Chapitre I. L’accueil mercantile romain : définition d’une activité commerciale
p. 33-152
Texte intégral
1Il est naturellement indispensable de débuter l’enquête par une tentative de définition de l’activité qualifiée jusqu’ici de manière empirique par l’expression d’accueil mercantile, qu’il convient de mener à la lumière des conceptions proprement romaines de ce que nous désignerions aujourd’hui comme « le métier d’aubergiste ». La mise au point d’une définition de ce type n’est toutefois pas sans difficulté : contrairement à ce qu’il en est pour d’autres activités professionnelles romaines, à l’instar de celles du fullo, du pistor ou du sarcinator, ou encore pour l’hospitalité gratuite, dont les différentes manifestations sont regroupées sous le nom générique d’hospitium, il n’existe pas en latin de terme qui résumerait à lui seul et de manière univoque l’activité des professionnels du séjour romains. Est-ce à dire pour autant que cette investigation d’un objet innommé en latin pourrait s’avérer vaine dès ses prémices ?
D., 4, 9, 5, pr. (Gaius 5 ad ed. provinc.) et l’offre de service du cavpo
2Un terme peut malgré tout nous guider dans cette réflexion : le titre professionnel caupo, qui fait l’objet d’une tentative d’explicitation juridique de la part du jurisconsulte Gaius dans un passage de son commentaire à l’Édit provincial conservé au sein du titre 4, 9 du Digeste :
Nauta et caupo et stabularius mercedem accipiunt non pro custodia, sed nauta ut traiciat uectores, caupo ut uiatores manere in caupona patiatur, stabularius ut permittat iumenta apud eum stabulari ; et tamen custodiae nomine tenentur1.
3Sans toucher pour l’instant au problème juridique auquel fait allusion Gaius, celui de l’obligation de garde du caupo2, penchons-nous pour le moment sur cette seule expression par laquelle le jurisconsulte du IIe s. apr. J.-C. s’efforce de clarifier ce qui constitue l’essence de l’activité du caupo, ce dont il tire sa rétribution, sa merces : caupo [mercedem accipit] ut uiatores manere in caupona patiatiur3. On serait en effet volontiers tenté de reconnaître dans cette formule et dans la figure du caupo qui lui est adjointe les concepts génériques à la recherche desquels nous nous trouvons.
Un manque de définitions normatives
4La portée juridique de D., 4, 9, 5, pr. (Gaius 5 ad ed. prouinc.) ne doit toutefois pas être surévaluée. Ce passage ne constitue en effet pas une définition normative, tant au sein du titre du Digeste que, sans doute, dès l’époque de sa rédaction première. Il vise plutôt à distinguer, et c’est un point qu’il faut ici constamment garder en mémoire, entre le service pour lequel se faisaient payer les professionnels évoqués, objet du contrat, et la custodia, qui pouvait en être le corollaire en cas de conclusion d’un pacte prétorien de responsabilité adjoint au contrat. On peut s’étonner de ce que les compilateurs aient choisi dans cette optique un extrait d’un commentaire à l’Édit provincial et non pas d’un commentaire à l’Édit du préteur, qui est pourtant à l’origine du receptum évoqué par Gaius ; on aurait pu penser par exemple à ceux de Paul ou d’Ulpien, d’où proviennent l’essentiel des fragments retenus au sein du titre 4, 9 du Digeste4. Ce choix est susceptible de s’expliquer de différentes façons : soit par l’absence de mention équivalente dans les autres œuvres juridiques consultées au moment de la compilation ; soit par le fait qu’Ulpien et Paul se référaient, dans leurs propres commentaires, aux propos de leur prédécesseur ; soit encore parce que les définitions qu’ils proposaient avaient été jugées moins satisfaisantes. Mais on pourrait presque se demander si l’établissement d’une telle définition de l’activité du caupo était la préoccupation première des compilateurs, au regard de la place relativement secondaire à laquelle se trouvent renvoyés les propos de Gaius dans l’économie du titre du Digeste5. Quelle qu’ait été leur valeur originelle ou au moment de la compilation, et sans exagérer leur portée normative, les propos de Gaius constituent malgré tout un important point de départ pour l’enquête ; leur intégration au Digeste leur confère de plus une autorité certaine, dépassant largement celle de définitions équivalentes qui figureraient au sein de la littérature ou du corpus épigraphique.
5Leur valeur apparaît d’ailleurs d’autant plus grande qu’ils sont en réalité relativement isolés au sein et même au-delà du corpus juridique. En effet, si l’on considère l’ensemble du corpus textuel conservé, les passages qui, pour caupo et ses dérivés, se rapprochent davantage de définitions normatives à proprement parler, sont d’abord très peu nombreux et ne renseignent en réalité que très peu sur l’activité professionnelle à laquelle les Romains rattachaient ces termes6. Ainsi, les définitions de glossaires et de scholiastes, dont on pourrait attendre les informations les plus utiles en la matière, restent orientées, en raison des lois du genre, par des considérations strictement grammaticales7 ou étymologiques8, certains commentateurs se contentant de gloser par des synonymes les termes qui nous intéressent9. Mais les propos de Gaius font également figure d’unicum au sein du corpus juridique connu. Ce n’est pas que ce corpus soit complètement exempt de tentatives d’explicitation des désignations qui retiennent notre attention, notamment lorsqu’il s’agissait, pour les jurisconsultes, d’éviter une confusion possible entre différents acteurs ou types d’établissements et de faciliter en cela le règlement d’un cas litigieux et/ou l’application du droit : dans les passages concernés, caupo et ses dérivés ne sont toutefois pas évoqués en fonction de l’activité précise que ces termes recouvrent mais seulement du point de vue du cadre juridico-économique dans lequel ils s’insèrent. C’est ainsi par exemple que le caupo pourra être simplement défini comme l’exploitant d’une caupona, à l’exclusion de tous les autres membres du personnel intervenant dans son établissement :
Caupones autem et stabularios aeque eos accipiemus, qui cauponam uel stabulum exercent, institoresue eorum. Ceterum si qui opera mediastini fungitur, non continetur, ut puta atriarii et focarii et his similes10.
6Ce commentaire, et d’autres semblables, n’évoquent pas ce qui faisait l’essence particulière de l’activité du caupo ou de la caupona ; ce n’était en effet pas leur but premier. On voit d’ailleurs que dans le passage que nous venons de découvrir, le terme stabularius – ainsi que, dans d’autres passages, celui de nauta11 – suscite exactement la même glose que caupo, alors même qu’il s’agissait de professions distinctes12. Dans la perspective d’une définition du cœur de métier du caupo, seul le passage de Gaius apparaît opérant.
Caupo [mercedem accipit] ut uiatores manere in caupona patiatur
7Que nous apprend donc Gaius ? Force est de constater que les propos du jurisconsulte semblent au premier abord très évasifs : « le caupo [reçoit une rétribution] du fait de laisser les voyageurs demeurer dans son auberge », caupo [mercedem accipit] ut uiatores manere in caupona patiatur. Dans ce passage, l’activité du caupo n’est à tout le moins pas aussi aisément identifiable que celle du stabularius et surtout que celle du nauta, payé pour transporter ses passagers/chargeurs. Manere constitue en effet en latin un verbe à la sémantique large et assez imprécise13. Employé intransitivement, et surtout lorsqu’il est suivi d’un complément de lieu, comme c’est le cas ici14, il renvoie au fait de demeurer quelque part15, éventuellement dans un état donné16, pour un temps plus ou moins long. Pris de manière absolue, il peut désigner pour un phénomène le fait de perdurer17 ou de devoir se produire ou échoir à quelqu’un à l’avenir18 ; sa sémantique peut même se rapprocher de celle de esse dans certains de ses emplois19. Pris dans un sens plus restreint, de nouveau tout particulièrement lorsqu’il est suivi d’un complément de lieu, il est communément associé à l’idée de séjourner quelque part20, voire d’y habiter21. En dehors de ce dernier type d’emploi, manere semble bien se référer dans la majorité des cas à un séjour qui se déroulerait en dehors de l’espace ordinaire d’habitation, souvent pour un temps restreint22 et/ou au cours d’un déplacement23, avec une préférence pour le séjour nocturne24 ; c’est ce qui explique la fréquence avec laquelle on le voit apparaître dans des contextes de voyage et de déplacement, à l’instar de ce qu’il en est dans le passage de Gaius où il se trouve associé au séjour des uiatores. Il convient d’ailleurs de souligner que l’emploi de ce verbe en lien avec les réalités de l’accueil mercantile, qui apparaît logique au regard de sa sémantique, ne se limite aucunement aux propos du jurisconsulte ; on le retrouvera ailleurs pour désigner l’usage que les clients font de l’auberge, à l’instar par exemple d’une inscription lyonnaise bien connue qui voit l’aubergiste Septumanus inviter en ces termes ses clients potentiels à bien choisir leur lieu de séjour : hospes ubi maneas prospice25.
8La formulation choisie par Gaius invite alors à s’interroger sur ce que recouvrait effectivement ce manere pati et plus largement sur le recours à ce verbe au sein de la documentation pour qualifier le service fourni par l’auberge. L’expression pourrait en effet conférer au caupo un rôle purement passif d’accueil, fondé sur la mise à disposition payante des espaces nécessaires au séjour, voire au seul hébergement de la clientèle, qui contrasterait par exemple avec les efforts déployés par le nauta pour transporter ses passagers26 ; cette acception rapprocherait dès lors l’activité du caupo de celle du sous-bailleur commercial, le cenacularius27. Il s’agit donc de tenter d’éclairer ce qui pouvait réellement se dissimuler derrière ce simple manere dont le caupo offrait la possibilité à ses clients, tant du point de vue des pratiques que des représentations associées à son activité professionnelle.
9Dans ce but, il convient d’analyser de manière plus détaillée le terme caupo. Au-delà même des propos de Gaius, il possède une place prééminente au sein de la langue latine, dans la mesure où, pour des raisons que nous allons à présent découvrir, il peut être considéré comme la désignation sinon unique – ce qui le distingue de noms de métier génériques tels que fullo ou pistor – du moins privilégiée de l’aubergiste en latin.
Le cavpo, professionnel de l’accueil par excellence
10L’origine précise du terme caupo est obscure : une parenté avec le grec κάπηλος a pu être suggérée28 mais il convient de rappeler qu’en grec, avant de désigner effectivement l’exploitant d’un débit de boissons, κάπηλος qualifie de manière plus générale un revendeur ou un boutiquier29. Dès lors, plutôt que de supposer le passage en latin de κάπηλος dans une seule de ses acceptions, certains linguistes émettent l’hypothèse d’un emprunt conjoint à une troisième langue méditerranéenne, peut-être par l’intermédiaire de l’étrusque pour le latin, suivi d’un élargissement de sens en grec ou d’une restriction de sens en latin30. Cette proximité entre termes grecs et latins, qui était probablement le fruit d’une véritable parenté étymologique, explique certains emplois particuliers de caupo : dans quelques occurrences, qui apparaissent généralement liées à un modèle grec originel, le terme revêt effectivement l’acception de « revendeur », « boutiquier31 ». Selon la jolie formule d’A. Ernout et d’A. Meillet, caupo est donc le type même du « mot voyageur, de forme mal fixée », sans doute d’origine populaire32. Il donne ensuite naissance à un grand nombre de dérivés : on trouve ainsi à l’époque classique le féminin caupona33, son diminutif cauponula34, l’adjectif cauponius, -a, -um35, parfois substantivé36 et le verbe cauponor, -ari37. Apparaissent plus tardivement l’adjectif cauponarius, -a, -um, qui peut aussi être substantivé38, le diminutif de caupona cauponicula39, ainsi que, formés sur cauponor, l’adjectif cauponaticius, -a, -um40 et le masculin cauponatus41 – on laissera de côté ces dernières formes, très peu attestées au sein du corpus et qui excèdent le cadre temporel de l’étude. Le terme et certains de ses dérivés connaissent enfin des doublets orthographiques lexicalisés, qui se fondent sur une alternance au/o : copo/copa et les plus rares copona42, coponia43, coponarius44 et cupo/cupa45.
Du commerce de détail à l’accueil mercantile
11Ce groupe lexical est attesté à date très haute dans les sources littéraires et très vraisemblablement dans l’ensemble de la langue latine. Les premières occurrences, tributaires de modèles grecs, semblent toutefois davantage renvoyer au sens de « boutiquier » du grec κάπηλος qu’au sens d’« aubergiste » que prend par la suite le terme caupo en latin. On trouve par exemple attesté dans l’œuvre d’Ennius le verbe cauponor, qui prend dans le passage en question le sens de « trafiquer » :
Nec mi aurum posco nec mi pretium dederitis : / non cauponantes bellum sed belligerantes / ferro, non auro, uitam cernamus utrique46.
12Ce n’est sans doute que dans une phase ultérieure à celle de leur première apparition en latin que la signification de caupo et ses dérivés se fixe de manière définitive dans le champ de l’accueil mercantile. Au sein du corpus textuel disponible, on sera enclin à identifier la première occurrence de ce type d’emploi dans un fragment de l’Iter Siciliense du poète satiriste Lucilius, qui a recours au féminin caupona pour désigner une femme officiant dans un établissement commercial : caupona hic tamen una Syra47. Le caractère fragmentaire du texte interdit bien entendu de se prononcer directement sur l’activité de cette caupona ; toutefois, le croisement de ce passage avec l’Iter Brundisinum d’Horace (Satire I, 5), réécriture partielle de l’Iter Siciliense48, est susceptible de s’avérer éclairant sur ce point49. Un des épisodes narrés par Horace pourrait en effet correspondre directement au vers de Lucilius que nous venons de découvrir :
Incipit ex illo montis Apulia notos / ostentare mihi, quos torret Atabulus et quos / numquam erepsemus, nisi nos uicina Triuici / uilla recepisset lacrimoso non sine fumo, / udos cum foliis ramos urente camino. / Hic ego mendacem stultissimus usque puellam / ad mediam noctem expecto; somnus tamen aufert / intentum Veneri ; tum inmundo somnia uisu / nocturnam uestem maculant uentremque supinum50.
13L’isolement du lieu d’accueil dépeint par Horace s’accorderait en effet avec l’emploi chez Lucilius de l’adjectif una pour désigner la caupona Syra ; inversement, la nature commerciale du lieu d’étape décrit par Horace, qui semble suggérée par la qualité plus que douteuse de l’accueil qui y est délivré, s’en trouverait garantie.
14Par la suite, caupo se fixe définitivement dans le lexique latin de l’accueil mercantile, jusqu’à devenir le qualificatif par excellence de l’aubergiste romain.
Copo, une variante populaire
15Sa diffusion peut d’ailleurs se lire à l’échelle des pratiques linguistiques de l’ensemble de la société romaine, du fait de l’existence et surtout de la lexicalisation, pour caupo et certains de ses dérivés, de formes concurrentes en -o- : l’alternance graphique au/o, que l’on retrouve pour d’autres termes en latin, est en effet généralement considérée comme la conséquence d’une réduction de la diphtongue -au- pratiquée dans les milieux populaires, qui tirait sans doute son origine de différences de prononciation connotées socialement51 – on peut rappeler en ce sens l’anecdote relatée par Suétone, selon qui Vespasien, repris par Mestrius Florus, personnage de rang consulaire, parce qu’il avait prononcé plostra et non plaustra, l’aurait le lendemain salué du nom de Flaurus52.
16L’étude de répartition des variantes en -o- de caupo et de ses dérivés dans les sources textuelles rend bien compte du caractère socialement et stylistiquement connoté de ces formes concurrentes et partant de l’amplitude sociale des emplois de la famille à laquelle elles appartiennent. Ces doublets orthographiques demeurent rares dans les sources littéraires ; mais dans les occurrences où ils apparaissent, leur usage ne semble jamais totalement fortuit. Autant que les incertitudes orthographiques occasionnées par une transmission parfois flottante des textes à travers le temps nous permettent d’en juger, les passages en question sont en effet le plus souvent ancrés dans des contextes quotidiens et populaires ou plutôt dans lesquels il s’agit de « faire peuple », selon des visées parodiques ou dépréciatives. On mentionnera notamment plusieurs emplois de la forme copo chez Cicéron, dans des passages qui constituent, après un fragment de Varron53, les plus anciennes attestations de cette graphie au sein du corpus littéraire54, en s’attardant en particulier sur cet extrait du Pro Cluentio :
Atque etiam, ut nobis renuntiatur, hominem multorum hospitum, A. Biuium quendam, coponem de uia Latina, subornatis qui sibi a Cluentio seruisque eius in taberna sua manus adlatas esse dicat55.
17L’usage de la forme copo dans ce passage, qui semble bien attesté dans la mesure où aucun manuscrit ne porte la leçon caupo, est en effet particulièrement intéressant. Le recours à la graphie - o-, auquel correspondait sans doute l’adoption d’une prononciation populaire lors de la déclamation de ce plaidoyer judiciaire, pourrait en effet s’intégrer au processus de dénigrement mis en place dans le passage à l’encontre de l’aubergiste suscité par la partie adverse pour témoigner contre le client de Cicéron : ce procédé serait alors à ranger aux côtés de l’emploi d’expressions dépréciatives ou antiphrastiques telles que « A. Biuium quendam » ou « hominem multorum hospitum », qui constitue par ailleurs le premier recours au vocabulaire de l’hospitalité attesté au sein du corpus pour qualifier un professionnel de l’accueil56.
18Par la suite, toujours pour les sources littéraires, la forme copo est par exemple la seule employée par Martial dans les Épigrammes57 ; dans la mesure où l’on ne trouve cette forme ni chez Horace ni chez Juvénal, qui semblent lui préférer la graphie correcte en -au-, il s’agit sans doute ici d’un trait propre au style voire à la langue du poète plutôt qu’au genre satirique en lui-même, alors même que ce dernier s’avère de manière générale souvent proche d’une langue d’essence populaire ou quotidienne58. Les sources littéraires peuvent d’autre part avoir recours à la forme syncopée copa à la place de caupona pour désigner l’exploitante ou l’employée d’une auberge. C’est le cas, par exemple, dans le poème éponyme de l’Appendix Vergiliana, la Copa, dont l’auteur et la date précise demeurent incertains59 ; ici, la graphie populaire contribue peut-être à accentuer le décalage, éventuellement parodique, qui naît de la transposition des codes du genre mineur de la bucolique au cadre descriptif d’un établissement commercial. Mais contrairement à ce qu’il en était pour copo, strictement équivalent à caupo en termes de scansion, des questions de quantités peuvent se trouver à l’origine de ce choix orthographique : si le premier o de copa est long et n’apporte aucune variation par rapport à la forme caupona, la différence du nombre de voyelles d’une forme à l’autre a en effet pu s’avérer déterminante pour un poète contraint de respecter le schéma métrique de l’hexamètre60. Dans les textes en prose, l’hypothèse d’une recherche consciente de l’effet de style provoqué par l’emploi de ce féminin populaire prend en revanche toute sa valeur, et ce de manière plus décisive encore que pour l’alternance caupo/ copo, pour laquelle nous sommes toujours soumis à la possibilité d’une altération au cours de la transmission : Suétone appelle ainsi copae les femmes de l’élite qui, sur les rives du Tibre ou du golfe de Baïes, jouent les aubergistes de fantaisie pour le plaisir de Néron et de sa cour, dans un passage où l’adoption de la graphie populaire vient comme redoubler stylistiquement l’imitation des comportements de la plèbe61. Pour conclure sur les variantes orthographiques du terme caupo, on signalera qu’une graphie en -u- est attestée chez le grammairien du IVe s. apr. J.-C. Flavius Sosipater Charisius :
O littera terminantur tam masculina quam feminina, sed o correpta nominatiuo, circumducta uero genetiuo, ueluti Cato Catonis, Cicero Ciceronis, Nero Neronis, Iuno Iunonis, regio regionis : communia, cupo cuponis, fullo fullonis ; quamuis Vergilius librum suum Cupam inscripserit62.
19L’allusion au poème du Pseudo-Virgile habituellement désigné sous le titre de Copa montre qu’il faut bien voir dans cupo, cuponis un équivalent de caupo/copo, qui pouvait également désigner, selon Charisius, une aubergiste de sexe féminin. Mais cette graphie, fondée sur une autre alternance vocalique possible de la diphtongue - au-63, est peu attestée en latin, si ce n’est dans les Glossaires64 ; à la période classique, la seule occurrence possible consiste en un passage du Contre Pison de Cicéron, où le terme cupa désigne l’origine du vin que Pison fait acheter chez des commerçants au lieu de le produire au sein de sa propriété (pistor domi nullus, nulla cella ; panis et uinum a propola atque de cupa65).
20En dehors des sources littéraires, la répartition de ces formes en -o- rend également compte de leur inscription dans la langue quotidienne et/ou populaire. De manière significative, ces formes ne sont ainsi pas attestées dans les textes juridiques, qui optent systématiquement pour la graphie correcte en -au-. En revanche, c’est la graphie la plus courante dans les sources épigraphiques, sans que l’on puisse la lier à un espace ou à une période en particulier66 ; en regard, les inscriptions où figure caupo et qui renvoient de manière à peu près certaine à la profession d’aubergiste67 sont très peu nombreuses68. L’étude de ces variantes orthographiques permet d’attester de manière tangible l’emploi du terme caupo et de ses dérivés par des groupes sociaux variés. Dans les sources littéraires, la prononciation et l’orthographe choisies peuvent même devenir de véritables enjeux stylistiques, qui permettent d’inscrire le texte où ces formes figurent dans un registre de langue plus quotidien ou populaire. Le constat de l’extrême diffusion du terme caupo en latin vaut ainsi tant en synchronie qu’en diachronie.
L’offre de services du caupo
21Pour en revenir à ce qui constituait le point de départ de l’enquête, à savoir la définition de l’activité du caupo au prisme du ut manere patiatur de Gaius, les occurrences affichent, à l’échelle de l’ensemble du corpus textuel, une grande variété quant aux activités professionnelles qui sont associées au terme et à ses dérivés. Outre des prestations annexes destinées à agrémenter le séjour de la clientèle69, on trouve plus précisément attestées, pour l’établissement du caupo et/ou pour la caupona, des activités d’hébergement, de restauration et de débit de boissons, en association les unes avec les autres70 ou isolément71 : dès lors, le caupo semble se rapprocher dans ses attributions professionnelles des aubergistes de la période moderne. On mentionnera en particulier dans cette perspective de l’offre de services des caupones romains un document bien connu et fréquemment convoqué en ce sens, le plus souvent toutefois sans que la valeur des informations qu’il semble fournir fasse l’objet d’une véritable mise en perspective : la stèle dite d’Aesernia72. Sur ce monument, généralement daté du Ier s. apr. J.-C., une inscription relate une scène où un caupo dresse l’addition de son client :
L(ucius) Calidius Eroticus / sibi et Fanniae Voluptati u(iuus) f(ecit). / Copo, computemus. Habes uini s(extarium) unum. Pani[s] / : a(sse) uno. Pulmentar(ium) : a(ssibus) duobus. Conuenit. Puell[a] : / a(ssibus) octo. Et hoc conuenit. Faenum / mulo : a(ssibus) duobus. Iste mulus me ad factum / dabit73.
22Le bas-relief qui accompagne cette inscription représente un homme et un client en train de compter sur leurs doigts, avec à leur droite la mule incriminée. Se trouvent ainsi évoqués dans l’inscription les différents types de service qu’un caupo pouvait fournir : repas, boisson, prostitution, éventuellement hébergement et prise en charge de la monture du voyageur. Les incertitudes éveillées par la pierre, que l’on trouvera exposées en annexe de cette étude, invitent certes à la prudence avant d’en faire, avec la plupart des historiens qui s’y sont intéressés, un témoignage direct des commodités de la « vie à l’auberge » ; pour autant, elles n’invalident en rien la valeur, sinon du détail des informations, du moins du cadre général construit par l’inscription et le bas-relief qui l’accompagne, que vient conforter le reste de la documentation.
Une évolution vers le débit de boissons ?
23T. Kleberg croit toutefois identifier, pour caupo et ses dérivés, une évolution sémantique qui restreindrait à la période impériale le champ professionnel couvert par ces termes. Selon lui, en effet, « tout se passe comme si un aspect de l’activité du caupo, l’aspect “service de nourriture et de boisson” l’emportait de plus en plus sur l’autre74 ».
24De fait, dans le corpus chrétien, c’est en lien avec le seul débit de boissons que le terme caupo est désormais le plus souvent attesté75. Cette évolution, qui ne signifie pas pour autant un changement de sens complet, semble devoir s’expliquer en premier lieu par la référence commune des passages en question à un verset du Livre d’Isaïe. Si dans la version originelle du texte biblique, ce verset dit « Ton vin est coupé d’eau76 », se produit en effet dans la Septante un glissement vers le registre de l’accueil mercantile, qui aboutit à la transformation du passage en une accusation de fraude portée contre les κάπηλοι- « débitants de boissons » : τὸ ἀργύριον ὑμῶν ἀδόκιμον οἱ κάπηλοί σου μίσγουσι τὸν οἶνον ὕδατι77. C’est ensuite cette version qui passe dans la littérature chrétienne de langue latine, contribuant ainsi à l’accentuation du lien entre caupo et vente au détail de vin préparé, alors même que Jérôme était revenu à une traduction pratiquement littérale du texte hébreu dans la Vulgate78. Ce passage, qui a donné lieu à de nombreuses exégèses au sein de la littérature chrétienne, est généralement interprété comme une allusion aux diverses formes de corruption de la parole divine :
Sed hi sunt qui miscent aquam uino tamquam caupones pessimi, adulterantes sermonem Dei et insincerum proferentes, quicquid perfido et tamquam ebrio ore deprompserint, et ideo aliena loquuntur a lege79.
25Sans doute peut-on expliquer le phénomène par le fait que ce reproche faisait écho à l’image de l’aubergiste fraudeur, largement ancrée dans la culture commune romaine dès la période classique80. Il justifie également l’évolution à la période tardive du verbe cauponor, passé du sens de « trafiquer » chez Ennius à celui de « transformer, adultérer » dans la littérature chrétienne, à l’imitation de ce qu’il en est pour le verbe καπηλεύειν en grec81.
26Toute la question est naturellement de déterminer si ce recours à caupo dans son sens d’« exploitant d’un débit de boissons » – tandis que dans le même temps les prestations hôtelières sont plus volontiers associées dans les sources chrétiennes aux termes stabulum et deuersorium, ainsi que nous le découvrirons par la suite – a pu engendrer une véritable restriction de l’acception commune du mot en latin, qui se retrouverait identiquement en dehors du corpus chrétien. Nous manquons passablement de sources qui nous permettent d’en juger. On doit peut-être relever la trace de cette évolution dans la définition que Firmicus Maternus donne du terme au IVe s. apr. J.-C. ; selon lui, les caupones sont en effet ceux qui ea, quae ad uictum et potum sunt necessaria, famosis et publicis mercimoniis praeparent82, sans qu’il soit plus question à leur sujet de fonctions d’hébergement. À la même époque, quelques passages associent par ailleurs le caupo à des activités plus générales de vente au détail, qui paraissent renvoyer le terme à son lointain parent grec κάπηλος et au sens qui fut le sien lors de ses premières apparitions dans la littérature latine83 ; peut-être cet emploi s’explique-t-il par la résurgence de cette acception ancienne à l’aune du motif chrétien que nous venons de découvrir. C’est d’ailleurs dans cette acception de « détaillant » que le terme se maintient par la suite dans les langues germaniques : T. Kleberg explique ce phénomène par le rôle de « médiateur entre le commerce romain et les peuples germaniques » du caupo et justifie par cela le fait que « son nom fut peu à peu mis en rapport avec toutes les formes de commerce qui, plus tard, pénétrèrent de plus en plus profondément dans la Germanie toujours plus ouverte à la civilisation de Rome84 ». Le renforcement progressif du lien entre caupo et la vente au détail de boissons, voire le commerce de proximité au sens large, n’empêche toutefois pas le maintien pour le terme de l’acception d’« aubergiste » jusqu’à une époque tardive, excluant donc l’hypothèse d’un changement de sens complet à la fin de l’Antiquité85.
27Caupo et ses dérivés et variantes orthographiques, qui constituent les désignations privilégiées de l’accueil mercantile en latin, renvoient donc originellement à un ensemble multiple de prestations : hébergement, restauration, débit de boissons, cette dernière fonction se détachant plus nettement dans les sources à la fin de la période étudiée, jusqu’à conférer aux dérivés de caupo dans les langues vernaculaires un lien avec la vente au sens large.
28L’enquête sur le sens du ut uiatores manere patiatur de Gaius ne s’en trouve toutefois pas définitivement close avec la mise en lumière de l’offre de services associé en latin au terme caupo. En effet, au gré du corpus textuel, d’autres termes apparaissent, synonymes, métaphores, ou simples catégories parentes de caupo et de ses dérivés, que nous avons déjà croisés pour certains dans les différents développements qui précèdent. Loin d’être isolé en latin, le groupe lexical de caupo se trouve de fait inclus dans une constellation terminologique beaucoup plus étendue, au sein de laquelle caupo et ses dérivés occupent une position centrale. Pour passer de l’analyse du cœur de métier des caupones à celle des professionnels de l’accueil romains au sens large, il convient par conséquent d’effectuer un long mais indispensable détour par l’étude des nombreux termes, désignations d’établissements, de professionnels, voire de clients, qui viennent progressivement et selon des dynamiques distinctes enrichir le champ terminologique latin de l’accueil mercantile.
Approche d’ensemble de la terminologie latine de l’accueil mercantile
Deuersorium
29Avec deuersorium débute l’analyse d’un premier ensemble de termes dont le champ sémantique excède originellement celui de l’accueil mercantile mais qui en viennent progressivement, au sein d’un faisceau plus large de significations, à désigner en latin les réalités de l’hébergement commercial, de la restauration et du débit de boissons.
La sémantique du séjour provisoire
30Ainsi, l’acception de deuersorium et des termes qui lui sont directement apparentés s’étendait à l’origine non au seul séjour commercial mais à tout type de séjour. L’amplitude de ce champ sémantique s’explique en premier lieu par le lien de ces termes au verbe uerto, -ere (« tourner »), souvent attesté en latin sous la forme des fréquentatifs uerso ou uersor, et plus précisément encore au composé deuerto, -ere, qui désigne le fait de se détourner d’une route, d’un itinéraire86, ainsi que, dans une acception secondaire, celui de séjourner quelque part. Deuerto donne naissance à un ensemble de dérivés dont on ne retiendra ici que les formes susceptibles d’apparaître dans le champ lexical latin de l’accueil mercantile : outre par conséquent le substantif deuersorium et son diminutif deuersoriolum, on mentionnera le fréquentatif deuersor, - ari, les substantifs deuorsitor et deuorsor ainsi que l’adjectif deuersorius, -a, -um87.
31On trouve de nouveau dans les sources textuelles un certain nombre de variantes orthographiques ; mais contrairement à ce qu’il en allait pour caupo et ses dérivés, ces variations ne sont cette fois liées qu’à la chronologie des passages et n’ont aucune incidence directe sur le sens ou l’emploi des termes concernés. Elles s’expliquent par ce seul fait que l’alternance des voyelles au présent de uerto ne s’est stabilisée qu’au milieu du IIe s. av. J.-C., de sorte qu’auparavant on trouve indifféremment uerto ou uorto88. Ce phénomène vaut également pour les composés du verbe, dont deuersorium fait partie89. Outre ces variations orthographiques occasionnées par la fixation tardive du vocalisme, on trouve également dans les textes, cette fois pour le seul substantif deuersorium, l’emploi du préfixe di- à la place de de-, qui s’explique peut-être par l’influence sur cette forme du verbe diuerto, -ere, dont le sens n’est pourtant pas celui de « séjourner » mais celui de « se séparer, différer de » ; la forme diuersorium semble par ailleurs plus tardive que son équivalent en de-90.
Deuersitor/deuorsor
32Des dérivés de deuerto qui viennent d’être évoqués, deux voient leur emploi et peut-être leur acception limités au contexte du seul séjour commercial : il s’agit des substantifs deuersitor et deuorsor, qui n’apparaissent que dans quelques occurrences chez Cicéron et Pétrone :
Copo non multum post conclamat hominem esse occisum et cum quibusdam deuorsoribus illum, qui ante exierat, consequitur in itinere91.
Anus enim ipsa inter deuersitores diutius ingurgitata ne ignem quidem admotum sensisset, et forsitan pernoctassemus in limine, ni tabellarius Trimalchionis interuenisset92.
Dum haec fabula inter amantes luditur, deuersitor cum parte cenulae interuenit93.
33Le substantif masculin deuorsor, -oris présent dans le premier passage, qui signifie littéralement « celui qui séjourne », peut sans difficulté être compris comme une manière de désigner les clients de l’établissement dépeint par Cicéron. Pour deuersitor, -oris, la situation est en revanche plus complexe. De fait, certains traducteurs et commentateurs proposent d’interpréter différemment le terme dans la première et la seconde des occurrences du Satiricon que nous venons de découvrir94. Dans le premier cas, sans doute en raison de l’emploi du pluriel, l’expression inter deuersitores est le plus souvent considérée comme une allusion aux clients du stabulum où Encolpe, Ascylte et Giton ont élu domicile ; dans le second, l’emploi du singulier et surtout le fait que ce deuersitor assure le service du repas commandé par Encolpe pour son hôte Eumolpe inviteraient en revanche à identifier un membre du personnel de l’établissement. Dans cette perspective, deuersitor aurait constitué une désignation large, propre à qualifier tant le client hébergé que l’aubergiste. Toutefois, les choses sont peut-être plus tranchées qu’il n’y paraît de prime abord. Il convient en effet de rappeler que le suffixe -itor, variante du suffixe -tor, entre fréquemment en latin dans la composition de noms de métier95. Pour unir les deux occurrences pétroniennes, il suffirait en définitive de comprendre dans le inter deuersitores du premier passage une allusion non aux clients de l’hôtel mais aux membres du personnel en compagnie desquels s’enivre la vieille femme responsable de la porte. Cette solution semble en définitive plus simple et plus solide que celle proposée par H.T. Rowell et reprise dans un second temps par B.W. Frier, qui repose cette fois sur l’attribution à deuersitor d’une acception unique de « client » ; ces derniers voient en effet dans le deuersitor apportant le second service du repas un pensionnaire de l’établissement, un client qui y aurait élu domicile sur le long terme96 et dont l’attitude « may be described as proprietorial, bred of long familiarity with the surroundings97 ». La question se pose toutefois de savoir si au-delà de la restitution du couple deuersitor-aubergiste et deuorsor-client, on peut également comprendre deuersor et deuersitor dans le sens plus large de « personne qui séjourne » et de « personne qui permet le séjour » ; contrairement à l’indifférencié hospes, ces désignations distinctes permettraient alors de différencier entre les deux membres d’une relation d’accueil, commerciale ou non. Le manque d’attestation de ces deux termes hors d’un contexte hôtelier empêche de pousser plus loin l’enquête ; toutefois, l’argument du suffixe professionnel -itor inviterait volontiers à réserver le deuersitor au contexte de l’auberge, au sein duquel il viendrait offrir au terme caupo un synonyme plus ou moins précis.
Une spécialisation partielle et progressive
34À la différence de deuersitor et de deuorsor, les termes auxquels on va à présent s’intéresser se référerent à tout type de séjour provisoire et non simplement à celui qui se déroulerait dans un cadre commercial. Cette amplitude sémantique caractérise en premier chef le verbe à l’origine de cette famille de mots, deuerto, -ere, pris dans son acception secondaire de « séjourner ». Dans ce passage de Cicéron, par exemple, le verbe est utilisé en facteur commun pour qualifier séjour à l’auberge et séjour chez un hôte privé :
Cum duo quidam Arcades familiares iter una facerent et Megaram uenissent, alterum ad coponem deuertisse, ad hospitem alterum98.
35La même diversité préside aux emplois du substantif deuersorium, -i. Il qualifie ainsi dans ce passage de Sénèque un lieu de séjour payant : Scio tamen, quanti ista consecuturus deuersorium subeam99. En revanche, chez Apulée, le deuersorium relève de l’hospitalité privée :
Tunc magistratus et damno et praesidis nomine cognito ueniunt ad deuersori nostri fores claraque uoce denuntiant hospiti nostro nos, quos occultaret apud se certo certius, dedere potius quam discrimen proprii subiret capitis100.
36À la période tardive, le terme en vient d’ailleurs à désigner, notamment dans l’œuvre de Sidoine Apollinaire, un appartement ou corps de logis réservé aux hôtes au sein d’une demeure privée, domus ou uilla101. Deuersorium peut revêtir un sens général et abstrait de « séjour provisoire », comme dans ce passage de Cicéron où il figure aux côtés de commoratio, qui renvoie pour sa part à l’idée d’un séjour prolongé :
Maculam officio functum esse gaudeo. Eius Falernum mihi semper idoneum uisum est deuersorio, si modo tecti satis est ad comitatum nostrum recipiendum. Ceteroqui mihi locus non displicet. Nec ea re Petrinum tuum deseram ; nam et uilla et amoenitas illa commorationis est, non deuersorii102.
37C’est de ce sens général de deuersorium que relève un dernier type d’emploi du terme au sein des sources littéraires, dans des passages où il sert à lier une notion abstraite, généralement négative, à l’espace où cette dernière aurait élu domicile, de la même manière que l’on peut parler en français classique de « séjour des passions » : il est ainsi question chez Sénèque d’un deuersorium otii, « abri de la paresse » d’apprentis philosophes103. Face à cette diversité d’usages possibles, on hésite régulièrement sur le sens à donner en contexte à deuerto et à ses dérivés, ce qui n’est pas sans poser des difficultés lorsqu’il s’agit d’isoler les passages où ces termes renvoient effectivement à la pratique de l’accueil mercantile104.
38Cette variété sémantique ne se limite du reste pas aux sources littéraires : on en trouve également la trace dans les sources juridiques. Ainsi, dans ce fragment d’Ulpien, deuorsorium renvoie clairement à un établissement de nature commerciale : si horreum fuit conductum uel deuorsorium uel area105. Inversement, dans ce passage du Code Théodosien, il est plutôt question d’un séjour officiel :
Addimus sane, ut eius, qui prouinciae praesidentem propria possessione susceperit, ager, quem diuersorium habuerit praedictus in transitu, fisci uiribus uindicetur106.
39Les sources épigraphiques se révèlent en revanche moins parlantes, dans la mesure où l’on ne trouve aucune inscription qui témoigne de l’emploi en contexte commercial de termes issus de cette famille terminologique107. Le recours à deuerto et ses composés pour désigner les réalités du séjour mercantile romain apparaît pour l’essentiel lié à un latin littéraire : sans doute la diversité sémantique première de ces termes les rendait-elle trop flous pour la langue spécialisée du droit ou trop équivoques pour celle des inscriptions, sans que cette ambiguïté présente par ailleurs les mêmes atouts en matière de connotations que des mots tels qu’hospes et ses dérivés108.
