Chapitre 2. Structure étatique et pouvoir royal : entre fragilité et renforcement
p. 87-150
Texte intégral
1La structure politique et administrative des royaumes nord-africains demeure difficile à restituer en l’état actuel de la documentation. Celle-ci indique en revanche que leurs territoires comprenaient des cités autonomes. Il s’avère possible, non seulement d’entrevoir l’organisation municipale de certaines de ces cités, mais aussi de cerner la nature et l’évolution du pouvoir royal en Numidie et en Maurétanie à partir de l’examen des données numismatiques, épigraphiques et de celles relatives à l’architecture royale ou funéraire. Ces deux dernières sources d’information conduisent à émettre de nouvelles hypothèses sur les débuts et les mutations de plusieurs séries monétaires, précédemment déterminés à partir de critères stylistiques en l’absence de précisions sur les contextes stratigraphiques de leur découverte. L’ensemble de ces témoignages permet finalement d’aborder la question de savoir comment les souverains ont géré l’existence de cités autonomes au sein de leur royaume.
2.1. Asseoir le pouvoir sur les cités autonomes de Maurétanie
2.1.1. Bocchus I à l’origine d’une politique d’intégration des cités autonomes ?
2Le royaume de Bocchus I peut être considéré comme une juxtaposition de principautés dotées de capitales, dont les dirigeants tirent probablement leur pouvoir de l’exercice de hautes magistratures municipales. Le roi semble s’attacher à intégrer au sein de son royaume ces entités qui font parfois preuve d’une indépendance spécifique. Celle-ci s’explique sans doute par le fait que les cités ont été créées avant l’émergence de la monarchie maure.
2.1.1.1. Les cités autonomes et leurs dirigeants
3Tingi est le centre d’une sorte de petit État régi par une organisation propre et dirigé par un prince local, du moins au début du Ier siècle av. J.-C. comme en témoigne l’épisode de la chute d’Ascalis1. Volubilis peut par ailleurs être qualifiée de cité autonome puisqu’une stèle funéraire punique remontant au IIe siècle ou au début du Ier siècle av. J.-C., trouvée sur les flancs du « tumulus » de la ville, révèle l’existence de sa constitution municipale. Elle nous informe que le défunt a exercé la fonction de sufète mais aussi de scribe de l’armée, statut qui pourrait correspondre au commandement du recrutement local. L’inscription fait en outre état des six ancêtres du défunt et mentionne la fonction de trois d’entre eux qui s’avèrent également avoir été sufètes. En admettant que cette inscription date de 100 av. J.-C. et en comptant un intervalle moyen de 25 ans entre les générations, G. Camps conclut que le premier sufète de cette dynastie est né au début du IIIe siècle av. J.-C. et que celle-ci est donc vraisemblablement en place depuis le milieu de ce siècle. À cette interprétation s’oppose toutefois le fait que Volubilis n’a pas livré jusqu’à présent de niveaux d’occupation antérieurs au IIe siècle av. J.-C. et ce malgré les nombreux sondages dont le site a fait l’objet2.
4Quoi qu’il en soit, ces magistrats locaux semblent acquérir une importance toute particulière, ce qui pourrait être illustré par des sépultures qui sont manifestement édifiées à Volubilis pour de hauts personnages. C’est le cas d’un mausolée dont la construction est visiblement antérieure au début du Ier siècle av. J.-C. et qui, préservé au sein de la ville romaine, s’apparenterait aux monuments turriformes connus en Algérie, en Tunisie et en Libye3. Au cœur même de la cité romaine, un tertre de quarante mètres de diamètre et de six mètres de hauteur pourrait s’identifier à la sépulture d’un chef local4. Il faut sans doute l’attribuer à la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. Le mobilier exhumé par G. Souville en 1960-1961, qui découvre alors une structure de briques crues couronnée par un amoncellement de moellons de calcaire, comprend en effet des céramiques peintes et campaniennes. Le monument est de plus postérieur au rempart, dont il couvre certaines sections et dont la construction serait datable, à la lumière de recherches récentes, entre 80 et 40/30 av. J.-C. Si aucun élément ne permet en fait d’assurer que ce « tumulus » abrite bien une sépulture, nous pouvons le présumer dans la mesure où les habitants de Volubilis le respectent encore à l’époque romaine. On constate ainsi que des édifices romains du Ier siècle ap. J.-C. s’appuient contre celui-ci mais qu’aucune structure de cette période ne le recouvre5.
5Il est finalement tentant de penser, suivant J.-G. Février, que les sufètes, bénéficiant du caractère héréditaire de leur fonction, se convertissent progressivement en princes locaux et d’expliquer ainsi l’origine du pouvoir d’un personnage tel qu’Ascalis6. L’hypothèse doit toutefois être consolidée car, en Maurétanie, le sufétat n’est jusqu’alors attesté qu’à Volubilis.
6D’autres données, même si elles ne témoignent pas assurément de l’émergence de princes locaux à la tête de cités autonomes méritent d’être évoquées. Il en est ainsi d’un passage de Salluste laissant entendre que d’autres personnages exercent une autorité en Maurétanie. Bocchus I se serait dit « le plus grand roi de cette terre », certes peut-être en référence à des chefs de tribus7. Il s’agit aussi des nombreux tumuli ou mausolées de grandes dimensions notamment recensés par G. Souville dans diverses régions du Maroc8. Peu étudiés, ils ont en outre été souvent pillés et leur datation est de fait généralement indéterminée. Deux tumuli sont manifestement érigés à l’époque préromaine dans la plaine du Gharb, celui de Sidi Slimane et celui de Lalla Mimouna. Le premier, situé sur la rive droite de l’oued Beth, a livré une lèvre d’amphore de type Maña-Pascual A4 qui a permis de le dater entre le IIIe siècle et la première moitié du Ier siècle av. J.-C.9, peut-être plus précisément entre le milieu du IIIe siècle et le troisième quart du IIe siècle av. J.-C.10. Le deuxième, localisé à proximité de Lalla-Ghano, a fourni un vase peint à col cylindrique et à panse sphérique qui provient sans doute des ateliers de Banasa. Ce type de production est caractéristique des niveaux antérieurs au milieu du IIe siècle av. J.-C. d’après les recherches archéologiques menées sur ce site11.
7Ces deux tumuli pourraient ainsi s’identifier à des sépultures d’hommes de pouvoir étendant respectivement leur autorité autour des sites de Rirha et/ou celui dit de la ferme Priou (= Gilda ?) et de Ksar el Kebir/Azib Slaoui. Comme les sépultures précédemment décrites de Volubilis, on ne peut totalement exclure qu’ils correspondent à des tombeaux royaux, au sujet desquels nous ne disposons finalement d’aucune information. C’est notamment le cas du tumulus de Sidi Slimane, la cité de Gilda ayant probablement abrité une résidence royale12. L’aspect imposant de l’édifice et le soin accordé à sa construction démontrent en tout cas le rang élevé qu’occupait le défunt13. Aujourd’hui disparu, le tumulus formait auparavant une butte circulaire et tronconique de près de quarante-sept mètres de diamètre et de six mètres de hauteur. A. Ruhlmann, dans les années 1930, a mis au jour au cœur de celui-ci un monument funéraire rectangulaire de treize mètres de longueur, cinq mètres cinquante de largeur et deux mètres de hauteur, composé d’un couloir d’entrée pourvu de niches et d’un espace rectangulaire à ciel ouvert donnant accès à la chambre funéraire principale (fig. 4). Les murs étaient façonnés en briques crues, à l’exception de la façade principale et du couloir d’entrée, construits à l’aide de moellons de calcaire. Deux sépultures ont été découvertes dans la chambre sépulcrale proprement dite, une troisième dans le couloir, une quatrième dans l’antichambre. A. Ruhlmann en a déduit que ces deux dernières sont celles de serviteurs destinés à garder la dépouille de leurs chefs ou à les servir dans l’autre monde14. En revanche, le mausolée du Gour, situé à quarante kilomètres au sud-est de Volubilis, ne peut être considéré, contrairement à l’opinion d’A. Jodin, comme un monument funéraire dédié à un haut personnage d’époque préromaine, même si on a pu le comparer au mausolée royal de la Chrétienne (Algérie)15. Les fouilles effectuées sous la responsabilité de G. Camps n’ont pas apporté de précisions chronologiques, le mausolée ayant été utilisé à plusieurs reprises et pillé. Toutefois, le traitement par radiométrie de fragments de charbon « recueillis dans le fond de la fosse le long du côté est » permet d’affirmer que la construction du monument date des alentours de 640 ap. J.-C.16.
8Les principales cités de Maurétanie sont donc manifestement régies par des chefs locaux et doivent contrôler et gérer elles-mêmes un territoire plus ou moins étendu, exploitant ainsi les campagnes environnantes. La diffusion de leurs émissions monétaires semble bien en témoigner.
9Rappelons au préalable qu’il était communément admis qu’en Maurétanie les premières frappes monétaires étaient apparues sous les règnes de Bocchus II et de Bogud. Mais à la suite des travaux de J. Alexandropoulos, les monnayages frappés au nom de Bocchus à Siga et dans la cité non identifiée qui abrite l’atelier de MQM ŠMŠ ont été réattribués à Bocchus I17. J. Alexandropoulos émet de plus l’hypothèse que Rusaddir, Tamuda, Tingi, Sala, Timici et Camarata (?) ont également produit des monnaies avant le milieu du Ier siècle av. J.-C. Ces dernières présentent une iconographie similaire et en particulier l’effigie d’un roi que l’on peut identifier à Bocchus I, voire à Sosus, en raison de l’aspect rudimentaire de ce portrait18 (fig. 15 à 18). Il est dorénavant assuré que Rusaddir débute ses émissions au plus tard sous le règne de Bocchus I d’après la découverte à Melilla en 2002 d’une monnaie de cette cité dans une couche archéologique contenant un mobilier du IIe siècle av. J.-C.19. Il en est de même de Lixus, où une monnaie locale a été récoltée récemment dans une unité stratigraphique datée de la première moitié du IIe siècle av. J.-C. (fig. 21 : n° 633). Dix autres monnaies sont aussi attestées dans des couches datées entre 150 et 130 av. J.-C. L’origine de deux d’entre elles demeure inconnue, mais trois sont en toute certitude émises par Lixus (fig. 21 : n° 633, 634 ou 637), tandis que l’aspect et les techniques de fabrication des cinq autres permettent de supposer qu’elles sont également issues de l’atelier lixitain20. Les caractéristiques métrologiques de certaines émissions lixitaines confortent ces datations. En effet, L. Callegarin a bien montré que c’est un étalon pondéral, commun aux monnayages numides et à ceux de la série VI de Gadès du IIe siècle av. J.-C., établi autour de treize grammes, qui sert de modèle pour les grands bronzes des premières séries de Lixus, mais aussi de Tingi21. Le doute persiste finalement concernant la datation des premières monnaies de Tamuda, Sala, Timici et Camarata (?). En l’attente de découvertes en contexte stratigraphique, qui seules permettront d’apporter des éléments de réponse, nous considérons comme très vraisemblable l’hypothèse que ces frappes débutent sous le règne de Bocchus I, d’autant qu’à cette époque la Maurétanie est pleinement insérée dans les courants d’échanges méditerranéens, ce qui plaide en faveur d’une généralisation de l’instrument monétaire dans le royaume22.
10J.-P. Laporte, de son côté, a proposé d’attribuer à Rusuccuru un monnayage à légende RSK(...), portant au droit une effigie semblable à celle que J. Alexandropoulos perçoit comme le portrait de Bocchus I ou de Sosus et, au revers une grappe, un épi et une légende indistincte insérés dans une couronne de feuillage (type Mazard n° 576)23. Mais cette hypothèse n’a pas été confirmée et J. Alexandropoulos ne fait pas mention de cette série ; aussi l’avons-nous écartée de l’étude de la diffusion monétaire.
11Cette étude montre que les frappes sont peu nombreuses à l’époque de Bocchus I et que les monnaies émises circulent au sein d’une zone restreinte, autour de leur pôle émetteur24. On ne doit pas conclure pour autant que les cités de Maurétanie fonctionnent de manière autarcique25. Cette interprétation est en effet fondée sur des inventaires relativement anciens qui ne concernent qu’un nombre limité de sites. Elle s’appuie notamment sur le fait que les monnaies de Rusaddir ne sont pas signalées dans l’ouest et le sud du royaume, tandis que celles de Tamuda ne le sont pas au sud de l’oued Loukkos. Ces constatations indiquent en fait que ces productions sont essentiellement destinées à un commerce local. Ce phénomène, déjà mis en évidence dans le passé26, n’est pas contredit par les informations complémentaires désormais disponibles grâce à la publication des découvertes monétaires réalisées dans les années 1960-1980 à Tamuda, Zilil et Sala, mais aussi durant la dernière décennie à Lixus, Banasa, Rirha et Rusaddir. À titre d’exemple, les monnaies de Sala, principalement attestées dans la cité même, n’ont été retrouvées qu’au sud de l’oued Loukkos. Cependant, les émissions de Lixus, de Tingi et de la cité qui abrite l’atelier de MQM ŠMŠ doivent être distinguées. Bien que ces cités frappent diverses séries jusqu’aux règnes de Bogud et de Bocchus II et que les types mis au jour dans les niveaux archéologiques ne soient pas systématiquement précisés, leurs monnayages s’avèrent à la fois plus abondants et diffusés à plus large échelle27. Ils sont ainsi répertoriés sur tous les sites pour lesquels nous disposons d’inventaires et l’on observe que ceux de Lixus et de Tingi ont été exhumés en quantité non négligeable dans des établissements situés au sud du royaume, tels Banasa et Volubilis.
2.1.1.2. La politique de Bocchus I
12L’attribution de séries monétaires au règne de Bocchus I, bien qu’elle ne soit confirmée qu’en partie, ouvre la voie à une réflexion nouvelle sur la politique menée par le souverain envers les cités autonomes de son royaume. En premier lieu, Bocchus I décide vraisemblablement d’établir des instances représentatives du pouvoir, à savoir des résidences royales dans deux cités de Maurétanie. Parmi les huit cités qui émettent des monnayages ornés au droit de l’effigie royale, deux d’entre elles font parallèlement apparaître la légende néopunique BQŠ HMT ou BQŠHMMLKT (« Bocchus roi »), ou plus simplement le nom du roi BQŠ. Sur le revers de ces frappes est inscrit en néopunique le nom des ateliers, qui s’avèrent correspondre à celui de Siga et à celui de MQM ŠMŠ (fig. 15 : n° 113-117 et 107, 109, 111-112). L’association de l’effigie et du nom du roi nous amène à conclure qu’un statut particulier est octroyé aux cités qui abritent les ateliers en question et à considérer ces dernières comme les deux principales résidences de Bocchus I, judicieusement réparties dans la partie occidentale et orientale de son royaume après son extension aux dépens des Numides. Cette hypothèse s’oppose ainsi à celle qui consiste à penser qu’avant le milieu du Ier siècle av. J.-C. la cour royale est itinérante. On peut penser en effet que les rois, dans un État encore mal unifié, auraient tenté de cette manière d’affirmer leur souveraineté en divers points du territoire28. Aucun élément ne vient cependant étayer cette opinion qui résulte du fait que les auteurs anciens sont silencieux sur l’existence de résidences royales en Maurétanie avant l’époque de Bocchus II, alors qu’ils mentionnent les capitales de rois numides, tels Syphax, Massinissa I ou encore Micipsa29.
13Pour s’assurer du choix politique de Bocchus I dans ce domaine, il serait utile de résoudre préalablement la question de la localisation de l’atelier de MQM ŠMŠ, depuis longtemps objet de controverses. Son identification à Lixus, proposée à plusieurs reprises, doit en tout cas être rejetée30. On a en effet rapproché le terme ŠMŠ (Shemesh) et le nom de la colline sur laquelle s’élèvent les ruines de Lixus (Tchemmich) et traduit à titre d’hypothèse la légende MQM ŠMŠ (Mâqom Shemesh) par l’expression « temple du Soleil », en référence à la mention d’un temple d’Hercule à Lixus31. Celui-ci correspondrait à un sanctuaire dédié à Melqart qui aurait possédé son propre atelier monétaire, tel qu’on l’a mis en évidence en Sardaigne32. Mais la signification de la légende MQM ŠMŠ, qui a donné lieu à diverses interprétations, demeure non assurée33 et, qui plus est, l’assimilation de MQM ŠMŠ à Lixus se heurte à une série d’objections, principalement énoncées par J. Alexandropoulos. Tout d’abord, il n’y a pas, contrairement à l’affirmation de J. Marion, de séries associant un droit des monnaies de Lixus et un revers de celles de MQM ŠMŠ34. De plus, il est inconcevable qu’une ville change sa titulature sur ses monnayages sans qu’aucune d’entre elles n’y fasse allusion et sans qu’aucun motif iconographique commun ne permette de reconnaître qu’il s’agit toujours de la même cité. Il est en outre difficile d’admettre que ces deux ateliers, situés dans la même ville, émettent des frappes de facture très dissemblable : celles de MQM ŠMŠ sont plutôt grossières, alors que celles de Lixus, sur lesquelles ne figurent d’ailleurs pas les mêmes divinités, sont de qualité35.
14Selon nous, ces productions proviennent sans nul doute de cités distinctes. En témoigne le fait que celles de MQM ŠMŠ font apparaître l’effigie du roi, à l’inverse de celles de Lixus, ce qui indique un rapport différent avec le pouvoir royal. La répartition des découvertes monétaires confirme que l’atelier de MQM ŠMŠ n’est pas implanté à Lixus en l’absence de toute monnaie de cet atelier dans la ville36. Elle révèle par ailleurs qu’il faut plutôt le rechercher au sud de l’oued Loukkos (pl. XIX). On dénombre en effet un nombre particulièrement élevé de monnaies de MQM ŠMŠ à Volubilis, à Banasa, à Sala et à Thamusida. Si les inventaires relatifs à Zilil et à Tamuda démontrent que celles-ci sont tout de même assez largement diffusées dans le nord du pays, l’observation de J. Alexandropoulos, selon laquelle plus on remonte vers le nord plus la proportion de monnaies de MQM ŠMŠ diminue, reste acceptable. Ces dernières semblent en tout cas absentes, non seulement à Lixus, mais aussi à Rusaddir, et elles sont rares à Tingi. En se fondant sur cette répartition, L. Callegarin et F.-Z. El Harrif ont proposé de localiser l’atelier de MQM ŠMŠ dans l’intérieur des terres, à Volubilis, ou à Rirha qu’ils identifient à Gilda, la seconde hypothèse leur paraissant réunir de plus sérieux atouts. MQM ŠMŠ pourrait être ainsi un terme générique désignant les limites du monde connu et le couchant, et la présence de l’effigie de l’Océan sur ces émissions n’indiquerait pas forcément la position littorale de l’atelier37. Le thème océanique est caractéristique des monnayages de la région du détroit de Gibraltar et on le retrouve en particulier sur celui de Gadès. Cette dernière et MQM ŠMŠ, dont, il est vrai, le numéraire est parmi le plus influent sur leur territoire respectif, seraient ainsi unies à travers ce symbole38. Le « zigzag » qui orne les monnaies de MQM ŠMŠ pourrait représenter un méandre et illustrer la situation de l’atelier près d’un fleuve, ce qui concorderait avec la position de Rirha. Toutefois, les recherches archéologiques menées ces dernières années sur ce site n’ont pas permis de conforter l’opinion des deux historiens39.
15En l’état actuel des connaissances, il semble que MQM ŠMŠ, dont l’importance nous est révélée par l’abondance et la diffusion de son monnayage, ne correspond pas au nom d’une cité. Cet atelier monétaire pourrait bien être implanté dans la cité de Gilda, que nous identifions à la résidence royale de Bocchus I en Maurétanie occidentale.
16Gilda, notamment mentionnée par Alexandre Polyhistor dans la première moitié du Ier siècle av. J.-C., est localisée dans l’intérieur des terres, aux environs de l’oued Beth40. Le nom de la cité doit être rapproché de la racine libyque GLD du mot berbère aguellid qui signifie roi, prince ou chef41. Ce terme renvoie de toute évidence au roi maure et non à un prince local exerçant son autorité sur la cité, si l’on considère que le récit du périple d’Eudoxe de Cyzique semble bien spécifier que Bocchus I a établi sa résidence dans l’intérieur des terres. Voici en effet ce que rapporte Strabon à propos de ce périple, effectué en 111 ou en 110 av. J.-C. au plus tard : « Arrivé sain et sauf en Maurusie, il [Eudoxe] vendit ses chaloupes, puis se rendit à pied chez Bogos et lui conseilla de prendre la direction de l’expédition maritime qu’il projetait »42. D’après cette indication, aucune cité littorale, ni même placée le long d’un fleuve d’importance n’a accueilli la résidence royale de Bocchus I. Or l’oued Beth n’est manifestement pas navigable dans l’Antiquité : il s’agit d’un oued pérenne mais étroit et peu profond43. Par ailleurs, la résidence royale de Bocchus I ne se trouve certainement pas à Volubilis, contrairement à ce qu’A. Jodin et J. Desanges ont pensé, à la suite de J. Carcopino qui a développé la thèse que Volubilis était la capitale de la Maurétanie depuis les origines du royaume justement d’après le périple d’Eudoxe de Cyzique. En fait, J. Carcopino a tenté de démontrer que Volubilis était la capitale occidentale de Juba II avant d’étendre son interprétation aux périodes antérieures, sans véritablement disposer de données à ce sujet. Son hypothèse a par ailleurs été largement contestée depuis44. Les arguments avancés en parallèle par A. Jodin ne sont pas davantage déterminants. Salluste fait allusion à des personnages venus se réfugier en Maurétanie auprès du roi Bocchus et l’historien en déduit que la résidence royale doit se situer sur la voie continentale est-ouest qui suit l’ancien détroit sud-rifain et aboutit en Maurétanie urbanisée. Il s’agirait donc de Volubilis, première ville d’importance attestée sur cette route45. On peut objecter qu’Alexandre Polyhistor mentionne Gilda, ou encore Lixus, mais ne dit mot de l’existence de Volubilis, ce qui montre sans doute que cette dernière ne joue pas un rôle de premier plan au sein du royaume.
