. L’hétérogénéité même de la Vita ne relève donc pas seulement de l’analyse littéraire : elle reflète, plus que tout autre indice, les compromis et les manipulations qui caractérisent l’histoire de ces relations depuis le Xe siècle. Autrement dit, ce sont les invraisemblances de la Vita Domnii, dont la somme semble le plus nous éloigner de la réalité, qui font le mieux comprendre les enjeux de cette « fiction ». Après avoir posé, en un peu plus d’un siècle, un cadre normatif, humain et cultuel favorable, il ne restait donc plus à la papauté qu’à obtenir le soutien du pouvoir politique pour pouvoir asseoir durablement son autorité sur la Dalmatie. Ce soutien prit la forme d’un couronnement et d’une vassalité.
Notes de bas de page
1 Sur la fonction de la production hagiographique dans les réformes au haut Moyen Âge, je me permets de renvoyer notamment à Gioanni – Mériaux 2012b ; Rosé 2013.
2 Petrović 2006, p. 205 ; Petrović 2014.
3 Voir chapitre 1, p. 48.
4 De nombreux sites archéologiques de la Dalmatie paléochrétienne sont encore peu ou pas documentés. On peut retrouver un état de la question, site par site, dans Salona II. Cette publication doit être naturellement complétée par les recherches publiées depuis 1995 notamment dans la revue d’archéologie et d’histoire de l’art médiéval Hortus Artium Medievalium.
5 Jakšić 2009a.
6 En dehors de Zadar et de Split, l’exemple de Kotor illustre lui aussi l’influence de la liturgie romaine. L’étude d’un important manuscrit liturgique originaire de Kotor (Gyug 2016) démontre que les trois parties de ce manuscrit (lectionnaire : fols. 3r-63v ; pontifical : fols. 67r-177v ; sermons : fols. 178r-193v) étaient distinctes mais qu’elles furent rassemblées très tôt. Selon l’historien Richard F. Gyug, le lectionnaire serait typique de la liturgie romaine du haut Moyen Âge avec des variantes locales.
7 Sur les traditions liturgiques et hagiographiques de Kotor ; Gyug 2016 : cet ouvrage est consacré à l’étude pluridisciplinaire du manuscrit liturgique originaire de Kotor, dans l’actuel Monténégro, conservé à la bibliothèque de l’Académie des Sciences de Russie (Biblioteka Rossiiskoi Akademii Nauk) de Saint-Petersbourg sous la cote F. No. 200. Ce manuscrit de 199 feuillets, entièrement écrits en lettres bénéventaines dalmates pour la dédicace de la nouvelle cathédrale de Kotor en 1166, est une source d’information exceptionnelle sur la culture, la liturgie et la société du sud de la Dalmatie au milieu du XIIe siècle.
8 Vedriš 2006.
9 Vedriš 2009b.
10 DAI, cap. 29.
11 Ibid. : « L’église de Sainte-Anastasie est une basilique, comme l’église de Chalcopratia, avec des colonnes vertes et blanches, toute décorée d’images encaustiques de style antique ; son plancher est une magnifique mosaïque ».
12 Ibid. : « À proximité, se trouvent une autre église, couverte d’un dôme, la Sainte-Trinité, et au-dessus de cette dernière, encore une autre église, à la manière de celle des Catéchumènes, en rotonde également, dans lequel on monte par un escalier en colimaçon ».
13 Strika 2004 ; Suić 1981.
14 Grégoire, epist. VIII, 24, p. 544-545.
15 Constantin exagère l’extension territoriale de la Dalmatie dont il étend le contrôle jusqu’à... Bénévent (DAI, cap. 29 : « Sous le contrôle de la Dalmatie est un ensemble de très nombreux archipels, s’étendant aussi loin que Bénévent, de sorte que les navires ne craignent jamais la tempête dans ces régions. L’une de ces îles est la cité de Vekla, et sur une autre île Arbe, et sur une autre île Opsara, et sur une autre île Lumbricaton, et elles sont encore habitées. Les autres sont inhabitées et ont sur elles des villes désertes, dont les noms suivent : Katautrebeno, Pizouch, Selbo, Skerda, Aloep, Skirdakissa, Pyrotima, Meleta, Estiounez, et d’autres très nombreuses dont les noms ne sont pas intelligibles. Les autres cités, sur la partie continentale de la province, furent prises par lesdits Slaves, sont maintenant inhabitées et désertées, et personne n’y vit »).