40Il s’agit toutefois de déterminer si cette diversité d’emplois de deuerto et de ses principaux composés a pu donner naissance à une véritable polysémie, en occasionnant, pour l’ensemble ou partie des termes concernés, l’apparition de sens secondaires et distincts réservés au séjour commercial à l’auberge, à l’instar de ce qu’il en était semble-t-il pour deuersitor. Pour conclure à l’existence de ce sens spécialisé dans les occurrences qui vont retenir l’attention, on adoptera les critères suivants : que le terme concerné apparaisse dans un contexte que seul le caractère commercial du séjour rende intelligible, sans que cette commercialité soit précisée par d’autres éléments ou puisse se déduire de la teneur de l’occurrence concernée. Or cette enquête nous amène à des résultats distincts d’un terme à l’autre.
41Pour les formes verbales apparentées à deuersorium, il semble en effet impossible de conclure sur cette base à l’existence d’une acception secondaire qui désignerait spécifiquement le fait de séjourner à l’auberge ; les verbes qui renvoient à l’idée de séjour provisoire sont de fait rarement employés de manière absolue dans les textes mais sont généralement accompagnés de compléments de lieu qui, en contexte commercial, qualifient de manière plus précise l’établissement où se déroule le séjour109. En revanche, la question se pose davantage pour le substantif deuersorium et pour ses dérivés propres, pour lesquels une certaine évolution semble se faire jour à l’échelle de l’ensemble du corpus. En effet, la commercialité de ces différents termes, qui, dans un premier temps, se trouvait explicitement précisée dans le contexte de l’occurrence ou par l’emploi d’expressions adjointes, semble intégrer progressivement leur acception propre, dont le caractère spécialisé se trouve de plus en plus affirmé en latin. Ainsi, dans les occurrences les plus anciennes, l’acception encore très générale de deuersorium et de ses composés semble nécessiter que soit qualifié de manière explicite le type de séjour en question. Pour désigner l’établissement commercial où s’arrête un des Ménechmes, Plaute a par exemple recours à la périphrase taberna deuorsoria, où c’est le terme taberna qui porte la commercialité de l’expression tandis que l’adjectif deuorsorius, -a, -um précise l’activité exercée par l’établissement110. Mais à partir du Ier s. av. J.-C., on assiste à l’émergence progressive d’une acception secondaire d’« auberge » pour le terme deuersorium, sans pour autant que disparaisse sa signification originelle de « lieu de séjour » au sens large.
42Selon toute probabilité, la première occurrence de cette signification commerciale de deuersorium à nous avoir été conservée apparaît dans un passage de la Rhétorique à Herennius, communément datée de la première moitié du Ier s. av. J.-C.111 :
Deinde casu ueniunt hospites homini, quos iste, dum splendide peregrinatur, <inuitat.> Ex ea re homo hercule sane conturbatur ; sed tamen a uitio naturae non recedit. […] Dum haec loquitur, uenit in aedes quasdam, in quibus sodalicium erat eodem die futurum ; quo iste pro notitia domini aedium ingreditur cum hospitibus. « Hic » , inquit, « habito. » Perspicit argentum, quod erat expositum, uisit triclinium stratum : probat. Accedit seruulus ; dicit homini clare, dominum iam uenturum, si uelit exire. « Itane ? » inquit. « Eamus hospitis ; frater uenit ex Falerno : ego illi obuiam pergam ; uos huc decuma uenitote. » Hospites discedunt. Iste se raptim domum suam conicit ; <illi> decuma, quo iusserat, ueniunt. Quaerunt hunc ; reperiunt domus cuia sit ; in diuersorium derisi conferunt sese112.
43La teneur de l’anecdote laisse peu de doutes quant à la nature de ce diuersorium où trouvent refuge des hôtes de passage trompés par un individu peu scrupuleux, qui feint la richesse à leurs dépens. En effet, dans la mesure où la fourberie de leur hôte vient réduire à néant, de manière imprévisible, les arrangements pris pour cette étape, quelle autre ressource de séjour que l’auberge s’offrirait ainsi à la dernière minute pour conjurer le risque de passer la nuit dehors ?
44Le sens commercial de deuersorium semble complètement lexicalisé dès le Ier s. apr. J.-C. Citons ainsi, au début du Principat, un passage où Tite-Live évoque le séjour en 167 av. J.-C. d’ambassadeurs rhodiens dans un sordidum deuersorium situé hors des murs de Rome. Ces derniers se plaignent devant le Sénat d’avoir été contraints de séjourner à leurs frais dans cet endroit médiocre, en lieu et place de l’accueil public que leur valaient les relations d’hospitium existant entre leur cité et Rome113 :
Antea, Carthaginiensibus uictis, Philippo, Antiocho superatis, cum Romam uenissemus, ex publico hospitio in curiam gratulatum uobis, patres conscripti, ex curia in Capitolium ad deos uestros dona ferentes <ieramus> ; nunc ex sordido deuersorio, uix mercede recepti ac prope hostium more extra urbem manere iussi, in hoc squalore uenimus in curiam Romanam Rhodii, quos prouinciis nuper Lycia atque Caria, quos praemiis atque honoribus amplissumis donastis114.
45Certes, le caractère payant du deuersorium est précisé dans le passage au moyen de l’expression uix mercede recepti. Toutefois, dans l’organisation générale de la période, cette expression semble moins constituer un élément de définition du deuersorium nécessaire à l’intelligibilité du propos qu’une des manifestations du traitement humiliant que subissent les ambassadeurs rhodiens. Mais surtout, les expressions ex sordido deuersorio et ex publico hospitio sont directement mises en parallèle dans le passage : ce rapprochement suggèrait que deuersorium et hospitium qualifient au même titre deux types de lieux d’étape, l’un commercial, l’autre officiel, qui sont strictement opposés par les ambassadeurs. À tout le moins s’agit-il d’une allusion au versement contraint d’une contrepartie pour les prestations de séjour reçues par ces ambassadeurs.
46Mais c’est sans doute l’emploi qui est fait de deuersorium dans les sources chrétiennes, désormais plutôt sous la forme diuersorium, qui constitue le témoignage le plus illustre de l’ancrage de ce terme au sein du champ sémantique de l’accueil mercantile. Le terme y désigne en effet l’auberge dans l’écurie de laquelle le Christ aurait vu le jour selon le récit de Nativité que livre l’Évangile selon Luc115 :
Ἐγένετο δὲ ἐν ταῖς ἡμέραις ἐκείναις, ἐξῆλθεν δόγμα παρὰ Καίσαρος Αὐγούστου, ἀπογράφεσθαι πᾶσαν τὴν οἰκουμένην. Αὕτη ἡ ἀπογραφὴ πρώτη ἐγένετο ἡγεμονεύοντος τῆς Συρίας Κυρηνίου. Καὶ ἐπορεύοντο πάντες ἀπογράφεσθαι, ἕκαστος εἰς τὴν ἰδίαν πόλιν. Ἀνέβη δὲ καὶ Ἰωσὴφ ἀπὸ τῆς Γαλιλαίας, ἐκ πόλεως Ναζαρέτ, εἰς τὴν Ἰουδαίαν, εἰς πόλιν Δαυίδ, ἥτις καλεῖται Βηθλέεμ, διὰ τὸ εἶναι αὐτὸν ἐξ οἴκου καὶ πατριᾶς Δαυίδ, ἀπογράψασθαι σὺν Μαριὰμ τῇ μεμνηστευμένῃ αὐτῷ γυναικί, οὔσῃ ἐγκύῳ. Ἐγένετο δὲ ἐν τῷ εἶναι αὐτοὺς ἐκεῖ, ἐπλήσθησαν αἱ ἡμέραι τοῦ τεκεῖν αὐτήν. Καὶ ἔτεκεν τὸν υἱὸν αὐτῆς τὸν πρωτότοκον, καὶ ἐσπαργάνωσεν αὐτόν, καὶ ἀνέκλινεν αὐτὸν ἐν τῇ φάτνῃ, διότι οὐκ ἦν αὐτοῖς τόπος ἐν τῷ καταλύματι116.
47Pour rendre le grec κατάλυμα la Vulgate propose en effet la traduction diuersorium :
Factum est autem in diebus illis exiit edictum a Caesare Augusto ut describeretur uniuersus orbis. Haec descriptio prima facta est praeside Syriae Cyrino et ibant omnes ut profiterentur singuli in suam ciuitatem. Ascendit autem et Ioseph a Galilaea de ciuitate Nazareth in Iudaeam ciuitatem David quae uocatur Bethleem, eo quod esset de domo et familia Dauid. Vt profiteretur cum Maria desponsata sibi uxore praegnate factum est autem cum essent ibi impleti sunt dies ut pareret et peperit filium suum primogenitum et pannis eum inuoluit et reclinauit eum in praesepio quia non erat eis locus in diuersorio117.
48La traduction de diuersorium et de κατάλυμα par « auberge », ou, pour reprendre la traduction de L. Ségond, par « hôtellerie », pourrait il est vrai sembler forcée, dans la mesure où, en grec comme en latin, ces deux termes peuvent renvoyer à tout type de logement provisoire. Néanmoins, imaginer une référence à l’hospitalité privée serait un contresens, puisque le récit de la Nativité tend à mettre en exergue l’humilité et la marginalité sociale de la Sainte Famille : c’est sur cette interprétation que se fonde par exemple Chromace, évêque d’Aquilée, dans l’interprétation étymologique qu’il donne du terme latin, en mettant en exergue le caractère collectif et anonyme de l’hébergement offert dans le diuersorium- « établissement d’accueil » :
Positus autem in praesepio Dominus est, quia non erat locus in diuersorio. In diuersorio synagoga significatur, quae praeoccupata infidelitatis errore suscipere in se Christum non meruit. Diuersorium autem recte synagoga intellegitur, quia sicuti ad diuersorium gentes diuersae quidem applicant, ita synagoga diuersorium facta est omnis infidelitatis et totius erroris, unde Christus illic locum inuenire non potuit118.
49Sauf à supposer l’installation de logements collectifs à destination des voyageurs venus se faire recenser, l’interprétation commerciale du passage demeure donc la plus probable : sans doute s’agissait-il par ces choix lexicaux, tant en grec qu’en latin, d’utiliser des termes moins connotés moralement que πανδοκεῖον, caupona ou stabulum119. Par la suite, l’extrême diffusion du motif de la Nativité au sein de la littérature chrétienne de langue latine a abouti à l’accentuation de cette acception hôtelière de diuersorium, sans que l’on ait malgré tout affaire à un changement de sens complet pour le terme, qui conserve tout au long de l’Antiquité tardive son sens général originel.
50En matière d’offre de services, les prestations associées aux établissements commerciaux désignés par deuersorium et par les termes qui lui sont directement liés recouvrent pour l’essentiel ce que nous avons découvert au sujet de caupo et de caupona : il est ainsi fait référence au sein du corpus au logement120, à la restauration121, à la vente de boissons à consommer sur place122, voire à la prostitution123. De ce point de vue, deuersorium et ses dérivés constituent par conséquent des équivalents à peu près stricts de caupo et de ses dérivés et la traduction d’auberge semble de nouveau particulièrement adaptée pour rendre compte de désignations aussi polyvalentes. Certes, le lien originel des termes concernés au séjour provisoire au sens large peut contribuer à expliquer cette amplitude sémantique, mais comme l’a déjà révélé l’analyse de caupo et de ses dérivés, ce phénomène n’est pas l’apanage de la famille de deuersorium : commence en effet à se dessiner ici une spécificité globale de l’accueil mercantile romain, dont nous allons poursuivre la découverte en continuant l’exploration des désignations latines de l’aubergiste et de l’auberge.
Stabulum
51La prochaine étape de l’enquête amène à s’intéresser au substantif stabulum et à ses dérivés, dont la présence au sein du champ lexical de l’accueil mercantile s’avère particulièrement complexe, pour des raisons liées tant à la polysémie de ces termes qu’aux problèmes posés par leur évolution sémantique.
52Le terme stabulum est formé sur le verbe sto, stare, lui-même issu d’une forme archaïque *ste-st-ai qui renvoie à l’idée de se tenir dans un espace, d’y être immobile, d’y demeurer124, ce qui désigne ainsi originellement le stabulum comme l’endroit où l’on s’arrête pour un temps plus ou moins long125. Le terme est d’un emploi extrêmement courant en latin, et ce dès une période reculée : on le trouve ainsi attesté dans les premières œuvres de langue latine, chez Plaute126, Pacuuius127 et Accius128 et il se maintient ensuite tout au long de la période traitée. L’étude des occurrences de stabulum et de ses dérivés permet d’identifier plusieurs types d’emplois dominants en latin pour cette famille de termes, qui du fait de leur fréquence et de leur lexicalisation sont à considérer comme des acceptions à part entière ; parmi celles-ci, on trouve les sens d’« auberge » et d’« aubergiste ».
Le stabulum : tanière, bergerie, écurie
53Stabulum peut d’abord désigner le lieu où l’on demeure, sens très général qui apparaît directement tributaire de son lien étymologique avec le verbe sto, stare. Cet emploi est le plus souvent métaphorique, selon un procédé que nous avions déjà observé pour deuersorium : le terme peut être associé à une vertu voire plus fréquemment encore à un vice pour qualifier de manière imagée un personnage ou un lieu129. On trouve également dans cette perspective le dérivé stabulatio chez Aulu-Gelle, qui désigne le fait de demeurer quelque part et qui constitue le synonyme de consistio130. Mais l’essentiel des occurrences indique plutôt le stabulum comme le lieu destiné à accueillir un animal, qui est tantôt la tanière de l’animal sauvage, tantôt l’abri de l’animal domestiqué. Du premier groupe relève en particulier l’association entre stabulum et fera, « bête sauvage », si fréquente dans les sources littéraires qu’elle en paraît presque lexicalisée, notamment en poésie où l’expression entre dans la constitution du motif topique du locus horridus131.
54Bien plus souvent toutefois, c’est à l’habitat d’animaux domestiques que renvoient stabulum et ses dérivés, et plus précisément, au sein du monde agricole, à celui des animaux vivant en troupeaux et des chevaux : stabulum peut alors généralement être traduit par « écurie » ou « étable », terme qui en dérive d’ailleurs directement en français. Cette acception est attestée très précocement en latin, puisqu’on la trouve dans les œuvres les plus anciennes du corpus littéraire132 ; elle est naturellement surtout présente au sein de la poésie bucolique133 et chez les agronomes134 mais le terme figure également à de nombreuses reprises dans les Métamorphoses d’Apulée pour désigner les différentes écuries où séjourne le héros Lucius, transformé en âne durant ses pérégrinations135. Dans un nombre d’occurrences limité qui appartiennent à la littérature technique, le stabulum peut enfin désigner l’habitat d’autres animaux de la ferme, en l’occurrence des volatiles136 : grives137, paons138, canards139, tourterelles et pigeons140. Cette acception agricole se retrouve également pour certains des dérivés de stabulum : le verbe stabulo, attesté également sous la forme du déponent stabulor, pour exprimer le fait d’être à l’étable, à l’écurie141, le substantif stabulatio qui désigne le séjour dans ce type d’espaces142 et enfin le substantif stabularius, qualifiant généralement l’individu en charge du stabulum, palefrenier ou garçon d’étable143, quand le terme ne désigne pas tout bonnement l’exploitant d’un stabulum commercial qui tire une rémunération de la prise en charge temporaire des bêtes de somme et des montures de leur propriétaires144. Ainsi, les acceptions les plus anciennes et les plus répandues de stabulum et de ses dérivés précisent la notion générale de séjour portée par ces termes dans le sens de la prise en charge des animaux, tout particulièrement de ceux susceptibles de participer aux activités d’un domaine agricole.
Le stabulum-auberge
55Ailleurs, en revanche, l’accueil proposé par le stabulum ne se trouve plus destiné aux animaux mais aux humains. Pour autant, stabulum ne désigne pas tout type d’habitation mais est uniquement attesté en ce sens dans des emplois commerciaux ; c’est dans cette perspective que le terme et ses dérivés intègrent le corpus terminologique latin de l’auberge. Les premiers passages où stabulum revêt son sens hôtelier apparaissent à la période tardo-républicaine, pour autant que l’état des sources textuelles nous permette d’en juger145 ; ce n’est toutefois qu’à partir de la seconde moitié du Ier s. apr. J.-C. que l’entrée de stabulum et de certains de ses dérivés dans le champ de l’accueil mercantile semble achevée et aboutit à l’émergence de désignations secondaires spécialisées, à l’instar de ce qu’il en est dans un passage de Sénèque où stabularius est donné comme synonyme strict de copo : nemo se stabularii aut coponis hospitem iudicat146. Chez Pétrone, stabulum et ses dérivés constituent de même des qualificatifs usuels de l’auberge commerciale147.
56Toutefois, c’est surtout durant l’Antiquité tardive, à partir au moins du IVe s. apr. J.-C., que le terme stabulum dans son acception d’auberge se fait particulièrement présent au sein du corpus textuel, notamment dans les textes chrétiens de langue latine, où il apparaît régulièrement dans des références à la parabole du bon Samaritain. À la suite de la Vulgate qui rendait par ce terme la désignation grecque πανδοχεῖον, ces passages qualifient en effet de stabulum l’établissement où le bon Samaritain conduit un voyageur blessé par des brigands :
Samaritanus autem quidam iter faciens uenit secus eum et uidens eum misericordia motus est et adpropians alligauit uulnera eius infundens oleum et uinum et inponens illum in iumentum suum duxit in stabulum et curam eius egit et altera die protulit duos denarios et dedit stabulario et ait : « Curam illius habe et quodcumque supererogaueris ego cum rediero reddam tibi148. »
57Or cette diffusion de stabulum dans son sens d’auberge à la période tardive, qui pourrait résulter d’un simple effet de sources lié à l’importance du motif du bon Samaritain au sein de la littérature et de la pensée chrétiennes, paraît avoir eu une incidence réelle sur l’évolution globale de la sémantique du terme et de ses dérivés : de fait, la référence à l’écurie, qui était jusque là majoritaire, semble s’effacer progressivement dans les occurrences au profit de l’accueil mercantile.
L’usage de stabulum dans le Digeste
58C’est du moins ce que porte à croire la comparaison de différents passages juridiques où apparaissent le terme stabulum et ses dérivés. Les mentions les plus anciennes, qui renvoient aux actions honoraires furti/damni aduersus nautas caupones stabularios et au receptum nautarum cauponum stabulariorum, appartiennent en effet à une période où, pour stabulum, l’acception d’auberge était moins répandue que celle d’écurie, voire encore inexistante. C’est d’ailleurs ce dont témoignait Gaius dans son commentaire à l’Édit provincial quand il faisait du stabularius celui qui permittat iumenta apud eum stabulari, qui offre aux gens de passage la possibilité de déposer leurs montures dans ses écuries149. En revanche, c’est dans le sens d’aubergiste et non plus dans celui originel d’« exploitant d’une écurie » que stabularius apparaît compris à un stade ultérieur de l’évolution des textes juridiques où le terme apparaît. Dans les titres du Digeste consacrés aux dispositifs prétoriens, certains passages font en effet du stabularius un équivalent strict du caupo ; or ces passages pourraient témoigner de remaniements effectués à une période plus tardive. Vient surtout à l’appui de cette hypothèse le fait qu’il est en somme peu question dans ces textes du stabularius, qui disparaît souvent au profit de l’évocation du seul caupo150, alors même que c’étaient bien trois catégories distinctes qui étaient originellement visées par le préteur ; on citera ainsi à titre d’illustration du phénomène l’extrait suivant :
Cum enim in caupona uel in naui res perit, ex edicto praetoris obligatur exercitor nauis uel caupo ita, ut in potestate sit eius, cui res subrepta sit, utrum mallet cum exercitore honorario iure an cum fure iure ciuili experiri151.
59Ces différents phénomènes pourraient s’expliquer de la manière suivante : le terme stabulum désignant de plus en plus fréquemment un établissement hôtelier dans la langue courante, les jurisconsultes, voire les compilateurs, auraient eu tendance à confondre stabularius et caupo et à exclure les passages qui étaient spécifiquement consacrés au premier, peut-être parce qu’ils ne percevaient plus nettement de différence entre deux professions somme toute assez proches en termes d’activités.
60Au sein du corpus juridique, ce flottement s’étend au terme stabulum. Ainsi, dans un passage des Sentences de Paul consacré à l’actio furti aduersus nautas caupones stabularios, le jurisconsulte fait du meritorium stabulum l’équivalent de la caupona et du diuersorium :
Quaecumque in caupona uel in meritorio stabulo diuersorioue perierint, in exercitores eorum furti actio competit152.
61Si la formule meritorium stabulum (« stabulum où l’on prend en location un logement ») est d’ailleurs un hapax dans le corpus juridique, on retrouve l’association entre ces deux substantifs meritorium et stabulum ailleurs dans le Digeste, mais tantôt en tant qu’établissements distincts, tantôt à la manière de synonymes. Il est ainsi question, dans un passage consacré à la societas, des uiatica meritoriorum et stabulorum, c’est-à-dire des frais de déplacement qui doivent être pris en charge par les associés en cas d’entreprise collective153 ; dans l’économie du passage, la distinction en terme d’activités apparaît assez nettement, le meritorium désignant l’endroit où le voyageur loge, tandis que le stabulum est réservé à sa monture. Ailleurs en revanche154, cette différence devient moins perceptible, puisque les deux termes se trouvent liés par la conjonction uel qui marque leur identité sémantique155.
62En somme, les passages juridiques que nous venons de découvrir pourraient refléter de manière assez fidèle l’évolution générale du terme stabulum et de ses dérivés. Dans les emplois les plus anciens, le stabulum semble bien dédié à l’accueil des montures et des bêtes de somme ; par la suite, le terme apparaît de plus en plus fréquemment dans son sens d’auberge, au prix parfois de remaniements dans des occurrences plus anciennes dont les commentateurs ne comprenaient plus nettement le sens d’origine, voire d’une disparition du stabulum au profit de la caupona, en raison de ce qui était perçu comme une redondance du fait du glissement sémantique du terme.
Une auberge avec écurie ?
63Comment peut-on expliquer l’apparition, au sein du champ sémantique de stabulum, d’un sens hôtelier aux côtés de celui plus ancien d’écurie ? Les historiens et juristes contemporains ont généralement vu dans le stabulum une auberge d’un genre particulier, en ce sens que le stabulum aurait été systématiquement doté d’une écurie, tandis que les autres types d’établissements, en particulier la caupona, en auraient été dépourvus, contraignant les clients à parquer leurs éventuels véhicules et montures en dehors de l’auberge, le cas échéant dans des écuries payantes prévues à cet effet156.
64Un certain nombre d’éléments semblent parler contre l’hypothèse d’une telle spécificité typologique du stabulum. D’abord, les termes utilisés pour désigner des établissements d’accueil apparaissent interchangeables en latin, nous aurons l’occasion d’y revenir157 ; d’autre part, il existe des attestations de clients avec montures dans des établissements associés à d’autres désignations que stabulum158. Du reste, il n’est en réalité pas nécessaire, pour rendre compte de cette polysémie, de supposer l’existence d’un lien métonymique entre les deux acceptions d’auberge et d’écurie. Suffit en effet à l’expliquer leur dérivation commune de l’infinitif sto, stare, « demeurer », qui peut être aussi bien infléchi dans le sens de l’accueil des animaux que dans celui de l’hébergement des humains, un constat qui peut être étendu aux autres acceptions de stabulum présentées au début de ce développement, « logis », « repaire », « réceptacle » etc.
65L’existence d’un critère typologique qui distinguerait le stabulum des autres catégories d’établissements hôteliers ne peut être prouvée et semble même contredite par l’usage que la langue latine faisait ordinairement du terme et de ses dérivés. Il n’y a alors aucune raison valable de donner à stabulum ce sens particulier d’« auberge avec écurie » qui est souvent le sien dans la littérature secondaire, au prix d’ailleurs de grandes confusions entre distinctions terminologiques et typologiques, ainsi que nous le découvrirons par la suite. Stabulum, stabularius et stabularia ne présentent en somme aucune différence nette en termes d’attributions commerciales avec les termes qui ont été analysés jusqu’ici : comme eux, ils renvoient à une offre complète de séjour provisoire stipendié qui s’affirme de plus en plus nettement comme l’essence commerciale de l’accueil mercantile romain.
Hospes/hospitium
66Il convient à présent de revenir sur un phénomène relativement surprenant : à savoir l’entrée progressive de termes relevant originellement de l’hospitalité gratuite dans le champ lexical latin de l’accueil mercantile, en dépit de la manière dont les Romains opéraient une distinction nette entre ces deux formes d’accueil.
Hospes, hospitium et la sémantique de l’hospitalité
67Le terme hospes, qui peut être employé à la fois comme substantif et adjectif, ainsi que ses dérivés, dont les plus fréquents sont le féminin hospita, le substantif neutre hospitium, l’adjectif hospitalis, et le verbe hospito, -are, également attesté sous sa forme déponente hospitor, -ari, renvoient à l’origine en latin à la notion d’accueil hospitalier, aux manifestations concrètes de cette notion et aux discours qui l’accompagnaient.
68Après l’article fondateur de T. Mommsen dans ses Römische Forschungen, l’étymologie d’hospes et la question de son évolution sémantique ont été intensément débattues au sein de la communauté scientifique, notamment quant au rapport qui unissait hospes à hostis159. Hospes peut en effet être décomposé sous la forme *hosti-pet-, à savoir, selon É. Benveniste, un hosti- abstrait désignant l’hospitalité160, et pet-, qui dérive pour sa part d’un indo-européen *potis161, marquant selon le linguiste l’identité personnelle162. *Hosti-pet- désignerait par conséquent « celui qui incarne par excellence l’hospitalité ». Cette étymologie est toutefois remise en doute par A. Ernout et A. Meillet, qui proposent de rattacher le terme à un nom verbal associé à peto163, hésitations qu’A. Walde déclare pour sa part infondées164. Sans chercher à trancher cette difficile question, on se contentera d’admettre ici l’existence d’un lien étymologique entre hospes à hostis, qui semble acceptée par la majorité des linguistes.
69La présence d’hostis dans la composition d’un terme renvoyant à l’hospitalité ne peut manquer de surprendre au premier abord, puisque l’on sait qu’il désigne en latin classique l’ennemi, tout particulièrement l’ennemi public. Comment peut-on dès lors comprendre la réunion au sein d’une même unité terminologique de deux notions si opposées, hostilité et hospitalité ? Il semblerait en fait qu’à la période archaïque, hostis ait revêtu le sens d’étranger, de non-Romain, ce dont se feraient par exemple l’écho certains fragments des XII Tables165. Or selon É. Benveniste, si hostis a pu désigner l’hôte ou du moins rentrer dans la composition d’un terme qui servait précisément à le nommer, c’est en raison justement de ce sens originel qui était le sien, l’hostis n’étant pas n’importe quel étranger mais celui susceptible de se voir garantir les droits permettant son intégration à la communauté166. L’hospitium aurait ainsi originellement constitué une relation d’accueil qui visait à rééquilibrer le statut respectif des deux partenaires167. Pour Ph. Gauthier, il n’est toutefois pas question de parler d’égalité de droits entre un hostis- « hôte » et un Romain mais plutôt de réciprocité juridique et d’une égale participation au droit, l’hostis demeurant bien un étranger à Rome168. Quelle que soit l’interprétation retenue, l’hospitium constituait un régime d’exception dans cette Rechtlosigkeit qui, selon T. Mommsen, aurait caractérisé la situation de l’étranger à Rome à l’époque archaïque169.
70Par la suite, avec l’accroissement des interactions entre Rome et l’extérieur, et avec la diversification des rapports possibles avec l’étranger170, l’hospitium se serait transformé en une relation plus personnelle et plus symétrique, ce qui s’est sans doute traduit par une évolution du terme hospes, désignant désormais indifféremment les deux membres de la convention d’hospitalité171. C’est alors seulement qu’hostis aurait évolué vers l’acception d’ennemi, qui nous est aujourd’hui familière172. L’ennemi est en effet un étranger auquel on reconnaît un statut particulier, d’un tout autre type toutefois puisqu’à l’entraide succède l’hostilité : ce glissement de sens était facilité par l’infériorité première qui caractérisait l’hostis à l’égard de son hospes et plus largement de la communauté romaine.
71À l’époque classique, hospes désigne désormais autant l’étranger reçu (au sens large, sans implication par exemple de nationalité ou de statut) que celui qui reçoit cet étranger173. Mais le terme, tout comme les dérivés auxquels il donne naissance, peut renvoyer à des degrés d’hospitalité distincts. Au sens le plus restreint et le plus précis, qui est peut-être celui d’origine, le titre d’hospes impliquait la conclusion de pactes d’hospitalité, sacrés, contraignants et héréditaires, entre les deux individus et/ou groupes ainsi désignés. Au moment de leur conclusion, ces pactes pouvaient donner lieu à l’échange ou au partage de symbola, de tessères ou de tables d’hospitalité174, qui permettaient aux hospites et surtout aux descendants de ces derniers de s’identifier par la suite175. Mais hospes peut également renvoyer en latin à l’hospitalité sans pacte personnel et même s’affadir jusqu’à désigner tout type d’accueil, ce qui transparaît surtout dans ses formes dérivées. Cette acception large apparaît toutefois plus tardive ; on la trouve par exemple chez Cassiodore, au Ve s. apr. J.-C. :
Hospitem dicimus quemlibet domum nostram ad tempus habitantem, qui non nomine consanguinitatis, sed tamquam peregrinus excipitur176.
72Cette variété d’emplois vaut également pour la plupart des dérivés d’hospes, dont on n’évoquera ici que le terme qui s’avère le plus essentiel pour le champ lexical latin de l’hospitalité : le substantif neutre hospitium. Selon Isidore de Séville, ce substantif renvoie à tout ce qui a trait à l’hospitalité, dans une acception que l’emploi du terme ius contribue à formaliser : ubi quis ad tempus hospitali iure inhabitat177. Comme nous l’avions déjà remarqué pour hospes, hospitium peut par conséquent désigner en latin tantôt des pactes formels d’hospitalité tantôt l’hospitalité au sens large, dans ses principes, pratiques et vertus. L’hospitium entendu comme pacte d’hospitalité connaît plus précisément deux formes distinctes : l’hospitium priuatum178, dont le formalisme s’était sans doute atténué avec le temps ; et l’hospitium publicum, qui prenait le relais de l’hospitium priuatum dès lors qu’un des partenaires était ou représentait une entité politique et qui, tout en restant plus formel que son équivalent privé en raison du statut officiel d’au moins un des partenaires, dénotait toutefois l’existence de liens plus intimes que ceux offerts par de pures alliances politiques179. Mais hospitium peut également être utilisé comme un terme générique englobant toutes les manifestations de l’accueil hospitalier de l’étranger180. Par métonymie, il en vient à évoquer le lieu où l’hôte est accueilli181. Il renvoie alors stricto sensu à la maison de l’hôte privé182 mais peut revêtir une dimension officielle pour désigner le logement où soldats183 et magistrats184 élisent domicile ; dans une perspective métaphorique devenue topique, il qualifie un lieu de passage185 ; enfin, dans une acception très large apparue tardivement en latin, il désigne une habitation, un lieu de résidence habituelle, selon tous les degrés de précision que peut parcourir cette notion186.
Une entrée progressive dans le champ de l’accueil mercantile
73De quelle manière a-t-on dès lors été amené à avoir recours à une terminologie qui renvoyait initialement à l’hospitalité au sens plus ou moins large pour qualifier les réalités de l’accueil mercantile ? Ce choix lexical ne semble aller nullement de soi, si l’on considère les textes où sont clairement différenciées, voire strictement opposées, cette famille terminologique, ainsi que plus largement la notion d’hospitalité qu’elle désigne, et l’activité professionnelle des aubergistes. Ainsi Valère Maxime sépare-t-il, en toute neutralité il est vrai, l’hospitalité privée de la fréquentation d’un établissement commercial :
Duo familiares Arcades iter una facientes Megaram uenerunt, quorum alter se ad hospitem contulit, alter in tabernam meritoriam deuertit187.
74Mais la distinction se fait plus souvent antagonisme, comme par exemple dans ce passage où Sénèque voit dans l’accueil indifférencié et anonyme d’un stabularius ou d’un copo l’antithèse d’une relation personnelle d’hospitalité, sans préjuger d’ailleurs de l’étendue bien réelle des services que ces professionnels pouvaient rendre à leur clientèle :
Beneficium qui quibuslibet dat, nulli gratum est ; nemo se stabularii aut coponis hospitem iudicat188.
75En dépit de ces séparations qui sont autant conceptuelles que terminologiques, on assiste dès le Ier s. av. J.-C. à l’entrée d’hospes et de certains de ses dérivés dans le champ de l’accueil commercial, pour désigner tant les professionnels qui pratiquaient cette activité que les clients qui y avaient recours et les établissement où elle était implantée. Toutefois, les premiers emplois de ce type s’expliquent par une recherche stylistique consciente, dont il convient d’analyser les manifestations et les buts. Ce n’est que dans un second temps que l’on assiste, pour certains des termes en question, à l’émergence de nouvelles acceptions renvoyant désormais de façon spécialisée au monde de l’auberge.
76Le premier exemple certain d’emploi du terme hospes pour désigner un professionnel de l’accueil apparaît dans un passage du Pro Cluentio de Cicéron, que nous avons déjà eu l’occasion de croiser au sujet du terme caupo. Hospes entrait en effet dans la composition de la périphrase homo multorum hospitum désignant le copo A. Bivius189. Il est ici utilisé pour qualifier les clients du copo ; à signaler toutefois que certains manuscrits portent la leçon hospitem, qui renverrait dans ce cas à A. Bivius en personne. Dans le contexte de cette période oratoire, l’expression apparaît profondément ironique, voire antiphrastique, et ce quelle que soit sa forme réelle. Mais, plus fondamentalement encore, ce passage doit être interprété comme la parodie pleine de fiel d’un topos de la rhétorique judiciaire. Dans ce cadre, la mention des amis, clients et hôtes multiples d’un individu, témoin ou partie intéressée, sert en effet généralement à exalter le crédit, la bonne foi et le prestige social de ce dernier, comme dans cet autre passage de Cicéron, très mélioratif cette fois, où l’orateur fait l’éloge du père de son client :
Sex. Roscius, pater huiusce, municeps Amerinus fuit, cum genere et nobilitate et pecunia non modo sui municipi uerum etiam eius uicinitatis facile primus, tum gratia atque hospitiis florens hominum nobilissimorum190.
77Dans le Pro Cluentio, l’effet d’attente que construit l’orateur en mentionnant ces liens d’hospitalité (hominem multorum hospitum) avant la profession réelle du témoin (copo de uia Latina) accentue d’autant le contraste entre la périphrase utilisée et son sens réel ; multorum prend en effet un sens nouveau quand l’auditeur se rend compte que le terme désigne non les nombreuses relations d’hospitalité d’A. Bivius mais ses multiples clients anonymes, qu’un simple rapport mercantile vient unir à l’aubergiste. Cicéron appuie le trait dans les lignes qui suivent, en filant la métaphore antiphrastique de l’hospitalité. Dans cette perspective, il joue notamment sur le double sens d’inuitare, qui pourrait désigner autant l’invitation désintéressée d’un hôte que l’invite publicitaire d’un professionnel à ses clients :
Quo de homine nihil etiam nunc dicere nobis est necesse. Si inuitauerit, id quod solet, sic hominem accipiemus ut moleste ferat se de uia decessisse191.
78Un passage du Voyage à Brindes d’Horace paraît obéir à des visées similaires :
Tendimus hinc recta Beneuentum, ubi sedulus hospes / paene macros arsit dum turdos uersat in igni ; / nam uaga per ueterem dilapso flamma culinam / Volcano summum properabat lambere tectum. / Conuiuas auidos cenam seruosque timentis / tum rapere atque omnis restinguere uelle uideres192.
79Certes, le choix du terme hospes pourrait être dicté par la volonté de préserver la dignité des compagnons du poète, aristocrates éminents qui se trouvent contraints de séjourner dans une auberge de Bénévent193. Toutefois, l’hypothèse de l’inflexion ironique semble ici préférable : le poète fait en effet contraster la solennité du titre d’hospes et le grotesque de la scène, qui constitue comme une parodie des banquets hospitaliers, en particulier ceux décrits par les poèmes épiques grecs et latins qui se déroulent autour de la cuisson et du partage d’une viande sacrifiée.
80Ces premiers emplois d’hospes à la période tardo-républicaine pour qualifier un aubergiste confinent par conséquent à l’oxymore ou à l’antiphrase caustique194. Quelques siècles plus tard, hospes semble en revanche devenu une désignation spécialisée à part entière, comme en témoigne en particulier ce passage de Firmicus Maternus :
Si uero in deiectis locis et in pigris fuerit inuenta, faciet hospites, popinarios, tabernarios, myropolas et qui coronas ex florum uarietate compositas festis ac sacris diebus distrahere consuerint et quacumque ad laetitiam uel ad delectationem sunt necessaria195.
81Les trois désignations énumérées par l’astrologue qualifient divers professionnels associés à l’accueil mercantile en fonction de leur activité de référence : le popinarius, exploitant d’un restaurant196 ; le tabernarius, terme qu’il faut sans doute comprendre ici dans son sens tardif d’« exploitant d’un débit de boisson »197 ; et l’hospes, que l’on peut interpréter par défaut comme l’exploitant d’un établissement destiné en priorité à l’hébergement de la clientèle, voire à l’accueil au sens large. Dans la mesure où popinarius et tabernarius relèvent de manière littérale de la terminologie latine des métiers, rien n’indique qu’il en aille différemment ici pour hospes. Entre l’époque de Cicéron et celle de Firmicus Maternus, une évolution semble par conséquent s’être produite.
82Il est possible que cette dernière s’explique par l’usage fréquent que les professionnels de l’accueil faisaient du mot dans des perspectives d’auto-représentation, en raison de son caractère éminemment positif ; devenue courante, cette désignation aurait fini par donner naissance à un sens secondaire d’hospes réservé à l’accueil mercantile. De fait, un certain nombre d’inscriptions émanant directement des professionnels concernés ou de leurs clients ont recours à hospes et à son féminin hospita pour désigner un individu officiant dans une auberge198. Si cet emploi peut de nouveau être ironique199, ce n’est pas toujours le cas. Citons par exemple l’inscription suivante, figurant sur une cruche, où la mention conjointe d’un copo invite à interpréter dans le même sens hospita comme une désignation professionnelle spécialisée, utilisée à la place de caupona ou de copa pour éviter une redondance : <h>ospita reple lagona (m) ceruesa200.
83L’utilisation d’hospes pour qualifier, cette fois, le client qui séjourne dans un établissement d’accueil est également bien présent dans les sources. Toutefois, contrairement à ce qu’il en est pour hospes dans son sens actif, il n’existe pas ici d’attestation certaine d’un sens secondaire, spécialisé, de « client d’une auberge ». Il est en effet toujours possible de restituer en contexte le sens large d’« individu accueilli », comme dans ce passage des Métamorphoses d’Apulée : Non, inquit, inmerito stabularios hos omnes hospites detestantur201. Hospes est d’ailleurs également employé pour désigner le client d’un établissement de bains202, ce qui ne plaide pas pour la naissance d’un sens réservé au monde de l’auberge. Quoi qu’il en soit, les professionnels de l’accueil ont largement recours à hospes en contexte épigraphique pour évoquer leurs clients, soit en référence à ce sens large de « personne accueillie », soit plus spécifiquement en raison des connotations flatteuses du terme203 ; lorsque hospes désigne un client d’auberge, ce n’est de fait jamais dans un sens ironique204.
