Chapitre 3. Sous l’influence de Rome : de l’Amicitia à l’intégration dans l’ager publicus
p. 151-212
Texte intégral
3.1. Dans l’orbite politique romaine : des intérêts conjugués, une dépendance implicite
1En s’alliant officiellement aux Romains, le prince Massinissa et le roi Bocchus I acceptent d’entrer dans le système dit de l’amicitia. Les liens de clientèle qui se développent progressivement entre les hauts personnages nord-africains et les chefs militaires romains jouent un rôle primordial dans le processus d’intégration de la Numidie massyle et de la Maurétanie dans la sphère de Rome.
2Dans le cadre des services qu’implique de rendre ce système relationnel et politique, les Massyles et les Maures fournissent un soutien militaire aux Romains. Prenant parti dans les guerres civiles qui affectent la République romaine, ils entraînent leur royaume au cœur des rivalités entre les optimates (syllaniens et pompéiens) et les populares (marianistes et césariens), puis entre les césariens (Marc Antoine et Octave). La transposition des conflits en terres nord-africaines conduit finalement à la disparition du royaume numide en 46 av. J.-C., tandis que les rapports privés établis entre Bocchus II et Octave permettent vraisemblablement à ce dernier de bénéficier du legs de la Maurétanie en 33 av. J.-C.
3Sur la base de ces constatations, mais aussi de témoignages faisant état de l’ingérence de Rome dans les affaires internes des royaumes, les rois nord-africains ont souvent été considérés comme soumis ou dépendants envers celle-ci. L’amicitia a certes favorisé l’intervention de Rome qui a par ailleurs su mener à bien sa politique hégémonique. Néanmoins, les souverains ont su faire valoir leurs intérêts, mettant notamment à profit ce contexte pour renforcer leur pouvoir personnel.
3.1.1. La politique de ralliement des souverains nord-africains
4La confrontation des sources littéraires et archéologiques permet de restituer de manière relativement précise les partis pris des rois numides et maures. Les raisons de ces choix politiques peuvent par ailleurs être explicitées en fonction du contexte local et il apparaît assez clairement que la plupart des souverains tente de réaliser ses ambitions ou de préserver ses acquis face aux convoitises de ses rivaux nord-africains ou de celles des Romains.
3.1.1.1. Des guerres puniques à la guerre de Jugurtha (218-105 av. J.-C.)
5Le ralliement des Massyles aux Romains à l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C. constitue une rupture dans la politique de la dynastie royale qui consiste jusque-là à soutenir les Carthaginois. Les Massyles sont, rappelons-le, en bons termes avec les Carthaginois depuis les années 230 av. J.-C. au moins1 et semblent s’être impliqués militairement à leurs côtés dès le début de la deuxième guerre punique : du moins Polybe mentionne-t-il la présence de cavaliers massyles dans les troupes d’Hannibal en 218 av. J.-C.2. L’alliance proclamée entre les deux peuples en 213 av. J.-C., sous le règne de Gaïa, est manifestement motivée par le traité établi la même année entre les Romains et le roi masaesyle Syphax3. Ce dernier représente en tout cas dès cette époque une menace pour les Massyles4. En conséquence, ces derniers fournissent à Carthage un renfort appréciable, des milliers de Numides participant de 211 à 206 av. J.-C. aux luttes romano-carthaginoises en Ibérie, sous le commandement du prince Massinissa. Gaïa envoie également sur place l’un de ses petits-fils, Massiva, qui prend part à la bataille de Baecula en 208 av. J.-C. Trois mille Massyles combattent par ailleurs en Sicile dans les rangs des Carthaginois en 211 av. J.-C.5.
6Ce n’est qu’en 206 av. J.-C. que le prince Massinissa traite avec Scipion l’Africain et conclut une alliance avec celui-ci6. Avec l’appoint de nombreux fantassins et de cavaliers numides, il épaule les Romains lorsqu’ils débarquent sur le territoire de Carthage, sans doute à la fin de l’été 204 av. J.-C.7.
7La raison du revirement de Massinissa pour le clan des Romains n’est assurément pas le mariage entre Syphax et la fille d’Asdrubal, Sophonisbe, contrairement à l’affirmation d’Appien8. Selon ce dernier, la main de la Carthaginoise aurait été promise par Asdrubal à Massinissa qui, pour se venger, aurait donc accepté de se rallier à Scipion l’Africain. Or nous savons que le mariage a lieu vers la fin de 205 av. J.-C., soit à une date postérieure à l’alliance massylo-romaine9. En accord avec St. Gsell, Fr. Decret et Mh. Fantar, nous pouvons estimer qu’en réalité Massinissa choisit le camp des Romains car il est conscient de la valeur de leurs armées – pour les avoir combattues en Ibérie – et a donc pressenti leur victoire à l’issue de la deuxième guerre punique10. Deux autres motifs justifient certainement sa décision. En premier lieu, Massinissa recherche sans doute un appui pour contrecarrer Mazaetullus et Lacumazès qui ont alors usurpé le trône massyle11. Il ne peut visiblement pas compter pour cela sur les Carthaginois. Ces derniers paraissent avoir entretenu des relations diplomatiques avec Mazaetullus qui, d’après Tite-Live, dans l’espoir d’obtenir l’alliance de Carthage, se serait marié avec la nièce d’Hannibal après avoir fait tomber le roi massyle Capussa. Nous savons de plus que Lacumazès trouve refuge sur le territoire de Carthage en vue d’échapper à la poursuite engagée par Massinissa. Les Carthaginois tentent par la suite d’empêcher tout accord entre Lacumazès et Massinissa lorsque ce dernier décide d’opter pour une réconciliation. En second lieu, Massinissa, tout comme son père, doit se méfier de l’ambitieux Syphax qui offre par ailleurs de puissants secours à Lacumazès12.
8La politique de Syphax mérite d’être évoquée en parallèle. Elle s’avère fondée tout au long de la deuxième guerre punique sur la nécessité de protéger son royaume. D’après la mention de troupes masaesyles dans l’armée d’Hannibal en 218 av. J.-C., nous pourrions supposer que le roi a choisi initialement de soutenir les Carthaginois13. Néanmoins, ces troupes étaient peut-être mandatées par les cités autonomes, telle Saldae (Béjaïa) où l’on a découvert un important lot de monnaies carthaginoises datable de la deuxième guerre punique et vraisemblablement destiné au paiement de mercenaires originaires de la cité14. Quoi qu’il en soit, pour rappel, Syphax est en conflit avec la métropole punique entre 216/214 et 212 av. J.-C.15. Dans ce contexte s’établissent les premiers contacts politiques entre les Masaesyles et les Romains qui réussissent en 213 av. J.-C. à obtenir une alliance après avoir assuré à Syphax la reconnaissance du sénat et du peuple romains s’il demeurait hostile à Carthage16.
9Les auteurs anciens incitent alors à percevoir le roi masaesyle comme un personnage indécis et orgueilleux, se croyant en mesure de jouer l’arbitre entre les deux grandes puissances méditerranéennes17 : il hésite à s’engager dans la lutte romano-carthaginoise, s’efforçant d’entretenir de bons rapports avec les deux clans et de les convaincre de mettre fin à la guerre. Ainsi, en 210 av. J.-C., Syphax envoie-t-il une ambassade aux Romains pour leur garantir une solide alliance18. En 206 av. J.-C., il reçoit simultanément Scipion l’Africain et Asdrubal, venus solliciter son appui, et tente de les concilier. Il conclut pour la seconde fois un traité avec les Romains qui, déterminés à débarquer en Afrique pour évincer la métropole punique, le persuadent d’apporter une aide logistique en prévision de cette attaque19. Syphax ne rompt pas pour autant avec les Carthaginois, pour lesquels il finit par prendre définitivement parti. Quelques mois plus tard, Asdrubal lui rend à nouveau visite, pour le mettre en garde contre Massinissa : d’ores et déjà victorieux de la bataille contre les prétendants au trône de son père, le Massyle aspirerait certainement à accroître son territoire aux dépens des Masaesyles20. En 205 av. J.-C., les relations politiques entre les Carthaginois et Syphax sont étroites, comme en témoigne le fait que ce dernier, après avoir conquis une grande partie du royaume massyle, leur restitue une province que Gaïa leur avait enlevée jadis21. C’est alors qu’Asdrubal, pour s’attacher le Masaesyle, lui donne en mariage sa fille Sophonisbe. La forte influence exercée par la Carthaginoise est, toujours selon les auteurs anciens, à l’origine du revirement de Syphax, qui s’allie officiellement à la métropole punique en 204 av. J.-C.22. Les Masaesyles s’impliquent donc aux côtés des Carthaginois après le débarquement romain en Afrique23. Bien que Syphax soit capturé l’année suivante, son fils Vermina maintient cet engagement militaire : il serait venu, au début de 202 av. J.-C. ou après la bataille de Zama, au secours des Carthaginois avec au moins dix-sept mille hommes et mille cinq cents chevaux. Les Masaesyles sont néanmoins défaits par les Romains à l’issue de la lutte24.
10En accord avec l’interprétation de Fr. Decret et Mh. Fantar, il faut plutôt considérer Syphax comme un souverain clairvoyant25. Il établit certainement des contacts avec les Romains en 213 av. J.-C. en vue de recourir à eux s’il ne trouvait pas de solution au conflit qui l’opposait aux Carthaginois, tout autant que pour faire pression sur ces derniers. Il s’efforce par ailleurs d’éviter la guerre sur le sol africain, conscient qu’elle serait un désastre. Cependant, les Romains s’obstinent alors à débarquer en vue de vaincre Carthage et Syphax craint sans doute qu’ils aient, en cas de victoire, d’autres prétentions. Maître d’une grande partie du nord de l’Afrique depuis 205 av. J.-C.26, il tranche donc définitivement en faveur du camp carthaginois en 204 av. J.-C. dans l’optique d’assurer la préservation de ses acquis.
11Revenons à la politique de Massinissa, entré dans la clientèle des Scipion en 206 av. J.-C. Une fois parvenu au trône, le Massyle leur demeure fidèle, et ce tout au long de son règne. Après la mort de Scipion l’Africain, il se lie ainsi à Scipion Émilien27. Il contribue sans doute aux actes évergétiques des Scipion à Rome. L’un de leur membre, l’édile P. Cornelius Scipio Nasica Corculum, introduit en effet dans une venatio, vers 169 av. J.-C., des animaux venus d’Afrique que l’on peut présumer originaires de Numidie28. Une série de témoignages indique qu’il apporte surtout un soutien militaire et logistique conséquent aux Romains lors des guerres que ces derniers mènent dans plusieurs régions de Méditerranée. Au cours de la deuxième guerre de Macédoine (200-197 av. J.-C.), des unités de cavalerie numide luttent pour le compte de l’armée romaine. Le souverain massyle leur fait en outre parvenir dix éléphants et des céréales pour assurer leur ravitaillement. Dès 200 av. J.-C., il envoie ainsi en Macédoine deux cent mille boisseaux de blé et autant d’orge, auxquels s’ajoute la même quantité de blé en 198 av. J.-C.29. Puis, lors de la guerre contre Antiochos, en 191 av. J.-C., il fournit à l’armée romaine cinq cents chevaux, vingt éléphants, cinq cent mille boisseaux de blé et trois cent mille d’orge, tout en expédiant parallèlement à Rome trois cent mille boisseaux de blé et deux cent cinquante mille d’orge30. Au tout début de la troisième guerre de Macédoine (171-168 av. J.-C.), il fait bénéficier les Romains de l’aide de son fils Misagène, assisté de mille cavaliers, d’un nombre égal de fantassins, de vingt-deux éléphants, et leur adresse du blé en quantité inconnue. En 170 av. J.-C., il leur promet en complément l’expédition de mille deux cents cavaliers, de douze éléphants et d’un million de boisseaux de blé31. Enfin, alors que les Romains font campagne contre les Celtibères, le consul Fulvius Nobilior, en 153 av. J.-C., reçoit de Massinissa I le secours de trois cents cavaliers et de dix éléphants, tandis que Scipion Émilien, en 150 av. J.-C., reçoit également des éléphants32.
12Avant de mourir, le roi massyle aurait recommandé à ses fils de ne reconnaître dans le monde romain et dans le peuple romain que la famille des Scipion33. Les successeurs de Massinissa I demeurent bel et bien dans la mouvance de celle-ci jusqu’à la fin de la guerre de Numance en 133 av. J.-C. Juste après le partage du royaume massyle entre les trois héritiers, Micipsa, Mastanabal et Gulussa, ce dernier prend part à la troisième guerre punique aux côtés de Scipion Émilien. Il participe avec ses troupes et ses éléphants au siège et à la ruine de Carthage en 146 av. J.-C.34. Micipsa envoie quant à lui dix éléphants et trois cents cavaliers en Espagne, à la demande du proconsul Fabius Maximus Servilianus qui combat, en 141 av. J.-C., Viriathe et les Lusitaniens35. En 134 av. J.-C., il procure à Scipion Émilien, chargé de détruire Numance, des renforts de cavalerie et d’infanterie, douze éléphants, ainsi qu’une escorte d’archers et de frondeurs, dont il confie le commandement à son neveu Jugurtha36. Celui-ci développe alors des liens étroits avec le Romain.
13Quant à la Maurétanie, le pacte contracté entre Bocchus I et les Romains à l’extrême fin du IIe siècle av. J.-C. représente un tournant dans la politique de la dynastie royale, manifestement fondée auparavant sur la neutralité. Dans le cadre de la deuxième guerre punique, rapporte Tite-Live, le roi Baga rejette toute forme d’alliance avec Scipion, mais aussi avec Carthage. En 206 av. J.-C., il refuse d’apporter une aide militaire au prince Massinissa, d’ores et déjà allié de Rome. Il ne lui consent qu’une escorte afin de traverser la Maurétanie pour rentrer en Numidie, se contentant, semble-t-il, d’entretenir de bons rapports avec le Massyle37. Cela n’a pas empêché pour autant une partie des Maures de s’impliquer dans le conflit auprès de Carthage. En effet, d’une part Silius Italicus affirme que Tingi et Lixus fournissent alors des soldats à Hannibal, d’autre part des lots de monnaies carthaginoises datant de la deuxième guerre punique ont été exhumés dans « la zone de Tanger » et dans le port de Rusaddir, ce qui tend à conforter l’existence de mercenaires originaires des cités autonomes de Maurétanie38.
14Le silence des sources littéraires latines concernant la Maurétanie jusqu’à la fin du IIe siècle av. J.-C. illustre sans doute l’absence de liens diplomatiques entre Rome et la région nord-africaine avant cette période. Une exploration de la côte atlantique organisée par Scipion en 146 av. J.-C., probablement en vue d’une prise de contact, n’a d’ailleurs visiblement pas de suite39. De fait Salluste évoque ainsi le roi maure au début de la guerre de Jugurtha : « (…) Bocchus, qui, sauf le nom, ignorait tout du peuple romain, et avec qui nous n’avions pas davantage de relations, pacifiques ou hostiles »40.
15Dans le contexte de ce conflit, Bocchus I choisit initialement de rallier la cause de son gendre Jugurtha. Il marche à ses côtés vers Cirta pour engager la bataille contre le général romain Metellus. Quelque temps plus tard, il rejoint à nouveau le Numide pour attaquer Marius qui, alors responsable du commandement de la guerre, a d’ores et déjà gagné Capsa et plusieurs places fortifiées importantes41. À la suite de ces combats remportés par les Romains, le roi maure aurait envoyé à deux reprises une ambassade pour obtenir l’amitié et l’alliance de ces derniers. Après une série de négociations directes avec Sylla, Bocchus I accepte les conditions imposées par le chef militaire romain, à savoir de livrer Jugurtha. La capture de celui-ci marque apparemment la reconnaissance officielle des relations entre Rome et la Maurétanie42.
16La politique menée par Bocchus I doit s’expliquer en premier lieu par ses ambitions territoriales : le roi maure convoite manifestement la Numidie occidentale. Sa réticence à combattre les Romains au tout début de la guerre, sur laquelle insiste Salluste, a sans doute pour but de forcer son gendre à augmenter le prix de sa contribution et à lui céder une partie de son royaume. Jugurtha réussit ainsi à le convaincre de faire venir ses troupes après lui avoir promis un tiers de la Numidie en cas de victoire43. Cette même volonté d’extension territoriale paraît plus tard avoir motivé le Maure à changer de camp, le tiers de la Numidie étant cette fois garanti par Sylla en échange de la capture de Jugurtha44. À ces convoitises s’ajoute semble-t-il la crainte de Rome, mise en exergue par Salluste. Celui-ci décrit un roi tout aussi craintif envers ses sujets qui haïssent les Romains45. Finalement, tel Syphax, le souverain maure a repoussé la guerre autant que possible, redoutant certainement qu’elle soit remportée par les Romains et que ces derniers, après avoir annexé la Numidie, projettent d’envahir son propre royaume46. Ce sentiment transparaît également dans le récit du périple d’Eudoxe de Cyzique. Lorsque celui-ci accoste en Maurétanie, en 111 ou en 110 av. J.-C. au plus tard, afin de demander un patronage officiel pour aller en Inde, les amis du roi éveillent chez lui « la crainte de voir le pays devenir trop facilement exposé aux attaques, une fois qu’on aurait montré le chemin à d’éventuels agresseurs »47. Néanmoins, en privant Eudoxe de son aide, Bocchus I a peut-être aussi pour but de répondre au refus de Rome de lui accorder son alliance au début de la guerre de Jugurtha48.
17Quoi qu’il en soit, dès 104 av. J.-C. le roi maure conforte son soutien aux Romains en mettant à leur disposition des troupes auxiliaires pour secourir Lilybée, assiégée par des esclaves révoltés49. Entré dans la clientèle de Sylla au moment de la capture de Jugurtha, il lui demeure fidèle et contribue à plusieurs reprises à renforcer le prestige de son patron. En vue des jeux que ce dernier organise en tant qu’édile en 93 av. J.-C., Bocchus I fournit des archers et vraisemblablement des lions50. Deux ans plus tard, le souverain fait ériger à la gloire du chef militaire romain, sur le Capitole, des Victoires portant des trophées, accompagnées d’un groupe de statues dorées représentant Jugurtha qu’il a lui-même livré à Sylla. Cette scène était reproduite sur un sceau que s’était fait graver Sylla51.
3.1.1.2. Dans le contexte de la rivalité entre les optimates et les populares (88-45 av. J.-C.)
18Les partis pris des rois nord-africains et leurs motivations s’avèrent plus difficiles à élucider dans le cadre des luttes opposant par la suite les syllaniens et les marianistes mais sont en revanche relativement bien perceptibles durant la guerre civile qui voit les pompéiens s’affronter aux césariens (49-45 av. J.-C.).
19Il semble que la politique des rois massyles, principalement liés à la nobilitas romaine depuis la fin du IIIe siècle av. J.-C., soit interrompue par suite des événements consécutifs à la guerre de Jugurtha. Si l’on en croit Salluste, le prince Gauda, qui combat aux côtés des Romains durant ce conflit, tisse alors des liens avec les populares, par l’intermédiaire de Marius. Ce dernier, qui aspire alors à devenir consul et à obtenir le commandement de la guerre, tente de rallier Gauda à sa cause. Il encourage le Numide à se venger de Metellus qui ne lui a pas accordé l’honneur de siéger à côté de lui et lui a refusé un escadron de cavaliers romains pour accroître sa garde. Marius lui fait parallèlement miroiter le trône, qui doit revenir à Gauda si le Romain réalise son objectif personnel et si Jugurtha est pris52. L’implantation des vétérans gétules de Marius en territoire numide en 103 av. J.-C.53 laisse a priori présager que Gauda est demeuré dans la mouvance des populares après avoir accédé au pouvoir.
20Son fils, Hiempsal II, s’est peut-être engagé sur la même voie au tout début de son règne. D’après les récits anciens, le roi a bien accueilli le fils de Marius, venu en 88 av. J.-C. à sa cour pour demander du renfort à la suite de l’occupation militaire de Rome par Sylla. Lorsque le Romain, qui craint finalement d’être livré, part retrouver son père sur le rivage, le souverain lance des cavaliers à sa poursuite54. Hiempsal II se serait donc déclaré ennemi des populares. Néanmoins, en l’absence de plus amples informations, tant sur cet épisode que sur la politique menée par le roi Gauda, les motifs d’un tel revirement restent inconnus.
21Au cours des années 81-80 av. J.-C., les souverains nord-africains, tout autant que certains princes ou rois vassaux en place avec leur accord, sont assurément clients des optimates. Ce phénomène est illustré par l’intervention militaire de Pompée et de Paccianus en Numidie et en Maurétanie, qu’il faut manifestement mettre en relation avec la nécessité de contrer le développement des forces marianistes dans ces régions55.
22Rappelons qu’en Numidie, le pouvoir de Hiempsal II et très vraisemblablement celui de Massinissa II est usurpé par Hiarbas, lui-même soutenu par le marianiste Cnaeus Domitius Ahenobarbus. Celui-ci réunit alors sous son commandement vingt mille hommes en Afrique et a visiblement persuadé plusieurs villes numides de rejoindre sa faction. D’après le récit de Plutarque en effet, la victoire de Pompée contre l’armée du marianiste attire la plupart des villes dans le parti de Sylla, tandis que celles qui font encore de la résistance sont emportées d’assaut56. Hiempsal II et Massinissa II maintiennent visiblement les liens de clientèle avec les optimates durant leurs règnes. Nous savons en tout cas qu’en 61 av. J.-C. cent ours de Numidie accompagnés d’autant de chasseurs « éthiopiens » sont présentés dans un spectacle offert à Rome par l’édile curule Lucius Domitius Ahenobarbus57. Ce dernier, certes frère de Cnaeus, n’en est pas moins connu pour avoir des sympathies syllaniennes58.