16 Ferluga 1978, p. 191 sq.
17 Jakšić 2009a, p. 80 ; Jakšić 2008, p. 192 ; Jakšić 2009b. L’importance du culte de saint Pierre à Zadar entre Antiquité et Moyen Âge démontre la continuité de certains cultes à Zadar, même si l’Église de Zadar ne semble pas avoir « gardé le souvenir de martyrs de la période paléochrétienne » (Petrović 2006, p. 205).
18 Des études récentes ont montré l’existence, « le long d’un des décumanes secondaires, d’un édifice rectangulaire, de dimension réduite et doté d’une abside, que les sources médiévales évoquent comme ecclesia sancti Petri veteris » (Jakšić 2009a, p. 82) ; Petricioli – Vučenović 1970. Sur les dédicaces des églises de Zadar et les cultes de la cité aux IXe et Xe siècles, voir aussi Preradović 2011, p. 167-184. Je remercie Dubravka Preradović de m’avoir permis de lire une partie de sa thèse avant publication.
19 Valerio de Ponte, Historia ecclesiae iadrensis, p. 118 et surtout la lettre d’Amalaire de Metz à l’abbé Hilduin après un bref séjour à Zadar durant son voyage à Constantinople (Epistola ad Hilduinum abbatem, p. 65-67 et p. 138 : Vt repperi apud quendam archiepiscopum, ipso narrante, de ciuitatis Iadhare, sine aliqua observatione nostr˛e consuetudinis celebrant consecrationem sacrorum. Retulit quomodo uellet aliquem diaconum promuouere ad presbiteratus officium in uigilia pasche˛ ; ipso rennuente eodem tempore, promotus est in festiuitate sancti Petri. In loco ubi eram uigilia memorata festiuitatis sancti Petri).
20 Katičić 1998, p. 368 : In nomine s (an) c(t) e Anastasie / De donis D(e) i et s (an) c(t) e Anastasie Donatus peccatur episcopus fecit D(e) o gratias. / In nomine s (an) c(t) e Trinitatis hic requiescit corpus beate s (an) c(t) e Anastasie. / De donis D(e) i Donatus peccatur episcopus fecit.
21 Voir par exemple la Translatio reliquiarum S. Anastasiae Byzantio Iaderam publiée dans Illyricum Sacrum, V, 1775, p. 34-35. D’autres translations des reliques en Dalmatie sont datées du IXe siècle par des récits de la fin du Moyen Âge, comme la translation de saint Tryphon à Kotor : Petrović 2006, p. 211 ; voir aussi la contribution de D. Preradović, Consecration of the St. Tryphon Cathedral in 1166 : The Cult of Saint and Relics Venerated in Kotor Around the Middle of the 12th Century dans les actes du colloque Byzantium in the Adriatic from the 6th to 12th century (Basić – Gračanin – Petrak – Vedriš à paraître).
22 Vežić 2002 ; Mišković à paraître.
23 DAI, cap. 29 : « Dans cette même ville repose le corps de sainte Anastasie, fille vierge d’Eustathe, qui fut sur le trône à l’époque, et saint Chrysogone, moine et martyr, dans sa sainte chaîne ».
24 Petrović 2006, p. 205-206. Voir aussi Schoolman 2016.
25 Ibid.
26 L’un des plus anciens manuscrits hagiographiques de Zadar, qui contient les textes du cycle hagiographique de Zadar, est conservé aujourd’hui dans le couvent des bénédictines de Sainte-Marie à Zadar (sign. R-81). Deux autres manuscrits latins, qui comptent parmi les plus anciens Livres d’heures et qui ont été réalisés « dans le scriptorium du monastère Saint-Chrysogone à Zadar entre 1060 et 1090 » (Petrović 2006, p. 209) illustrent la vitalité du cycle hagiographique des saints Anastasie et Chrysogone à Zadar durant la réforme « grégorienne ». Il s’agit du Liber horarum de l’abbesse Čika, conservé à Oxford (Bodleian Library, sign. Ms. Canonici Liturgical 277), et le Liber Horarum de l’abbesse Većenega conservé à Budapest (Magyar Tudományos Akadémia, sign. Ms. Cod. latini octavo 5). Ces Livres d’heures ont été édités par Grgić 2002.