84L’évolution d’hospitium apparaît relativement similaire à celle d’hospes, à ceci près que le terme voit dans le même temps s’affirmer son acception concrète, déjà présente dans sa signification de « lieu d’accueil », en en venant à désigner une auberge. Ce sont sans doute de nouveau les professionnels de l’accueil qui se trouvent à l’origine de ce processus. Ce sens distinct d’hospitium apparaît de manière certaine sur les murs de Pompéi, comme par exemple dans un graffito trouvé dans l’établissement IX 8, b (hospitium / C(aii) Hygini Firmi205) : cette transposition du vocabulaire de l’hospitalité privée, ou du moins de l’accueil au sens large, dans le champ commercial était donc selon toute vraisemblance déjà acquise au moment de l’éruption du Vésuve. Elle est du reste complètement lexicalisée dans un passage de Pline le Jeune, où, à une époque légèrement postérieure à celle des inscriptions pompéiennes, hospitium devient le synonyme strict de stabulum :
Occurrit ; nam sumptus candidatorum, foedos illos et infames, ambitus lege restrinxit ; eosdem patrimonii tertiam partem conferre iussit in ea quae solo continerentur, deforme arbitratus (et erat) honorem petituros urbem Italiamque non pro patria, sed pro hospitio aut stabulo quasi peregrinantes habere206.
85Peut-être enfin ce sens commercial d’hospitium existait-il dès la fin du Ier s. av. J.-C. : il est en effet question, au début du Voyage à Brindes d’Horace, de l’hospitium modicum qu’offre au poète la ville d’Aricia (Ariccia) : Egressum magna me accepit Aricia Roma / hospitio modico207. Il serait en effet vraisemblable de voir une auberge dans cet hospitium modicum du second vers : lorsque Horace et ses compagnons ont recours à l’hospitalité de privés durant leur Iter Brundisinum, le poète ne manque en effet pas de le signaler en mentionnant le nom de l’hôte auquel il s’agit de rendre grâce208. L’expression hospitium modicum ne serait d’ailleurs guère obligeante pour celui qui aurait mis ainsi sa demeure à la disposition des voyageurs. Toutefois, hospitium pourrait à la rigueur revêtir ici son sens large de logis provisoire209, voire son sens abstrait d’« hospitalité »210, que l’accueil ainsi désigné ait été mercantile ou non. Cette ambiguïté, qui recoupe ce que l’on a observé au sujet de deuersorium, se retrouve d’ailleurs dans la plupart des occurrences où hospitium apparaît en contexte commercial211 et y est le plus souvent délibérément recherchée212.
86En somme, si hospes et ses dérivés peuvent qualifier les établissements dédiés à l’accueil mercantile, leur personnel et leurs clients, ces choix lexicaux obéissent à des modalités variées. Initialement, ces emplois sont connotés. Les premières occurrences dans le champ de l’accueil mercantile sont de véritables oxymores à caractère polémique, surtout lorsqu’elles visent les aubergistes ; mais cette terminologie est rapidement utilisée par ces derniers pour désigner leurs clients, leurs établissements et eux-mêmes, en référence au sens large de ces termes et sans doute, plus profondément encore, à la connotation positive que leur procure leur association privilégiée à la pratique de l’hospitalité privée. Progressivement, ce type d’emploi a donné naissance, pour hospes et surtout pour hospitium, à des acceptions spécialisées réservées au champ de l’accueil mercantile et plus précisément à l’hébergement commercial étendu à d’autres prestations de séjour complémentaires, qui en font des synonymes plus ou moins stricts des couples caupo/caupona, stabularius/stabulum et deuersitor/deuersorium ; les premières attestations en ce sens apparaissent essentiellement dans les inscriptions et dans des œuvres relevant de la langue populaire ou familière213. En dépit de cette évolution sémantique, les sources continuent de distinguer, voire d’opposer, hospitalité privée et accueil commercial ; mais l’évolution du vocabulaire, à l’instigation sans doute des parties concernées, témoigne de la volonté de donner à voir l’accueil mercantile comme le versant commercial de l’hospitalité, dans le champ de laquelle cette activité professionnelle entendait être rangée.
87Se dégage ainsi de l’analyse du corpus textuel un ensemble de termes relatifs à l’accueil mercantile, désignations de professionnels, d’établissements, voire de clients, qui éclairent d’une manière relativement cohérente le ut uiatores in caupona manere patiatur de D., 4, 9, 5, pr. (Gaius 5 ad ed. prouinc.). L’étude sémantique de caupo, catégorie directement visée par les propos de Gaius, invitait à interpréter ces derniers dans la perspective d’une offre de séjour complète, susceptible de regrouper hébergement, restauration et débit de boissons, voire accueil des véhicules et montures ainsi que prostitution. Cette analyse se trouve renforcée par l’étude de termes proches de caupo et de caupona, à savoir les couples deuersitor/deuersorium, stabularius/stabulum et hospes/ hospitium. Dans le même temps, se donne à voir toute l’étendue terminologique du champ de l’accueil mercantile, sur laquelle il conviendra de revenir plus en détail en conclusion de cette enquête lexicale. Mais avant cela, il reste à s’intéresser à trois autres ensembles terminologiques qui présentent des points de contacts réels mais plus partiels avec caupo et ses dérivés et qui contribuent à préciser par ses marges la définition commerciale de l’activité des professionnels de l’accueil romains.
Meritorius, -a, -um/Meritorium
88L’adjectif meritorius, -a, -um et le substantif neutre meritorium, qui n’avaient pas été inclus par T. Kleberg à sa terminologie latine de l’accueil mercantile, sont eux aussi amenés, pour un certain nombre au moins de leurs occurrences, à désigner les réalités du séjour commercial, selon des modalités que nous allons à présent découvrir.
Le champ sémantique de la rétribution
89L’adjectif meritorius, -a, -um et sa forme substantivée meritorium sont issus du verbe mereo, dont les différentes acceptions renvoient à l’idée de rétribution, tangible ou symbolique, d’un acte, d’un service ou d’une qualité214. Ce verbe peut ainsi désigner le fait de toucher un paiement ou un salaire215 et, plus précisément, la solde militaire216 ou les appointements associés à l’exercice d’une charge217. Dans des emplois plus abstraits, il se réfère à l’idée de recevoir un certain traitement ou d’éveiller un sentiment, en bonne218 ou en mauvaise part219, voire de mériter ce traitement220 : d’où le recours au participe présent merens, bien connu en contexte funéraire, pour exprimer le fait que le défunt s’est montré digne, durant sa vie, de l’éloge qui est fait de lui221.
90À partir de cette idée générale d’un gain obtenu ou à obtenir, l’adjectif meritorius, -a, -um et le substantif meritorium peuvent faire référence plus précisément à la pratique de la location, dans des emplois actifs ou passifs. L’adjectif est notamment utilisé de manière privilégiée pour qualifier le corps ou la personne des individus qui se livrent à la prostitution, dans des expressions si fréquentes qu’elles en paraissent lexicalisées, à l’instar par exemple de scorta meritoria222 ou de corpus meritorium, qui met davantage l’accent sur l’objet de la transaction commerciale223 ; la désignation bien connue de meretrix est elle-même issue de la famille de mereo224. Chez Sénèque, il qualifie également l’activité rétribuée des professionnels des arts libéraux, pour suggérer une forme de prostitution intellectuelle225.
91Le recours à l’adjectif meritorius, -a, -um en latin ne se limite cependant pas à la prostitution du corps ou de l’esprit. Outre son usage pour qualifier des véhicules « de location »226, ce terme peut s’appliquer à différents types d’espaces dont on use, à titre provisoire et pour un temps plus ou moins long, contre le versement d’une somme que l’on peut assimiler à un loyer ; c’est dans cette perspective qu’il est alors susceptible d’apparaître dans le champ de l’accueil mercantile, sans pour autant lui être réservé. On trouve notamment à plusieurs reprises dans les sources l’expression taberna meritoria, dans laquelle il faut reconnaître un établissement commercial où des espaces sont mis à disposition de la clientèle contre paiement. Valère Maxime l’emploie en lieu et place de l’expression ad cauponem dans sa reprise presque littérale d’un épisode du De diuinatione de Cicéron227 : la confrontation des deux passages ne laisse par conséquent aucun doute sur la nature de ce type de taberna, dont l’offre de services recoupe cette fois complètement celle du caupo228. Par la suite, l’expression apparaît surtout dans des textes littéraires datant de l’Antiquité tardive229. On se souvient enfin que dans un passage des Sentences de Paul, l’adjectif meritorius, -a, -um qualifiait le terme stabulum pris dans son acception hôtelière230. Il ne se limite pour autant pas dans cette perspective aux auberges ; il peut ainsi être associé à d’autres types d’établissements commerciaux dont l’usage est soumis au versement d’une somme d’argent, à l’instar par exemple de bains publics231. Il sert même parfois à désigner une habitation privée mise en location : dans ce cas, la frontière avec l’accueil mercantile s’avère plus ténue232.
92Ainsi l’adjectif meritorius, -a, -um peut-il qualifier, dans l’absolu, tout type d’espace faisant l’objet d’une mise en location, avec une préférence pour des établissements à destination commerciale : dans cette perspective, il désigne toutefois moins la location du lieu que celle de l’usage à titre temporaire de ce lieu, ce qui explique par exemple qu’il puisse évoquer des bains. Il n’est en ce sens guère étonnant qu’on le trouve utilisé dans le champ de l’accueil mercantile, notamment sous la forme de l’expression taberna meritoria, dans la mesure où cette activité est fondée sur la mise à disposition contre rétribution d’espaces destinés à l’accueil de la clientèle.
Les meritoria, des espaces de rapport
93Ces conclusions valent également pour le neutre meritorium, -i, substantivé à partir de l’adjectif meritorius, -a, -um. À la différence toutefois de son équivalent adjectival, meritorium n’apparaît dans les sources que dans un sens spatial, à l’exclusion de tout autre type d’emploi233. Il désigne alors des lieux dont la fréquentation pour un temps plus ou moins long entraîne l’acquittement d’un droit d’usage et en particulier, de nouveau, des espaces dédiés à la prostitution. Ce dernier emploi, qui semble suffisamment lexicalisé pour que l’on puisse parler d’acception distincte, est néanmoins assez tardif, l’époque classique lui préférant les termes lupanar ou fornix pour évoquer un bordel. Les propos d’Ambroise ne laissent toutefois aucun doute sur la nature des activités du meritorium en question :
An putas tunc primum te intrare meritorium, cum fornicem meretricis ingrederis ? Intrasti iam, quando cogitationes tuas meretrix intoiuit, intrasti iam, quando ad potiendam prostibulae cupiditatem gressu mentis intrasti. Pulsasti lupanaris fores, quando ad mulieris concupiscendae decorem oculos mentis aperuisti234.
94Toutefois, comme pour l’adjectif meritorius, -a, -um, ce rapport privilégié à la prostitution ne suffit pas à épuiser tous les emplois de meritorium. On trouve notamment des occurrences où le terme pourrait qualifier une auberge mais dont l’interprétation s’avère délicate. Dans les sources littéraires, la seule attestation à peu près certaine figure dans un passage de l’Histoire Auguste, où le terme vient remplacer d’autres désignations plus courantes dans un motif rhétorique topique, sur lequel on reviendra, consistant à assimiler la demeure d’un débauché à un stabulum ou à une popina :
Milites tui uagantur, tribuni medio die lauant, pro tricliniis popinas habent, pro cubiculis meritoria235.
95Les autres occurrences littéraires du terme font simplement du meritorium un des espaces urbains destinés aux loisirs et aux plaisirs : on peut dans ce cas hésiter à bon droit avec le sens de bordel236.
96Au sein du corpus juridique, en revanche, la présence de meritorium dans le champ de l’accueil mercantile semble plus affirmée. Sans doute le terme était-il apprécié des jurisconsultes en raison de sa connotation commerciale, dans des passages où cette commercialité apparaît justement au centre de la réflexion ; contrairement à ce qu’il en était pour l’acception de bordel de meritorium et plus largement pour les exemples de polysémie pointés dans les précédents développements, il n’est toutefois pas certain que l’on ait affaire ici à un sens secondaire qui serait réservé à l’accueil mercantile. Citons par exemple un passage d’Ulpien, où il est question de la lex Cornelia de iniuriis, promulguée par Sylla en 81 av. J.-C, qui punissait les agressions subies par des particuliers dans leur lieu de résidence. Le jurisconsulte exclut les meritoria et les stabula de la catégorie du domicilium et plus largement de l’habitatio, en refusant à ceux qui résident dans ce type d’endroits la protection garantie par la lex Cornelia :
Ego puto ad omnem habitationem, in qua pater familias habitat, pertinere hanc legem, licet ibi quis domicilium non habeat. Ponamus enim studiorum causa Romae agere : Romae utique domicilium non habet et tandem dicendum est, si ui domus eius introita fuerit, Corneliam locum habere. Tantum igitur ad meritoria uel stabula non pertinebit237.
97On peut entendre ici par meritoria soit un synonyme strict des stabula-auberges, soit une désignation plus générale qui couvrirait tout type d’hébergement provisoire à caractère locatif, sans que le professionnel qui en tirait bénéfice ait été toujours assimilé à un caupo ou à un stabularius238 ; l’usage de la conjonction uel dans l’expression meritoria uel stabula invite à conclure en faveur de la première de ces hypothèses. Un second passage d’Ulpien semble aller dans le même sens ; on y décèle toutefois une légère nuance, dans la mesure où, cette fois, les meritoria constituent une appellation générique qui inclut les stabula sans en être le simple synonyme :
Vrbana praedia omnia aedificia accipimus, non solum ea quae sunt in oppidis, sed et si forte stabula sunt uel alia meritoria in uillis et in uicis, uel si praetoria uoluptati tantum deseruientia : quia urbanum praedium non locus facit, sed materia239.
98Deux autres textes, également issus du corpus juridique, amènent cependant à élargir notre perception du meritorium et donnent, de fait, la clé de cette diversité d’emplois, en relativisant la place à lui attribuer au sein du champ lexical de l’accueil mercantile. Il y est question de la définition de la domus comme unité de propriété dont l’usage et la transmission sont soumises à des règles précises :
Balneas legatae domus esse portionem constabat : quod si eas publice praebuit, ita domus esse portionem balneas, si per domum quoque intrinsecus adirentur et in usu patris familiae uel uxoris nonnumquam fuerunt et mercedes eius inter ceteras meritoriorum domus rationibus accepto ferebantur et uno pretio comparatae uel instructae communi coniunctu fuissent240.
Item si domus usus fructus legatus sit, meritoria illic facere fructuarius non debet nec per cenacula diuidere domum : atquin locare potest, sed oportebit quasi domum locare. Nec balineum ibi faciendum est. [Quod autem dicit meritoria non facturum ita accipe quae uolgo deuersoria uel fullonica appellant]. Ego quidem, et si balineum sit in domo usibus solitum uacare in intima parte domus uel inter diaetas amoenas, non recte nec ex boni uiri arbitratu facturum, si id locare coeperit, ut publice lauet, non magis quam si domum ad stationem iumentorum locauerit, aut si stabulum quod erat domus iumentis et carruchis uacans, pistrino locauerit241.
99Dans ces deux passages, les meritoria sont définis comme des espaces issus d’une division de l’unité domus et loués isolément, dans le but de tirer des revenus réguliers de ce loyer. Dans les inscriptions, les meritoria désignent ainsi les espaces de rapport présents dans les propriétés urbaines, dont la mise en location représentait un apport financier important pour le propriétaire242. Dans le second passage que nous venons de découvrir, les meritoria sont toutefois distingués des cenacula, des « appartements » (meritoria illic facere fructuarius non debet nec per cenacula diuidere domus). Cette distinction s’explique sans doute par la vocation commerciale du meritorium, que le choix des exemples vient d’ailleurs préciser (deuersoria uel fullonica, mais aussi statio iumentorum et pistrinum), en regard de cenacula destinés à l’habitation privée243 ; s’en trouve indirectement renforcée la frontière entre usage de l’auberge et prise à bail d’un logement particulier.
100En somme, l’adjectif meritorius, -a, -um et le substantif meritorium renvoient, dans l’absolu, à la pratique professionnelle de mise en location d’un usage. Lorsqu’ils sont liés à un lieu, ces termes désignent plus précisément le fait de concéder l’utilisation de ce lieu contre paiement, pour permettre au locataire d’y habiter, ou, plus souvent encore, d’y exercer son activité professionnelle. Dans une perspective légèrement inverse, ils peuvent renvoyer aux espaces mis à la disposition d’un client pour user des prestations commerciales d’un établissement, ce qui explique que le substantif meritorium et l’adjectif meritorius, -a, -um puissent, dans des emplois spécifiques, désigner un bordel ou, plus rarement, une auberge, sans toutefois donner naissance dans ce second cas à des acceptions secondaires. Dans le même temps, c’est moins la nature des prestations de séjour couvertes par le meritorium qui semble en jeu dans la sémantique du terme que l’usage des espaces qui leur sont destinés. L’étude révèle enfin combien il peut s’avérer difficile, notamment d’un point de vue juridique, de distinguer l’accueil mercantile d’autres pratiques professionnelles également fondées sur la mise à disposition payante d’espaces en vue de la résidence, en particulier du sous-baillage ; la suite de l’enquête permettra de préciser les points de contact, mais surtout les différences réelles, qui existaient entre ce métier et celui du caupo.
Popina
101De manière plus affirmée encore que pour caupo et ses dérivés, le terme popina renvoie à l’accueil mercantile dès les premières occurrences attestées au sein du corpus, et sans doute dès l’origine ; il s’agit donc par définition d’un terme spécialisé. Toutefois, à la différence de caupo et de tous les autres termes retenus jusqu’ici, popina ne se trouve jamais associé dans les sources textuelles à une fonction d’hébergement244 : la popina apparaît en effet exclusivement dédiée à la vente de boissons et surtout de denrées cuisinées, en vue d’une consommation sur place. Cette spécificité lui confère une place relativement à part au sein du champ lexical de l’accueil mercantile romain et plus largement de ce secteur commercial ; l’étude des caractéristiques qui lui sont associées dans les sources écrites ne fait que confirmer cette impression première.
Un espace à vocation alimentaire
102L’étymologie de popina témoigne de cette vocation originellement tout alimentaire : le terme et ses dérivés, sans doute d’origine populaire245, se rattachent en effet à coquere, « cuire », « cuisiner », à partir d’une racine commune *pekw-e/o qui a ensuite évolué en latin en *kwekw/*kwokw246. La formation de popina équivaudrait à celle de coquina247, les deux termes renvoyant de manière identique à un lieu dédié à la préparation alimentaire et à l’activité qui s’y pratiquait248 ; la popina se distingue toutefois de la coquina par son caractère commercial et par la manière plus nettement péjorative dont le terme est employé dans les sources textuelles, en particulier au sein du corpus littéraire. Isidore de Séville fait pour sa part référence à une étymologie reconstruite à partir du latin propino, - are, qui est issu d’une transposition du verbe grec προπίνω249. En latin comme en grec, ces différents verbes désignent le fait de boire en premier, avant les autres ; ils apparaissent dans le contexte du banquet et indiquent le fait de boire à la santé de quelqu’un avant de lui proposer la coupe entamée250. Ce n’est toutefois pas par le rapport commun de ces différents termes à la consommation de boissons qu’Isidore justifie le rapprochement qu’il opère entre popina et propinare mais par une étymologie beaucoup plus fantaisiste formée sur πεῖνα, « faim »251. Cette reconstruction, de même que le rapport étymologique établi entre popina et propinare, est rejetée par les linguistes modernes, qui se prononcent plutôt pour l’hypothèse d’une origine osque ; mais les propos d’Isidore mettent en lumière ce lien que les Romains établissaient entre la popina et la consommation de boissons et de nourriture.
103Le terme popina est attesté dès Plaute ; un passage du Poenulus la définit comme le lieu où l’on boit et où l’on mange : Itaque in totis aedibus / tenebrae, latebrae ; bibitur, estur quasi in popina, hau secus252. S’il faut attendre une épigramme de Martial pour qu’elle soit explicitement dépeinte comme le lieu où l’on paie pour manger sur place253, Plaute la présentait déjà comme un lieu public, ouvert à tous sans distinction de qualité254 ; l’association, fréquente dans les sources républicaines, entre la popina et des loisirs payants tels que le jeu ou la prostitution ne laisse aucun doute sur la dimension commerciale de son activité255.
104L’offre de services de la popina apparaît donc tournée vers la restauration. La vocation culinaire de l’établissement ainsi désigné transparaît également dans les adjectifs qui sont parfois utilisés pour la qualifier. Chez Horace, la popina est uncta, c’est-à-dire grasse du fumet des aliments que l’on y cuit256 ; elle est tepida, tiède chez Martial257, calida, chaude, chez Juvénal258. Au Ier s. apr. J.-C., c’est aux popinae que s’attaquent les empereurs qui décident de restreindre la carte des établissements de restauration romains259. Ce lien premier à la restauration stricto sensu ne suffit toutefois pas à rendre compte de tous les emplois du terme. Popina peut ainsi être associé à la vente à emporter pratiquée par des marchands ambulants de denrées. C’est d’abord le cas dans cet extrait d’une célèbre lettre de Sénèque, où l’auteur énumère les différents professionnels qui viennent exercer leur activité au sein d’un établissement de bains, parmi lesquels un institor popinae qui propose à la ronde des denrées à consommer « sur le pouce » :
Peream, si est tam necessarium quam uidetur silentium in studia seposito. Ecce undique me uarius clamor circumsonat : supra ipsum balneum habito. […] Praeter istos, quorum, si nihil aliud, rectae uoces sunt, alipilum cogita tenuem et stridulam uocem, quo sit notabilior, subinde exprimentem nec umquam tacentem, nisi dum uellit alas et alium pro se clamare cogit. Iam biberari uarias exclamationes et botularium et crustularium et omnes popinarum institores mercem sua quadam et insignita modulatione uendentis260.
105N. Monteix a proposé de faire de la popina évoquée dans des contextes de ce type un aménagement de cuisson, plus précisément un fourneau portatif destiné au transport des denrées en vue de leur vente à emporter, qui compléterait ou remplacerait les tables de cuisson dans les établissements de restauration « en dur », voire dans les habitations privées ; par synecdoque, la popina- « établissement de restauration » aurait tiré son nom du rôle central que jouait en son sein l’aménagement de cuisson originellement désigné par ce terme261. Toutefois, à l’exception des passages de Sénèque et de Martial qui viennent d’être évoqués, on peine à trouver des attestations claires de cette popina- « fourneau » dans les sources ; dans la plupart des cas, le sens courant d’établissement de restauration reste possible là où celui de fourneau serait également envisageable, par exemple lorsque la popina est directement associée à la pratique culinaire et à ses conséquences visuelles et olfactives262. Du reste, rien n’interdit de proposer une reconstruction inverse à celle retenue par N. Monteix. Ces marchands ambulants seraient eux-mêmes liés à une popina « en dur », pour le compte de laquelle ils travailleraient et dont ils écouleraient les préparations alimentaires ; ils tireraient le nom de leur équipement commercial de celui de leur établissement de rattachement. Cette hypothèse s’accorderait parfaitement avec la tendance à la polyvalence commerciale dont témoignent les établissements dédiés à l’accueil mercantile, non plus dans le sens d’une diversification des activités exercées au sein d’un même établissement mais dans celui d’une multiplication des espaces de vente.
106L’activité de la popina reste quoi qu’il en soit directement liée à la commercialisation de prestations alimentaires, en vue d’une consommation sur place ou à emporter et éventuellement d’une vente ambulante, même si ces prestations alimentaires pouvaient être complétées en contexte par d’autres services. La popina se voit ainsi également assignée à la vente de boissons à consommer sur place, en complément sans doute de ses fonctions de restauration, comme en témoignait déjà la définition qu’en donnait Plaute. Pison, que Cicéron croise passablement éméché au sortir d’un bouge de Rome, est dénoncé par son haleine chargée, qu’il met au compte de l’usage de préparations médicamenteuses à base de vin mais qui, selon l’orateur, sent la popina à plein nez :
Et cum isto ore foetido taeterrimam nobis popinam inhalasses, excusatione te uti ualetudinis, quod diceres uinulentis te quibusdam medicaminibus solere curari263 ?
107Martial établit pour sa part un lien entre la popina et le jeu : dans ce cas toutefois, la popina devait simplement servir de cadre aux parties de dés des clients, sans pour autant que l’exploitant en retire un bénéfice commercial264. Enfin, le terme est parfois associé aux plaisirs sexuels, notamment lorsque des membres de l’élite sont accusés de courir les popinae en compagnie de professionnels de la sexualité ou d’individus taxés d’infamie265 ; toutefois, seule une scolie d’Horace suggère une relation directe entre les activités commerciales de la popina et la prostitution266.
108Ce sens d’établissement de restauration au sein duquel pouvaient éventuellement être exercées des activités annexes se maintient pour popina jusque dans l’Antiquité tardive, sans être sujet à de réelles variations quantitatives ou sémantiques, à l’inverse de la plupart des autres désignations que nous avons pu découvrir jusqu’ici. La vocation strictement alimentaire de la popina s’affirme peut-être plus nettement à partir de la fin du IIIe s. apr. J.-C., lorsque le terme taberna commence pour sa part à être utilisé pour qualifier spécifiquement un débit de boissons (cf. infra) : rappelons-nous par exemple comment au IVe s. apr. J.-C. Firmicus Maternus distinguait, en vertu d’une tripartition stricte de l’accueil mercantile, le popinarius, entendu comme exploitant d’une popina- « restaurant », du tabernarius associé au débit de boissons et de l’hospes- « hôtelier267 ». Le synonyme de popinarius popinator, attesté uniquement chez Macrobe, lie de même distinctement la profession désignée à la vente de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation sur place268. On ne saurait toutefois parler dans ce cas de véritable restriction de sens à l’échelle de l’ensemble des occurrences269.
La popina, « débauche alimentaire »
109La vocation toute culinaire de la popina explique enfin l’emploi du terme au sein du corpus littéraire dans le sens métaphorique de « débauche », d’« excès » gastronomiques ou plus largement alimentaires. Popina peut désigner un repas où la consommation prime sur la convivialité. Cet emploi métaphorique apparaît dès Cicéron pour qualifier les dérives alimentaires d’Antoine : Vino atque epulis retentus, si illae epulae potius quam popinae nominandae sunt270. Mais c’est à partir de l’œuvre de Sénèque que le motif se diffuse, jusqu’à devenir pratiquement topique271 ; il est ensuite attesté jusque dans l’Antiquité tardive, par exemple au sein de l’Histoire Auguste272. Cet usage spécifique de popina est également à l’origine du substantif masculin popino, -onis, qui désigne un débauché ou plus précisément l’individu qui s’adonne aux plaisirs gastronomiques, quel qu’en soit le cadre273. La définition de Nonius Marcellus, qui rapproche le terme du sens commercial de popina, semble particulièrement isolée dans notre corpus (popinones, uel hi, quos nunc dicimus tabernarios, a popinis, uel luxoriosi, qui se popinis dedunt274) ; il s’agit peut-être ici d’une confusion avec popinarius, qui comme nous l’avons vu désigne pour sa part l’exploitant d’un établissement de restauration275.
110Popina se distingue par conséquent typologiquement au sein de la terminologie latine de l’accueil mercantile, dans la mesure où, contrairement aux autres termes étudiés dans ce chapitre, il n’est jamais associé dans ses emplois à des prestations d’hébergement. La popina est ainsi exclusivement tournée vers la restauration et le débit de boissons, généralement associés au sein d’un même établissement. Le terme peut prendre l’acception métaphorique de débauche, le plus souvent en référence aux seuls plaisirs du ventre : ce phénomène renforce d’autant la vocation alimentaire reconnue par les Romains à la popina et à ses activités. Signalons enfin que si Suétone ne manque pas d’évoquer les popinae uiarum pour parler des « restaurants routiers » où l’empereur Vitellius satisfait sa gourmandise lorsqu’il est en voyage276, dans la plupart des occurrences où elle apparaît, la popina est surtout inscrite dans un contexte urbain, se limitant très souvent à la ville de Rome277. Il conviendra par la suite de se demander s’il existait une spécificité urbaine en matière de restauration romaine.
Taberna278
111L’analyse sémantique de taberna vient directement s’accoler à celle de popina, dans la mesure où l’on a de nouveau affaire à un terme dont le rapport à l’accueil mercantile se limite à une prestation de séjour en particulier, à savoir, dans le cas de taberna, le débit de boissons. Toutefois, l’enquête se révèle plus complexe que pour popina, en raison de la plus grande amplitude sémantique du mot.
Un espace commercial
112De même que pour hospes et ses dérivés, les développements qui vont suivre ne sauraient rendre compte de toute la richesse sémantique de taberna et de ses dérivés ni de tous les travaux auxquels ces termes ont donné lieu au sein de l’historiographie récente, tout particulièrement depuis une trentaine d’années. Des analyses lexicales de taberna trouvent ainsi leur place au sein d’études archéologiques qui visent à étudier l’insertion dans un site donné (essentiellement les cités du Vésuve et Ostie279) d’un objet archéologique désigné par l’auteur au moyen de ce mot : dans ce cadre, la taberna est entendue comme un espace à vocation commerciale défini en fonction de critères archéologiques locaux280, en accord plus ou moins direct avec le témoignage des sources écrites281. D’autre part, bien que dans une proportion moindre, c’est également en tant qu’objet juridique que la taberna a pu donner lieu à des tentatives de définition282. Si ces deux perspectives ont été longtemps isolées l’une de l’autre, des travaux récents tentent de dépasser cette dichotomie au profit d’un dialogue entre définitions textuelles et manifestations archéologiques de la taberna283. Il faudrait enfin mentionner les études, innombrables, qui établissent une simple équivalence entre taberna et les désignations contemporaines d’un espace commercial dédié à la vente et/ou à la production, sans pousser plus loin l’analyse des occurrences du terme en latin284.
113Sans tenter de rendre compte dans leur intégralité de cette bibliographie étendue et des nombreux débats que la taberna continue de soulever dans la littérature secondaire, on s’interrogera sur la présence du terme et de ses dérivés dans le champ lexical de l’accueil mercantile romain ; avant cela, quelques réflexions s’imposent sur le sens général de taberna, à partir des éléments de définition présents dans les sources antiques.
114L’étymologie de taberna et de ses dérivés, ou plutôt la manière dont cette étymologie a été reconstruite et commentée par les auteurs anciens, oriente d’abord vers une définition architecturale. En effet, les deux étymons concurrents proposés par les commentateurs antiques, trabs et tabula, qui désignent respectivement en latin une poutre et une planche, trouveraient selon les auteurs leur justification dans le mode de construction des bâtiments ainsi désignés, au moins à date ancienne. C’est ainsi en faisant allusion à la charpente des tabernae que le grammairien Aelius Donatus se prononce pour la première de ces étymologies285. Toutefois, c’est surtout tabula qui a la faveur des anciens. Cette étymologie est ainsi proposée respectivement par Festus286, par Diomède287, par Isidore de Séville288 et éventuellement dans un passage du Digeste attribué à Ulpien, si l’on retient toutefois l’amendement proposé par T. Mommsen pour le texte : « Tabernae » appellatio declarat omne non utile ad habitandum aedificium, ex eo quod tabulis cluditur289 . Mais comme l’a très justement remarqué V. Gassner – qui propose pour sa part de lier taberna à l’osque triibum, désignant la maison – ce rapprochement pourrait être en définitive le fruit d’une confusion due à la proximité phonétique des deux termes290. D’autre part, si la plupart des commentateurs anciens voient dans ces tabulae le matériau de construction dont étaient originellement faites les tabernae, certains, parmi lesquels Ulpien, proposent de les lier au système de clôture propre aux boutiques romaines, que l’on fermait au moyen de planches placées en travers du seuil. N. Monteix évoque en ce sens un passage de Sénèque dans lequel un philosophe glisse l’argent dû à son cordonnier à travers les planches barrant l’entrée de la taberna où travaillait l’artisan, entre temps décédé291. Ce système de fermeture est d’ailleurs bien attesté archéologiquement, au moins dans les cités du Vésuve292, et se retrouve dans certaines auberges du corpus retenu pour cette étude293.
115Toutefois, cette conception architecturale de la taberna ne suffit pas à rendre compte de ce que les Romains entendaient couramment par le terme. En effet, c’est plus souvent aux fonctions commerciales qu’à la forme de l’édifice ainsi désigné qu’il est fait référence dans les sources textuelles. La taberna se trouve ainsi généralement évoquée en tant qu’espace destiné à la vente, voire, moins nettement, à la production de marchandises et/ou de services. Varron la destine à la commercialisation de produits précis, dont la nature est spécifiée au moyen d’un adjectif formé sur le nom du produit fourni, parlant par exemple de taberna uinaria pour la taberna où l’on trouvait du vin au détail :
Quoniam taberna, ubi uenit uinum, a uino uinaria, a creta cretaria, ab unguento unguentaria dicitur, ἀναλογικῶς si essent uocabula, ubi caro uenit, carnaria, ubi pelles, pelliaria, ubi calcei, calcearia diceretur, non laniena ac pellesuina et sutrina294.
116Les exemples cités dans le passage orientent le propos dans le sens de la vente, d’où la traduction de « boutique » communément adoptée. Toutefois, N. Monteix a bien montré que les commerces alimentaires de Pompéi et d’Herculanum, dont certains devaient être effectivement qualifiés de tabernae, pouvaient allier production artisanale et activités de vente295 : selon toute probabilité, les chaussures de la sutrina évoquée par Varron étaient fabriquées sur place296. La liste proposée par le lexicographe pourrait être complétée à l’envi, tant est grande la variété des marchandises associées à la taberna, qu’elles soient produites ou seulement vendues, comme le contexte permet parfois de le préciser : livres297, objets en métal298, meubles en bois299, esclaves300, teintures de pourpre301, fromages302 etc. Ce ne sont pas seulement des marchandises mais également ce que nous qualifierions aujourd’hui de prestations de service qui pouvaient être proposées dans le cadre de la taberna romaine : médecine303, soins du corps304, prostitution305, activité bancaires306 etc. Par synecdoque, l’adjectif qui spécifie l’activité de la taberna peut enfin se trouver utilisé seul, à la manière d’une forme substantivée307.
117En faisant sans doute le constat de la diversité des activités professionnelles qui pouvaient être menées dans le cadre d’une taberna, les jurisconsultes semblent avoir pour leur part entendu le terme dans une acception plus abstraite, qui se rapprocherait des notions contemporaines d’« affaire », de « négoce », voire d’« entreprise ». C’est du moins ce vers quoi tend l’emploi qui en est fait du terme dans un passage des Institutes de Gaius relatif à l’actio institoria, qui permettait d’engager la responsabilité contractuelle du dominus en cas de préposition d’un de ses dépendants à une activité professionnelle désignée comme taberna308. La taberna telle qu’elle est évoquée au sein des textes juridiques renvoie le plus souvent dans le même temps au local commercial et à l’activité qui s’y déroulait. C’est en ce sens que l’on peut notamment comprendre la notion de taberna instructa, dont le legs vise autant à transmettre un local professionnel que le matériel et le personnel nécessaires à l’activité qui y était pratiquée, ainsi que nous l’explique Ulpien :
Instructam autem tabernam sic accipiemus, quae et rebus et hominibus ad negotiationem paratis constat309.
118Paul, qui convoque l’auberge comme exemple de taberna instructa, paraît établir une distinction nette entre une taberna- « local » et une negotiatio- « affaire » : il sépare en effet le legs de l’instrumentum d’une taberna cauponia, qui inclut seulement ce qui a trait à la matérialité du lieu, à savoir des coupes et contenants divers, du legs de l’instrumentum d’une caupona, qui s’étend aux institores, en arguant du fait que la caupona est une negotiatio310. On se souviendra enfin que c’était bien une définition spatiale qu’Ulpien donnait du terme lorsqu’il glosait taberna par aedificium, que l’on accepte ou que l’on rejette l’amendement textuel proposé par T. Mommsen311.
119Au regard de l’ensemble des sources textuelles, il semble par conséquent raisonnable de conclure que taberna désignait couramment en latin un local dédié à des activités professionnelles, dans la plupart des cas de nature commerciale, à destination du grand public312 ; en contexte, ce local pouvait être éventuellement caractérisé par des critères matériels précis. Par métonymie, le terme pouvait enfin se rapprocher du sens abstrait d’entreprise commerciale, sans pour autant perdre sa connotation spatiale originelle.
L’habitabilité de la taberna
120Pour clore sur ces premiers éléments de définition de la taberna, il reste à évoquer la question de son habitabilité. En dépit de la correction mommsennienne de la définition d’Ulpien (omne non utile ad habitandum aedificium), qui aboutit à exclure la taberna de la catégorie des espaces d’habitation, il n’en reste pas moins indéniable au regard des sources que la taberna, outre ses fonctions commerciales, a pu parfois servir de logement à l’exploitant de l’établissement en question et sa famille. C’est ainsi que Cicéron associe activités professionnelles et domestiques au sein d’une unique taberna :
Quare, si quem uestrum forte commouet hoc quod auditum est, lenonem quendam Lentuli concursare circum tabernas, pretio sperare sollicitari posse animos egentium atque imperitorum, est id quidem coeptum atque tentatum ; sed nulli sunt inuenti tam aut fortuna miseri aut uoluntate perditi, qui non illum ipsum sellae atque operis et quaestus cotidiani locum, qui non cubile ac lectulum suum, qui denique non cursum hunc otiosum uitae suae saluum esse uelint. Multo uero maxima pars eorum qui in tabernis sunt, immo uero (id enim potius est dicendum) genus hoc uniuersum amantissimum est oti. Etenim omne instrumentum, omnis opera atque quaestus frequentia ciuium sustentatur, alitur otio; quorum si quaestus occlusis tabernis minui solet, quid tandem incensis futurum fuit313 ?
121Certains des commentaires étymologiques mentionnés au début de ce développement allaient même jusqu’à donner à taberna le sens de logement, indépendamment d’un quelconque contexte commercial ; cette acception, renvoyée par Festus, Diomède, Isidore et Cassiodore à un passé indéterminé, paraît toutefois minoritaire dans la littérature classique314. Il est en somme plus conforme avec le témoignage des sources textuelles considérées dans leur ensemble de voir dans la taberna un espace mixte, dédié à des activités de vente au détail et/ou de production ainsi qu’à l’hébergement des professionnels qui y travaillaient, en accord avec l’observation des vestiges archéologiques315 ; on laissera bien entendu pour l’instant de côté les cas où l’habitat constitue justement le fonds de commerce de la taberna, à savoir lorsqu’il est question de tabernae hôtelières.