23À la même époque en Maurétanie les marianistes contribuent à la chute d’Ascalis et s’avèrent gagner du terrain. Après l’échec de l’incursion de l’armée syllanienne, un nombre croissant de Maures se rangent auprès des populares : nous savons qu’outre les ennemis du prince, ses partisans se soumettent à Sertorius et sept cents Maures suivent Sertorius en Espagne après son intrusion dans le royaume59. L’influence croissante des populares en Maurétanie occidentale semble avoir nécessité une intervention de Pompée60. L’auteur du Bellum Africum, qui certes glorifie les exploits de Pompée, nous informe que ce dernier, voyant la République livrée à l’oppression de citoyens impies et criminels, « rassembla les restes de l’armée de son père et se fit le champion de la liberté, de l’Italie, et de Rome, quand elles allaient être écrasées et détruites dans leurs fondements. La Sicile encore, l’Afrique, la Numidie et la Maurétanie furent reprises avec une merveilleuse rapidité par ses armes »61. En 67 av. J.-C., Pompée poursuit son entreprise en Libye à l’occasion de sa lutte contre les pirates. Plutarque rapporte alors que « Pompée est chargé de reprendre la mer aux pirates, une loi lui permet le commandement sur mer jusqu’aux Colonnes d’Hercule et sur terre, en tous lieux jusqu’à 400 stades de la côte. Bien peu de régions du monde romain échappaient à l’empire de Pompée, où les nations les plus grandes et les rois les plus puissants se trouvaient aussi compris »62. L’action de Pompée en Maurétanie transparaît également dans le récit de Pline qui précise : « quand il eut reconquis la Sicile, où il inaugura ses débuts dans la vie politique comme partisan de Sylla, il eut réduit et assujetti l’Afrique entière d’où il emporta le surnom de Magnus en guise de butin »63. Pompée aurait donc réussi, par la force et/ou la menace, à contrecarrer les marianistes en Maurétanie et à convaincre la population maure de se rallier à sa cause. On s’étonne néanmoins qu’en 62 av. J.-C. le roi Sosus/Mastanesosus accueille favorablement Vatinius, réputé pour ses tendances césariennes même s’il s’avère soutenu par les optimates en 55 av. J.-C. pour l’obtention de la préture64.
24L’implication grandissante des souverains nord-africains au sein des rivalités entre les optimates et les populares apparaît clairement dans les récits de la guerre civile qui voit s’affronter les pompéiens et les césariens entre 49 et 45 av. J.-C. Les rois numides et maures s’opposent au cours de ce conflit : alors que les premiers combattent aux côtés des pompéiens, les seconds décident de rejoindre le camp des césariens.
25Le roi massyle Juba I, qui a pour allié Massinissa II65, participe activement avec ses troupes aux affrontements. Parmi les témoignages, nombreux à ce sujet66, citons notamment que le souverain envoie au légat de Pompée six cents cavaliers et quatre cents fantassins en 49 av. J.-C., afin de défendre Utique contre Curion, chargé par César d’enlever l’Afrique aux pompéiens. Les Numides, pourvus d’une soixantaine d’éléphants, contribuent ainsi à la défection de Curion67. En 48 av. J.-C., d’après César, « Juba avait envoyé de grands secours à Pompée, et devait à son avis en envoyer de plus grands ». César cherche pour cette raison à faire passer son armée en Afrique et à gagner par la Maurétanie les frontières de la Numidie68. À l’approche du débarquement de César, Juba I aurait fourni un grand nombre de cavaliers et de fantassins aux pompéiens69. Par la suite, le souverain, parti défendre les territoires numides conquis par Bocchus II et Sittius, aurait laissé à la disposition de Scipion, commandant suprême des pompéiens, trente éléphants. N’ayant pu reprendre possession de ses territoires, Juba I serait retourné lutter contre César avec trois légions, huit cents cavaliers réguliers, une quantité importante de fantassins et à nouveau trente éléphants70.
26Juba I a, selon l’auteur du Bellum Africum, des liens d’hospitalité avec Pompée qu’il a hérités de son père Hiempsal II71. Son soutien aux pompéiens, qui perdure jusqu’à leur défaite finale à Thapsus72, tient surtout au fait qu’il n’a manifestement rien à attendre des césariens. Les rapports se sont tendus entre la famille royale et les populares en 63 av. J.-C. lorsque Juba I, qui n’est encore que prince, vient réclamer sans succès à Rome Masintha, cet ambitieux Numide client de Jules César73. En outre, Juba I se voit quelques années plus tard, en 50 av. J.-C., menacé par le projet du tribun césarien Curion, qui vise l’annexion de son royaume74. Combattre auprès des pompéiens représente par ailleurs pour Juba I une opportunité d’asseoir son pouvoir et d’étendre son influence75. Le roi paraît avoir monnayé son engagement militaire : pour prix de son alliance, il se serait vu promettre par Scipion tout ce que les Romains possédaient en Afrique76. De plus, il négocie sans doute sa part dans le butin de guerre. Ainsi s’expliquerait qu’il ait pu adopter un monnayage en argent77.
27La politique de Bocchus II et Bogud est, quant à elle, visiblement marquée par un revirement durant la guerre civile. Une série de témoignages tirés des textes littéraires anciens, mise en évidence par M. Majdoub, montre en effet que Pompée compte initialement sur le soutien des Maures78. César décrit ainsi l’épisode où Pompée dénombre ses propres forces : « (…) les propositions suivantes sont présentées au sénat : une levée sera faite dans toute l’Italie ; le propréteur Faustus Sylla sera envoyé en Maurétanie ; Pompée sera autorisé à prendre de l’argent dans le trésor public ». Nous apprenons ensuite que César « avait entendu dire que Pompée, par la Maurétanie, se dirigeait vers l’Espagne avec ses légions, et allait arriver incessamment »79. Un passage de Lucain indique en outre que les régions africaines, du pays maure aux Syrtes, sont fidèles à Pompée80. Enfin l’auteur du Bellum Africum fait plusieurs fois référence à des cavaliers maures qui combattent en 49 av. J.-C. aux côtés des pompéiens, soit contre Curion, soit contre César81.
28Néanmoins, la même année, César se satisfait de la « disparition des bruits touchant les légions de renfort que l’on disait venir avec Pompée par la Maurétanie »82. De retour à Rome après la première guerre d’Espagne, il reconnaît Bocchus II et Bogud rois de Maurétanie83. Cette alliance conduit notamment Bocchus II à s’impliquer dans les luttes qui se déroulent sur le sol africain. Son intrusion en territoire numide – avec le concours de Sittius – permet de prendre à revers Massinissa II et Juba I, et d’empêcher ce dernier d’employer toutes ses forces contre César. L’épisode, rappelons-le, s’achève par la conquête du royaume de Massinissa II et la prise de la capitale de Juba I, Cirta84. La participation de Bogud à ces affrontements n’est guère documentée. Néanmoins, le roi maure a probablement déjoué l’irruption de Cn. Pompée fils au début de l’année 46 av. J.-C. D’après l’auteur du Bellum Africum, le Romain part d’Utique pour la Maurétanie, envahit le territoire de Bogud mais est refoulé à Ascurum, garnison royale maritime du royaume85. Aucun port de ce nom n’étant attesté en Maurétanie occidentale, St. Gsell propose d’identifier Ascurum à Rusuccuru (Dellys) et conclut à une confusion de l’auteur ancien entre les royaumes de Bogud et de Bocchus II86. Cependant, la découverte à Volubilis d’une balle de fronde attribuable à Cn. Pompée fils pourrait bien illustrer sa tentative d’invasion en Maurétanie occidentale87. L’édification d’un rempart à Volubilis mais aussi à Thamusida dans le courant du Ier siècle av. J.-C., à une date assurément antérieure aux années 30, pourrait donc bien être liée à la menace des armées romaines durant cette guerre civile88.
29Bogud s’engage par ailleurs dans le conflit en terres ibériques. En 48 av. J.-C., alors que Cassius, propréteur de César en Espagne ultérieure, échoue dans sa mission de faire parvenir l’armée césarienne en Numidie par la Maurétanie en raison d’une révolte de ses soldats, le roi maure vient à son secours, accompagné par des troupes et des auxiliaires espagnols89. En 45 av. J.-C., Bogud et les siens combattent efficacement aux côtés de César lors de la guerre d’Espagne où les derniers pompéiens, sous la conduite de Cn. Pompée fils, ont reconstitué leurs forces. La campagne se termine par la victoire de Munda, dans laquelle Bogud s’avère être l’acteur principal90.
30Si Bocchus II et Bogud semblent bien les auteurs d’un revirement politique durant la guerre civile romaine, il faut néanmoins nuancer l’opinion selon laquelle leurs monnayages dénotent l’adoption de thèmes iconographiques utilisés par les pompéiens en Afrique et en Espagne (fig. 19), à savoir la proue de navire (type Mazard n° 106 au nom du roi Bogud), le buste de l’Africa (type Mazard n° 103 au nom de Bogud, type Mazard n° 118 au nom de Bocchus II) et le buste de Janus (type Mazard n° 118 au nom du roi Bocchus II)91. Bocchus II a vraisemblablement pour objectif, non pas de manifester son attachement aux pompéiens, mais de se référer à son parti pris postérieur pour Octave92. D’une part, l’association de l’Africa au buste de Janus sur la série monétaire concernée suggère que celle-ci a été frappée après l’unification de la Maurétanie, soit entre 38 et 33 av. J.-C.93. D’autre part, la mention de sa filiation (Sosi F.) rappelle la légende Divi Iuli f (ilius) qui permet à Octave de se rattacher à César. Il est par ailleurs possible, comme l’estime M. Coltelloni-Trannoy, que Bogud ait choisi le motif de l’Africa pour appuyer les prétentions de César en Afrique. Le roi aurait ainsi cherché à se poser comme son représentant face à Juba I dont certains monnayages comportent l’effigie en question94 (fig. 14).
31Quoi qu’il en soit le ralliement de Bocchus II et Bogud en faveur de la faction césarienne doit finalement s’expliquer par leur hostilité envers Juba I et coïncider avec la décision du roi massyle de s’engager militairement aux côté des pompéiens. Nous savons en effet que Juba I n’est pas encore leur allié officiel au tout début de la guerre civile95. Bocchus II doit parallèlement espérer, en optant pour les adversaires de ses voisins numides, accroître ses territoires à leurs dépens, comme l’illustrent les conquêtes auxquelles il prend part durant ce conflit.
3.1.1.3. Dans le contexte des discordes entre les césariens (42- 33 av. J.-C.)
32Le souverain numide Arabion, cherchant à préserver tant bien que mal les territoires reconquis à la suite de la défaite de son père Massinissa II, mène une politique fluctuante qui le conduit de 43 à 41 av. J.-C. au cœur des luttes entre les gouverneurs de l’Africa. Dans ce contexte, il abandonne le camp des pompéiens pour celui des césariens, prêtant finalement son concours à Sextius, partisan de Marc Antoine.
33Arabion, réfugié auprès de S. Pompée en Espagne en 46 av. J.-C., conforte son lien avec les pompéiens à son retour en Afrique. D’après Appien, il continue d’envoyer au Romain des détachements qui, forts de leur expérience, contribuent à contrer Bocchus II et Sittius et à recouvrer le royaume numide96. Arabion s’engage ensuite auprès du pompéien Cornificius – gouverneur de l’Africa vetus – lorsqu’éclate le conflit l’opposant à Sextius – gouverneur de l’Africa nova –, peu après le premier partage des provinces romaines et l’attribution de l’Afrique à Octave (novembre 43 av. J.-C.). Sextius, qui a envahi l’Africa vetus, doit néanmoins se replier dans sa province. Arabion seconde alors le questeur de Cornificius, Laelius, avec lequel il assiège Cirta. Le roi numide se rallie cependant à Sextius et participe avec ses cavaliers à l’attaque de Laelius qui, après avoir levé le siège de Cirta, est retourné près d’Utique auprès de Cornificius. Les Numides réussissent à s’emparer du campement de Cornificius et tuent ce dernier. Grâce à leur collaboration, Sextius devient maître des deux provinces d’Afrique97.
34Appien laisse entendre que le revirement d’Arabion a pour objectif de gagner les faveurs d’Octave. Privilégiant la nécessité de conserver ses possessions, le souverain prend certainement parti pour Sextius car il présume que celui-ci finirait par l’emporter98. Arabion s’avère maintenir son appui à Sextius lors des événements consécutifs au nouveau partage des provinces africaines auquel procèdent Marc Antoine et Octave à l’automne 42 av. J.-C. : l’Africa vetus revient désormais à Marc Antoine qui en confie la responsabilité à Sextius, tandis que l’Africa nova est octroyée à Octave qui y envoie C. Fuficius Fango. Quelque temps plus tard, Fango devient gouverneur des deux provinces au nom d’Octave. Sextius, qui réclame l’Africa vetus, regroupe un grand nombre d’hommes auprès de lui et Arabion met peut-être dès lors des troupes à sa disposition. Fango se retire en Africa nova mais chasse le souverain numide de son royaume pour le punir de ne pas lui avoir accordé son aide. Arabion trouve refuge auprès de Sextius. Celui-ci bénéficie du renfort de la cavalerie numide lors des affrontements qui s’ensuivent en Africa vetus et permettent de repousser Fango. La Numidie perd alors son souverain, tué par Sextius qui aurait eu des soupçons quant à sa loyauté99.
35La politique des rois maures diverge dès la mort de César en 44 av. J.-C. Bocchus II s’attache à Octave, fidèle en cela à la mémoire du dictateur, tandis que Bogud choisit pour patronus Marc Antoine. Cette différence de prise de position révèle la rivalité existante entre les deux souverains et semble à nouveau illustrer les fortes ambitions de Bocchus II qui devait d’ores et déjà viser l’annexion du royaume de son frère.
36Si les sources sont silencieuses quant aux services éventuels que Bocchus II aurait rendus à son patron Octave, certains récits font état du soutien apporté par Bogud à Marc Antoine. Des cavaliers maures, sans doute mandatés par le roi, figurent ainsi dans l’armée du Romain en 43 av. J.-C.100. Il est par ailleurs à noter que c’est dans le royaume de Bogud que s’exile au cours de la même année Cornélius Balbus - questeur de l’Espagne ultérieure et partisan de Marc Antoine - après avoir commis une série d’exactions101. Durant la guerre de Pérouse, en 41-40 av. J.-C., le roi maure est vraisemblablement chargé d’attaquer C. Carrinas qui gouverne au nom d’Octave l’Espagne ultérieure102. En 38 av. J.-C., Bogud effectue une nouvelle expédition en Espagne, « soit sur l’ordre d’Antoine, soit de son propre chef »103. Le but de cette entreprise reste inconnu mais Bogud aurait alors causé de grands dommages. C’est peut-être à cette occasion que le roi maure assiège le temple d’Hercule à Gadès104. Rappelons que les habitants de Tingi se révoltent alors contre le souverain qui se réfugie en Orient. Il y sert Marc Antoine dans sa guerre contre Octave105.
37À l’issue de cet examen des faits, la politique de ralliement des souverains nord-africains peut donc être qualifiée d’opportuniste. Néanmoins, les Massyles, une fois leur alliance contractée avec Rome en 206 av. J.-C., s’avèrent être demeurés principalement dans la mouvance de la nobilitas romaine, comme en témoignent les liens noués avec le clan des Scipion, puis avec le parti des optimates au sein duquel ils s’attachent tout particulièrement aux pompéiens. Gauda et Arabion font figure d’exception, car le premier tisse des relations avec les populares par le biais de Marius lors de la guerre de Jugurtha, tandis que le second abandonne le camp des pompéiens pour celui des césariens en 42 av. J.-C. Les rois maures restent manifestement fidèles aux optimates, soit à Sylla et à Pompée, depuis la signature de leur alliance avec Rome en 106 av. J.-C. à l’année 49 av. J.-C. À partir de cette date, la rupture que constituent d’une part le revirement de Bogud et Bocchus II en faveur des populares, d’autre part leur prise de position divergente lors des discordes entre les césariens, illustre bien l’existence de fortes rivalités locales mais aussi la manière dont les Romains ont su jouer de celles-ci pour obtenir des appuis.
3.1.2. L’obédience des souverains nord-africains : une interprétation à nuancer
38La notion de soumission ou de dépendance apparaît fréquemment dans la littérature scientifique pour désigner la position des royaumes nord-africains et de leurs souverains envers Rome106. Le règne de Massinissa I est généralement évoqué comme un tournant décisif dans ce processus. Le roi aurait notamment fait preuve de sujétion envers les Romains en sacrifiant Sophonisbe pour conserver leur alliance et en s’en remettant à Scipion afin de régler sa succession107. L’implication des souverains dans les guerres civiles romaines leur aurait fait perdre beaucoup d’autonomie, d’autant que dans ce contexte certains d’entre eux devraient leur existence politique à Pompée108. La dépendance de la Maurétanie serait plus spécifiquement perceptible à travers l’épisode d’Ascalis109 et plus encore à partir du règne de Bocchus II, dont les monnayages, largement romanisés, révéleraient son obédience110.
39Il faut nuancer quelque peu ces interprétations, principalement parce qu’elles reposent en partie sur une tradition littéraire qui fait manifestement écho aux convictions des populares. Ceux-ci considèrent la Numidie comme une « propriété » du peuple romain depuis la fin de la deuxième guerre punique et plus encore à la suite de la défaite de Jugurtha. Comme l’a montré Ch. Saumagne, dont il paraît utile de reprendre ici quelques-unes des conclusions tirées des textes de Tite-Live et de Salluste, ces deux auteurs appartiennent à cette tradition111.
40Les fondements de cette opinion selon laquelle le sort de la Numidie dépend en quelque sorte des Romains transparaissent dans le récit de Tite-Live. D’après celui-ci, durant la deuxième guerre punique, les Romains se rendent maîtres de la Numidie dont ils font don à Massinissa, l’érigeant ainsi au statut de roi. Ainsi, la reprise du royaume massyle – précédemment annexé par les Masaesyles – mais aussi la conquête des autres territoires masaesyles reviennent aux Romains qui chassent les Masaesyles et font prisonnier leur roi Syphax. Massinissa, après avoir combattu en qualité d’auxiliaire, récupère, en récompense de son soutien, le royaume de ses ancêtres et Scipion l’impose comme roi dans les États de Syphax112. Toujours selon Tite-Live, Massinissa qui, après la capture de Syphax, a épousé en toute hâte Sophonisbe, ex-épouse du roi masaesyle, se serait vu réprimander sévèrement cet acte par Scipion. En effet, « sa personne (Syphax), sa femme, ses États, ses sujets, ses villes, ses campagnes, enfin tout ce qui a été en son pouvoir, est devenu la propriété du vainqueur ». Ainsi le pouvoir de juger du sort de la reine, bien exclusif du peuple romain, revient à Rome. Le Massyle aurait alors sacrifié la jeune femme pour obtenir le pardon de Scipion113.
41La version de Polybe et, dans une moindre mesure, celle d’Appien, révèlent que Tite-Live tend à nier l’indépendance du royaume numide et à minimiser l’action de Massinissa, nous laissant parallèlement entendre que ce dernier est soumis à Scipion et obligé de céder à un pouvoir supérieur au sien114. D’après Polybe, en effet, Massinissa reconquiert les territoires massyles et s’empare du royaume masaesyle avec la coopération des Romains. Une fois l’armistice conclu avec Carthage, il s’éloigne avec ses troupes mais aussi les forces romaines prêtées par Scipion qui, manifestement sous les ordres du Numide, ont pour mission de l’aider à achever la reprise du royaume paternel et à occuper celui de Syphax. Lorsqu’il revient devant Scipion, celui-ci « le félicita d’avoir réduit sous sa domination tous les anciens sujets de Syphax »115. Selon Appien, Massinissa reprend lui-même possession du royaume paternel. Des contingents romains sont mis à sa disposition pour l’aider à poursuivre Syphax et s’il soumet les Masaesyles avec leur collaboration, c’est à lui que revient la capture du roi masaesyle116. Par ailleurs, si Appien affirme également que Massinissa a usurpé un bien en la personne de Sophonisbe, il s’agit d’un bien sur lequel les Romains ont des droits en commun avec le Numide. L’erreur de ce dernier est de ne pas avoir attendu le partage de ce butin117. Enfin tant dans les récits d’Appien que de Polybe, le roi massyle occupe aussi un rôle déterminant lors de la bataille de Zama contre Carthage118. Il apparaît ainsi, comme l’écrit St. Gsell, que « sans Massinissa, Scipion n’aurait pas triomphé d’Hannibal »119.
42Nous retrouvons le concept d’appartenance de la Numidie au peuple romain dans le Bellum Iugurthinum de Salluste, associé à la théorie de sa donation à la dynastie royale massyle. L’auteur en fait notamment état dans le discours d’Adherbal qui, venu implorer l’aide des Romains après l’éviction de Hiempsal par Jugurtha, se serait exprimé ainsi devant le sénat : « Ne souffrez pas que ce trône de Numidie, qui vous appartient, s’effondre par le meurtre et dans le sang de notre famille » ou encore : (ce royaume) « c’est celui que le peuple romain donna à mes ancêtres »120. Ces assertions, a priori contradictoires, vont finalement de pair dans la mesure où la donation consiste plus exactement à attribuer aux Numides un droit de jouissance sur ces terres121. Les rois, à qui est délégué le pouvoir de gérer la Numidie au nom et pour le compte du peuple romain, ne sont plus que les usufruitiers de ce territoire. Selon Salluste, à nouveau devant le sénat, Adherbal aurait ainsi clamé : « Au moment de sa mort mon père Micipsa me prescrivit de me considérer seulement comme l’intendant du royaume de Numidie, dont vous étiez les maîtres légitimes et les véritables souverains »122. Tite-Live nous invite de son côté à percevoir Massinissa I comme un préposé à l’administration du territoire numide, à travers un discours prêté à l’un des fils du roi massyle, Masgaba. Le prince, envoyé à Rome devant le sénat romain, regrette au nom de son père que le sénat leur ait donné de l’argent en contrepartie des denrées fournies pour les expéditions romaines en Orient : « Massinissa n’oubliait pas que le peuple romain l’avait créé, agrandi, multiplié ; il savait qu’il devait se satisfaire d’exercer un droit d’usage sur ce royaume ; et que le droit de propriété et celui de disposition appartenaient à ceux qui les lui avaient donnés. Aussi était-il conforme au droit que les Romains prélèvent et non qu’ils sollicitent ; et qu’ils n’aient pas à acheter les fruits produits par une terre qu’ils avaient donnée »123. Ces témoignages nous permettent ainsi de comprendre les fondements du projet de loi visant à la confiscation officielle du royaume numide, émis par le tribun Curion, agent de César, en 50 av. J.-C.124.