27 Delehaye 1936, p. 158. Sur la festivité de saint Chrysogone dans le calendrier liturgique romain : Piccolini 1953, p. 13-26. Sur le cycle d’Anastasie et Chrysogone, voir la synthèse de Lanéry 2010, p. 45-60.
28 Vedriš 2014 et Vedriš 2020.
29 Mesnard 1935 ; Guerrini 2002.
30 Lanéry 2010, p. 54-55 : « C’est pourquoi l’hagiographie imagina de donner à deux martyrs étrangers, Chrysogone d’Aquilée et Anastasie de Sirmium, une origine romaine : à ses yeux, les deux tituli étaient bel et bien dédiés à des martyrs romains nommés Anastasie et Chrysogone, que le persécuteur avait simplement fait mourir hors de la Ville, à Aquilée et en Dalmatie ».
31 Passio Anastasiae, p. 28 : « Una molteplicità di elementi collega l’elaborazione della leggenda di Anastasia alla città di Roma, soprattutto perché tipicamente “romani” sono sia il modello di santità che in Anastasia si incarna sia alcuni particolari della sua storia ». Moretti pense que la Passio Anastasiae fut composée dans un cercle de femmes pannoniennes installées à Rome. Mais C. Lanéry est plus réservée sur ce point compte tenu du fait que « L’hagiographe ne connaissait pas grand-chose de la martyre Anastasie de Sirmium » (Lanéry 2010, p. 58).
32 Sur l’extension du culte de saint Anastasie : Vedriš 2007.
33 Passio Anastasiae, p. 182 : Tertia uero die deuoluti sunt ad insulas quas Palmarias appellant, in quibus espiscopi et presbyteri et multi religiosi uiri temporibus diuersis fuerant religati exilio, et descendentes cum hymnis et psalmis suscepti sunt.
34 Les liens étroits entre les aristocraties de Rome et d’Aquilée, qui apparaissent clairement durant le schisme laurentien (498-506), ont peut-être favorisé la diffusion à Rome des légendes hagiographiques de martyrs d’Aquilée homonymes. Sur les relations entre les familles nobles des deux cités : Pietri 1997 et Sotinel 2005.
35 DAI, cap. 29 : « Dans cette même ville [=Zadar] repose le corps de Sainte-Anastasie, fille vierge d’Eustathe, qui fut sur le trône à l’époque, et Saint-Chrysogone, moine et martyr, dans sa sainte chaîne ».
36 Voir la donation du prior de Zadar André au monastère Saint-Chrysogone en 918 dans CDCDS, 21 (a. 918), p. 27 : Et in sancto Grisogono dimitto uinea que emi de Mezulo, et terre a Duculo que comparaui, et seruum et ancillam et centum capita de pecora et uno panno de sirico et uno sauano.
37 Mišković à paraître.
38 Vedriš 2005a.
39 Prozorov 2006, p. 230.
40 L’Historia Salonitana raconte que la cité de Salone fut évangélisée par un disciple de saint Pierre, appelé Domnio, qui avait reçu cette mission du « prince des Apôtres » avant de connaître le martyre à Salone sous Trajan : HS, 3, p. 12 : Cuius loco beatus Petrus, apostolorum princeps, direxit quendam discipulum suum, nomine Domnium, natione Syrum, patria Antiocenum, qui dalmatie populis uerbum uite, quod per Titum inchoatum fuerat, predicaret. Hoc enim beatus Petrus statuerat, ut pontificia christiane religionis sic disponerentur per urbes singulas totius orbis, quemadmodum apud gentiles fuerat antiquitus constitutum.