122Taberna, que l’on trouve également attesté en latin sous la forme des diminutifs tabernula316 et tabernola317, donne naissance au substantif dérivé tabernarius/a, qui désigne le ou la professionnel (le) associé(e) à un établissement commercial lui-même qualifié de taberna318 ; en contexte, on est le plus souvent amené à comprendre par tabernarius/a l’exploitant(e) de l’établissement en question, préposé(e) ou plus souvent encore indépendant(e), et non n’importe quel membre du personnel, en particulier dans les inscriptions où le terme, surtout employé au pluriel, désigne l’ensemble de ces exploitants319. Tabernarius se trouve par ailleurs régulièrement lié au substantif opifex dans des passages qui visent à englober les métiers de la production et ceux liés à la commercialisation de biens et de services320. De taberna dérive enfin l’adjectif tabernarius, - a, -um, qui renvoie au monde de la boutique au sens large321.
123Taberna et ses dérivés peuvent par conséquent se trouver associés à un nombre varié d’activités économiques liées à la commercialisation et éventuellement à la production de biens et de services ; comment ces termes sont-ils dès lors susceptibles d’apparaître au sein du champ lexical de l’accueil mercantile ?
La taberna et l’accueil mercantile : genèse d’un sens secondaire
124C’est d’abord, très logiquement, en vertu de son acception première d’établissement commercial que taberna est amené à désigner une auberge, puisque l’activité professionnelle d’accueil est justement une de celles qui peuvent se dérouler dans le cadre spatial et économique de la taberna. Ce phénomène est attesté dès le corpus plautien, dans des emplois où la destination hôtelière de la taberna est explicitement spécifiée ou peut se déduire sans ambiguïté du contexte. Comme le suggérait Varron, le lien de la taberna à l’accueil mercantile peut ainsi être précisé par le recours à un adjectif issu du champ lexical de cette activité, voire désignant le séjour au sens large ; dans ce cas, c’est le terme taberna qui porte la commercialité de l’expression. On se souvient par exemple que c’était en association avec l’adjectif deuorsorius, -a, -um, renvoyant originellement à la notion de séjour provisoire, qu’il était employé par Plaute pour désigner une auberge322. Ailleurs, la taberna peut être meritoria, où l’adjectif évoque cette fois une activité commerciale de mise à disposition d’espaces habitables, dans une expression qui apparaît par conséquent légèrement redondante323. La taberna cauponia reste en revanche réservée aux seules sources juridiques324. On évoquera enfin la taberna uinaria qui, dans quelques occurrences, peut désigner un établissement offrant à sa clientèle la possibilité de consommer sur place boissons et denrées, même si l’expression renvoie pour l’essentiel à de simples pratiques de vente au détail325. En définitive, ce type d’emploi demeure rare au sein du corpus textuel, sans doute parce que le champ lexical latin de l’accueil mercantile était suffisamment riche de désignations spécifiques, et ce dès l’époque de Plaute.
125À l’autre extrémité de l’axe chronologique pris en considération par cette étude, l’existence, pour taberna et pour ses dérivés tabernarius et tabernaria, d’un sens secondaire réservé au champ de l’accueil mercantile apparaît en revanche assurée. De nombreuses gloses tardives témoignent ainsi de ce sens restreint, à l’instar par exemple du passage de Nonius Marcellus évoqué plus haut où tabernarius était convoqué comme synonyme de popino pour désigner l’exploitant d’une popina326 ; selon le grammairien, il se serait agi d’un sens plus récent du terme, dont l’évolution sémantique aurait été achevée au IVe s. apr. J.-C. (quos nunc dicimus tabernarios). Dans un autre passage, Nonius Marcellus explique qu’à son époque, l’activité de la taberna recouvre strictement celle de la taberna uinaria des anciens327. Chez l’astrologue Firmicus Maternus, le tabernarius est rapproché du restaurateur (popinarius) et de l’hôtelier (hospes) et doit être compris comme un exploitant de débit de boissons328. À la même époque, enfin, le scholiaste Porphyrion remplaçait caupona par taberna dans sa glose au vers 51 du Voyage à Brindes où sont évoquées les Caudi cauponae329.
126Outre ces indices très explicites, d’autres phénomènes permettent de conclure à l’apparition de ce sens secondaire d’établissement d’accueil dédié spécifiquement à des prestations de restauration et plus souvent encore de débit de boissons. Cette évolution sémantique se reflète dans l’utilisation, fréquente au sein des sources chrétiennes, de taberna et de ses dérivés dans des contextes de vente et surtout de consommation de boissons alcoolisées330, voire, plus largement, dans des descriptions de plaisirs ou d’excès331. Ainsi, on voit taberna prendre la place de popina au sein du motif topique qui consiste à accuser un individu de fréquenter lieux ou professionnels de la débauche332. Quant aux termes tabernarius et tabernaria, leur apparition à la même période au sein d’énumérations de métiers spécialisés invite à conclure identiquement à l’émergence, à partir au moins du IIIe s. apr. J.-C., d’un sens restreint de spécialiste de l’accueil333 ; d’ailleurs, la vente de vin est la seule activité professionnelle précise à avoir jamais été associée aux tabernarii, qui sont pour le reste évoqués dans les sources comme une catégorie générique et indistincte. Néanmoins, contrairement à ce qu’affirme par exemple T. Kleberg334, le sens large de « boutique » qui est originellement celui de taberna, loin de disparaître, est encore attesté à la période tardive335.
127Peut-on faire remonter à une période plus ancienne l’évolution sémantique de taberna et de ses dérivés, présentée comme achevée au début du IVe s. apr. J.-C. par Nonius Marcellus ? Si les occurrences de ces sens spécifiques sont de plus en plus nombreuses à partir du IIIe s. apr. J.-C., et si l’on est assuré à partir de cette période de l’existence d’acceptions secondaires en lien avec le débit de boissons, pour l’époque précédente, la situation apparaît beaucoup plus complexe et nous renvoie à certaines des difficultés interprétatives rencontrées au sujet de deuersorium ou d’hospes336.
128Dans la plupart des occurrences antérieures au IIIe s. apr. J.-C., le contexte immédiat est en effet suffisamment clair pour permettre de ramener taberna à son sens large et premier d’établissement commercial sans mettre en péril l’intelligibilité des passages en question ; l’identification d’un sens secondaire spécialisé n’est alors pas impossible mais ne peut être assurée, puisque cette acception n’est pas indispensable à une bonne compréhension du texte. C’est le cas d’abord des passages où taberna vient reprendre une désignation précédente qui relevait pour sa part directement de l’accueil mercantile337 ; l’activité de la taberna peut également être indiquée en contexte par un verbe ou par une relative en lien avec le séjour provisoire. Parfois, cette précision a valeur de définition, l’expression complète faisant office de périphrase pour désigner un établissement destiné à l’accueil de la clientèle ; on se rapproche dans ce cas de l’association de taberna à un adjectif de spécialité338. Toutefois, le phénomène apparaît le plus souvent fortuit et ne sert généralement qu’à clarifier le contexte du propos ou de l’action en cours339. Enfin, l’activité de la taberna peut être spécifiée par la mention conjointe du professionnel qui l’exploite, désigné pour sa part au moyen d’un terme explicite, comme lorsque Cicéron évoque le copo A. Bivius en qualifiant son établissement de taberna340. Pour ces occurrences, on ne peut bien entendu exclure la possibilité de l’apparition à date précoce du sens technique de « débit de boissons », qui devient plus tardivement celui de taberna, ou même d’« auberge » ; mais le maintien du sens générique d’établissement commercial, que viennent ensuite qualifier des termes pour leur part directement associés à l’accueil mercantile ou au séjour provisoire, reste tout à fait possible.
129En revanche, lorsque le contexte se fait moins explicite, il devient plus envisageable de chercher ce sens secondaire spécifique. Cette hypothèse interprétative vaut surtout lorsque aucune autre allusion lexicale n’est faite au séjour provisoire dans le passage, alors qu’un faisceau d’éléments conjugués amène à voir dans la taberna en question un établissement dédié à l’accueil mercantile : le problème étant toutefois que dans ces passages, en raison justement du caractère évasif du contexte, il est le plus souvent impossible de fixer avec certitude la nature de la taberna et, partant, d’en tirer des considérations lexicales. La plupart des occurrences qui présentent cette configuration sont issues d’œuvres poétiques du Ier s. apr. J.-C. ; elles s’intègrent à des descriptions par touches successives, que l’on pourrait qualifier d’impressionnistes et qui visent moins à construire qu’à suggérer un cadre et une atmosphère. Citons par exemple ce poème de Catulle, s’ouvrant sur l’interpellation de la salax taberna qui, selon le poète, lui a ravi Lesbie :
Salax taberna uosque contubernales, / a pileatis nona fratribus pila, / solis putatis esse mentulas uobis, / solis licere quicquid est puellarum / confutuere et putare ceteros hircos ? / An, continenter quod sedetis insulsi / centum an ducenti, non putatis ausurum / me una ducentos irrumare sessores ? / Atqui putate ; namque totius uobis / frontem tabernae †sopionibus† scribam./ Puella nam mei, quae meo sinu fugit, / amata tantum quantum amabitur nulla, / pro qua mihi sunt magna bella pugnata, / consedit istic341.
130Un certain nombre d’indices présents dans le passage invitent en effet à voir dans cette taberna un lieu destiné au séjour de la clientèle : on peut par exemple mettre en parallèle la référence à la position assise des personnages avec des mentions similaires qui concernent cette fois explicitement des restaurants342 ; d’autre part, l’allusion à l’atmosphère salax, « lascive », de l’endroit, lieu de rendez-vous des jeunes oisifs, s’accorderait avec la manière dont les établissements d’accueil sont généralement dépeints dans les sources. Toutefois, aucun argument déterminant ne permet de proposer pour taberna la seule traduction de « bar », en excluant celle d’« établissement commercial », puisque cette dernière peut être adoptée sans mettre en péril le sens du passage343.
131On traitera avec la même prudence d’autres occurrences, en prose cette fois, où le terme taberna apparaît sans plus de détails dans un contexte de voyage ou de déplacement. Il serait effectivement tentant de conclure dans ce cas à un sens technique de « lieu d’étape », comme dans cette inscription en provenance de Macédoine, datant du Ier s. apr. J.-C. :
Vitalis C(aii) Laui Fausti / ser(uus) idem f(ilius) uerna domo / natus hic situs est. Vixit / annos XVI, institor tabernas / Aprianas a populo acceptus / idem ab dibus ereptus. Rogo / uos uiatores si quid minus / dedi me<n>sura ut patri meo adicere(m), / ignoscatis. Rogo per superos / et inferos ut patrem et matre(m) / commendatos abeatis. / Et uale344.
132L’allusion à une clientèle de uiatores et à la mensura, qui désigne une capacité liquide, inviteraient volontiers à restituer pour la taberna où travaillait ce jeune défunt peu scrupuleux une activité de débit de boissons ; toutefois, quelle qu’ait été la nature des prestations fournies sur place, l’expression institor tabernas345 pourrait bien être interprétée comme une désignation d’ordre juridique renvoyant à la qualité générale de gérant préposé à la tête d’un établissement commercial. De nombreux passages, datant pour l’essentiel des deux premiers siècles du Principat, offrent une situation similaire à celle de cette inscription346. On s’interrogera tout particulièrement sur le sens que prend taberna dans le commentaire d’Asconius au Pro Milone de Cicéron, datant de la moitié du Ier s. apr. J.-C. Asconius précise en effet que le corps de Clodius, blessé par Milon, fut transporté in tabernam proximam in Bouillano347, une indication absente du discours cicéronien originel. Or c’est seulement dans un second temps du texte que l’on identifie cette taberna comme l’établissement d’un copo :
Multi ex iis qui Bouillis habitabant testimonium dixerunt de eis quae ibi facta erant : coponem occisum, tabernam expugnatam, corpus Clodi in publicum extractum esse348.
133Deux interprétations sont alors possibles : soit taberna conserve dans le commentaire d’Asconius son sens large d’établissement commercial, au prix d’une légère imprécision rectifiée dans un second temps par la mention du copo ; soit il s’agit d’une des occurrences les plus anciennes du sens secondaire spécialisé que le terme prend dans un second temps de son évolution. La rapidité avec laquelle est introduite, sans précision supplémentaire, la mention du copo, dont l’association à la taberna semble aller de soi, inviterait volontiers à conclure en faveur de la seconde hypothèse349.
134Par conséquent, si aucune occurrence antérieure à la fin du IIIe s. apr. J.-C. ne permet de conclure de manière tranchée à l’émergence d’un sens spécifique de débit de boissons pour taberna, un ensemble d’indices invite à soupçonner cette évolution sémantique à une date plus ancienne. Dans des contextes où la présomption d’un lien avec l’accueil mercantile est très forte, on voit ainsi diminuer à partir du Ier s. apr. J.-C. le nombre d’indications visant à préciser la nature de la taberna en question, signe sans doute de ce que ces précisions n’étaient peut-être plus complètement nécessaires pour l’intelligibilité du propos. Les dérivés tabernarius et tabernaria semblent plus longtemps épargnés par ce processus d’évolution sémantique ; on ne relève ainsi avant la fin du IIIe s. apr. J.-C. aucune occurrence où ces termes puissent être interprétés dans l’acception spécifique qui devient ensuite la leur.
135Il reste à rendre compte des motifs de cette restriction de sens progressive de taberna. Ce processus d’évolution sémantique apparaît plus difficile à reconstituer que celui suivi par hospes et ses dérivés. Le terme taberna, qui entrait originellement dans des périphrases du type taberna deuorsoria ou meritoria, pourrait avoir été peu à peu utilisé seul pour désigner ce type d’établissements, par métonymie. Cet usage se serait ensuite répandu en latin, jusqu’à assister à l’émergence, pour taberna, d’un sens secondaire de bar. Néanmoins, pourquoi ce processus a-t-il concerné l’accueil mercantile et non pas une autre activité commerciale ? De nouveau, nous en sommes réduits aux hypothèses. On peut toutefois souligner que ce qui caractérise à la période classique l’activité d’un établissement d’accueil, c’est moins le type de services proposés (gîte et couvert), que l’on peut retrouver à l’identique dans un contexte privé, que le caractère commercial, payant, de l’accueil fourni. Cet usage particulier de taberna viserait par conséquent à mettre en relief la nature commerciale des établissements ainsi désignés, qui distingue résolument l’accueil mercantile de l’hospitalité gratuite. Mais pourquoi le terme taberna fut-il réservé de manière privilégiée au débit de boissons, même si certaines occurrences relèvent de fonctions d’accueil plus étendues ? Sans doute ce phénomène s’explique-t-il pour sa part par le fait que c’était la seule activité en lien avec l’accueil mercantile à ne pas posséder de désignation propre en latin, la restauration étant associée en priorité à la popina et le logement aux cauponae, deuersoria, hospitia, meritoria et stabula. L’apparition de ce sens spécialisé de taberna comble donc, dans la terminologie latine, un vide que n’avait jamais pu remplir cette simple plaisanterie plautienne qu’était le terme thermipolium350. Néanmoins, et contrairement à ce que prétend Nonius Marcellus, taberna ne perd jamais complètement son sens large d’établissement commercial durant l’Antiquité tardive ; il faut en définitive attendre les langues romanes pour que la sémantique de taverna se réduise au seul débit de boissons351.
Le caupo dans les sources textuelles : un professionnel du séjour total
136À l’issue de cette approche de l’accueil mercantile romain par le lexique, un cadre général commence à se dessiner. Si l’on considère en effet les textes retenus dans ce dossier, l’activité associée par Gaius à la figure du caupo sous le libellé de manere pati et mise en relation avec les différents synonymes du terme (hospes, stabularius, deuersitor) est susceptible d’englober des prestations de séjour variées, elles-mêmes diversement associées d’une occurrence à l’autre : on trouve majoritairement attestées des fonctions d’hébergement, de restauration et de débit de boissons. Plus ponctuellement, d’autres prestations viennent s’ajouter à cette définition, à l’instar de la prostitution ou de la prise en charge des montures et des véhicules de la clientèle. Il est également question, au sein de ce corpus, de performances musicales et chorégraphiques destinées au délassement des clients352 ; dans ce cas, il s’agit davantage de prestations visant à accroître l’attractivité de l’établissement que de services commerciaux stricto sensu. Enfin, il est fait allusion, dans certains des passages de la littérature chrétienne évoquant la parabole du bon Samaritain, aux soins médicaux qu’un stabularius délivre à l’homme blessé353.
137Cette diversification commerciale contribuerait à caractériser l’identité professionnelle du caupo en regard d’autres professions plus unitaires, notamment celle du cenacularius, qui se contente de sous-louer des chambres sans assurer de prestations de séjour complémentaires, selon une distinction que l’on retrouve également dans la sémantique de meritorium. La restauration et le débit de boissons stricto sensu, représentés par popina et taberna pris dans son sens restreint, se trouvent marginalisés dans cette perspective, dans la mesure où ces activités semblent se limiter aux prestations de bouche, sauf quelques liens indirects à la prostitution ; la distinction est toutefois moins nette que dans le cas du cenacularius, puisque le caupo est susceptible de fournir à sa clientèle des services similaires à ceux trouvés dans les popinae et les tabernae.
138Outre la diversité des prestations de séjour associées à la figure du caupo, l’analyse croisée des sources textuelles témoigne d’une réelle hétérogénéité dans la manière dont ces prestations pouvaient ensuite être combinées d’un établissement à l’autre, ce qui parle de nouveau en faveur d’une conception englobante de l’activité de l’aubergiste romain. L’enquête ne révèle de nouveau guère de différences d’un type de texte à l’autre : à ceci près, éventuellement, que les sources littéraires, surtout lorsqu’elles relèvent de la fiction, livrent des associations plus étendues et plus variées. Ce phénomène s’explique d’ailleurs aisément par les besoins plus amples de la narration et par la liberté laissée à l’auteur d’approfondir à loisir le détail de la description, surtout dans les romans qui constituent la source des évocations les plus complexes. En revanche, les sources épigraphiques et juridiques se focalisent davantage sur une prestation en particulier. Cette différence apparaît de nouveau liée, au moins pour partie, à leur nature. La teneur des sources épigraphiques explique fréquemment que seul un type de prestation y soit évoqué : ainsi les inscriptions figurant sur des uasa potoria n’évoquent-elles que la préparation et le service du vin. Quant aux sources juridiques, leur propos est tributaire du cas à traiter et elles peuvent par conséquent occulter certaines des prestations fournies par les établissements qu’elles mentionnent, lorsque ces dernières ne sont pas fondamentales pour la compréhension et la résolution de ce cas ; ainsi, Cod Theod., 9, 7, 1 = Cod. Iust., 9, 9, 28 (a. 326), qui traite de l’exemption des peines de l’adultère dont bénéficient les serveuses travaillant dans des cauponae, pourrait ne faire référence qu’à la seule fonction de débit de boissons de la caupona parce que le vin est, dans la culture romaine, synonyme de licence sexuelle, surtout dans le cas des femmes354. L’ensemble montre pour conclure que moins le cadre intellectuel ou formel de l’écriture est contraint, plus les textes font apparaître des services étendus et variés. Dans ce cadre général, se démarquent de nouveau la restauration et le débit de boissons : popina et taberna- « débit de boissons » ne sont associés qu’à des combinaisons de services restreintes, incluant parfois deux mais plus souvent une seule prestation : leur activité en apparaît considérée comme plus spécialisée.
139Le caupo se révèle donc jusqu’ici un professionnel de l’accueil au sens large, dont l’activité est susceptible de s’incarner diversement d’un établissement à l’autre. Dans cette perspective, l’expression manere pati choisie par Gaius semble effacer quelque peu le dynamisme de ces professionnels, qui diversifiaient leur offre de services afin de répondre aux besoins de leur clientèle ; elle masque également l’hétérogénéité des phénomènes susceptibles d’être rangés sous cette bannière générale. Mais peut-être était-ce précisément que seule une formulation de ce type permettait de résumer une telle diversité commerciale dans un cœur de métier et un cadre contractuel uniques. Un point demeure toutefois relativement problématique dans cette perspective : celui de la place à conférer à la prostitution au sein de la définition de cette offre de services du caupo355.
La question de la prostitution
140La présence, au sein des auberges romaines, d’individus se livrant au commerce du sexe, qui plus est à l’initiative même des exploitants de ces établissements, est une idée communément admise par l’historiographie. Plus encore que de ranger les auberges et les lupanars, ainsi du reste que les bains, au sein d’une même catégorie d’établissements licencieux, ce qui s’avère somme toute assez juste au regard des sources textuelles356 tout en n’impliquant pas nécessairement que les plaisirs mis en cause aient été strictement les mêmes d’un type d’établissement à l’autre357, historiens et archéologues s’accordent en effet à faire figurer la prostitution parmi les services habituellement offerts par les établissements hôteliers358 ; une identité complète est parfois établie entre une caupona qui fournirait des services sexuels en plus du gîte et du couvert et un lupanar qui allierait à son activité première des fonctions de buvette et de restauration légère359. Certes, il est indéniable que la prostitution ait pu être pratiquée dans les auberges romaines, par des membres du personnel pour leur propre compte ou pour celui de l’exploitant(e), voire par l’exploitant(e) en personne ; ce phénomène serait d’ailleurs en parfait accord avec cette tendance à la diversification commerciale qui a été mise en lumière dans les développements précédents. Doit-on pour autant ranger sous le manere pati qui constitue, selon Gaius, le corps d’activité du caupo, des prestations destinées à satisfaire les besoins sexuels des clients ? Le dossier textuel, tout comme, du reste, les vestiges archéologiques dont il sera question par la suite, s’avèrent en réalité moins décisifs que l’unanimité presque complète de l’historiographie sur ce point pourrait le laisser penser.
141Au sein du corpus littéraire, les allusions aux activités de prostitution à l’origine desquelles se trouveraient des professionnels de l’accueil (dans tous les cas de sexe féminin360) sont moins nombreuses et moins directes que nous pourrions nous y attendre. Certaines apparaissent dans le cadre d’établissements de « fantaisie » ; de ce fait, les mentions de ce type s’inscrivent avant tout dans l’image topique voire fantasmée que l’élite pouvait se faire de ce qui se déroulait dans ces auberges qu’elle n’était pas censée fréquenter. L’occurrence où ce phénomène se donne le plus nettement à voir est extraite de la Vie de Néron de Suétone :
Quotiens Ostiam Tiberi deflueret aut Baianum sinum praeternauigaret, dispositae per litora et ripas deuersoriae tabernae parabantur insignes ganea et matronarum institorio copas imitantium atque hinc inde hortantium ut appelleret361.
142Il y est question d’auberges édifiées spécialement pour les plaisirs de Néron et de sa cour, lors des voyages d’agrément de l’empereur sur le cours du Tibre ou dans le golfe de Baïes ; ces voyages donnaient en effet lieu, selon Suétone, à l’installation de deuersoriae tabernae où les matrones de la bonne société jouaient les copae d’un jour. Pour rendre pleinement compte de la teneur du passage, il convient toutefois de souligner que cette anecdote pourrait tirer son origine de l’amplification, volontaire ou non, d’un épisode relaté par Tacite, assorti d’une contamination possible d’un autre événement évoqué par ce même historien362. Dans les Annales, Tacite mentionne en effet le fastueux banquet public donné par Tigellin en 64 apr. J.-C., pour complaire à Néron. Or ce banquet, dont la particularité première était d’être flottant, avait donné lieu à l’édification, sur les bords du stagnum Agrippae sur le Champ de Mars, de lupanars où des femmes issues des milieux sénatoriaux côtoyaient d’authentiques prostituées363. Suétone pourrait avoir emprunté la trame de son propos à ce passage de Tacite ; mais en modifiant et surtout en démultipliant les points d’ancrage de l’histoire, il aurait contribué à transformer ce qui n’était qu’un épisode isolé chez Tacite en plaisir habituel de l’empereur débauché364. La transposition opérée par Suétone du cadre du lupanar à celui de la taberna deuersoria est peut-être due, pour sa part, à l’influence d’un troisième passage de Tacite, où sont cette fois évoquées les cauponae que Néron fait installer en 59 apr. J.-C. dans les bois situés autour de la naumachie d’Auguste365. L’anecdote relatée par Suétone apparaîtrait alors comme une version composite de ces différents épisodes, éventuellement forgée de toutes pièces par l’historien dans son portrait du mauvais empereur366.
143Ces différents textes témoignent en premier lieu de l’image que les élites, incarnées par Néron et sa cour mais aussi par les historiens Tacite, Suétone et Dion Cassius, pouvaient se faire de l’accueil mercantile. La mise en place de ces établissements d’opérette est plus précisément donnée à voir comme une occasion ménagée aux aristocrates de singer, tant en les fréquentant qu’en y assurant le service, ce qui de leur point de vue faisait l’essence des comportements plébéiens en matière d’hôtellerie et de restauration. À leurs yeux, ce service s’étendait sans doute, pour les femmes, jusqu’à la prostitution ; c’est du moins ce que suggère le rapprochement opéré avec le premier passage de Tacite mentionné plus haut, même si le texte de Suétone apparaît en lui-même plus allusif.
144Au sein du corpus littéraire, ces passages viennent s’ajouter à d’autres, dans lesquels les allusions à la prostitution se font plus explicites mais où il est impossible de préciser l’existence d’un lien commercial direct entre l’établissement et ces prestations. C’est le cas par exemple d’un extrait d’Ambroise, où rien ne permet de dire si la meretrix avinée travaillait pour le compte de l’aubergiste ou si elle venait de l’extérieur « racoler » sur place, quitte à user ensuite des chambres de l’endroit pour exercer son activité professionnelle367 :
Sedent in tabernis de ebrietate certantes, inter hos meretrix plena uino, huic arridens, illum adurens et omnes ardore inflammans libidinis368.
145Un document tel que la stèle d’Aesernia, qui relève sans doute davantage du champ des représentations que de celui des pratiques, montre que l’association mentale entre prostitution et accueil mercantile était partagée par d’autres groupes sociaux et qu’elle était peut-être plus fréquente que l’état actuel des sources écrites ne semble en témoigner.
146La présence, dans les établissements des caupones romains, d’activités de prostitution attribuables à l’initiative de l’exploitant et/ou de ses employés est mise en relief de manière bien plus systématique au sein du corpus juridique. Elle est considérée comme une pratique généralisée dans deux passages du Digeste issus de l’œuvre jurisprudentielle d’Ulpien. Dans son commentaire aux lois d’Auguste sur le mariage et la famille369, qui frappaient les professionnels du sexe d’un certain nombre d’interdits juridiques et civiques, le jurisconsulte s’attache à préciser ce que recouvraient l’expression quaestum facere (« se prostituer ») et les termes leno/ lena/lenocinium (« proxénète/proxénétisme ») qui qualifiaient les activités visées par le législateur, en convoquant à ce sujet le cas des auberges :
Palam quaestum facere dicemus non tantum eam, quae in lupanario se prostituit, uerum etiam si qua (ut adsolet) in taberna cauponia uel qua alia pudori non parcit370.
Lenam accipiemus et eam, quae alterius nomine hoc uitae genus exercet. Si qua cauponam exercens in ea corpora quaestuaria habeat (ut multae adsolent sub praetextu instrumenti cauponii prostitutas mulieres habere), dicendum hanc quoque lenae appellatione contineri371.
147On rapprochera ces passages de deux autres, d’une teneur fort similaire. Le premier, qui a déjà été évoqué brièvement ci-dessus, concernait l’interdiction partielle de postuler qui frappait les proxénètes372. Le second est issu d’une constitution de 225 apr. J.-C. ; l’empereur Alexandre Sévère entend y apporter une précision quant à l’identification des cas où l’on pouvait estimer que la clause restrictive de vente d’un esclave ne prostituatur, par laquelle le vendeur interdisait que l’esclave soit prostitué par son nouveau maître, n’avait pas été respectée par l’acquéreur :
Eam, quae ita uenit, ne corpore quaestum faceret, nec in caupona sub specie ministrandi prostitui, ne fraus legi dictae fiat, oportet373.
148Ces quatre passages, qui se rattachent à des dispositifs juridiques distincts, ont en commun de considérer la caupona ou l’établissement du caupo comme des exemples particulièrement représentatifs d’entreprises susceptibles d’inclure à leur offre de services, éventuellement de manière dissimulée, des activités de prostitution. Dans les textes que nous venons de découvrir, la prostitution peut être pratiquée à titre de prestation annexe à la fonction principale de l’établissement374 ou à titre principal, sous couvert d’hébergement et/ou de restauration et de débit de boissons375 : les deux premiers passages d’Ulpien présentent d’ailleurs cette forme de diversification commerciale comme habituelle, ainsi que le montrent les incises ut adsolet et ut multae adsolent sub praetextu instrumenti cauponii prostitutas mulieres habere. Il est question, dans l’ordre des occurrences, du cas de la femme se prostituant dans une taberna cauponia et plus largement dans tout type d’établissement commercial pouvant être qualifié de taberna (sans qu’il soit du reste précisé si elle y travaille ou si elle fréquente simplement l’établissement pour solliciter sa clientèle, taberna pouvant être compris dans le passage dans son sens économique ou spatial) ; de celui de l’exploitante d’une caupona qui livrerait son personnel à la prostitution et intégrerait de ce fait la catégorie juridiquement pénalisée des lenae ; de ceux du caupo et du stabularius qui sont assimilés au leno dès lors que leurs esclaves se livrent à la prostitution au sein de leur établissement, en vertu du principe de responsabilité absolue du maître à l’égard des agissements de son esclave ; et enfin, dans le quatrième passage, de l’esclave prostituée dans une caupona, dont il est clair cette fois qu’elle appartient au personnel de l’établissement.
149On constate toutefois que dans ces différents textes, les auberges ne sont pas les seuls négoces à être associés par les jurisconsultes à ce type de diversification commerciale, puisque dans son commentaire à l’Édit du préteur, Ulpien évoque également le cas des établissements de bains (balnea), et qu’il est question, toujours chez Ulpien, de celle qui in taberna cauponia uel qua alia pudori non parcit. Enfin, et cette observation apparaît déterminante, du point de vue du droit classique, la pratique de la prostitution et du proxénétisme par le caupo et/ou les membres de son personnel faisaient basculer ces derniers dans d’autres catégories professionnelles, celles du leno/ de la lena et de l’individu qui/quae quaestum facit ; ce phénomène ne plaide dès lors pas pour une définition de l’accueil mercantile qui s’étendrait per se au commerce du sexe. Fantasme ou réalité, l’association entre accueil mercantile et prostitution contribuait quoi qu’il en soit à l’image plus générale de l’auberge comme locum inhonestum.
Terminologie et typologie
150La définition cohérente de l’accueil mercantile romain comme offre commerciale de séjour à laquelle on parvient à l’issue de l’approche lexicale du corpus textuel ne doit pas masquer un second résultat essentiel de l’étude, celui de la richesse du champ terminologique latin en matière d’hôtellerie, de restauration et de débit de boissons376. En regard notamment du grec qui ne connaît, pour désigner les réalités de l’accueil mercantile, que le couple πανδοκεῖον, l’auberge au sens large, et καπηλεῖον, le débit de boissons, ainsi que les formes qui leur sont associées, en latin, ce sont les termes caupo, hospes, deuersorium, stabulum, meritorius, -a, -um, popina et taberna, avec leurs dérivés et variantes orthographiques, qui ont pu être employés en tant que désignations spécialisées pour qualifier les professionnels de l’accueil, les établissements où ils exerçaient leur activité et moins fréquemment leurs clients. Pour certains de ces termes, caupo et popina, l’appartenance au champ de l’accueil mercantile est attestée pratiquement dès les premières occurrences conservées. Pour les autres, en revanche, l’entrée dans ce champ n’a lieu que dans un deuxième temps de leur évolution sémantique : elle est le fruit de la lexicalisation d’emplois initialement imagés ou inscrits dans des acceptions plus générales, donnant ensuite naissance à des sens secondaires distincts réservés à l’activité étudiée. À l’issue de ce processus d’élargissements successifs, qui, au regard des sources conservées, semble se dérouler entre le Ier s. av. J.-C. et la fin du IIIe s. apr. J.-C., le champ terminologique latin de l’accueil mercantile apparaît par conséquent bien plus étendu que celui d’autres catégories professionnelles.
151L’enquête lexicale, réaffirmant les mêmes résultats d’un terme à l’autre, a montré combien il serait vain de chercher à faire correspondre cette diversité terminologique à une différenciation typologique, en particulier dans la perspective des fonctions commerciales associées aux différents termes qui ont retenu notre attention. Seul apparaît valide en ce sens le critère de la présence ou de l’absence de fonctions d’hébergement, qui permet de regrouper ces termes en deux ensembles typologiques principaux, ainsi que le proposait déjà T. Kleberg en distinguant entre des désignations « réservées aux hôtels et établissements d’hébergement auxquels s’ajoutent un service de nourriture et de boisson », à savoir caupona, deuersorium, hospitium, meritorium et stabulum, et d’autres « réservées aux locaux ne servant qu’à des activités du type restaurant et buvette », popina et taberna, dans le sens que prend le terme à partir au moins de la fin du IIIe s. apr. J.-C.377.
152Peut-on aller plus loin au sein de chacun de ces groupes de termes dans cette entreprise de différenciation typologique ? Une tentative de ce type ne donnerait en réalité que de maigres résultats. Il est certes possible de relever une légère différence de fonctions entre popina et taberna pris dans son sens spécialisé : la popina apparaît ainsi plus couramment associée à la restauration et la taberna à la boisson. Cette nuance n’a toutefois rien de systématique, de sorte que l’on trouve également des popinae où l’on boit378 et des tabernae où l’on mange379, ces deux activités étant somme toute largement complémentaires380. Mais c’est avant tout pour la seconde catégorie d’établissements qu’une correspondance entre diversification terminologique et différenciation typologique est à exclure strictement. Les fonctions d’une caupona, d’un deuersorium, d’un hospitium, d’un meritorium ou d’un stabulum étaient en effet les mêmes : de l’hébergement, généralement assorti de fonctions de restauration et/ou de débit de boissons, et parfois accompagné de services destinés au délassement de la clientèle, même si chaque établissement ne fournissait pas nécessairement l’ensemble de ces services.
153La preuve la plus tangible de cette identité typologique, qui justifie que l’on rende ces différents termes par la traduction unique d’« auberge » en français, réside dans le fait qu’ils soient employés indistinctement les uns pour les autres, à la manière de synonymes destinés à éviter les répétitions, dans les évocations les plus étendues du monde de l’accueil mercantile. Ainsi, dans les Métamorphoses d’Apulée, l’établissement où Aristomène élit domicile en compagnie de son camarade Socrate est désigné par la plupart des termes associés à l’auberge en latin. Il est d’abord qualifié d’hospitium :
Probe curato ad hospitium lassus ipse fatigatum aegerrime sustinens perduco, lectulo refoueo, cibo satio, poculo mitigo, fabulis permulceo381.
154Mais par la suite, apparaît à son sujet le terme stabulum : ualuas stabuli absolue, antelucio uolo ire382. Son exploitant reçoit pour sa part le titre professionnel de stabularius : sumo sarcinulam et pretio mansionis stabulario persoluto capessimus uiam383. Si l’on considère à présent le Satiricon de Pétrone, l’interchangeabilité de ces différents termes se révèle plus visible encore. Considérons par exemple l’établissement de bord de mer où Encolpe trouve refuge après la violente dispute qui l’a opposé à Ascylte pour les faveurs de leur esclave Giton. Dans un premier temps, l’endroit est qualifié de deuersorium, dans le sens spécialisé du terme384. Par la suite, il devient un hospitium (avec la possibilité d’un emploi générique du mot) : Per tenebrosum et sordidum egressum extraho Gitona raptimque in hospitium meum peruolo385. Et pour finir, il est désigné par le terme stabulum : intrat stabulum praeco cum seruo publico aliaque sane modica frequentia386. De plus, Pétrone assigne à l’exploitant de cet établissement le titre de caupo387 et sans doute celui de deuersitor à un membre du personnel, voire au caupo en personne, même si l’interprétation du passage demeure incertaine388. Cet exemple illustre ainsi de manière frappante combien il semble difficile de conclure à l’existence de réelles différences typologiques entre des termes qui pouvaient être convoqués pour désigner le même établissement389 ; en dehors des connotations particulières qui pouvaient peser sur le choix d’un mot ou d’un autre (cf. infra), un latinophone devait se trouver bien en peine d’expliquer pourquoi il nommait un établissement caupona plutôt que stabulum ou hospitium390.
155On s’inscrira de ce fait en faux contre ceux qui, à l’exemple de J.-M. André et M.-Fr. Baslez, proposeraient de distinguer entre « l’“auberge” (caupona), la “halte” (deuersorium) et le “gîte” (stabulum)391 » ou d’adopter toute autre forme de typologie similaire392. Il convient tout particulièrement de se défaire de l’idée selon laquelle le stabulum représenterait une catégorie d’établissement à part, dont la caractéristique serait d’être doté d’une écurie qui lui transmettrait par métonymie son nom : cette conception répandue ne se fonde en réalité sur aucun témoignage textuel solide. Il en va de même pour une tentative de répartition lexicale par localisation ; à la différence du cas éventuel de popina, désignation surtout associée dans les sources à un imaginaire urbain, les termes retenus apparaissent indifféremment pour qualifier des établissements de ville ou situés hors agglomération393. L’exemple pétronien montre enfin qu’à une désignation d’établissement précise ne se trouve pas nécessairement associée la catégorie professionnelle correspondante394, ce qui plaide également pour l’équivalence typologique des différentes désignations latines de l’auberge.
L’enrichissement progressif du champ lexical de l’accueil mercantile romain, entre affinement des connotations et évolutions de la langue latine
156Il ne faudrait pas pour autant conclure de ces observations qu’en dehors de ce critère de l’hébergement, il n’existait aucune différence entre les désignations formant le champ lexical latin de l’accueil mercantile. Dans un premier temps, on pourrait proposer de classer ces termes en fonction de leur formation lexicale. Ils se répartissent d’une part entre des désignations dérivant d’un nom (popina, taberna, caupo, hospes) et d’autres dérivant d’un verbe (stabulum, deuersorium, meritorium). On peut distinguer, d’autre part, entre les ensembles formés à partir d’un nom d’établissement (stabulum, popina, taberna et éventuellement deuersorium et meritorium) et ceux, moins nombreux, à l’origine desquels se trouve une désignation de professionnel (caupo et éventuellement hospes). On isolera enfin les désignations qui renvoient aux prestations du professionnel concerné (popina, formé sur une racine désignant la préparation culinaire, hospitium, qui désigne l’hospitalité donnée, taberna, lié à la notion de commercialité et meritorius, -a, -um, formé sur mereo qui exprime le fait de percevoir un paiement) et celles qui adoptent plutôt la perspective du client, en évoquant l’action de séjourner (deuersorium et stabulum). Il n’existe toutefois pas de corrélation systématique entre ces différents modes de formation et la manière dont les termes correspondants sont employés en latin ; tout au plus pourrait-on expliquer la prédominance de caupo au sein du corpus par le fait qu’il s’agit de la seule désignation professionnelle de cette terminologie à ne pas dériver d’un nom d’établissement395.