43D’après cette tradition littéraire, Rome dispose donc de manière légitime d’un droit de regard sur les territoires numides. Cela transparaît notamment dans l’épisode des reproches que les Romains émettent envers Bocchus I pour s’être emparé de l’extrémité occidentale de la Numidie au cours de la guerre de Jugurtha125. Les Romains conserveraient finalement le pouvoir de faire don de ces territoires et par là-même celui de faire accéder certains princes au trône. Salluste s’en fait tout particulièrement l’écho lorsqu’il rapporte la destinée du fils de Gulussa, Massiva. Celui-ci, qui a fui l’Afrique après la prise de Cirta et le meurtre d’Adherbal, aurait été encouragé et soutenu par le consul Sp. Albinus, membre des populares et en charge du conflit avec la Numidie. Jugurtha aurait fait assassiner Massiva, craignant que ce dernier, grâce au consul, sollicite et obtienne du sénat le royaume de Numidie126. Les textes relatifs à Marius et Pompée vont dans le même sens puisqu’ils nous incitent à conclure que certains souverains doivent leur existence politique aux Romains. À travers la personne de Marius et en vertu de la promesse de ce dernier, Rome aurait ainsi octroyé le royaume numide à Gauda après la chute de Jugurtha. Cicéron le suggère en rapportant que Marius, en 88 av. J.-C., vient en suppliant vers ceux auxquels il a donné des royaumes ; or les fils de Gauda gouvernent alors assurément la Numidie127. Plutarque, décrivant les événements qui se déroulent en 81 av. J.-C., prétend quant à lui que « Pompée fit prisonnier (…) le roi Hiarbas (…), et donna son royaume à Hiempsal »128. Si un tel pouvoir de décision des Romains dans la vie politique de Numidie induit en effet une notion de dépendance, ces récits ne résistent pas à la confrontation des témoignages : nous savons en effet que Gauda obtient un droit à la succession par le biais du testament de Micipsa et que Pompée, en réalité, apporte son aide à Hiempsal II pour reprendre possession d’un trône qu’il occupe depuis huit années au moins129.
44La réalité de l’ingérence romaine demeure difficile à mesurer à partir des sources disponibles. Il n’en demeure pas moins que l’amicitia représente assurément pour Rome le moyen de mener à bien sa politique hégémonique et lui offre l’opportunité de s’immiscer dans les affaires africaines. Le meilleur exemple en est sans doute son arbitrage en faveur des Massyles et aux dépens des Carthaginois à la suite du traité de paix de Zama130. En stipulant dans ce traité que Carthage doit rendre à Massinissa I ce qui a appartenu à son royaume, et surtout à celui de ses ancêtres, les Romains donnent en quelque sorte leur aval au roi pour émettre des revendications. Des contestations étaient en effet inévitables131. L’objectif de Rome est alors à l’évidence d’affaiblir Carthage en tirant profit du tempérament ambitieux de Massinissa I132. Dans la même optique, elle exhorte certainement le Numide, après l’effondrement de la monarchie antigonide en 168 av. J.-C., à s’emparer de la région des Emporia et prive ainsi la cité punique d’un trait d’union avec ce qui subsiste du monde hellénistique133.
45Au vu des prétentions de Rome en Afrique, il faut peut-être admettre que celle-ci encourage le partage de la royauté à la mort de Massinissa I, empêchant ainsi la reconstitution d’une grande Numidie134. Plusieurs textes littéraires anciens mentionnent bel et bien le rôle de Scipion Émilien dans le cadre du règlement de cette succession sans toutefois indiquer clairement si la décision de répartir le pouvoir est propre à Scipion ou au roi massyle135. On a pu évoquer en faveur de la première hypothèse deux arguments. D’une part, le témoignage selon lequel Massinissa I aurait remis avant sa mort un anneau à son fils aîné Micipsa. Signe « d’une sorte d’investiture », cet acte, s’il est véridique, pourrait indiquer que le partage a été imposé par Scipion à l’encontre de la volonté royale136. Il n’est toutefois rapporté que par Zonaras. D’autre part, une telle répartition de l’autorité n’est pas conforme au mode de succession traditionnel de la dynastie royale massyle137. Cependant, comme l’avance G. Camps, cela n’implique pas une intervention de Rome par l’intermédiaire de Scipion. Selon l’historien, pourquoi ne pas envisager que Massinissa I ait dicté ce nouveau principe tripartite en référence aux « institutions libyques », soit aux constitutions municipales des cités138 ? Nous pouvons aussi penser que Massinissa songe à ce partage car il doute, en ces temps de guerres, que la préservation du royaume puisse être assurée par Micipsa, un héritier au caractère pacifique139. Quoi qu’il en soit, il semble que Massinissa I ait du moins sollicité Scipion pour veiller à ce que soit respecté son testament, voire pour le consulter sur la manière de régler la succession140.
46Par ailleurs, la nécessité pour les Romains, à partir de 146 av. J.-C., de préserver leurs conquêtes en Afrique contre des souverains ambitieux incite à donner crédit au témoignage de Salluste lorsqu’il fait état de leur intervention dans la répartition des territoires entre Jugurtha et Adherbal en 118 av. J.-C. Ainsi, à la suite du conflit entre les deux hommes, le sénat romain aurait octroyé la partie de la Numidie touchant aux possessions romaines à Adherbal, soit à celui qui aurait hérité des mœurs paisibles de son père141. Ce point de vue semble conforté par un épisode ultérieur : le choix de César d’accorder un fief à titre privé aux Sittiani, aux frontières de la nouvelle province romaine en 46 av. J.-C., à la suite de la défaite de Juba I et de Massinissa II142. Il s’agit alors sans doute d’un moyen de tenir éloigné le roi Bocchus II du voisinage immédiat de l’Africa nova143.
47Sans nier le fait que l’amicitia favorise une certaine perte d’autonomie des royaumes nord-africains, de manière implicite du moins, il ne faut pas perdre de vue que ces derniers demeurent indépendants. Seule la partie occidentale de la Maurétanie de Bocchus II doit être considérée sous un autre regard puisqu’elle comprend une cité administrée selon les normes de Rome dès 38 av. J.-C., à la suite de l’octroi de la citoyenneté romaine aux habitants de Tingi, ainsi récompensés de leur soutien à Octave144. Une analyse de J. Gascou démontre en effet que la cité est dès lors devenue municipe romain145. Cette mesure contribue bien évidemment à l’insertion du royaume au sein de l’ager publicus, qui ne se matérialise cependant que cinq ans plus tard, à la mort du souverain146.
48En l’attente, le développement des liens de clientèle permet aux rois numides et maures de conforter leur autorité sur leurs sujets, certains souverains ayant tout particulièrement su mettre à profit ces relations, tout autant que celles tissées avec d’autres régions de Méditerranée147.
49Dans le cadre du système de l’amicitia, rappelons tout d’abord qu’en Numidie – outre Hiempsal II – Massinissa I, Adherbal et Massinissa II ont bénéficié d’un soutien pour lutter contre les usurpateurs du trône. De plus, les rois obtiennent une reconnaissance officielle de leur souveraineté et/ou de leurs acquis territoriaux par les Romains. Le titre de « roi », ou mieux encore celui de « roi ami et allié du peuple romain », leur est probablement décerné systématiquement. Les Massyles Massinissa I, Adherbal, Hiempsal II, Juba I et les Maures Bocchus I, Bocchus II et Bogud en sont assurément honorés148. Les souverains reçoivent également des insignes de pouvoir qui les rapprochent des hauts dignitaires romains149. En 210 av. J.-C., Syphax se voit remettre une toge, une tunique de pourpre, un siège d’ivoire et une coupe d’or pesant cinq livres par des députés envoyés par le sénat romain150. Massinissa I est à la fois pourvu d’insignes triomphaux, tels une couronne d’or, un sceptre d’ivoire, la toga picta et la tunica palmata, ainsi que des objets spécialement destinés aux consuls, tels les tentes de campagne et le siège curule151. Le sénat romain officialise en outre l’appartenance à Massinissa I des anciennes possessions de Syphax, puis des territoires usurpés par le Massyle au détriment de Carthage152. Sylla et César reconnaissent réciproquement à Bocchus I et à Bocchus II l’obtention d’une partie des territoires de Jugurtha et de Massinissa II, tandis qu’Octave confirme la conquête du royaume de Bogud par Bocchus II153.
50Le prestige tiré des liens de clientèle explique l’adoption de modèles latins sur les frappes monétaires royales. Celle-ci a pour objectif principal de diffuser une image forte du pouvoir et n’illustre pas une forme d’obédience à Rome. En témoignent les emprunts au monde hellénistique et la persistance des spécificités africaines sur ces monnayages154. Leur « latinisation » a par ailleurs été surestimée. D’après les données actuellement disponibles, on constate que ce n’est qu’à partir du milieu du Ier siècle av. J.-C. que sont émises les premières séries comportant sans conteste une influence du numéraire romain. L’hypothèse de H. R. Baldus concernant les monnayages de Syphax et de Vermina est en effet discutable. Selon l’auteur, le cartouche dans lequel s’insère la titulature royale est un rappel de celui qui entoure la légende ROMA des deniers quadrigats. Or, J. Alexandropoulos, sans nier cette possibilité, a montré que l’iconographie des monnaies des rois masaesyles s’inspire des Barcides155. Il faut ensuite attendre les émissions royales de Juba I, de Bocchus II et de Bogud pour observer l’introduction des modèles romains.
51En ce qui concerne le monnayage de Juba I (fig. 14), soulignons tout d’abord que les séries frappées en bronze/billon ne se rattachent pas, d’un point de vue iconographique, épigraphique et métrologique aux canons romains156. Si ses monnaies en argent répondent quant à elles à la métrologie des deniers, quinaires et sesterces romains, ainsi qu’au système pondéral romain, elles ne trahissent pas pour autant la latinisation du souverain157. Une légende latine apparaît certes pour la première fois sur les monnayages de Numidie (Rex Iuba), mais elle n’orne que certaines de ces séries en argent et demeure toujours, rappelons-le, en association avec une légende néopunique (types Mazard n° 84-85, 87)158. Les emprunts à l’iconographie romaine sont indiscutables sur les types en question qui semblent bien avoir été fabriqués par des artisans romains à Utique, dans l’atelier des pompéiens159. Comme sur les monnaies républicaines, et contrairement au monnayage traditionnel des prédécesseurs massyles, l’effigie du roi regarde à droite160. Le type Mazard n° 87 est probablement influencé par les monnaies de Scipion et de Caton, frappées à Utique en 47-46 av. J.-C., d’après la présence au droit du buste de la Victoire161. En revanche, d’autres motifs ne se réfèrent pas avec certitude à l’iconographie romaine, tels l’effigie coiffée d’une dépouille d’éléphant et les monuments, au sujet desquels il existe d’autres hypothèses d’interprétation162. Notons toutefois que le premier motif, attesté sur le type Mazard n° 89 (en argent), a été perçu comme une référence aux monnaies africaines de Metellus Scipion163. Les édifices visibles sur les types Mazard n° 84-85 (en argent) et 90-91 (en bronze-billon) ont quant à eux été rapprochés de ceux des monnaies romaines frappées dans les années 70 et 60 av. J.-C. et qui sont donc en circulation lorsque le prince Juba effectue son séjour à Rome, en 64-63 av. J.-C.J. Alexandropoulos exclut néanmoins de voir dans les thèmes monumentaux des monnaies de Juba une influence romaine, en particulier parce que les deniers contemporains ne présentent qu’exceptionnellement des monuments164. En définitive, les frappes monétaires de Juba I, mais aussi son attitude durant la guerre civile, indiquent davantage son intention d’affirmer sa souveraineté face au développement de l’impérialisme romain. Comme l’écrit J. Alexandropoulos, le roi profite de ce conflit pour faire reconnaître par Rome un statut de parfaite indépendance à la Numidie165. Sa conduite est probablement dictée par une volonté de répondre à la proposition émise par Curion en 50 av. J.-C. concernant la confiscation de son royaume166.
52Bocchus II n’ordonne pas, comme on a pu le penser, de séries monétaires largement « romanisées ». Cette considération est en réalité basée sur une attribution erronée – préalablement aux travaux de J. Alexandropoulos – de tous les monnayages comportant le nom de Bocchus au roi Bocchus II167. La comparaison de l’ensemble de ces frappes a donc amené un temps à conclure à une modification radicale du monnayage de Bocchus II, marquée par une latinisation accrue168. Les légendes latines qui figurent sur les monnaies de Bocchus II sont certes contraires aux traditions maures, tout comme la mention de sa filiation169. Néanmoins, Bocchus II ne néglige pas la langue punique, dans laquelle il continue de mentionner son nom et sa titulature, et utilise ainsi une légende bilingue (fig. 19). En outre, seul le type Mazard n° 118 se caractérise par une iconographie proprement romaine, en particulier la représentation du buste de Janus, clairement imitée des as romains170. Enfin, la métrologie relèverait davantage des critères africains et gaditains171. Le monnayage de Bogud révèle finalement une adoption plus marquée des modèles romains. L’usage du néopunique est en effet totalement abandonné au profit du latin. L’iconographie, en particulier la proue de navire (type Mazard n° 106), fait sans aucun doute référence aux bronzes de la République romaine. L’apparition du griffon, thème fréquent en Afrique du Nord, et le disque ailé qui l’accompagne, probablement lié à un culte solaire, permettent de nuancer cette vision172. La métrologie demeure quant à elle d’interprétation délicate. Selon J. Alexandropoulos, les historiens font preuve de « romanocentrisme » dans ce domaine, même s’il ne nie pas l’influence de la métrologie romaine. Le poids de la série en bronze (type Mazard n° 106) concorderait davantage avec la métrologie des monnaies numides173. Ces témoignages numismatiques invitent à conclure que, sans être pour autant soumis à Rome, les rois maures, et en particulier Bogud, manifestent leur adhésion grandissante au monde romain, favorisée par le renforcement des liens de clientèle avec les chefs militaires romains.
3.2. Du maintien à la disparition des schémas de tradition phénico-punique
3.2.1. Les circuits d’échanges commerciaux et les structures productives
3.2.1.1. La guerre de Jugurtha : une étape charnière en Maurétanie occidentale
53L’examen de la documentation disponible démontre que la Maurétanie occidentale s’ouvre véritablement aux échanges commerciaux avec le monde romain à la fin du IIe siècle av. J.-C.174. Son insertion dans la sphère économique romaine peut donc être considérée comme tardive en comparaison des autres régions de Méditerranée occidentale. Deux étapes doivent être distinguées au sein de ce processus.
54Il y a quelques années encore, on constatait une quasi-absence des produits italiens datables du IIe siècle av. J.-C. dans les établissements de Maurétanie occidentale175. Des fouilles récentes et la révision d’une partie du matériel issu des recherches plus anciennes indiquent désormais que les importations du monde romain débutent dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C. à Lixus, Tamuda, Rusaddir, Ksar Sghir, Septem Fratres et vraisemblablement aussi à Kitzan et à Emsa (pl. XVIII).
55Ce n’est manifestement qu’à partir du dernier tiers du IIe siècle av. J.-C. que ces importations augmentent de manière significative. Les principales productions italiennes qui circulent alors en Méditerranée occidentale sont représentées, et ce en abondance sur l’ensemble du territoire. Il s’agit essentiellement de vaisselle de table en céramique à vernis noir et d’amphores à vin, les amphores à huile n’étant que très peu attestées. Ces productions s’avèrent alors principalement originaires de Campanie.
56Le caractère plus « précoce » des importations italiennes dans certains établissements s’explique en partie par leur situation géographique. Tournés vers la façade méditerranéenne et en particulier l’Ibérie romaine, ils sont de fait plus réceptifs aux produits du monde romain. Enfin, l’importance économique de Lixus, bien démontrée depuis l’époque phénicienne, explique sans doute qu’elle soit la seule cité de la façade atlantique à recevoir quantité d’importations italiennes au IIe siècle av. J.-C. Tout au long des IIe et Ier siècles av. J.-C., elle témoigne encore d’une ouverture particulière aux échanges commerciaux.
57L’amplification des importations italiennes à partir du dernier tiers du IIe siècle av. J.-C. concorde chronologiquement avec la guerre de Jugurtha et peut être mise en relation avec la politique du roi maure Bocchus I, devenu en 106 av. J.-C. « ami et allié du peuple romain ». C’est à partir de cette époque que Rome manifeste un intérêt grandissant pour les produits exotiques, courants en Maurétanie176. Le royaume fournit ainsi les Romains en produits de luxe, tels du bois précieux, en particulier le thuya177, de l’ivoire178, mais aussi des animaux pour le cirque179. Le garum tient probablement une place importante dans ce commerce180, tout comme la pourpre, tant appréciée par les Romains, même si sa production en Maurétanie est mal démontrée avant le règne de Juba II181. Les métaux précieux, en revanche, ne sont pas exploités, si l’on en croit Lucain182.
58Au IIe siècle av. J.-C., les négociants italiens ne semblent pas encore implantés en Maurétanie. La cité de Gadès n’en joue pas pour autant seule le rôle d’intermédiaire dans l’acheminement des importations italiennes en Maurétanie occidentale. Traditionnellement admise, cette interprétation résulte d’un raisonnement fondé sur le concept du « Cercle du Détroit », selon lequel l’économie en Maurétanie repose sur la fabrication des produits dérivés de la pêche et est dominée par Gadès. L’analyse des importations méditerranéennes recensées au Maroc dans les niveaux archéologiques et leur confrontation aux données numismatiques nous amènent à penser que le rôle de la cité ibérique est surestimé183.
59Des importations du monde méditerranéen parviennent vraisemblablement par l’intermédiaire de la Numidie, elle-même en étroits contacts avec les établissements du Levant ibérique et des Baléares. Parfaitement connectés à l’aire « punicisante » et aux circuits de distribution romains, ces derniers font très certainement le lien entre le littoral nord-africain et le reste de la Méditerranée184.
60Au IIe siècle av. J.-C., la Maurétanie occidentale et la région de Gadès, moins touchées quantitativement par les importations carthaginoises, ébusitaines et punicisantes que les régions du Levant, des Baléares et de Numidie, constituent bien une aire commerciale particulière, quelque peu en retrait, mais néanmoins perméable à la diffusion de ces productions. Il semble par ailleurs que la domination grandissante de Rome, dès la fin de la deuxième guerre punique, donne de l’impulsion au commerce en Méditerranée occidentale. Nous assistons ainsi à une diffusion à plus large échelle de certaines productions qui ne parvenaient que plus rarement en Maurétanie au cours du IIIe siècle av. J.-C.
61Il apparaît assez clairement que les commerçants italiens utilisent tout d’abord des voies et des ports commerciaux de tradition punique pour acheminer les produits italiens et diverses autres productions. Dès la fin du IIe siècle ou au début du Ier siècle av. J.-C., ces circuits de distribution sont intégrés dans la sphère économique romaine. Les négociants italiens s’établissent dans le royaume à partir de cette période et leur implantation s’amplifie au cours de ce siècle. En témoignent les timbres latins qui figurent désormais sur des amphores de tradition punique de type Maña C2b, en particulier attestées sur le site de Sala185. Les liens avec la région gaditaine n’en demeurent pas moins étroits. La cité andalouse, outre le fait qu’elle favorise probablement l’ouverture des marchés maures aux négociants italiens, contribue sans doute à la diffusion de l’influence romaine au sein des structures productives de la Maurétanie occidentale.
62Les productions de vases en céramique et d’amphores dites de fabrication locale ou régionale, qui débutent dès le Ve siècle av. J.-C., subissent ainsi une série de modifications au sein desquelles nous distinguons trois étapes186. La première peut être fixée à partir du second quart du IIe siècle av. J.-C., époque à laquelle on perçoit une diminution notable des céramiques peintes et des céramiques dites de type Kouass dans les niveaux archéologiques187. Ces dernières présentent dès lors un répertoire semblable à celui de la vaisselle de table italienne de type campanienne A. De même, de nouveaux types de céramiques communes imitent des modèles italiens.
63Une seconde étape peut être discernée aux environs du dernier quart du IIe siècle av. J.-C. Les types amphoriques de tradition phénico-puniques de types Maña B, Ramon T. 9.1.1.1., T. 8.1.1.2. et T. 8.2.1.1. disparaissent alors dans les niveaux archéologiques. C’est également à partir du dernier quart du IIe siècle av. J.-C. que les amphores de type Maña-Pascual A4 et les céramiques de type Kouass diminuent de façon plus importante. Enfin, apparaissent à partir de cette même période des céramiques à pâte grise imitant les vases à vernis noir campanien, mais aussi un nouveau type d’amphores de tradition punique, les Maña C2b.
64Une troisième étape peut être mise en valeur aux environs de 50 av. J.-C. Nous assistons alors, du moins à Lixus, à la disparition totale des amphores de type Maña-Pascual A4 et de la céramique peinte, tandis que débutent ou s’amplifient notablement des productions s’inspirant clairement de formes italiennes, telles que les amphores de type Sala I et les céramiques communes. Le répertoire des céramiques de type Kouass, des céramiques de types Morel D et F et des céramiques peintes de Volubilis puise désormais dans celui des céramiques à vernis noir italiennes des groupes A, B et parfois C.
65L’abandon des schémas de tradition phénico-punique s’effectue donc progressivement à partir de l’arrivée des produits italiens en Maurétanie occidentale. Cet abandon n’est pas total, puisque les amphores de type Maña C2b sont encore présentes et vraisemblablement produites en Maurétanie occidentale jusqu’à la fin du Ier siècle av. J.-C. Néanmoins, l’apparition de timbres latins sur ces conteneurs démontre le rôle désormais joué par les Romains dans le commerce dit du « Cercle du Détroit ». La présence contemporaine d’estampilles latines, néopuniques ou parfois de noms puniques romanisés sur les amphores Maña C2b montre toutefois que ce commerce est alors partagé entre commerçants puniques, puniques romanisés et romains.
66D’après les données amphoriques, la véritable prise en main du commerce dit du « Cercle du Détroit » par Rome ne s’effectue qu’après l’an 33 av. J.-C. Dans le dernier tiers du Ier siècle av. J.-C. les amphores de tradition phénico-punique disparaissent cette fois totalement, laissant place aux modèles italiens. On constate ainsi l’apparition des amphores de types Dressel 7/11 et/ou Dressel 7/12. Ces conteneurs romains destinés aux salaisons se substituent aux amphores Maña C2b188. La commercialisation des produits de la pêche et de leurs dérivés à cette époque est bien démontrée par la présence de plusieurs usines de salaison et d’ateliers de potiers destinés à la fabrication des conteneurs en question189.