17Si l’on admet que Gilda est la résidence royale de Bocchus I tout en abritant l’atelier monétaire de MQM ŠMŠ, il nous faut donc rechercher en premier lieu un établissement qui n’a pas encore livré de témoignages relatifs à son nom antique. Les renseignements tirés des textes anciens et de la diffusion des monnaies indiquent en outre que la cité doit s’identifier à un site établi au sud du Loukkos, dans l’intérieur des terres, non accessible par voie fluviale. Parmi les sites qui réunissent ces critères, celui dit de la ferme Priou retient particulièrement notre attention. Localisé à proximité de l’oued Beth et du tumulus de Sidi Slimane, il a livré deux tuiles marquées facta gild (ae)46. Son importance a longtemps été sous-estimée, du fait de la seule prise en compte des ruines romaines qui n’occupent a priori qu’une superficie adaptée à une simple ferme. D’après une visite effectuée par les membres de la mission de prospection du Sebou en 1992, il s’avère en fait tout aussi grand, sinon plus, que le site voisin de Rirha. Des fragments d’amphores de types Maña C2b et Dressel 1 recueillis au cours de la prospection permettent de faire remonter son occupation au moins au début du Ier siècle av. J.-C.47.
18Outre l’implantation de deux résidences royales, Siga et Gilda, la politique de Bocchus I consiste vraisemblablement à multiplier les ateliers monétaires royaux. Plusieurs cités émettent ainsi des monnaies sur lesquelles est représentée l’effigie du roi. La mesure, tout en contribuant à la propagande du souverain, a certainement pour but d’intégrer pleinement ces cités administrativement autonomes. Bocchus I se place peut-être ainsi en tant que protecteur de ces dernières48. Il s’avère en tout cas, qu’outre les habitants des villes de Siga et de celle qui abrite l’atelier de MQM ŠMŠ, ceux de Rusaddir, Tamuda, Tingi, Sala, Timici et Camarata (?) acceptent de reconnaître désormais qu’ils appartiennent au royaume maure bien que l’existence de ces cités soit bien antérieure à celle du royaume. La grande majorité d’entre elles sont assurément créées à l’époque archaïque (VIIIe-VIe siècles av. J.-C.) ou maurétanienne ancienne (Ve-IVe siècles av. J.-C.), au plus tard avant le règne de Baga49. Ces établissements, selon J. Desanges dont nous partageons l’avis, ont conservé, après l’émergence de ce royaume, une autonomie affirmée que, dans le cadre du renforcement du pouvoir royal, il devenait nécessaire de contrôler voire de limiter50. Toutefois, certaines cités échappent manifestement au contrôle royal, en particulier Lixus qui constitue l’atelier précurseur des monnayages autonomes en Maurétanie occidentale. À ce jour, elle est la seule cité qui, sous le règne de Bocchus I, frappe monnaie sans aucune référence au roi. Ce dernier n’aurait ainsi exercé qu’une souveraineté de principe sur la ville que les auteurs anciens qualifient de fondation phénicienne, dont la naissance est attestée au VIIIe siècle av. J.-C. par l’archéologie et qui témoigne encore d’une liberté spécifique sous le règne de Bogud51.
19Malgré la politique envers les cités, fondée sur l’implantation de lieux de représentation du pouvoir dans l’ouest et l’est du territoire et le développement des frappes monétaires ornées de l’effigie royale, Bocchus I ne semble pas avoir suffisamment consolidé son royaume ni son autorité sur ses sujets. Le roi reste avant tout un chef militaire, dont on peut apprécier l’exercice au commandement d’une armée relativement importante52, à la tête d’un royaume dépourvu d’une solide structure politique et administrative. Si des préposés aux ateliers monétaires et des cadres supérieurs de l’armée doivent avoir existé, il est peu probable que le roi crée d’autres départements spécialisés, tel un secrétariat pour la chancellerie, comme le supposent Mh. Fantar et Fr. Decret à partir du récit de Salluste53. Nous ne connaissons pas en tout cas de textes officiels qui soient émis à la suite d’une décision royale. Les agents du roi sont choisis essentiellement parmi les proches, en tant qu’ambassadeurs ou encore de conseillers intimes et de confidents auxquels il fait appel pour prendre les grandes décisions54. Ainsi son fils Volux reçoit des missions diplomatiques et commande une partie de l’infanterie ou de la cavalerie55. Ses proches ne sont pas pour autant toujours fidèles. Ainsi, pour attirer Bocchus I et lui faire adopter ses plans politiques et militaires, Jugurtha commence par rallier à sa cause les confidents du roi et ses amis, tandis qu’un certain Magudulsa, qui apparaît comme le plus intime conseiller de Bocchus I, s’enfuit à Rome après une dispute avec le souverain56.
2.1.2. Continuité et mutations sous le règne de Sosus
20La manière dont Sosus gouverne la Maurétanie est tout particulièrement difficile à percevoir. Si la structure du royaume ne paraît guère modifiée d’après les témoignages disponibles, les données numismatiques laissent entrevoir un changement d’atelier monétaire royal et, probablement, de résidence royale.
21Il apparaît en premier lieu que Lixus continue à être la seule cité à conserver, sous le règne de Sosus, la spécificité de frappes autonomes sans référence au pouvoir royal et donc une totale autonomie57. Aucune autre cité n’émet manifestement de tels monnayages à cette époque.
22On ne peut déterminer avec certitude si Sosus a décidé de maintenir les productions monétaires à l’effigie royale développées sous le règne de Bocchus I. Cela est toutefois vraisemblable dans la mesure où celles qui sont émises par Sala et MQM ŠMŠ sont attestées en quantité non négligeable dans des contextes du Ier siècle av. J.-C. à Sala, à Zilil et à Thamusida58. Le nombre important de monnaies à l’effigie royale d’ores et déjà exhumées sur les sites de Maurétanie en général laisse de même envisager un phénomène de frappes sur une longue durée59. Cette continuité pourrait être illustrée par le fait que certaines séries, en particulier celles de Tamuda, de Tingi et de Siga, sont ornées d’un portrait de bien meilleure facture60 (fig. 16 et 17).
23À ce numéraire s’ajouteraient des monnayages comportant également le nom de Sosus, si l’on admet les identifications proposées (types Mazard n° 99-102)61. Le nom de l’atelier émetteur ne figure sur aucune de ces émissions royales, contrairement à ce que l’on observe durant le règne de Bocchus I. Nous ne pouvons donc pas formuler l’hypothèse que Sosus a choisi, tel sans doute son prédécesseur, de répartir des instances représentatives du pouvoir dans l’ouest et dans l’est de son royaume. Néanmoins, l’existence des types Mazard n° 99 et 100 à légende MŠTNSN ou MŠTNS (fig. 19) incite à penser que Sosus a établi un atelier monétaire royal à Camarata. Ces types présentent en effet d’étroites similitudes avec les monnaies attribuables à la cité. En premier lieu, l’épi de blé et la grappe de raisin sont disposés horizontalement, alors qu’ils le sont verticalement sur tous les autres monnayages de Maurétanie (fig. 18). De plus, sur le type Mazard n° 576 de Camarata (?), ces motifs sont, comme sur les émissions royales en question, insérés dans une couronne de feuillage. Il faudrait donc en conclure que l’atelier de Camarata frappe alors deux séries monétaires, l’une faisant apparaître l’effigie royale, l’autre l’effigie royale et le nom du roi, ou bien qu’il cesse la production de la première.
24Quoi qu’il en soit, les données numismatiques invitent à considérer que Camarata constitue l’une des résidences royales de Sosus, telles les cités de Siga et de MQM ŠMŠ sous le règne de Bocchus I. Bien qu’aucun autre élément ne permette de vérifier cette hypothèse, d’autant que le site préromain de Camarata n’a pas fait l’objet de fouilles, on peut cependant ajouter que Siga est détruite ou abandonnée dans le courant du Ier siècle av. J.-C.62. Si l’on admet que cet événement se déroule sous le règne de Sosus, le transfert à Camarata de l’atelier monétaire royal et, parallèlement peut-être de la résidence royale, trouverait une explication. Quant à la question de l’implantation de tels lieux de pouvoir dans la partie occidentale du royaume, elle ne peut guère être davantage abordée. Les balles de fronde au nom de Sosus retrouvées à Volubilis ne suffisent pas à affirmer que les garnisons royales sont installées de façon permanente dans la cité, la raison de leur présence pouvant tout autant être liée à des combats qui se seraient déroulés occasionnellement dans la région63.
2.1.3. La souveraineté affirmée de Bocchus II face à la vulnérabilité de Bogud
25Les nouveaux monnayages de Bocchus II et de Bogud, qui font figurer leur nom et leur titulature sans indication de l’atelier émetteur, témoignent de la volonté de renforcer le pouvoir royal. Comme sous le règne de Sosus, leur existence invite tout d’abord à se demander s’ils coexistent ou non avec les monnaies dites à l’effigie royale mentionnant le nom des cités les ayant frappées. En supposant que celles-ci se maintiennent, les monnayages des souverains seraient alors caractérisés par une grande hétérogénéité : les uns présentent une effigie royale d’aspect rudimentaire et une légende néopunique, les autres une iconographie influencée par le numéraire romain, d’aspect soigné, et une légende latine ou latine et néopunique64 (fig. 19). Cela impliquerait également que Tingi et MQM ŠMŠ produisent alors deux séries très différentes, l’une avec et l’autre sans référence au pouvoir royal. À partir du milieu du Ier siècle av. J.-C. des monnaies autonomes sur lesquelles l’effigie royale est remplacée par celle d’une divinité sont en effet issues de ces deux ateliers65. Si l’on considère à l’inverse que les frappes à l’effigie royale sont interrompues, il faut non seulement admettre que Tingi et MQM ŠMŠ poursuivent leur production monétaire tout en modifiant leur nature, mais aussi que Rusaddir, Tamuda, Sala, Timici et Camarata (?) stoppent totalement cette activité puisqu’à notre connaissance ces ateliers n’émettent pas d’autres types que celui dit à l’effigie royale66.
26Une mutation remarquable au sein du royaume maure consolide cette seconde hypothèse, à savoir la multiplication du nombre de cités frappant des séries monétaires sans référence aucune au pouvoir royal. En Maurétanie occidentale s’ajoutent à celles de Lixus non seulement celles de Tingi et de MQM ŠMŠ, mais aussi les premiers monnayages de Zilil et de la cité battant monnaie à légende BB‛T, qu’il faut désormais identifier à Babba67 (fig. 21 à 23). En Maurétanie orientale, Gunugu semble de même débuter ses émissions à partir de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C.68 (fig. 24). Nous ne savons pas si Iol et Ikosim, qui manifestaient leur autonomie par ce biais dès l’époque de Massinissa I et de Micipsa, conservent ce privilège après avoir été incluses dans le royaume maure69. Les données archéologiques disponibles ne plaident pas pour le moment en faveur d’une telle situation. Nous ne trouvons pas mention, en tout cas, de telles découvertes dans des contextes du Ier siècle av. J.-C. Les légendes de ces monnaies, exclusivement puniques, incitent en outre à penser qu’elles ne sont plus produites durant le règne de Bocchus II.
27Cet accroissement notable des monnayages autonomes indique une évolution des rapports établis entre les cités et le pouvoir royal. On pourrait en conclure qu’il s’effectue avec l’accord des souverains, du moins qu’il est toléré par ces derniers et que les cités sont désormais mieux intégrées au sein du royaume. Iraient en ce sens les innovations observées dans les émissions au nom de Bocchus II et de Bogud. Celles-ci sont souvent fabriquées en argent, en particulier celles de Bogud, alors que jusque-là l’ensemble du numéraire de Maurétanie l’est en bronze70. Le métal employé, mais aussi la rareté des exemplaires, démontrent que ces monnaies ont une fonction essentiellement idéologique. Leur iconographie témoigne d’un renouvellement et se démarque ainsi de celle des monnaies autonomes des cités. Ces dernières affichent des thèmes liés aux ressources de chacune, tel l’épi de blé, représenté par la très grande majorité des cités de Maurétanie occidentale et dans une moindre mesure de Maurétanie orientale (fig. 15 à 18, 21 à 23), ou encore la grappe de raisin, largement attestée tant sur les émissions de Maurétanie occidentale qu’orientale. Parallèlement, celles de Rusaddir et de Lixus sont respectivement ornées d’une abeille et de thons. Les autres motifs se rapportent à des thèmes divers qui ne se retrouvent pas davantage sur les monnayages des deux souverains maures71. Il en est de même des effigies de divinités présentes sur les frappes autonomes des cités, soit l’Océan sur certaines séries de Tingi et de MQM ŠMŠ, Bacchus sur celles de Gunugu et de Siga, Chusor-Phtah (?) sur celles de Lixus, Melqart/Héraklès sur celles de Zilil, Melqart/Héraklès ou Baal Hammon (?) sur celles de Gunugu, Isis sur celles d’Iol et d’Ikosim72. Quant aux rois, ils font généralement figurer le portrait royal et la tête de l’Afrique coiffée d’une dépouille d’éléphant (fig. 19). De plus, sur les monnaies de Bocchus II apparaît le buste de Janus, sur celles de Bogud une proue de navire ou un disque ailé. Cette iconographie inclut enfin des thèmes animaliers typiquement africains, tels l’éléphant, le lion (types Mazard n° 118 à 121 de Bocchus II), ou le cerf et le griffon (types Mazard n° 103 à 106 de Bogud)73.
28La politique du renforcement du pouvoir royal par Bocchus II se caractérise également par la décision de régir le pouvoir depuis un centre unique, à l’image des monarchies hellénistiques. Le souverain donne sans doute une fonction politique de premier plan à Iol, une capitale qui abrite probablement l’atelier royal74. Il n’est pas pour autant certain que le roi se soit fait élever un tombeau digne des monarques hellénistiques. Le mausolée dit de la Chrétienne, localisé à une trentaine de kilomètres de la cité et perçu par certains historiens comme sa sépulture, nous paraît davantage s’identifier à celle de Micipsa75.
29De son côté, en dépit de sa volonté d’accroître, comme Bocchus II, son pouvoir, le roi Bogud exerce une autorité relativement fragile, ce qu’illustre tout particulièrement l’épisode de la révolte des habitants de Tingi en 38 av. J.-C., qui conduit à l’annexion de son royaume. Au sein de ce dernier, Tingi, mais aussi Lixus, conservent une large autonomie. Une inscription néopunique du cap Djinet en Algérie mentionne l’expression ‘Š B’M LKŠ. D’après les travaux de M. Sznycer, ‘Š B’M correspondrait à une formule officielle spécifique pour exprimer une réalité juridique bien définie. M’ désignerait ainsi l’« Assemblée du peuple ». Il faut donc traduire ‘Š B’M LKŠ par « appartenant à (= siégeant à) l’Assemblée du peuple de Lixus »76. De plus, les monnayages de Lixus et Tingi contiennent des formules administratives : MB’L (M : « émanant de » ; B’L « citoyens de.. ») ou MP’L (« fabrication de.. ») pour Tingi et Lixus et P’LT (« fait », « frappé » c’est-à-dire « émis par... ») pour Tingi, sur des émissions monétaires clairement datées de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. d’après les résultats des fouilles de Sala et de Lixus77. Ces formules révèlent non seulement la permanence d’une organisation municipale autonome à Lixus et à Tingi, libres de choisir le moment et les quantités de numéraire à frapper, mais aussi une volonté de la part de ces cités qui constituent les deux principaux ports de l’époque phénico-punique en Maurétanie occidentale d’affirmer les sphères de compétence de l’autorité citadine78.
30Il semble donc peu probable que l’une ou l’autre de ces villes soit la résidence royale de Bogud, contrairement à ce que l’on a pu parfois avancer : St. Gsell pour Tingi parce qu’elle fut promue municipe et qu’elle donna son nom à la province romaine créée par Claude en 40 ap. J.-C. (Maurétanie tingitane)79 ; A. Jodin pour Lixus en raison de la qualité de sa tradition monétaire ou encore de la découverte d’objets en bronze sur le site, en réalité plutôt datables du règne de Bocchus I80. En l’absence d’indices complémentaires, la localisation de la ou des résidence(s) royale(s) de Bogud reste pour le moment indéterminée.
2.2. Le processus de consolidation du royaume numide
2.2.1. La permanence des cités autonomes et des reguli/principes au sein du royaume
2.2.1.1. Des constitutions municipales originales : le modèle carthaginois remis en cause
31Nous sommes en mesure d’affirmer que le royaume numide comprenait lui aussi des cités autonomes dont les institutions sont, pour certaines d’entre elles, perceptibles, malgré la faiblesse des données relatives à l’époque préromaine. De fait, W. Seston écrivait : « il n’est pas d’une mauvaise méthode de demander notre information aux cités qui, sans être totalement puniques, ont fortement subi l’influence de Carthage et qui, à l’époque romaine, ont dû aux circonstances et à la souplesse du nouveau régime de conserver des institutions autrefois reçues des Carthaginois »81. En appliquant ce mode de pensée, les historiens ont perçu, de façon assez unanime, diverses magistratures n’appartenant pas à l’administration romaine et mentionnées dans des inscriptions latines ou néopuniques généralement datables des Ier-IIe siècles ap. J.-C., comme les survivances d’une organisation de type carthaginois82. Cette documentation s’avère toutefois déconcertante et pose d’importants problèmes d’interprétation. Au terme du réexamen de ce dossier, il apparaît que ces magistratures sont en réalité des survivances d’une organisation de type libyco-numide.
32D’après les données relatives à l’époque préromaine, la constitution municipale des cités numides ne peut être considérée comme calquée sur le modèle institutionnel de Carthage. Une première évidence s’impose : aucune source n’atteste explicitement l’existence de sufètes au sein de ce royaume. Ainsi, Appien et Salluste font respectivement état d’un sénat et de principes civitatis à Vaga au temps de la guerre de Jugurtha. Tite-Live signale quant à lui des principes Cirtensium, auxquels Massinissa demande une entrevue lorsqu’il arrive en 203 av. J.-C. à Cirta, alors sous domination de Syphax83. Le sanctuaire d’El-Hofra à Cirta a livré deux dédicaces votives néopuniques datables de la fin du IIe siècle av. J.-C. (?) qui présentent une formule indiquant, la première, l’année de ŠRM et ŠLM, la seconde, l’année de BF/KS84. Deux noms de magistrats éponymes apparaissent également à côté de celui de la ville sur ses monnayages autonomes légendés en néopunique85. Enfin une dédicace privée de Thuburnica, rédigée en grec et datable des IIe-Ier siècles av. J.-C., mentionne un archarchonte dans la cité86. On estime que les magistrats évoqués sur l’ensemble de ces documents archéologiques correspondent à des sufètes, en particulier ceux de Cirta, étant donné leur caractère éponyme, leur nombre et leur nom sémitique87. Aucun élément ne permet cependant de conforter cette hypothèse.
33Seule l’inscription bilingue RIL 2, dédicace punico-libyque du monument de Massinissa I, gravée en l’an 10 du règne de Micipsa (139 av. J.-C.), révèle que le grand-père de Massinissa, Zilalsan, exerça cette magistrature, mais sans préciser dans quelle cité88. De ce fait, on ne peut en conclure à l’existence du sufétat dans le royaume numide à partir de la seconde moitié du IIIe siècle av. J.-C., car Zilalsan a pu assumer cette responsabilité en dehors du territoire placé sous l’autorité des souverains numides, soit à Thugga même qui est alors passée sous la domination de Carthage89, soit plus probablement dans une autre ville carthaginoise. En effet, dans la série d’inscriptions libyques ou punico-libyques découvertes à Thugga qui détaillent son organisation municipale depuis au moins la fin du IIIe siècle av. J.-C. (RIL 2, 10 et 11)90, il n’est jamais fait mention de sufètes dans la liste des magistrats de la cité et, plus encore, le terme ŠFT (sufète) employé sur l’inscription RIL 2 pour désigner Zilalsan est le seul mot à être translittéré en libyque, contrairement à tous les autres titres et fonctions énoncés en libyque. Il faut bien en conclure que le terme de sufète n’a pas d’équivalent dans les institutions de la cité numide de Thugga, comme le montrent bien les références à son fonctionnement politique dans l’inscription RIL 291.
34Celle-ci mentionne que la construction du monument à Massinissa est faite au nom des « citoyens de Thugga » (CKN en libyque, rendu par BAAL’ en punique). Puis elle énumère une liste de magistrats : en premier lieu vient un personnage du nom de Shafot, désigné par les mots GLD en libyque et MMLKT en punique, prince éponyme dont la fonction est annuelle, puis deux MWSN, fonction qui, dans le texte punique, est rendue par l’expression RB M’T que J.-G. Février traduit par « chefs des Cent ». Au-dessous des deux MWSN figurent un MCCKW et un GZB simplement translittérés en punique, puis un GLDMSK rendu en punique par ‘DR HMŠM H’Š et que le même auteur identifie au « chef des cinquante hommes ». Enfin, apparaît un GLDGYLM, lui aussi uniquement translittéré en punique. Selon J.-G. Février, qui pense que le système carthaginois sert de modèle, les « chefs des Cent » correspondraient aux présidents d’un conseil de cent membres, lequel serait l’assemblée des notables de Thugga. Comme à Carthage, ils exerceraient une magistrature suprême, tandis que le « chef des cinquante » aurait présidé une commission sénatoriale. Pour les fonctions qui ne sont pas traduites dans la partie punique de l’inscription, J.-G. Février propose de voir dans le MCCKW un magistrat chargé des questions financières. Le GLDGYML serait le chef des prêtres. Le GZB assumerait une fonction non identifiable92. Cette analyse n’a pas fait l’unanimité. Déjà G.-Ch. Picard, peu favorable à la traduction de J.-G. Février, estimait plus probable que les chefs en question soient en fait des commandants militaires93. Par la suite, S. Chaker a proposé une interprétation fondée sur les progrès réalisés dans la connaissance de la langue libyque. Le terme MCCKW serait à rapprocher d’une racine dont le sens serait celui de construire, dresser, édifier. Il s’agirait donc, non pas d’un responsable des finances, mais de l’architecte ou du responsable de la construction. Le terme GLDGYML s’appliquerait au chef d’une catégorie inconnue d’artisans. Le GZB pourrait être l’inspecteur des travaux. Quant aux termes rendus en punique, MWSN serait issu d’une racine libyque signifiant le sage, l’homme expérimenté et GLDMSK serait le chef des maçons ou de la construction94. Mais G. Camps, de son côté, a rappelé qu’une stèle de Lakhdaria, en Algérie centrale, contient le terme GLDMSK et que celui-ci semble plutôt faire référence à une fonction administrative, le personnage de la stèle en question portant une canne courte (sceptre ?) et un petit globe ou anneau, signe de pouvoir qui orne presque toutes les stèles kabyles à personnages héroïques ou divinisés95.
Tab. 1 – Les magistratures et institutions de Dougga d’après l’inscription RIL 2.
(D’après Février J.-G. 1964-1965, p. 85-91 ; Chaker 1986, p. 541-562).