157En définitive, le premier facteur qui permette de distinguer réellement entre eux certains des termes identifiés est celui des connotations qui leur sont associées. Les désignations qui se démarquent le plus nettement de ce point de vue sont naturellement celles formées sur hospes. De fait, en raison du lien direct d’hospes et de ses dérivés à cette valeur de référence qu’était l’hospitalité gratuite dans le contexte romain, cette famille lexicale se prête particulièrement bien, une fois transposée dans le champ de l’accueil mercantile, à des emplois orientés. Leur connotation est avant tout méliorative : c’est ainsi que les professionnels de l’accueil ont majoritairement recours aux termes formés sur hospes pour désigner les acteurs et les espaces de leur activité professionnelle, dans des emplois qui font parfois figure d’argument commercial396. Toutefois, l’inflexion de ces emplois peut également confiner à l’antiphrase ironique, à la manière de la périphrase homo multorum hospitum dont se sert Cicéron pour désigner le copo A. Bivius397. Stabulum et deuersorium, qui se rattachent à la notion générale de séjour provisoire, semblent pour leur part particulièrement adaptés à des emplois neutres, voire positifs398, même si leur présence en contexte péjoratif n’en est pas exclue pour autant399.
158Inversement, les mots issus de caupo et de popina sont majoritairement attestés dans des emplois dépréciatifs400. Il est toutefois difficile de déterminer si ce phénomène s’explique par les connotations propres de ces termes ou, plus largement, par le discrédit qui frappait l’activité commerciale d’accueil qu’ils désignent. Pour popina (et plus tardivement pour taberna), l’absence de synonyme plus positif pour qualifier un établissement pratiquant la vente de nourriture et/ou de boissons sans prestations d’hébergement laisse à penser que, dans ce cas, c’est cette spécialité commerciale dans son ensemble qui se trouve visée. Pour caupo et ses dérivés, la situation est en revanche un peu plus complexe. Au sein de la terminologie de l’accueil mercantile, caupo constitue en effet la désignation spécialisée la plus ancienne, dotée du champ sémantique le plus étendu, puisqu’elle peut renvoyer tant à des prestations d’hébergement qu’à des activités de restauration et de débit de boissons. C’est également le terme qui apparaît le plus régulièrement associé dans les sources à la pratique de l’accueil mercantile, tout particulièrement en contexte épigraphique ; les textes juridiques l’emploient d’ailleurs de manière privilégiée dans des règlements de portée générale, comme par exemple dans le cas du receptum nautarum cauponum stabulariorum. Cette forte connotation professionnelle explique peut-être que caupo et ses dérivés soient employés plus souvent que d’autres désignations proches dans des contextes péjoratifs, surtout sous leur forme populaire en -o- : en effet, avec l’enrichissement progressif du champ terminologique de l’accueil mercantile, caupo, plus ancien et le plus technique, pourrait s’être trouvé infléchi dans une perspective dépréciative tandis que d’autres termes, dont le lien avec l’accueil mercantile était plus récent et surtout plus imagé, apparaissaient davantage adaptés à des emplois neutres ou positifs. Le maintien de la désignation caupo dans les sources épigraphiques, a fortiori lorsque c’était le professionnel lui-même qui se trouvait à l’origine de ce choix lexical401, tend néanmoins à montrer que cette inflexion n’avait rien de définitif.
159Le critère le plus opérant pour rendre compte dans son ensemble de la diversité du champ terminologique de l’accueil mercantile demeure dès lors celui de l’évolution de la langue. Tout au long de la période prise en compte par cette étude, on assiste à l’apparition de nouveaux termes ou plutôt de sens spécifiques pour des termes qui renvoyaient initialement à des notions plus ou moins proches de l’accueil mercantile. À un champ lexical peut-être originellement limité à des termes techniques d’origine populaire, caupo et popina, vient s’ajouter à la période tardo-républicaine ou au début de l’Empire la désignation deuersorium, plus neutre. Au même moment, hospes et hospitium intègrent la terminologie de l’accueil mercantile, d’abord à titre d’antiphrase, mais rapidement comme des désignations mélioratives qui aboutissent, dès le Ier s. apr. J.-C. au moins, à l’émergence pour les deux termes de sens secondaires spécialisés. Stabulum voit pour sa part son acception d’auberge se diffuser plus tardivement, essentiellement au IIIe s. apr. J.-C., en raison probablement de son emploi privilégié dans les sources chrétiennes. Sans doute de nouveau sous l’influence des sources chrétiennes, à partir du IIIe s. apr. J.-C., caupo se trouve de plus en plus souvent associé à la vente de boissons, sans pour autant que disparaisse son sens initial très englobant. Quant à taberna, si dans un premier temps c’est en tant que désignation générique d’un établissement commercial que le terme peut être amené à qualifier une auberge, le mot en vient à qualifier plus spécifiquement un débit de boissons à partir au moins du IIIe s. apr. J.-C. ; il comble alors un vide dans la terminologie de l’accueil mercantile. En somme, seul popina voit sa sémantique rester relativement figée tout au long de la période.
160L’évolution du lexique latin de l’accueil mercantile s’oriente ainsi dans le sens d’un affinement des nuances associées à ce champ ; elle explique notamment que les sources juridiques, qui voient coexister dans un même texte différents états de la langue, puissent être marquées par un certain flottement donnant parfois lieu à des incertitudes interprétatives. Toutefois, cette reconstruction d’ensemble reste fonction du corpus de textes conservé : la prudence est dès lors de mise, notamment en ce qui concerne les périodes les plus anciennes, pour lesquelles on manque de sources ; mais à partir du Ier s. apr. J.-C., l’échantillon semble devenir suffisamment représentatif pour offrir des résultats solides. À l’origine de ce processus d’évolution et de différenciation du champ terminologique de l’accueil mercantile, qui débute à la période tardo-républicaine, on proposera la diversification des rapports possibles à cette pratique commerciale, dans un contexte où se multipliaient échanges et déplacements avec l’accroissement de l’empire territorial de Rome ; si les élites ont largement pesé sur l’évolution du vocabulaire, avec le rôle déterminant en la matière des auteurs chrétiens, les professionnels concernés jouent également une part active dans ce processus, par le biais d’inscriptions à caractère publicitaire ou funéraire qui agissent dans le sens d’une réhabilitation lexicale de leur activité.
L’accueil mercantile dans l’Occident romain vu par le prisme des sources matérielles
161Cette définition du cœur de métier des professionnels de l’accueil romains identifiés par Gaius à la figure du caupo ne saurait toutefois être complète sans confronter ces observations fondées sur une approche lexicale du corpus textuel à la réalité matérielle du corpus archéologique retenu pour cette étude402. L’identification de l’offre de services des établissements qui, en contexte archéologique, pourraient être assimilés à ceux décrits dans les sources textuelles, pose néanmoins de réelles difficultés, propres tant à l’activité étudiée qu’à la nature du corpus. Il convient de mener cette étude le plus indépendamment possible des sources écrites et surtout des sources littéraires, même s’il est bien entendu tentant d’éclairer des sites souvent complexes à la lumière des informations que livre le corpus textuel403. C’est en effet procéder à rebours, car on est alors amené à transformer en realia des détails littéraires, souvent issus de textes fictionnels, qui peuvent être soumis à bien d’autres exigences que celles de la simple description réaliste404 : on rappellera l’exemple fameux du thermipolium, qui à la suite d’un processus enclenché au début du XIXe siècle405 passe du rang de plaisanterie plautienne à celui de schéma d’analyse des vestiges campaniens et ostiens, ce qui ne fut d’ailleurs pas sans conséquences pour l’interprétation des phénomènes matériels observés in situ406.
Identification archéologique des prestations fournies par les établissements du corpus
162Les établissements retenus pour cette enquête archéologique ne témoignent pas d’une grande variété dans les services fournis : ceux-ci se limitent, le plus souvent, à la trilogie hébergement-restauration-débit de boissons, certains établissements y ajoutant la prise en charge des animaux et véhicules et les services de prostitué(e) s probablement employé(e) s sur place, ce qui recoupe pleinement le témoignage des sources textuelles. Tout au long de cette analyse, dont la grille de lecture va être détaillée au fil des développements à venir, on est toutefois frappé par la variété des combinaisons de services qui se donnent à voir d’un établissement à l’autre et par l’hétérogénéité des structures matérielles correspondantes. Certaines considérations typologiques permettent d’organiser pour partie cette diversité matérielle ; nous allons voir qu’elles ne correspondent pas nécessairement aux observations qui se dégageaient de l’étude du corpus textuel.
Fonctions de restauration et de débit de boissons
163Intéressons-nous d’abord aux fonctions de restauration et de débit de boissons des établissements d’accueil, qui apparaissent les plus aisées à identifier sur le terrain. Un critère distinctif particulièrement significatif semble être celui de l’existence, en façade d’un établissement donné, d’un « commerce alimentaire407 ». Celui-ci est reconnaissable à son comptoir caractéristique, le type le plus courant au sein du corpus retenu étant celui du comptoir à dolia + chauffe-eau/fourneau (directement lié au comptoir ou situé dans une autre partie du commerce alimentaire), qui, selon N. Monteix, caractérise des établissements se situant « entre le restaurant et le débit de boissons408 ». Cette configuration, essentiellement connue par les cas campaniens du corpus de référence, se retrouve ailleurs en Italie409. Dans deux établissements au moins (Pompéi I 1, 6.7.8.9410 et Ostie I, ii, 5411), l’absence de dispositif de cuisson dans le commerce alimentaire en façade est par ailleurs compensée par la présence de foyers situés dans un autre espace que celui occupé par le comptoir. Le commerce alimentaire est ensuite le plus souvent complété par un, voire plusieurs espaces, destinés de manière certaine ou probable à la consommation des mets ou des boissons vendus. De ce point de vue, les établissements pompéiens VI 1, 18.20 (CA1Pompéi10) et, pour Herculanum, VI, 14 (CA1Herculanum), qui paraissent avoir été privés de salle de ce type distincte du commerce alimentaire, se situent dans une position marginale : ils pourraient, en définitive, avoir limité leur activité à de la vente à emporter, éventuellement assortie d’une possibilité de consommation dans l’espace même du commerce alimentaire pour le cas du premier établissement.
164Outre cette structure caractéristique du commerce alimentaire, on trouve également au sein du corpus des établissements dont les cuisines sont identifiables à leurs tables de cuisson, fours et fourneaux et que rien ne permet de distinguer de celles attestées dans les domus et villas italiennes ou provinciales412. Dans huit cas, tous situés à Pompéi413, la cuisine complète les fonctions du commerce alimentaire présent en façade : il est alors possible qu’elle ait été destinée en priorité à l’usage domestique des professionnels du lieu, même si rien n’empêchait naturellement de la mettre ponctuellement à contribution pour le service de la clientèle.
Salles de restauration et espaces de repos
165La localisation des pièces destinées à la prise des repas dans les établissements du corpus se révèle plus complexe, de même que l’identification des fonctions d’hébergement de ces établissements qui amène à s’interroger sur la présence en leur sein de « chambres d’hôtel » ou de « dortoirs ».
166Dans certains cas, même en l’absence de structures matérielles caractéristiques, l’interprétation reste relativement aisée, dans la mesure où l’on peut s’appuyer sur des indices iconographiques ou épigraphiques. Pour les salles de restauration, on citera ainsi le marqueur assuré que constitue la présence, au sein du programme décoratif d’une pièce, de « scènes d’auberge » figurant la prise de repas en commun ou le déroulement de jeux et de divertissements dans un espace collectif : dans ce cas, il y a fort à gager que la pièce où se trouve ce décor se voyait assigner des fonctions similaires à celles reproduites dans les peintures414. De même, des inscriptions peuvent venir en appui de l’enquête, comme dans le cas de l’auberge pompéienne VII 12, 34.35 (CA1Pompéi18), où les témoignages épigraphiques laissés par les clients sur les murs d’une des pièces du rez-de-chaussée attestent très clairement que cette pièce servait de chambre415. De tels croisement documentaires apparaissent toutefois peu courants en l’état actuel de la documentation : on en est donc pour l’essentiel amené à se fonder sur l’observation des seuls vestiges matériels pour formuler des hypothèses quant aux fonctions assignées à telle ou telle pièce de l’auberge, du restaurant ou du débit de boissons.
167Certaines structures apparaissent alors relativement lisibles : c’est le cas des séries de petites pièces indépendantes alignées le long d’un corridor, et parfois conçues sur un module unique, que l’on observe dans certains établissements du corpus416. Il est vraisemblable que les espaces de ce type étaient destinés à abriter le repos des clients, auxquels ils garantissaient autonomie et intimité. Cette formule se retrouve d’ailleurs dans d’autres types d’édifices dédiés au logement temporaire collectif : on citera notamment les cosiddetti hospitalia de la Villa d’Hadrien417 ou les casernements des camps provinciaux fixes, comme à Vindonissa ou au camp flavien de Nimègue (Pays-Bas)418, certes plus étendus mais dont le plan se rapproche directement de celui de certains des établissements pris en considération dans cette étude419. Des systèmes de fermeture individuels (serrures ou barres) venaient parfois accentuer l’indépendance des clients, une fois gagnée leur chambre, tout en renforçant leur sécurité420, mais ils ne sont que rarement repérables au sein des vestiges421 ; ces équipements ne sont du reste pas l’apanage des auberges, ni même plus largement des édifices dédiés au logement collectif, dans la mesure où les chambres de maisons privées pouvaient elles aussi en être dotées422.
168Pour la majorité des établissements retenus, toutefois, les structures de référence pour les espaces de repos et de restauration restent celles de la maison privée, en particulier à Pompéi où auberges, restaurants et débits de boissons s’implantent souvent dans d’anciennes structures domestiques transformées à peu de frais, au prix de remaniements parfois mineurs du plan d’origine423. Or les développements récents de l’archéologie domestique ont mis l’accent sur les difficultés que pose le repérage de ces lieux de vie dans les domus et les villas. Outre la présence d’aménagements fixes (en particulier de bases de lits maçonnées), l’étude du décor peint et des pavements de mosaïque qui marquent l’emplacement du ou des lits ainsi que la nature du matériel (objets, mobilier, systèmes d’éclairage et de chauffage…) permettent, certes, de proposer des hypothèses sur la fonction première assignée à telle ou telle pièce de la maison. Toutefois, on souligne désormais la polyvalence et le caractère modulable de ces espaces dont l’usage pouvait être modifié au gré des besoins : cette flexibilité était favorisée par la nature du mobilier domestique romain, peu spécialisé et aisément transportable424. Tout au plus pourrait-on suggérer que les pièces de vie d’une auberge, et notamment celles destinées au repos de la clientèle, avaient une destination plus figée que leurs équivalents domestiques, au moins tant que durait le séjour du ou des clients qui les occupaient. Mais rien n’interdisait à la rigueur que des espaces destinés à la prise des repas aient pu être convertis en dortoirs en cas de forte affluence ; de même, des « chambres » pouvaient être transformées en salles de restauration au gré des besoins. Selon le récit traditionnel de la Nativité, c’est même dans l’étable d’un diuersorium bondé que Joseph et Marie se voient contraints de séjourner ; cette pratique est toutefois présentée comme exceptionnelle dans les sources425. Ces modifications ponctuelles ou habituelles, d’autant plus faciles à mettre en œuvre que les espaces concernés n’étaient pas dotés d’aménagements « en dur », demeurent inévitablement invisibles au sein des vestiges. Il est par ailleurs toujours possible que la reconversion d’une maison privée en auberge ait occasionné une évolution des fonctions de certaines pièces, sans pour autant que leur configuration d’ensemble ait été modifiée pour ce faire, ce qui rend encore plus complexe l’interprétation426 : N. Monteix a ainsi pu souligner au sujet des boutiques de Pompéi et d’Herculanum qu’un changement d’utilisation d’un local n’entraînait pas nécessairement de transformations radicales en matière de décor ou d’aménagements, la politique la plus courante étant, selon lui, « l’économie de moyens par la réutilisation de pavements ou de fresques préexistants427 ». Enfin, même lorsque l’identification d’une chambre ou d’une salle de repos offre une certaine vraisemblance, il n’est pas toujours possible de déterminer si ces pièces de vie étaient mises à la disposition des clients ou simplement utilisées par les professionnels du lieu pour leur propre usage, l’implantation de certains de ces établissements dans des structures domestiques préexistantes brouillant encore davantage la distinction entre zones commerciales et privées en leur sein.
169Ces difficultés interprétatives sont accentuées par la perte presque totale des étages des édifices pris en considération428. On lierait volontiers ces étages désormais disparus aux fonctions d’hébergement des établissements concernés, en partant pour cela de l’observation qu’en dépit de la présence ponctuelle d’espaces de repos, les rez-de-chaussée de ces établissements sont le plus souvent affectés à des activités de restauration ainsi qu’à la prise en charge des montures et des véhicules de la clientèle : les éventuelles « chambres », si elles existaient, se situeraient alors par défaut à l’étage, a fortiori lorsque l’accès aux niveaux supérieurs se faisait de l’intérieur de l’établissement429. Mais rien n’interdit à la rigueur que les pièces du ou des étages se soient vu assigner un rôle différent (stockage, prise des repas430) ou, de nouveau, qu’elles aient été réservées à l’exploitant du lieu et/ou à son personnel. À Ostie, où les élévations ont été mieux conservées, des cas possibles d’auberges présentent une configuration mixte avec des étages mêlant hébergement et restauration431 : les spécificités architecturales des domus ostiennes viennent expliquer au moins en partie cette singularité, qui remonte généralement à un état antérieur à la phase de conversion de l’édifice en établissement d’accueil432. En définitive, seuls les aménagements destinés aux moyens de transport des clients devaient impérativement être situés au niveau inférieur de ces édifices, pour des raisons évidentes d’accessibilité433.
« On loge à pied et à cheval »
170Intéressons-nous à présent aux services que leur moindre présence au sein du corpus permet de qualifier de complémentaires, en évoquant d’abord la prise en charge des montures et véhicules des clients. On est amené à s’interroger sur la manière de repérer, au sein des établissements retenus, des espaces, bâtis ou non, destinés à cette fonction et a fortiori des écuries. En contexte domestique, ces dernières se signalent par des équipements du type mangeoire ou abreuvoir, dont le socle de maçonnerie est parfois encore visible aujourd’hui ; le recours à un revêtement de sol dur, destiné à user les sabots de ces animaux non ferrés, de même que le matériel mis au jour, peuvent constituer des indices supplémentaires en ce sens434. On met désormais en avant l’apport des analyses chimiques de restes organiques et bioinorganiques (coprolithes, sphérulites et phytolithes)435 : mais les spécificités propres aux vestiges campaniens et ostiens, laissés à l’air libre et perturbés par les nombreuses fouilles successives qui s’y sont déroulées, peuvent nuire à des investigations de ce type. Il convient enfin de considérer si l’établissement possédait un accès sur la rue adapté au passage de montures et de véhicules436 et si cette rue était ouverte à la circulation. Au final, au sein du Corpus archéologique 1, ces différents critères ne se trouvent réunis de manière certaine que pour deux établissements pompéiens (I 1, 6.7.8.9, CA1Pompéi1 et VII 12, 34.35, CA1Pompéi18), localisés à proximité de portes de la ville437 : ces auberges sont caractérisées par la présence d’une écurie et d’une entrée charretière suffisamment large pour le passage de véhicules, ce qui permet d’attribuer dans le même temps aux vastes espaces ouverts qui ont été identifiés sur place un rôle dans l’entreposage des véhicules en question. On pourra sans doute ajouter le cas du bâtiment B du site de la Scène nationale à Clermont-Ferrand (CA1Clermont-Ferrand), qui est doté de deux vastes cours, respectivement situées au nord (avec un accès à un decumanus et/ou à une rue secondaire) et au sud de l’établissement ; dans la seconde cour, des prélèvements ont permis d’identifier une présence animale, éventuellement celle des montures gardées à cet endroit. Dans une phase ultérieure du développement du complexe, au IIe siècle, s’y ajoute à l’ouest une vaste cour fermée, suivie peut-être d’une seconde dans une extension indépendante au sud. Enfin, deux pièces de harnachement ont été découvertes à proximité immédiate de l’auberge438 ; en revanche, l’ensemble n’a pas permis de mettre au jour d’éventuels aménagements construits destinés à abriter ces animaux439. Des aménagements de ce type sont également bien attestés au sein du Corpus archéologique 2, en contexte urbain, à l’instar de l’écurie de la « Casa di Diana » (I, iii, 3-4 ; CA2Ostie1), comme en contexte routier440.
171Ce type de prestations semble directement corrélé aux fonctions d’hébergement des établissements concernés, la prise en charge des animaux redoublant en quelque sorte l’accueil fourni aux voyageurs. Rien, en revanche, ne permet de déterminer s’il s’agissait d’une simple commodité offerte aux clients, qui contribuait indirectement à accroître l’attractivité des établissements en question, ou si, comme dans le cas de la stèle d’Aesernia, ce service faisait l’objet d’une facturation complémentaire.
Prostitution et proxénétisme : une identification complexe
172Enfin, des activités de prostitution sont attestées, de manière très probable, pour deux établissements du Corpus archéologique 1 et de manière beaucoup plus incertaine dans quatre cas. Ces résultats sont toutefois fonction des difficultés que pose l’identification du commerce du sexe en contexte archéologique441. Comme le remarquent P.G. Guzzo et V. Scarano Ussani, « l’esercizio della prostituzione appare […] esser (stata) attività che non necessariamente sedimenta traccia archeologica442 ». Pourtant, cette entreprise a retenu de longue date l’attention des historiens et des archéologues dont la réflexion s’est de nouveau focalisée sur le cas pompéien. Outre que la ville a livré un abondant matériel mis en relation, à tort ou à raison, avec la pratique de la prostitution, on y a en effet retrouvé le seul cas de bordel stricto sensu considéré comme à peu près certain pour l’Occident romain, le fameux « Lupanare », qui constitue aujourd’hui une des attractions touristiques du site (VII 12, 18-20443). Ce « Lupanare » a ensuite servi de grille de lecture pour le repérage d’établissements similaires et plus largement d’activités de prostitution, à Pompéi ou ailleurs. Après plus de deux siècles d’hésitations444, l’identification repose désormais le plus souvent sur trois critères445 : la présence, dans un espace accessible au public, de lits de maçonnerie, de représentations à caractère sexuel et/ou d’inscriptions sexuelles explicites du type « hic bene futui »446. Du fait du lien couramment établi entre accueil mercantile et prostitution pour le contexte romain, on a tendance à conférer une valeur particulièrement forte à ces marqueurs lorsqu’ils sont mis au jour dans un établissement hôtelier, dans un restaurant ou dans un débit de boissons447 : un certain nombre de précautions doivent toutefois être prises avant de conclure en ce sens.
173La présence d’un lit ou d’une base de lit en maçonnerie comme indice d’activités de prostitution apparaît de fait particulièrement peu parlante dans le cadre d’une auberge. On ne voit en effet pas quel critère permettrait de distinguer ces équipements de ceux destinés au repos ou à la prise des repas ni, inversement, pourquoi des lits mobiles n’auraient pas pu accueillir des relations sexuelles tarifées. Au contraire, la prostitution est une activité qui semble particulièrement à même de bénéficier de la polyvalence des pièces et des aménagements des établissements d’accueil, quelle que soit la manière dont ces derniers étaient équipés ; il reste tout à fait possible qu’un même espace ait été utilisé, en fonction des besoins, pour la prostitution et pour le repos des clients. Les décors, objets ou inscriptions à caractère sexuel sont également d’interprétation délicate, eu égard à la polysémie de la sexualité dans la culture romaine, dont la mise en scène excédait largement l’évocation prosaïque de l’acte sexuel, ce qui explique son omniprésence dans tous les types de contextes archéologiques448. Comme l’a bien montré A. Varone449, son évocation revêtait à Rome les significations les plus variées, allant de la manifestation religieuse plus ou moins teintée de superstition450 au trait d’humour le plus gras451. Si l’on veut retenir ce critère, au mieux doit-on se limiter à des représentations iconographiques strictement comparables à celles qui figurent à l’entrée des cellules du « Lupanare » de Pompéi452, dont on peut d’ailleurs se demander si elles visaient vraiment à représenter, de manière réaliste, les relations sexuelles des prostituées et de leurs clients453 ; on n’oubliera pas que l’on trouve des images du type de celles du « Lupanare » dans des contextes dont le rapport effectif au commerce du sexe semble beaucoup plus hasardeux, par exemple dans des maisons privées454 ou dans des ateliers d’artisans455. La présence de ces images au sein du décor d’une auberge accroît enfin la probabilité que la prostitution ait été pratiquée à l’initiative même de l’exploitant du lieu qui avait fait le choix de ce programme iconographique et non simplement par des individus extérieurs à l’auberge, venus chercher sur place des clients potentiels.
174On s’appuiera également sur la présence, sur les murs d’auberges, de restaurants ou de débits de boissons, d’inscriptions similaires à celles identifiées dans le « Lupanare », en retenant en particulier celles où sont évoquées des prestations sexuelles rétribuées, généralement assorties du nom de l’individu chargé de les assurer, ou sur des inscriptions du type « hic futui », selon des schémas particulièrement représentés au sein du bordel pompéien. Si l’on ne saurait négliger la part que pouvaient prendre isolément l’insulte et la moquerie dans ces manifestations456, cet indicateur apparaît d’autant plus recevable que les inscriptions étaient nombreuses au sein d’un même établissement, a fortiori lorsqu’il est possible de les rapprocher de représentations iconographiques pertinentes.
175Enfin, même lorsque l’identification semble solide, il n’en demeure pas moins nécessaire de s’interroger sur la possibilité matérielle qu’avaient les clients de recourir, au sein ou à proximité immédiate457 d’un établissement, aux services de prostitution proposés sur place. Évoquons par exemple le cas de l’auberge pompéienne VI 10, 1.19 (CA1Pompéi12). Dans cet établissement, deux des murs de la cellule qui semble la plus à même d’avoir hébergé prostitué(e) s et clients sont percés de fenêtres s’ouvrant sur le triclinium et l’atrium de la maison voisine458 : les désagréments que cette configuration pouvait faire endurer tant aux habitants de la maison qu’aux clients de l’auberge pourraient alors plaider contre la localisation dans cette pièce des activités de prostitution du lieu. Toute la question, pratiquement insoluble en raison de la distance culturelle qui nous sépare des Romains, apparaît dans ce cas de déterminer si la contemplation indirecte d’actes sexuels, ainsi que les nuisances sonores que ceux-ci étaient susceptibles d’entraîner, pouvaient être conçues comme une gêne pour les occupants de la maison voisine. Il convient de plus de remarquer que l’interaction éventuelle avait lieu avec les espaces les plus ouverts sur l’extérieur, les plus « publics », de la maison, l’atrium et le triclinium459, ce qui pouvait contribuer à une diffusion rapide de l’éventuel opprobre suscité par de telles pratiques. Il est également difficile d’établir si les bénéficiaires de ces prestations sexuelles payantes pouvaient rechigner à tomber sous le regard des voisins460; la fréquentation des bordels tend toutefois à être considérée dans les textes comme un acte qui n’est toléré que s’il reste dissimulé461. Ces ouvertures pouvaient du reste, en dernière instance, être masquées par des vantaux ou étoffes quelconques.
176Si l’on rencontre l’un ou l’autre de ces critères dans la moitié des établissements du Corpus archéologique 1462, seuls deux d’entre eux, issus du contexte pompéien (I 10, 2.3, CA1Pompéi4 et V 2, b-c, CA1Pompéi9), présentent dès lors un faisceau d’indices suffisamment solide pour constituer des cas sûrs. La présence en leur sein d’inscriptions qui évoquent les services sexuels d’individus, hommes et femmes, nommément désignés, en précisant le coût de chacune de ces prestations, invite à faire de la prostitution une des composantes de leur offre commerciale, de même par exemple que l’inscription RE4, qui énumère les prix des différents crus proposés sur place, permet de reconnaître dans l’établissement VII 2, 44.45 (CA1Pompéi15) un débit de boissons. Dans ces deux cas, la pratique de la prostitution ne paraît pas strictement liée à l’existence d’espaces à même d’héberger les relations sexuelles tarifées des prostitués et de leurs clients ; il convient toutefois de tenir compte de l’état de conservation partiel des vestiges. On ajoutera à ces attestations relativement certaines d’autres cas plus hypothétiques. Ainsi, la prostitution reste une composante marginale mais néanmoins réelle de l’offre de services des établissements campaniens du corpus ; elle ne se laisse en revanche pas identifier dans le reste du corpus pris en considération, peut-être du fait de la moins bonne conservation de leur décor ainsi que des inscriptions qui figuraient originellement en leur sein.
Des établissements polyvalents
177En somme, s’il est dans la plupart des cas impossible de restituer avec le même degré de certitude l’ensemble des prestations fournies par un établissement donné, puisqu’en raison de la diversité et de la complexité des paramètres interprétatifs à prendre en compte, l’identification des fonctions commerciales de ces établissements ne donne le plus souvent que des résultats hypothétiques, on semble malgré tout retrouver à l’échelle du corpus archéologique cette tendance à la diversification commerciale qui se dégageait de l’étude du corpus textuel. De fait, ainsi que le montre le tableau récapitulatif suivant et même en ne tenant compte que des prestations à peu près certaines, la grande majorité des établissements du Corpus archéologique 1 fournissaient au moins deux types de prestations ; un établissement pompéien (I 1, 6.7.8.9) et l’auberge clermontoise en combinaient même, selon toute probabilité, quatre. Cette tendance se renforce si l’on tient également compte des identifications plus douteuses. Il en va enfin de même pour le Corpus archéologique 2, si l’on accepte de reconnaître dans les sites qui le composent des auberges, des restaurants ou des débits de boissons.
178En tout état de cause, aucun établissement du corpus n’apparaît uniquement dédié à des fonctions d’hébergement : dans les contextes archéologiques pris en considération, le gîte ne semble pas pouvoir être conçu sans le couvert, en majorité par le biais d’une association entre des structures d’hébergement et un commerce alimentaire en façade. L’inverse est moins vrai : on trouve au sein du corpus des commerces alimentaires dont l’association à un service hôtelier demeure incertaine, sinon complètement inexistante ; c’est même une configuration fréquente, en raison des difficultés posées par le repérage en contexte archéologique d’espaces destinés au repos. D’autre part, dans la perspective de définition qui est la nôtre, il convient de prendre conscience de l’importance fondamentale de l’observation suivante : il n’existe aucune corrélation entre l’alternance établissements à commerce alimentaire/établissements à cuisine et celle entre les établissements de restauration/ débits de boissons stricto sensu et les auberges qui pouvaient également fournir à leur clientèle un hébergement. Dès lors, ces offres de services, que l’on pouvait être tenté de distinguer à l’issue de l’étude du corpus textuel, partageaient dans la pratique des structures matérielles identiques, notamment le commerce alimentaire qui leur permettait d’assurer le stockage et la préparation des mets et des boissons dispensés à leur clientèle. Ce phénomène contribue à marquer d’un point de vue matériel l’unité du secteur, qui, jusqu’ici, pouvait sembler divisé en deux spécialités distinctes, la restauration/débit de boissons et l’accueil au sens large.
179Cette restitution globale d’établissements polyvalents pourrait se trouver accentuée encore davantage par l’existence ponctuelle, dans le voisinage direct des établissements étudiés, d’aménagements indépendants destinés à compléter l’offre de services des établissement à proximité desquels ils étaient implantés. C’est ainsi qu’en face de l’auberge pompéienne dite « ad Gabinianum » (VI 9, 1.14 ; CA1Pompéi11), une écurie (VI 7, 26) pourrait avoir servi à l’accueil des montures de la clientèle de ce vaste complexe (la prise en charge des véhicules semble pour sa part exclue, eu égard à l’exiguïté de l’endroit)466. De même, il convient de souligner la présence, à proximité de certains établissements pompéiens, de « cellae meretriciae », ces cellules indépendantes de dimensions réduites, accessibles directement depuis la rue et dotées de lits en maçonnerie, que l’on considère généralement avoir abrité des activités de prostitution467. Dans ce cas, on pourrait supposer qu’une fois l’accord conclu au sein de l’auberge entre le/la prostitué(e) et son client, ces derniers gagnaient la « cella meretricia » toute proche468. En soi, cet indice ne suffit toutefois pas à prouver l’implication commerciale de l’exploitant de l’auberge dans les activités de prostitution éventuellement hébergées par cette « cella meretricia » ; il apparaît particulièrement valable lorsqu’il vient compléter des indicateurs archéologiques et épigraphiques internes à l’auberge. Si la présence, sur place et à proximité de l’établissement, d’individus et d’aménagements destinés au commerce du sexe devait être assignée à l’initiative de l’exploitant, la localisation « hors les murs » de ces « cellae meretriciae » pourrait être interprétée comme une manière de limiter les risques juridiques et sociaux encourus par l’aubergiste-proxénète et par ses employé(e) s ; la distance entre ces aménagements et l’établissement proprement dit épargnait d’autre part aux clients les nuisances causées par les activités en question, tout en leur permettant d’en bénéficier ; cette remarque vaudrait également pour la délocalisation de l’accueil des animaux469. Enfin, on soulignera le lien fréquemment observé entre de possibles établissements d’accueil et des balnéaires commerciaux, urbains ou extra-urbains, qui permettaient aux usagers des lieux de se laver, de se détendre et de retrouver partout un des éléments constitutifs de l’urbanitas, en particulier lorsqu’ils avaient à endurer l’inconfort d’un voyage par la route470.
180On verrait ainsi se développer, dans les zones concernées, de véritables pôles d’accueil. Il est toutefois impossible d’identifier de manière certaine, derrière des configurations de ce type, l’initiative d’un seul et même individu, propriétaire des espaces et/ou exploitant des établissements. En d’autres termes, rien n’invite à supposer que ces regroupements aient obéi à une volonté consciente de répartition raisonnée, dans une zone donnée, de prestations d’accueil complémentaires. Selon toute vraisemblance, ils résultaient le plus souvent de la rencontre plus ou ou moins contingente d’activités distinctes, accroissant l’attractivité de la zone et permettant à chacun des établissements concernés de bénéficier de la clientèle des structures voisines.
Les mots, les images et les vestiges
181Tout en renforçant la validité de la définition de l’accueil mercantile à laquelle on parvenait à l’issue de l’analyse du corpus textuel – à savoir celle d’une offre de séjour stipendiée s’étendant pour l’essentiel à l’hébergement, à la restauration et au débit de boissons, ainsi que ponctuellement à la prise en charge des moyens de transports des clients et, de manière plus problématique, à la prostitution – cette étude des vestiges vient enfin préciser certaines des observations d’ordre lexical formulées dans le premier temps de ce chapitre. La prééminence du terme caupo, majoritairement sous sa forme copo, apparaît de nouveau en pleine lumière au sein des inscriptions qui figurent dans certains des établissements du corpus : ce terme semble à même de réunir sous un titre professionnel unique des établissements extrêmement divers, tant dans leur offre de services que dans leur configuration matérielle. Dans le même temps, la mise en relation des vestiges matériels avec les mots utilisés pour les qualifier permet, une nouvelle fois, de prendre conscience de ce que le choix d’une désignation ou d’une autre ne dépendait pas directement et/ou uniquement de critères typologiques. Un même terme était ainsi susceptible de qualifier des établissements de conformations très diverses, dont l’offre de services n’était peut-être pas strictement identique ; on soulignera par exemple la dissemblance des établissements VII 1, 44.45.45a (CA1Pompéi14) et IX 8, b (CA1Pompéi20), pourtant tous deux qualifiés d’hospitium dans les inscriptions qui y ont été retrouvées (respectivement RE2 et CIL, IV, 3779) ; cette observation vaut plus encore pour caupo et ses dérivés471. Inversement, des établissements qui fournissaient les mêmes prestations dans un cadre à peu près similaire peuvent être désignés par des termes différents : on peut par exemple rapprocher l’hospitium VII 1, 44.45.45a (CA1Pompéi14) et l’établissement VI 14, 35.36 (CA1Pompéi13), sans doute tenu par le copo auquel s’adresse l’inscription CIL, IV, 3502. On est parfois amené à remettre en perspective l’importance du critère de l’hébergement dans l’usage qui était fait, en contexte, de certains des termes pris en considération dans cette étude : ainsi, caupo et hospitium ne désignaient peut-être pas toujours dans la pratique des établissements incluant à leur offre de services des prestations d’hébergement. Toutefois, ces différentes remarques apparaissent directement tributaires de notre capacité à identifier les fonctions commerciales des établissements retenus et, face aux nombreuses incertitudes interprétatives que suscitent les vestiges, la prudence reste de mise.
182D’autre part, la lecture croisée des vestiges archéologiques et des témoignages épigraphiques et/ou iconographiques qui leur sont liés permet de confronter la structure matérielle des établissements et l’image, pas nécessairement concordante, que souhaitaient en donner leurs exploitants ou que s’en faisaient leurs clients par le biais d’inscriptions ou de représentations figurées. Ainsi, dans le cas de l’établissement pompéien I 1, 6.7.8.9 (CA1Pompéi1), l’importance matérielle des nombreux espaces destinés aux prestations d’hébergement de l’auberge semble au moins aussi grande que celle des divers aménagements dédiés à la restauration et au débit de boissons ; mais c’est ce dernier type de service qui se trouve seul figuré dans le laraire présent sur le mur nord de l’espace principal no 1, sous la forme d’une figure masculine, homme ou dieu, représentée en train de transvaser dans un récipient le contenu d’une amphore472. De manière générale, tant dans la perspective des exploitants que dans celle des clients, il est intéressant de constater que les fonctions du couvert l’emportent sur celles du gîte en matière de représentations, même lorsque l’hébergement constitue une composante importante de l’offre de service d’un établissement ; ce phénomène s’explique sans doute par le fait que la restauration et le débit de boissons étaient sans doute plus aisés à figurer que l’hébergement et permettaient des scènes plus vivantes473. De nouveau, ce constat contribue à renforcer les liens entre restauration/débit de boissons et accueil au sens large au sein de la définition de l’accueil mercantile.
183Ces différentes observations invitent enfin à remettre en cause les correspondances trop rapidement et systématiquement établies dans la littérature archéologique entre terminologie latine de l’accueil mercantile et typologie des établissements d’accueil. En effet, de nombreuses recensions, dont les plus complètes ont trait aux cas des cités du Vésuve et d’Ostie, tentent, une fois mise en place leur typologie à partir de l’observation des vestiges, d’associer les différentes catégories archéologiques qu’elles isolent aux termes latins. H. Eschebach a ainsi recours dans son Gebäudeverzeichnis pompéien à une vaste terminologie hôtelière, inspirée selon lui des sources textuelles : il emploie les termes caupona (et popina, qui, selon lui, en est le synonyme), diuersorium/taberna diuersoria, hospitium, stabulum, thermopolium474, mais leur adjoint dans le même temps des termes allemands tels que Schenke (sans préciser la distinction qu’il opère entre ce terme et celui qui pourrait en être l’équivalent direct dans la terminologie qu’il adopte, thermopolium) ou Garten-Restaurant, une catégorie qui apparaît directement inspirée du Biergarten allemand475. Toujours dans le cas pompéien, on trouve chez M. Della Corte les mêmes catégories latines que chez H. Eschebach, à l’exception toutefois de popina476. F. DeFelice distingue pour sa part entre caupona et popina (terme auquel il assigne comme synonyme taberna), ajoutant néanmoins que « it is not unusual to find a caupona/taberna/popina477 ». J. Packer mentionne de son côté stabulum, hospitium et popina/taberna478, tandis que G.F. La Torre parle seulement d’hospitium, de caupona et de thermopolium479. Pour Ostie, G. Hermansen a recours à une terminologie assez similaire à celle d’H. Eschebach, employant caupona, deuersorium, hospitium et stabulum pour les établissements hôteliers, popina pour la restauration et taberna pour le débit de boissons480. On pourrait étendre cet inventaire à l’envi, puisqu’à pratiquement chaque étude correspond une terminologie particulière481. En dehors du choix des termes, l’arbitraire règne également dans la définition qui leur est donnée. Par exemple, M. Della Corte lie caupona à la restauration, hospitium, stabulum et deuersorium au logement et thermopolium au débit de boissons482, tandis que J. Packer retient stabulum et hospitium pour un établissement assurant des fonctions d’hébergement – l’usage de stabulum étant liée à l’identification d’une écurie au sein de l’établissement étudié – et associe indifféremment la restauration et le débit de boissons à popina et à taberna, sans distinguer entre les deux483.