3.2.1.2. L’impact de la politique de Massinissa I en Numidie et en Maurétanie orientale
67Dès la première moitié du IIe siècle av. J.-C. les principales cités côtières de Numidie, à savoir Siga, les Andalouses, Gunugu, Iol, Tipasa, Igilgili, Chullu et Hippo Regius (pl. XVIII), reçoivent des productions en provenance d’Italie, vaisselle de table à vernis noir de type campanienne A et amphores à vin de type gréco-italique190. Cette pénétration des modes de vie romains dans les habitudes alimentaires touche également, au moins depuis le milieu du IIe siècle av. J.-C., les cités numides de l’intérieur que sont Cirta, Tiddis, Bulla Regia et Mactar. En l’état des connaissances, le site de Kef Smaar fait exception, puisque les productions italiennes n’y sont pas attestées avant le dernier tiers du IIe siècle av. J.-C. Cet établissement de l’intérieur oranais n’est cependant que peu sondé.
68Les plus anciens témoignages de l’arrivée des produits italiens sont, à l’heure actuelle, identifiables aux Andalouses, à Hippo Regius, à Gunugu et à Chullu, où ont été mis au jour quelques fragments ou objets en céramique de type campanienne A ancienne datables entre le dernier quart du IIIe siècle et le premier quart du IIe siècle av. J.-C. Tant en Numidie occidentale, que centrale ou orientale, l’arrivée des produits italiens s’effectue donc dans plusieurs cités côtières avant les environs de 175 av. J.-C.
69L’état des recherches ne nous permet pas de l’affirmer, mais ces constatations invitent à penser que l’ensemble des cités, du moins les cités maritimes, reçoivent des produits dès la fin du IIIe siècle av. J.-C. ou le tout début du IIe siècle av. J.-C. Le fait que des objets en céramique campanienne A ancienne sont placés dans des tombes aux Andalouses, à Gouraya, à Collo, à Djidjelli et dans une moindre mesure à Tipasa, révèle que dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C. la vaisselle de table romaine est déjà bien introduite dans les usages de la population locale. Par ailleurs, malgré une documentation lacunaire, on ne peut douter de l’importation à Cirta, siège de la cour royale, de la vaisselle en provenance d’Italie, ni même de celle du vin italien, produits de luxe dont la présence ne peut que renforcer l’image prestigieuse que Massinissa I est soucieux de diffuser. La population de la ville doit être constituée de nombreux aristocrates, négociants enrichis par l’ouverture du royaume au commerce méditerranéen ou hommes politiques proches du souverain, désireux eux aussi d’obtenir des produits alimentaires et de la vaisselle de luxe indispensables au prestige de leurs tables.
70Le début des importations italiennes en Numidie correspond chronologiquement à l’engagement de Massinissa I aux côtés des Romains. Son alliance avec Scipion facilite de toute évidence l’établissement des échanges commerciaux entre les deux régions. Une augmentation et une diversification des importations italiennes sont par ailleurs perceptibles à partir du milieu du IIe siècle av. J.-C., à Iol et à Hippo Regius, phénomènes que l’on peut cette fois mettre en relation avec les conséquences de la chute de Carthage et la création de la province romaine d’Afrique qui conduisent alors au renforcement des liens commerciaux entre l’Italie et la Numidie. Ce renforcement ne semble pas entraîner de modifications particulières sur les productions locales de vases en céramique et d’amphores. Cependant, si les influences romaines ne sont véritablement perceptibles qu’après l’annexion du royaume par Rome et Bocchus II dans ce domaine, nous garderons à l’esprit que les productions antérieures à cette période sont encore fort peu documentées.
71Rome tire manifestement du royaume numide, en particulier de sa région orientale, une partie des blés qui la nourrit. L’importance de ses intérêts commerciaux en Numidie est révélée par ses interventions répétées dans les querelles dynastiques du royaume, au moment de la guerre de Jugurtha, ou au cours des guerres civiles. Salluste nous informe d’ailleurs que les Romains, pendant la guerre de Jugurtha, s’approvisionnent en blé à Vaga et à Sicca191. Ces deux cités constituent donc de gros marchés céréaliers qui exploitent la richesse des plaines de la Medjerda. Les Romains se procurent par ailleurs en Numidie des animaux sauvages, lions, panthères, éléphants, singes et ours qui contribuent aux fastes des jeux de Rome192. Le marbre de Numidie, sans doute issu des carrières de Chemtou, est importé à Rome dès le IIe siècle av. J.-C.193. On ne peut douter que le thuya, tant prisé à Rome à la fin de la République194, ainsi que l’ivoire, sont aussi exportés en Italie. Massinissa I en envoie aux Rhodiens195 et Pline indique que les magnifiques futaies de thuyas du mont Ancorarius sont épuisés en son temps196. Il semble que ces forêts se situaient dans la vallée du Chélif197. Enfin le cuivre fait peut-être également l’objet d’exportation : Strabon signale une mine de cuivre dans le pays des Masaesyles qui pourrait correspondre à celle située aux alentours de Ténès où ont été identifiés des vestiges d’exploitation ancienne198. Des traces d’exploitations antiques sont par ailleurs attestées sur des gisements de fer, dans le sud de l’Édough, ou encore de plomb, en petite Kabylie, dans la région sétifienne et dans le Hodna199.
72La présence de négociants italiens en Numidie, depuis au moins la fin du IIe siècle av. J.-C., est donc assurée à Vaga et à Sicca, mais aussi à Cirta. Un grand nombre de citoyens italiens sont établis dans la cité en 112 av. J.-C., au moment du siège de la cité par Jugurtha et le récit de Salluste révèle qu’ils y représentent des intérêts économiques importants200.
73Les données textuelles ou épigraphiques témoignant de l’établissement de ces négociants ne sont relatives qu’à la partie orientale de la Numidie, ce qui peut être mis en relation avec la création de la province romaine d’Afrique. L’examen de la répartition des importations et des monnaies en provenance du bassin méditerranéen indique bien qu’au IIe siècle av. J.-C. les différentes régions de Numidie et de Maurétanie orientale entretiennent des liens étroits avec les contrées qui leur sont géographiquement les plus proches201. Ainsi, les établissements situés dans l’actuel Nord-Est tunisien sont directement connectés à Carthage, tandis que ceux de l’Algérie occidentale et centrale sont reliés aux cités du Levant ibérique et des Baléares. Il apparaît ainsi que certaines agglomérations puniques d’importance, en particulier Carthago Nova, Ebusus et Carthage doivent constituer dans un premier temps des relais dans l’acheminement des produits italiens.
3.2.2. Une lente évolution des traditions culturelles
3.2.2.1. La persistance des influences puniques en Maurétanie occidentale
74Force est de constater que l’influence romaine est encore peu répandue dans le royaume avant la mort du roi Bocchus II. Elle semble n’avoir touché qu’une minorité de la population.
75La nature des principaux produits italiens parvenus sur le territoire indique que les modes de vie romains sont essentiellement adoptés par les élites locales : il s’agit surtout de produits de luxe, représentés par la vaisselle en céramique ou en bronze et le vin de l’Italie du Sud202. Au IIe siècle av. J.-C., certains habitants de Lixus s’initient à la pratique du banquet, comme l’atteste la découverte de fragments de cratères à calice en bronze dans la cité203. Les importations de bronze italiens s’amplifient au Ier siècle av. J.-C. Tous les services en bronze de la vaisselle usuelle d’Italie centrale apparaissent sur le marché maure. Cette vaisselle se compose de récipients destinés aux libations et au lavement des mains, ainsi que de vases et d’ustensiles indispensables au service de la boisson204. La diversification de ces importations, mais aussi leur présence dans les principaux établissements maurétaniens, même situés dans l’intérieur des terres, révèlent cette fois la pratique du banquet par une plus large population qu’au siècle précédent. La présence de céramique à paroi fine, production de qualité, témoigne également de la diffusion des modes de vie romains dans les habitudes de table des élites locales. La céramique campanienne, qui peut être considérée comme de la vaisselle commune en Italie, peut par ailleurs faire figure de produit relativement luxueux en Maurétanie205. De même l’importation de l’huile d’Apulie doit s’adresser à une population aisée. On constate donc le développement d’une riche clientèle qui, désireuse de renforcer son prestige social, se procure des denrées italiennes, emprunte les modèles de la civilisation désormais dominante dans le bassin méditerranéen et contribue ainsi à l’insertion du royaume dans l’orbite économique et culturelle romaine.
76Hormis ce phénomène, l’empreinte de Rome est peu marquée en Maurétanie occidentale, même après la chute de Carthage. Qu’il s’agisse des pratiques religieuses et funéraires, de la religion, ou de l’architecture et de l’urbanisme, l’examen des données révèle la large prédominance des influences puniques aux IIe-Ier siècles av. J.-C.
77En premier lieu, le latin ne semble pas apparaître avant les règnes de Bocchus II et de Bogud et ne figure que sur les émissions monétaires royales206. La circulation de ces monnaies sur le territoire contribue peu à la diffusion de la langue latine puisque celles-ci ne sont émises qu’en nombre restreint. Les seuls autres témoignages d’épigraphie latine antérieurs à l’interrègne sont les estampilles figurant sur les treize fragments d’amphores de type Maña C2b précédemment mentionnées, auxquelles il faut ajouter un graffite latin incisé sur la base d’un objet en céramique campanienne C recueilli à Lixus207.
78Aux IIe-Ier siècles av. J.-C., la langue punique occupe encore une place importante. L’usage des légendes puniques ou néopuniques se maintient longtemps sur les monnaies des cités maurétaniennes208 et les sites marocains ont livré plusieurs inscriptions puniques datables des IIe-Ier siècles av. J.-C. Quatre stèles puniques monumentales, dont trois à caractère funéraire et une à caractère votif, attribuables à la deuxième moitié du IIe ou la première moitié du Ier siècle av. J.-C. ont ainsi été découvertes à Volubilis. Notons, dans la partie inférieure de ces stèles, la présence d’un cercle contenant lui-même un autre cercle, vraisemblablement la représentation d’un bouclier, telle qu’elle apparaît sur certaines stèles du sanctuaire punique d’El Hofra à Cirta, datables du IIe siècle av. J.-C.209. Une cinquième inscription punique, datable de la première moitié du Ier siècle av. J.-C., a été retrouvée dans le sondage ouvert dans le temple C de la ville210.
79Citons également les trois inscriptions découvertes à Lixus, l’une punique, les deux autres punico-libyques. La première inscription bilingue correspond, côté punique, à une épitaphe qui comporte, comme les stèles puniques monumentales de Volubilis, deux cercles concentriques. Le texte libyque, gravé postérieurement, est sans rapport avec le texte punique211. L’examen des graphies incite à attribuer les inscriptions bilingues au IIe siècle av. J.-C.212 et l’inscription punique à une époque qui pourrait être antérieure213.
80L’usage de l’écriture néopunique est également bien attesté par des graffites incisés avant ou après cuisson sur des amphores et des vases en céramique d’importation ou de production locale, lesquels témoignent en outre du maintien de la langue de Carthage après le règne de Bocchus II214.
81L’écriture libyque coexiste par ailleurs dans le royaume mais elle semble davantage se répandre à l’époque romaine. L’imprécision qui persiste au sujet de la datation des stèles libyques découvertes au Maroc ne permet pas pour l’heure de préciser un tel phénomène215.
82Dans le domaine de la religion, l’influence romaine n’est perceptible qu’à Volubilis qui, dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C., se dote de deux petits temples jumelés de type gréco-romain (temples D et E)216.
83Nous avons tenté de percevoir si les monnayages de la Maurétanie préromaine, qui présentent différentes effigies divines et divers symboles à connotations religieuses, pouvaient nous informer sur une évolution éventuelle des divinités constituant le panthéon des cités217. Cette iconographie ne peut cependant être considérée comme une source d’étude privilégiée pour la connaissance des cultes pratiqués. Le choix de ces motifs étaient faits par des acteurs de premier plan, détenteurs du pouvoir et désireux de le renforcer. Les connotations religieuses et politiques, multiples, s’entremêlent. Toutefois, malgré les problèmes d’interprétation que pose cette iconographie monétaire, son étude met en évidence la rareté des influences romaines, la présence des influences hellénistiques et une certaine prédominance de l’élément punique.
84Il est d’ailleurs probable que Melqart correspond à la divinité principale de Lixus218, même si les diverses références à la cité maurétanienne dans le mythe d’Hercule témoignent plus de la représentation du monde chez les Grecs que des cultes pratiqués par les Lixitains219. D’après les légendes, Hercule intervient dans la fondation des cités de Lixus et Tingi220 et l’autel qui apparaît sur des monnaies de Lixus (fig. 22, n° 639-640) est souvent rapproché de la mention selon laquelle existait dans l’estuaire du Loukkos un autel consacré à cette divinité221. L’une des inscriptions punico-libyques de Lixus pourrait d’ailleurs comporter un théophore incomplet contenant le nom du dieu222. Enfin signalons la découverte sur le site d’une sculpture représentant un sphinx flanquant un trône223. Il s’agit manifestement d’un ex-voto, mais il est impossible d’identifier la divinité à laquelle ce trône était associé. Ce type de monuments est connu sur toute la côte syro-palestinienne et en Occident phénicien et punique depuis au moins le XIIIe siècle av. J.-C. La pièce de Lixus serait plutôt datable du règne de Juba II224.
85Par ailleurs, des témoignages peuvent être mis en relation avec le culte de Tanit sur deux sites nord-méditerranéens. Ainsi, N. Villaverde Vega propose de rattacher les deux cryptes mises au jour à Rusaddir à un sanctuaire dédié au culte de Tanit. À l’appui de cette hypothèse, l’auteur évoque notamment les timbres néopuniques BD’ŠTRT (« dans la main d’Astarté » ou « grâce à Astarté ») attestés à deux reprises sur des amphores de type Maña C2b225. Le culte à la divinité serait également révélé par le mobilier récolté dans les cryptes. Parmi celui-ci, une figure de terre cuite représentant un bébé en position fœtale semble correspondre à un ex-voto de fécondité226. Les nombreux bols et patères découverts seraient destinés aux libations et aux offrandes, tandis que les restes d’un moulin à farine suggèrent une relation avec la divinité de la fertilité. Nous serions en présence d’un grand sanctuaire ayant pris de l’importance tout au long du IIe siècle av. J.-C., ce qui montre une fois encore que la chute de Carthage n’implique pas l’extinction de la religion phénico-punique dans les cités maurétaniennes227.
86À Tamuda, parmi les six brûle-parfums en forme de tête féminine recueillis, trois d’entre eux présentent un kalathos orné de deux oiseaux séparés par trois boules ou décoré de feuilles qui correspondent à des types bien attestés à Carthage228. Simples terres cuites votives ou objets destinés à brûler des substances pendant les cérémonies religieuses, ces brûle-parfums sont également connus dans toute la Méditerranée punique entre le IVe siècle et le IIe siècle av. J.-C. Ils ont longtemps été perçus comme la représentation de Déméter, mais on tend désormais à les considérer comme un modèle iconographique emprunté par les Puniques pour symboliser des divinités aux caractères similaires comme Tanit229. Deux exemplaires provenant de Tamuda ont été recueillis avec un matériel du IIe siècle av. J.-C. Les autres ne peuvent être datés faute de contexte stratigraphique230.
87Toujours à Tamuda, ont été découverts des empreintes et reliefs en terre cuite, dont on ne connaît pas l’utilisation exacte mais dont le caractère religieux est vraisemblable. Une figurine en terre cuite représentant une femme jouant de la double flûte a ainsi été mise au jour dans les fouilles du dépotoir231. Des figurines semblables sont connues à Ibiza, à Carthage, en Sicile et en Sardaigne, où elles sont rattachées au culte de la déesse Tanit232.
88Tamuda a également livré quinze exemplaires de disques de terre cuite portant, sur une face, un décor de motifs en creux ou en relief. Les thèmes iconographiques sont relativement variés, anthropomorphes, zoomorphes ou phytomorphes. L’un d’eux représente une femme assise jouant de la double flûte et rappelle la figurine de terre cuite précédemment décrite233. Sur certains apparaissent des représentations religieuses, comme le cavalier marin montant un hippocampe et tenant un trident, qui symbolise une divinité marine punique234. Deux autres exemplaires sont connus au Maroc, l’un à Volubilis, l’autre à Emsa235. La datation de ces objets de tradition punique est difficile à établir, car les contextes de découvertes demeurent imprécis236. Sur d’autres sites méditerranéens, ils sont en usage du VIe siècle av. J.-C. à l’époque romaine237. Des disques similaires sont signalés dans le monde punique, en Afrique du Nord, dans la nécropole de Douimès à Carthage, à Kerkouane, à Bulla Regia et à Mactar, mais aussi en Espagne, en particulier à Elche et à Ibiza (nécropole de Puig dels Molins), ainsi qu’en Sardaigne238. Si leur fonction reste énigmatique, il est généralement admis qu’ils servent à mouler des galettes réservées aux fêtes religieuses. Leur découverte dans des tombes laisse penser qu’ils pouvaient également être destinés à la protection des défunts239.
89La persistance de la religion punique est illustrée par le temple B de Volubilis, isolé sur le versant est de l’oued Fertassa. Il correspond vraisemblablement, dans son premier état, datable de la fin du Ier siècle av. J.-C., à une aire sacrée, où des stèles puniques anépigraphes étaient fichées ou simplement déposées en association avec des vases cinéraires, rite courant dans les sanctuaires puniques240. Ces stèles, au nombre de neuf cents, constituent l’une des plus importantes séries africaines, avec celles de Carthage et Cirta241. Les stèles complètes présentent un fronton triangulaire et se caractérisent par des représentations humaines (des fidèles dans différentes attitudes), dont les traits dénotent une faible influence des modèles romains. Parmi le répertoire des motifs qui figurent sur les frontons, on note la présence du croissant de lune, du cercle, du disque et de la rosace, symboles communs à toutes les stèles puniques, ainsi que de la palme242. Ces témoignages s’apparentent au type bien connu dit « stèles à Baal Hammon-Saturne »243. Néanmoins, le culte de Saturne est mal attesté à Volubilis et d’autres éléments retrouvés sur le site permettent de penser que ces stèles se rapportent à un dieu local, Aulisua, dont les caractéristiques cultuelles rappellent celles de Baal Hammon et Saturne244.
90Toujours à Volubilis, on ne sait si le temple dit punique était dédié à une divinité d’origine carthaginoise. Il est en tout cas encore en place au Ier siècle av. J.-C. et la préservation de son autel à l’époque romaine démontre l’attachement à ce culte245.
91On observe parallèlement un maintien des rites funéraires de tradition punique tout au long du Ier siècle av. J.-C. Si peu de nécropoles maurétaniennes datables des IIe-Ier siècles av. J.-C. sont connues, celle de San Lorenzo à Melilla (Rusaddir) est assurément attribuable au Ier siècle av. J.-C. Elle semble constituée principalement de fosses à inhumation profondes, dallées et couvertes par des amphores, généralement de tradition punique (type Maña C2b)246.
92Les débuts de l’utilisation de la nécropole du Marshan à Tanger (Tingi), fouillée entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, ne sont pas datés avec certitude247. Dans cet ensemble de quatre-vingt-dix-huit sépultures, parmi lesquelles plus de cinquante étaient taillées en caisson dans le roc, des objets de tradition punique ou néo-punique ont été retrouvés. On note en particulier la présence d’une boucle d’oreille d’or gravée avec le signe de Tanit, de bijoux semblables à ceux recueillis dans les nécropoles de la région et à Carthage, d’une petite amulette en pâte de verre représentant le dieu Bès, d’une petite statuette votive en bronze représentant une femme drapée que l’on peut rapprocher de découvertes effectuées dans les nécropoles puniques d’Ibiza248. La mise au jour de trois unguentaria hellénistiques et de deux monnaies à légende néopunique de l’atelier de MQM ŠMŠ incite à dater ce mobilier des IIe-Ier siècles av. J.-C.
93Quatre hypogées de tradition punique sont par ailleurs signalés dans la nécropole occidentale de Lixus. Malgré le pillage de ces tombes, quelques menus fragments de céramique campanienne et de céramique à paroi fine, ainsi que des unguentaria découverts dans trois de ces sépultures indiquent une datation vraisemblable des IIe-Ier siècles av. J.-C.249.
94Enfin le tombeau de Mogogha es Sghira, localisé dans la région de Tanger, a pu être comparé à des tombeaux situés en terre phénicienne, ainsi qu’aux tombes de Tipasa et de la Chebba250. La région de Séville (Carmona et Cortinal de las Cruzes) offre aussi des exemples d’architecture funéraire comparables. Le matériel recueilli dans le tombeau maurétanien peut être daté des IIIe-Ier siècles av. J.-C.251. Cette chronologie « tardive » pourrait ainsi s’expliquer par une persistance de l’architecture funéraire punique.
95Dans le domaine de l’architecture préromaine, force est de constater que notre connaissance est particulièrement limitée. A. Jodin et J. Boube ont eu le mérite de traiter ce dossier dès les années 1960, mais la datation des techniques décrites par les auteurs n’est pas confirmée par les données stratigraphiques252. D’après les nouvelles données disponibles, si restreintes soient-elles, les techniques romaines ne paraissent pas employées avant le dernier tiers du Ier siècle av. J.-C. L’ordre toscan ne fait visiblement son apparition qu’à partir du règne de Juba II253, tandis qu’une étude sur les éléments d’architecture et de la sculpture en pierre ne fait pas état d’influences romaines avant cette même période254. Les règles d’urbanisme font davantage référence à l’hellénisme, sans pour autant être totalement fidèles à ses traditions, comme en témoigne l’organisation urbaine de Tamuda à partir du IIe siècle av. J.-C. ou les constructions mises au jour à Rusaddir255. D’autres vestiges, le secteur dit « des grands blocs » à Lixus et l’enceinte préromaine de Volubilis, évoquent également l’emploi de techniques hellénistiques256.