Nom libyque | Interprétation de S. Chaker | Nom punique | Interprétation de J.-G. Février |
ckn | Citoyens de… | BAAL’ | Citoyens de… |
gld | Prince (magistrat éponyme) | mmlkt | Prince (magistrat éponyme) |
mwsn | Sage ou homme expérimenté | rb m’t | Chef des Cent |
mcckw | Architecte ou responsable de la construction | msskwy | Responsable des finances |
gzb | Inspecteur des travaux | gzby | ? |
gldmsk | Chef des maçons ou de la construction | ‘dr hmšm h’š | Chef des cinquante |
gldgylm | Chef d’une catégorie d’artisans | gldgyml | Chef des prêtres |
35Aucune de ces deux analyses n’est donc pleinement convaincante. Certes, l’influence de Carthage se répand manifestement à Thugga et rappelons en particulier que la cité abrite sans doute une population en partie constituée de Carthaginois. Plusieurs personnages portent en tout cas des noms sémitiques96. Le mode d’écriture des inscriptions libyques tend également à le confirmer puisque celles-ci, généralement composées de lignes verticales, sont rédigées à l’horizontale à Thugga97. Enfin tous les textes dits officiels de la cité sont rédigés en libyque, seuls deux d’entre eux présentant un caractère bilingue, punico-libyque98. Ce phénomène, inconnu par ailleurs, confirme la primauté de l’élément libyque à Thugga. Il y a donc visiblement une allusion à des institutions municipales dont le caractère est essentiellement libyco-numide dans l’inscription de l’époque de Micipsa : au moins trois fonctionss, MCCKW, GLDGYML et GZB, dont les noms sont simplement translittérés dans la partie punique, sont assurément inconnues du droit carthaginois99. Les trois autres magistratures qui ont un équivalent dans la langue punique, GLD, MWSN et GLDMSK ne correspondent pas pour autant à des fonctions carthaginoises. L’une d’entre elles en particulier n’est certainement pas d’origine carthaginoise. Il s’agit du prince éponyme annuel, désigné GLD en libyque, logiquement traduit par le terme MMLKT en punique. Par ailleurs, la présence de trois magistrats au sommet de la hiérarchie, le prince éponyme et les deux MWSN, ne concorde pas avec ce que nous connaissons à Carthage avant 146 av. J.-C. Nous retrouvons ce type d’organisation dans d’autres cités numides100.
36Il est donc probable que les MWSN et le GLDMSK sont également des fonctions dont l’origine est libyco-numide mais qu’elles se rapprochent davantage de certaines fonctions exercées à Carthage, les RB’MT et ‘DR HMŠM H’Š. Ces termes puniques auraient donc été choisis pour rendre compte autant que possible d’une réalité qui ne trouvait pas d’équivalence exacte dans le système politique carthaginois. Ainsi s’expliquerait que ces fonctions puissent être interprétées de façon si différente par J.-G. Février et S. Chaker.
37Les autres textes officiels de Thugga, s’ils n’apportent aucun éclaircissement sur ce point, confirment la position hiérarchique des magistrats de la cité qui, à une exception près, apparaissent dans un ordre identique101. Par ailleurs, le magistrat suprême est sans doute rééligible. Shafot, le GLD, est ainsi mentionné comme tel sur l’inscription RIL 2 mais aussi sur l’inscription RIL 3 qui semble être un peu plus ancienne102. Les plus hautes responsabilités sont vraisemblablement entre les mains de quelques familles de notables, comme le révèle l’inscription libyque RIL 11, constituée d’une liste de noms et de filiations accompagnées de fonctions. Enfin la généalogie de Shafot amène à considérer que cette organisation municipale existe depuis la deuxième guerre punique au moins, son grand-père devant être MWSN approximativement à cette période103. Incluse dans le territoire carthaginois jusqu’au milieu du IIe siècle av. J.-C.104, Thugga n’adopte donc manifestement pas pour autant le fonctionnement institutionnel de la métropole punique.
38D’un autre côté, une série d’inscriptions latines ou néopuniques fait largement état du sufétat aux Ier-IIe siècles ap. J.-C. dans les cités d’Afrique du Nord, du Maroc à la Libye actuels. Le dernier inventaire en date recense trente-trois sites, auxquels il faut ajouter deux villes ayant livré des inscriptions néopuniques non datées et huit autres où apparaît un magistratus, terme qui semble être équivalent de sufète, en particulier dans les cités pérégrines d’Afrique proconsulaire105. Nous obtenons donc un total de quarante-trois cités. Parmi celles-ci, seules douze se situent à l’ouest de la Fossa Regia : Calama, Aïn Nechma, Gadiaufola, Masculula, Henchir Kodiat, Althiburos, Thugga, Mactar, Vazi Sarra, Limisa, Henchir ed-Damous et Capsa (fig. 3). Durant la période romaine le sufétat s’exercerait donc très majoritairement dans les cités placées sous l’autorité de Carthage avant 146 av. J.-C. À partir de ces éléments, G. Camps a estimé que ces dernières ont toujours dû être administrées par des sufètes. L’historien n’a pas émis d’opinion pour les autres cités localisées elles à l’ouest de la Fossa Regia, hormis pour Thugga et Cirta où le sufétat lui paraît postérieur au règne de Micipsa. Il se fonde pour Thugga sur le fait que le sufétat semble remplacer les magistratures libyques dont la cité est assurément dotée en 139 av. J.-C. et, pour Cirta, sur la graphie néopunique des documents qui attestent l’existence de magistrats éponymes préromains, traditionnellement identifiés à des sufètes106. G.-Ch. Picard, observant qu’à l’époque romaine le prince éponyme de Thugga a disparu et que le sufétat a fait son apparition, avait conclu pour sa part que ce dernier y avait été établi après l’annexion du royaume numide par Rome107. On explique difficilement pourquoi le sufétat aurait été institué à Thugga et à Cirta sous le règne de l’un des successeurs de Micipsa, soit bien après la chute de Carthage. Si tel était le cas, nous disposerions sans doute de données explicites sur l’adoption de cette magistrature au sein des cités de la Numidie préromaine. Une éventuelle création du sufétat à l’époque romaine à Thugga paraît également peu plausible. Si Rome tolère le maintien d’institutions indigènes au sein de son Empire, elle n’a guère intérêt à réformer celles des anciennes cités numides en se fondant sur le modèle de la métropole punique. Il faudrait sinon admettre que les cités de l’Africa vetus sont de longue date pourvues de sufètes et que Rome, après avoir conquis le royaume de Juba I, décide d’instaurer le sufétat dans cette région nouvellement annexée pour assurer une certaine uniformité institutionnelle dans ses provinces d’Afrique.
39Les informations relatives à l’organisation municipale de cinq cités romaines auparavant incluses dans le royaume numide confirment selon nous que ce mode de fonctionnement n’est pas hérité du système politique de la Carthage punique mais constitue bel et bien une survivance d’origine libyco-numide.
40En effet, si l’organisation municipale des cités d’Afrique du Nord à l’époque impériale se caractérise par l’existence de deux sufètes, comme à Carthage depuis le IIIe siècle av. J.-C. au moins108, des inscriptions du Ier siècle ap. J.-C. découvertes à Calama, Althiburos, Thugga, Mactar et Leptis Magna montrent que la situation n’est pas toujours conforme à ce système (tab. 2 et 3). C’est ainsi qu’un nombre variable de sufètes, deux ou trois, est attesté selon les cités. Plus encore, nous constatons parfois une prééminence de l’un de ces sufètes, un phénomène inconnu à Carthage, révélé par le terme râb sofetim, le chef des sufètes, mentionné à Mactar, ou celui de sufes maior, évoqué à Thugga aux côtés d’un princeps civitatis109. Nous percevons de plus une organisation fondée, à la différence de Carthage, sur le triumvirat, notamment illustré par la présence d’un collège de trois sufètes à Mactar et à Althiburos110. Le triumvirat apparaît également à Mactar sous la forme de deux magistrats (sufètes ?) suivis d’un râb111. Il peut aussi se constituer de deux sufètes et d’un prince de la cité, comme à Calama, à Leptis Magna et manifestement à Thugga112. Une inscription de Thugga nous apprend par ailleurs que la cité est dirigée par deux sufètes et qu’un personnage a reçu les ornements du sufétat par décision du sénat et de l’assemblée populaire, avec l’assentiment de toutes les Portes113.
Tab. 2 – Les magistratures des cités anciennement sous domination numide d’après les inscriptions grecques et latines
(D’après Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, p. 255-273).
41Rendre une origine libyco-punique à ce type d’organisation permet d’éliminer la confusion résultant de cette documentation et le fait que les interprétations variées et souvent contradictoires dont elle a fait l’objet n’aient pas permis jusque-là de cerner véritablement le rôle des Portes, du princeps, du sufes maior, du râb sofetim et du râb, ni de restituer la position hiérarchique de chacune de ces entités114. Ces dernières étaient difficilement compréhensibles pour les Romains, les Puniques ou encore les Grecs, qui ont cherché des termes plus ou moins équivalents dans leur propre vocabulaire institutionnel pour les désigner. La preuve en est sans doute que les rédacteurs des inscriptions latines et néopuniques emploient divers vocables étrangers pour se référer à une même fonction. Ainsi, les Romains qualifient vraisemblablement de sufes un magistrat libyco-numide qui se rapproche de leur conception du sufète carthaginois, une assimilation qui se justifie certainement par leur nombre – généralement deux –, leur caractère éponyme et la place élevée qu’ils occupent dans la hiérarchie municipale. Cependant, conscients que leur responsabilité, parfois leur nombre et sans doute même leur place exacte dans cette hiérarchie ne sont pas identiques, ils auraient utilisé en parallèle le terme magistratus115.
42Ce constat peut être comparé à celui de M. Sznycer qui, au sujet du « problème des sufètes » de Carthage, rappelle que les Grecs désignent généralement le sufète carthaginois par le terme basileus (roi), tandis que les Romains transcrivent le mot punique ŠFT par le terme sufes, et conclut : « quand ils n’employaient pas la transcription pure et simple, (ils) ont également cherché à transposer le terme punique en latin et ces transpositions, plus ou moins réussies selon le cas, […] étaient, par la force des choses, tout aussi inadéquates. En voulant parler des sufètes, les Grecs et les Latins se heurtaient donc à une double barrière : celle des institutions et des mentalités et celle de la langue. Il faut toujours avoir à l’esprit ces faits quand on aborde les problèmes concernant les sufètes, embrouillés comme à souhait par la diversité d’informations, souvent contradictoires en apparence, transmises par les Grecs et Latins, et, peut-être plus encore, par les commentateurs modernes qui s’acharnent à chercher la cohérence et la précision là où on ne peut nécessairement trouver qu’approximation, imprécision, ou incohérence. En effet, ce qu’on pourrait appeler le « problème des sufètes » a été créé avant tout par l’inadéquation des termes grecs et latins employés par les auteurs anciens pour parler de ces magistrats carthaginois, termes qui souvent prêtent à équivoque concernant les attributions, le rôle véritable et l’importance des sufètes »116. Soulignons que ce même problème de transposition est à l’origine des difficultés rencontrées par les historiens contemporains qui ont cherché à mettre en lumière la constitution de Carthage, avec en particulier le long débat quant à l’existence, ou non, d’une royauté117.
43Le phénomène d’assimilation entre les magistratures d’origine carthaginoise et libyco-numide paraît également illustré par l’emploi des mots néopuniques RB (râb) et ŠFT (sufète) qui ne paraissent pas désigner systématiquement deux magistratures différentes. En Numidie, le râb n’est sans doute pas l’équivalent exact du magistrat carthaginois que nous connaissons aux derniers temps de la Carthage punique, bien qu’il ne soit pas évident de savoir ce qu’il recouvre précisément. D’après les inscriptions puniques qui mentionnent des personnages portant le titre de râb, étudiées par M. Sznycer, ce terme se trouve fréquemment en association avec d’autres substantifs et sa signification est alors claire (« chef des scribes », « chef des prêtres », etc). Lorsqu’il figure seul sur les inscriptions puniques de Carthage, son sens général serait celui de « Grand », de « chef ». Le râb est en tout cas un magistrat important, occupant un haut rang dans le système politique de Carthage et dans la hiérarchie sociale. Il semble par ailleurs que l’on peut être à la fois sufète et râb, mais que très souvent le râb n’est pas sufète118. À partir des inscriptions néopuniques de Mactar, le râb a fait l’objet de commentaires divergents de la part des historiens. Il est parfois perçu comme le chef des sufètes, le râb, le râb sofetim, le sufes maior et l’archarchonte répondant ainsi à une même réalité119. Mais le râb serait éventuellement subordonné aux sufètes, hypothèse fondée sur le fait qu’il apparaît sur l’une des inscriptions de la cité après le nom de deux magistrats, généralement identifiés à des sufètes, soit selon un ordre hiérarchique. Le râb pourrait correspondre au questeur évoqué par Tite-Live à Gadès et à Carthage, soit le MCCKW, considéré comme le délégué aux questions édilitaires et financières à Thugga120. Toujours d’après la même inscription, S. Belkahia et G. Di Vita-Évrard estiment que le râb exerce une fonction indépendante du sufétat et que le terme est parfois rendu en latin par celui de princeps121. Ce dernier serait le président du sénat local. Pourtant, à Macota, les deux magistrats éponymes de la cité sont dénommés râb et leur position hiérarchique permet de les apparenter aux sufètes mentionnés sur les inscriptions des anciennes cités numides. Dans ce cas, tant l’usage du terme râb que celui de sufète en néopunique ou en latin résultent manifestement d’amalgames avec les magistrats puniques de Carthage.
44Nous pouvons considérer que les mentions de princeps découlent d’un phénomène comparable. Le terme latin princeps est employé de manière diversifiée. Ainsi, Salluste évoque les principes civitatis de Vaga, sans que l’on sache s’il s’agit de magistrats en particulier ou, en suivant l’avis d’A. Ernout, des « citoyens les plus notables »122. En revanche, en citant les principes Cirtensium, Tite-Live fait vraisemblablement allusion à des magistrats haut placés dans la hiérarchie municipale de la cité. Sur les inscriptions, le princeps semble correspondre à un magistrat indépendant du sufétat. Il apparaît seul sur des dédicaces de Thugga, de Calama et de Leptis Magna. À l’inverse, sur l’une des inscriptions de Calama, il pourrait suivre la mention d’un sufète, ce qui laisse présager de sa position subordonnée123. Parallèlement, et cela accentue la complexité de la situation, nous constatons que le triumvirat n’est attesté que sous la forme de deux sufes et un princeps sur les inscriptions latines qui ne font donc jamais état de trois sufètes. On peut donc se demander si le princeps n’a pas également exercé une magistrature liée à ce que les inscriptions nous incitent à qualifier de sufétat.
45Quant aux Portes, dont le témoignage à Thugga constitue un unicum en Afrique du Nord après la chute de Carthage, W. Seston avait souligné, d’après des passages bibliques, qu’il s’agit, chez les peuples sémitiques et les Phéniciens en particulier, de lieux où l’opinion publique se manifeste traditionnellement. Ces réunions d’assemblées populaires aux portes des villes ne se seraient tenues que de manière informelle, mais les autorités gouvernantes auraient été contraintes de prendre en considération leur avis, sans y être pour autant juridiquement obligées124. Selon Mh. Fantar, les Portes doivent correspondre à des secteurs urbains bien délimités, dotés d’une porte et abritant des familiae ou des groupes socio-ethniques cimentés par des liens de parenté. Elles symboliseraient donc les principales composantes de la communauté de la cité et par extrapolation leurs représentants ou leurs chefs. Ces derniers s’identifieraient au BAAL’, que l’historien perçoit comme l’équivalent du princeps125. Cette dernière déduction est difficilement acceptable, le BAAL’ et le princeps désignant vraisemblablement deux réalités différentes, d’un côté un groupe de citoyens qui semble s’apparenter à une institution, de l’autre un magistrat. Il est néanmoins tentant d’établir une concordance entre les Portes et le « conseil des citoyens » (CKN en libyque, BAAL’ en punique). Celui-ci joue en tout cas un rôle de premier plan. Cité en tête de l’inscription bilingue de Thugga, il intervient non seulement pour y construire un monument à Massinissa I, mais aussi pour des actes religieux126. Des dédicaces à Baal Hammon par les « citoyens de Thugga » (BAAL’TBGG) sont en effet documentées127. Nous en connaissons d’autres, rédigées en néopunique, faites par les « citoyens de Mididi » et les « citoyens de Mactar », sans mention de magistrats, ou encore par les « citoyens de Ellès », avec mention de deux magistrats éponymes128. C’est sans doute à ce conseil que fait allusion Appien lorsqu’il évoque le « sénat » de Vaga.
46L’existence d’un pouvoir triumviral dans les cités romaines de Calama, Althiburos, Thugga, Mactar et de Leptis Magna nous paraît constituer une survivance d’une organisation municipale d’origine libyco-numide, à l’image de celle de Thugga qui comporte au IIe siècle av. J.-C. au sommet de sa hiérarchie un trio composé d’un prince éponyme et de deux MWSN129. Ce pouvoir se serait donc transformé avec le temps en une association de deux sufètes et d’un magistrat qualifié de princeps, voire en un sufétat triple. T. Kotula et G.–Ch. Picard estiment ainsi qu’il y a trois sufètes à Thugga à l’époque romaine, le troisième s’identifiant au sufes maior, comme à Mactar où les trois sufètes ne sont pas de rang égal et où le troisième, décoré du titre de râb sofetim, dirige le collège130. L’hypothèse d’une telle survivance dans les anciennes cités numides est confortée par le fait qu’aucune ville située antérieurement sur le territoire de la Carthage punique n’a livré de témoignages relatifs à un fonctionnement de type triumviral durant la période romaine131.
47Les cités numides ne sont pas régies de manière identique et certaines d’entre elles sont visiblement administrées aux Ier-IIe siècles ap. J.-C. par deux magistrats principaux, désignés par les termes sufes, magistratus ou râb, une configuration qui rappelle cette fois la constitution de Carthage à l’époque punique. La découverte éventuelle, dans ces cités, d’inscriptions faisant référence à un troisième magistrat n’est toutefois pas inenvisageable. Le partage de l’autorité royale entre trois souverains, à la mort de Massinissa I, puis celle de Micipsa, pourrait bien en effet refléter une tradition privilégiant un pouvoir triumviral en Numidie.
48Retenons qu’une communauté politique organisée et hiérarchisée existe assurément à l’époque préromaine à Thugga, une cité qui possède des règles municipales déjà élaborées. Il en était sans doute de même des principales villes du royaume numide, dont l’organisation municipale ne répond vraisemblablement pas à un modèle qui serait instauré à l’identique partout. Ce fonctionnement institutionnel libyco-numide, dont il faut souligner l’originalité, a peut-être été pénétré par l’influence carthaginoise, que les problèmes de transcriptions latines ou néopuniques et les amalgames qui en découlent nous empêchent toutefois de discerner et/ou de mesurer. Enfin, si les cités fonctionnent politiquement de façon autonome, tout en étant subordonnées au pouvoir royal, nous constatons que les habitants de Thugga ont tenu à affirmer leur autonomie envers ce dernier. La cité s’avère jusqu’à présent la seule à avoir livré des inscriptions officielles rédigées en libyque alors que la langue officielle du royaume numide est le punique.
2.2.1.2. Entre hostilité et tolérance : de hauts personnages érigés en princes locaux ?
49Les auteurs grecs et latins mentionnent des personnages numides de rang élevé sans préciser leur position socio-politique. Tout porte à croire qu’ils n’ont pas su comment les définir car leur statut échappait à leur schéma cohérent de hiérarchie132. C’est sans doute le cas de Tite-Live qui qualifie de principes ceux qui tombent lors de l’affrontement entre le roi Capussa et Mazaetullus ou encore les deux hommes envoyés par Massinissa I à la rencontre de Scipion pour fixer le moment et le lieu de leur entrevue133.
50On ne peut davantage définir une série d’individus qui sont connus pour s’être dressés contre l’autorité royale et ont opté pour la plupart pour une alliance avec Carthage. Il semble que les Carthaginois eux-mêmes entretiennent leur hostilité envers les rois numides. Ils soutiennent en tout cas Mazaetullus face à Massinissa134. Plus tard, entre la seconde et la troisième guerre punique, c’est un certain Aphtir ou Aphter qui se révolte contre le roi et qui se réfugie en Cyrénaïque, tandis qu’un Numide du nom de Bithyas trahit le roi Gulussa en 147 av. J.-C. et se met au service des Carthaginois avec huit cents cavaliers135. Ces transfuges pourraient être des chefs de communautés urbaines ou tribales enrôlés comme généraux, tels peut-être Asasis et Soubas, des ταξίαρχοι (commandants d’une cohorte) passés dans le camp des Carthaginois avec six mille cavaliers en 150 av. J.-C., à la suite d’un différend avec les fils de Massinissa I136.
51Les auteurs anciens attribuent un pouvoir de type royal à d’autres personnages qui de fait correspondent plus vraisemblablement à des princes locaux. Selon Tite-Live, des ambassadeurs romains chargés de présents pour le roi Syphax, ont également l’ordre, pour consolider les alliances, d’aller en porter à d’autres reguli d’Afrique, un terme que l’auteur utilise aussi pour désigner les fils du roi137. Appien emploie quant à lui le mot δuνάστης (« tout homme qui a une part de souveraineté ») et indique qu’un grand nombre de ces individus sont placés sous la suzeraineté de Syphax. Il qualifie de cette manière les Numides Dacamas et Massathès qui combattent, l’un aux côtés des Romains et de Massinissa I, l’autre avec les Carthaginois contre Massinissa I durant la deuxième guerre punique, ainsi que le chef des Numides Aréacides dont Hannibal gagne l’amitié. Ce dernier pourrait s’identifier à Tuchaïos, un proche de Syphax à qui, selon Polybe, Hannibal demande des renforts en lui assurant qu’il pourrait conserver son trône si les Carthaginois sont vainqueurs138.
52Au Ier siècle av. J.-C., outre le fait que Massinissa II et son fils apparaissent comme les dirigeants d’un royaume vassal de la dynastie massyle139, la permanence de princes locaux est illustrée par les événements qui se déroulent sous le règne d’Arabion, en 41 av. J.-C. Ainsi, dans le contexte des guerres civiles romaines, Sextius aurait réuni en Numidie, d’après Appien, des vétérans et des « auxiliaires de princes indigènes »140. Des tombeaux monumentaux, dont l’aspect diffère des mausolées royaux, constituent sans doute les sépultures de ces hauts personnages. Il s’agit en particulier de tumuli connus par les travaux de N. Ferchiou à proximité du tracé vraisemblable de la Fossa Regia, localisés à peu de distance d’agglomérations attestées à l’époque préromaine et/ou ayant livré aux alentours des fragments de vase en céramique et d’amphores datables du IIe et du Ier siècles av. J.-C.141.
2.2.2. Vers un affermissement du pouvoir royal : une multiplication des références au monde hellénistique (fin du IIIe siècle- 118 av. J.-C.)