184Force est donc de constater que la terminologie adoptée varie d’une recension à l’autre, ce qui jette en soi un doute certain sur le bien-fondé de la méthode, doute que ne fait que renforcer l’analyse approfondie des sources textuelles. Plus loin encore de l’usage lexical romain, ce type de classification peut aboutir à l’adoption de dénominations doubles ou triples pour rendre compte des établissements polyvalents identifiés en contexte archéologique. Ainsi, H. Eschebach désigne l’établissement pompéien IX 7, 24.25 par les termes thermopolium, popina et hospitium, en raison de la présence supposée en son sein d’aménagements destinés au débit de boissons, à la restauration et à l’hébergement484. De même, G.F. La Torre, qui lie hospitium à l’hébergement, caupona à la restauration et thermopolium au débit de boissons485, ajoute néanmoins que « in 27 casi il medesimo esercizio fungeva e da caupona e da thermopolium486 ». Cette méthode peut même conduire à la création de catégories composites, à la manière de l’« hôtel-restaurant » français. Ainsi, lorsqu’un établissement pompéien paraît présenter des aménagements destinés tant à la restauration qu’à l’hébergement de la clientèle, M. Della Corte le qualifie parfois de caupona-hospitium487 ou de diuersorium-caupona488, allant même jusqu’à créer l’énigmatique catégorie de hospitium-diuersorium pour l’établissement VI 2, 4489 ; il forge également la catégorie de caupona-lupanar pour les établissements qui unissaient selon lui des aménagements destinés à la restauration et à la prostitution490. Jamais phénomène semblable n’est attesté en latin ; cette méthode a de plus pour conséquence de gommer cette caractéristique essentielle du secteur de l’accueil mercantile qui réside dans une tendance à la diversification des services regroupés sous une désignation unique, de même que le caractère profondément polyvalent et interchangeable du lexique qui lui était lié. Mieux vaut sans doute renoncer à un quelconque recours à la terminologie latine pour classer les vestiges, qui, mal employée, ne peut qu’entraîner des confusions, et préférer aux termes latins des catégories directement fondées sur l’étude du terrain local491. La seule exception possible consiste dans la présence, en contexte archéologique, de témoignages épigraphiques qui associent à un établissement donné une désignation précise : toutefois, nous l’avons vu, le choix de cette désignation s’explique souvent par d’autres considérations que de simples critères typologiques.
185En dépit de leurs différences de nature et de la distinction des protocoles de lecture qu’ils impliquent, l’analyse distincte des corpus textuel et archéologique permet d’aboutir à une reconstitution d’ensemble relativement cohérente, où représentations et pratiques se font directement écho. Les professionnels que les Romains désignaient, entre autres, par le titre de caupones, fournissaient à leurs clients des prestations de séjour, à partir d’une trilogie hébergement/restauration/débit de boissons qui semble avoir constitué, au moins dans le contexte occidental, leur cœur de métier originel. L’unité d’un secteur commercial qui aurait pu sembler divisé entre deux activités distinctes, la restauration/débit de boissons et l’accueil au sens large, apparaît en vérité bien réelle ; ces deux types d’offres de services pouvaient même être rangés sous le titre unique de caupo, comme l’a montré la mise en relation des inscriptions et des vestiges matériels. En conséquence, on n’hésitera plus à étendre la définition de l’accueil mercantile à la restauration et au débit de boissons stricto sensu, tout en restant attentif aux éventuelles différences en matière de pratiques commerciales et de représentations qui se feraient le reflet des distinctions lexicales identifiées au sein du corpus textuel.
186Parmi les prestations attestées dans les sources textuelles et matérielles, on hésite en revanche sur la place à accorder à la prostitution et au proxénétisme dans la définition et dans la pratique du métier de caupo. On trouvait bien des prostitué(e) s au sein des auberges/restaurants/débits de boissons romains, et sans doute les professionnel (le) s du sexe et leurs clients mettaient-ils à profit en ce sens les espaces que leur offraient certains de ces établissements. Il est généralement difficile de rendre compte de l’implication personnelle de l’exploitant : implication nulle, purement logistique ou mise à disposition de membres de son personnel et/ ou de sa personne ? Toutes ces configurations devaient se rencontrer dans la pratique. Néanmoins, l’absence de systématisme des témoignages et surtout le fait que le droit classique fasse basculer les caupones/ae s’adonnant à la prostitution et au proxénétisme dans des catégories professionnelles distinctes (leno/lena et qui/ quae quaestum facit) invitent à exclure le commerce du sexe de la définition du cœur de métier des aubergistes romains. Le même raisonnement vaut d’ailleurs, pour partie, pour la prise en charge des montures et des véhicules, qui à l’échelle du corpus doit être considérée comme complémentaire d’un point de vue statistique et que Gaius liait d’ailleurs à un métier distinct, celui du stabularius- « exploitant d’écurie ». À la différence toutefois de la prostitution, cette prestation commerciale possédait un lien affirmé avec le cœur de métier premier des caupones, l’accueil d’une clientèle souvent étrangère au lieu (les uiatores de Gaius), dont elle pouvait être conçue comme le pendant : la confusion certaine qui règne au sein du corpus juridique entre le stabularius- « exploitant d’écurie » et le stabularius- « aubergiste » s’explique autant par la proximité entre les spécialités respectives de ces deux professionnels que par l’homonymie de leur activité. Il semble dès lors légitime d’étendre à la définition du cœur de métier du caupo ce service, au titre toutefois de prestation facultative. On ne trouve en revanche pas, dans le corpus pris en considération, de comportements comparables à ceux des aubergistes provençaux du Moyen Âge qui complétaient leurs fonctions commerciales premières par d’autres activités, allant de la vente au détail de produits variés à la pratique du notariat492. La spécialité originelle et unique des caupones était bien l’accueil de leurs clients, à pied ou à cheval, qui s’étendait, à la différence d’autres professionnels du logement, au couvert autant qu’au gîte. Enfin, cet accueil se déroulait, au moins par définition, dans un cadre strictement commercial et privé ; pour la partie occidentale de l’empire, on n’a en effet pu trouver aucune attestation épigraphique certaine d’établissements d’accueil commerciaux édifiés par l’État ; les seuls cas possibles proviennent de la partie orientale de l’empire et la polysémie des termes employés pour désigner les bâtiments en question (stabula, tabernae) empêche toute certitude quant à l’identification précise de leurs fonctions, écurie, boutique ou auberge à destination des voyageurs493.
187Le cœur de métier relativement cohérent de ces spécialistes de l’accueil pouvait ensuite donner lieu, et c’est une autre des conclusions qui se dégage de l’observation de l’ensemble du corpus, à des pratiques extrêmement variées d’un établissement à l’autre. On ne peut en effet qu’être frappé par la diversité des combinaisons de services et des phénomènes matériels susceptibles d’être rangés sous la bannière unique du terme caupo et de ceux qui lui sont apparentés. Plus par conséquent que vers des fonctions isolées, c’est vers un service global, l’accueil, que semble tendre la définition de l’activité de ces professionnels du séjour total : le titre générique d’accueil mercantile, adopté de manière empirique au début de l’étude pour désigner cette activité, s’en trouve définitivement validé. En ce sens, loin de renvoyer à un ensemble fixe de services et, a fortiori, à un simple hébergement, le manere pati de Gaius qui a guidé nos réflexions à travers ce chapitre doit être entendu comme une formulation synthétique et nécessairement très générale, permettant de résumer, à elle seule, la multiplicité des prestations de séjour que fournissaient les établissements d’accueil mais aussi la diversité des manières dont les caupones pouvaient pratiquer l’activité dont ils tiraient leur rétribution. C’est dès lors vers l’étude des pratiques économiques et commerciales dans lesquelles s’incarnait cette activité des professionnels de l’accueil de l’Occident romain, désormais clairement définie, que nous allons à présent nous tourner.
Notes de bas de page
1 « Le marin, l’aubergiste et le palefrenier reçoivent une rétribution non pour assurer une garde, mais le marin, pour transporter des passagers, l’aubergiste, du fait de laisser les voyageurs séjourner dans son auberge, et le palefrenier, du fait de fournir une écurie aux montures ; et pourtant, ils sont tenus responsables en vertu d’une obligation de garde » (D., 4, 9, 5, pr., Gaius 5 ad ed. prouinc.). On trouvera en annexe de cette étude l’intégralité des titres 4, 9 et 47, 5 du Digeste, assortis d’une traduction (Annexe II).
2 Cf. chap. II.
3 Il n’est guère surprenant que ces propos apparaissent dans un titre consacré au receptum nautarum cauponum stabulariorum, puisque ce dispositif, de même que les actiones furti/damni aduersus nautas caupones stabularios auxquelles il est lié, concernait les seuls professionnels du transport maritime et de l’accueil à l’exclusion d’autres hommes de métier ; l’évocation de ce receptum était par conséquent particulièrement propice à une réflexion juridique sur les réalités que recouvraient les activités en question.
4 Ce phénomène se retrouve à l’échelle de l’ensemble du Digeste, dont 40 % environ est constitué d’extraits de l’œuvre d’Ulpien, suivie de près par celle de Paul (voir Johnston 1999, p. 15 ; 2015, p. 38-39).
5 Les autres extraits de l’œuvre de Gaius présents dans le titre D., 4, 9 renvoient d’ailleurs à des aspects marginaux ou complémentaires des dispositifs évoqués. Cf. D., 4, 9, 2 (Gaius 5 ad ed. prouinc.) et D., 4, 9, 5, 1 (Gaius 5 ad ed. prouinc.).
6 On laissera ici de côté les définitions croisées au hasard des sources littéraires, dont le but premier n’était pas normatif. Cf. par exemple Firm., math., 4, 11, 2 ; Ambr., in psalm. 118, 11, 20 (CSEL, 62, p. 246). Ces deux passages, qui définissent le caupo comme un professionnel se consacrant exclusivement aux activités de bouche, semblent d’ailleurs tributaires d’une inflexion tardive du terme (cf. infra).
7 Cf. par exemple Prisc., gramm., II, p. 146 : Caupo quoque caupona facit, quod est tam taberna quam mulier. « “Caupo” donne également “caupona”, qui désigne autant l’établissement que la femme. » De même, Prisc., gramm., II, p. 209.
8 Cf. par exemple Paul. Fest. p. 40 : Copona : taberna a copiis dicta. « “Copona” : établissement qui tire son nom de “copiis” (“les marchandises”). » Isid., orig., 20, 6, 7 : Cupos et cupas a capiendo, id est accipiendo, aquas uel uinum uocatas : unde et caupones. « “Cupo” et “cupa” tirent leur nom de “capere” (“prendre”), c’est-à-dire d’“accipere” (“recevoir”) l’eau et le vin ; de là également “caupones”. » Il est vrai qu’ici la glose, doublée d’une explicitation étymologique, se rapproche davantage d’une définition, puisqu’il est implicitement question des fonctions de débitant de boissons assurées par le caupo.
9 Cf. par exemple Schol. Hor., epist. 1, 17, 8 : Caupona : diuersorium in uia. « “Caupona” : “diuersorium” sur la voie. » La plupart des gloses conservées appartiennent à la phase la plus tardive de l’Antiquité romaine et au Haut Moyen Âge : les équivalences données ne sont, le plus souvent, que de peu d’utilité pour la période classique, puisqu’elles se réfèrent à des acceptions plus récentes des termes en question.
10 « Nous entendons par aubergistes et palefreniers les exploitants d’une auberge ou d’une écurie et leurs préposés. Du reste, cela n’inclut pas celui qui exerce des fonctions de domestique : par exemple les responsables de l’atrium, les responsables du foyer et leurs semblables » (D. 4, 9, 1, 5, Ulp. 14 ad ed.). Dans le même sens Inst. Iust., 4, 5 ; D., 33, 7, 13, pr. (Paul. 4 ad Sab.) ; D., 44, 7, 5, 6 (Gaius 3 aur.) ; D., 47, 5, 1, pr. (Ulp., 38 ad ed.).
11 Cf. par exemple D., 47, 5, 1, pr. (Ulp. 38 ad ed.).
12 D., 33, 7, 15, pr. (Pomp. 6 ad Sab.) mentionne dans les mêmes termes pistrinum et caupona pour élucider un cas litigieux de legs de taberna instructa.
13 Pour un bilan d’ensemble, cf. ThlL, s. u. « maneo ».
14 Cf. Rhet. Her., 4, 42, 54 : cum in eodem loco manemus ; « lorsque nous restons dans le même endroit ».
15 Cf. Non. p. 349, 19 : manere est loco insistere ; « “manere” désigne le fait de demeurer dans un endroit ».
16 Cf. Cic., Font., 3 : tabulae […] incorruptae atque integrae manent ; « les registres […] demeurent incorruptibles et sans tache » ; Plin., epist., 9, 36, 1 : clausae fenestrae manent ; « les fenêtres restent fermées ».
17 Cf. Ter., Hec., 723 : Manere adfinitatem hanc inter nos uolo. « Je souhaite que perdure entre nous cette proximité. »
18 Cf. Verg., Aen., 6, 84 : grauiora [pericula] manent ; « [des dangers] plus graves sont encore à venir ».
19 Cf. Ov., am., 3, 3, 8 : Longa decensque fuit ; longa decensque manet. « Elle était grande et bien faite ; elle demeure grande et bien faite. »
20 Cf. Cic., Tull., 55 : qui ad uillam uenerunt an qui in uilla manserunt ? ; « ceux qui sont venus au domaine ou ceux qui ont séjourné au domaine ? » Suet., Iul., 39, 4 : ut plerique aduenae […] inter uias tabernaculis positis manerent ; « de sorte que de nombreux étrangers […] durent séjourner dans des tentes dressées le long des rues ».
21 Cf. CIL VI, 30837b = lex arae urb., 14 : Ne cui liceat intra hos terminos aedificium exstruere, manere. « Qu’il ne soit permis à personne de construire à l’intérieur de ces limites un bâtiment ou d’y habiter. » Arnob., nat., 6, 3 (CSEL, 4, p. 216) : Apollo hic habitat, in hac manet Hercules. « Apollon habite ici, mais c’est là que réside Hercule. »
22 Cf. Liv., 32, 12, 9 : [manere] ea nocte […] in castris ; « [demeurer] cette nuit […] au camp ».
23 Cf. Porph., Hor. sat., 1, 5, 7 : Foro Appi uiatores […] manere uitant. « Les voyageurs évitent de séjourner […] à Forum Appi. »
24 Cf. Hor., sat., 1, 5, 37 : in Mamurrarum lassi deinde urbe manemus ; « fatigués, nous nous arrêtons ensuite dans la ville de Mamurra » ; Suet., Claud., 18, 1 : in diribitorio duabus noctibus [manere] ; « [passer] deux nuits dans le siège des dépouillements ». Cf. également l’étymologie donnée par Nonius Marcellus pour menetrix, qui constituait, selon lui, une forme concurrente de meretrix : menetrices a manendo, quod copiam sui […] noctu facerent ; « “menetrix” de “manere”, de ce qu’elles gagnaient leur vie la nuit » (Non., p. 423, 12).
25 « Hôte, fais bien attention à là où tu vas séjourner » (CIL, XIII, 2031 = ILS, 6037, CLE, 1924). Cf. RE10. L’inscription CIL, IV, 1314 (RE3), située sur le mur d’entrée de l’établissement pompéien VI 9, 1.14 (CA1Pompéi11), emploie ce verbe au supin pour convaincre un futur client de séjourner dans ce qui était selon toute vraisemblance une auberge située près des murs de la ville (cf. l’étude de cet établissement au chap. II) ; il faudrait également rapprocher de ce recours à l’infinitif manere l’apparition du substantif mansio, qui désigne, dans un sens technique, une étape « du cursus publicus ».
26 La même remarque pourrait valoir pour le stabularius, qui, dans cette perspective, se ferait payer pour permettre à ses clients de « parquer » leur monture chez lui.
27 Sur cette activité, voir Cardascia 1982.
28 Kleberg 1957, p. 124, n.1 = 1934, p. 2, n. 1, avec références.
29 Cf. ainsi la définition qu’en donne Platon dans un passage de la Politique : Αὕτη ἄρα, ἦν δ’ἐγώ, ἡ χρεία καπήλων ἡμῖν γένεσιν ἐμποιεῖ τῇ πολει. Ἤ οὐ καπήλους καλοῦμεν τοὺς πρὸς ὠνήν τε καὶ πρᾶσιν διακονοῦντας ἱδρυμένους ἐν ἀγορᾷ, τοὺς δὲ πλανήτας ἐπὶ τὰς πόλεις ἐμπόρους ; « Ce besoin, dis-je, aura-t-il pour conséquence la présence de marchands dans notre cité ? Ou n’appelle-t-on pas marchands ceux qui s’établissent sur l’agora pour servir d’intermédiaire entre vendeurs et acheteurs, tandis qu’on appelle négociants ceux qui voyagent de ville en ville ? » (Pl., R., 371d).
30 Walde – Hofmann 1938-19543, 1, p. 189, s. u. « caupo » ; Ernout – Meillet 19854, p. 107, s. u. « caupo » ; Vaan 2008, p. 100, s. u. « caupo ».
31 Cf. infra.
32 Ernout – Meillet 19854, p. 107.
33 Qui désigne tant un établissement que la femme qui y travaille. Cf. Prisc., gramm., II, p. 209 : et sciendum quod quinque inueniuntur in O terminantia, quae faciunt in A feminina : leo, leaena ; draco, dracaena ; leno, lena ; caupo, caupona, quod significat tam ipsam tabernam quam mulierem […]. « Il faut savoir qu’on trouve cinq mots qui finissant en -o font leur féminin en -a : “leo, leaena” ; “draco, dracaena” ; “leno, lena” ; “caupo, caupona”, qui signifie aussi bien l’établissement commercial que la femme […]. »
34 Cic., Phil., 2, 77.
35 Outre Plaut., Poen., 1298, cet adjectif est surtout attesté dans les sources juridiques. Cf. par exemple Paul., Sent., 3, 6, 61 ou D., 23, 2, 43, pr. (Ulp. 1 ad l. Iul. et Pap.).
36 Cf. CIL, IV, 10150 (AE, 2012, 346).
37 Enn., ann., 6, 194-196. Par la suite, ce verbe est attesté uniquement dans les sources chrétiennes, avec, comme nous le verrons, une légère évolution de sens (cf. par exemple Aug., c. Faust. 11, 1, CSEL, 25, p. 313).
38 On ne retrouve toutefois ces formes que dans les Glossaires, cf. par exemple Gloss., II 338, 38.
39 Gloss., II 116, 22.
40 Nouell. Iust., 30, 5, 1.
41 Fulg. Rusp., ad Tras., 1, 7.
42 Dans les inscriptions et éventuellement dans Paul Fest., p. 40. Cf. infra.
43 Dans les inscriptions. Cf. infra.
44 Terme de Glossaires (cf. Gloss., II, 574, 1).
45 Char., gramm., 1, 63, 10.
46 « Je ne demande pas d’or pour moi et vous ne me paierez pas. Ce n’est pas en trafiquant mais en combattant, c’est par le fer et non par l’or, que nous devons décider de nos vies respectives » (Enn., ann., 6, 194-196, ap. Cic., off., 1, 38). Même constat chez Plaute, dans un passage (Plaut., Aul., 507-519) où l’activité du caupo semble plus précisément liée au domaine de l’habillement, au même titre que le reste des artisans et vendeurs énumérés par Mégadore dans son portrait des fournisseurs des femmes de la ville : il pourrait s’agir ici d’une réminiscence voire d’une transposition directe d’un κάπηλος présent dans le modèle grec de la pièce, à moins naturellement que le terme caupo n’ait connu que plus tardivement une restriction sémantique dans le sens de l’hébergement commercial et de la restauration. À l’autre extrémité de l’axe chronologique couvert par cette étude, on soulignera l’emploi qui est fait de caupona dans une constitution de 369 apr. J.-C. (Cod. Theod., 11, 10, 1), où l’on assiste peut-être à une résurgence de ce sens premier à la période tardive : le terme y est en effet associé à taberna et surtout à propola, construit à partir d’une transposition du grec προπώλης (« vendeur en semi-gros »), qui désigne un bazar en latin.
47 « Cependant une femme d’auberge syrienne (ou nommée Syra) » (Lucil., 128. ap. Prisc., gramm., II, p. 209).
48 Cf. Porph., Hor. sat. 1, 5, 1 : Lucilio hac satura aemulatur Horatius iter suum a Roma Brundesium usque describens, quod et ille in tertio libro fecit, primo a Roma Capuam usque et inde fretum Siciliense. « Dans cette satire, Horace, en relatant son voyage de Rome à Brindes, rivalise avec Lucilius, qui fit un récit similaire dans son troisième livre, d’abord de Rome à Capoue puis à travers le détroit de Sicile. » Il est toutefois difficile d’évaluer le degré de réécriture directe, dans la mesure où seuls des fragments de Lucilius nous ont été transmis ; voir Fiske 1920, notamment p. 306-316, avec une tentative de comparaison systématique du poème d’Horace et des vers de Lucilius.
49 Ce poème est le récit d’un voyage à travers le sud-est de la péninsule italienne qu’entreprend Horace au printemps de l’année 37 av. J.-C. en compagnie d’intellectuels et d’acteurs politiques en vue. Le but de ce voyage, à l’origine duquel se trouvait Mécène, était d’organiser un rapprochement entre Antoine et Octave, dont l’alliance, le second triumvirat, arrivait bientôt à expiration. Le récit qu’en fait Horace pourrait toutefois lui adjoindre des épisodes survenus à d’autres occasions, dont le réalisme apparaît sujet à caution (Anderson 1955 ; Gowers 2012, p. 182-184). Ce poème sera à partir de maintenant désigné sous le titre conventionnel de Voyage à Brindes.
50 « Au sortir de cet endroit, l’Apulie commença à montrer ses montagnes dont j’étais familier, montagnes desséchées par l’Atabulus que jamais nous n’aurions réussi à grimper si une ferme voisine de Trivicum ne nous avait accueillis, non sans une fumée qui tirait des larmes, car, dans la cheminée, brûlaient des rameaux humides avec leurs feuilles. Là, triple idiot, j’attends une trompeuse jeune fille jusqu’au milieu de la nuit. Le sommeil me prend pourtant, tout excité par Vénus. Des songes remplis de visions impures souillent ma chemise de nuit et mon ventre, couché que je suis sur le dos » (Hor., sat., 1, 5, 77-85).
51 Voir par exemple Rocher 1927, p. 74-75 avec références et p. 78. Pour Festus, il s’agissait plutôt, à l’origine, d’une graphie rustique d’une valeur plus dialectale que sociale (voir Väänänen 1937, p. 50). Toutefois, contrairement à ce que conclut K. Rocher (1927, p. 77), cette variante en -o- est attestée épigraphiquement dans des zones géographiques variées, ce qui interdit de la cantonner avec le linguiste aux sphères d’influence ombrienne et volsque.
52 Suet., Vesp., 22, 3. De même, le changement de la graphie Claudius en Clodius pour le gentilice du tribun de 58 av. J.-C. s’expliquerait par cette prononciation populaire, avant même son passage d’une gens patricienne à une gens plébéienne après son adoption en 59 (Riggsby 2002). Inversement, une graphie pourtant correcte en -o- a pu être parfois transformée en -au- par un phénomène d’« hyperurbanisme », ce qui explique par exemple la coexistence de plaudo à côté de la forme étymologiquement justifiée plodo, d’ausculor à côté d’osculor, d’austium à côté d’ostium (Rocher 1927, p. 75).
53 Varro, Men., 329.
54 Voir Cic., inu., 2, 14 ; Cic., diu., 1, 57, repris brièvement en 2, 135. Pour ces différents passages, on trouve toutefois des leçons concurrentes en – au – dans les manuscrits.
55 « Mais voilà que vous subornez, à ce qu’on nous annonce, un homme aux nombreux hôtes, un certain A. Bivius, aubergiste sur la uia Latina, qui déclare avoir été molesté dans son établissement par Cluentius et ses serviteurs » (Cic., Cluent., 163).
56 Cf. infra les développements consacrés au terme hospes.
57 Mart., 1, 26, 9 ; 2, 48, 1 ; 2, 51, 3 ; 3, 57, 1 ; 3, 58, 24 (d’autres manuscrits proposent caupo) ; 3, 59, 2 ; 7, 61, 9 ; 13, 11, 2.
58 Hor., sat., 1, 1, 29 ; 1, 5, 4 ; Iuv., 6, 591 ; 9, 108.
59 Pour un rappel de l’état de la question, voir par exemple Richmond 1981 ; Salvatore 1994, en particulier p. 17-18 ; Holzberg 2005. Pour l’attribution et la date de la Copa, plusieurs théories ont pu être avancées : selon K. Büchner (1956, col. 139), qui fonde son argumentation sur des considérations métriques et stylistiques, il ne peut s’agir que d’un poème pré-virgilien (voir également D.L. Drew 1923 et 1925, qui considère le poème comme une imitation directe de Théocrite). En revanche, R.E.H. Westendorp Boerma (1958 ; 1971, p. 406-408 ; 1976, p. 653) met en lumière de nombreux parallèles entre ce poème et les œuvres de Virgile (en particulier Verg., ecl., 2) et de Properce (Prop., 4, 2) ; selon lui, le poème ne saurait dater que de la période suivant la parution du 4e livre des Élégies de Properce, à savoir d’environ 16 av. J.-C. Parmi d’autres, M. Rat (1935, p. 11) ne refuse pas l’attribution à Virgile, se fondant sur le témoignage de Servius qui ne fait pourtant pas l’unanimité parmi les auteurs anciens. Selon F.R.D. Goodyear (1977), rien n’empêche que le poème ait été écrit « at any time between 16 B.C. and (say) A.D. 50 » (p. 124). R.J. Tarrant (1992) va même plus loin en déclarant que « 50 A.D. is the earliest plausible date for the composition of the Copa, and […] numerous details of style would better fit an origin in the Flavian era or in the early second century » (p. 333).
60 Copa.
61 Suet., Nero, 27, 3.
62 « Ce sont autant des mots masculins que des mots féminins qui se terminent par la lettre o, mais avec un o bref au nominatif et un o long au génitif : ainsi “Cato Catonis, Cicero Ciceronis, Nero Neronis, Iuno Iunonis, regio regionis” : et pour des termes à la fois masculins et féminins, “cupo cuponis, fullo fullonis” ; il est vrai néanmoins que Virgile à intitulé son œuvre “Cupa” » (Char., gramm., 1, 63, 10).
63 Rocher 1927, p. 75 avec références.
64 Gloss., III, 308, 12 ; 525, 39.
65 « Pas de boulanger chez lui, pas de cave ; le pain et le vin viennent du marchand et de la “cupa” » (Cic., Pis., 67). Toutefois, l’usage de la préposition partitive de et non de a/ab, qui précède généralement en latin les désignations de personnes, invite à identifier plutôt dans le terme l’homonyme cupa/cuppa, renvoyant dès lors non au débitant de boissons mais au « tonneau » du marchand de vin chez qui Pison va s’approvisionner ; peut-être le passage de Charisius s’explique-t-il par une confusion avec ce terme.
66 Cf. chap. III.
67 Caupo peut en effet être employé en latin comme cognomen (cf. chap. III).
68 Cf. par exemple CIL, VIII, 9409 = CIL, VIII, 21066 (Césarée de Maurétanie).
69 Prostitution (cf. D., 23, 2, 43, pr., Ulp. 1 ad l. Iul. et Pap.) ; musique et danse (cf. par exemple Copa).
70 Hébergement, nourriture et boissons : Petron., 81-99 ; CIL, IX, 2689 = ILS, 7478 (AE, 1983, 329 f ; AE, 2005, 433), cf. infra ; hébergement et nourriture : Cic., inu., 2, 14 ; nourriture et boisson : Copa ; Firm., math., 4, 11, 2 ; hébergement et boisson : Apul., met., 1, 7, 7 et 1, 9, 3.
71 Hébergement, cf. par exemple Cic., diu., 1, 57 ; Val. Max., mem., 1, 7, ext. 10 ; AE, 1969/70, 121 (cf. RE13) ; nourriture : Mart., 13, 11, 2 ; Apul., apol., 57 ; D., 33, 7, 15, pr. (Pomp. 6 ad Sab.) ; boissons : Cic., Phil., 2, 77 ; CIL, XIII, 10018, 7, 32, 56, 57, 103, 120, 131, 153, 154, 157, 158 ; Mart., 1, 26, 9 ; Paul., Sent., 3, 6, 61 ; Apul., apol., 24 ; Cod. Theod., 9, 7, 1.
72 On trouvera en annexe une analyse synthétique de ce document énigmatique, auquel il sera fait référence à de nombreuses reprises dans le courant de cette étude (Annexe I).
73 « Lucius Calidius Eroticus a fait faire cette inscription de son vivant pour lui-même et pour Fannia Voluptas. “Aubergiste, l’addition ! / – Tu as un demi-litre de vin. Du pain : un as. Le plat du jour : deux as. / – D’accord. / – La fille : huit as. / – D’accord pour ça aussi. / – Du foin pour ta mule : deux as. / – Cette maudite mule causera ma mort !” » (CIL, IX, 2689 = ILS, 7478 ; AE, 1983, 329 f ; AE, 2005, 433) ; restitution d’après Flobert 1980.
74 Kleberg 1957, p. 5 = 1934, p. 9.
75 Cf. Ambr., spir., 1, 9, 102 (CSEL, 79, p. 59) ; Ambr., fid., 3, 10, 65 (CSEL, 78, p. 132) ; Ambr., Tob., 5, 17 (CSEL, 32, 2, p. 526) ; Ambr., in psalm. 118, 11, 20 (CSEL, 62, p. 246) ; Hier., c. Vigil., 1 (PL, 23, col. 355) ; Hier., in Is., 1, 22 (CCSL, 73, p. 21), et l’exemple donné par Isidore (Isid., orig., 10, 58) : caupo pessimus de uino aquam faciens.
76 (« Ton argent s’est changé en scories, Ton vin a été coupé d’eau », Is., 1, 22, trad. L. Segond). Voir Kleberg 1957, p. 112 = 1934, p. 136.
77 « Ton argent est sans valeur, Tes aubergistes ont changé ton vin en eau. »
78 Argentum tuum uersum est in scoriam ; uinum tuum mixtum est aqua. « Ton argent s’est changé en scories, Ton vin a été coupé d’eau » (Vulg., Is., 1, 22, trad. L. Segond).
79 « Il y a des gens pour mêler l’eau au vin comme de mauvais aubergistes, qui altèrent la parole de Dieu et dont les mots sont viciés, quel que soit ce qu’ils ont tiré de leur bouche perfide et comme ivre, et, par là, leur discours obéit à une loi étrangère » (Ambr., in psalm. 118, 11, 20, CSEL, 62, p. 246).
80 Cf. chap. III.
81 Cf. Cor. 2, 17. En latin, cf. par exemple Aug., c. Faust. 11, 1 (CSEL, 25, p. 313) : Sed quia uobis ita placet, qui numquam sine stomacho auditis aliquid esse in apostolo cauponatum. « Mais puisque cela vous convient, à vous qui n’entendez jamais sans dégoût qu’un passage d’un apôtre a été altéré ».
82 « qui préparent au moyen de denrées courantes et communes tout ce qui est nécessaire à la nourriture et à la boisson » (Firm., math., 4, 11, 2).
83 Cf. Cod. Theod., 11, 10, 1 (a. 369) ; Claud., 18, 198 (institor imperii, caupo famosus honorum ; « exploitant de l’empire, maudit trafiquant d’honneurs ») ; Ambr., Tob., 14, 50 (CSEL, 32, 2, p. 547) ; Salv., eccl., 1, 6 et 4, 38, deux passages dans lesquels caupo est associé au terme propola, lui-même transposé du grec.
84 Voir Kleberg 1957, p. 5 = 1934, p. 8. C’est sans doute selon une logique similaire que le terme allemand Wirtschaft (« économie ») se trouve formé sur Wirt (« aubergiste », « hôtelier »), les aubergistes exerçant également des activités de vente au détail à la période médiévale (voir Peyer 1987, p. 220).
85 Cf. par exemple Hist. Aug., Car., 14, 1.
86 Le terme deuerticulum désigne ainsi en latin un chemin de traverse (cf. par exemple Cic., Pis., 53 ; Serv., Aen., 9, 377 et pour un emploi métaphorique Iuv., 15, 72).
87 Est exclu de cette liste le substantif deuersoriarius, -i, qui n’est attesté que dans les Glossaires, où il désigne un professionnel de l’hébergement (cf. Gloss., II, 233, 5 ; 393, 17).
88 Cf. Walde – Hofmann 1938-19543, 2, p. 763-765, s. u. « uerto, ere » ; Ernout – Meillet 19854, p. 725-726, s. u. « uerto, ere » ; De Vaan 2008, p. 666, s. u. « ue/uorto, ere ».
89 Ainsi, la forme deuorsorium est seule attestée chez Plaute (Plaut., Men., 436 ; Most., 966 ; Pseud., 658, 961 ; Truc., 697 ; et, dans des emplois non commerciaux Men., 264 ; Mil., 240, 385, 741, 1110 ; Poen., 673 ; Stich., 534 ; Trin., 673). Pour ces différents passages, les leçons peuvent toutefois varier d’un manuscrit à l’autre. Par la suite, bien que largement supplantée par deuersorium à partir au moins du Ier s. av. J.-C., cette forme se maintient tout au long de la période prise en compte par cette étude. Ces observations sont bien entendu fonction des incertitudes que pose la transmission manuscrite des textes : les éditions hésitent ainsi souvent, surtout au sujet des occurrences les plus anciennes, entre des formes en – ue – ou en – uo –.
90 Attestée pour la première fois dans une des leçons de la Rhétorique à Herennius (Rhet. Her., 4, 51, 64), cette forme ne devient majoritaire qu’à partir du IIIe s. apr. J.-C.
91 « Mais peu de temps après, l’aubergiste se met à crier qu’un homme a été assassiné et en compagnie d’autres clients de l’auberge se lance à la poursuite du voyageur qui s’était mis en chemin un peu auparavant » (Cic., inu., 2, 15).
92 « En effet la vieille, qui avait passé un certain temps à se pinter avec les gens de l’auberge, n’aurait même pas pu sentir la brûlure du feu, et nous aurions bien pu dormir sur le seuil, si l’homme envoyé par Trimalchion n’était pas intervenu » (Petron., 79, 6).
93 « Tandis que se jouait cette scène d’amour, un homme du lieu entra avec le reste du dîner » (Petron., 95).
94 Voir Kleberg 1957, p. 7 = 1934, p. 12 et, pour un bilan partiel des traductions proposées, Rowell 1957, p. 222.
95 Cf. par exemple ianitor (« portier ») ; olitor (« marchand des quatre saisons ») ; uindemiator (« vendangeur »). Voir Fruyt 1990, p. 59-61. Au sein de cet ensemble de noms d’agents en -tor, deuersitor appartiendrait plus précisément à la catégorie des désignations formées sur un procès : à signaler toutefois la singularité que représente la référence à un procès passif (le deuersitor serait littéralement « celui qui permet le séjour ») et non actif, à la différence par exemple du textor, « celui qui tisse » (de texo, -ire).
96 Rowell 1957, p. 223 : « It is not difficult to imagine that one of the regular clients was helping out in the inn which he frequented by bringing Encolpius part of his dinner. »
97 Frier 1977, p. 32.
98 « Deux Arcadiens, qui voyageaient de conserve, étaient parvenus à Mégare. L’un avait élu domicile chez un aubergiste, l’autre chez son hôte » (Cic., diu., 1, 57). Cette observation vaut également pour la forme déponente deuersor, -ari : on comparera ainsi l’emploi qu’en fait Tite-Live pour désigner le séjour d’Hannibal chez des aristocrates capouans en 216 av. J.-C. (Liv., 23, 8, 1) à la manière dont Valère Maxime le fait pour sa part figurer dans un contexte hôtelier (Val. Max., mem., 1, 7, ext. 10) ; ce verbe peut même être amené à désigner le séjour durable, voire la résidence pérenne (cf. par exemple Apul., met., 1, 21, 4-5).
99 « Je sais cependant combien tout cela me coûtera quand je rentre dans une auberge » (Sen., benef., 6, 15, 7).
100 « Alors les magistrats, une fois connus la nature du dommage et le nom de l’homme à la tête des opérations, viennent aux portes de notre logis et somment à haute et intelligible voix notre hôte de livrer ceux qu’il cachait selon toute vraisemblance, c’est-à-dire nous, sous peine d’encourir personnellement la peine capitale » (Apul., met., 9, 41, 4).
101 Cf. notamment Sidon., epist., 2, 2, 7 et 2, 9, 13 : sur cet emploi spécialisé de deuersorium et sur l’identification des réalités archéologiques correspondantes, après la première approche proposée par Morvillez 2002, voir Carrié 2010.
102 « Je me réjouis que Macula ait fait son devoir. Son domaine de Falerne m’a toujours semblé offrir un séjour convenable, si du moins il s’avère assez grand pour mon monde. Du reste le lieu ne me déplaît pas. Je ne renonce pas pour autant à ton Petrinum ; mais cette villa, son charme, demandent un séjour prolongé, pas un simple passage » (Cic., epist., 6, 19, 1).
103 Sen., epist., 108, 6 ; pour un emploi de ce procédé dans un contexte positif, cf. Ambr., in Luc, 8, 56 (CCSL, 14, p. 318) où il est question du diuersorium sanctitatis.
104 Cf. par exemple Hor., epist., 1, 15, 10-11 : Mutandus locus est et deuersoria nota / praeteragendus equus. « Il faut changer de lieu, et pousser son cheval au-delà des logis connus. » Le terme deuersorium, généralement rendu par « auberge », pourrait également désigner un logis provisoire au sens large. Même problème pour le diuersorium uiatorum de Jérôme (Hier., in Ier., 2, 70, CSEL, 59, p. 117), même si dans ce cas l’inflexion commerciale de l’image est plus vraisemblable.