96À l’époque préromaine l’architecture de terre prédomine dans les établissements maurétaniens. Elle est attestée à Banasa, à Kouass et à Rirha dès les Ve-IVe siècles av. J.-C.257. Aux IIe et Ier siècles av. J.-C., l’architecture domestique de Volubilis, Lixus, Banasa, Kouass, Rirha, Tamuda, Zilil et Thamusida est constituée de briques crues258. Ce matériau est essentiellement utilisé pour les élévations, les soubassements des murs étant réalisés en pierres. Seules les structures de Banasa et de Rirha sont entièrement édifiées en briques crues, un phénomène qui s’explique par la rareté de la pierre dans la plaine du Gharb. Des monuments publics, en partie constitués de briques crues, sont également connus à Kouass, à Sala, à Volubilis et à Rusaddir259. Les fouilles de Zilil, de Volubilis et de Banasa offrent une documentation permettant désormais de raisonner sur les types d’appareillages et les modules des briques employés. Ces techniques pourraient être rattachées à l’influence de la civilisation hellénistique, mais il semble qu’il s’agisse davantage d’une tradition locale. Leur présence est en effet attestée très tôt sur le sol marocain.
97Les grands changements urbanistiques et la véritable pénétration des techniques architecturales romaines ne débutent manifestement qu’à partir de l’interrègne et du règne de Juba II. C’est notamment le cas à Banasa, où les grandes constructions en pierres font leur apparition à partir de la création de la colonie romaine260. Il en est de même à Zilil261. Un développement urbain important est également signalé à partir de l’interrègne ou du règne de Juba II à Lixus, Sala, Thamusida et Volubilis262.
98En l’état actuel des connaissances, l’héritage punique se manifeste davantage à Volubilis. Mais paradoxalement, la pénétration de l’influence romaine y semble plus précoce que sur les autres sites maurétaniens. Les interprétations relatives à la présence de nombreux citoyens romains dans la cité dès l’interrègne, et peut-être avant, doivent toutefois être nuancées263.
99Sur l’ensemble des sites, l’élément punique apparaît souvent plus marqué au Ier siècle av. J.-C. qu’aux siècles précédents. Sur la base des différents témoignages évoqués, on serait presque tentés de penser que les Romains contribuent à la diffusion des traditions puniques après la chute de Carthage. Ce phénomène ne peut toutefois être démontré tant que nous ne serons pas en mesure d’estimer le degré d’importance du rayonnement de la civilisation carthaginoise en Maurétanie occidentale depuis le Ve siècle av. J.-C.
100Il faut par ailleurs s’interroger sur les voies de pénétration des traditions hellénistiques en Maurétanie occidentale. Rome se sert-elle du prestige de l’hellénisme pour favoriser le processus de romanisation du royaume comme cela a pu être démontré à l’époque de Juba II264 ? Les rapports directs entre la Grèce et la Maurétanie occidentale paraissent en tout cas peu probables. Les auteurs anciens ne disent mot sur d’éventuelles relations politiques entre ces deux régions et les importations du monde grec sont particulièrement rares dans les établissements maurétaniens pendant l’époque étudiée265. L’adoption des modèles de l’urbanisme hellénistique en Maurétanie occidentale, en vogue à Carthage, pourrait être le résultat du rayonnement culturel qu’exerce la métropole punique. Il est néanmoins plus vraisemblable que l’hellénisme s’est propagé par l’intermédiaire de la Numidie, les rois numides entretenant à la fois des relations directes avec les Maures et les Grecs266.
3.2.2.2. La prédominance des modèles puniques et hellénistiques en Numidie et en Maurétanie orientale
101L’analyse des données disponibles amène également à souligner le caractère restreint des influences culturelles romaines en Numidie et en Maurétanie orientale. L’écriture, la religion et les rites funéraires, l’architecture et l’urbanisme sont empreints des modèles puniques et hellénistiques.
102En premier lieu, il n’y a guère de témoignages à évoquer pour plaider en faveur de l’utilisation de la langue latine au IIe siècle av. J.-C. Les rares inscriptions latines de Cirta doivent être rattachées à l’implantation d’Italiens dans la capitale. Un Numide punicisé donne certes à son fils un praenomen latin267, mais cette attestation est unique et particulière à Cirta. Si Jugurtha apprend le latin à Numance268, la langue latine n’est diffusée que plus tardivement en Numidie. Il faut attendre le milieu du Ier siècle av. J.-C. pour constater l’apparition du latin sur des documents officiels, néanmoins cantonnée aux émissions monétaires de Juba I et de Bocchus II269. Enfin quelques graffites latins gravés sur des objets en céramique sont signalés à Gunugu et un autre est attesté à Iol270. Relativement rares, ils résultent sans doute davantage de la présence italienne que de la diffusion du latin en Maurétanie orientale.
103Les inscriptions et les stèles puniques ou néopuniques sont si nombreuses en Numidie et en Maurétanie orientale qu’on ne peut, comme pour la Maurétanie occidentale, en dresser une liste exhaustive. C’est dire l’importance de l’élément punique dans les domaines de la langue, de l’écriture, de la religion et des rites funéraires.
104Si les stèles puniques et néopuniques ont fait l’objet d’une synthèse par A. Krandel Ben Younes271, aucun corpus des inscriptions n’a été établi jusqu’à maintenant. Malgré l’absence d’un tel outil de travail, qui permettrait notamment de mettre en valeur d’éventuelles différences régionales, il est possible d’émettre quelques remarques. Le Punique est la langue officielle dans le royaume numide depuis Massinissa I. L’essentiel des inscriptions officielles et des légendes sur les frappes monétaires272, tout comme les dédicaces religieuses recueillies sur l’ensemble du territoire étudié sont rédigées en langue punique ou néopunique. Les inscriptions puniques ou néopuniques sont signalées sur l’ensemble du territoire, sur le littoral, de Siga à Hippo Regius en passant par les Andalouses, Portus Magnus, Iol, Cissi (Cap Djinet), ou Dellys, et dans l’intérieur des terres, à Cirta, Sigus ou encore Guelma, Bulla Regia, Thugga, Zama et Mactar où l’on dénombre plus de cent trente inscriptions puniques273.
105Des graffites puniques ou néopuniques gravés après cuisson apparaissent en particulier sur des objets en céramique campanienne ou des imitations de céramiques à vernis noir, beaucoup plus rarement sur des amphores. Nous avons recensé pas moins de cent cinquante témoignages, répartis sur les sites de Gunugu, des Andalouses, d’Igilgili, de Chullu, de Kef Smaar, de Siga, d’Iol et d’Hippo Regius274. St. Gsell et M. Astruc considèrent que ces graffites démontrent le rôle intermédiaire de Carthage dans l’acheminement des céramiques à vernis noir italiennes à Gunugu et Igilgili. Il n’est pas exclu qu’ils correspondent à des marques commerciales gravées par des négociants du monde punique, dans la mesure où ils figurent principalement sur des importations. Mais ils sont en grande majorité attestés dans les nécropoles et sont extrêmement rares sur les céramiques recueillies dans les niveaux d’habitat, tels ceux des Andalouses, d’Iol et d’Hippo Regius. Leur relative fréquence à Kef Smaar constitue une exception. Il s’agit donc davantage de marques personnelles que commerciales, indiquant que les habitants de ces divers établissements, en particulier ceux de Gunugu et de Chullu, emploient la langue punique au quotidien.
106Outre la langue punique ou néopunique, le libyque est couramment employé en Numidie. Cependant les inscriptions en langue libyque, particulièrement nombreuses dans l’est de la Numidie, ne revêtent pas un caractère officiel, hormis à Thugga275. On grave rarement, par ailleurs, des inscriptions en grec, témoignages qui ne sont apparus jusqu’à maintenant qu’à Thuburnica et sur des ex-voto de Cirta276. Ces derniers doivent être reliés à la présence d’une communauté grecque dans la capitale.
107Dans le domaine de la religion, la documentation disponible révèle également la prédominance de l’élément punique, mais aussi la diffusion de cultes d’origine grecque, tandis que les influences romaines ne sont aucunement perceptibles.
108L’exemple le plus connu et le plus révélateur de la diffusion de la religion punique en Numidie est le sanctuaire d’El Hofra à Cirta. Constitué d’une cour rectangulaire à portique où est exposé le bétyle et d’une salle qui abrite une statue en terre cuite, ce sanctuaire est dédié à Baal Hammon et Tanit277. Plus de sept cents stèles y ont été recueillies. La grande majorité contient la mention conjointe du couple Baal Hammon-Tanit, mais la déesse apparaît généralement en seconde position. En l’état des connaissances, le nombre et la qualité de ces stèles font de ce sanctuaire le plus important d’Afrique du Nord après le tophet de Carthage278. Quelques stèles sont assurément datables des règnes de Massinissa I et de Micipsa puisque sont gravées les années de règne de ces souverains279. D’après l’étude stylistique des stèles conservées au musée du Louvre, F. Bertrandy et M. Sznycer estiment que celles-ci datent essentiellement du IIe siècle av. J.-C., certaines pouvant remonter à la fin du IIIe siècle av. J.-C. D’autres seraient datables jusqu’au milieu du Ier siècle av. J.-C. Les plus anciennes présentent d’étroites similitudes avec les stèles de Carthage. Sur les documents attribués à une date plus tardive, la persistance du signe de Tanit permet d’affirmer que les habitants de Cirta maintiennent des traditions culturelles et religieuses puniques après la chute de la métropole280. Trois autres lieux sacrés puniques sont attestés sur le territoire étudié, à Thugga, à Tiddis et à Portus Magnus. Les sanctuaires de Portus Magnus et de Thugga s’avèrent être des aires sacrées à ciel ouvert, tandis que celui de Tiddis était mi-bâti mi-rupestre. Les invocations à Baal Hammon ou la présence du signe de Tanit sur les stèles votives mises au jour nous indiquent que ces lieux sont également consacrés à ces deux divinités281.
109La grande quantité de stèles exhumées en divers points du territoire témoigne en faveur de l’existence d’un nombre bien plus important de sanctuaires. La synthèse qu’a réalisée A. Krandel Ben Younes met en évidence deux phénomènes particuliers. Tout d’abord, les lieux de découverte sont concentrés dans les terres, dans le nord-ouest tunisien notamment, où le nombre de sites ayant livré des stèles votives s’élève à dix-neuf. Cette concentration s’étend de Bulla Regia à la région de Mactar. On note que ce dernier site a fourni à la fois de nombreuses stèles votives et des inscriptions monumentales. Dans une moindre mesure, des sanctuaires puniques sont élevés dans la région constantinoise, où six établissements ont offert ce type de témoignages. Les établissements littoraux ne sont pas pour autant écartés de ce recensement : outre le sanctuaire punique de Portus Magnus, d’autres sanctuaires sont pressentis à Iol, à Tipasa, à Cissi, à Dellys, à Tigzirt, à Skikda et à Hippo Regius282. Il faut de plus ajouter à l’inventaire d’A. Krandel Ben Younes le site de Ténès, où sont signalées plusieurs stèles néopuniques283.
110Par ailleurs, la majorité des dédicaces actuellement connues s’adressent à Baal Hammon. Sur les trente-quatre sites qui ont livré des invocations à des divinités, quatorze se rapportent ainsi à ce dieu. À Hippo Regius et à Tiddis, il est quelque fois associé, comme à Cirta, à Tanit. Dans l’ensemble, le répertoire iconographique des stèles est peu diversifié. Les motifs prédominants sont le caducée et des symboles astraux qui accompagnent généralement le signe de Tanit. Mais ces symboles ne s’adressent pas seulement à la déesse et doivent être attribués à Baal Hammon. Enfin, tant l’iconographie que l’épigraphie de ces stèles présentent des analogies avec celles de Carthage mais témoignent aussi d’une certaine originalité284.
111Des dédicaces contenant le seul nom de Baal ou celui de Baal Addir, attestées dans l’Est numide, pourraient également se rapporter à Baal Hammon285. L’abondance de la documentation relative au culte de Saturne Africain à l’époque romaine vient confirmer la grande popularité dont a joui son prédécesseur. On peut de fait penser que les habitants d’une cité d’importance comme Théveste, siège d’un culte à Saturne286, honoraient précédemment Baal Hammon. Si le dieu le plus vénéré s’identifie clairement à ce dernier, on dispose d’un témoignage du culte à Astarté. Le site de Mididi, à quelques kilomètres à l’ouest de Mactar, abrite ainsi un sanctuaire consacré à cette divinité, probablement datable du Ier siècle av. J.-C. Les inscriptions funéraires et votives dédiées à Baal Hammon ne sont pas pour autant absentes dans la cité287. Le culte d’Astarté, assez méconnu en Afrique du Nord, était peut-être pratiqué également à Sicca, d’après l’existence d’un temple consacré au culte de Vénus, héritière d’Astarté à l’époque romaine288. Il pourrait en être de même à Mactar, où le culte de Vénus est documenté par deux dédicaces289.
112La concentration de ces sanctuaires dans l’Est numide doit être mise en relation avec la proximité du territoire carthaginois. Les cités localisées dans les confins algéro-tunisiens, incluses dans la Thusca et la région des Grandes Plaines, sont en outre sous domination carthaginoise jusqu’au milieu du IIe siècle av. J.-C.290. Toutefois, le Nord-Est tunisien a fait davantage l’objet de recherches archéologiques et il faut donc se garder de conclure que la religion punique ne pénètre pas dans l’intérieur des terres de l’actuelle Algérie occidentale.
113Quant aux divinités représentées sur les frappes monétaires des cités, sur lesquelles on a reconnu Astarté ou Tanit, Baal Hammon, Melqart ou encore Chusor, nous renvoyons à l’étude consacrée à l’iconographie des monnaies numides et maurétaniennes291.
114Enfin si aucun élément ne peut être avancé quant à l’introduction des cultes romains, le culte grec des Cereres (Déméter et Coré) connaît manifestement un franc succès. Ce culte agraire ne s’est néanmoins développé que dans l’Est numide292. Notons également qu’une statuette de Déméter en terre cuite est conservée au musée d’Oran et provient visiblement du site des Andalouses293.
115Les recherches archéologiques qui ont porté sur plusieurs nécropoles préromaines, en particulier celles des Andalouses, de Gunugu, de Tipasa, d’Igilgili et de Chullu nous fournissent des informations sur les pratiques funéraires. D’après l’étude d’A. Krandel Ben Younes, l’architecture des tombes témoigne dans l’ensemble d’un faciès punique. L’auteur a pu relever l’existence de tombes à fosses, de tombes à puits, de tombes taillées dans le roc ou bâties et de tombes à couloir d’accès présentant des similitudes avec les sépultures mises au jour sur le territoire carthaginois294. Cette architecture funéraire se caractérise aussi par des spécificités locales. Il en est de même des modes d’ensevelissement. L’incinération, en usage à Carthage, est attestée dans toutes les nécropoles pour lesquelles on dispose d’informations. Mais les pratiques funéraires sont mêlées à des usages locaux, telles les inhumations en décubitus latéral ou ventral, ou encore la présence du rouge funéraire dans les sépultures295. Dans ces mêmes nécropoles prédomine un mobilier de tradition punique. Ces œnochoés, urnes, olpès, askoi, lagynoi, ou encore vases biberon, sont connus sous diverses variantes dans les nécropoles de Carthage et plus généralement celles du monde punique de Méditerranée occidentale. Certains objets ne semblent toutefois trouver leurs parallèles qu’au sein du territoire carthaginois. C’est le cas de gourdes à décor peint représentant une spirale exhumées dans les nécropoles de Coudiat-Aty à Cirta, des Andalouses, de Gunugu et de Tipasa qui, à notre connaissance, ne trouvent de parallèles qu’au Cap Bon296. Ce type d’objet, généralement assigné au IVe siècle av. J.-C., est assurément datable du IIe siècle av. J.-C. aux Andalouses297.
116Les données issues des nécropoles témoignent ainsi du grand rayonnement culturel de Carthage. Il est néanmoins possible de mettre en évidence des différences régionales au sein du territoire étudié. Les nécropoles d’influence punique sont surtout documentées sur le littoral, alors que dans l’intérieur de l’Est numide on relève une forte concentration de nécropoles de tradition libyque, tels que les dolmens, les bazinas, les tumuli298. Cette constatation nécessite confirmation car, d’une part, les informations demeurent lacunaires quant aux nécropoles de Vaga, de Bulla Regia, ou encore de Thugga, d’autre part aucune nécropole n’est connue dans l’intérieur des terres de l’Ouest algérien actuel.
117La persistance des rites religieux et funéraires de tradition punique et celle de l’usage de l’écriture néopunique à l’époque romaine est par ailleurs illustrée par les résultats des fouilles archéologiques de Tipasa et de Mactar. Dans la nécropole de Tipasa, la forme des tombeaux s’inscrit dans la lignée de la tradition architecturale des tombes de Carthage jusqu’à la fin du Ier siècle ap. J.-C. Une sépulture révèle en outre la survivance du culte de Baal et de Tanit durant le Ier siècle ap. J.-C.299. À l’est du secteur de Sainte Salsa a été découverte une aire sacrificielle contenant des stèles anépigraphes, des tables d’offrande et des restes incinérés de victimes de substitution. Ces derniers, recueillis dans des objets en céramique datables du Ier siècle ap. J.-C., démontrent la continuité des pratiques religieuses de tradition punique300. Quant à Mactar, outre le nombre élevé des inscriptions néopuniques d’époque romaine, on relève l’existence d’un temple dédié au début du Ier siècle ap. J.-C. à Hoter Miskar, divinité dont le culte est documenté dans la Carthage punique301.
118Dans le domaine de l’architecture, il est possible de souligner la coexistence des modèles hellénistiques et puniques. Si le nombre de villes qui ont livré des vestiges d’architecture monumentale est encore très réduit, force est de constater la rareté des influences italiennes.
119Bulla Regia abrite plusieurs édifices de type hellénistique. Seul l’un d’entre eux, datable de la fin du IIe ou du tout début du Ier siècle av. J.-C., a fait l’objet d’une publication. Les auteurs de la fouille attirent l’attention sur l’esprit très grec qui caractérise la conception des fondations du monument302. Le sanctuaire de Thugga, dédié à Massinissa I, témoigne également de la diffusion des influences hellénistiques dans le courant du IIe siècle av. J.-C. Quelques chapiteaux éoliques, ioniques, et des corniches à gorge égyptienne ont par ailleurs été mis au jour dans la cité303. Les enceintes préromaines identifiées sur ces deux sites, certes de datation mal assurée, sont construites en grand appareil et dotées de tours avancées de forme carrée, caractéristiques qui permettent de les comparer à l’enceinte punique exhumée dans le quartier Magon de Carthage304. Des éléments d’architecture de tradition punique sont également signalés dans le quartier du théâtre de Bulla Regia305. Les constructions de grand appareil qui constituent le front de mer de la cité d’Hippo Regius, datées du deuxième tiers du Ier siècle av. J.-C., ne sont peut-être pas antérieures à la conquête romaine. Il en est de même du chapiteau ionique découvert dans le secteur de la curie306. Quoi qu’il en soit, ces éléments révèlent la persistance des traditions architecturales puniques, tout comme les murs plus tardifs reconnus dans le secteur des Dii Consentes307.
120Si l’architecture domestique reste particulièrement méconnue, une maison de la cité d’Iol mérite l’attention. Construite dans le courant du IIe siècle av. J.-C., elle comprend une série de pièces organisées autour d’une cour308. Celle-ci pourrait avoir été entourée d’une colonnade, comme on en trouve à Kerkouane et Carthage aux IIIe et IIe siècles av. J.-C.309. On note par ailleurs que dans les niveaux de construction du monument hellénistique de Bulla Regia, des morceaux de sols faits de tessons noyés dans le mortier témoignent de l’utilisation de l’opus signinum et sont comparables à certains sols de Carthage punique310. Ce même type de sol est attesté sous le macellum de Bulla Regia dans un niveau datable entre la deuxième moitié du IIe siècle et le tout début du Ier siècle av. J.-C.311.
121Parmi les sites de Numidie et de Maurétanie orientale, seul celui de Bulla Regia a finalement dévoilé un urbanisme cohérent d’époque préromaine. Une trame orthogonale stricte a ainsi été révélée dans le secteur de l’insula de la chasse. Sa rigueur renvoie directement à des modèles grecs. Les lots individuels attestés dans ce quartier démontrent en outre la profondeur de l’hellénisation de la ville, dans la mesure où ces derniers sont visiblement destinés aux classes moyennes et non à une élite restreinte312. Si Bulla Regia représente le seul exemple actuellement connu en Numidie et en Maurétanie orientale, la création d’un espace urbain à la mode grecque dans une ville de l’intérieur permet de supposer que les autres cités d’importance, telles que Thugga, Cirta, Hippo Regius ou encore Iol, devaient s’organiser selon les mêmes principes urbanistiques.
122Les influences romaines dans l’architecture de Numidie et de Maurétanie orientale ne semblent finalement perceptibles que dans les monuments du Khroub et de la Chrétienne313. L’ensemble des édifices royaux témoigne cependant de plus larges emprunts au répertoire architectural du monde grec314. Les influences puniques ne sont pas absentes, en particulier dans la construction du mausolée de Siga, dominée par l’emploi de la coudée punique315. Reste que le monument figuré sur certaines séries monétaires de Juba I indique peut-être l’existence, dans l’une des capitales du souverain, d’un monument faisant appel à une architecture typiquement italienne316.
123Ainsi, lorsque l’influence romaine est perceptible, on constate que, d’une part elle touche principalement les classes aisées, d’autre part elle est la conséquence de la politique des rois. C’est en effet sous le règne de Massinissa I que peut être perçue l’introduction des habitudes de table italiennes, suite à l’ouverture du royaume au commerce romain. Nous savons par ailleurs que des repas étaient préparés selon les goûts italiens à la cour de Cirta et que Massinissa I lui-même avait adopté le port de la toge317. Les souverains Juba I et Bocchus II sont quant à eux à l’origine de l’apparition du latin et des influences iconographiques romaines en Numidie et en Maurétanie orientale par l’intermédiaire des émissions monétaires royales318.
124En l’état des connaissances, il semble qu’il faille attendre d’un côté l’annexion de la Numidie, de l’autre l’arrivée sur le trône de Juba II en Maurétanie, pour assister à la véritable insertion de ces régions dans la sphère culturelle romaine. Ce phénomène est bien démontré dans le domaine des pratiques architecturales. C’est ainsi que dans l’ancienne Numidie de Juba I la construction du vaste ensemble méridional de Bulla Regia, édifié selon des techniques romaines, semble dater de l’époque où la cité était encore civitas libera, statut accordé par César ou Auguste319. En Maurétanie orientale, Iol, rebaptisée Caesarea par Juba II, prend l’aspect d’une ville romaine sous le règne de ce dernier. C’est alors qu’apparaissent dans la cité les modes de construction à la romaine, appareil réticulé et autres éléments architectoniques. L’urbanisme répond également à la tradition romaine, dans la répartition des quartiers, ou encore la conception générale des bâtiments, tels les monuments de spectacle typiquement romains. Après avoir dressé le bilan des vestiges datables de l’époque des rois Juba II et Ptolémée, M. Coltelloni-Trannoy conclut ainsi que la tradition des monuments maures et numides est définitivement abandonnée à cette époque, au profit des nouvelles valeurs culturelles et politiques320.