53L’existence de chefs rebelles à Massinissa I et ses fils a souvent conduit les historiens à conclure que le pouvoir royal demeurait fragile en Numidie142. Dans ce royaume, constitué d’une confédération tribale laborieusement édifiée, tout ou presque repose sur la personne du roi. Sa souveraineté est essentiellement fondée sur la force ainsi que sur les relations de personne avec les chefs de tribus vassales et sur un attachement certain des Massyles143. Selon les opinions respectives de St. Gsell et de G. Camps, Massinissa I n’a pas créé une administration suffisamment structurée et le royaume ne repose sur aucune institution stable ni solide, condition nécessaire à la fondation d’un État. St. Gsell justifie sa position par le fait que la cohésion qu’assure l’autorité personnelle du roi n’est pas maintenue après lui. Mais il est plus juste de dire que c’est l’autorité des successeurs de son fils Micipsa qui n’est pas toujours respectée. G. Camps, quant à lui, s’appuie sur le fait que les partages fréquents et les modalités de succession n’obéissent pas toujours à la même règle. Certes, on constate qu’aucune norme n’est mise en place dans ce domaine après Massinissa I, dans la mesure où ses fils reçoivent une partie des fonctions ou du territoire. Les partages effectués en 148 puis en 118 av. J.-C. révèlent toutefois le passage à un nouveau mode de succession, le mode dynastique remplaçant le mode agnatique.
54Les informations tirées des textes littéraires anciens permettent en tout cas d’affirmer que les offices de cour et d’État se confondent, et ce tant en Massylie qu’en Masaesylie. Les proches des rois, parents ou intimes, assurent les missions diplomatiques : les fils de Massinissa I sont tour à tour envoyés auprès du sénat romain, tels Masgaba et Gulussa, ou à Carthage, tels Micipsa et Gulussa en 150 av. J.-C.144. Les membres de la famille royale assument également la responsabilité des commandements militaires, en Afrique ou à l’étranger, tels Massinissa sous le règne de Gaïa, Vermina sous le règne de Syphax, Misagène sous le règne de Massinissa I et Jugurtha sous le règne de Micipsa145. De même, l’administration du territoire de la Thusca est probablement confiée à un parent146.
55Si par ailleurs la Numidie apparaît encore à cette époque comme « une vaste mosaïque de groupes sociaux et politiques, gardant leur organisation propre et leur autonomie »147 et dont le contrôle reste peut-être difficile, les mouvements d’insubordination que nous pouvons percevoir conservent un caractère personnel et ne donnent jamais lieu à des soulèvements populaires. Syphax, Massinissa I et Micipsa réussissent manifestement à consolider leur autorité. Ils utilisent non plus seulement la force et les pactes conclus avec les chefs locaux pour s’imposer, mais aussi le prestige tiré du développement des rapports avec les principales puissances du monde méditerranéen148. Cet affermissement du pouvoir royal est tout particulièrement fondé sur une multiplication des références aux monarchies de type hellénistique et à leurs souverains.
2.2.2.1. Une capitale unique : retour sur la nature des regiae
56S’inspirant très certainement du modèle des monarchies de type hellénistique, Massinissa I et Micipsa choisissent de doter le royaume massyle d’une capitale unique, en l’occurrence Cirta149. En Masaesylie, Syphax n’avait pas adopté cette politique, puisque son royaume comprenait deux capitales, Siga et Cirta. Il semble toutefois que cette dernière n’a joué qu’un rôle politique secondaire, car Siga abritait très certainement en parallèle l’atelier monétaire royal150. L’hypothèse selon laquelle l’atelier de Cirta a produit la première série des monnaies de Syphax n’est pas convaincante151. Celle-ci, d’aspect plus rudimentaire, a dû être frappée à une période antérieure à l’extension du royaume jusqu’à cette cité152.
57L’existence d’une capitale unique au sein du royaume massyle ne doit pas être remise en cause. On a supposé que Thugga a constitué également le siège du pouvoir royal, en particulier parce qu’elle aurait été au IVe siècle av. J.-C. une place forte massyle153 et que, par la suite, ses citoyens ont élevé un monument à Massinissa I. Sans pour autant la qualifier de « Thugga la royale », nous retenons que la cité tient à proclamer son rattachement au territoire massyle et sa reconnaissance envers Massinissa I à la suite de ses reconquêtes154.
58Les villes regiae, dont la nature a fait l’objet de nombreux débats, ne sont certainement pas non plus des capitales, comme on l’a présumé. Cette opinion repose notamment sur des textes anciens laissant entendre que les rois numides disposent de palais royaux à Zama Regia, où Juba I détient des biens, et à Thimida Regia, où Micipsa conserve ses trésors155. Selon certains historiens, ces villes « royales » correspondent plutôt à des ateliers monétaires frappant des monnaies d’État ou encore à des chefs-lieux, des sièges de représentants du roi, comme la résidence d’un gouverneur156.
59Rappelons que les cités regiae ne sont attestées en Afrique du Nord que sur le territoire numide et sont au nombre de six : Hippo Regius, Bulla Regia, Zama Regia, Aquae Regiae, Thimida Regia, auxquelles s’ajoute une ville d’Oranie (Arbal) au simple nom de Regiae (pl. XVII). Parmi elles, seule Zama Regia est mentionnée comme capitale du royaume dans les sources littéraires anciennes, en l’occurrence celle de Juba I157. De fait, si l’épithète indiquait bien un tel statut, elle aurait dû être jointe au nom de Cirta158. Le même type de remarques nous conduit à écarter l’idée que ces cités sont des résidences contenant les trésors des rois ou encore des ateliers monétaires royaux : si tel était le cas, Suthul, Thala, Capsa et, une fois encore Cirta, auraient reçu le titre de regia. Les trois premières renferment en effet les trésors de Jugurtha, tandis que la dernière abrite manifestement le principal atelier des frappes monétaires royales massyles du règne de Capussa à celui de Juba I159.
60Ce terme est utilisé par les Romains pour désigner des villes plus étroitement liées à la dynastie royale160. Toutefois rien ne démontre qu’il qualifie leur fonction. Leur répartition sur le territoire numide nous incite à y reconnaître des cités autour desquelles le roi Massinissa I crée des domaines royaux et à les mettre en relation avec les reconquêtes effectuées par ce dernier, du moins dans l’extrémité orientale du royaume161 (pl. XVII). En effet, les carrières de marbre de Chemtou, qui appartiennent à la dynastie royale numide162, se trouvent aux alentours de Bulla Regia, ce qui fournit un premier indice sur le lien entre les villes regiae et les domaines des rois massyles. De plus, ces cités sont manifestement incluses au sein de circonscriptions précédemment instituées par Carthage et conservées par Massinissa I après leur annexion au royaume. Il en est ainsi de Bulla Regia et de Zama Regia, situées dans les Grandes Plaines et dans la Thusca. Si ces dernières sont bien de telles entités héritées de Carthage, la contrée comprise entre elles, dans la région de Thugga, doit en former une autre. Or Thimida Regia s’identifie vraisemblablement à Thirmida Bure, au nord-ouest de Thugga. Enfin il semble en être de même d’Aquae Regiae, localisée dans la Gamonia qui peut être perçue, d’après l’étude d’A. M’Charek, comme un district à l’époque numide163 (pl. II).
61Principaux centres établis au sein de ces circonscriptions, les villes regiae sont sans doute ainsi qualifiées après que Massinissa I a transmis à ses successeurs les domaines royaux qu’il y avait constitués. Ces derniers, en totalité ou en partie, sont probablement divisés en terrains de 10000 plèthres (874 hectares) dont chacun de ses nombreux fils hérite164. Peu d’années avant notre ère, un prince indigène devenu citoyen romain, C. Julius, possède à vingt milles de Zama Regia une vaste propriété qui comprend un oppidum, Ismuc165. Ce personnage, désigné comme le fils de Massinissa, pourrait ainsi être un descendant de la dynastie royale massyle et le domaine d’Ismuc une ancienne propriété royale restée dans la famille numide. C. Julius l’aurait sinon reçu des Romains à la suite de l’annexion du royaume de Juba I. Comme St. Gsell, nous sommes tentée d’identifier ces domaines royaux orientaux aux biens confisqués par Rome en 46 av. J.-C. et vendus à des particuliers. De grandes propriétés privées romaines sont en effet attestées au début de l’Empire précisément dans les régions dont Massinissa I s’était emparé entre la deuxième et la troisième guerre punique aux dépens de Carthage166. Cette interprétation plaide donc en faveur du caractère relativement permanent des limites dans l’Antiquité dans ces confins algéro-tunisiens actuels. Elle permet finalement de comprendre pourquoi Zama peut à la fois être capitale et porter le titre de regia, l’un et l’autre statut étant en fait indépendants. Le cas des cités d’Hippo Regius et de Regiae n’en demeure pas moins difficile à expliciter. Nous ne disposons dans ces régions d’aucun indice relatif à l’existence de domaines royaux, pas plus qu’à celle d’anciennes circonscriptions, ni au statut particulier de ces territoires à l’époque romaine.
2.2.2.2. Une image prestigieuse du pouvoir royal
62Dès la fin du IIIe siècle ou le début du IIe siècle av. J.-C., les souverains numides accordent une attention particulière à l’image du pouvoir royal, à laquelle ils prennent soin de conférer une expression prestigieuse. Cette politique est perceptible à travers, d’une part le choix des thèmes iconographiques de leurs monnayages et l’usage de la titulature royale, d’autre part les monuments qu’ils font édifier ; cet ensemble de témoignages est caractérisé par de multiples emprunts au monde hellénistique.
2.2.2.2.1. L’iconographie monétaire et la titulature royale
63Les monnayages contribuent tout particulièrement à diffuser au sein des territoires numides une image prestigieuse du pouvoir royal, illustrée notamment par les légendes et les représentations des monarques.
64Syphax débute manifestement ses productions monétaires par une première série présentant au droit le roi tête nue, la barbe pointue et les cheveux plaqués vers l’arrière, sans insigne de royauté. Sur la seconde, il porte un diadème, les cheveux et la barbe bouclés (fig. 9), une effigie qui tend désormais vers l’idéalisation et qui est reprise par son fils Vermina167. L’ensemble des émissions masaesyles laisse apparaître au revers le nom du roi en punique, suivi de la titulature royale (HMMLKT). Le cavalier sur son cheval au galop qui figure constamment au revers des monnaies de Syphax tient un sceptre, est couvert d’un manteau et s’identifie de fait au souverain. Ce vêtement royal pourrait être inspiré du monnayage de Hiéron II de Syracuse ; ainsi serait perceptible un courant d’hellénisation en provenance d’Ibérie, d’après l’influence barcide que revêtent les frappes du Masaesyle168.
65Massinissa I s’attache également à mettre en avant les symboles de la royauté. Sa série monétaire la plus connue révèle, en raison de sa rareté, une fonction unique de propagande169. Elle comporte au droit le roi lauré, un sceptre sur l’épaule, et au revers un cheval flanqué d’un sceptre. Tel le numéraire contemporain des Masaesyles, la légende de ce revers précise le nom du roi et la titulature royale en langue punique170 (fig. 11). Micipsa suit de toute évidence cette politique en faisant émettre comme son prédécesseur des monnaies à légende MN, soit l’initiale et la finale du nom de ces deux souverains171 (fig. 11 à 13). Ces monnaies sont communément dénommées « à l’effigie royale et au cheval » car elles sont systématiquement frappées de ces deux motifs, l’un au droit (effigie laurée ou diadémée), l’autre au revers (cheval au trot ou au galop). Certaines d’entre elles mentionnent en outre la titulature royale (HT)172. L’apparition du diadème, mais également la présence de la tête du dieu Ammon, qui renvoie à Alexandre le Grand, traduisent la volonté des rois de se représenter en souverains hellénistiques. L’étude de J. Alexandropoulos tend à montrer que les rois puisent leur source d’inspiration dans le répertoire égyptien pré-lagide : le petit globe et l’œil attestés sur ces séries pourraient faire référence à un culte solaire, notamment l’œil si l’on considère qu’il correspond à une réplique de l’oudja égyptien. Néanmoins, comme dans le cas de l’architecture royale monumentale, l’affirmation de l’autorité s’appuie sur des modèles de diverses origines et les thèmes repris dans les frappes monétaires montrent une grande variété : J. Alexandropoulos décèle aussi sur ces monnayages des allusions implicites, par des jeux d’équivalences, à Apollon, des références vraisemblables à Jupiter, à Melqart et à Baal Hammon173. Il conclut à juste titre, après avoir souligné le rôle à la fois économique, politique et culturel de ces émissions, que la monarchie numide s’ouvre de plus en plus aux échanges avec l’extérieur tout en cherchant à créer un État au sens hellénistique du terme174.
66Les témoignages épigraphiques nous laissent quant à eux percevoir un phénomène manifestement spécifique au règne de Micipsa : alors que les rois numides sont généralement désignés, en particulier sur les monnaies, par le terme punique HMMLKT auquel correspond rappelons-le le terme libyque GLD, deux inscriptions dédiées à Micipsa, l’une à Thigibba (région de Mactar), l’autre à Iol, font apparaître un titre plus complexe : à Thigibba, le souverain est qualifié du titre libyque MNKDH, que J.-G. Février propose de traduire par « chef suprême » ; à Iol, il est qualifié en néopunique de MLK MŠLYYM, « roi des Massyles », mais également de RBT MMLKT, « maître des princes », un titre qui pourrait justement répondre à celui de MNKDH175. Ces titres attestent officiellement du renforcement de l’autorité sur les princes locaux.
2.2.2.2.2. Une architecture monumentale au service de la commémoration et du culte funéraire
67Les vestiges d’imposants édifices marquent encore de nos jours les paysages de l’Algérie et de la Tunisie. Leur nature et leur datation font depuis longtemps l’objet de controverses, mais un nouvel examen des données disponibles conduit à la conclusion que la construction de ces monuments, principalement inspirés des modèles hellénistiques, dans l’intention de glorifier les dynasties en place, a été ordonnée par les rois Syphax, Massinissa I et Micipsa.
68Ces édifices se répartissent en trois types. Le premier correspond au tumulus érigé en blocs de grand appareil, illustré par les mausolées du Medracen et de la Chrétienne. Le second type est représenté par les monuments turriformes, dont trois sont attestés dans la ville même de Thugga, à Beni Rhénane près de Siga et au-dessus de la ville d’El Khroub près de Cirta. Il subsiste par ailleurs à El Houam, à vingt kilomètres au sud-est de Gafour, dans une zone de nécropoles, les restes d’un ouvrage qui se rattache indubitablement à cette série et pourrait avoir revêtu un aspect assez proche de celui de Thugga176. Nous n’avons pas toutefois retenu ce dernier site qui n’a pas fait l’objet ni de fouilles archéologiques ni d’une véritable étude architecturale. Le troisième type, généralement désigné par le terme d’« autel-sanctuaire », réunit deux massifs rectangulaires majestueusement élevés sur des collines, celui de Chemtou (Simitthus), situé à près de vingt kilomètres de Bulla Regia, et celui dit du Kbor Klib, localisé à proximité immédiate de Zama Regia.
69Fr. Rakob et G. Camps ont tous deux défendu le rôle des Carthaginois dans l’apparition de ces édifices en Numidie, en particulier le type turriforme177. Or ces derniers, constitués d’une crépis, sur laquelle reposent plusieurs niveaux de construction parfois supportés par des crépis intermédiaires et qui peuvent être formés de socles, d’une chambre funéraire, d’un simulacre de tombe, ou encore d’un temple, ne sont pas vraiment comparables aux monuments tour de Tunisie, de Libye ou d’Orient178 (fig. 6). Nous ne reprendrons pas ici dans le détail l’éloquente démonstration de F. Coarelli et d’Y. Thébert, à laquelle nous renvoyons179. Rappelons cependant que ces deux auteurs réfutent le rôle des Carthaginois et mettent très clairement en évidence le fait qu’en Numidie ces ouvrages répondent à ce qui est élaboré dans le monde hellénistique, notamment en Asie Mineure, avec en particulier le modèle que constitue sans doute le mausolée d’Halicarnasse. Ils résultent d’une création architecturale née de la rencontre entre les éléments grecs et orientaux. L’ensemble des œuvres architecturales numides fait finalement appel à un répertoire des formes et des décors révélateur de la familiarité de leurs constructeurs avec l’art grec en général, souvent à travers ses versions égyptisantes. Les conclusions de F. Coarelli et d’Y. Thébert sont d’autant plus convaincantes qu’elles coïncident avec ce que nous pouvons percevoir de la politique menée par Massinissa I et Micipsa à travers leurs émissions monétaires. Cette volonté de se référer principalement aux modèles hellénistiques peut être aussi mise en rapport avec l’existence de contacts directs entre la Numidie et le monde grec, attestés par diverses sources pendant les règnes de ces deux monarques. Ainsi, Massinissa I accueille-t-il Ptolémée VIII Évergète II, roi de Cyrène à sa cour180. Trois statues sont élevées au souverain massyle sur l’île de Délos : la troisième est offerte par le roi Nicomède de Bithynie181. Il semble également qu’un monument royal dédié à Massinissa et aux princes de Numidie ait été érigé à Délos182. Micipsa se plaît à s’entretenir de science et de philosophie avec des Grecs183 et l’un de ses frères, Mastanabal, est vainqueur sur l’hippodrome d’Athènes lors des Panathénées184. L’une des conséquences de ces relations est l’implantation d’une importante communauté grecque à Cirta185.
70Pour ces raisons, mais aussi en fonction des éléments contextuels de chacun de ces édifices numides, nous proposons d’identifier les mausolées du Medracen, de la Chrétienne et du Khroub aux tombeaux respectifs de Massinissa I, Micipsa et Gulussa/Mastanabal, tandis que les monuments de Thugga, de Chemtou et du Kbor Klib nous paraissent tous trois devoir être considérés comme des ouvrages commémoratifs construits sous le règne de Micipsa. Le mausolée de Beni Rhénane s’avère le seul édifice attribuable à l’œuvre de la dynastie masaesyle.
71Le mausolée du Medracen, d’un diamètre de cinquante-neuf mètres et d’une hauteur de dix-huit mètres cinquante (fig. 5 et pl. XVI), est décrit par G. Camps comme une bazina typiquement africaine, dont l’origine est à chercher dans des traditions architecturales qualifiées de « protohistoriques », mais revêtue « d’une chemise gréco-punique »186. Il l’attribue, rappelons-le, à un prédécesseur de Gaïa. Vidé de son contenu avant l’intervention des archéologues, le tombeau n’a pas livré de mobilier, mais les résultats d’analyses au carbone 14 réalisées au début des années 1970 fournissent une fourchette chronologique comprise entre 300 et 200 av. J.-C.187. F. Coarelli et Y. Thébert ont cependant bien montré que les éléments grecs structurent le Medracen. En effet, la construction, conçue dans la lignée de l’architecture grecque d’époque hellénistique, présente des éléments de tradition égyptienne, tels les annelets des chapiteaux doriques et sa gorge égyptienne, ou les architraves des fausses portes érigées entre les colonnes ; s’y ajoutent des éléments connus dans le répertoire élaboré progressivement en Perse ou encore en Asie Mineure, tels la crépis sur laquelle se dresse le monument, ses colonnades, ses fausses portes, son couronnement à gradins et les sculptures ou le pyramidion qui surmontent l’ensemble. Les deux historiens établissent un parallèle avec la tombe d’Alexandre pour montrer qu’un tel édifice « ne peut se concevoir hors du cadre de l’affirmation du pouvoir royal massyle » et, plus précisément, concluent que « l’ampleur d’une telle construction, l’ambition qu’elle affiche, interdisent son attribution à un roi qui ne pourrait se poser en nouvel Alexandre africain, conditions qui désignent probablement Massinissa, l’unificateur des royaumes massyle et masaesyle »188. Cette interprétation se conçoit tout à fait dans la mesure où les relations politiques mais aussi économiques de la Numidie avec le reste de la Méditerranée s’intensifient à partir du règne de Massinissa I189. Ce contexte d’ouverture et de mutations concorde ainsi avec l’apparition d’une architecture monumentale royale empreinte d’influences extérieures.
72Le mausolée de la Chrétienne, édifié sur la ligne de faîte du Sahel algérois d’où il domine la mer et la plaine de la Mitidja, appartient selon Pomponius Mela à la famille royale190. Composé d’un soubassement carré de soixante-trois mètres de côté, d’une crépis circulaire entourée de soixante colonnes ioniques engagées entre lesquelles sont aménagées quatre fausses portes, d’une couverture à gradins et d’une plate-forme qui, à plus de trente-deux mètres de hauteur, supporte une pyramide ou un groupe sculpté (fig. 5 et pl. XVI), il répond de même à l’adoption d’une conception architecturale jusqu’alors inédite dans les royaumes d’Afrique du Nord191. Néanmoins, à l’image du Medracen, il relève de la grande architecture méditerranéenne, se constitue d’éléments empruntés au répertoire architectural du monde grec, reprend probablement pour modèle la tombe d’Alexandre le Grand et pourrait lui aussi être la réalisation d’un monarque parvenu à unifier l’essentiel du Maghreb192. St. Gsell et Fr. Rakob sont tentés de l’attribuer à Bocchus II, non sans hésitation, pour le second, entre Bocchus II et Bocchus I. En effet, certains détails stylistiques, tels que les chapiteaux ioniques à palmettes ou encore les denticules allongés sur l’architrave des fausses portes, mais aussi la comparaison avec les pratiques architecturales italiennes font pencher vers une datation de la fin du IIe siècle ou du tout début du Ier siècle av. J.-C. Il faut assurément exclure une construction sous le règne de Juba II, une hypothèse précédemment formulée par M. Christofle193. Selon G. Camps, dont nous partageons l’opinion, il s’agit, non pas d’un tombeau maure, mais d’un tombeau numide, plus précisément celui de Micipsa194. Il fonde sa conviction sur la découverte à Iol de l’inscription néopunique dédiée à ce monarque. Elle fait référence à un monument funéraire élevé à sa mémoire, ce qui conduit à penser que le roi a dû mourir dans la cité et être enterré dans ses environs. Or la mort de Micipsa, en 118 av. J.-C., coïncide avec les conclusions chronologiques de Fr. Rakob. Les similitudes existantes entre ce monument et celui du Medracen nous incitent à penser que le souverain, en continuité avec les lignes directrices de la politique de son père, a choisi comme lui de se faire élever un imposant mausolée circulaire.