41 Le De administrando imperio de Constantin VII Porphyrogénète, écrit vers 953, est plus ambigu : dans le chapitre 29 consacré à la Dalmatie, l’empereur de Byzance semble ignorer le transfert des reliques de Domnio au Latran par le pape Jean IV au VIIe siècle. Comme les évêques du concile de 925, il raconte que les reliques de Domnio ont été transportées de la Basilique de Manastirine, au Nord de l’antique Salone, jusqu’à la cathédrale de Split. Mais il ne précise pas s’il s’agit de l’évêque martyrisé par Dioclétien ou du disciple de saint Pierre.
42 HS, 16, 3, p. 68-70 : His temporibus Adam quidam Parisiensis, optime in artibus elimatus, pergendo Athenas ad Graecorum studia deuenit Spalatum. Et cum fuisset a Laurentio antistite honorifice susceptus, rogatus est ab eodem, ut passiones beatorum martirum Domnii et Anastasii, que inculto fuerant antiquitus sermone conscripte, luculenta faceret compositione nitere.
43 Cette « fiction » hagiographique peut être considérée comme une fiction politique dans la mesure où elle occupe une place essentielle dans la généalogie du souvenir historique qui a fondé l’autorité de la métropole de Split-Salone. À partir d’un matériau tardo-antique (un fragment de la Passion du vrai Domnio, l’évêque du IVe siècle), elle fait du passé antique la source d’un récit capable de produire des effets de vérité sur le présent médiéval.
44 Les conclusions de F. Bulić, qui avait reçu le soutien des bollandistes et de nombreux érudits, provoquèrent une vive réaction de l’Église de Split et de la Congrégation des Rites à Rome. À Split, Dom D. Dević publia deux petits opuscules contenant des charges violentes contre F. Bulić et H. Delehaye à propos de leur interprétation de la légende de Domnio et leur refus d’accepter l’existence d’un Domnio apostolique : Dević D. 1900. C’est ce même Dević qui saisit la Congrégation des rites en 1901, à Rome, pour obtenir la suspension des travaux archéologiques et des publications de Bulić sur Domnio.
45 Paul, Rm, 15, 19.
46 Paul, II Tim. IV, 2.
47 Zeiller 1906, p. 47 sq. La première mention d’un évêque de Salone, saint Venance, date du milieu du IIIe siècle.
48 Le reliquaire en marbre est couvert d’une plaque d’argent sur laquelle est gravée l’inscription : S(ANCTUS) DOMNIUS M(ARTYR) / P(RI) MUS SALON(ITANUS) PONT(IFEX) / AP(OSTO) LORUM P(RI) N(CI) PIS / DISCIPULUS / HIC JACET. Sur la droite de l’autel se trouvent deux autres inscriptions : AVE SANCTE DISCIPULE APOSTOLORUM PRINCIPIS et AVE LUMEN DALMATIAE FIRMA SPES SPALATI.
49 HS, 13, « De S. Domnio et S. Domnione », p. 12-17. Tout en soutenant l’existence des deux Domnio, le disciple de saint Pierre et le martyr de Dioclétien, l’Historia Salonitana de Thomas l’Archidiacre montre que le premier est supérieur au second, en raison de ses liens avec le « prince des apôtres ». Dans l’exemple de saint Domnio, le mécanisme de la « fiction » consiste en un dédoublement d’une figure connue et aboutit à la naissance d’un nouveau culte ou du moins à la célébration d’un saint sans rapport avec le précédent. Mais il est important de préciser que nous n’avons pas à faire à une réécriture hagiographique puisque, même si l’on devine l’omniprésence d’un hypotexte ou d’un modèle antérieur, il ne s’agit en aucun cas du même saint.
50 Matijašević 1901.
51 Zeiller 1903, p. 236. Sur les recherches de J. Zeiller sur la Dalmatie : Marin 1990.
52 J’emprunte cette dichotomie élémentaire, le « faux » et le « vrai » Domnio, au bollandiste H. Delehaye dans sa correspondance avec F. Bulić, responsable des fouilles du quartier épiscopal et des cimetières voisins à Salone. Voir la lettre du 5 mars 1901 : « La Congrégation [des Rites à Rome] n’est pas une Académie mais c’est un tribunal. (…) Espérons que (…) S. Doimo – le vrai Doimo – fera quelque chose pour éclairer des juges qui croient n’avoir pas besoin de vos lumières, et qu’il leur donnera tout au moins l’idée de garder le silence » in Correspondance. Bulić-Delehaye, p. 50-1.