125La romanisation des habitants s’effectue par ailleurs après la mort des rois Juba I et Bocchus II. L’étude onomastique réalisée par Y. Thébert démontre bien ce phénomène à Bulla Regia. C’est seulement après la conquête romaine que les citoyens adoptent des noms romanisés et que le latin se répand321. Il faut de plus attendre le règne de Juba II pour assister à l’essor de l’onomastique romaine à Iol/Caesarea322.
126Le caractère particulièrement restreint des influences romaines avant le milieu du Ier siècle av. J.-C. peut sembler surprenant dans l’Est numide où l’implantation italienne est bien attestée au moins depuis la guerre de Jugurtha. L’importance économique des Grandes Plaines explique la présence romaine dans cette région, tandis qu’à Cirta ou Zama, capitales de Numidie, cette présence s’avère liée à la politique des rois numides. Cette implantation, favorisée par la proximité de la province d’Afrique, ne s’effectue pas pour autant jusqu’à Mactar.
127L’importance des traditions puniques et, dans une moindre mesure, hellénistiques, nous amène à la question de la transmission de ces influences. G. Camps refusait de parler d’un hellénisme numide, même s’il reconnaissait que les rois numides, désireux de vivre dans la conformité hellénique, modèle culturel par excellence à l’époque, étaient imprégnés d’une certaine culture grecque. Le royaume numide aurait hérité de l’hellénisme de Carthage et la présence des éléments architecturaux grecs dans les monuments royaux s’expliquerait par l’omniprésence punique323.
128Les influences grecques relevées dans l’architecture, l’urbanisme, ou encore la religion, sont effectivement attestées dans la Carthage punique. Mais cet hellénisme ne peut être le seul fait du rayonnement de Carthage. Il semble parvenir en Numidie par différentes voies. La première est directe et doit être reliée à la politique des rois numides, les liens entretenus par ces derniers avec le monde grec étant bien démontrés de Massinissa I à Hiempsal II. M. Coltelloni-Trannoy a souligné la politique volontariste de Massinissa I dans ce domaine. L’attitude grecque et l’usage de la langue grecque constituent des outils de pouvoir pour s’imposer en Méditerranée à cette époque324. Nous avons vu qu’il en est de même quant au renforcement du pouvoir royal auprès des sujets numides325. C’est ainsi que s’expliquent la présence d’une communauté grecque, de productions amphoriques rhodiennes et les influences de la culture grecque à Cirta326. Il est possible d’ailleurs que la communauté grecque de Cirta comprenne des architectes qui privilégient l’utilisation des techniques hellénistiques pour l’édification des monuments royaux. Enfin, les monnaies conservées au musée de Constantine tendent à plaider en faveur de contacts avec le monde grec à plus haute époque, établis sans l’intermédiaire de Carthage. Ces relations bénéficient vraisemblablement de la proximité de la Sicile hellénistique, dont les monnaies ne sont pas rares dans le lot mentionné327. Encore difficile à démontrer, cette hypothèse s’appuie néanmoins sur l’existence du mausolée du Medracen, apparu aux yeux de Fr. Rakob comme une démonstration évidente d’un rapport étroit avec le monde hellénistique oriental favorisé par le relais de la Sicile328.
129Le rôle de Carthage dans la pénétration des influences hellénistiques se limite peut-être à la région des Grandes Plaines, anciennement sous sa domination et bien reliée à la cité punique par le biais de la Medjerda. Ainsi s’explique sans doute l’importance des constructions hellénistiques à Bulla Regia. Le culte des Cereres, venu de Sicile, mais après avoir longuement transité par Carthage, est très répandu dans l’ancien territoire de celle-ci. Il gagne manifestement les populations paysannes du nord-ouest de l’actuelle Tunisie depuis la grande cité punique329.
130La Sardaigne n’est probablement pas étrangère à la transmission des influences extérieures. La représentation d’Isis sur les monnaies d’Iol et d’Ikosim semble venir directement de cette région. Les monnaies de Cossura laissent ainsi apparaître une représentation tout à fait similaire. Les ressemblances avec les émissions d’Ikosim sont plus frappantes car le buste d’Isis est de même couronné par une victoire330.
131Enfin, on peut penser que Rome joue également un rôle dans la diffusion de l’hellénisme après la chute de Carthage. M. Coltelloni-Trannoy a bien mis en valeur l’utilisation de l’hellénisme par Auguste afin de favoriser le processus de romanisation de la Maurétanie de Juba II331. L’hellénisation se révèle ainsi un « préambule indispensable à la romanisation »332. À l’époque qui nous intéresse ici, l’action de Rome n’est guère évidente à cerner mais elle est probable dans la diffusion des traditions urbanistiques. Les Romains ont adopté le système d’organisation urbaine hellénistique et le plan de la Carthage romaine illustre bien ce phénomène333. Rappelons par ailleurs que la construction du monument hellénistique identifié dans le secteur des thermes memmiens de Bulla Regia est postérieure à la chute de Carthage et contemporaine de l’époque à laquelle les Italiens sont implantés dans la région.
132La pénétration des influences carthaginoises emprunte vraisemblablement de même différentes voies. L’importance de la religion punique dans les établissements localisés dans l’actuel Nord-Ouest tunisien est liée, de toute évidence, au fait qu’ils demeurent sous domination carthaginoise jusqu’au milieu du IIe siècle av. J.-C. Nous avons pu également constater dans cette région une plus grande diversité des cultes puniques. À la prédominance de Baal Hammon et de Tanit s’ajoutent les cultes voués à Astarté ou Hoter Miskar. Mais si les traditions de la cité punique sont bien attestées dans cette région, il faut souligner l’importance de l’élément libyque dans les pratiques funéraires, l’écriture, ou encore les institutions. Ainsi, l’importance de l’influence carthaginoise, si elle est incontestable, ne doit pas être surestimée.
133La présence d’une communauté carthaginoise à Cirta est par ailleurs très vraisemblable. Nous ne pouvons déterminer dans quelle mesure les commerçants carthaginois fréquentent la capitale et sa région avant l’an 146 av. J.-C., mais l’existence du sanctuaire d’El Hofra tend à démontrer que des Carthaginois sont implantés dans la capitale numide au IIe siècle av. J.-C. Sur les stèles d’El Hofra, la grande majorité des noms sont en effet puniques et les personnages en question portent des titres et des fonctions qui existent à Carthage, tels des prêtres, des scribes, des médecins, des artisans334. Ces stèles, plus richement ornées que celles de Thugga ou de Bulla Regia, tendent à prouver que des artisans carthaginois ont introduit leur savoir-faire et leurs thèmes335. La chute de Carthage favorise sans doute l’exode de cette population dans la capitale numide à partir du règne de Micipsa.
134Le haut degré de punicisation de Cirta doit également être rattaché à l’action des rois numides, en particulier à Massinissa I. Ennemi de Carthage, le roi numide contribue paradoxalement au rayonnement de la civilisation carthaginoise en faisant de sa capitale un foyer de culture punique. Il est possible, comme le pense G. Camps, que cette politique vise à « civiliser » ses sujets336.
135Si une route intérieure devait relier Cirta à Hippo Regius, en passant par Calama, la pénétration des influences puniques à Hippone est sans doute davantage liée aux relations maritimes entretenues soit directement avec Carthage, soit plutôt par l’intermédiaire de la Sardaigne. Les monnaies sardes recueillies à Hippone sont ainsi plus nombreuses que les monnaies de Carthage337.
136Enfin, il n’est pas exclu que Rome ait elle-même contribué à maintenir la civilisation punique, étant donné la forte persistance de la religion et de la langue de Carthage après l’annexion de la Numidie et de la Maurétanie. La construction du temple d’Hoter Miskar à Mactar invite notamment à plaider en faveur de ce phénomène.
137Dans l’Ouest, il est probable que les cultes, les coutumes, la langue et l’écriture puniques pénètrent par l’intermédiaire du Levant ibérique et des Baléares. Outre les liens étroits mis en valeur entre les sites de ces régions et de l’Ouest algérien, il apparaît que la divinité représentée au revers des monnaies d’Ikosim présente d’étroites analogies avec la représentation du dieu Bès qui orne les monnaies d’Ebusus338.
Conclusion
138Des différences notables caractérisent le processus d’insertion de la Numidie et celui de la Maurétanie dans la sphère romaine.
139Les souverains numides adhèrent au système de l’amicitia à l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C. Ils se placent dès lors sous la protection des chefs militaires romains, combattent à leurs côtés, et envoient des renforts ou fournissent une aide logistique lors des grandes expéditions militaires que Rome mène en Méditerranée. Les rois maures ne s’allient aux Romains qu’un siècle plus tard et ne s’impliquent militairement qu’à partir du milieu du Ier siècle av. J.-C. En comparaison aux autres « rois alliés et amis du peuple romain » de Méditerranée, l’intégration de la Numidie dans ce système politique peut en outre être considérée comme précoce339. Ce phénomène révèle les intérêts que représente cette région pour Rome.
140Cherchant à concrétiser leurs ambitions, les souverains acceptent d’adhérer au système relationnel, institutionnel et politique romain, et permettent ainsi à Rome de s’ingérer progressivement dans les affaires internes et l’organisation de leurs royaumes. Même si les intérêts de chacun se conjuguent, Rome reste maîtresse du jeu et les royaumes se retrouvent dans une situation de dépendance implicite. L’ingérence romaine s’accompagne d’une implantation italienne croissante. Elle a davantage de portée en Numidie, car d’une part les relations se nouent à une époque plus ancienne, d’autre part le royaume est considéré par les populares comme une propriété du peuple romain. L’ingérence et l’implantation romaines, de cette manière, se trouvent justifiées.
141L’une des grandes étapes du processus d’insertion de la Numidie dans la sphère romaine correspond à l’année 148 av. J.-C., date de la première intervention de Rome dans le choix des successeurs au trône – du moins si l’on en croit les sources textuelles anciennes –. C’est durant cette même période que l’on assiste au renforcement des liens commerciaux entre l’Italie et la Numidie. La guerre de Jugurtha est une autre étape importante puisqu’elle procure à Rome de plus amples occasions d’intervenir dans les affaires du royaume et facilite l’installation d’Italiens au sein de celui-ci. Enfin, les guerres civiles romaines ont les mêmes conséquences. Elles constituent une phase primordiale dans la mesure où leur déroulement en terres africaines finit par avoir de sérieuses répercussions en Numidie.
142En Maurétanie, la guerre de Jugurtha se révèle être également une période charnière. Elle marque non seulement l’établissement des premières relations politiques avec Rome, avec l’insertion du royaume dans le système de l’amicitia, mais aussi le début d’une certaine ingérence romaine. L’action de Bocchus I est déterminante et il est d’ailleurs possible d’établir un rapprochement chronologique entre l’alliance du roi maure avec Rome durant ce conflit et l’ouverture généralisée de la Maurétanie occidentale au commerce romain, ainsi que l’implantation des négociants italiens au sein du royaume. Les guerres civiles correspondent de même à un moment clé, puisque les souverains maures s’impliquent directement dans ces conflits. Les luttes entre factions romaines donnent surtout l’occasion à Rome d’intervenir dans les conflits locaux, puis dans la gestion du royaume, avec l’octroi aux habitants de Tingi de la citoyenneté romaine.
143Par l’intermédiaire des liens d’amicitia, Rome vise sans aucun doute à intégrer le territoire numide à l’intérieur du monde romain. Cependant, ce système relationnel n’a pas pour autant véritablement conduit à la fin du royaume340. La mise en place des liens d’amicitia sert de prétexte à une position hégémonique de la part de Rome. Mais elle vise surtout, outre à bénéficier du soutien militaire et logistique numide, à assurer une certaine stabilité politique dans cette région. Elle favorise donc l’émergence d’un pouvoir royal relativement fort341, mais Rome fait toutefois en sorte que celui-ci ne devienne pas menaçant. Ce sont surtout les mauvais choix politiques de Juba I puis d’Arabion qui scellent le sort de la Numidie. Leur implication militaire durant les guerres civiles romaines aboutit en effet à la mort des deux rois, à l’annexion d’une partie de leurs territoires par Bocchus II et Sittius et à l’intégration de l’autre au sein de la province romaine d’Afrique. L’adhésion des rois aux liens d’amicitia n’est donc qu’indirectement à l’origine de la disparition du royaume numide.
144Rome semble moins encline à viser concrètement l’annexion de la Maurétanie. Nous n’avons pas trace en tout cas d’une politique de peuplement avant l’interrègne. En revanche, le développement des liens d’amicitia semble bien avoir préparé le terrain à l’annexion. En effet, les rapports privés établis entre Bocchus II et Octave permettent vraisemblablement à ce dernier de bénéficier d’un legs. Il est ainsi possible que le roi maure ait signé, avant sa mort, une donation en faveur d’Octave, faisant ainsi présent de son royaume à Rome342.
Notes de bas de page
1 Supra, p. 24.
2 Polybe, III, 33, 15.
3 Sur l’alliance massylo-carthaginoise, supra, p. 24. Sur le traité établi entre Syphax et les Romains, infra, p. 153-155.
4 Sur l’étendue des territoires d’ores et déjà conquis par Syphax en
5 Tite-Live, XXV, 34-36 et 40-41 ; XXVI, 21 et 40 ; XXVII, 5 et 18-20 ; XXVIII, 13, 18-19 et 35. Appien, Lib., 10 ; Iber., 16, 25 et 27. Voir aussi Gsell 1913-1930, III, p. 183, n. 3.
6 Supra, p. 9-10. Voir aussi Salluste, Bell. Iug., V.
7 Tite-Live, XXIX, 29 et 34. Polybe, XV, 5, 11 ; 9, 8 ; 12, 1-6 ; 14. Appien, Lib., 41. Voir aussi Gsell 1913-1930, III, p. 208 et n. 4.
8 Appien, Iber., 37 et Lib., 10.
9 Tite-Live, XXIX, 23 ; Polyen, VIII, 16, 7 (cf. Gsell 1913-1930, III, p. 187, n. 2 et p. 198, n. 1). Voir aussi Briand-Ponsart 2005, p. 333.
10 Gsell 1913-1930, III, p. 187 ; Decret – Fantar 1981, p. 103.
11 Supra, p. 7-10.
12 L’ensemble de ces témoignages est issu de Tite-Live, XXIX, 30.
13 Polybe, III, 33, 15.
14 De tels témoignages sont également attestés dans les cités de Maurétanie, infra, p. 157. Sur le trésor de Béjaïa, Soltani 2000, p. 1779-1782 ; Id. 2005, p. 35-43.
15 Supra, p. 9, n. 7.
16 Tite-Live, XXIV, 48-49.
17 Voir les conclusions de St. Gsell (1913-1930, II, p. 306 et III, p. 186 et 192), de Ch. Saumagne (1966, p. 68 et 80) et de J. Desanges (1978a, p. 647).
18 Tite-Live, XXVII, 4, 5-9.
19 Appien, Iber., 29-30 et Lib., 10 ; Tite-Live, XXVIII, 17 et 18. Voir aussi Silius Italicus, XVI, 170-276.
20 Sur ces épisodes, Tite-Live, XXIX, 29-31.
21 Tite-Live, XL, 17.
22 Tite-Live, XXIX, 23 et XXX, 13 ; Polybe, XIV, 1, 4 ; Appien, Lib., 27. Voir Gsell 1913-1930, III, p. 197, n. 5.
23 Sur le déroulement de ces négociations et de ces combats en Afrique, voir principalement Polybe, XIV, 1-10 et XV, 1-9 ; Tite-Live, XXIX et XXX ; Appien, Lib., 7-66. Voir le résumé des opérations dans Gsell 1913-1930, III, p. 208-240.
24 Supra, p. 53-56.
25 Decret – Fantar 1981, p. 91-99. Avis partagé par Cl. Briand-Ponsart (2005, p. 337).
26 Supra, § 1.1.3.1.1.
27 D’après Salluste, Massinissa I entoure Scipion Émilien « de prévenances et de sollicitude, comme il était naturel, s’agissant d’une amitié qui remontait au grand-père du jeune homme (Scipion) » (Salluste, Bell. Iug., V, 3). Le Romain rend probablement visite à Massinissa I à plusieurs reprises (Appien, Lib., 72 ; Gsell 1913-1930, III, p. 308, n. 3). Scipion Émilien a été adopté par le fils aîné de Scipion l’Africain (Diodore, XXXII, 7 ; Plutarque, Caton l’Ancien, 27 ; Zonaras, IX, 27, p. 464, d ; De vir. ill., 58 ; Eutrope, IV, 10, 3 ; Paul Orose, Adv. Pagan., IV, 22, 1). Sur l’importance d’une amicitia personnelle avec les Cornelii, voir Sanz 2013, p. 157-158.
28 Tite-Live, XLIV, 18 ; Gsell 1913-1930, III, p. 311-312.
29 Tite-Live, XXXI, 11 et 19 ; XXXII, 27.
30 Tite-Live, XXXVI, 3-4.
31 Tite-Live, XLII, 62 (voir aussi XLII, 29, 35, 52 et 65) et XLIII, 6.
32 Appien, Iber., 46 ; Lib., 71-72. Selon Valère-Maxime (II, 10, 4 et V, 2, ext. 4), le roi massyle aurait également remis à Scipion une grande partie de son armée. Sur la date de cet épisode, Gsell 1913-1930, III, p. 311, n. 2.
33 Appien, Lib., 105 ; Valère Maxime, V, 2, 4 ; Zonaras, IX, 27, p. 465, a.
34 Appien, Lib., 107, 109, 126 ; Zonaras, IX, 27, p. 465, b. Asdrubal aurait fait appel à Gulussa en tant qu’ambassadeur auprès de Scipion Émilien pour tenter d’obtenir la paix. Le Numide aurait attiré l’attention du Romain sur la nécessité de mettre fin à la campagne (Polybe, XXXVIII, 7-8).
35 Appien, Iber., 67.
36 Salluste, Bell. Iug., VII, 2 ; Appien, Iber., 89.
37 Sur cet épisode, Tite-Live, XXVII, 4 ; XXVIII, 17 ; XXIX, 3, 4 et 30.
38 Silius Italicus, Pun., III, 257-258. Polybe (III, 33, 15 ; XV, 11, 1) et Tite-Live (XXIII, 26 et 29 ; XXIV, 15 ; XXX, 33) font également allusion à des mercenaires maures dans l’armée carthaginoise durant la deuxième guerre punique. Sur les lots monétaires, Gozalbes Cravioto 1998a, p. 22 ; Alfaro Asins 1993, p. 9-46.
39 Polybe, III, 59, 7. Voir aussi Pline, HN, V, 9.
40 Salluste, Bell. Iug., XIX.
41 Salluste, Bell. Iug., LXXX-LXXXI et XCVII.
42 Salluste, Bell. Iug., CIV et CXI ; Plutarque, Marius, 32.
43 Salluste, Bell. Iug., XCVII.
44 Salluste, Bell. Iug., CXI.
45 Salluste, Bell. Iug., CVIII et CXI.
46 Gsell 1913-1930, VII, p. 214.
47 Strabon, II, 3, 4.
48 Salluste, Bell. Iug., LXXX. Voir aussi LXXXVIII.
49 Diodore, XXXVI, 5, 4. Ce texte ne précise pas qui envoie ces troupes mais il est logique de penser qu’il s’agit du roi maure.
50 Sénèque (De Brev., 13, 6) indique que le roi Bocchus a expédié des archers pour les mettre à mort lors d’un combat contre des lions. Pline (HN, VIII, 20) précise que cent lions ont été lâchés. D’après Plutarque (Sylla, 5, 2), on pensait à Rome que Sylla offrirait de brillantes scènes de chasse et des combats de bêtes fauves de Libye, étant donné son amitié avec Bocchus.
51 Plutarque, Marius, 10 et 32 ; Sylla, 6. De vir. ill., 75. Voir aussi Appien, Bell. civ., I, 62.
52 Salluste, Bell. Iug., LXV.
53 Supra, p. 70-72.
54 Plutarque, Marius, 35, 37 et 40 ; Appien, Bell. civ., I, 62 ; Tite-Live, Epit., LXXVII.
55 Supra, § 1.2.1.2. et 1.3.5.1.
56 Plutarque, Pompée, 7-12.
57 Pline, HN, VIII, 54 ; Deniaux 2000, p. 1303.
58 Dion Cassius, XLI, 11.
59 Plutarque, Sertorius, 11-13 et 19 et supra, § 1.2.1.2. pour la citation.
60 Nous utilisons ici partiellement une liste de témoignages réunis par M. Majdoub (1992, p. 237-238 ; Id. 1998, p. 1323). Cependant, nous ne partageons pas l’interprétation de ce dernier concernant le motif de l’intervention de Pompée. Ce dernier serait venu rétablir Sosus/Mastanesosus sur le trône à la suite d’une usurpation d’Ascalis. Lire notre interprétation, supra, § 1.2.1. Par ailleurs, les niveaux de destruction/abandon des sites de Lixus, de Siga et des Andalouses, évoqués par M. Majdoub pour illustrer le passage des troupes de Pompée en 81 av. J.-C., sont manifestement plus tardifs. Ceux de Lixus sont plus probablement liés aux conséquences des luttes entre Bogud et Bocchus II en 38 av. J.-C., tout comme ceux de Sidi Abdeslam del Behar, Tamuda et Kitzan (Tarradell 1960, p. 150, 158 et 293-294 ; Gozalbes Cravioto 1978, p. 18 ; El Khayari 1996, p. 201-205). Ceux des sites oranais correspondent à des niveaux de destruction/abandon pouvant être datés vers les années 40-30 av. J.-C. (voir à ce sujet Bridoux 2008b, p. 396-400).