105 « Si un entrepôt ou une auberge ou un terrain ont été loués » (D., 20, 2, 3, Ulp. 73 ad ed.). Cf. également D., 7, 1, 13, 8 (Ulp. 18 ad Sab.) où les deuersoria sont donnés comme exemples d’établissements commerciaux susceptibles d’être implantés dans une domus, au même titre que les fullonicae.
106 « Ajoutons que le domaine de celui qui aura reçu le gouverneur de province sur sa propriété, où ce dernier aura fait étape pendant son trajet, sera revendiqué par les services fiscaux » (Cod. Theod., 1, 16, 12, a. 369).
107 Deuersorium peut ainsi être mentionné dans les inscriptions funéraires pour désigner l’ultime demeure du défunt (cf. par exemple AE, 1966, 61).
108 Cf. infra.
109 On pourra citer à titre d’exemple ce passage du Pseudolus de Plaute, ego deuortor extra portam huc in tabernam tertiam / apud anum illam doliarem, claudam, crassam Chrysidem (« J’ai élu domicile hors de l’enceinte dans le troisième établissement hôtelier, chez Chrysis, une vieille ronde comme une barrique, boiteuse, grasse », Plaut., Pseud., 658-659), où la mention en contexte de la taberna vient préciser le type de séjour auquel le personnage a recours, sans qu’il soit nécessaire pour l’intelligibilité du passage de présumer l’existence pour le verbe deuortor d’un sens secondaire réservé à l’accueil mercantile.
110 Plaut., Men., 436 ; cf. également Plaut., Truc., 697-698. On retrouve cette expression chez Varron (rust., 1, 2, 23) mais elle disparaît ensuite rapidement au profit du seul deuersorium, à l’exception toutefois d’un passage de Suétone, où elle est attestée sous la forme taberna deuersoria (Suet., Nero, 27, 3).
111 Sur la datation de ce traité de rhétorique anonyme, voir Achard 1989, p. VI-XIII.
112 « C’est alors que par hasard se présentent des hôtes qu’il avait invités au cours d’un de ces voyages qu’il mène sur un grand pied. Naturellement, cette aventure n’est pas sans troubler sérieusement notre homme, mais il ne s’en défait pas pour autant de son vice naturel. […] Sur ces mots, il arrive dans une maison où était prévu, pour le même jour, un repas d’association. Comme il connaissait le maître de maison, il entre avec ses hôtes. “C’est ici, dit-il, que j’habite.” Il examine l’argenterie qui était exposée, après avoir vu le triclinium tout préparé ; il approuve. Un petit esclave arrive ; il dit distinctement à notre homme que le maître de la maison était sur le point de rentrer ; s’il voulait bien, lui, s’en aller ? “Vraiment ? dit-il. Partons, mes hôtes. Mon frère est arrivé de Falerne. Je vais aller au-devant de lui ; vous, venez ici à la dixième heure.” Les hôtes s’en vont ; lui se précipite à la hâte vers sa véritable maison. À la dixième heure, eux se rendent à l’endroit indiqué. Ils le demandent ; ils découvrent à qui appartient la maison ; au milieu des moqueries, ils s’en vont à l’auberge » (Rhet. Her., 4, 50-51, 63-64).
113 Cf. Liv., 45, 20, 4-10 sur l’enjeu que représente l’hospitium publicum comme symbole des relations politiques et diplomatiques entre Rome et ses alliés-clients. Ainsi les propos du consul M. Iunius : Pronuntiat sociis et amicis et alia comiter atque hospitaliter praestare Romanos et senatum dare consuesse : Rhodios non ita meritos eo bello, ut amicorum sociorumque numero habendi sint. « Il déclare que c’est à des alliés et à des amis que les Romains avaient l’habitude de conférer des marques de bienveillance et d’hospitalité et d’accorder une audience au Sénat ; les Rhodiens ne se sont pas si bien comportés pendant cette guerre qu’ils méritent d’être comptés au nombre des amis et des alliés » (Liv., 45, 20, 8).
114 « Auparavant, après la victoire sur Carthage, l’écrasement de Philippe et d’Antiochus, lorsque nous nous rendions à Rome, c’est d’un logement fourni par l’État que nous sortions pour venir à la Curie vous féliciter, sénateurs, et pour de la Curie au Capitole aller porter des offrandes à vos dieux ; mais dorénavant, c’est au sortir d’une auberge sordide, où nous avons eu à payer pour être à peine reçus et où l’on nous a cantonnés, hors de la ville, presque comme si nous étions des ennemis, que nous nous sommes rendus, en habits de suppliants, dans la Curie romaine, nous les Rhodiens, à qui vous aviez récemment offert les provinces de Lycie et de Carie, à qui vous aviez offert les plus grands des honneurs et des récompenses » (Liv., 45, 22, 1-2). Les Romains reprochaient en effet aux Rhodiens leur comportement trouble pendant la troisième guerre de Macédoine ; le traitement subi par leurs ambassadeurs constituait un outrage symbolique. Pour une analyse plus détaillée du passage, cf. chap. II.
115 Le récit de la Nativité dans l’Évangile selon Matthieu ne fait en revanche pas mention du lieu où séjournent Marie et Joseph à leur arrivée à Bethléem (Matth., 1).
116 « En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre. Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David, afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Pendant qu’ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva, elle enfanta son fils premier-né. Elle l’emmaillota, et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie » (Luc, 2, 1-7, trad. L. Segond).
117 Vulg., Luc., 2, 1-7.
118 « Notre Seigneur fut placé dans la crèche, parce qu’il n’y avait pas de place à l’auberge. C’est la synagogue qui est désignée par l’expression “à l’auberge”, parce qu’envahie comme elle l’était par l’erreur de l’infidélité, elle ne méritait pas de recevoir en elle le Christ. On entend du reste par auberge la synagogue, parce que de même que se rendent à l’auberge (“diuersorium”) différents (“diuersae”) types de voyageurs, de même la synagogue héberge toutes les infidélités et l’erreur totale, de sorte que le Christ ne peut y trouver de place » (Chromat., serm., 32, 3, CCSL, 9A, p. 145-146).
119 Constable 2003, p. 16.
120 Cf. par exemple Sen., benef., 6, 15, 7 ; Petron., 124, 4.
121 Cf. Petron., 95.
122 Cf. Petron., 79, 6.
123 Cf. Suet., Nero, 27, 3.
124 Ernout – Meillet 19854, p. 651, s. u. « sto, stare » ; De Vaan 2008, p. 589-590, s. u. « sto, stare ».
125 Ernout – Meillet 19854, p. 652, s. u. « stabulum » ; Walde – Hofmann 1938- 19543, 2, p. 584, s. u. « stabulum ».
126 Cf. par exemple Plaut., Aul., 233 ; Mil., 304.
127 Cf. par exemple Pacuv., trag., 16 Ribb.
128 Acc., trag., 416.
129 Cet emploi est attesté à plusieurs reprises chez Plaute, dans des occurrences le plus souvent péjoratives (Plaut., Cas., 149-160 ; Truc., 587). Il se retrouve par la suite surtout à la période chrétienne (cf. par exemple Apon., 2, 25, CCSL, 19, p. 54).
130 Gell., 16, 5, 10 : mais cet emploi semble peu usuel et métaphorique, puisque stabulatio désigne généralement en latin le fait, pour un animal de ferme, d’être au pâturage ou le lieu de pâturage proprement dit (cf. infra) ; dans le passage, l’auteur sent d’ailleurs le besoin de le modaliser par l’emploi de quaedam. Cf. également Macr., sat., 6, 8, 20 et Non., p. 53, 6.
131 Cf. Catull., 63, 50-55 ; Verg., Aen., 6, 179-183 ; Stat., Theb., 1, 377-378.
132 Cf. par exemple Pacuv., trag., 121 Ribb et Plaut., Poen., 268. Contra Földi 1999, p. 126, pour qui ce sens d’écurie est en revanche plus récent, ce qu’une reprise exhaustive du corpus textuel dément formellement.
133 Cf. par exemple Verg., ecl., 6, 55-60 (étable destinée aux bovins) ; Ov., fast., 2, 799-800 (bergerie).
134 Cf. par exemple Varro, rust., 2, 5, 5 (étable) ; Varro, rust., 2, 7, 7 (écurie) ; Colum., 7, 3, 8 (bergerie).
135 Cf. par exemple Apul., met., 3, 26, 4 ; 4, 1, 5 ; 7, 27, 2.
136 Il est ainsi question des stabula auium dans Colum., 8, 1, 3.
137 Varro, rust., 3, 3, 7.
138 Ibid.
139 Varro, rust., 3, 5,14.
140 Varro, rust., 3, 8, 3.
141 Cf. par exemple Varro, rust., 2, 9, 10 ; Vitr., 6, 6, 4. Le terme est même employé en référence à l’habitat des poissons d’élevage chez Columelle (Colum., 8, 16, 2).
142 Cf. par exemple Colum., 6, 3, 4.
143 Cf. par exemple Colum., 6, 23.
144 Cf. en particulier l’emploi du terme dans D., 4, 9, 5, pr. (Gaius 5 ad ed. prouinc.) ; pour une acception similaire en dehors de la littérature juridique, cf. Suet., Vit., 7, 6.
145 Cf. Cic., Phil., 2, 69.
146 « personne ne se considère l’hôte d’un hôtelier ou d’un aubergiste » (Sen., benef., 1, 14, 1).
147 Ainsi, dans le Satiricon, le premier établissement où séjournent les deux protagonistes est qualifié dès les premières lignes du texte conservé de stabulum, sans qu’aucun qualificatif supplémentaire ne vienne ici préciser sa vocation hôtelière (Petron., 6, 3). Cf. également Petron., 8, 2 ; 16, 4 ; 79, 8. Chez Apulée, la lexicalisation de ce sens de stabulum ne fait non plus aucun doute : cf. Apul., met., 1, 4, 6 ; 1, 15, 1 ; 1, 17, 2 (stabularius) ; 1, 17, 8 (stabularius) ; 1, 21, 2.
148 « Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit : “Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour” » (Vulg., Luc., 10, 33-35, trad. L. Segond, 1910). Cf., en regard, la version grecque : Σαμαρίτης δέ τις ὁδεύων ἦλθεν κατ’ αὐτὸν καὶ ἰδὼν ἐσπλαγχνίσθη καὶ προσελθὼν κατέδησεν τὰ τραύματα αὐτοῦ ἐπιχέων ἔλαιον καὶ οἶνον ἐπιβιβάσας δὲ αὐτὸν ἐπὶ τὸ ἴδιον κτῆνος ἤγαγεν αὐτὸν εἰς πανδοχεῖον καὶ ἐπεμελήθη αὐτοῦ. Καὶ ἐπὶ τὴν αὔριον ἐκβαλὼν ἔδωκεν δύο δηνάρια τῷ πανδοχεῖ καὶ εἶπεν. Ἐπιμελήθητι αὐτοῦ καὶ ὅ τι ἂν προσδαπανήσῃς ἐγὼ ἐν τῷ ἐπανέρχεσθαί με ἀποδώσω σοι (26e éd. de Nestle-Aland).
149 D., 4, 9, 5, pr. (Gaius 5 ad ed. prouinc.). Il est vrai que dans ce passage on pourrait à la rigueur comprendre stabularius dans un sens hôtelier, en émettant l’hypothèse d’une distinction nette entre langue du droit et usage : stabularius pourrait alors se voir conférer un sens technique et désigner ici l’aubergiste dès lors qu’il recevait des animaux, le terme caupo étant pour sa part réservé aux aubergistes qui n’accueillaient que des voyageurs à pied (Földi 1999, p. 129). Une telle distinction servirait notamment à rendre compte des responsabilités particulières qui incombaient aux professionnels recevant à pied et à cheval. Mais même en supposant l’existence dans les sources juridiques d’un sens technique de stabulum – « auberge avec écurie » qui ne serait pas attesté en dehors de la langue du droit (cf. infra), ce sens paraît s’être estompé avec le temps, au bénéfice de l’acception d’auberge au sens large.
150 Cf. par exemple D., 4, 9, 6, 2 (Paul. 22 ad ed.).
151 « Donc quand le bien a été détruit dans l’auberge ou sur le navire, en vertu de l’édit du préteur, l’armateur du navire ou l’aubergiste voient leur responsabilité engagée, de sorte qu’il est du ressort de celui à qui le bien a été subtilisé de voir s’il préfère agir contre l’exploitant en vertu du droit honoraire ou contre le voleur en vertu du droit civil » (D., 47, 5, 1, 3, Ulp. 38 ad ed.).
152 « Pour tous les biens qui ont subi un dommage dans l’auberge, la pension ou l’hôtel, l’actio furti s’applique à leurs exploitants » (Paul., Sent., 2, 31, 16). Mais il pourrait s’agir d’un remaniement postérieur (remaniements auxquels les textes de Paul ont été largement soumis, voir Johnston 1999, p. 22).
153 D., 17, 2, 52, 15 (Ulp. 31 ad ed.). Cf. infra.
154 D., 47, 10, 5, 5 (Ulp. 56 ad ed.) et D., 50, 16, 198 (Ulp. 2 de omn. trib.).
155 Meritoria uel stabula dans le premier cas, stabula uel alia meritoria dans le second.
156 Voir Kleberg 1957, p. 18 et 28 = 1934, p. 26 et 40. T. Kleberg remarque qu’avec le temps « cette légère nuance semble toutefois s’être estompée ». L’hypothèse d’un stabulum- « auberge-écurie » est reprise à de nombreuses reprises dans la bibliographie tant historique qu’archéologique ou juridique. Voir par exemple Casson 1974, p. 207 ; Packer 1978, p. 44 ; Chevallier 1988, p. 68 ; 19972, p. 282 ; Serrao 1989, p. 149 ; Eschebach – Müller-Trollius 1993 ; DeFelice 2001, p. 178 ; Guédon 2010, p. 89 ; Grossi 2011, p. 3.
157 Cf. Petron., 98 où le caupo est à la tête d’un établissement qualifié tantôt de deuersorium (81), tantôt de stabulum (97).
158 Cf. la stèle d’Aesernia où figurent un copo, son client et la mule de celui-ci (Annexe I).
159 Mommsen 1864-1879, 1, p. 326-354. Voir par exemple Leonhard 1913 ; Benveniste 1969 ; Gauthier 1973 ; Bolchazy 1977, p. 25-27.
160 Benveniste 1969, 1, p. 87.
161 Cf. entre autres Benveniste 1969, 1, p. 88. Pour une bibliographie plus ancienne, voir Walde – Hofmann 1938-19543, 1, p. 600-666, s. u. « hospes ».
162 Benveniste 1969, 1, p. 87 et p. 88-91. Cf. p. 91 : « Pour qu’un adjectif signifiant “soi-même” s’amplifie jusqu’au sens de “maître”, une condition est nécessaire : un cercle fermé de personnes, subordonné à un personnage central qui assume la personnalité, l’identité complète du groupe au point de la résumer en lui-même ; à lui seul, il l’incarne. »
163 Ernout – Meillet 19854, p. 300-301, s. u. « hospes ». L’article se conclut toutefois en ces termes : « Donc, comme pour sospes, l’étymologie n’est pas évidente. » Voir également Bolchazy 1977, p. 28.
164 « Die Zweifel an der Herleitung von hospes aus *hosti-pot (i) s und die Alternativvbdg. mit peto […] ist unbegründet » (Walde – Hofmann 1938-19543, 1, p. 661).
165 Lex XII tab. 2, 2 et 3, 7 ap. Cic., off., 1, 37. Cf. notamment le commentaire que donne Cicéron de cette évolution : Hostis enim apud maiores nostros is dicebatur quem nunc peregrinum dicimus. […] Quamquam id nomen durius effecit iam uetustas ; a peregrino enim recessit et proprie in eo qui arma contra ferret, remansit. « Nos ancêtres appelaient “hostis” celui que nous désignons aujourd’hui par le terme “peregrinus”. […] Du reste, déjà, le temps écoulé a durci le terme ; il s’est éloigné du sens de “peregrinus” et s’est fixé dans celui d’individu portant les armes contre nous. »
166 Et non pas, comme d’autres ont pu le penser, un ennemi à combattre : voir par exemple Lévy-Bruhl 1931 et Bierzanek 1962, p. 90. Cette interprétation se heurte au fait que le terme hostis ne prend le sens d’ennemi qu’à un stade ultérieur de son évolution.
167 Benveniste 1969, 1, p. 94.
168 Et inversement sans doute le Romain devenu hostis dans une cité étrangère. Voir Gauthier 1973, p. 16.
169 Mommsen 18873, 3, p. 590.
170 Voir Gauthier 1973, p. 20 ; Hiltbrunner 1983, p. 11.
171 Voir Bolchazy 1977, p. 19.
172 Et non dès l’apparition du terme hospes, comme le soutient par exemple J. Gaudemet (1965, p. 39).
173 Cf. Serv., Aen., 8, 532 : Et qui suscipit et qui suscipitur hospes uocatur. « On appelle “hospes” (“hôte”) autant celui qui accueille que celui qui est accueilli. » Tous les termes évoqués dans ce développement peuvent renvoyer indifféremment à l’un et l’autre des deux hôtes, à l’exception de l’intransitif hospitor/hospito qui désigne presque exclusivement en latin le fait d’être accueilli quelque part, et du substantif hospitator, « hôte accueilli », qui n’est toutefois attesté que dans un passage d’Apulée (met., 4, 7, 4). Pour hospitium, la réciprocité stricte se cantonne au contexte de la relation formelle d’hospitalité ; ailleurs, le mot est généralement utilisé dans la perspective de l’hôte accueilli.
174 Voir entre autres Hiltbrunner – Gorce – Wehr 1972, p. 1097 ; Étienne – Le Roux – Trannoy 1987 ; Nicols 2001 ; Balbin Chamorro 2006 ; Badel – Le Roux 2011 ; Beltrán Llorís 2016.
175 La découverte des liens d’hospitalité qui unissent des individus encore parfaitement inconnus l’un de l’autre constitue d’ailleurs un des ressorts de la comédie plautienne, à l’exemple d’un célèbre passage du Poenulus où c’est grâce à des objets de ce type qu’Hannon, un Carthaginois parcourant la Méditerranée à la recherche de ses deux filles, reconnaît en Agorastoclès le fils adoptif de son hôte, qui avait été avant lui celui de son père (Plaut., Poen., 1039-1054).
176 « Nous appelons hôte quiconque habite dans notre maison pour un temps limité, qui n’est pas reçu en raison d’un lien de parenté mais en tant qu’étranger » (Cassiod., in psalm., 68, 9, CCSL, 97, p. 609). Pour des relations de ce type, cf. par exemple Cic., diu. in Caec., 50 ; Petron., 85, 1.
177 « Là où quelqu’un est logé pour un temps limité selon le droit de l’hospitalité » (Isid., orig., 15, 3, 10) ; il semble préférable de restreindre la définition d’Isidore au sens d’hospitium comme lieu destiné à l’accueil de l’hôte, en raison de la nature transitive du verbe inhabitare ; toutefois, on pourrait à la rigueur comprendre « quand quelqu’un est logé pour un temps limité selon le droit de l’hospitalité ».
178 Cf. par exemple Cic., S. Rosc., 15 ; Serv., Aen., 8, 269.
179 Voir Gauthier 1973, p. 17 et la présentation de l’hospitium publicum dans l’introduction de cette étude.
180 Cf. par exemple Plaut., Persa, 510 ; Cic., diu., 2, 79 ; Ov., met., 5, 658 ; Apul., met., 1, 23.
181 C’est de cette acception concrète d’hospitium comme lieu dédié à l’accueil que dérive, dans un état tardif de la langue, le diminutif hospitiolum, qui ne désigne toutefois que rarement des espaces destinés aux hôtes (cf. D., 9, 3, 5, 1, Ulp. 23 ad ed.) mais plus souvent une habitation modeste (en l’état actuel des sources, cet emploi se limite à l’œuvre de Jérôme, cf. par exemple Hier., epist., 42, 3, CSEL, 88, p. 317).
182 Cf. par exemple Cic., Cato, 84 ; Ov., fast., 1, 545 ; Liv., 2, 14, 8. On peut parfois hésiter sur le sens d’hospitium dans des expressions où in hospitium complète un verbe de mouvement, telles que uenire in hospitium (Varro, Men., 261) ou ire in hospitium (Liv., 22, 53, 9) : s’agit-il de gagner un lieu d’accueil ou ces expressions désignent-elles le fait de s’en remettre à l’hospitalité d’un hôte pour un séjour ?
183 Cf. par exemple Caes., ciu., 2, 20, 5 ; Liv., 24, 16, 16.
184 Cf. par exemple Plin., epist., 10, 81, 1.
185 Cf. Sen., dial., 6, 21, 1 (le monde) ; Sen., epist., 120, 14 (le corps) ; Sen., epist., 88, 35 (l’âme) ; ce motif est ensuite repris dans la littérature chrétienne (cf. infra).
186 Cf. Cod. Iust., 4, 26, 6 (a. 259).
187 « Deux amis venus d’Arcadie avaient fait route ensemble jusqu’à Mégare, dont l’un s’était confié aux bons soins d’un hôte et l’autre était descendu chez un loueur de chambres » (Val. Max., mem., 1, 7, ext. 10).
188 « Qui fait profiter d’un bienfait à n’importe qui ne s’en voit témoigner aucune reconnaissance ; personne ne se considère l’hôte d’un hôtelier ou d’un aubergiste » (Sen., benef., 1, 14, 1). Dans un sens similaire, même si la distinction est moins nette, cf. Cic., Pis., 53.
189 Ou Ambivius, selon une autre leçon (Cic., Cluent., 163).
190 « Sex. Roscius, le père de cet homme, était citoyen du municipe d’Amérie ; par sa naissance, sa noblesse et sa fortune, il était facilement le premier, non seulement de sa ville, mais aussi de tous les environs ; d’autre part, il brillait par son crédit et par ses relations d’hospitalité avec les hommes les plus nobles » (Cic., S. Rosc., 15). Cf. également les hospites multi qui permettent à un homme de manifester sa dignitas aux yeux d’autrui (Cic., off., 1, 139) et qui appartiennent au decorum des hommes en vue, c’est-à-dire littéralement à ce que l’on attend d’eux (Cic., off., 2, 64).
191 « De cet homme, nul besoin d’en dire plus pour le moment. S’il nous invite, comme c’est l’usage, nous le recevrons de telle sorte qu’il regrettera de s’être écarté du droit chemin » (Cic., Cluent., 163). L’expression de uia decessisse peut également être interprétée comme un double sens qui renvoie tant au mouvement que fait l’aubergiste en direction du client qu’il tente d’attirer dans son établissement qu’à la fausseté du témoignage d’A. Bivius, accusé de s’être écarté de la voie de la vérité.
192 « De là nous nous rendons directement à Bénévent, où un hôte zélé faillit provoquer un incendie en tournant sur le feu de maigres grives ; car la flamme vagabonde qui s’échappait du foyer effondré à travers l’archaïque cuisine se hâtait d’aller lécher le haut du toit. Tu aurais pu voir les convives affamés et les esclaves craintifs éloigner le repas et tenter d’éteindre le feu tous ensemble » (Hor., sat., 1, 5, 71-76).
193 La dimension commerciale de l’établissement peut en effet se déduire du caractère burlesque de la scène et de l’absence de précisions sur l’identité de l’hôte, en contraste net avec d’autres passages où le poète rend grâce à ceux qui l’ont accueilli avec ses compagnons de route durant le voyage (cf. infra).
194 On mettra ainsi en doute l’interprétation de T. Kleberg, qui se fonde sur ce passage du Voyage à Brindes pour conclure que hospes acquiert un sens spécialisé réservé à l’accueil mercantile dès la fin du Ier s. av. J.-C. (« À ma connaissance, le sens de “hôte d’auberge” apparaît pour la première fois dans le récit de voyage d’Horace (sat., 1, 5) », Kleberg 1957, p. 12 = 1934, p. 18), tout en s’étonnant de ce que ce type d’emploi semble disparaître ensuite jusqu’à la fin du Ier s. apr. J.-C. ; en réalité, chez Horace, cet usage obéit encore à un effet mélioratif ou plus sûrement ironique.
195 « Mais si [Vénus] se trouve dans des lieux bas et paresseux, elle donnera des hôteliers, des restaurateurs, des bistrotiers, des parfumeurs, ainsi que ceux dont l’activité consiste à vendre, pour les jours de fêtes et de cérémonies religieuses, des couronnes de fleurs de toutes sortes et tout ce qui est nécessaire à la joie et au plaisir » (Firm., math., 4, 21, 6).
196 Cf. infra.
197 Le sens plus large de « boutiquier » (cf. infra) contrasterait en effet avec la précision du reste des activités, qui sont toutes orientées vers le loisir et le plaisir.
198 On trouve de même l’emploi dans ce sens d’hospitalis dans une inscription en provenance de Narbonnaise (CIL, XII, 4377 = ILS, 7476). Cf. RE8.
199 Cf. CIL, IV, 4957 (CLE, 932) ou encore CIL, XIII, 10018, 95.
200 « Hôtesse, remplis ma coupe de cervoise » (CIL, XIII, 10018, 7 = ILS, 8609l). L’évocation du copo dans l’inscription garantit la destination commerciale de l’objet. Certes, hospita pourrait constituer en soi une désignation méliorative ; mais pourquoi, dans ce cas, avoir limité cet effet à la femme et avoir conservé pour l’homme la désignation copo, en optant de surcroît pour une graphie populaire ? Même hésitation entre sens technique et effet mélioratif pour CIL, III, 6021, 1 ; CIL, XIII, 10024, 143 a-c.
201 « Ce n’est pas pour rien, dit-il, que ces aubergistes sont haïs de tous leur clients » (Apul., met., 1, 17, 2) ; cf. également Petron., 95, 5 et 7.
202 Cf. Stat., silu., 1, 5, 60 ; Anth., 120, 4 ; 121, 2.
203 Cf. par exemple RE10 ; peut-être CIL, X, 4104 = ILS, 6038 et CIL, XII, 2462 même si, dans ces deux cas, la dimension commerciale de l’inscription n’est pas établie de manière certaine et si, dans le second, le caractère fragmentaire de l’inscription rend la restitution hasardeuse. Dans l’inscription RE13, l’aubergiste P. Umidius Strato joue d’ailleurs de manière plaisante sur le double sens possible d’hospes, quand il évoque les hospites et amici qui commémoreront le souvenir de ses bienfaits.
204 Si ce n’est dans Cic., Cluent., 163, si l’on conserve la leçon homo multorum hospitum ; le commentaire ironique vise toutefois moins les clients de l’auberge que l’aubergiste désigné par cette périphrase.
205 CIL, IV, 3779 (CA1Pompéi20). On hésitera en revanche davantage sur le sens d’hospitium dans CIL, IV, 807 = ILS, 6036 (RE2) : Hospitium hic locatur / triclinium cum tribus lectis / et comm (odiis) [omnibus ?]). « Hôtel/hébergement à louer. Triclinium avec trois lits et [toutes] commodités. » Il pourrait en effet s’agir ici tant d’une allusion à l’accueil stipendié dispensé par l’établissement qu’à sa mise en location, voire la location de son triclinium « privatisable » (Di Stefano Manzella 1992, p. 20 ; sur cette inscription, cf. infra).
206 « L’abus a été réprimé ; une loi contre la brigue a réduit les dépenses des candidats, honteuses et infâmes ; Trajan leur a ordonné de placer le tiers de leur patrimoine en biens fonciers, car il jugeait (et ça l’était réellement) indigne de considérer, quand on briguait les honneurs, Rome et l’Italie non comme une patrie mais comme un hôtel ou une auberge où l’on ne ferait que passer, à la manière d’étrangers » (Plin., epist., 6, 19, 4).
207 « Au sortir de Rome la grande, Aricia me reçut dans un gîte modeste » (Hor., sat., 1, 5, 1-2).
208 Cf. par exemple, vs. 38 : Murena praebente domum (« Murena nous offrait sa maison ») ; vs. 50 : hinc nos Coccei recipit plenissima uilla (« de là nous fûmes reçus dans l’opulente villa de Cocceius ») ; dans ce second cas, l’hôte fait partie des voyageurs.
209 L’emploi de modicus pour qualifier un édifice est néanmoins peu répandu en latin classique (un exemple chez Tacite, ann., 2, 84, 1).
210 Voir Kleberg 1957, p. 12 = 1934, p. 19.
211 Cf. par exemple Sen., benef., 6, 15, 7 ; Petron., 91, 3 ; 94, 10 ; Apul., met., 1, 7, 3. Contrairement à ce qu’affirme T. Kleberg (1957, p. 13 = 1934, p. 20), il n’est pas du tout certain que le sens spécialisé d’hospitium soit nécessairement à restituer dans ces différents passages.
212 Cf. RE10 où l’aubergiste Septumanus joue délibérément sur la polysémie d’hospitium, qui, si l’on considère le début de l’inscription, semble pris dans son sens abstrait mais qui, joint au très matériel prandium et au contexte général du texte, désigne en réalité une auberge.
213 Voir Kleberg 1957, p. 14 = 1934, p. 21.
214 Voir Walde – Hofmann 1938-19543, 2, p. 75-76, s. u. « mereo, ere » ; Ernout – Meillet 19854, p. 399, s. u. « mereo, ere » ; De Vaan 2008, p. 374-375, s. u. « mereo ».
215 Cf. par exemple Plaut., Pseud., 1192 ; Sen., benef., 6, 15, 8.
216 Cf. par exemple Isid., orig., 9, 3, 34 ; Cic., Mur., 12 ; dans un emploi absolu, le verbe peut désigner le fait d’effectuer son service militaire (cf. Cic., Verr., 2, 5, 161 ; CIL, VIII, 12128).
217 Cf. par exemple Cod. Theod., 1, 29, 1 (a. 364) ; Cod. Iust., 12, 19, 7, 2.
218 Des éloges (Cic., diu. in Caec., 60) ; la gloire (Liv., 2, 1, 3) ; l’immortalité (Cic., Phil., 1, 34).
219 La haine (Caes., Gall., 6, 5, 2) ; un châtiment (Ov., met., 10, 154).
220 Cf. par exemple Plaut., Trin., 659 ; Caes., Gall., 1, 40, 5 ; et pour les expressions lexicalisées bene merere, Cic., epist., 10, 17, 3 et male merere, Sen., contr. exc., 6, 2.
221 Cf. par exemple CIL, III, 14491 ; CIL, XI, 4751. Pour un emploi du participe parfait passif meritus, -a, -um, CIL, III, 14594 ; CIL, VIII, 11744.
222 Cf. par exemple Suet., Claud., 15, 5 ; Tert., nat., 2, 10 (CCSL, 1, p. 58).
223 Cf. Amm., 28, 4, 9 ; Arnob., nat., 6, 12 (CSEL, 4, 3, p. 320).
224 Voir Walde – Hofmann 1938-19543, 2, p. 75-76 ; Ernout – Meillet 19854, p. 399, s. u. « meretrix » ; De Vaan 2008, p. 374-375.
225 Sen., epist., 88, 1.
226 Cf. par exemple Suet., Iul., 57, 2 ; Cal., 39, 1.
227 Val. Max., mem., 1, 7, ext. 10, à rapprocher de Cic., diu., 1, 57.
228 Par conséquent, l’interprétation proposée par J. Dubouloz (2011, p. 119-120 ; n. 31), qui fait de taberna meritoria une habitation durable de la plèbe pauvre, mériterait d’être précisée ; cf. également Pirson 1999, p. 19.
229 Cf. par exemple Oros., hist., 6, 18 (CSEL, 5, 1, p. 589).
230 Paul., Sent., 2, 31, 16.
231 Plin., epist., 2, 17, 26.
232 Cf. Suet., Vit., 7, 2, où il qualifie l’appartement que Vitellius prend à bail pour y habiter avec sa famille ; également Char., gramm., p. 406, 24 (domus meritoria).
233 Dans les quelques occurrences où le terme paraît désigner une personne, plus précisément un individu se livrant à la prostitution, il est en effet toujours possible de sous-entendre en contexte un autre substantif et d’identifier ainsi, au lieu du substantif meritorium, l’adjectif meritorius, -a, -um. Cf. Cic., Phil., 2, 105 ; Aur. Vict., Caes., 28, 6.
234 « Tu crois que tu pénètres seulement dans le bordel quand tu rentres dans la maison close de la prostituée ? Tu y es entré du moment que la courtisane s’est insinuée dans tes pensées, tu y es entré du moment que tu es entré par l’esprit dans le désir d’une prostituée dont tu veux t’emparer. Tu as poussé les portes du lupanar du moment que tu as ouvert les yeux de l’esprit aux charmes de la femme que tu contemples » (Ambr., in psalm. 118, 1, 12, CSEL, 62, p. 13). Cf. également Firm., math., 6, 30, 10.
235 « Tes soldats errent, tes tribuns se font laver au milieu de la journée, ils ont des restaurants pour salles à manger, des hôtels pour chambres » (Hist. Aug., Pesc., 3, 9). On comparera par exemple ce passage avec Cic., Phil., 2, 69 : Huius in sedibus pro cubiculis stabula, pro conclauibus popinae sunt. « Dans une telle habitation, les chambres sont devenues des auberges, les salles à manger des restaurants. »
236 Cf. par exemple Aug., c. Iul. op. imperf., 6, 9 (CSEL, 85, 2, p. 306).
237 « Quant à moi, je pense que cette loi s’applique à toute habitation où habite un père de famille, quand bien même il n’y aurait pas son domicile. Mettons qu’on se trouve à Rome pour études ; bien que cette personne n’ait pas son domicile à Rome, il faut cependant dire que si l’on a pénétré de force dans sa maison, il y a lieu à l’application de la lex Cornelia. Mais elle ne concernera pas les logements provisoires ou les auberges » (D., 47, 10, 5, 5, Ulp. 56 ad ed.).
238 On peut penser par exemple à la pratique du sous-baillage d’espaces habitables au sein d’un logement, pratique qui constituait à Rome une véritable activité professionnelle, distincte de l’hôtellerie et exercée par un cenacularius (voir Cardascia 1982).
239 « Nous entendons par domaines urbains tous les édifices, non seulement ceux qui sont dans des centres urbains, mais également les auberges ou autres établissements d’hébergement provisoire qui se trouveraient dans des fermes ou des villages, ou encore des lieux de plaisance seulement destinés à la détente : car ce n’est pas l’emplacement qui fait le domaine urbain, mais la destination » (D., 50, 16, 198, Ulp. 2 de omn. trib.).
240 « [J’ai répondu qu’] incontestablement des bains faisaient partie d’une demeure léguée. Mais, si ces bains étaient ouverts au public (par le propriétaire), ils constituaient une partie de la demeure, à condition de présenter aussi un accès intérieur par la demeure, qu’ils aient été plus d’une fois utilisés par le père de famille ou sa femme, que le prix d’entrée ait été porté au chapitre des entrées dans les comptes de la demeure, parmi les autres revenus provenant d’espaces de rapport et que bain et demeure aient été achetés dans le même acte de vente ou que leurs équipements aient constitué un ensemble commun » (D., 32, 91, 4, Pap. 7 resp., trad. Dubouloz 2011, p. 50).
241 « Mais encore, si c’est l’usufruit d’une demeure qui a été légué, l’usufruitier n’a pas le droit d’y aménager des espaces à louer ni de la diviser en appartements. Sans doute il peut la mettre en location, mais il conviendra de la louer, pour ainsi dire, en tant que demeure. Il ne faut pas non plus y faire des bains. [Quand il dit qu’il ne faudra pas y faire d’“espaces à louer” », il faut entendre ce qu’on appelle communément les auberges ou les ateliers de foulons.] Cela dit, s’il existe déjà, dans la demeure, des bains destinés généralement à l’usage des propriétaires, dans la partie la plus intime de la demeure ou au milieu des appartements d’agrément, il n’est ni conforme au droit ni d’un bon père de famille de les mettre en location de façon à en faire des bains publics, pas plus que de louer la demeure comme écurie, où, s’il y avait dans la demeure une étable destinée aux bêtes de trait et aux chariots, de la louer comme boulangerie » (D., 7, 1, 13, 8, Ulp. 18 ad Sab. ; trad. Dubouloz 2011, p. 600-601).
242 Cf. par exemple AE, 1909, 5.
243 Ailleurs toutefois, meritorium peut désigner un ensemble de cenacula mis en location ; voir notamment Tert., adu. Val., 7, 1-2 (CCSL, 2, p. 757-758).
244 Kleberg 1957, p. 17 = 1934, p. 34.
245 Walde-Hoffmann, 1938-19543, 2, p. 338, s. u. « popina » ; Ernout – Meillet 19854, p. 521, s. u. « popina » ; De Vaan 2008, p. 134, s. u. « coquo, ere » ; Kleberg 1957, p. 16 = 1934, p. 23.
246 De Vaan 2008, p. 134.
247 Les deux termes dériveraient ainsi d’une préforme *kwokwina. Voir Ernout – Meillet 19854, p. 521 ; De Vaan 2008, p. 134.
248 Les emplois de coquina dans son sens spatial de « cuisine » sont toutefois tardifs et peu fréquents, la langue latine préférant généralement le terme culina pour désigner l’espace dédié à la préparation culinaire.
249 L’existence de variantes en pr- pour popina et ses dérivés demeure peu attestée en latin, si ce n’est dans les Glossaires ; le grammairien pourrait par conséquent se faire le témoin d’un développement tardif de la langue, peut-être d’essence populaire. Au VIe s. apr. J.-C., il est ainsi question, dans une inscription chrétienne de la ville de Rome, d’un certain Iohannis qui aurait exercé les fonctions de secrétaire ou de comptable (olografus, sic) au sein d’une propina Isidori (CIL, VI, 9826 = ICUR, 2, 4185) ; faute d’explication plus satisfaisante, le terme pourrait effectivement désigner un établissement de restauration et témoignerait de l’ancrage effectif dans la langue populaire de la variante proposée par Isidore.
250 Pour προπίνω, cf. par exemple X., An., 7, 3, 26 ; Plu., Alex., 39 ; et pour propino, -are, Plaut., Curc., 359 ; Cic., Tusc., 1, 96.
251 Graecus sermo est, quae apud nos corrupte popina dicitur ; est autem locus iuxta balnea publica, ubi post lauacrum a fame et siti reficiuntur ; unde et propina et propinare dicitur, πεῖνα enim Graece famem significat. « C’est un mot grec, que nous avons corrompu en “popina” ; il désigne un lieu à proximité des bains publics, où, après s’être fait laver, on apaise sa soif et sa faim ; de là, “propina” et “propinare”, “πεῖνα” signifiant en effet en grec la faim » (Isid., orig., 15, 2, 42).
252 « C’est pourquoi dans toute la maison, ténèbres et dissimulation ; on y boit, on y mange, comme au restaurant, pas moins » (Plaut., Poen., 834-835).