53 Illyricum Sacrum : les Vitae de saint Domnio sont rassemblées dans le premier volume, p. 414-26.
54 Le dossier de la Vita secunda, connue par un unique témoin conservé à Padoue (Padova, BU, 263), a été entièrement repris par Cerno 2015 : Marianna Cerno considère que le texte de la Vita secunda est une adaptation latine du XVIIe siècle d’un modèle paléoslave, voire paléocroate, qui aurait été perdu. Elle croit pouvoir situer la rédaction initiale entre la fin du XIe et le début du XIIe siècle, à une époque où une église du nord Dalmatie se détacha de la métropole de Split-Salone pour entrer dans le diocèse de Krk qui appartenait au patriarcat d’Aquilée. Cette réécriture de la Passio Domnii développe une « vision œcuménique » qui aurait pour but de renforcer l’appartenance du nouveau diocèse au patriarcat d’Aquilée.
55 HS, 16. 3, p. 68-70 : His temporibus Adam quidam Parisiensis, optime in artibus elimatus, pergendo Athenas ad Graecorum studia deuenit Spalatum. Et cum fuisset a Laurentio antistite honorifice susceptus, rogatus est ab eodem, ut passiones beatorum martirum Domnii et Anastasii, que inculto fuerant antiquitus sermone conscripte, luculenta faceret compositione nitere.
56 Zeiller 1906a, p. 12-3 et Saxer 1987, p. 307-8.
57 AASS, Aprilis, II, 1866, p. 7-8.
58 Farlati, Illyricum Sacrum, I, p. 418-9.
59 HS, 16. 3, p. 68-70 : Adam quidam Parisiensis, optime in artibus elimatus, (…) cum fuisset a Laurentio antistite honorifice susceptus, rogatus est ab eodem, ut passiones beatorum martirum Domnii et Anastasii, que inculto fuerant antiquitus sermone conscripte, luculenta faceret compositione nitere.
60 Ibid.
61 Ceillier 1757, p. 410-1. Voir aussi Histoire littéraire de la France, p. 510-511.
62 Matijević-Sokol 2014.
63 Lučin 2014. Cet important article contient en annexe la première edition du texte complet de l’Office du Vatican de Saint-Domnius et l’Office en vers de Saint-Domnius.
64 Saxer 1987, p. 308 : « (…) lorsque Thomas l’Archidiacre attribue ces élucubrations au parisien Adam de Saint-Victor, il se trompe certes (ou répète une erreur de son temps) sur leur histoire littéraire et en accroît le caractère suspect (…) ». Thomas attribue bien la Vita à un Adam de Paris mais ne désigne pas explicitement Adam de Saint-Victor.
65 CDCDS, p. 106, 114 et 115.
66 Saxer 1982, p. 170.
67 Parmi les manuscrits liturgiques dalmates en langue latine, citons l’évangéliaire de Split (Split, Archivium Capituli Cathedralis Spalatensis, 621, VIe-VIIe s., avec additions postérieures), l’évangéliaire de Zadar (Berlin, Theol. Lat. quart. 278, XIe siècle), l’évangéliaire d’Osor (Vatican, Borgian. Lat. 339, fin XIe siècle), un légendier peut-être en usage au monastère d’Osor (Bibliothèque royale de Bruxelles, lat. 8216-18, IXe siècle).