61 Bell. Afr., XXII.
62 Plutarque, Pompée, 25.
63 Pline, HN, VII, 95-96.
64 Supra, § 1.2.2. D’après Plutarque, « comme le peuple était en train d’élire Caton préteur et lui apportait ses suffrages, Pompée congédia l’assemblée sous prétexte de mauvais présages, et au lieu de Caton, les tribus, corrompues à prix d’argent, nommèrent Vatinius » (Plutarque, Pompée, 52).
65 Appien, Bell. civ., IV, 54.
66 Sur le déroulement des opérations auxquelles participent les Numides jusqu’à la bataille finale de Thapsus, Gsell 1913-1930, VIII, p. 5-23, 43 et 94-138 ; Alföldi 1959, p. 1-4 ; Romanelli 1959, p. 111-128 ; Bertrandy 1990, p. 289-297.
67 César, Bell. civ., II, 25 et 40-42 ; Dion Cassius, XLI, 42 ; Appien, Bell. civ., II, 45.
68 César, Bell. Alex., LI, 1. Cette expédition échoue, infra pages suivantes.
69 Bell. Afr., XIII, 1 ; XIX, 3 ; XIX, 6.
70 Bell. Afr., XLVIII, 1 et XXV, 4-5 ; Dion Cassius, XLIII, 3-4. Appien livre une version quelque peu différente : selon l’auteur, Juba I aurait amené contre César environ trente mille fantassins, vingt mille cavaliers numides, soixante éléphants et quantité de lanceurs de javelots (Appien, Bell. civ., II, 96). Sur les conquêtes de Bocchus II et Sittius, supra, § 1.2.3.
71 Bell. Afr., II, 25.
72 Voir en particulier Bell. Afr., LXXXVI, 2 ; Florus, II, 13, 67.
73 Supra, p. 144-145.
74 Infra, p. 172.
75 Infra, § 3.1.2.
76 Dion Cassius, XLIII, 4.
77 Bertrandy 1980, p. 19-20 et 1988, p. 291 ; Alexandropoulos 2005, p. 204- 205. Sur ce monnayage, supra, § 2.2.4.
78 Majdoub 1998, p. 1327-1328.
79 César, Bell. civ., I, 6 et 39.
80 Lucain, III, 290-300.
81 Bell. Afr., 3 ; 6 ; 7 ; 83. St. Gsell estime donc probablement à tort que l’auteur du Bellum Africum est victime d’une confusion entre les Maures et les Numides (Gsell 1913-1930, VIII, p. 63-65 et 130).
82 César, Bell. civ., I, 60.
83 Supra, p. 50.
84 Supra, p. 51.
85 Bell. Afr., XXIII. Ces événements semblent s’être produits au moment où César se trouve déjà en Afrique.
86 Gsell 1913-1930, VIII, p. 44-46. E. Gozalbes Cravioto considère qu’Ascurum correspond indubitablement à Melilla, mais aucun élément ne permet d’appuyer cette opinion (Gozalbes Cravioto 1994b, p. 292).
87 Elle porte l’inscription CN. MAG d’un côté et IMP de l’autre, cf. Marion 1960, p. 488.
88 L’édification du rempart de Volubilis serait plus précisément datable entre les années 80 et 40/30 av. J.-C (Bouzidi 2001, p. 216 ; Id. 2004, p. 1941). Sur Thamusida, cf. Akerraz – El Khayari – Papi 2009, p. 147-170.
89 César, Bell. Alex., LI, 1 ; LIX, 2 ; LXII, 1.
90 Dion Cassius, XLIII, 36 et 38. Pour plus de détails concernant les interventions de Bogud en Espagne, Gozalbes Cravioto 1994b, p. 287-291. Dans son article, l’auteur commet néanmoins quelques confusions quant aux partis pris de Bogud et Bocchus II dans ce conflit. Il considère par ailleurs à tort ces derniers comme les fils de Bocchus I. Sur la généalogie des rois maures, supra, § 1.2.
91 Majdoub 1998, p. 1327-1328. L’effigie de l’Afrique coiffée d’une dépouille d’éléphant serait tout particulièrement inspirée d’une monnaie d’or commémorant le premier triomphe de Pompée. Sur la date d’émission de cet aureus, Babelon 1885-1886, II, p. 342, n° 6 (daté de 81 av. J.-C.) ; Crawford 1974, p. 412, n° 402, 1a-b (daté de 71 av. J.-C.) ; Sydenham 1952, p. 171, n° 1028 (daté de 61 av. J.-C.).
92 Contrairement à ce que nous avons présumé initialement (Bridoux 2011, n. 88). Sur le parti pris de Bocchus II pour Octave, infra pages suivantes.
93 Février J.-G. 1961, p. 12-14.
94 Coltelloni-Trannoy 1999, p. 71.
95 César, Bell. civ., I, 6, 3-4.
96 Supra, p. 51-52.
97 Appien, Bell. civ., IV, 53-55. Voir aussi sur ces épisodes Dion Cassius, XLVIII, 21.
98 Suivant l’avis de St. Gsell (1913-1930, VIII, p. 189).
99 Sur ces événements, Dion Cassius, XLVIII, 22 ; Appien, Bell. civ., V, 12 et 26.
100 Cicéron, Ad fam., X, 30 (cf. Gsell 1913-1930, VIII, p. 199).
101 Cicéron, Ad fam., X, 32 (cf. Gsell 1913-1930, VIII, p. 199).
102 Selon Appien (Bell. civ., V, 26), Bocchus est chargé de mener cette attaque. Il s’agit là, à l’évidence, d’une erreur de l’auteur (Gsell 1913-1930, VIII, p. 199).
103 Dion Cassius, XLVIII, 45, 1.
104 Suivant l’hypothèse de St. Gsell (1913-1930, VIII, p. 200, d’après Porphyre, De abstinentia, I, 25).
105 Supra, p. 51. Plutarque (Antoine, 61) confond à l’évidence Bocchus et Bogud en énumérant les rois alliés de Marc Antoine.
106 De manière générale, d’après M. Coltelloni-Trannoy, l’établissement des liens de clientèle entraîne la soumission, de type juridique et politique, des souverains à Rome (Coltelloni-Trannoy 1997b, p. 60-61). J. Desanges estime de son côté que l’infortune de Syphax inaugure la longue dépendance des royaumes (Desanges 1978a, p. 647). Selon Ph. Leveau, les rois amis et alliés subissent la suprématie romaine dès le IIe siècle av. J.-C. (Leveau 1984, p. 316).
107 Selon St. Gsell (1913-1930, VII, p. 135), « Massinissa termina sa vie par une sorte d’aveu que les destinées de la Numidie dépendaient des Romains ». Voir aussi Gsell 1913-1930, III, p. 308 (l’auteur conclut que Massinissa a une attitude de vassal envers Rome). D’après G. Camps, « il s’agit plus que d’un aveu d’impuissance et de sujétion : par cette décision, Massinissa n’agissait pas en souverain mais en simple mandataire de Rome » (Camps 1960a, p. 231).
108 Callegarin 2002, p. 19.
109 Callegarin 1999, p. 471-473 ; Id. 2002, p. 19.
110 Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 10 et 22.
111 Saumagne 1966, en particulier p. 25-97.
112 Tite-Live, XXX, 11 et 15 ; XXX, 44. Voir aussi XXXVII, 25 ; XXXVII, 53. Pour rappel, la concession à Massinissa, par le peuple romain, de villes et de territoires ayant appartenu au roi masaesyle est également mentionnée explicitement par Apulée (supra, p. 17) et par Salluste (supra, p. 54). Il en est de même de Valère-Maxime (V, 2, ext. 4) : « Grâce aux services que Scipion lui (Massinissa) rendait […], il avait vu son royaume s’agrandir de plus qu’il ne possédait déjà, et au souvenir de ce magnifique cadeau […], il a accordé (à Scipion) une fidélité d’une constance parfaite […] ».
113 Tite-Live, XXX, 14-15.
114 Sur le mépris de Tite-Live envers le comportement de Massinissa, voir par ailleurs Briand-Ponsart 2005, p. 327-343.
115 Polybe XIV, 4, 4 ; XV, 5, 12 et 13. Voir à ce sujet Saumagne 1966, p. 48-49.
116 Appien, Lib., 11-23 et 26. Voir Saumagne 1966, p. 85.
117 Appien, Lib., 28. Voir Saumagne 1966, p. 84-85 et 91.
118 Polybe, XV, 5, 12 ; 9, 8 ; 12, 1-6 ; 14. Appien, Lib., 41.
119 Gsell 1913-1930, III, p. 308-309. L’historien note par ailleurs que Rome semble s’être attribuée les conquêtes effectuées aux dépens de Syphax. J. Desanges estime de son côté que la victoire romaine à l’issue de la deuxième guerre punique est due à deux facteurs, la tactique de Scipion et l’appoint de la cavalerie numide de Massinissa (Desanges 1978a, p. 622).
120 Salluste, Bell. Iug., XIV, 8 et 19. La notion de propriété du peuple romain se retrouve également dans le chapitre XXIV (lettre d’Adherbal, suppliant les Romains de lui rendre le royaume dont Jugurtha s’est emparé, et dont la lecture est faite au sénat) : « le royaume qu’il (Jugurtha) occupe par les armes, c’est le vôtre », ou encore : « disposez à votre gré du royaume de Numidie, puisqu’il est à vous » (XXIV, 8 et 12).
121 Cf. à ce sujet Saumagne 1966, p. 27.
122 Salluste, Bell. Iug., XIV, 1
123 Tite-Live, XLV, 13 ; Saumagne 1966, p. 41.
124 César, Bell. civ., II, 25, 4 ; Dion Cassius, XLI, 41, 3 ; Lucain, IV, 689-691.
125 Le questeur Manlius se serait exprimé en ces termes à Bocchus : « les Romains avaient enlevé ce territoire à Syphax en vertu de la loi de la guerre, et (qu’) ils en avaient fait présent à Massinissa ». Mais Massinissa « était mort et Jugurtha, pour avoir tué les fils de Massinissa, était devenu l’ennemi des Romains. Ainsi donc, il n’était plus légitime ni que l’ennemi conserve un présent que nous avons donné à un ami, ni que toi tu te figures que c’est à Jugurtha que tu enlèves ce qui appartient aux Romains » (Appien, Num., 4). Voir aussi Salluste, Bell. Iug., CII, 13.
126 Salluste, Bell. Iug., XXXV.
127 Cicéron, Post redit. ad Quirites, 8, 20 (cf. Gsell 1913-1930, VII, p. 263).
128 Supra, p. 78 et 160.
129 Supra, p. 75-80.
130 Plusieurs sources sont formelles à ce sujet, voir les récits de Polybe, d’Appien et de Tite-Live (supra, § 1.3.1).
131 Suivant St. Gsell, nous pouvons donc observer que Rome laisse subsister des causes d’inimitié entre les deux États, et cela, dans son intérêt (Gsell 1913- 1930, III, p. 312). Un discours prêté par Tite-Live aux Carthaginois illustre le caractère inévitable de ces contestations. Ceux-ci se seraient ainsi plaints devant le sénat romain en 193 av. J.-C. : « Si l’on voulait […] remonter au titre primordial, les Carthaginois avaient-ils dans toute l’Afrique une seule propriété légitime ? […]. Tout ce qu’ils occupaient au-delà de Byrsa, leur premier asile, n’étaient dû qu’à la violence et à l’usurpation. À l’égard du pays contesté, ils ne pouvaient prouver ni une possession non interrompue postérieurement à la première occupation, ni une longue possession. Suivant les diverses conjonctures, elle avait passé tantôt aux Carthaginois, tantôt aux rois numides ». Tite-Live, XXXIV, 62.
132 De même, Rome exploite manifestement, plus tard, les convoitises de Bocchus I pour le convaincre de livrer Jugurtha.
133 Supra, § 1.3.1.
134 Sur la répartition des attributions royales entre les fils de Massinissa I (Micipsa, Mastanabal et Gulussa), supra, p. 64.
135 Polybe, XXXVI, 16 ; Appien, Lib., 105-106 ; Tite-Live, Epit., L ; Valère-Maxime, V, 2, 4 ; Zonaras, XI, 27, p. 465, a.
136 Voir à ce sujet Camps 1960a, p. 232.
137 Sur le mode de succession traditionnel de la dynastie massyle avant Massinissa I, supra, § 1.1.1.
138 Camps 1960a, p. 232. Sur ces constitutions municipales, supra, § 2.2.1.1.
139 En accord avec une proposition de St. Gsell (1913-1930, III, p. 365). Sur le caractère pacifique de Micipsa, Appien, Lib., 106.
140 D’après ces mêmes textes, Massinissa I fait visiblement appeler Scipion peu avant de mourir.
141 Salluste, Bell. Iug., XX, 2.
142 Supra, § 1.3.5.2. La cession de ce territoire à titre privé constitue une situation irrégulière. Voir à ce sujet Heurgon 1957, p. 7-24 ; Coltelloni-Trannoy 2005a, p. 130-131.
143 Suivant l’avis de St. Gsell (1913-1930, VIII, p. 157-158).
144 Dion Cassius, XLVIII, 45, 3.
145 Gascou 1974, p. 67-71. Le statut de la cité à l’époque augustéenne a fait l’objet de controverses. Tingi reste visiblement municipe jusqu’au règne de Claude, sous lequel elle devient colonie romaine (voir notamment Hamdoune 1994, p. 81-87 et plus récemment le bilan de la question dans Bernard – Callegarin 2017, p. 183-192).
146 Octave inscrit alors la Maurétanie au nombre des provinces. Bocchus II signe peut-être, avant sa mort, une donation en faveur d’Octave, mais la question du testament reste incertaine. La Maurétanie, suite à la mort de Bocchus II, est dans une situation transitoire (interrègne). Après l’interrègne, Rome place Juba II sur le trône de Maurétanie. Son fils Ptolémée lui succède, le royaume n’étant officiellement annexé qu’après la mort de ce dernier, en 40 ap. J.-C. Cf. Dion Cassius, XLIX, 43 ; Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 19-27.
147 À ce sujet, voir par exemple supra, § 2.2.2.
148 Sur Massinissa I, cf. Tite-Live, XXX, 15 et 17. Sur Adherbal, cf. Salluste, Bell. Iug., XXIV, 3. Sur Hiempsal II, cf. Cicéron, Leg. Agrar., II, 22, 58. Sur Juba I, cf. Dion Cassius, XLI, 42, 7. Sur Bocchus I, cf. Plutarque, Marius, 32. Sur Bocchus II et Bogud, cf. Strabon, XVII, 3, 7 et Dion Cassius, XLI, 42, 7.
149 Ces récompenses sont remises par le sénat romain ou par les patrons qui, comme le souligne M. Coltelloni-Trannoy, jouent dans ce cas un rôle d’intermédiaire entre les rois clients et le pouvoir central romain. On ignore toutefois quel degré de liberté est consenti aux représentants de Rome (Coltelloni-Trannoy 1997b, p. 73, n. 83 ; Coltelloni-Trannoy 2005a, p. 123).
150 Tite-Live, XXVII, 4 ; Braund 1984, p. 27-29.
151 Tite-Live, XXX, 15 et 17 ; Appien, Lib., 32.
152 Supra, § 1.3.1.
153 Supra, p. 40 et § 1.2.3.
154 Supra, § 2.2.2.
155 Types Mazard n° 1-16 ; Baldus 1991, p. 29-31. Supra, p. 121, n. 150.
156 Bertrandy 1980, p. 17 ; Alexandropoulos 2000, p. 174.
157 Bertrandy 1980, p. 17 ; Alexandropoulos 2000, p. 174-178 ; contra Mazard 1955, p. 50-51.
158 Supra, § 2.2.4.
159 Bertrandy 1980, p. 19.
160 Types Mazard n° 84-86, 88. À comparer avec les monnaies des rois précédents (Mazard 1955, p. 30-43).
161 On retrouve cette effigie sur les émissions de Caton fabriquées à Utique. Cf. Crawford 1974, n° 462 ; Bertrandy 1980, p. 18.
162 Supra, § 2.2.4.
163 Crawford 1974, n° 461/1 ; Bertrandy 1980, p. 19.
164 Alexandropoulos 2000, p. 185 ; contra Bertrandy 1980, p. 12-17 et fig. 7-8.
165 Alexandropoulos 2000, p. 186. Voir aussi Bertrandy 1990, p. 297.
166 Sur ce projet, supra, p. 172.
167 Supra, p. 91.
168 Suivant les attributions de J. Mazard (1955, p. 59) ; Coltelloni-Trannoy 1999, p. 71.
169 Celle-ci constitue sans doute, pour rappel, une référence aux liens entretenus avec Octave, supra, p. 165.
170 Pour rappel, les motifs animaliers qui ornent les autres séries monétaires (types Mazard n° 119 à 121) renvoient à des thèmes africains, supra, p. 103-104.
171 Alexandropoulos 2000, p. 209.
172 Le griffon qui apparaît au revers des deniers de Bogud (types Mazard n° 103-105) peut être rattaché à l’influence carthaginoise. L’animal accompagne par exemple les statuettes de Baal Hammon-Saturne trouvées au sanctuaire de Siagu. Alexandropoulos 1995, p. 158-159 ; Coltelloni-Trannoy 1999, p. 81 ; Alexandropoulos 2000, p. 207.
173 Alexandropoulos 1995, p. 154-156 ; Id. 2000, p. 207.
174 Sur l’analyse des données, Bridoux 2009, p. 153-183.
175 On constate alors non seulement la rareté des importations italiennes, mais aussi celles des autres régions de Méditerranée. La Maurétanie paraît de fait être restée en marge du commerce méditerranéen (Morel 1968a, p. 55-76 ; Id. 1992, p. 217-233 ; Majdoub 1996, p. 287-302 ; Callegarin 1999, p. 438-447 ; Id. 2004, p. 505-546), un constat néanmoins modéré dès 2008 par L. Callegarin (2008, p. 303-318).
176 Ce phénomène a été mis en valeur par A. Hesnard et M. Lenoir (1985, p. 49-50).
177 Le thuya, production naturelle de Maurétanie (Strabon, XVII, 3, 4), est très prisé à Rome (Cicéron, Verres, 17, 37).
178 Pline, HN, V, 12. L’ivoire de Maurétanie est déjà recherché aux temps des navigations phénico-puniques (périple du pseudo-Scylax, 112 ; Strabon, XVII, 3,
179 Sénèque, De Brev, 13, 6 ; Pline, HN, VIII, 53 ; Plutarque, Sylla, 5.
180 Infra, pages suivantes.
181 Pline, HN, IX, 127 ; Pomponius Mela, III, 104.
182 Lucain, IX, 424-425.
183 Bridoux 2007, p. 419-434 ; Id. 2016, p. 73-82. Sur le concept de « Cercle du Détroit », voir en dernier lieu Coltelloni-Trannoy – Bridoux – Brouquier-Reddé 2016.
184 Bridoux 2007, p. 419-434.
185 Au total nous avons pu recenser treize fragments d’amphores Maña C2b sur lesquels figurent des timbres latins. Sur Sala, Boube 1973-1975, p. 231 ; Id. 1987-1988, p. 191. Voir aussi Tarradell 1954, p. 261 (Rusaddir) ; Mlilou 1991, p. 37 et fig. 37 (Kouass) ; Hassini 2001, p. 184 et Bonet Rosado et al. 2005, p. 115 (Lixus). Certains sont attestés sur des amphores Maña C2b recueillies à Zilil (information inédite issue des archives de fouilles de M. Lenoir, co-directeur de la mission archéologique franco-marocaine de Dchar Jdid/Zilil).
186 Les résultats exposés ci-dessous sont issus de notre Mémoire de l’École française de Rome présenté à l’Académie des inscriptions et belles-lettres (Bridoux 2010).
187 Les céramiques de type Kouass ont été identifiées grâce aux travaux menés par M. Ponsich dans les années 1960 sur ce site maurétanien (Ponsich 1969, p. 56-80). L’auteur les considérait comme des imitations de céramiques à vernis noir produites localement. Voir aussi Kbiri Alaoui 2007. L’étude d’A. M. Niveau de Villedary y Mariñas montre que cette appellation est en fait inappropriée car ces céramiques sont assurément fabriquées dans la baie de Cadix (Niveau de Villedary y Mariñas 2003).
188 Cette substitution est bien mise en valeur dans les fouilles de Lixus (Bonet Rosado et al. 2005, p. 117 et 125). Ces amphores sont nombreuses en Maurétanie occidentale (Callegarin 1999, p. 601-602). Sur les inscriptions latines présentes sur des amphores Dressel 7/11 de Maurétanie tingitane et datables du changement d’ère ou du Ier s. ap. J.-C., voir Callegarin 2000, p. 1348-1349.
189 Ponsich – Tarradell 1965, p. 9-77 ; Lenoir M. 1992, p. 274-275 ; Habibi 1995, p. 170-179 ; López Pardo – Villaverde Vega 1995, p. 455-472 ; Bernal Casasola et al. 2011, p. 204-213 ; El Khayari – Lenoir M. 2012, p. 131-145.
190 L’ensemble des données relatives aux importations italiennes en Numidie et en Maurétanie orientale est issu de la synthèse des publications disponibles et du réexamen mené durant notre thèse de doctorat dans les musées d’Oran, Cherchell, Constantine et Annaba à partir du mobilier des fouilles de G. Vuillemot aux Andalouses (Vuillemot 1965), de P. Gauckler à Gouraya (Gauckler 1915), du capitaine Hélo à Collo (Hélo 1895) et de J.-P. Morel à Annaba (Morel 1962-1965). Le détail de ces données est exposé dans la version dactylographiée de notre thèse de doctorat (Bridoux 2006b).
191 Salluste, Bell. Iug., XXIX, 4 et LVI, 3.
192 D’après Ptolémée Évergète II (cf. Gsell 1913-1930, III, p. 304). Voir aussi Bertrandy 1987, p. 211-241.
193 Gaggiotti 1988, p. 201-204.
194 Supra, p. 180, n. 177.
195 D’après Suidas (cf. Gsell 1913-1930, I, p. 145, n. 9).
196 Pline, HN, XIII, 95.
197 Gsell 1913-1930, I, p. 140.
198 Strabon, XVII, 3, 6 ; Gsell 1913-1930, V, p. 211.
199 Toubal 1995, p. 57-59.
200 Salluste, Bell. Iug., XXI, 4 et XXVI, 1-2. Quelques inscriptions du sanctuaire d’El Hofra, essentiellement datables du IIe siècle av. J.-C., confirment la présence d’Italiens à Cirta. Elles mentionnent deux noms latins et une dizaine de noms latins transcrits en punique. Cf. Berthier – Charlier 1955, 1, p. 176 (ILAlg. II, 1, 525) ; 3, p. 177 (ILAlg. II, 1, 526) et Bertrandy 1985, p. 494-495.