73Le tombeau du Khroub renferme une chambre funéraire carrée dans laquelle ont été trouvés les ossements calcinés des défunts, un homme d’un certain âge et un adolescent d’après les examens anthropologiques de l’incinération. La chambre contenait également de la vaisselle en argent, des amphores, un casque, une cotte de mailles et des armes. Fr. Rakob, à la suite d’A. Lézine, a proposé, là encore, une datation de la fin du IIe siècle av. J.-C. ; les thèmes égyptisants sont en effet réduits à la présence de la gorge égyptienne, alors que l’inspiration italique domine ; l’édifice est orné de colonnes isolées dorisantes au-dessus du socle du podium, ce qui le rapproche du sanctuaire de Chemtou datable de l’époque de Micipsa195. Fr. Rakob a mis en relation ces éléments architecturaux avec les circonstances de la succession de Micipsa dont le fils Hiempsal est tué juste après sa mort. La datation des trois conteneurs découverts dans le tombeau (fig. 7) ne va cependant pas dans le sens d’une telle destination du mausolée : l’amphore de Rhodes porte le cachet de Sôdamos, ce qui invite à la dater de la première moitié du IIe siècle av. J.-C., et les deux autres amphores, de types Dressel 1 et gréco-italique, indiquent une datation probable du milieu du IIe siècle av. J.-C.196. De ce fait, le monument du Khroub aurait plutôt été érigé pour abriter les sépultures des rois Gulussa et Mastanabal, disparus peu après 148 av. J.-C. Toutefois, cette hypothèse se heurte aux conclusions relatives à l’âge des défunts incinérés dans la chambre funéraire.
74Les monuments de Chemtou et du Kbor Klib sont datés de manière assez unanime du règne de Micipsa. Le premier s’étend sur douze mètres de long et cinq mètres cinquante de large et sa hauteur devait atteindre presque dix mètres (fig. 8). Selon la description de F. Coarelli et d’Y. Thébert, il est constitué d’une crépis « sur laquelle s’élèvent deux niveaux, le premier scandé par des pilastres, le second ceint par une colonnade dorique [...]. Les emprunts aux thèmes égyptisants sont multiples : chapiteaux du rez-de-chaussée comportant des sphinx ; architrave de la fausse porte de ce même niveau, ornée d’un disque ailé encadré d’uraei, de deux personnages en pagne égyptien et de fleurs de lotus ; gorge égyptienne séparant les deux niveaux »197. Les critères stylistiques, mais aussi le mobilier archéologique, comprenant une coupe fragmentaire en céramique à vernis noir de forme Lamboglia 25a et une monnaie de Massinissa I, tendent à confirmer qu’il est construit peu après le milieu du IIe siècle av. J.-C.198. Le monument du Kbor Klib se présente, quant à lui, sous l’aspect d’un massif en pierre de taille plus imposant, de quarante-cinq mètres de long et neuf mètres de large, divisé en trois blocs rectangulaires séparés par deux portes et probablement deux cages d’escalier. Sur ce haut soubassement se dressaient de petits édicules d’ordre ionique199. L’édifice est en mauvais état de conservation et sa stratigraphie est bouleversée. N. Ferchiou, en se fondant sur les éléments architecturaux, le place dans la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C., et plus probablement au début de cette période, c’est-à-dire sous le règne de Micipsa200.
75D’après les recherches de Fr. Rakob, le monument de Chemtou pourrait être un sanctuaire à Baal Hammon et Tanit, en raison des stèles recueillies sur place et de la transformation de l’ouvrage en temple de Saturne à l’époque romaine201. Il identifie celui du Kbor Klib également à un édifice cultuel, tandis que N. Ferchiou juge plus probable qu’il s’agisse d’un mausolée202. Les démonstrations d’A. Lézine et de Fr. Rakob montrent en tout cas que le Kbor Klib ne peut correspondre, comme le supposait G.-Ch. Picard, à un trophée césarien érigé après la défaite de Juba I203. Enfin E. Polito a souligné avec raison que le décor d’armes en relief des monuments de Chemtou et du Kbor Klib, principalement composé de cuirasses et de boucliers qui dérivent, selon lui, d’une série de boucliers macédoniens d’époque hellénistique, révèle une fonction commémorative, en relation avec la puissance militaire numide. Ces deux édifices auraient donc, en réalité, eu pour but de rappeler explicitement la participation numide aux guerres de Macédoine204.
76L’inscription libyco-punique figurant sur le mausolée turriforme de Thugga (RIL 1) nous apprend qu’il a été construit par l’équipe d’un certain Atban, vraisemblablement vers le milieu du IIe siècle av. J.-C., d’après les caractères épigraphiques205. Cet édifice présente également des thèmes égyptisants, tels des chapiteaux à fleurs de lotus et des corniches à gorge égyptienne, mais aussi des reliefs d’inspiration hellénistique (quadriges, sirènes)206. Trouvé vide par les archéologues, il ne peut être assurément considéré comme un tombeau et les avis sont partagés sur sa fonction207. J. Ferron estime qu’il peut s’agir d’un cénotaphe dédié à la mémoire de Massinissa I208, hypothèse qui semble la plus vraisemblable, bien que celle d’un monument élevé en l’honneur d’un autre membre de la famille royale ou pour abriter une tombe princière ne soit pas à exclure. En effet, rappelons que la région de Thugga, tout comme celles qui abritent les monuments de Chemtou et du Kbor Klib, s’identifient aux territoires que Massinissa I récupère aux dépens de Carthage peu de temps avant sa mort209. Cette parenté dans la localisation tend à confirmer la fonction commémorative de ces trois ouvrages et leur construction sur ordre de Micipsa. Dans cette partie du royaume, le souverain se serait ainsi attaché à multiplier les honneurs à la mémoire de son père pour célébrer, tout en glorifiant la puissance militaire de la dynastie, non seulement l’œuvre de reconquête des terres massyles par Massinissa I, mais aussi son œuvre d’unification. De plus, comme Micipsa règne seul comme son père, du moins à partir de 139 av. J.-C., il est possible de considérer qu’en agissant de la sorte il place le rétablissement du système unitaire sous l’autorité morale du grand roi défunt et par là le justifie.
77Le mausolée de Beni Rhénane est daté du IIe siècle av. J.-C. par G. Vuillemot qui, après avoir tamisé systématiquement la terre contenue dans l’édifice, a recueilli deux unguentaria, un bec de lampe à enclume, des fragments d’amphores de types Dressel 1C, Maña C2b et Lamboglia 4, qu’il faut, d’après le dessin transmis par l’archéologue (fig. 7), rattacher en réalité au type Dressel 2/4210. De fait, ce mobilier doit plutôt être attribué à une période comprise entre la fin du IIe siècle et la fin du Ier siècle av. J.-C. Mais le monument a visiblement été violé à plusieurs reprises. Le mobilier ne représente donc pas un critère chronologique infaillible car il peut résulter d’intrusions postérieures. En se fondant sur la présence des thèmes égyptisants dans la décoration et sur l’examen des techniques employées, Fr. Rakob propose de dater le monument de la fin du IIIe siècle ou du début du IIe siècle av. J.-C.211. Or l’ampleur et l’emplacement du mausolée, qui domine un large territoire en face de Siga, capitale de Syphax, invitent bel et bien à conclure qu’il était destiné à la dynastie royale masaesyle, d’autant que l’hypogée situé sous la plate-forme compte dix chambres. En outre, selon G. Vuillemot, il a été détruit délibérément et les démolisseurs se sont attaqués à un édifice de construction récente, à en juger par l’état de fraîcheur des éléments du décor, pourtant façonnés dans un calcaire très tendre et sensible aux intempéries. Il paraît très probable dans ce cas que la destruction soit consécutive aux événements de 200 av. J.-C., au moment où la partie du royaume masaesyle qui confine à la Maurétanie est tombée aux mains des Massyles212.
78L’étude des monuments royaux nous amène finalement à revenir sur l’hypothèse, émise à plusieurs reprises, selon laquelle les rois numides ont fait l’objet d’une divinisation. Ces derniers auraient pu juger bon, en effet, de renforcer leur autorité en lui conférant un caractère divin213. G. Camps a démontré la faiblesse de cette argumentation : les auteurs anciens tels que Polybe, Tite-Live ou Appien sont silencieux à ce sujet, tandis que les sources chrétiennes tardives généralement évoquées pour plaider en faveur d’un culte royal s’avèrent peu convaincantes et surtout tendancieuses214. Quant aux inscriptions latines qui mentionneraient un roi numide divinisé, les unes sont de lecture non assurée car incomplètes, les autres, si elles témoignent d’un attachement aux rois et à leur mémoire, ne peuvent être sollicitées comme des preuves de divinisation. Celles qui attestent la construction d’édifices dédiés aux souverains Gulussa (Ksar Sbahi, dans la région de Gadiaufala) et Hiempsal II (Thubursicu Numidarum) indiquent simplement qu’ils font l’objet d’un culte funéraire215 et la dédicace punico-libyque du monument de Massinissa à Thugga ne fait aucune allusion explicite en ce sens. Si les mausolées de la Chrétienne et du Medracen ont livré des vestiges d’installations cultuelles, nous ignorons la nature exacte des cérémonies qui s’y déroulaient. En définitive, seule la dédicace néopunique d’Iol pourrait être prise en considération pour illustrer la divinisation d’un roi numide : « sanctuaire funéraire du vivant des vivants, Micipsa, roi des Massyles […] en souvenir glorieux de la Majesté illustre, de la Perfection illustre »216. De plus, une série d’observations émise par F. Coarelli et Y. Thébert laisse entendre que l’émergence d’un pouvoir d’essence divine est freinée en Numidie, probablement en raison des rapports de force interne au royaume. Rappelant le rôle particulier de la colonnade, symbole d’héroïsation dans l’architecture grecque, les deux auteurs constatent que les monuments numides comportent seulement des colonnes engagées, comme si l’ambition de sacraliser le souverain devait rester une allusion discrète. Avant le règne de Juba I, l’assimilation du souverain à Ammon est en outre traitée de manière indirecte sur les monnaies royales. « Le thème de la divinisation apparaît ainsi abordé avec la même modération […], mais aussi avec la même constance dans la référence à l’Égypte hellénistique : malgré l’ambigüité dans laquelle ils se confinent, l’ambition des dynastes n’en est pas moins claire »217.
79Cependant nous assistons sans doute à une évolution progressive du thème de l’héroïsation du roi défunt durant le IIe siècle av. J.-C. Ce thème est manifestement plus affirmé chez les Massyles dès le milieu de ce siècle, d’après la comparaison entre le mausolée du Medracen et celui de Siga dont on perçoit le caractère plus particulièrement discret de la colonnade et de l’allusion à la puissance de l’Égypte. Les éléments constitutifs du tombeau du Khroub renforcent cette interprétation, le monument étant composé d’une chambre funéraire factice, dont l’aspect héroïque est souligné par des boucliers sculptés de part et d’autre des fausses portes, surmontée d’un véritable temple ceint de douze colonnes et couronné de frontons. Enfin, la construction du monument de Thugga dans la deuxième moitié du IIe siècle av. J.-C. semble révéler une nouvelle phase : le développement des trois crépis superposées qui supportent chacun des trois niveaux est sans parallèle connu et indique leur dimension sacrée218. La dédicace d’Iol à Micipsa, rédigée quelques années plus tard, pourrait ainsi illustrer l’émergence tangible d’un pouvoir d’essence divine.
80Les monuments royaux, marques distinctives de la monarchie, visibles de loin et voués à glorifier les souverains qui en ordonnent la construction ou leurs dynasties, témoignent d’une évolution concrète de la nature du pouvoir royal en Numidie à partir de l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C. Il apparaît toutefois que le roi Micipsa, à qui la majorité des édifices peut être attribuée, appuie tout particulièrement sa politique d’affirmation de la souveraineté sur cette nouvelle conception du pouvoir.
2.2.2.3. La répartition des lieux de pouvoir
81Affirmer que la partie extrême-orientale de la Numidie massyle, soit son territoire originel, demeure celle où le pouvoir royal est le plus ancré après l’extension de ce royaume jusqu’à l’oued Moulouya semble relever de l’évidence. Les témoignages sont d’ailleurs explicites à ce sujet puisqu’ils démontrent que cette région abrite la capitale du royaume, Cirta, ainsi que la quasi-totalité des villes regiae. Toutefois, puisqu’elle est la mieux intégrée et, sans doute aussi la mieux gérée, nous sommes amenée à nous demander pourquoi les rois massyles y multiplient les symboles du pouvoir royal. En effet, la plupart des monuments royaux massyles ont été édifiés, soit à proximité, soit au sein de ces lieux de représentations de l’autorité, en l’occurrence la capitale et les circonscriptions constituées autour des villes de Thugga, de Zama Regia et de Bulla Regia (pl. XVII). Seul le mausolée du Medracen est situé dans une zone isolée, dans les confins du sud-est numide. Cette région est frontalière de territoires occupés par des peuples dont les Massyles ont des raisons de se méfier ; aussi faut-il sans doute en conclure que de tels ouvrages ont également pour fonction de leur adresser un message. En élevant le mausolée du Medracen, la monarchie massyle rappelle probablement aux turbulents Gétules la puissance qu’elle a acquise, tout autant peut-être qu’aux Carthaginois qui restent les principaux rivaux du royaume de Massinissa I219. Le tombeau se caractérise d’ailleurs par une architecture originale qui se distingue tout particulièrement de celle développée dans l’aire de domination de Carthage. Après la chute de la métropole punique, la partie extrême-orientale de la Numidie, désormais limitrophe de la province d’Afrique, n’échappe pas aux ambitions territoriales des Romains, perçues par Micipsa qui prend le parti de les soutenir militairement et logistiquement dans les guerres qu’ils mènent alors en Méditerranée occidentale220.
82L’absence de tels monuments massyles dans la partie extrême-occidentale de la Numidie de Massinissa I et de Micipsa pourrait donc s’expliquer par le fait que ces derniers ne sont jamais réellement inquiétés par les Maures avec lesquels les hostilités n’ont débuté qu’à partir de la guerre de Jugurtha. Rappelons qu’auparavant Jugurtha a épousé la fille du roi Bocchus I et que celui-ci a choisi de combattre aux côtés de son gendre dans la première partie du conflit qui l’oppose aux Romains221. Baga avait fourni quant à lui une escorte à Massinissa en 206 av. J.-C.222. Entre temps, les relations entre les Maures et les Massyles sont sans doute demeurées relativement étroites. Elles le sont du moins d’un point de vue économique, comme l’illustre la découverte fréquente de monnaies massyles du IIe siècle av. J.-C. sur les sites du Maroc actuel (pl. XX), car les principaux ports de Numidie occidentale et centrale ont probablement figuré parmi les intermédiaires de l’arrivée des importations méditerranéennes en Maurétanie à partir du second quart du IIe siècle av. J.-C.223.
83Les régions occidentales de la Numidie ne sont pas pour autant délaissées par Massinissa I et Micipsa. Siga et Iol, tout comme Cirta, ont vraisemblablement été choisies pour abriter un atelier monétaire royal. Sur les monnaies royales de Numidie, le nom de la cité émettrice n’est jamais indiqué. Toutefois, celles dites à l’effigie royale et au cheval, pourvues de la légende MN, se répartissent en deux groupes qui, définis par J. Alexandropoulos, laissent supposer l’existence de deux ateliers distincts224. Au droit des monnaies du premier groupe figure l’effigie du roi lauré (fig. 11 et 12). Le numismate propose de les attribuer à Cirta, en particulier parce que leur métrologie est calquée sur Carthage mais aussi parce qu’elles ont été signalées fréquemment sur les sites de Tunisie, ainsi qu’à Tarhouna, en Libye225. Le second groupe comprend des monnaies très soignées, ornées au droit de l’effigie du roi diadémé (fig. 13). Elles sont sans doute issues de l’atelier de Siga dans la mesure où leur métrologie est reliée au système des monnayages de Syphax et où elles comportent des motifs qui rappellent ces derniers (petits globes en groupe), ainsi que ceux de cités ibériques (palme). De plus, elles se font de plus en plus rares à l’est de Cherchell226. À l’appui de ces remarques, rappelons que Siga a été non seulement, selon toute probabilité, l’atelier monétaire royal de Syphax, mais qu’il est aussi, assurément après son annexion par les Maures, l’un de ceux de Bocchus I. Cette constatation conduit à déduire que Massinissa I et Micipsa, en maintenant cet atelier, ont perpétué une pratique traditionnelle.
84En effet, nous nous écartons de l’avis de J. Alexandropoulos qui considère que l’atelier de Siga a cessé de fonctionner durant le règne de Massinissa I et de Micipsa, au profit d’une centralisation des frappes à Cirta. S’appuyant sur les critères mis en valeur pour distinguer les deux ateliers, il souligne d’une part la relative rareté du groupe à effigie diadémée, d’autre part que Siga n’émet que des monnaies royales à légende MN alors qu’il existe aussi, parmi les monnaies massyles dites à l’effigie royale et au cheval, des séries à légende GN (Gulussa ou Gauda) et AL (Adherbal). Cependant, la légende GN se rapporte plus vraisemblablement au roi Gauda et, si tel est bien le cas, Siga ne peut pas battre cette série monétaire puisqu’elle est alors passée sous la domination des Maures227. Massinissa I et Micipsa n’ont de toute façon guère de raisons d’opter pour la fermeture de l’atelier de Siga. Le premier est l’auteur de la conquête de l’Oranie dont l’insertion au sein du royaume a dû être confortée par la présence d’un tel instrument du pouvoir politique228. Sous le règne du second, les nécessités numéraires semblent dépasser les capacités des ateliers royaux. Au moins un nouvel atelier a dû être ouvert pour émettre une série en plomb, un phénomène d’ailleurs mis en évidence par J. Alexandropoulos229. Dans l’un des deux trésors exhumés à Alger lors de la démolition du quartier de la Marine, cinq monnaies appartiennent assurément à cette catégorie. Elles sont marquées de la légende MN mais se différencient stylistiquement des traditionnelles monnaies de bronze, ce qui tend à révéler qu’elles sont produites ailleurs qu’à Cirta ou à Siga230.
85Iol est sans doute désignée pour parer à cette demande urgente. Cela pourrait d’une part expliquer l’« étonnante abondance » des monnaies royales massyles en bronze ou en plomb dans la région de Cherchell231, d’autre part être mis en relation avec le fait que la cité témoigne de son attachement à la mémoire de Micipsa. Le choix d’implanter un atelier monétaire royal à Iol résulterait ainsi d’une politique du roi numide dans le but de mieux répartir les instances du pouvoir, tout en contribuant à l’intégration de cette ancienne cité phénico-punique dont l’autonomie est perceptible à travers ses monnayages propres. Iol est en effet la seule ville numide, avec Ikosim, à battre des monnaies dénuées de toute référence au pouvoir royal durant le IIe siècle av. J.-C. (fig. 20). Cela signifie, non pas que Massinissa I aurait interdit les frappes autonomes des cités en Numidie orientale et à l’inverse toléré ou encouragé celles-ci dans le reste du royaume232, mais que les souverains ont tenté de monopoliser le droit de frappe en Numidie. Iol et Ikosim auraient de fait échappé à la volonté royale, jusqu’à ce que Micipsa remédie manifestement à cette situation en mettant un terme à cet usage.
86Si des séries monétaires autonomes en argent et en bronze, portant au droit la tête d’Isis et au revers trois épis d’orge ou de blé, ne font pas mention de l’atelier, leur prédominance à Iol et dans sa région ne permet guère de douter qu’elles sont produites à Iol233. Elles le sont dès la fin du IIIe siècle av. J.-C., comme l’illustre notamment leur découverte en Espagne dans des contextes archéologiques datables de la deuxième guerre punique234, une datation qui confirme celle précédemment avancée par J. Alexandropoulos. Parmi les arguments énoncés par le numismate, retenons que ces séries sont ornées de lettres puniques bien formées et que la métrologie des monnaies d’argent semble calquée sur celle du shekel, ce qui signifie que ces frappes n’ont pas ou ont très peu perduré après la destruction de Carthage, soit le début du règne de Micipsa235.
87Des monnayages présentant au droit la tête d’Isis et au revers une divinité coiffée d’une couronne à pointe (Melqart ou Baal Hammon ?) sont attestés quasi-exclusivement à Alger et les lettres puniques qui figurent sur ces derniers (WYKSM ou YKSM) permettent de les attribuer en toute certitude à Ikosim236. Le mode d’écriture, visiblement intermédiaire entre le punique et le néopunique, laisse supposer qu’ils sont uniquement fabriqués sous le règne de Micipsa237. Les deux trésors d’Alger fournissent des éléments qui tendent à conforter cette datation. Le premier comprend cent cinquante-huit monnaies d’Ikosim, dont cent cinquante-quatre en plomb, ce qui nous indique qu’elles sont probablement contemporaines de celles dites à l’effigie royale et au cheval, faites du même métal. Le second trésor renferme vingt-neuf monnaies d’Ikosim et vingt-huit monnaies royales massyles en bronze ou en plomb souvent marquées de la légende MN. Il est donc vraisemblablement enfoui à l’époque de Micipsa238.
88S’il est probable que Micipsa soit à l’origine de l’arrêt de ces frappes autonomes et que les ateliers monétaires de Siga et d’Iol sont des relais du pouvoir royal dans l’ouest et le centre de son royaume, Iol ne doit pas constituer, comme le pense G. Camps, le siège d’une administration provinciale et une capitale régionale. L’historien se fonde sur une interprétation plus générale selon laquelle Massinissa I et Micipsa auraient exercé un contrôle assez étroit sur les cités, en développant une véritable structure administrative royale dans certaines villes sinon dans toutes, où ils seraient représentés par des gouverneurs. En témoigneraient l’existence des regiae, la dédicace des habitants d’Iol à Micipsa, ainsi que la mention par Tite-Live de praefecti à Cirta à l’époque de Syphax239. Aucun élément ne nous permet en réalité d’entrevoir dans les cités la présence permanente de représentants de l’autorité royale chargés de les administrer directement ou superposés aux administrateurs locaux. Le fonctionnement autonome de ces dernières va de toute façon difficilement de pair avec une telle organisation. En accord avec St. Gsell, nous estimons que le roi n’a pas à s’immiscer dans leur vie intérieure, ni à substituer des fonctionnaires à leurs dirigeants240. En l’état des connaissances, tout au plus pouvons-nous constater qu’il existe un préposé au territoire de la Thusca et que celui-ci réside probablement à Zama Regia. Si l’on peut présumer que d’autres circonscriptions territoriales sont dotées d’un tel agent, cette situation demeure sans doute spécifique à l’est du royaume. Par ailleurs, les praefecti de Syphax, que nous savons établis avec des garnisons, apparaissent davantage comme de simples chefs militaires ayant pour mission de veiller sur une région que le roi masaesyle vient de conquérir241. Nous pouvons ajouter que le recouvrement du tribut envers Rome dont les rois doivent s’acquitter sur les produits du sol, à en juger d’après les quantités d’orge et de blé expédiées en Orient pour l’armée romaine, nécessite l’intervention d’autres agents dans les cités. Nous ne devons pas pour autant considérer qu’ils y siègent en permanence242.