68 Voir en particulier les archives de F. Bulić conservées et reliées par Bulić lui-même en 25 volumes composites sous le titre Salona Christiana. Les lettres inédites de J. Zeiller montrent par exemple que celui-ci a réalisé un article sur la liturgie spalatine qui aurait pu le conduire à établir un inventaire des sources liturgiques. Ce travail n’a jamais vu le jour peut-être en raison de la difficulté de la tâche. Voir lettre inédite du 2 juin 1907 à F. Bulić : « (…) Je n’ai pu encore, à mon vif regret, commencer seulement l’article sur la question liturgique, et je ne sais quand je pourrai le faire ; il y a tellement à lire ! » ; lettre inédite du 27 août 1907 à F. Bulić : « (…) Les derniers renseignements que j’ai vus vont me permettre de rédiger bientôt mon petit article sur la question de la langue liturgique en Dalmatie » ; lettre inédite du 13 septembre 1907 : « J’ai pu, malgré les occupations nombreuses auxquelles m’oblige mon prochain mariage, me mettre à mon article sur la question liturgique en Dalmatie. Je compte que je pourrai vous renvoyer les livres à la fin du mois prochain. Mais j’aurai d’ici là à vous demander un renseignement précis : quelle a été l’attitude du pape Grégoire VII à l’égard de la Glagolitique ? Je trouve là-dessus des données contradictoires : les uns disent qu’il l’a condamnée, d’autres au contraire que, devant le mécontentement des Croates, il l’a tolérée. Quelle est la vérité ? ».
69 Ferrari 1959.
70 Ibid., II, p. 16 : « Il census si propone la massima completezza, e si riscontrano infatti presi in considerazione anche i frammenti di codici superstiti : soprattutto quelli in scrittura beneventana ».
71 Il existe plusieurs manuscrits liturgiques écrits en croate qui n’entraient pas dans la recherche de G. Praga et qui ne concerne pas non plus mon enquête. Signalons néanmoins le cas surprenant d’un lectionnaire dalmate de la fin du XVe siècle qui ne contient pas l’office de saint Domnio : Lektionar Bernardina Splićanina.
72 Mon propos ne concerne que les manuscrits liturgiques de langue latine. Il existe un autre célèbre Missel de l’Église de Split écrit en glagolitique : si les références à Domnio sont très fréquentes, à travers des miniatures et l’office liturgique, on n’y trouve aucun extrait de la Vie de Domnio écrite par Adam de Paris, du moins si l’on en croit la description faite par les éditeurs du Missel : Missale Hervoiae ducis Spalatensis Croatico-Glagoliticum, p. 529.
73 Bertoldi 1886, p. 227-251.
74 Cod. Bibliothèque royale de Bruxelles, 8216-18, 291 fols., IXe siècle : ce manuscrit hagiographique ne contient ni Vita, ni allusion à saint Domnio. Il contient la Vita Hilarionis, la Vita Malchi captivi, la Vita sancti Pauli, primi ere-mitae, la Vita sancti Antonii et un fragment de la Vita sancti Frontini. Toutefois, les liens entre ce manuscrit hagiographique du IXe siècle et la Dalmatie restent à démontrer.
75 Sur l’extension du culte des saints d’Istrie et de Dalmatie : Salvarani 2014.
76 Par exemple Badurina – Galović 2014.
77 Paschini 1904, p. 7 : « Ma ci fù o non ci fù san Marco ad Aquilea ? Che ci possa essere venuto chi puo negare ? Immenso è il campo del possibile. Che ci sia veramente stato bisogna provarlo con documenti storici ».
78 Dević 1893-1894, Supplemento IV : « Siccome poi la patria del Codex Aureus fu Aquileja, la quale, per il culto comune del Martire sant’Anastasio, ebbe fino dal IV secolo una specie di fratellanza colla Chiesa di Salona e di Spalato » ; Neumann 1894, p. 33 sq.
79 Notre attention a été attirée par le légendier en usage dans la basilique San Marco de Venise (Venezia, Marc. 118, XIV-XVe siècle, fols. 268-9) qui contient une Vita Domnii martyris. Il s’agit en réalité d’une Vita connue de saint Domninus (BHL 2265). Voir Bibliotheca manuscripta ad S. Marci Venetiarum, V, p. 290-2 : « codex, qui iamdiu in choro ecclesiae d. Marci legi consueuerat, quique ex cubiculo sacristiae eius ecclesiae anno 1748 in Marciam illatus est, bifariam diuiditur : pars prima ad fol. 247 saeculo XIV exscripta dat seriem Sanctorum a die uigesima nona iunii ad dimidium septembris ; pars altera a folio 248 ad finem saeculo XV exarata, offert historias septuaginta breuiores Sanctorum et Sanctarum, nullo, ut puto, ordine exhibitas ».