201 Bridoux 2006a, p. 1651-1670 ; Id. 2014, p. 180-201.
202 Bridoux 2009, p. 153-183.
203 Boube-Piccot 1999, p. 66.
204 L’inventaire des importations de bronze italiens a été publié dans Bridoux 2009, p. 164 (d’après les études de Chr. Boube-Piccot).
205 Hesnard – Lenoir M. 1985, p. 51 (commentaire de J.-P. Morel).
206 Supra, § 2.1.3. Les cités de Maurétanie occidentale ne semblent pas utiliser le latin sur leurs monnaies avant l’interrègne (Alexandropoulos 2000, p. 331-342).
207 Supra, p. 182, n. 185. Pour Lixus, Izquierdo Peraile et al. 2001, p. 151, fig. 5.
208 Tingi et Lixus conservent apparemment le néopunique jusqu’à l’époque impériale. Dès l’interrègne, néanmoins, la cité de Zilil n’émet que des monnaies à légende latine. À cette période, elle est devenue colonie romaine. Alexandropoulos 2000, p. 334, 336-340.
209 Février J.-G. dans IAM I, p. 83-97, n° 1-4.
210 Il s’agit d’une pierre funéraire qui pourrait provenir de la nécropole préromaine. Pour sa découverte, Majdoub 1994, p. 287. Pour sa lecture et son interprétation, El Khayari 2000, p. 55-68 ; Sznycer 2003a, p. 139-140.
211 Février J.-G. dans IAM I, p. 125-128, n° 123. L’auteur revient sur les interprétations de G. Marcy (1936, p. 90-102), J.-B. Chabot (RIL, p. 193) et J.-M. Solà Solé (1959, p. 371-378).
212 La seconde inscription punico-libyque présente des points communs avec la première, ce qui laisse envisager une datation du IIe siècle av. J.-C. (Galand – Sznycer 1970, p. 5-16).
213 Elle semble appartenir à une époque où l’écriture punique se différencie encore mal de l’écriture phénicienne. Février dans IAM I, p. 128-129.
214 Bridoux – Dridi 2012, p. 67-82. Voir aussi en complément les dernières découvertes de Rirha, cf. Callegarin et al. 2016b, p. 95-103.
215 Galand dans IAM I, p. 10-15.
216 Euzennat – Hallier 1986, p. 82-86 ; Lenoir M. – Akerraz – Lenoir É. 1987, p. 203-219 ; Brouquier-Reddé – El Khayari – Ichkhakh 2001, p. 189. Voir aussi plus récemment Brouquier-Reddé – El Khayari – Ichkhakh 2018, p. 55-60.
217 Bridoux 2011, p. 35-55.
218 Bonnet 1992, p. 129.
219 Le palais royal d’Antée, son combat avec Hercule et le jardin des Hespérides sont situés à Lixus. La légende est ainsi rapportée par Pline (HN, V, 3). Voir les commentaires de J. Desanges (1980a, p. 89).
220 Plutarque, Sertorius, IX, 8-10 ; Pline, HN, V, 1, 3-4 ; Mela, I, 5.
221 Pline, HN, V, 3 ; Strabon, XVII, 3, 2-3. Un temple d’Hercule aurait également été érigé à Lixus et serait plus ancien que celui de Gadès (Pline, HN, XIX, 63).
222 Galand – Sznycer 1970, p. 8 ; Xella 1992, p. 139.
223 La sculpture fut découverte par M. Tarradell en 1950 lors de la fouille d’un édifice situé sur le flanc méridional de la colline de Lixus (Tarradell 1952, p. 435-438 ; Tarradell 1956, p. 383-402).
224 Dridi 2005, p. 201-210. P. Cintas et C. Bonnet la situaient aux alentours des IIIe-IIe siècles av. J.-C., considérant qu’il s’agissait d’une œuvre du monde grec (Cintas 1954, p. 65-66 ; Bonnet 1992, p. 126).
225 Villaverde Vega 2004, p. 1862-1863.
226 Villaverde Vega 2004, p. 1846 et fig. 7. Ce type de figurine a également été signalé à Huelva, en Espagne.
227 Selon N. Villaverde Vega, ce sanctuaire aurait existé dès les IVe-IIIe siècles av. J.-C., l’auteur ayant mis au jour une fosse de cette époque qu’il interprète comme un puits rituel. Néanmoins, rien parmi le matériel exhumé dans cette fosse ne permet de le penser. Cette interprétation semble basée sur le fait que postérieurement à la fosse s’édifient les deux cryptes votives. Un nymphée, daté de la fin du Ier siècle av. J.-C. et du début du Ier siècle ap. J.-C. constituerait également une structure du sanctuaire. Mais à cette époque, les cryptes ne sont plus en service (Villaverde Vega 2004, p. 1843-1845, 1853-1857 et 1863). Le maintien du sanctuaire jusqu’à cette époque tardive paraît douteux.
228 Tarradell 1960, p. 113, pl. XIII ; Chérif 1991, p. 734-735 ; El Khayari 1996, p. 147-148 ; Sáez Romero et al. 2013, p. 183-234.
229 Pena 1989, p. 350-354 ; Chérif 1991, p. 737. Voir aussi l’ouvrage de Fr. Horn, en particulier le chapitre relatif aux brûle-parfums à figure féminine de l’espace ibérique (Horn 2011, p. 31-64).
230 Un brûle-parfum de type punique a également été recueilli à Volubilis. Il présente l’aspect d’une colonnette comprenant un fût, une base et un chapiteau, et évoque le style ionique. Des objets rituels similaires sont signalés à Volubilis, en particulier une autre colonnette au fût cannelé. Des brûle-parfums identiques à celui-ci sont connus à Carthage (Jodin 1966a, p. 505-510 ; Id. 1987, p. 240, pl. XVI, 4 et 5).
231 El Khayari 1996, p. 149-150 et 261.
232 Almagro Gorbea 1980, p. 94-95.
233 El Khayari 1996, p. 149-150. Certains d’entre eux ont été publiés dans Tarradell 1950a, p. 326-330 et Id. 1960, p. 112.
234 Tarradell 1960, p. 112, fig. 31 ; El Khayari 1996, p. 150 et 261.
235 L’objet provenant d’Emsa est inédit et signalé dans El Khayari 1996, p. 151. Sur Volubilis, Jodin 1987, p. 240.
236 Ces objets proviennent, selon M. Tarradell, de la nécropole préromaine de Tamuda (Tarradell 1950a, p. 326).
237 Astruc 1957, p. 187.
238 Vives y Escudero 1917, p. 170-174 ; Tarradell 1950a, p. 327-329 ; Astruc 1959, p. 107-134 ; Fantar 1966, p. 19-40. Sur Bulla Regia, Broise – Thébert 1993, p. 188. Sur Mactar, Picard C. et al. 1977, fig. 20, 28 et 25.
239 Manfredi 1990, p. 77.
240 La reprise des fouilles du temple B a permis de distinguer quatre états dans ce monument et d’attribuer les stèles au fonctionnement des trois premières phases (voir en dernier lieu Brouquier-Reddé et al. 2018, p. 135-150).
241 Huit cent quinze stèles votives, retrouvées pour l’essentiel en remploi dans le temple B, ont été publiées par H. Morestin (1980, p. 61-107 et 144-116). L’auteur proposait de les dater entre 60 et 180/200 ap. J.-C., sur des critères techniques et stylistiques. À cette série s’ajoutent d’autres exemplaires inédits, dont certains ont été retrouvés en 1995-1996 lors des nouvelles campagnes de fouilles (Brouquier-Reddé – El Khayari – Ichkhakh 1999, p. 343-369 ; Brouquier-Reddé et al. 2016, p. 150-152 ; Id. 2018, p. 138).
242 Des exemplaires recueillis en zone numide s’avèrent les plus semblables aux stèles volubilitaines (Brouquier-Reddé – El Khayari – Ichkhakh 1998, p. 65-72 ; Id. 1999, p. 343-369).
243 Le Glay 1966a, complété par Le Glay 1988, p. 188-237.
244 Une dédicace et un autel à Aulisua ont été découverts à Volubilis (Lenoir M. 1985-1986, p. 195-196, n° 2 ; Id. 1986, p. 295-297, tav. 1-4 ; Brouquier-Reddé 1994, p. 158-159 et n. 38, pl. XXIII, fig. 2-3).
245 Behel 1993, p. 117-130 ; Behel 1997, p. 25-51. Voir aussi Brouquier-Reddé et al. 2016, p. 130-161.
246 Tarradell 1954, p. 253-256 ; Id. 1960, p. 69. Sur la datation de la nécropole, Bridoux 2008b, p. 369-370.
247 La nécropole aurait en revanche été utilisée jusqu’au IVe siècle ap. J.-C. (Ponsich 1970, p. 173).
248 Ponsich 1970, p. 172-180.
249 Tarradell 1950b, p. 250-256.
250 Jodin 1960, p. 30-31.
251 Contra M. Ponsich qui propose de dater ce tombeau des VIe-Ve siècles av. J.-C. en se fondant sur les critères stylistiques (Ponsich 1967, p. 30).
252 Boube 1967, p. 264-367 ; Jodin 1966b, p. 511-516.
253 Jodin 1977, p. 305-307.
254 Laamiri-Habibi 2001, p. 85-91.
255 El Khayari 1996, p. 254-255 ; Sáez Romero et al. 2013, p. 209-213 (Tamuda). Villaverde Vega 2004, p. 1837-1876 (Rusaddir).
256 Tarradell 1960, p. 163 ; Euzennat 1965, p. 269-270 ; Lenoir É. 1986, p. 337- 342 ; Behel 1992, p. 239-248 ; El Khayari 1996, p. 261.
257 Sur Kouass, Ponsich 1969-1970, p. 79 ; Bridoux et al. 2011, p. 335-349 ; Id. 2012 ; Bridoux et al. 2013. Sur Banasa, Arharbi – Kermorvant – Lenoir É. 2001, p. 147-168 ; Arharbi – Lenoir É. 2004, p. 220-270 ; Arharbi et al. 2006, p. 2141- 2156 ; Arharbi – Lenoir É. 2016, p. 83-85.
258 Sur Volubilis, Bouzidi 2004, p. 1926 et fig. 3. Sur Lixus, Aranegui Gascó 2005, p. 26. Sur Banasa et Kouass, supra note précédente. Sur Rirha, Girard 1985, p. 98 ; Callegarin et al. 2006, p. 345-357 ; Id. 2016b, p. 44-84. Sur Tamuda, El Khayari 1996, p. 257 ; Sáez Romero et al. 2013, p. 209-213. Sur Zilil, Hesnard – Lenoir M. dans Akerraz et al. 1981-1982, p. 193-197 ; Lenoir M. 2004, p. 170- 171. Sur Thamusida, Lenoir M. 1985, p. 47-58 ; Lenoir M. 1999, p. 71-82.
259 Sur Kouass, Kbiri Alaoui – Bridoux – Dridi 2018, p. 67-78. Sur Sala, Lenoir M. 1999, p. 71-82. Sur Volubilis, Bouzidi 2004, p. 1926-1933. Sur Rusaddir, Villaverde Vega 2004, p. 1846.
260 Arharbi – Kermorvant – Lenoir É. 2001, p. 149-150.
261 Voir les remarques de la mission franco-marocaine de Zilil dans Depeyrot 1999, p. 15 ; Lenoir É. 2005, p. 68.
262 Sur Lixus, Habibi 1995, p. 232-237. Sur Sala, Boube 1966, p. 24-25. Sur Thamusida, Callu et al. 1965, p. 66-67. Sur Volubilis, Behel 1993, p. 262.
263 Selon M. Christol et J. Gascou, la cité de Volubilis ferait preuve, au début du Ier siècle ap. J.-C., d’une romanisation avancée (Christol – Gascou 1980, p. 329- 343). D’après l’inscription IAM II, 448, plusieurs historiens ont en effet considéré qu’un nombre important de citoyens romains de Volubilis est mort au cours de la révolte d’Aedemon, consécutive au meurtre de Ptolémée. Pour expliquer l’attachement de Volubilis au parti de Rome lors de cette révolte, J. Gascou et M. Christol supposent que ces citoyens doivent appartenir à des familles locales qui possèdent déjà la citoyenneté romaine avant que la cité ne devienne municipe sous le règne de Claude. Les auteurs émettent l’hypothèse d’un foedus liant directement Volubilis à Rome depuis l’interrègne. Ils pensent en outre que l’édilité existe déjà dans la cité avant l’octroi de son statut de municipe. Cependant, M. Lenoir a bien mis en valeur les raisons qui poussent à émettre des réserves quant à la quantité importante de citoyens romains présents à Volubilis à cette époque (Lenoir M. 1989, p. 94-101).
264 L’hellénisme semble ensuite s’effacer sous le règne de Ptolémée, ce qui tend à démontrer que les Romains n’ont plus besoin de ce support pour acquérir la faveur des notables africains (Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 142-143).
265 Bridoux 2007, p. 424-425.
266 Supra, p. 128.
267 « Lucius, fils de Mattanelin » (LKY BN MTNLN). Berthier – Charlier 1955, p. 20 ; Bertrandy 1985, p. 490-495 et 500.
268 Salluste, Bell. Iug., CI, 6.
269 Sur l’apparition des légendes latines sur les monnaies de Juba I et Bocchus II, supra, § 1.1.2. et 2.2.4.
270 Gauckler 1915, p. 322, n. 1 (Gunugu). Benseddik – Potter 1993, fig. 61, n° 3 (Iol).
271 Krandel Ben Younes 2002.
272 Voir par exemple supra, § 2.2.4.
273 Vuillemot 1971, p. 46 (Siga). Bulletin de l’Académie d’Hippone, 1883, 18, pl. VIII (Hippone). Vuillemot 1965, p. 220-221 (les Andalouses). Vuillemot 1959, p. 187-190 (Portus Magnus). Gauckler 1915, p. 312-313 ; Février J.-G. 1952, p. 19-25 (Iol). Février J.-G. 1954, p. 86-87 (Cissi). Dussaud 1917, p. 161-167 (Dellys). Berthier – Charlier 1955, p. 23 et 77 (Cirta). Chabot 1935-1936, p. 197-
274 Sur Gunugu, Gauckler 1915, p. 322, n. 1 et pl. CCCXII à CCCXXI ; Gsell 1903, p. 25-26. Aux Andalouses, identification par nos soins lors du réexamen du mobilier de la nécropole dans les réserves du musée d’Oran ; voir aussi Vuillemot 1965, p. 254, 307, 340, 346, 351, 357, 358, 367, 372 et 393. Sur Igilgili, Astruc 1937, p. 221-224. Sur Chullu, Hélo 1895, p. 367-368 et pl. XIV. Sur Kef Smaar, Cadenat 1972, p. 35, fig. 6 et p. 47-48, fig. 20. Sur Siga, Vuillemot 1964, p. 89. Sur Iol et Hippo Regius, identification par nos soins lors du réexamen des céramiques à vernis noir conservées dans les réserves des musées de Cherchell et d’Hippone.
275 Voir la carte de répartition des inscriptions libyques en Algérie et en Tunisie dans Camps 1999a, fig. 2. Sur Thugga, supra, § 2.2.1.1.
276 CIL VIII, 25736 (Thuburnica) ; Bertrandy 1985, p. 490-491 ; Marcillet-Jaubert dans Bertrandy – Sznycer 1987, p. 84-85 (Cirta).
277 Le Glay 1966a, p. 275.
278 Bertrandy 1993, p. 3.
279 Berthier – Charlier 1955, n° 56 à 64 ; Bertrandy – Sznycer 1987, n° 4, 69, 87 et 124.
280 Bertrandy – Sznycer 1987, p. 87-91 ; Bertrandy 1993, p. 3.
281 Sur Portus Magnus et Thugga, Krandel Ben Younes 2002, p. 163-164 et 279-280. Sur Tiddis, Berthier – Le Glay 1958, p. 23-58.
282 Krandel Ben Younes 2002, p. 428, tableau n° 4.
283 Vuillemot 1965, p. 16.
284 Krandel Ben Younes 2002, p. 433-443.
285 Krandel Ben Younes 2002, p. 455-457.
286 Le Glay 1961, p. 332-333.
287 Ferjaoui 1990, p. 113-119.
288 Fantar 1973, p. 19-29.
289 Picard G.-Ch. 1957a, p. 48.
290 Supra, § 1.3.1.
291 Bridoux 2011, p. 35-55.
292 Camps 1960a, p. 223-224 et fig. 24.
293 Vuillemot 1965, p. 291, fig. 125.
294 Krandel Ben Younes 2002, p. 35-96.
295 Krandel Ben Younes 2002, p. 335-350.
296 Cintas 1950, p. 159, pl. XXXI. Sur Cirta, voir la notice n° 12 dans L’Algérie aux temps des royaumes numides, Ve siècle av. J.-C.-Ier siècle apr. J.-C., (catalogue de l’exposition, Musée départemental des antiquités, Rouen, mai-oct. 2003), Paris-Rouen, 2003, p. 39. Sur Tipasa, Cintas 1949, p. 59. Sur Gunugu, Gauckler 1915, p. 323. Sur les Andalouses, Vuillemot 1965, p. 348.
297 La gourde est accompagnée, dans la tombe XXI, d’une imitation de céramique à vernis noir et d’une cruche proche des Eb. 69 de la typologie de la céramique commune punico-ébusitaine qui sont datables du IIe siècle av. J.-C. dans les autres tombes. Sur les Eb. 69 voir Ramón Torres – Díaz Esteban 1978, p. 257-282.
298 Sur la répartition des nécropoles de dolmens, supra, p. 16-17. Krandel Ben Younes 2002, p. 462.
299 Baradez 1957b, p. 221-275.
300 Lancel 1982, p. 754.
301 Picard G.-Ch. 1957a, p. 58-60.
302 Broise – Thébert 1993, p. 209-213.
303 Saint-Amans 2001, p. 159-160. Aounallah – Golvin 2016, p. 29-46.
304 Rakob 1998, p. 19-20 ; Beschaouch et al. 1983, p. 337-141 (Bulla Regia). Khanoussi 1998, p. 62-63 (Thugga).
305 Beschaouch – Hanoune – Thébert 1977, p. 107. Ksouri 2018, p. 37-54.
306 Marec 1954, p. 364.
307 Morel 1968b, p. 82-83.
308 Benseddik – Potter 1993, p. 387.
309 Lancel 1992, p. 182-192.
310 Lancel 1979, p. 83, fig. 33 ; Broise – Thébert 1993, p. 216.
311 Khanoussi 1986, p. 328-329.
312 Thébert 1985, p. 328-330 ; Khanoussi 1986, p. 330 ; Broise – Thébert 1993, p. 216 et 378.
313 Sur la Chrétienne, supra, p. 129-130. A. Lézine met en relation un chapiteau dorique provenant du mausolée avec le type toscan de Vitruve. Néanmoins, cette comparaison ne concerne que la division tripartite echinos-abaque-gorge, le chapiteau restant, dans l’ensemble, caractéristique du dorique hellénistique (Lézine 1960, p. 68). Voir aussi Coarelli – Thébert 1988, p. 776 et 806. Les auteurs estiment que le mausolée du Khroub trahit une inspiration italienne.
314 Supra, § 2.2.2.2.2.
315 Bouchenaki – Rakob 1997, p. 23.
316 Supra, p. 146-147.
317 FHG, III, p. 187, n° 7 (d’après Athénée, Deipn. VI, 229d).
318 Supra, p. 48, § 2.2.4. et p. 177-178.
319 Broise – Thébert 1993, p. 379-380.
320 Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 147-155. Voir aussi Leveau 1984, p. 313-324.
321 Thébert 1973, p. 247-312.
322 Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 200-203.
323 Camps 1995, p. 236 et 247.
324 Coltelloni-Trannoy 2005b, p. 72-74. Voir aussi Aoulad Taher 2004-2005, p. 29-41.
325 Supra, § 2.2.2.
326 Voir l’inventaire des amphores rhodiennes en Numidie dans Bridoux 2014, p. 192-193. Voir aussi Aoulad Taher 2004-2006, p. 32-34 (amphores rhodiennes de Cirta).
327 Arguel 1876-1877, p. 148-149 et 236-241 ; Hinglais 1904, p. 179-182, 207-
328 Rakob 1983, p. 330-331.
329 Camps 1960a, p. 223-224.
330 Alexandropoulos 2000, p. 324-325. Sur les types monétaires à iconographie isiaque, voir Bricault 2008.
331 Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 137-145.
332 Selon une formule d’H. Broise et Y. Thébert (1993, p. 379).
333 Lancel 1992, p. 170 et 449.
334 Bertrandy – Sznycer 1987, p. 83 et 85.
335 Bertrandy 2000, p. 1153-1170.
336 Camps 1960a, p. 221 et 260.
337 Sur ces découvertes monétaires, Morel 1962-1965, p. 77 (monnaies carthaginoises) ; Acquaro 1988, p. 25-28 (monnaies sardes).
338 J. Alexandropoulos n’a pas établi ce parallèle et se questionne sur l’identité de cette divinité, proposant Melqart ou Baal Hammon compte tenu de leur récurrence sur les monnayages locaux (Alexandropoulos 2000, p. 324). On notera qu’une amulette du dieu Bès a été recueillie à Gouraya (Gauckler 1915, pl. CCLXIX). Sur les liens établis entre l’Ouest algérien actuel, le Levant ibérique et les Baléares, Bridoux 2006a, p. 1651-1670 ; Id. 2014, p. 180-201.
339 Coltelloni-Trannoy 1997b, p. 61.
340 Contra M. Coltelloni-Trannoy, qui estime que les liens d’amicitia débouchent sur l’insertion du territoire numide au sein de l’Empire. Coltelloni-Trannoy 1997b, p. 60.
341 C’est ainsi que Rome contribue, d’une certaine façon, à l’évolution de la nature du pouvoir royal en Numidie au cours des IIe et Ier siècles av. J.-C. Supra, p. 175-176.
342 À ce sujet, Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 19-22. Voir également Bernard 2018, chapitre III, paragraphes 3-4, cf. https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cvz/4380.
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