89Il n’en demeure pas moins que la politique d’affermissement du pouvoir royal s’appuie en grande partie sur les villes, où la diffusion de l’image prestigieuse du souverain est notamment assurée par les émissions monétaires. Ce pouvoir est particulièrement renforcé à l’époque de Micipsa, comme l’illustrent l’évolution du titre royal, la multiplication des monuments royaux ou encore l’émergence d’un pouvoir d’essence divine. Le souverain parvient manifestement ainsi à maintenir les chefs de communautés urbaines et tribales sous son autorité. Aucun texte ne nous informe en tout cas d’une quelconque rébellion à partir du moment où il règne seul.
2.2.3. Le maintien d’un héritage (118-50 av. J.-C.)
90Aucune donnée ne laisse entendre que la souveraineté numide, pas plus que l’organisation politique et administrative du royaume, soit véritablement renforcée entre la mort de Micipsa et l’accès au trône de Juba I. Au contraire, la monarchie massyle paraît s’affaiblir progressivement. En l’état actuel de la documentation, on constate qu’aucun des souverains ne tente de renouveler l’image du pouvoir royal entre 118 et 50 av. J.-C. Ils conservent ainsi le type monétaire traditionnel dit à l’effigie royale et au cheval (fig. 10), sur lequel, en outre, la mention de la titulature ne figure généralement plus.
91Les séries anépigraphes appartenant à ce type sont nombreuses et leur iconographie est très similaire. Il est extrêmement difficile d’établir leur chronologie, mais les unes remontent très vraisemblablement à l’époque de Massinissa I, tels les très grands bronzes sans doute imités de monnaies carthaginoises émises juste après 201 av. J.-C. (fig. 11 : n° 42). Il en serait de même des numéros 16, 17, 19 et 20 du catalogue dressé par J. Alexandropoulos, le tout formant un ensemble cohérent de modules et de poids reliés au système de la Carthage punique243. Le n° 18 de son catalogue réunit quant à lui une quantité de monnaies anépigraphes, dont certaines pourraient avoir été fabriquées sur une longue période, au moins jusqu’au règne de Juba I (fig. 12 : n° 45, 49, 50, 53). Leur découverte en Maurétanie dans des niveaux d’occupation du Ier siècle av. J.-C. tend à conforter cette hypothèse244. Il ne paraît guère faire de doute que l’essentiel de l’approvisionnement en numéraire jusqu’en 50 av. J.-C. en provient, y compris durant les règnes des souverains frappant monnaies à légende AL et GN, à en juger par la rareté de ces dernières. Ces souverains, qui s’identifient certainement à Adherbal et Gauda, seraient finalement les seuls à avoir ordonné entre 118 et 50 av. J.-C. des émissions à leur nom, tout en restant fidèles à l’iconographie du monnayage royal traditionnel. On ne connaît pas en tout cas de monnayages au nom des souverains massyles Jugurtha, Hiempsal I, Hiempsal II et Masteabar245.
92Les successeurs de Massinissa I utilisent donc comme référence et modèle le portrait de ce roi, signe que cette représentation est suffisamment idéalisée pour être reproduite par chacun246. On conçoit aisément que Micipsa, dont la politique se situe dans la lignée de son illustre prédécesseur, tienne à conserver les motifs choisis par ce dernier. En revanche, l’absence de renouvellement iconographique des monnaies royales entre 118 et 50 av. J.-C. paraît bien illustrer le fait que les rois numides se contentent alors de maintenir les fondements du pouvoir mis en place au cours du IIe siècle av. J.-C. À l’appui de cette interprétation, notons que Cirta demeure très probablement le principal lieu de production monétaire royale. Le numéraire attribuable à Adherbal et à Gauda ainsi que la série n° 18 du catalogue de J. Alexandropoulos, présentent en effet une effigie laurée, marque vraisemblable de cet atelier247. Même si les auteurs anciens sont silencieux au sujet du choix de la capitale ou des capitales de Numidie entre 118 et 50 av. J.-C., la rareté des témoignages relatifs aux mutations du royaume durant cette période indique que Cirta détient certainement toujours ce titre. Il apparaît aussi qu’aucune cité ne reçoit alors le privilège de battre des monnaies autonomes. Le droit de frappe est donc resté exclusivement réservé aux souverains depuis l’arrêt des émissions d’Iol et d’Ikosim sous le règne de Micipsa.
93Nous remarquons finalement que les agents royaux, plus généralement les principaux acteurs politiques, sont encore au service personnel du souverain et qu’ils font partie des parents et intimes du roi, tel le licteur de Thirmida qui s’occupe des trésors de Jugurtha248. Ils assument, comme auparavant, les missions diplomatiques. C’est ainsi que Jugurtha charge l’un de ses fils et deux de ses confidents de se rendre auprès du sénat romain à la suite du meurtre d’Adherbal, tandis que le prince Juba I est envoyé à Rome en 63 av. J.-C. par son père, le roi Hiempsal II249. Par ailleurs, c’est encore Jugurtha qui donne l’ordre à Bomilcar, son ami le plus intime et le plus dévoué, de tendre une embuscade à son cousin Massiva. Les amis du souverain sont ses lieutenants et le même Bomilcar suit Jugurtha à Rome, le conseille, prend le commandement de l’armée royale ; d’autres l’accompagnent lors d’une entrevue avec le roi Bocchus I250. Jugurtha s’appuie néanmoins sur un membre de l’aristocratie, Nabdalsa, personnage noble, riche, populaire, devenu son homme de confiance. Il commande l’armée en son absence, et c’est sur lui, nous rapporte Salluste, que ce dernier se serait reposé de toutes les tâches que des préoccupations plus importantes ne lui permettent pas d’accomplir251.
94Ces divers éléments contredisent l’opinion d’E. Smadja qui, d’après un passage du Bellum Iugurthinum de Salluste, estime qu’une ébauche de pyramide administrative est créée en Numidie sous le règne de Jugurtha252. Dans certains des oppida, dont le réseau serait géré par des villes, elles-mêmes à la tête de circonscriptions administratives, les impôts et les redevances en nature seraient rassemblés par des officiers royaux. Même si ce texte ne fait que mentionner l’existence de praefecti au service de Jugurtha lorsqu’il s’avance au-devant des Romains pour leur offrir du blé, la mise en place progressive d’un contrôle des ressources financières demeure plausible. Nous pourrions ainsi considérer des villes, comme Suthul, Capsa et Thala, où Jugurtha dispose de trésors, comme des chefs-lieux financiers dans lesquels sont réunies les recettes provenant des régions environnantes. Nous nous gardons d’affirmer pour autant qu’il s’agit d’un prélèvement régulier et que ce dispositif financier couvre l’ensemble du territoire. Il s’avère, du moins, que les impôts ne pèsent pas d’un poids égal sur les habitants : Capsa en est par exemple exemptée253. Jugurtha est sans doute également à l’origine de la structuration d’une armée régulière, que l’on entrevoit, sous son règne, organisée sous le commandement d’un corps d’officiers et en partie constituée de mercenaires étrangers, alors que Massinissa I, et probablement Micipsa, ne devaient disposer que de contingents tribaux, levés à l’occasion et conduits par leurs propres chefs254.
95Ainsi, nous assistons peut-être à une meilleure gestion des ressources financières et des forces militaires, mais aucun élément ne permet de présumer qu’entre 118 et 50 av. J.-C. le pouvoir royal soit consolidé et, tout comme durant les règnes de Massinissa I et de Micipsa, qu’une véritable armature administrative soit mise en place ni que des représentants permanents du roi siègent dans les villes. Le contexte politique ne se prête de toute façon pas à de telles évolutions. Durant le règne de Jugurtha, le royaume est en proie aux désordres. Tandis que le souverain se déclare ennemi des Romains, ses frères Adherbal et Hiempsal I, ainsi que son cousin Massiva, passent dans leur camp ; par la suite, les trois hommes sont assassinés sur ordre de Jugurtha. D’autres membres de sa famille figurent parmi ses ennemis. Il est aussi confronté aux trahisons de ses proches serviteurs. Après la prise de Vaga, le roi échappe à un complot de Bomilcar et de Nabdalsa qui veulent le livrer aux Romains et plusieurs d’entre eux sont prêts à le trahir255. Plus encore, les cités se révoltent. Outre le fait que Leptis Magna profite de la guerre de Jugurtha pour se détacher du royaume, Sicca abandonne le roi après sa première défaite et d’autres villes en font autant. En revanche, les habitants de Vaga lui démontrent leur attachement en fomentant une conspiration contre les Romains256. Rappelons également qu’après la défaite de Jugurtha contre Rome, le royaume, diminué par une guerre de huit ans, est privé de sa partie occidentale annexée par Bocchus I. À la mort de Gauda, réputé comme un souverain fragile, la Numidie est partagée jusqu’en 81 av. J.-C., puis un royaume vassal, géré par Massinissa II, y est établi, tandis que les rois maures poursuivent la conquête de ce territoire considérablement réduit à l’aube du règne de Juba I257. Au temps de Hiempsal II et de Massinissa II, Hiarbas usurpe le trône et Masintha, qui appartient peut-être à la famille royale et se réfugie à Rome en 63 av. J.-C. à la suite d’un différend avec Hiempsal II, tente de revendiquer le pouvoir258.
96Tous ces événements révèlent les difficultés chez les rois numides à maintenir leur autorité et ce alors que les Romains reconnaissent leur souveraineté. Il en est de même des Grecs, comme en témoigne la découverte à Rhodes d’une base de statue élevée par les Rhodiens en l’honneur de Hiempsal II259.
2.2.4. Des modèles hellénistiques aux modèles romains (50-46 av. J.-C.)
97Juba I est à l’origine d’une série de mutations et décide peut-être en premier lieu de doter son royaume de deux capitales, choisissant à la fois Cirta et Zama Regia, une cité où il fait élever des édifices luxueux, palais et temples, et qu’il fortifie260. Des transformations, bien mises en évidence par J. Alexandropoulos, caractérisent en outre le monnayage royal sous le règne du souverain et témoigne de sa volonté de renforcer le pouvoir en se fondant sur les traditions numides, les modèles hellénistiques et romains261.
98Il faut distinguer deux séries au sein de ce numéraire, celles en bronze/billon et celles en argent. Les premières (types Mazard n° 90-93), sans doute produites dans l’atelier de Cirta, sont légendées en néopunique. Le portrait royal n’apparaît pas et le roi se contente de faire figurer son nom et sa titulature, des thèmes religieux ou nationaux. La représentation d’un éléphant renvoie notamment aux revers de certaines monnaies de Massinissa I (fig. 11). Les émissions en argent, qui ont plus spécifiquement pour but de servir la propagande du souverain, se répartissent en deux groupes. Les unes (types Mazard n° 88-89), manifestement frappées à Cirta, font appel à une iconographie plus nettement africaine. Elles sont anépigraphes, ce qui les relie davantage aux monnayages massyles traditionnels. Il en est de même du cheval au galop que comporte leur revers et d’un S renversé, similaire à celui qui orne parfois ces derniers262 (fig. 14). Ce souci évident de Juba I de reprendre les traditions monétaires de ses ancêtres révèle ainsi le parti pris de s’inscrire « dans une continuité légitimante »263. Le second groupe en argent (types Mazard n° 84-85, 87), qui pourrait avoir été émis à Utique, présente des légendes bilingues (latine et néopunique) et une iconographie qui dénotent une influence romaine264. Au droit des types Mazard n° 84-85, le roi diadémé est vêtu d’un manteau agrafé à l’épaule et tient un sceptre. Au revers sont inscrits en néopunique son nom et la titulature royale complète (YWB’Y HMMLKT). Ces éléments rappellent ainsi les monnayages de Syphax et surtout de Massinissa I. En revanche, sur le droit son nom et sa titulature sont écrits en latin et les traits précis du souverain semblent avoir été reproduits. Ce style nouveau, plus réaliste et personnalisé qu’auparavant, peut être mis en relation avec l’influence du portrait romain. Par ailleurs, les frappes du type Mazard n° 87 sont dotées au droit d’un buste de la Victoire couronnée de laurier et au revers d’un cheval évoquant à nouveau les émissions plus anciennes.
99À l’image des monnayages lagides, le portrait royal figure ainsi sur les monnaies du métal le plus précieux. D’ailleurs, les références aux Lagides sont multipliées. Outre la légende YWB’Y HMMLKT, sans doute inspirée à l’origine de la formule grecque des bronzes lagides, l’effigie coiffée de la dépouille d’éléphant, visible sur le droit de certaines monnaies en bronze/billon, serait, d’après J. Alexandropoulos, un emprunt aux tétradrachmes lagides émis à l’effigie d’Alexandre, tout en symbolisant la tête de l’Afrique (type Mazard n° 93). D’autres hypothèses peuvent néanmoins être formulées pour éclairer la présence de ce motif265. Enfin, certaines monnaies en bronze/billon portent au droit la tête d’Ammon barbu et cornu (types Mazard n° 90 et 92). La divinité, évoquée avec discrétion sur les émissions en bronze de Massinissa I et de ses successeurs, est ici clairement représentée.
100Une autre nouveauté apparaît avec les motifs architecturaux, tant sur les monnaies d’argent que de bronze/billon, dont l’interprétation n’est cependant pas aisée. Au droit du type Mazard n° 91 et au revers des types Mazard n° 84-85, un monument, généralement identifié à un temple, comprend un petit globe sur sa façade qui pourrait renvoyer à un culte solaire, celui d’Ammon ou de Baal Hammon266. Un autre monument, sur le revers du type Mazard n° 91 (fig. 14), a fait l’objet de commentaires divers : J. Mazard y reconnaît le palais de Juba I à Cirta ou à Zama Regia et G.-Ch. Picard une reproduction de la basilique Aemilia des monnaies d’Aemilius Lepidus frappées vers 66 av. J.-C.267. J. Alexandropoulos rappelle quant à lui que l’étage inférieur de l’édifice en question comporte des colonnes constituées par des Atlantes et croit pouvoir identifier une massue dans l’une des niches qui composent l’étage supérieur. Le monument correspondrait donc à un temple dédié à Héraklès ou Melqart. Néanmoins, il n’exclut pas qu’il s’agisse d’un palais, si la dynastie s’est inventée une origine héracléenne, ou encore d’un trophée, qu’il rapproche de l’édifice de Chemtou268. Il est certain que ces motifs architecturaux font référence à un ou à plusieurs monument(s) célèbre(s) de Numidie. Qu’il s’agisse de la représentation de la fonction judiciaire du roi, du lieu où il réside et exerce son autorité, de celle des divinités protectrices de la dynastie ou d’une allusion à la commémoration d’une victoire, nous retenons qu’ils symbolisent le pouvoir royal. Le monument remplace d’ailleurs le portrait du roi au droit des monnaies de bronze/billon.
101Il est important de souligner l’importance des mutations du monnayage royal sous le règne de Juba I qui renouvelle son iconographie, développe le bimétallisme et l’échelle métrologique des bronzes. Le roi affermit son image, en empruntant aux modèles hellénistiques et romains, et affirme sa légitimité en renforçant les liens avec la religion et en maintenant les éléments traditionnels de la dynastie massyle. Enfin, la titulature, qui n’apparaît qu’occasionnellement aux temps de Massinissa I et de Syphax, est désormais inscrite systématiquement.
102L’affirmation du pouvoir royal, perceptible à travers ces mutations, n’empêche pas les cités de faire preuve d’indépendance. Nous estimons en effet que Cirta, Hippo Regius et Macomades débutent des frappes monétaires à caractère autonome sous le règne de Juba I. Des monnaies à légende KRTN portant également le nom de magistrats éponymes sont identifiables sans difficulté aux productions de Cirta (fig. 25) et nous suivons J. Alexandropoulos pour attribuer les monnaies à légende PWN (Hippo ?) et TP’NT (anthroponyme ?) à Hippo Regius et non à Hippo Diarrhytus dans la mesure où cette dernière, colonia Iulia, aurait fait figurer son titre colonial. Celles qui portent la légende LTN au droit et MQM au revers pourraient, quant à elles, correspondre aux émissions de Macomades269. L’ensemble de ces frappes nous semble difficilement pouvoir être considéré comme postérieur à 46 av. J.-C., comme le déduit J. Alexandropoulos, d’après les critères stylistiques. Comme il le remarque, la graphie des lettres néopuniques des monnaies de Cirta révèle leur caractère tardif, tandis que le renouvellement de l’iconographie et leur métrologie les situent dans la lignée des monnayages de Juba I. Les émissions des deux autres cités présentent une facture et des caractères néopuniques qui incitent à les considérer comme contemporaines de celle de Cirta (fig. 24 et 25), d’autant plus que leur métrologie est, dans l’ensemble, proche de celles en bronze de Juba I. Or J. Alexandropoulos avance que Cirta n’aurait battu cette série que pendant une année sufétale, durant le court laps de temps qui sépare la chute de Juba I et l’établissement de Sittius270. Cependant, il est peu probable que Cirta émette ces monnaies entre la chute de Juba I et l’installation officielle de Sittius. Dès la mort de Juba I, la cité est octroyée officiellement à l’aventurier campanien et il ne semble pas qu’elle ait alors joui d’une année de liberté, puisque Sittius était déjà présent dans la ville, dont il s’était emparé avec l’aide de Bocchus II, avant de la recevoir officiellement de César271.
103Le contexte politique ne se prête donc pas à une datation après 46 av. J.-C. Il faut alors conclure que Cirta a débuté ses frappes autonomes dès le règne de Juba I, y compris une autre série, anépigraphe, dont l’iconographie est tout à fait semblable (fig. 25) et dont des exemplaires ont été recueillis à Constantine ainsi que dans sa région. J. Alexandropoulos estime d’ailleurs qu’il peut s’agir des plus anciennes frappes de la cité, sans doute légèrement antérieures aux autres272. De ce fait, Hippo Regius et Macomades, si c’est bien d’elles dont il s’agit, ont bénéficié, elles aussi, d’un tel privilège dès le règne de Juba I. Il est en tout cas peu plausible qu’elles émettent des monnaies à légende néopunique après 46 av. J.-C., alors qu’elles sont désormais incluses dans l’Africa nova.
104S’il est difficile, pour l’instant, d’interpréter indubitablement ces monnayages en termes de relations entre le pouvoir royal et les cités autonomes sous le règne de Juba I, il n’en demeure pas vrai que certaines d’entre elles jouent sans doute un rôle croissant et acquièrent une place de premier plan au sein de son royaume. En témoigne le fait que César cherche l’appui des cités numides lors de la guerre civile. Mais le pouvoir du roi s’appuie encore essentiellement sur l’une des capitales, comme le montre l’effondrement du royaume de Juba I après la prise de Cirta par Sittius et Bocchus II.
105Malgré un renforcement de la souveraineté et l’existence d’une force militaire importante et équipée, la fragilité politique de ce royaume est perceptible273. Même s’ils sont relatés par les auteurs latins soucieux de mettre en exergue les tourments auxquels est confronté le roi numide, plusieurs événements méritent d’être rappelés : pendant la campagne de César contre les pompéiens et Juba I, certains soldats du roi désertent, tandis que les habitants de Thabena (Thaenae) massacrent la garnison royale puis se donnent au dictateur et que ceux de Zama Regia lui interdisent l’entrée dans la ville après sa défaite à Thapsus et appellent César274. Par ailleurs, pendant que le souverain combat contre les armées de ce dernier, des Gétules se soulèvent et il doit détacher une partie de ses forces pour protéger son royaume275. Nous ne trouvons pas trace, en revanche, de tentative d’usurpation du pouvoir royal par des chefs rebelles. Les princes ou rois vassaux sont vraisemblablement maintenus sous l’autorité du roi.
Conclusion
106Malgré les nombreuses difficultés que rencontre l’historien désireux de restituer l’organisation politique et administrative des royaumes, il ressort de l’analyse de la documentation que la Maurétanie et la Numidie sont vraisemblablement constituées d’une juxtaposition de communautés tribales et urbaines, dirigées par des personnages de haut rang. La plupart des cités se développent dans le contexte de l’expansion phénico-punique en Méditerranée à une époque antérieure à l’émergence des royaumes, ce qui est, semble-t-il, à l’origine de l’autonomie qui les caractérise tout au long des IIe-Ier siècles av. J.-C. et de l’existence de principautés. La constitution des villes n’est pas pour autant calquée sur le droit carthaginois, ce qui apparaît notamment en Numidie.
107Les rois s’efforcent de consolider leur autorité sur ces communautés et en particulier à limiter les manifestations d’indépendance de certaines cités. Ils utilisent généralement des références au monde hellénistique, plus familier aux rois numides. Ils savent également mettre à profit les liens d’amicitia entretenus avec les chefs militaires romains. Ils ne réussissent pas pour autant à transformer les royaumes en véritables États. L’absence de solides institutions, celles de fonctions publiques et de membres permanents représentant le pouvoir royal dans les cités sont manifestes. Ainsi, il est probable que, plus on s’éloigne des lieux symboliques du pouvoir royal, plus l’autorité est limitée et, jusqu’à la disparition de Juba I et de Bocchus II, des difficultés récurrentes à la maintenir sur les communautés, urbaines notamment, et sur leurs dirigeants sont perceptibles.
108Des différences sont par ailleurs notables entre les royaumes de Numidie et de Maurétanie. Les rois maures ne semblent s’inspirer que très tardivement des modèles des monarques hellénistiques et n’adoptent pas la tradition de construire comme eux des tombeaux imposants. L’architecture royale monumentale, avec ses emprunts aux répertoires du monde méditerranéen, caractérise la Numidie et la décision de multiplier de tels édifices revient manifestement au roi Micipsa. C’est durant son règne que nous constatons un véritable affermissement de la monarchie ; son rôle a donc été sous-estimé au profit d’une mise en valeur de l’œuvre de Massinissa I. Micipsa bénéficie certainement de la paix qui règne à son époque, propice au renforcement de la structure du royaume. Auparavant, la Numidie est en guerre contre ses voisins. Après lui, elle l’est contre Rome puis impliquée dans les conflits civils romains qui se déroulent sur son sol. Les rois qui gouvernent entre les années 105 et 50 av. J.-C., dans une période troublée par des événements politiques extérieurs et internes au royaume, semblent devoir se contenter de préserver l’héritage de leurs prédécesseurs. Juba I est le seul souverain du Ier siècle av. J.-C. à tenter d’affermir l’autorité royale. Toutefois jusqu’à l’annexion du royaume par Rome, celle-ci reste fragile et le développement d’une armature administrative ne concerne visiblement que les capitales, même si le pouvoir se manifeste dans des villes telles que Siga, Iol et Thugga dans un premier temps, puis Suthul, Capsa et Thala. Soulignons également qu’en Maurétanie nombreuses sont les cités qui émettent des monnayages autonomes, vraisemblablement à partir du milieu du Ier siècle av. J.-C. Les rois maures ne tentent pas, à l’inverse de la plupart des rois numides, de monopoliser les frappes monétaires et celles créées à leur nom n’ont qu’une fonction idéologique. Enfin, nous n’avons pas trace en Maurétanie de l’existence de regiae, mais nous ne pouvons pas exclure pour autant l’hypothèse que les souverains maures ont, eux aussi, établi des domaines royaux.