80 Venezia, Biblioteca Marciana, lat. XIV, 181 (=4668), XVIIe siècle, cité dans Sveti Dujam 2004, p. 30. Cet ouvrage contient une recension de nombreux documents archéologiques, épigraphiques, iconographiques et textuels relatifs à la légende, à l’histoire et au culte de saint Domnio de l’Antiquité à nos jours.
81 Nous avons recensé trois nouveaux témoins de la Vita Anastasi. Il s’agit de trois copies du légendier de Pietro Calò : Vatican, Barb. Lat. 713, XIVe s., fol. 141v-142 ; Venise, Biblioteca Marciana, Lat. IX. 15 (=2942), XIVe s., fol. 83v-84 ; York, Cathedral Library, XVI. G. 23, XVe s., fol. 25v. Ces témoins viennent s’ajouter à la liste établie par R. Egger et complétée par H. Delehaye (Egger R. 1939 : Bruxelles, Bibl. Royale, lat. 7984, fol. 170v-172v, Xe s. ; Vatican, Lat. 8565, XIe-XIIe ; Vatican, Lat. 1190, fol. 86r-87r, XIIe s. ; Bruxelles, Bibli. Royale, lat. 9290, fol. 175v-175r, XIIIe s. ; Avranches, lat. 167, XIIIe s. ; Bruxelles, Bibl. Royale, lat. 858-61, fin XVe s. (= légendier de Korssendonck). Ces deux derniers témoins ont été signalés par Delehaye 1942).
82 Il existe une version paléocroate de la Vita Domnii d’Adam de Paris connue par un unique manuscrit de la seconde moitié du XVIe siècle conservé à la bibliothèque du monastère franciscain de Dubrovnik, le codex Biblioteka Samostana Male Brace, 397 (olim 141). Sur ce texte : Cerno 2015 qui renvoie à deux publications : Ciulich 1860 et Gligo – Morović 1977.
83 HS, 16. 3, p. 68-70 : Adam quidam Parisiensis (…) rogatus est ab eodem, ut passiones beatorum martirum Domnii et Anastasii, que inculto fuerant antiquitus sermone conscripte, luculenta faceret compositione nitere.
84 Bousquet – Maurey 2015, p. 5-11.
85 Le culte de Domnio se développa essentiellement à Split et dans ses environs, notamment à Trogir comme en témoigne la première dédicace du monastère féminin Saint-Nicolas fondé à l’initiative de l’évêque Jean : Lucio 1674, p. 13 : « La più antica memoria, che si troui delle attioni del Santo Vescovo è l’erettione del monastero delle Monache di S. Doimo, hora dette di S. Nicolò, et è l’unica pergamina originale, che è rimasta dalla desolatione della Città ». L’étude récente d’un sceau de Nicolas, archonte des Zachloumoi, mis à jour au cours des fouilles menées sur le site d’Orikos dans l’actuelle Albanie, a permis de supposer que le culte de Domnio dépassait le cadre de la métropole dalmate (Prigent 2018, p. 150). En effet, « seule source sigillographique mentionnant la petite principauté slave de Zachloumie, située dans l’arrière-pays de Ston, au nord de Raguse », cette bulle de plomb produite à Constantinople dans le dernier quart du Xe siècle présente le portrait d’un saint évêque imberbe dépourvu de nomen sacrum. Si cette figure épiscopale ne peut correspondre aux principaux saints de l’Adriatique orientale qui n’étaient pas évêques (Tryphon de Kotor, Laurent de Trogir, Chrysogone de Zadar, etc.), la résurgence du culte de l’évêque Domnio aux Xe-XIe siècles est trop localisée pour nous permettre de reconnaître le saint évêque de Split-Salone sur le sceau de l’archonte slave Nicolas qui offre surtout « un témoignage tout à fait exceptionnel sur la diplomatie mise en œuvre par Byzance sur le flanc occidental de l’empire » (Prigent 2018, p. 149).
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