Notes de bas de page
1 Supra, § 1.2.1.2.
2 Camps 1960b, p. 423-426. Pour une synthèse des sondages ayant atteint les niveaux préromains de la cité, voir en dernier lieu Bridoux 2008b, p. 387-396.
3 Luquet 1964b, p. 331-338 ; Arharbi – Ichkhakh 2004, p. 303-309. Sur les monuments turriformes, infra, § 2.2.2.2.2.
4 Hypothèse émise par M. Euzennat (1957, p. 52-53).
5 Souville 1965, p. 492-493 ; Jodin 1987, p. 219 ; Bouzidi 2004, p. 1936 et 1949.
6 Février J.-G. 1955-1956, p. 30-32. Opinion partagée par M. Coltelloni-Trannoy (1997a, p. 107).
7 Salluste, Bell. Iug., CX, 1.
8 Souville 1965, p. 482-491 ; Id. 1968, p. 39-61.
9 Identification effectuée à partir des croquis d’A. Ruhlmann et confirmée par R. Arharbi à la suite du réexamen du matériel (Arharbi 2003, p. 165).
10 En effet ces fragments d’amphores Maña-Pascual A4 appartiendraient plus précisément à la variante T-12.1.1.1/2 (d’après la typologie de Ramón Torres 1995) qu’A. M. Sáez Romero propose désormais de dater entre le milieu du IIIe siècle et le milieu du troisème quart du IIe siècle av. J.-C. (Sáez Romero 2008, p. 641 et fig. 2). La stèle libyque retrouvée en 1920 à une trentaine de mètres du tumulus laisse envisager que le monument a été érigé à un moment indéterminé du IIe siècle av. J.-C., à condition d’admettre qu’elle soit bien associée à celui-ci (voir sur ce point Callegarin – El Khayari 2016, p. 85-90).
11 Arharbi – Lenoir É. 2004, p. 220-270 ; Arharbi et al. 2006, p. 2141-2156.
12 Infra, § 2.1.1.2.
13 Les membres de la mission archéologique de Rirha émettent des réserves sur le caractère « princier » du tumulus de Sidi Slimane car la stèle libyque trouvée à une trentaine de mètres du monument ne mentionne pas le titre de prince ou de chef, soit le terme GLD (Callegarin – El Khayari 2016, p. 90).
14 Ruhlmann 1939, p. 39-70.
15 A. Jodin attribue ce monument à l’époque préromaine à partir de critères stylistiques : les blocs de calcaire détritique utilisés dans sa construction rappellent plusieurs monuments préromains de Volubilis où ce matériau caractérise presque l’ensemble des structures de cette époque. Il estime parallèlement que deux techniques employées pour l’édification du mausolée du Gour, l’appareil à crochet et le mortier de chaux sur les parements, sont fréquents dans l’architecture préromaine de la cité (Jodin 1967, p. 255-258). Sur le mausolée de la Chrétienne, infra, p. 129-130.
16 G. Camps date préalablement sa construction « vers les derniers siècles de la domination romaine, sinon légèrement après », en se fondant sur l’usage du mortier de chaux, qu’il considère comme un indice « d’une basse époque », la taille des blocs de calcaire ou encore l’utilisation de l’appareil à crochet. Camps 1960c, p. 86-88 ; Id. 1974, p. 206.
17 Alexandropoulos 2000, p. 194-195. La différence notable entre ces séries monétaires et les monnayages frappés au nom de Bocchus II a par ailleurs été bien mise en évidence, cf. Callegarin – El Harrif 2000, p. 32-34.
18 Alexandropoulos 2000, p. 193-201. L’effigie en question était autrefois considérée comme celle de Bocchus II. J. Marion préférait y voir une divinité mais remarquait cependant que l’effigie plus ou moins barbare et grossière figurant sur les monnaies de MQM ŠMŠ accompagnée du nom du roi Bocchus était exactement la même que celle apparaissant sur les monnaies des cités autonomes, notamment Tamuda et Sala. Cf. Mazard 1955, p. 193 ; Id. 1960, p. 111 ; Marion 1972, p. 59, 62 et 67 ; Boube 1992, p. 256.
19 Villaverde Vega 2004, p. 1863, n. 103.
20 Tarradell-Font – Ruiz Cabrero 2005, p. 183-189. Il est difficile de confirmer ces datations en l’absence d’un inventaire du mobilier céramique datant qui a été recueilli dans les unités stratigraphiques d’où sont issues ces monnaies. Néanmoins, une monnaie de Lixus (type Mazard n° 632) a également été découverte à Jorf el Hamra (Tanger) dans un niveau daté du IIe siècle av. J.-C. par le matériel céramique (Majdoub 2004, p. 275).
21 Callegarin 2008, p. 310. Voir aussi Callegarin – Pau Ripollès 2012, p. 178-179.
22 Voir la série d’arguments convaincants avancés par J. Alexandropoulos (2000, p. 195-203). Sur l’insertion de la Maurétanie dans les échanges commerciaux avec le monde romain à partir du règne de Bocchus I, infra, § 3.2.1.1.
23 Laporte 1994, p. 420 et n. 7. J. Mazard attribue cette monnaie à Camarata et lit la légende RSKOBB (Mazard 1955, p. 174). Les trois dernières lettres sont, selon J.-P. Laporte, indistinctes.
24 Les données relatives aux découvertes monétaires, mentionnées dans ce chapitre, sont référencées dans l’annexe 3.
25 Contra Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 81-83.
26 Gsell 1913-1930, V, p. 130 ; Mazard 1960, p. 111.
27 Remarque déjà formulée par G. Depeyrot (1999, p. 19-20).
28 Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 78.
29 Sur les capitales des rois numides, infra, § 2.2.2.1.
30 Contra en premier lieu Mazard 1955, p. 189 et plus récemment Depeyrot 1999, p. 20. G. Depeyrot admet « sans équivoque la confusion Lixus/Semes » et ne sépare pas de fait les monnaies de ces deux ateliers dans son tableau relatif au numéraire de Maurétanie découvert sur les sites du Maroc actuel.
31 Pline, HN, XIX, 63.
32 Voir notamment Vasquez Hoys 1992, p. 110-111. Par ailleurs, sur plusieurs monnaies de Lixus apparaît un globe, motif qui témoignerait en faveur d’un culte solaire dans la cité et renverrait ainsi au « temple du Soleil » (Alexandropoulos 1992a, p. 250).
33 Callegarin 1999, p. 555. MQM signifie de manière générale « emplacement » mais avec des connotations qui varient suivant le contexte et qui s’étendent de « lieu funéraire » à « lieu sacré ». ŠMŠ désigne selon toute vraisemblance le soleil.
34 Alexandropoulos 1992a, p. 240 et 250-251 contra J. Marion qui signale tout d’abord une monnaie portant une face frappée LKŠ, l’autre MQM ŠMŠ. Celle-ci étant trop abîmée, il revient lui-même sur sa lecture. Cependant il existe selon lui une monnaie hybride sur laquelle on trouve le nom de Bocchus associé à une grappe de raisin, un motif qu’il considère comme typique de Lixus, et au revers l’astre et l’épi caractéristiques des monnaies de MQM ŠMŠ (Marion 1972, p. 72-74). En réalité, on constate seulement l’association, sur une même face, du nom de Bocchus et de la grappe de raisin, ce qui ne témoigne aucunement d’une monnaie hybride.
35 Sur l’identification de ces divinités, infra, p. 189-190.
36 Concernant les fouilles anciennes, Alexandropoulos 1992a, p. 251 (renseignement provenant de M. Ponsich). Concernant les fouilles récentes, Tarradell-Font 2001, p. 247-248 ; Tarradell-Font – Ruiz Cabrero 2005, p. 183- 185. L. Callegarin et F.-Z. El Harrif ont indiqué l’existence de cinq monnaies de MQM ŠMŠ à Lixus, mais nous n’avons pas trouvé trace de celles-ci dans les publications mentionnées par les auteurs (Callegarin – El Harrif 2000, p. 38, fig. 9, et p. 41), pas plus que dans les autres publications disponibles. D’après la carte de dispersion publiée plus récemment par L. Callegarin, plus de soixante monnaies de MQM ŠMŠ ont été trouvées à Lixus et dans ses environs (Callegarin 2016, p. 220, fig. 7) mais ces exemplaires proviennent de collections privées espagnoles du temps du Protectorat (cf. Callegarin 2008, p. 305 et 320) et en l’absence d’informations précises sur le contexte de ces trouvailles nous ne les avons pas retenues. Les autres données relatives aux découvertes monétaires, mentionnées dans ce chapitre, sont référencées dans l’annexe 3.
37 Cette effigie a été évoquée en faveur de l’identification MQM ŠMŠ/Lixus, une effigie semblable figurant sur des séries monétaires de Tingi, cité maritime au même titre que Lixus (Alexandropoulos 1992a, p. 254). Cette représentation a en outre été rapprochée d’un masque de bronze découvert dans la cité de Lixus (García y Bellido 1940, p. 55-57 ; Tarradell 1960, p. 170-172). L’œuvre serait datable du Ier siècle av. J.-C. ou du début du Ier siècle ap. J.-C. (Boube-Piccot 1969, p. 307-309 ; Id. 1990, p. 156, n° 151 ; Id. 1995, p. 73).
38 Callegarin 1999, p. 551-554 ; Callegarin – El Harrif 2000, p. 25-31. L’effigie du dieu Océan figurant sur les monnaies de MQM ŠMŠ rappellerait de façon surprenante un masque d’Océan trouvé à Cadix.
39 Callegarin et al. 2006, p. 345-357 ; Callegarin et al. 2016b, p. 123. De fait, désormais, L. Callegarin n’exclut pas la possibilité qu’il n’existe pas qu’un seul atelier de frappe au nom de MQM ŠMŠ, mais plusieurs, peut-être itinérants (Callegarin 2016, p. 219).
40 Alexandre Polyhistor, cité par Étienne de Byzance, FHG, III, p. 238. Voir aussi sur l’existence de la cité Pomponius Mela, III, 107 ; Ptolémée, IV, I, 7 ; l’Anonyme de Ravenne, 3, 11. L’Itinéraire d’Antonin (23, 4) la situe à XXVII mp de Volubilis et à XII mp d’Aquae Dacicae (Sidi Moulay Yacob).
41 Camps 1985 p. 248-249.
42 La chronologie de ce périple est établie par J. Desanges. L’historien montre parallèlement que ce récit est valable contrairement à ce que laissent penser les critiques de Strabon. Desanges 1978, p. 153-154, 169-173 ; Strabon, II, 3-5.
43 Voir l’étude de l’évolution du tracé de l’oued depuis l’Antiquité dans Callegarin et al. 2016a, p. 27-34.
44 Carcopino 1943, p. 173-189. Hypothèse réfutée notamment par H. Ghazi-Ben Maïssa et M. Coltelloni-Trannoy (Ghazi-Ben Maïssa 1994, p. 252-261 ; Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 81-83).
45 Salluste, Bell. Iug., LXII. Jodin 1987, p. 303-306. Les autres arguments d’A. Jodin se rapportent à l’épisode de Sertorius, qui aurait assiégé Volubilis, ce qui s’avère peu probable (supra, p. 42-43).
46 Voir toutefois les réserves émises par Gwl. Bernard concernant la lecture et la nature de ces témoignages dont le lieu exact de la découverte reste imprécis et qui n’ont été ni retrouvés ni réexaminés (Bernard 2016, p. 157-159).
47 Voir à ce sujet Rebuffat 1986, p. 541, puis Akerraz – Brouquier-Reddé – Lenoir É. 1995, p. 261-263, 267-268 et 270 ainsi que Rebuffat – Limane 1995, p. 315-320, à compléter avec Martin 2016, p. 147-149.
48 Mazard 1955, p. 193.
49 Pour une synthèse sur les établissements préromains de Maurétanie, Bridoux 2008b, p. 369-426.
50 Desanges 1999, p. 28-29.
51 Sur Lixus à l’époque phénicienne, voir Alvarez et al. 2001, p. 73-82 ; Bélen et al. 2001, p. 83-105.
52 Salluste, Bell. Iug., LXXXI.
53 Decret – Fantar 1981, p. 79.
54 Salluste, Bell. Iug., LXXX, 3 ; CII, 15 ; CIII, 2-3.
55 Salluste, Bell. Iug., CI, 5 ; CIII, 2 ; CV, 3 ; CVI, 1.
56 Salluste, Bell. Iug., LXXX, 3 et XCVII, 2 ; Appien, Num., 5 ; De vir. ill., 66.
57 Les séries monétaires attestées durant la deuxième moitié du IIe siècle av. J.-C. sont également présentes dans les niveaux datables du Ier siècle av. J.-C. (Tarradell-Font – Ruiz Cabrero 2005, p. 183-189).
58 Sept monnaies de MQM ŠMŠ (à effigie royale) ont été recueillies à Zilil (Depeyrot 1999, p. 66-67). Onze monnaies de MQM ŠMŠ (à effigie royale) et vingt-huit de Sala ont été découvertes à Sala (Boube 1992, p. 258). Cinq monnaies de Sala et au moins une de MQM ŠMŠ à effigie royale (les autres types appartenant à l’atelier de MQM ŠMŠ n’étant pas décrits) ont été mises au jour à Thamusida (Callu et al. 1965, p. 73-76 ; Marion 1967, p. 101).
59 Alexandropoulos 2000, p. 195.
60 Sur les différents types de cette effigie, voir aussi Marion 1972, p. 62.
61 Supra, § 1.2.2.
62 Voir la synthèse sur l’occupation de Siga à l’époque préromaine dans Bridoux 2008b, p. 369-426.
63 Supra, § 1.2.2.
64 Sur cette influence romaine, infra, p. 178-179.
65 Infra, p. 103.
66 Siga ne bat pas non plus d’autres types de monnaies une fois intégrée dans le royaume maure mais nous l’excluons de cette liste puisqu’elle est vraisemblablement déjà détruite ou abandonnée à cette époque, supra, p. 101.
67 Nous devons à L. Callegarin et A. El Khayari l’identification récente de cette légende et l’attribution de ces séries à la cité de Babba (Callegarin – El Khayari 2011, p. 81-88).
68 L’ensemble de ces séries monétaires a été daté de la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. en fonction des critères stylistiques par J. Alexandropoulos (2000, p. 328-342).
69 Infra, p. 139-140.
70 Iol constitue une exception, puisqu’elle frappe des monnaies en argent, mais celles-ci sont donc manifestement antérieures à l’intégration de la cité dans le royaume maure (infra, p. 139-140).
71 On note la représentation d’un autel sur les monnaies de Lixus, un croissant renfermant un globe sur celles de Sala, Tingi, BB‛T, Iol et Camarata (?), un astre sur celles de MQM ŠMŠ, un aigle sur celles de BB‛T et ce que l’on définit en général comme un méandre sur celles de Tamuda et MQM ŠMŠ.
72 Alexandropoulos 2000, p. 196-200, 323-329 et 331-342 ; Bridoux 2011, p. 35-55.
73 Types Mazard n° 119 à 121 ; Alexandropoulos 1992b, p. 144.
74 Solin, XXV, 16 ; Caesarea [...], Bocchi prius regia.
75 Infra, p. 129-130.
76 Sznycer 1975, p. 47-68.
77 Alexandropoulos 2000, p. 332 et 338. Cinq monnaies de Tingi faisant figurer la tête de l’Océan, accompagnées de ces formules administratives, ont été mises au jour à Sala dans un contexte que J. Boube propose de dater précisément de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. (Boube 1992, p. 257). Si l’on en croit les résultats de la mission hispano-marocaine de Lixus, les monnaies à légende MB’L ou MP’L ne sont documentées que dans des niveaux postérieurs aux années 80/50 av. J.-C. (Tarradell-Font 2001, p. 247-248 ; Tarradell-Font – Ruiz Cabrero 2005, p. 183-184).
78 Callegarin 1999, p. 570.
79 Gsell 1913-1930, VIII, p. 255.
80 Hypothèse d’A. Jodin (1987, p. 311-312). Sur la datation des bronzes de Lixus, Boube-Piccot 1995, p. 70-71 ; Id. 1999, p. 73.
81 Seston 1967, p. 281.
82 Voir par exemple Poinssot L. 1966, p. 1270 ; Kotula 1973, p. 73-83 ; Picard G.-Ch. 1974, p. 128-129 ; Fantar 1991, p. 54-55 ; Lipinski 1991, p. 18 ; Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, p. 273.
83 Appien, Num., 3 ; Salluste, Bell. Iug., LXVI ; Tite-Live, XXX, 12, 8.
84 Berthier – Charlier 1955, p. 23, n° 21 et p. 77, n° 90.
85 Types Mazard n° 523-529. Sur la datation de ces monnaies, infra, p. 147-149.
86 CIL VIII, 25736 ; Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, p. 259.
87 Camps 1960a, p. 256 ; Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, p. 257-258 ; Alexandropoulos 2000, p. 316-317.
88 « Les citoyens de Toubgga ont élevé ce temple au roi Massinissa, fils de Gaya, le roi, fils de Zalalsan, le sufète, en l’an 10 du roi Micipsa ». Traduction de J.-G. Février (1964-1965, p. 85-91).
89 Supra, p. 18-27.
90 Voir aussi une quatorzième inscription signalée plus récemment, infra, p. 109, n. 101.
91 Phénomène déjà souligné par M. Ghaki (1997, p. 35).
92 Février J.-G. 1964-1965, p. 85-91.
93 Selon l’auteur, une petite ville comme Thugga, qui compte au plus cinq mille habitants, ne peut s’offrit le luxe de commissions nombreuses comme celles qui dirigent Carthage (Picard G.-Ch. 1974, p. 131).
94 Chaker 1986, p. 551.
95 Camps 1994, p. 1983-1984.
96 Voir les inscriptions RIL 1, 2, 3, 5, 6, 7, 10 et 11 ; Ghaki 1997, p. 39-40.
97 Sur les mille cent vingt-cinq inscriptions libyques publiées dans le RIL, onze seulement sont rédigées horizontalement. Elles proviennent toutes de Thugga.
98 RIL 1 et 2.
99 Camps 1960a, p. 255 ; Ghaki 1997, p. 42.
100 Infra, pages suivantes.
101 Une quatorzième inscription laisse apparaître les fonctions dans le même ordre que l’inscription RIL 2 (Ghaki 2002, p. 1661-1668). Sur les inscriptions RIL 10 et 11, l’ordre hiérarchique est respecté hormis la place du GLDMSK et du GZB qui est inversée. L’inscription RIL 3 mentionne également le prince éponyme (GLD) suivi de deux MWSN (Février J.-G. 1964-1965, p. 86 ; Ghaki 1997, p. 29-31).
102 Février J.-G. 1964-1965, p. 86.
103 Février J.-G. 1964-1965, p. 90 ; Ghaki 1997, p. 30-31.
104 Supra, § 1.3.1.
105 Le dernier inventaire en date est issu de Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, tableaux p. 257-260 et addendum p. 273. Signalons les travaux précurseurs de L. Poinssot, auteur d’un premier inventaire des cités à sufètes (Poinssot L. 1942, p. 125-140). Les inscriptions non datées proviennent de Gadiaufola et de Masculula (Gsell 1911, f°18, n° 365 ; Id. 1913-1930, V, p. 133, n. 7). Le magistratus recouvrirait d’autres fonctions dans la confédération cirtéenne (Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, p. 264-269, addendum p. 273 et intervention de J. Gascou p. 274).
106 Camps 1960a, p. 255-256 ; Id. 1994, p. 1995-1996.
107 Picard G.-Ch. 1974, p. 131.
108 Sznycer 1978, p. 572 ; Id. 2003b, p. 120 ; Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, tableau 1, p. 257-259.
109 Sur Mactar, Février J.-G. – Fantar 1963-1964, p. 46-48. À Thugga cette mention apparaît sur deux inscriptions latines : la première est une dédicace aux Dieux Augustes, la seconde est un hommage à Iulius Felix, prince de la cité (Poinssot L. 1966, p. 1267-1270 ; DFH, n° 47-48, p. 142-144).
110 D’après deux inscriptions néopuniques (Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, tableau 1, p. 257-258).
111 Février J.-G. – Fantar 1963-1964, p. 46-48.
112 À Calama, une première inscription latine mentionne deux sufètes éponymes, une seconde un princeps, une troisième fait apparaître le princeps vraisemblablement à la suite de deux sufètes éponymes (Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, tableaux 1 et 3 p. 257 et 267). Les auteurs ont recensé les attestations du princeps en se fondant sur les cas où le terme se retrouve dans les cités pérégrines à organisation municipale consolidée, laissant par ailleurs de côté toutes les attestations, souvent du IIIe siècle ap. J.-C., où il semble désigner un rang social reconnu plutôt qu’une magistrature. Pour un recensement plus général, cf. Kotula 1965, p. 364-365.
113 D’après une dédicace latine à Auguste divinisé et à l’empereur Claude, datée de 48/49 ap. J.-C. (CIL VIII, 26517 ; DFH, n° 46, p. 137-142).
114 Nous n’avons pas pris en compte ici les undecimprimi, les travaux de J. Gascou ayant montré que cette fonction, attestée dans un nombre restreint de cités voisines de l’intérieur et anciennement interprétée comme une magistrature, recouvre en fait un sacerdoce qui pourrait être d’origine carthaginoise (Gascou 1998, p. 93-102). De même, il n’est pas utile de s’attarder sur l’origine des curies africaines, longtemps considérées comme les survivances d’une institution carthaginoise, ce qui est contesté de manière convaincante par J. Gascou (Id. 1976, p. 33-48).
115 Supra, p. 110.
116 Sznycer 1978, p. 567-568. Voir aussi Id. 2003b, p. 120.
117 Sur ce sujet, Fantar 1979, p. 33-48 ; Sznycer 1984, p. 291-301.
118 Sznycer 1978, p. 585 ; Id. 2003b, p. 120-122.
119 Kotula 1973, p. 77. Opinion partagée par Mh. Fantar (1991, p. 55).
120 Février J.-G. 1964-1965, p. 87-88 ; Tite-Live, XXVIII, 37.
121 Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, p. 262 et n. 21, p. 263 et n. 28, p. 270 et n. 59. L’équivalence princeps/râb s’accorde avec l’hypothèse de L. Poinssot (1966, p. 1270) qui pense que Thugga a une constitution semblable à celle de Mactar (deux sufètes éponymes et un autre magistrat, qualifié de râb à Mactar, de princeps à Thugga).
122 Les références de la traduction d’A. Ernout sont incluses dans la bibliographie, voir Salluste.
123 Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, tableau 3, p. 267.
124 Seston 1967, p. 277-294.
125 Fantar 1988, p. 210-211.
126 RIL 2. La formule réapparaît dans l’inscription RIL 3, mais la nature de l’opération qui a donné lieu à leur évocation n’est pas connue (Ghaki 1997, p. 29).
127 Ghaki 1997, p. 35.
128 Vœu consacré par les citoyens de Mididi à Baal Hammon et sanctuaire construit par les citoyens de Mididi pour ‘Ashtral épouse de Baal (Ghaki 1985, p. 174-175 ; Id. 1997, p. 35-36). Vœu consacré par les citoyens de Ellès à Baal Hammon, l’année de(x) et de (y) (Ghaki 2002, p. 1669-1678). Les citoyens de Mactar offrent un sacrifice au sanctuaire de Baal Hammon (Février J.-G. – Fantar 1963-1964, p. 48).
129 G.-Ch. Picard voyait déjà, à travers l’existence d’un collège de trois sufètes, la survivance d’une tradition libyque à Mactar, à Althiburos et à Thugga (Picard G.-Ch. 1957a, p. 39-40).
130 Kotula 1973, p. 77 ; Picard G.-Ch. 1974, p. 129. Contra Belkahia – Di Vita-Évrard 1995, p. 263. S. Belkahia et G. Di Vita-Évrard, rappelant que la présence d’un sufes maior à Thugga ne signifie pas qu’il existe dans la cité un collège de trois sufètes, dont un chef, se réfèrent à deux inscriptions de Chul (Cap Bon) faisant état, comme à Thugga, l’une de deux sufètes, l’autre du sufes maior. Les historiennes considèrent que ce dernier serait simplement un magistrat en exercice dans un système de roulement.
131 On peut consulter sur ce point les tableaux de S. Belkahia et G. Di Vita-Évrard (1995, p. 257-260 et 266-267).
132 Coltelloni-Trannoy 1997b, p. 72.
133 Tite-Live, XXIX, 29 et XXVIII, 4
134 Infra, p. 153.
135 Sur Aphtir ou Aphter, supra, p. 60. Sur Bithyas, cf. Appien, Lib., 111.
136 Appien, Lib., 70.
137 Tite-Live, XXVII, 4 et XXIX, 4 : alios Africae regulos. Tite-Live, XLII, 24 et 65 ; XLIII, 3 ; XLV, 14. Sur l’emploi des termes rex et regulus par les auteurs anciens, Gsell 1913-1930, V, p. 71-72.
138 Appien, Lib., 10, 33, 41 et 44 ; Polybe, XV, 3, 5. Identification proposée par St. Gsell (1913-1930, III, p. 255, n. 2) et G. Camps (1960a, p. 214).
139 Supra, § 1.3.5.2 et 1.3.5.3.
140 Appien, Bell. civ., V, 26.
141 Voir par exemple le tertre de Gales, proche du djebel Mansour (Ferchiou 1991b, p. 55-65). Voir aussi Ferchiou 1978, p. 200-204. Sur les mausolées royaux, infra, § 2.2.2.2.2.
142 Camps 1960a, p. 240 ; Desanges 1978a, p. 647 ; Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 76, n. 30.
143 Gsell 1913-1930, III, p. 306-307 et V, p. 140-142 ; Camps 1960a, p. 161, 176, 219, 240, 257- 261 ; Desanges 1978a, p. 648.
144 Sur Masgaba, infra, p. 171. Sur Micipsa et Gulussa, cf. Appien, Lib., 70-73.
145 Sur le règne de Gaïa, supra, § 1.1.1. et 1.1.2. Sur le règne de Syphax, cf. Tite-Live, XXIX, 33. Sur le règne de Massinissa I, cf. Tite-Live, XXXII, 27. Sur le règne de Micipsa, cf. Salluste, Bell. Iug., VIII et IX.
146 Le préposé à cette circonscription est membre de la famille de Zilalsan, ce qui indique sa probable appartenance à la dynastie royale, supra, p. 19.
147 Gsell 1913-1930, V, p. 129-130.
148 Sur les bénéfices que tirent les rois numides des liens de clientèle établis avec les chefs militaires romains, infra, § 3.1.2.
149 Supra, p. 16.
150 L’iconographie des monnaies de la deuxième série de Syphax, de celles de Vermina, et la métrologie de l’ensemble des monnaies masaesyles indiquent en effet une influence barcide (Alexandropoulos 2000, p. 141-147).
151 Hypothèse formulée par H. R. Baldus (1979, p. 188) et L. I. Manfredi (Manfredi 1995, p. 98 et 194-195).
152 Supra, p. 35.
153 En admettant qu’elle s’identifie à Tocaï et que le roi Ailymas est membre de cette dynastie (supra, p. 11).
154 Sur « Thugga la royale », voir en dernier lieu Ghaki 1997, p. 43.
155 Bell. Afr., XCVII : « Cependant, à Zama, César mit aux enchères les biens du roi (Juba I) ». Salluste, Bell. Iug., XII, 4. Voir en particulier Gsell 1913-1930, V, p. 253.
156 Salama 1979, p. 113 ; Ghaki 1993, p. 96 ; Beschaouch 1995, p. 43 ; Ferjaoui 2001, p. 862.
157 Infra, p. 145.
158 Cirta est mentionnée comme capitale du royaume numide non seulement sous les règnes de Massinissa I et de Micipsa, mais aussi sous celui de Juba I, supra, p. 16 et infra, p. 145.
159 Sur Suthul, Salluste, Bell. Iug., XXXVII, 3. Sur Thala, Salluste, Bell. Iug., LXXV, 1 et LXXVI, 1. Sur Capsa, Strabon, XVII, 3, 12 et Paul Orose, Adv. Pagan, V, 15, 8. Sur l’atelier monétaire de Cirta, infra, p. 137-145.
160 Desanges 1978a, p. 648.
161 Suivant en cela les conclusions de G. Camps, déjà enclin à penser que les villes regiae sont situées sur des domaines royaux (Camps 1960a, p. 209-213).
162 Comme l’indique la dénomination officina regia encore utilisée à l’époque romaine (CIL VIII, 14578, 14579 et 14583 ; Kolendo 1976, p. 10, n. 33).
163 Sur les Grandes Plaines et la Thusca, supra, § 1.1.3.1.2. Sur l’identification de Thimida Regia, cf. Gsell 1913-1930, V, p. 265 et VII, p. 143. Sur la Gamonia, supra, p. 23 et 71.
164 Diodore, XXXII, 17 ; Polybe, XXXVI, 16, 8 ; Gsell 1913-1930, V, p. 189-190.
165 Vitruve, VIII, 3, 24.
166 Gsell 1913-1930, V, p. 208-209. St. Gsell considère néanmoins que certaines villes regiae peuvent correspondre à de grands domaines royaux mais que celles d’importance, telles Hippo Regius et Bulla Regia, doivent correspondre à des résidences royales (Ibid., p. 253). Nos conclusions se rapprochent davantage de celles de G. Camps (1960a, p. 209-213). Sur les propriétés impériales, cf. Kolendo 1976, p. 10-12. Sur les conquêtes de Massinissa I, supra, § 1.3.1.
167 Alexandropoulos 2000, p. 143-144. Les monnaies de Vermina (types Mazard n° 13-16) sont semblables aux émissions les plus récentes de Syphax (types Mazard n° 10-12), mais trois séries sont frappées en argent. Le portrait du roi est par ailleurs imberbe et le cheval au galop ne porte pas de cavalier (Mazard 1955, p. 18-22).
168 Alexandropoulos 2000, p. 144-146.
169 Alexandropoulos 2000, p. 152.
170 Type Mazard n° 18. Une seconde série (type Mazard n° 17) peut être attribuée à Massinissa I en toute certitude. Le nom du roi et la titulature royale sont maintenus, mais le sceptre n’apparaît pas et un éléphant remplace le cheval.
171 Alexandropoulos 2000, p. 153-155.
172 Types Mazard n° 19-20.
173 Infra, § 3.2.2.2.
174 Alexandropoulos 2000, p. 166-167 et 170-171.
175 Dans une inscription néopunique de Leptis Magna dédiée à Auguste, la forme MNKD équivaut au titre d’Imperator. Cf. Février J.-G. 1949, p. 652-655 ; Id. 1951, p. 139-150 ; Camps 1960a, p. 216-217.
176 Seul l’angle du premier étage, reposant sur une série de gradins, est conservé. Il est orné d’un pilastre surmonté d’un chapiteau éolique et le couronnement de cet étage est constitué par une gorge égyptienne (Ferchiou 1978, p. 192-196 ; Prados Martínez 2008, p. 167-169).
177 Rakob 1979, p. 145 ; Id. 1983, p. 332-333 ; Camps 1995, p. 237-243.
178 Nous faisons notamment référence ici au mausolée B de Sabratha, daté des IIIe-IIe siècles av. J.-C. (Di Vita 1968, p. 7-80 ; Id. 1976, p. 273-285), et au mausolée de Djerba, datable à partir de l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C. à en juger par la quantité de céramique campanienne trouvée au pied du monument (Weriemmi-Akkari 1985, p. 189-196 ; Heyder 1985, p. 179-187). Des restes de mausolées turriformes, méconnus, sont également signalés dans l’ancien territoire carthaginois, à Henchir Djaouf dans la région de Zaghouan, ainsi qu’à Ksar Chanann et Ksar Rouhaha, dans la région de Mateur (Poinssot Cl. – Salomonson 1963, p. 64-73 ; Prados Martínez 2008, p. 156-165).
179 Coarelli – Thébert 1988, p. 761-818.
180 FHG, III, p. 187, n° 7.
181 Homolle 1878, p. 400 ; Id. 1879, p. 469-470 ; Hatzfeld – Roussel 1909, p. 484-489.
182 Baslez 1981, p. 160-165, contra Aoulad Taher 2004-2005, p. 37-38.
183 Diodore, XXXIV-XXXV, 35 (cf. Gsell 1913-1930, VI, p. 91).
184 IG, II, 968.
185 Sur la communauté grecque de Cirta, cf. Coltelloni-Trannoy 2011, p. 557-562.
186 Camps 1973a, p. 470-517. Voir aussi au sujet de ce monument Bouchenaki 1973, p. 217-220 ; Fentress 1979, p. 56, n. 38 ; Rakob 1983, p. 329-330 ; Coarelli – Thébert 1988, p. 764 ; Prados Martínez 2008, p. 129-132.
187 Camps 1961, p. 201 ; Id. 1973a, p. 510 ; Id. 1995, p. 243-247.
188 Coarelli – Thébert 1988, p. 764-777, 798 et 805.
189 Infra, § 3.1. et 3.2.1.2.
190 Pomponius Mela, I, 31.
191 M. Christofle a consacré une monographie à ce tombeau (Christofle 1951). Voir également Camps 1961, p. 201-205 ; Rakob 1979, p. 138-142 ; Coarelli – Thébert 1988, p. 765-777 ; Prados Martínez 2008, p. 132-134.
192 Coarelli – Thébert 1988, p. 798 et 811.
193 Gsell 1913-1930, VI, p. 272-273 ; Christofle 1951, p. 46 ; Rakob 1979, p. 142.
194 Camps 1960a, p. 237-239.
195 Lézine 1960, p. 28 et 68 ; Rakob 1979, p. 158 ; Id. 1983, p. 335-336. Voir aussi, du même avis, Coarelli – Thébert 1988, p. 805-807 ; Aïbeche 2003, p. 99.
196 Les amphores sont illustrées dans Rüger 1979, p. 342-343. Sur l’amphore de Rhodes, voir aussi Gsell 1913-1930, VI, p. 259, n. 5 ; Camps 1960a, p. 197.
197 Coarelli – Thébert 1988, p. 804. Voir aussi Rakob 1983, p. 327-328.
198 Selon Fr. Rakob, d’après les critères stylistiques on ne peut dater ce sanctuaire de la première moitié du IIe siècle av. J.-C. ni même plus tôt (Rakob 1979, p. 122-128 ; Id. 1983, p. 326 et 327, n. 7 ; Id. 1994, p. 4 et n. 13), contra Fentress 1979, p. 59, n. 35.
199 Rakob 1979, p. 129-132 ; Id. 1983, p. 328 ; Ferchiou 1983, p. 71-75 ; Id. 1991a, p. 45-97 ; Polito 1999, p. 40.
200 Ferchiou 1991a, p. 94-97. A. Lézine le datait également du IIe siècle av. J.-C. (Lézine 1960, p. 113-114).
201 Rakob 1994, p. 31-36.
202 Rakob 1979, p. 120-129 ; Ferchiou 1991a, p. 60-63 et 92-94.
203 Picard G.-Ch. 1957b, p. 212 et 216. L’historien est toutefois revenu sur son interprétation par la suite (Picard C. – Picard G.-Ch. 1980, p. 17).
204 Polito 1999, p. 39-70, en particulier p. 62-64.
205 Atban a été considéré comme le personnage pour qui est édifié le monument jusqu’à ce que Cl. Poinssot et J. W. Salomon révèlent l’existence d’une seconde inscription qui devait occuper la partie gauche de la façade et correspondre à la véritable dédicace du monument. Une relecture de l’inscription RIL 1 a donc ensuite permis de confirmer que celle-ci mentionnait l’équipe de construction (Poinssot Cl. – Salomonson 1959, p. 141-149 ; Février J.-G. 1959, p. 53-57 ; Poinssot Cl. – Salomonson 1963, p. 70 ; Ferron 1969-1970, p. 83-95). St. Gsell avait déjà émis, en son temps, des doutes sur le fait qu’Atban fut le personnage pour qui avait été édifié le monument, son nom, comme ceux de son père et de son grand-père, n’étant suivi d’aucun titre (Gsell 1913-1930, VI, p. 254). Voir aussi, concernant la datation de l’édifice, Rakob 1983, p. 335.
206 Pour une description précise du monument de Thugga, Picard C. 1973, p. 33-35 ; Rakob 1979, p. 156-158 ; Coarelli – Thébert 1988, p. 805-807 ; Prados Martínez 2008, p. 150-156.
207 Contra Picard C. 1973, p. 35.
208 Ferron 1969-1970, p. 95-97.
209 Supra, § 1.3.1.
210 Vuillemot 1964, p. 87, fig. 9 et p. 89-91.
211 Tels les corniches égyptisantes et le plan de l’édifice constitué de longs côtés concaves (Rakob dans Bouchenaki – Rakob 1997, p. 22-23). Pour une description précise du mausolée de Siga, voir aussi Vuillemot 1964, p. 71-95 ; Rakob 1979, p. 149-155 ; Id. 1983, p. 333-334 ; Coarelli – Thébert 1988, p. 805-
212 Supra, § 1.3.1.
213 Cf. Gsell 1913-1930, VI, p. 126-129 et 132 ; Picard C. 1973, p. 35 ; Gozalbes Cravioto 1980, p. 153-164 ; Polito 1999, p. 63-65. Contra Camps 1960a, p. 279-295.
214 Tertullien, Apologeticus, 24 ; Minucius Felix, Octavius, 21, 9 ; Saint Cyprien, Quod idola dii non sint, 2 ; Lactance, Institutions divines, I, 15, 6 ; Prudence, Peristephanon, IV, 45-48 ; Isidore de Séville, Etymologie, VIII, 11, 1. (Cf. Gsell 1913-1930, VI, p. 130).
215 CIL VIII, 18752 et 17159.
216 Février J.-G. 1951, p. 139-150.
217 Coarelli – Thébert 1988, p. 812.
218 Coarelli – Thébert 1988, p. 805-806.
219 Sur les incursions gétules, supra, p. 84-85. Sur les relations politiques entre la Numidie de Massinissa I et Carthage, supra, § 1.3.1. et infra, § 3.1.1.1.
220 Infra, p. 156-157.
221 Infra, p. 157-159.
222 Supra, p. 34.
223 Infra, § 3.2.1.1. et annexe 1.
224 Alexandropoulos 2000, p. 149-155 et p. 167-169.
225 Le trésor de Tarhouna est encore inédit. Il comporte cent soixante-quinze monnaies royales numides à effigie laurée. Neuf d’entre elles portent la légende MN (Alexandropoulos 2000, p. 169, n. 40).
226 Elles sont bien attestées à Cherchell (Gérin 1989, p. 9-18). Elles sont rares en Tunisie et on ne dénombre qu’un seul exemplaire dans le trésor de Tarhouna.
227 Supra, p. 39-41.
228 Sur la chronologie et les possibles étapes de la conquête du royaume masaesyle, supra, § 1.3.1.
229 Alexandropoulos 2000, p. 164-166.
230 Salama – Gérin 1999, p. 36-37.
231 On ne peut néanmoins affirmer que ces monnaies sont bien datables du règne de Micipsa, leur contexte de découverte demeurant généralement inconnu (Salama 1979, p. 128-131).
232 Ce qu’estime J. Alexandropoulos (2000, p. 327).
233 Types Mazard n° 546-558 ; Salama 1979, p. 115. Elles ont tout de même été recueillies en divers points du territoire numide, en Maurétanie occidentale et en Espagne, cf. annexes 2 et 4.
234 Voir en particulier les deux monnaies d’Iol découvertes dans le trésor de Cerro Colorado, les deux autres identifiées dans le trésor de Cuenca-Ciudad Real et l’exemplaire de Montemolín (Villaronga 1983, p. 62 ; Manfredi 2013, p. 176, 180 et 182).
235 Alexandropoulos 2000, p. 326. Les lettres puniques frappées sur ces monnaies n’ont pas attiré davantage l’attention des numismates. On y relève assurément les lettres Y, parfois Y et ?, HL, et sans doute Y et GT, Y, GT et >T, Y et >T, HL et MN (Alexandropoulos 2000, p. 471-472). J. Mazard lit quant à lui les lettres ÇD, HL, AT, MN-KL, H, K, K-DA (Mazard 1955, p. 167-170).
236 Seules deux de ces monnaies sont signalées par ailleurs, à Iol et à Tipasa, cf. annexe 4.
237 On peut observer une graphie similaire sur certaines stèles du sanctuaire d’El Hofra (Alexandropoulos 2000, p. 324).
238 Alexandropoulos 2000, p. 323-325 ; Salama – Gérin 1999, p. 36-37.
239 Tite-Live, XXX, 11 ; Camps 1960a, p. 239.
240 Gsell 1913-1930, V, p. 129-130.
241 Une constatation déjà mise en évidence par St. Gsell (1913-1930, V, p. 135).
242 Sur l’expédition de céréales pour l’armée romaine, infra, § 3.1.1.
243 Les n° 16 et 17 constitueraient ainsi des multiples de l’unité, tandis que les n° 19 et 20 constitueraient des sous-multiples (Alexandropoulos 2000, p. 149 et p. 159-164).
244 Cf. annexe 1.
245 Tel est le cas également de Massinissa II, mais ce dernier pouvait cependant être perçu comme un roi vassal de la dynastie massyle. Supra, § 1.3.5.2. L’attribution de monnaies à Hiempsal II n’est pas certaine (supra, p. 79) et nous préférons ne pas la prendre en compte. La faible quantité de ces émissions indique de toute façon que les monnaies anépigraphes approvisionnent aussi le royaume à cette époque. Notons qu’aucune monnaie au nom de Mastanabal et Gulussa, les frères de Micipsa, ne semble avoir été frappée. Ce phénomène s’explique sans doute par le fait que les deux rois n’ont pas reçu, comme ce dernier, la charge de l’administration du royaume.
246 Alexandropoulos 2000, p. 154 et 175.
247 Alexandropoulos 2000, p. 152-159.
248 Salluste, Bell. Iug., XII, 4.
249 Salluste, Bell. Iug., XXVIII, 1 ; Suétone, Jules César, 71.
250 Salluste, Bell. Iug., XXXV, 4 ; XLIX, 1 ; LII, 5 ; LXI, 4 ; LXII, 1 ; LXX, 1 ; LXXIV, 1 ; CXIII, 6.
251 Salluste, Bell. Iug., LXX, 2.
252 Salluste, Bell. Iug., XLVI ; Smadja 1983, p. 696-697.
253 Salluste, Bell. Iug., LXXXIX, 4.
254 Salluste, Bell. Iug., XXXVIII, 6 ; LVI, 2 ; LXII, 6 et 7 ; LXXV, 1 ; LXXVI, 5-6 ; CIII, 1 ; Paul Orose, Adv. Pag., V, 15, 7. Sur les armées numides, Gsell 1913-1930, V, p. 145-153 ; Camps 1960a, p. 261-265.
255 Salluste, Bell. Iug., XLVI, 3 ; LXI, 4-5 ; LXX-LXXI ; CVIII, 1-2.
256 Sur Leptis Magna, supra, p. 75. Salluste, Bell. Iug., LVI, 5 et LXVI, 1-2.
257 Supra, § 1.3.3. à 1.3.5.
258 Suétone, Jules César, 71.
259 Kontorini 1975, p. 89-99.
260 Appien, Bell. civ., II, 96 ; Bell. Afr., XCI, 2 ; Strabon, XVII, 3, 9 ; Vitruve, VIII, 3, 24.
261 Alexandropoulos 2000, p. 173-186 ; Id. 2005, p. 204-207. Voir aussi à ce sujet Bertrandy 1980, p. 9-22.
262 J. Alexandropoulos propose de le considérer également comme la marque de l’atelier de Cirta, ce signe apparaissant sur une stèle du sanctuaire de la cité (El Hofra).
263 Alexandropoulos 2000, p. 174-178.
264 Infra, p. 177.
265 Alexandropoulos 2000, p. 182 ; Bridoux 2011, p. 35-55. Sur l’utilisation de l’image de l’Africa depuis Alexandre, voir l’ouvrage de F. Salcedo (1996).
266 Mazard 1955, p. 50-51 ; Bertrandy 1980, p. 12-13. Ce dernier le rapproche de la représentation du Capitole sur un denier émis par M. Volteius vers
267 Mazard 1955, p. 51 ; Picard C. – Picard G.-Ch. 1980, p. 19-20 ; Picard G.-Ch. 1988, p. 166-168. Pour la référence de la monnaie romaine, Sydenham 1952, n° 833-834.
268 Alexandropoulos 2000, p. 184-185.
269 Lecture de J. Alexandropoulos (2000, p. 318-319).
270 Alexandropoulos 2000, p. 310-316 (d’autres émissions de Cirta sont attribuées à Sittius).
271 Supra, p. 51-52.
272 Alexandropoulos 2000, p. 319.
273 Cette force militaire semble n’avoir cependant qu’une efficacité limitée lors du conflit contre les césariens (Bertrandy 1990, p. 291-295).
274 Bell. Afr., LII, 5 ; LXXVII, 1 et XCI-XCII.
275 Bell. Afr., LV. Voir aussi Élien, Nat. Anim., VII, 23.
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