253 Mart., 5, 70.
254 Plaut., Poen., 832-833.
255 Cf. par exemple Cic., Pis., 18.
256 Hor. epist., 1, 14, 21.
257 Mart., 1, 41, 10.
258 Iuv., 11, 81.
259 Voir Le Guennec 2016b.
260 « Que je meure, si le silence est aussi nécessaire qu’on le prétend à celui qui se plonge dans l’étude. Regarde-moi : je suis entouré d’un véritable vacarme ; j’habite en effet au-dessus d’un établissement de bains. […] Outre ces individus, dont les voix, au moins, sont justes, imagine-toi la voix stridente et chétive de l’épileur, qui signale ainsi sa présence en hurlant sans cesse et en ne se taisant que lorsqu’il arrache leurs poils aux aisselles et contraint un autre à crier à sa place. Ensuite, les appels changeants du limonadier ; le marchand de saucisses, le marchand de beignets, les gérants de restaurants vendant leur marchandise, chacun modulant ses cris d’une manière qui lui est propre » (Sen., epist., 56, 1-2). Voir aussi Mart., 1, 41, 1-13, où le cocus préposé aux tepidae popinae est associé aux autres marchands ambulants qui peuplent les rues de Rome.
261 Monteix 2007a, p. 118.
262 Cf. par exemple Hor., sat., 2, 4, 58-62 ; Iuv., 11, 78-81 ; Suet., Vit., 13, 6 ; Auson., Mos., 123-124.
263 « Et, de ta bouche fétide, tu nous envoyais à la figure un répugnant relent de restaurant ? Tu l’avais mis sur le compte de ton état de santé, prétextant un traitement à base de sirops alcoolisés » (Cic., Pis., 13). Popina pourrait néanmoins revêtir ici son sens métaphorique de « débauche », qui sera évoqué dans la suite de ce développement.
264 Mart. 5, 84, 3-5.
265 Voir par exemple ce passage où Cicéron s’en prend de nouveau à Pison et à son collègue A. Gabinius : tu ex tenebricosa popina consul extractus cum illa saltatrice tonsa ; « toi le consul, arraché à l’obscur restaurant en compagnie de ta danseuse tondue » (Cic., Pis., 18). Cf. également Hist. Aug., Gall., 21, 6.
266 Lustra non solum ferarum cubilia dicuntur, sed et popinae in quibus scorta et inlecebrae libidinum. « On nomme bouges non seulement les tanières des bêtes sauvages mais également les établissements dans lesquels on trouve des prostituées et tous les appas des plaisirs » (Schol. Hor., sat., 1, 6, 68).
267 Firm., math., 4, 21, 6 ; cf. également Hist. Aug., Heliog., 30, 1. Pour d’autres attestations de cette désignation professionnelle, cf. CIL, VI, 9825 ; et surtout, au féminin popinaria, CIL, XIV, 3709 = ILS, 7477 (CLE, 603 ; cf. RE11).
268 Macr., sat., 7, 14, 1.
269 Signalons, pour conclure sur ces désignations professionnelles formées sur popina, que deux occurrences (Cic., Mil., 65 ; CIL, VI, 9824 : cf. RE7) pourraient employer à la place de popinarius popa, qui désigne communément en latin un prêtre inférieur (cf. par exemple Suet., Cal., 32, 3 ; Hist. Aug., Geta, 3, 8). Il s’agit peut-être d’une confusion, s’expliquant par le souvenir d’une étymologie commune aux deux termes, si l’on admet en particulier que le popa était plus précisément responsable de la préparation des viande du sacrifice (voir Kleberg 1957, p. 17 et p. 128-129, n. 47 = 1934, p. 27) ou par la proximité de leurs sonorités ; à moins bien entendu que popa ait effectivement pu, par homonymie, qualifier l’exploitant d’un restaurant. On évoquera surtout dans le sens de cette hypothèse l’emploi de popa dans l’inscription RE7, où le terme désigne une femme et ne saurait renvoyer à des fonctions de prêtrise réservées aux hommes : il s’agirait, dès lors, d’une forme syncopée qui se rapprocherait du couple copa/caupona.
270 « [Antoine], retenu par le vin et par les banquets, si l’on doit nommer banquet ce qui ressemblait plutôt à un gueuleton » (Cic., Phil., 3, 20).
271 Cf. ainsi Sen., dial., 6, 22, 2 ; 7, 11, 4 ; 9, 7, 2 ; 12, 10, 3 ; epist., 95, 26 ; nat., 3, 18, 7 ; éventuellement epist., 29, 5. Le gourmet mondain Apicius est même qualifié par le philosophe de « professeur de sciences gastronomiques » (Sen., dial., 12, 10, 8), où l’expression scientia popinae désigne les plaisirs culinaires portés au rang de disciplina, de savoir et de discours organisés.
272 Cf. Hist. Aug., trig. tyr., 9, 1 ; 29, 1.
273 Varro, Men., 308 ; Hor., sat., 2, 7, 37-39 ; Suet., gramm., 15, 2.
274 « Popinones : soit ceux que nous désignons aujourd’hui par le terme de tabernarii (bistrotiers), soit les débauchés qui se livrent à des gueuletons » (Non., p. 161, 12). Tabernarii possède dans ce passage son sens tardif lié à l’accueil mercantile.
275 Pour d’autres dérivés, plus rares, de popina, on hésite davantage entre le sens propre du terme ou celui métaphorique de « débauche alimentaire », ce qui explique qu’ils ne seront guère mis à contribution dans cette étude. C’est le cas par exemple pour le verbe popinor, -ari qui n’est attesté qu’à une seule reprise dans un passage de l’Histoire Auguste : dum Gallienus popinatur et balneis ac lenonibus deputat uitam ; « pendant que Gallien popinatur et consacre sa vie aux bains et aux maquereaux » (Hist. Aug., trig. tyr., 29, 1). Le sens de ce verbe, qui semble relever d’un état tardif de la langue et qui pourrait avoir été forgé sur le modèle de cauponor, -ari, n’est pas très clair : il renvoie lui aussi aux idées de débauche et de vie déréglée mais pourrait désigner le fait de fréquenter les restaurants, eu égard à son association avec le monde des établissements de bain et des souteneurs. De la même façon, on s’interroge sur le sens à donner à l’adjectif popinalis, « gastronomique » ou « de restaurant », dans les deux occurrences du terme qui nous ont été conservées (Colum., 8, 16, 5 ; Apul., met., 8, 1, 5). Dans le premier passage, c’est le sens de « gastronomique » qui semble s’imposer pour qualifier les deliciae des amateurs de poissons et fruits de mer. En revanche, dans le second, l’expression luxuria popinalis pourrait tout autant renvoyer au sens de « débauche gastronomique » qu’à celui de « débauche qui se pratique dans les restaurants/ troquets » en compagnie de buveurs et de prostituées, selon le triptyque usuel de la peinture des comportements dissolus.
276 Suet., Vit., 13, 6.
277 Les emplois épigraphiques du terme et de ses dérivés apparaissent ainsi essentiellement dans des inscriptions en provenance de l’Vrbs et du Latium (cf. par exemple RE7 ; RE11). Quelle qu’ait été l’origine réelle du mot, il possédait donc un lien marqué avec cette zone géographique. Il ne s’agit pour autant pas d’un simple régionalisme, dans la mesure où à la période tardive au moins, le métier de popinarius est bien considéré comme une catégorie professionnelle générale.
278 Taberna sera le plus souvent traduit ici par « établissement », pour rendre compte de la polysémie du terme et des nombreuses ambiguïtés interprétatives auquel il donne lieu. Bien entendu, ce choix amène à produire des traductions souvent peu heureuses et assez peu naturelles, qu’il faudrait dans l’absolu adapter au contexte de chaque occurrence.
279 On citera toutefois les travaux d’A. Mac Mahon (2003) sur la taberna dans la province de Bretagne.
280 Voir par exemple les travaux de G. Girri (1956, tout particulièrement p. 3-7) sur la taberna dans le cadre urbain d’Ostie.
281 On peut ainsi citer, sans préjuger de leurs conclusions respectives, les travaux de V. Gassner sur les boutiques (« Kaufläden ») de Pompéi (Gassner 1986, qui fait suite à un article de l’auteur directement consacré aux questions terminologiques, Gassner 1984) ; de F. Pirson (1999, tout particulièrement p. 19) sur l’habitat locatif dans les cités du Vésuve ; de G. Storey (2004, p. 50-51) sur les insulae romaines ; de N. Monteix (2010, tout particulièrement p. 42-47) sur les lieux de métier d’Herculanum ; les différentes études régionales et locales incluses dans Bedon 2011 ; ou encore les travaux de J. Schoevaert (2018) sur le cas d’Ostie. L’ouvrage de S.J.R. Ellis (2018), qui vient de paraître, n’a pu être intégré à ce bilan historiographique.
282 Voir par exemple Wagner 1982 ; Serrao 1989, p. 21-27.
283 Voir par exemple Pirson 1999 ; Monteix 2010 (qui adopte toutefois des dénominations contemporaines pour qualifier les « lieux de métier » ou « boutiques » d’Herculanum) ; Dubouloz 2011 ; Tran 2013b ; Courrier 2014, p. 142-157 ; Schoevaert 2018, p. 12-20, qui parle lui aussi à titre générique de « boutique ».
284 Voir par exemple Hermansen 1982 ; De Ruyt 1983, p. 302 ou p. 345, qui préfère de manière générale au terme latin le français « boutique » ; De Ligt 1993, p. 114 ; Aubert 1994, p. 96.
285 Don., Ter. Ad., 359, 2. Cette reconstruction à partir de trabs est toutefois jugée « peu vraisemblable » par A. Meillet et A. Ernout, en raison du problème que poserait la dissimilation de *traberna ; les deux linguistes lui préfèrent ainsi, pour taberna, une origine étrusque (Ernout – Meillet 19854, p. 672, s. u. « taberna »). Elle est au contraire acceptée par A. Walde (Walde – Hofmann 1938-19543, 2, p. 639, s. u. « taberna » ; voir également De Vaan 2008, p. 604, s. u. « taberna »).
286 Fest., p. 490.
287 Diom., gramm., 3, 489, 28.
288 Isid., orig., 15, 2, 43.
289 « L’appellation taberna recouvre tout édifice qui ne sert pas d’habitation, et vient de ce qu’elle est fermée par des planches (“tabulae”) » (D., 50, 16, 183, Ulp. 28 ad ed.) avec la correction initialement opérée par T. Mommsen dans son édition du Digeste où le non, initialement situé devant ex eo quod tabulis cluditur, se trouve désormais placé devant omne utile ad habitandum aedificium. Cette correction, qui n’est plus retenue dans des éditions plus récentes (ainsi Mommsen – Krüger 196317) a été discutée par J. Dubouloz (2011, p. 119-120, n. 31), selon qui Ulpien aurait en fait voulu donner une définition large du terme. Elle n’est pas acceptée non plus par F. Pirson (1999, p. 19), qui convoque le passage non amendé pour étayer sa thèse de l’habitabilité de la taberna.
290 Gassner 1984, p. 108-109.
291 Sen., benef., 7, 21, 2 (le texte dit : per clostrum). Voir Monteix 2010, p. 45, qui après avoir démontré que clostrum ne saurait renvoyer dans ce cas à une cloison de la boutique, fait de ce système de fermeture particulier un des critères de définition et partant d’identification en contexte archéologique de la taberna romaine, entendue comme « un espace où se déroulent des affaires commerciales, ouvert sur la rue, fermé par des planches et pouvant abriter des espaces d’habitation » (ibid., p. 47). Voir aussi, pour Ostie, Schoevaert 2018, en particulier p. 21-38 et p. 55-62.
292 Voir Monteix 2010, p. 56-61.
293 Cf. infra.
294 « Puisque la boutique où l’on vend du vin est dite uinaria, à partir de uinum (“vin”), cretaria à partir de creta (“argile”), unguentaria à partir d’unguentum (“onguent”), en toute logique celle où l’on vend de la viande (caro) devrait être dite carnaria, où l’on vend de la peau (pelles), pelliaria, où l’on vend des chaussures (calceus) calcearia, et non laniena (“de boucher”), pellesuina (“de fourreur”) et sutrina (“de cordonnier”) » (Varro, ling., 8, 55).
295 Monteix 2010, chap. II et III.
296 Monteix 2010, p. 44 (notamment n. 12) ; voir également Dubouloz 2011, p. 123 (particulièrement n. 43).
297 Cic., Phil., 2, 21 ; Hor., sat., 1, 4, 71 ; Mart., 1, 117.
298 Iuv., 13, 45 (l’accent est mis dans ce passage sur la production, puisque le terme de taberna y renvoie de manière peu respectueuse à la forge de Vulcain).
299 Apul., apol., 62, 4 (production sur place).
300 Sen., dial., 2, 13, 4.
301 D., 32, 91, 2 (Papin. 7 Resp.).
302 D., 8, 5, 8, 5 (Ulp. 17 ad ed.).
303 Cic., Cluent., 180.
304 Vitr., 9, 8, 2.
305 Don., Ter. Ad., 359, 2.
306 Liv., 26, 27, 1 ; Vitr., 5, 1, 2. Sur les métiers de la banque, voir Andreau 20152 (pour taberna argentaria, à distinguer de mensa qui désigne l’entreprise et non le local de l’argentarius ou du nummularius, cf. p. 448-450 et p. 483).
307 Cf. par exemple libraria au lieu de taberna libraria (Gell. 5, 4, 1).
308 Gaius, inst., 4, 71 ; sur ce passage, voir Dubouloz 2011, p. 120.
309 « Nous entendrons par commerce équipé celui qui comprend les biens et les hommes nécessaires à l’activité exercée » (D., 50, 16, 185, Ulp. 28 ad ed.). Cf. surtout D., 33, 7, 15, pr. (Pomp. 6 ad Sab.).
310 D., 33, 7, 13, pr. (Paul. 4 ad Sab.).
311 D., 50, 16, 183, pr. (Ulp. 28 ad. ed).
312 Sur la question de la clientèle des tabernae, accessibles à tous et pratiquant le commerce de détail, cf. par exemple Cic., Catil., 4, 17. Dans des périodes de crise ou de deuil public, on pouvait ordonner la fermeture des tabernae pour éviter les rassemblements ou pour manifester la cessation des activités quotidiennes : cf. Liv., 3, 27, 2 (dictature de L. Quinctius Cincinnatus en 458 av. J.-C. pendant la guerre contre les Èques) ; 4, 31, 9 (guerre contre les Véiens en 421 av. J.-C.) ; 9, 7, 8 (après le désastre des Fourches Caudines en 321 av. J.-C.). Voir en particulier Courrier 2014, p. 520-521.
313 « Si vous vous émouvez de ces bruits que l’on entend, à savoir qu’un certain Lentulus, qui joue les intermédiaires, fait le tour des boutiques, espérant pouvoir à prix d’argent soulever les esprits des pauvres et des ignorants, eh bien oui, ce projet a été initié, a été tenté. Mais on n’a trouvé personne qui soit malheureux de son sort ou dépravé au point d’accepter de renoncer au lieu où il range son tabouret, son ouvrage et son gain quotidien, à son chez-soi, à son petit lit, en somme au calme cours de sa vie. Il est bien plus probable que la majeure partie de ceux qui peuplent les boutiques, et même, car c’est plutôt cela qu’il faut dire, que l’ensemble de ces gens aime au plus haut point le calme. De fait, toute industrie, tout ouvrage, tout gain dépend de l’affluence des citoyens et se nourrit de calme ; et si le gain de ces individus, toutes les fois que l’on ferme les boutiques, s’en trouve diminué, qu’arriverait-il si l’on y mettait le feu ? » (Cic., Catil., 4, 17) ; sur la question de l’habitabilité de la taberna, voir Pirson 1999, notamment p. 53-55.
314 Cf. Fest. p. 11 ; Diom., gramm., 3, 498, 28 ; Isid., orig., 15, 2, 43. Cf. également Cassiod., in psalm., 14, 1 (CCSL, 97, p. 133) : Maiores nostri domos pauperum tabernas appellauerunt. « Nos ancêtres ont appelé “tabernae” les demeures des pauvres. » Au sein de la littérature classique, seuls deux passages, l’un de Cicéron (Att., 14, 9, 1) et l’autre d’Horace (carm., 1, 4, 13-14), pourraient inviter à identifier dans la taberna un logement autonome, de manière toutefois peu probante.
315 Voir par exemple, pour le cas pompéien, Pirson 1999, notamment p. 53-55 ; pour Ostie, Schoevaert 2018, p. 71-78 ; plus largement Tran 2013b, p. 320-339.
316 Cf. Val. Max., mem., 9, 7, 4 ; Apul., met., 7, 7, 1 ; D., 5, 1, 19, 2 (Ulp. 60 ad ed.).
317 Cf. Varro, ling., 5, 8.
318 Une occurrence de tabernaria dans le Code Théodosien renvoie non à la femme mais à l’établissement, à l’imitation sans doute de caupona, terme également mentionné dans le passage (Cod. Theod., 11, 10, 1, a. 369).
319 Sur ce terme, voir Tran 2013b, p. 62-63 avec références.
320 Voir par exemple Cic., Flacc., 18.
321 Cf. par exemple Apul., apol., 87 : Cur autem tam absurdis tamque tabernariis blanditiis subigitarem, quem idem aiunt uorsibus amatoriis satis scite lasciuire ? « Or pourquoi chercherais-je à plaire par des galanteries déplacées de boutiquiers, alors que l’on dit de moi que je ne m’en sors pas trop mal de mes vers amoureux pour faire la cour ? »
322 Plaut., Men., 436. Cf. également, pour qualifier métaphoriquement la maison d’une prostituée, Plaut., Truc., 697. En dehors de l’œuvre de Plaute, cf. Varro, rust., 1, 2, 23 ; Suet., Nero, 27, 3 (tabernae deue/orsoriae).
323 Cf. Val. Max., mem., 1, 7, ext. 10 ; Oros., hist., 6, 18 (CSEL, 5, 1, p. 589).
324 Cf. D., 23, 2, 43, pr. (Ulp. 1 ad l. Iul. et Pap.) ; D., 33, 7, 13, pr. (Paul. 4 ad Sab.).
325 Cf. Apul., apol., 57 ; Amm., 14, 6, 25 et 28, 4, 4.
326 Non., p. 161, 12.
327 Non., p. 532.
328 Firm., math., 4, 21, 6.
329 Porph., Hor. sat., 1, 5, 51. Un sens large d’établissement commercial serait bien entendu tout à fait possible et il s’agirait dans ce cas d’une désignation plus générique pour caupona ; mais l’équivalence textuelle entre le reste de la glose et les mots d’Horace semble plaider en faveur de la première hypothèse. Cf., pour des passages similaires, Fest. p. 382 et éventuellement Hist. Aug., Hadr., 16, 3.
330 Cf. par exemple Ambr., Hel., 12, 42 ; 15, 55 ; 17, 65 (CSEL, 32, 2, p. 436 ; p. 445 ; p. 450) ; in psalm., 1, 29, 2 (CSEL, 64, p. 24) ; Paul. Nol., carm., 27, 571 (CSEL, 30, p. 287).
331 Cf. Tert., apol., 35 (CCSL, 1, p. 144-147) ; Hier., c. Vigil., 13 (PL, 23, col. 348).
332 Pour popina, cf. Colum., 1, 8 (otiis, campo, circo, theatris, aleae, popinae, lupanaribus consuetum ; « habitué des loisirs, des places publiques, du cirque, des théâtres, du jeu, du restaurant, des lupanars ») ; Iust., 21, 5, 3 (in popinis lupanaribusque ; « dans les restaurants et les lupanars ») ; D., 4, 8, 21, 11, Ulp. 13 ad ed. (puta in popinam uel in lupanarium ; « par exemple dans un restaurant ou un lupanar ») ; Hist. Aug., Comm., 2, 7 (popinas et ganeas […] fecit ; « [Commode] fit édifier des restaurants et des bouges »). Pour taberna, cf. Tert., uxor., 2, 6 (CCSL, 1, p. 390) (audiet aliquid de scaena siue taberna ; « [l’épouse] entendra parler du théâtre ou du bar ») ; fug., 13, 3 (CCSL, 2, p. 1154-1155) (inter tabernarios et ianeos et fures balnearum et aleones et lenones ; « parmi les bistrotiers, les concierges, les voleurs des thermes, les joueurs et les souteneurs »).
333 Cf. Firm., math., 1, 6, 4 : Faciet infames libidinosos impuros ; erunt etiam linteones aut plumarii aut colorum inuentores atque tinctores aut caupones aut tabernarii. « Cela donnera des infâmes, des voluptueux, des débauchés ; ils pourront aussi devenir des tisserands, des brodeurs, des marchands de couleurs, des teinturiers, des aubergistes ou des bistrotiers. » Par rapprochement 1, 14, 13 ; 2, 22, 1. Cf. également Aug., c. Iul., 2, 37 (PL, 44, col. 700) ; Hier., uirg. Mar., 21 (PL, 23, col. 306) ; Hist. Aug., Heliog., 30, 1.
334 Kleberg 1957, p. 21 = 1934, p. 32.
335 Cf. par exemple Hier., epist., 50, 5, 1 (CSEL, 54, p. 393) ; Hist. Aug., Pert., 3, 4. Voir Schoevaert 2018, p. 19.
336 Par conséquent, le tableau présenté par T. Kleberg (1957, p. 20-21 = 1934, p. 30-31), qui classe très fermement les occurrences de taberna en fonction des sens de « boutique » ou de « cabaret » dès l’œuvre de Cicéron, laisse particulièrement sceptique.
337 Ainsi dans les Ménechmes de Plaute, l’expression taberna deuorsoria, qui désigne l’établissement où séjourne un des Ménechmes, est reprise à deux reprises dans la suite du texte par le simple taberna (Plaut., Men., 986 et 1035 ; contra Kleberg 1957, p. 20 = 1934, p. 30 pour qui « il est difficile de supposer que les vers cités plus haut des mêmes pièces aient pu servir à préciser ou à confirmer une signification »). Cf. également Petron., 80, 3.
338 Chez Varron, la périphrase taberna ubi consistant est par exemple donnée comme synonyme de stabulum (Varro, ling., 5, 15).
339 Cf. Plaut, Pseud., 658-659 ; Cic., inu., 2, 14 ; Val. Max., mem., 1, 7, ext. 10, où le terme taberna, qualifié par la relative in qua is deuersabatur, fait également fonction de reprise abrégée ou générique de l’expression taberna meritoria rencontrée peu auparavant dans le passage ; D., 39, 2, 13, 4 (Ulp. 53 ad ed.).
340 Cic., Cluent., 163 ; cf. également Copa, 3 ; éventuellement Ascon., Mil., p. 35.
341 « Lubrique établissement, et vous les compagnons d’armes au neuvième pilier près des frères encapuchonnés, vous vous croyez les seuls bien membrés, les seuls habilités à coucher avec les filles et à traiter les autres de boucs ? Donc, parce que vous êtes là, assis les uns à la suite des autres, cent ou deux cents crétins, vous pensez que j’hésiterai à en mettre plein la bouche à deux cents locataires d’un coup ? Eh bien si, soyez en certains ! Et je m’en vais couvrir d’inscriptions la façade de l’établissement. Car ma donzelle a fui mon sein, elle qui fut aimée comme aucune ne sera jamais aimée, elle pour qui j’ai mené tant de grandes guerres : elle est venue s’asseoir là » (Catull., 37, 1-14).
342 Cf. par exemple Mart., 5, 70.
343 Cf. pour une situation similaire à la génération suivante, Prop., 4, 8, 15-20.
344 « Ci-gît Vitalis, esclave et fils de Caius Lavius Faustus, né à la maison. Il a vécu seize ans, gérant de l’établissement Apriana, et fut tout à la fois reçu par les hommes et enlevé par les dieux. Voyageurs, je vous en prie, si d’aventure j’ai donné un peu moins que la quantité régulière prescrite, sur l’ordre de mon père, pardonnez-moi. Je vous prie par les dieux d’en haut et ceux d’en bas de ne partir qu’en faisant des vœux pour mon père et ma mère. Porte-toi bien » (CIL, III, 14206, 21 = ILS, 7479 ; AE, 1898, 148 ; AE, 1902, 155 ; AE, 1902, 232). Cf. RE1.
345 Le génitif en -s est sans doute à mettre au compte de la transposition du sigma grec.
346 Se pose également comme candidat possible pour le sens d’auberge à date précoce le terme tabernula dans Val. Max., mem., 9, 7, 4, par comparaison avec Appien, bell. ciu., 1, 232-239.
347 « dans un établissement tout proche, à Bovillae » (Ascon. Mil. p. 32 ; cf. également p. 30).
348 « De nombreux habitants de Bovillae témoignèrent de ce qui s’était passé : l’aubergiste tué, l’établissement pris d’assaut, le corps de Clodius traîné dehors aux yeux de tous » (Ascon., Mil. p. 35). La version que donne Appien de l’épisode mentionne plus clairement un πανδοκεῖον (App., bell. ciu., 2, 21) ; Dion Cassius, qui livre un récit plus concis du meurtre, n’évoque pas cette circonstance précise (DC, 40, 48, 1-2).
349 Cf. dans le même sens, Tac., hist., 2, 64, 1 ; Apul., met., 7, 7, 1.
350 Voir Monteix 2007a et infra.
351 Voir Kleberg 1957, p. 19 = 1934, p. 29.
352 Copa, 1-4 : dans ce cas, ce divertissement est assuré par une des femmes de l’établissement dépeint par le poème.
353 Cf. par exemple Ambr., exhort. uirg., 14, 93 (PL, 16, col. 363-364) : Denique ad hominis sanitatem et ille Samaritanus duo aera stabulario dedit, quibus ulcera curaret illius a latronibus uulnerati. « Enfin ce fut le Samaritain en personne qui, pour remettre l’homme sur pieds, donna deux as à l’aubergiste ; ce dernier devait s’en servir pour soigner les blessures de cette victime des brigands. » Il est vrai que le passage ne précise pas si l’aubergiste est censé soigner lui-même l’homme ou s’il peut déléguer cette tâche à un tiers, dont le salaire serait prélevé sur la somme versée par le bon Samaritain. D’autres passages attribuent plus directement cette responsabilité des soins médicaux à l’aubergiste en personne : parmi lesquels ces propos de Zénon, à la tête de l’évêché de Vérone dans la seconde moitié du IVe s. apr. J.-C., qui assimile le stabularius à un doctor legis, qui acceptis duobus denariis, id est duorum testamentorum salutaribus monitis, adgressuram hominem passum […] uenerabili sacramento susceptum cotidianis praedictionum medicaminibus curat (« qui après avoir reçu les deux deniers, c’est-à-dire les avis des deux testaments qui apportent le salut, soigne l’homme victime d’une agression […] puis recueilli par le sacrement vénérable, en usant des remèdes quotidiens de la prédication », Zeno, Tract., 1, 37, 10, CCSL, 22, p. 103).
354 Cf. chap. III. Cela n’empêche pas les jurisconsultes de faire référence à l’existence d’autres prestations que celle sur laquelle se concentre leur attention au sein des établissements dont ils traitent. Un extrait d’un commentaire d’Ulpien à l’Édit du préteur (D., 3, 2, 4, 2, Ulp. 6 ad ed.), où il est question de l’interdiction prétorienne faite à certains individus de postulare pour autrui, parmi lesquels l’homme s’adonnant au lenocinium, au proxénétisme, fournit un bon exemple de ce phénomène. Dans ce passage, le recours à des expressions telles que siue autem principaliter hoc negotium gerat siue alterius negotiationis accessione utatur et occasione ministerii quaestum facientia donne clairement à voir que la prostitution n’est pas la seule activité, ni même l’activité principale, des caupones et des stabularii évoqués par Ulpien ; mais dans la mesure où la question à traiter est ici celle des pénalités subies par l’homme taxé de lenocinium, seule la prostitution fait l’objet d’une mention explicite.
355 Que l’on entendra dans son sens contemporain de pratique professionnelle consistant à proposer des prestations sexuelles contre rétribution ; le terme proxénétisme désignera, pour sa part, le fait de tirer un revenu de la prostitution d’autrui. Il convient toutefois de rappeler que les Romains rangeaient sous les titres correspondants de quaestus et de lenocinium des comportements bien plus variés (voir McGinn 1998, p. 17-18 et, au sujet de D., 23, 2, 43, 3, Ulp. 1 ad l. Iul. et Pap., ibid., p. 136) ; mais ces nuances restent marginales et l’expression quaestum facere, qui désigne dans le droit romain le fait de se prostituer, indique bien l’importance du critère de la rétribution dans la définition de cette activité (voir Flemming 1999, p. 40-42).
356 À partir d’énumérations du type de celle qui figure chez Tertullien (Tert., apol., 40, 14, CCSL, 1, p. 155) : balneis et cauponis et lupanaribus operantibus (« les établissements de bain, les auberges et les bordels étant en pleine activité »), ou de la formule d’Ulpien : sed si in aliquem locum inhonestum adesse iusserit, puta in popinam uel in lupanarium ; « mais si [l’arbitre] le contraint à entrer dans un mauvais lieu, mettons dans un restaurant ou un bordel » (D., 4, 8, 21, 11, Ulp. 13 ad ed.).
357 Voir Edwards 1993, p. 174 ; Roman 2008.
358 Voir par exemple Kleberg 1957, p. 89-91 ; Tomei 1995, p. 616 ; DeFelice 2001 ; Guzzo – Scarano Ussani 2009, p. 13 ; García Barraco – Lugli 2012, p. 33 ; Fayer 2013, p. 463 et p. 491-516 ; Constable 2003, p. 21, qui s’appuie pour sa part sur des sources orientales, de langue grecque ou hébraïque. Pour la bibliographie la plus ancienne, il ne faut pas négliger le poids des fantasmes et des préceptes moraux des auteurs, qui font du reste écho au regard que les Romains portaient sur les auberges et surtout sur les femmes qui y travaillaient.
359 C’est le point de vue de McGinn 2004, p. 15-22 ; voir également García Barraco – Lugli 2012, p. 56.
360 Exception faite de la possible allusion à la prostitution d’un puer cauponius dans Plaut, Poen., 1298.
361 « Chaque fois que [Néron] descendait le Tibre pour se rendre à Ostie ou qu’il doublait en bateau le golfe de Baïes, on installait, sur la côte ou sur les rives, des établissements hôteliers, qui se distinguaient par la débauche qui s’y déroulait et par leur personnel composé de matrones imitant les femmes d’auberge en l’invitant d’ici et de là à aborder » (Suet., Nero, 27, 3).
362 Bradley 1978, p. 158.
363 Tac., ann., 15, 37, 1-6. L’anecdote a été reprise par la suite par Dion Cassius (62, 15) : dans sa version du banquet de Tigellin, les καπηλεῖα sont mentionnés aux côtés des οἰκήματα (« bordels ») ; mais cette version, beaucoup plus tardive, pourrait résulter d’une relecture de l’épisode inspirée du second passage de Tacite qui va être évoqué à présent, voire du passage de Suétone qui retient ici notre attention. Voir Goddard 1994.
364 Néron était par ailleurs souvent accusé de courir de nuit les tavernes et lupanars de Rome en compagnie d’individus issus des milieux les plus interlopes de la ville (cf. par exemple Tac., ann., 13, 25, 1).
365 Tac., ann., 14, 15, 2 ; voir aussi DC, 61, 20. Dans ces deux passages, le propos reste toutefois trop allusif pour y reconnaître de manière certaine des activités de prostitution.
366 M. Mastroroberto a toutefois proposé d’identifier dans le complexe à triclinia dégagé à Murecine (CA2Pompéi) une de ces tabernae deuersoriae évoquées par Suétone ; mais cette hypothèse est généralement repoussée par les spécialistes du site. Cf. introduction et infra.
367 L’emploi du terme taberna dans ce passage semble toutefois indiquer un établissement dénué de fonctions d’hébergement. Voir McGinn 2004, p. 15, n. 5 : « It is obvious that streetwalkers and other freelancers did in some cases take customers to lodging houses when they had no venue of their own available. »
368 « Ils sont assis dans des bars, rivalisant d’ivresse, tandis qu’entre eux se tient une prostituée prise de vin, souriant à l’un, enflammant l’autre, les brûlant tous de l’embrasement du désir » (Ambr., in psalm., 1, 29, 2, CSEL, 64, p. 24). Cf. également Schol. Hor., sat., 1, 6, 68 et plus nettement encore Non., p. 423, 10, où il est question de prostituées se postant devant les stabula pour guetter leur clientèle, d’où leur nom de prostibulum.
369 La lex Iulia de maritandis ordinibus de 18 av. J.-C. et la lex Papia Poppaea de 9 apr. J.-C., complétées par la lex Iulia de adulteriis coercendis qui suivait de quelques mois la première de ces mesures. Cf. chap. III.
370 « Nous disons que vit ouvertement de la prostitution celle qui se prostitue dans un bordel mais aussi lorsqu’une femme, comme cela arrive fréquemment, fait peu de cas de sa pudeur dans un établissement hôtelier ou quelque établissement que ce soit » (D., 23, 2, 43, pr., Ulp. 1 ad l. Iul. et Pap.).
371 « Nous appellerons également proxénète celle qui mène ce genre de vie sous couleur d’une autre activité. Si une femme gérant un établissement hôtelier tire des bénéfices des prestations sexuelles de son personnel (comme le font fréquemment celles qui prostituent des femmes en disant qu’elles font partie de l’équipement de l’auberge), il faudra lui donner le titre de proxénète » (D., 23, 2, 43, 8-9, Ulp. 1 ad l. Iul. et Pap.).
372 D., 3, 2, 4, 2 (Ulp. 6 ad ed.).
373 « Celle que l’on vend à la condition qu’elle ne se prostitue pas, pour qu’il n’y ait pas fraude vis-à-vis du pacte, ne doit pas être prostituée dans une auberge sous couvert d’activités de service » (Cod. Iust., 4, 56, 3, a. 225). Sur la clause ne prostituatur, qui en cas de non-respect pouvait valoir au vendeur une compensation financière, la restitution de l’esclave, voire libérait l’esclave indûment prostitué, voir McGinn 1998, chap. 8.
374 Cf. D., 3, 2, 4, 2 (Ulp. 6 ad ed.).
375 C’est le cas évoqué dans D., 23, 2, 43, 8-9 (Ulp. 1 ad l. Iul. et Pap.) et dans Cod. Iust., 4, 56, 3 (a. 225).
376 La recension lexicale particulièrement large de T. Kleberg, qui s’étendait à un ensemble de termes dont le rapport à l’accueil mercantile était au mieux métaphorique (ganea/ganeum, gurgustium), très ponctuel (lixa, thermipolium, uinarius) voire complètement absent (cenatio), méritait malgré tout d’être réduite. L’historien suédois reconnaissait du reste au début du deuxième chapitre de son étude, intitulé « Les types principaux et leur répartition » (Kleberg 1957, p. 26-72 = 1934, p. 38-92, « Huvudtyper och deras förekomst ») que « certains termes [étudiés] […] étaient des appellations de caractère général, d’autres des mots d’emprunt occasionnels sans contact avec un phénomène réel de la vie romaine » et proposait de ne retenir finalement que ceux « qui, sans doute possible, recouvr[ai]ent des catégories plus ou moins nettement délimitées de locaux dont la raison d’être – totale ou partielle – était le logement ou le service de la nourriture et de la boisson » (ibid., p. 27 = ibid., p. 39) ce qui correspondait à son sens à caupona, deuersorium, hospitium, popina, stabulum et taberna. À cette liste, on ajoutera simplement, pour les raisons mises en lumière précédemment, l’adjectif meritorius, -a, -um et le substantif meritorium.
377 Kleberg 1957, p. 27 = 1934, p. 39.
378 Cf. Cic., Pis., 13.
379 Cf. la Copa du Pseudo-Virgile, même si taberna pourrait dans ce cas posséder son sens large d’établissement commercial.
380 Cf. la définition que livre l’esclave Syncerastus de la popina, entendue comme le lieu où l’on boit et l’on mange (Plaut., Poen., 834-835) et, inversement, l’emploi dans les Conciles africains du terme taberna pour désigner un lieu offrant ces deux types de services (Conc., Mansi, p. 185, 97, 99 ; p. 321, 85 ; p. 334, 171) ; cf. également l’équivalence établie par Nonius Marcellus à la fin du IIIe s. apr. J.-C. entre popina et taberna (Non., p. 161, 12).
381 « Après l’avoir dûment nettoyé, alors que j’étais moi-même harassé de fatigue, je le conduis à mon hôtel, le soutenant avec peine, dans l’état de lassitude où il était ; je le réchauffe dans un bon lit, je rassasie sa faim, je le fais boire pour le calmer, je l’apaise en lui racontant des histoires » (Apul., met., 1, 7, 3).
382 « Ouvre les portes de l’auberge, je veux partir avant le lever du jour » (Apul., met., 1, 15, 1).
383 « Je prends mon sac et après avoir acquitté le prix du séjour à l’aubergiste nous nous mettons en route » (Apul., met. 1, 17, 8).
384 Petron., 81, 1.
385 « J’arrache Giton de cet endroit par une sortie obscure et crasseuse et je vole à toute vitesse vers mon logis » (Petron., 91, 3).
386 « un héraut flanqué d’un esclave public et d’une petite foule entre dans l’auberge » (Petron., 97, 1).
387 Petron., 98, 1 : At non seruus publicus tam languide agit, sed raptam cauponi harundinem subter lectum mittit. « Mais l’esclave public ne fut pas si doux. S’étant saisi de la canne de l’aubergiste, il la passe sous le lit. »
388 Petron., 95, 1.
389 Cf. également, au sein du corpus juridique, une énumération du type in caupona uel in meritorio stabulo diuersorioue (Paul., Sent., 2, 31, 16) qui place ces différents termes sur un strict pied d’égalité.
390 Contra par exemple Grossi 2011, p. 2 : « la pluralità di voci ed espressioni legate a osterie, tavole calde e luoghi di ristoro è sempre stata generatrice di confusione o, meglio, lo è per il lettore moderno, in quanto ai Romani dovevano risultare ben chiare le implicazioni di ognuna di esse. »
391 André – Baslez 1993, p. 461 ; voir également p. 464.
392 Pour des correspondances de ce type entre typologie et terminologie de l’accueil mercantile, voir par exemple Casson 1974, p. 204-205 ; Chevallier 1988, p. 67-68 ; 19972, p. 281-282 ; Guédon 2010, p. 89 ; Grossi 2011. Les ouvrages plus anciens sont souvent plus nuancés : J. Marquardt (1892-1893, 2, p. 99) reconnaît ainsi qu’il n’existait entre ces différents termes « aucune nuance de sens, ou bien peu s’en faut ». L’apparition des correspondances terminologie/typologie semble suivre la parution de l’ouvrage de T. Kleberg et se fonde sur une lecture hâtive ou trop schématique des conclusions de l’historien suédois.
393 Contra par exemple Casson 1974, p. 207, qui fait du stabulum un établissement rural, selon une logique qui n’est de nouveau aucunement soutenue par les sources.
394 Casson 1974, p. 204 : « the caupo (or copo), as one who ran a caupona was called ».
395 Le sens spécifique d’hospes étant en effet plus récent en latin.
396 Cf. par exemple RE13.
397 Cic., Cluent., 163.
398 Cf. par exemple pour deuersorium Sen., benef, 6, 15, 7 ; pour stabulum, Ambr., obit. Theod., 42 (CSEL, 73, p. 393).
399 Cf. par exemple pour deuersorium Petron., 124, 4 ; pour stabulum, Apul., met., 1, 17, 2.
400 Pour un emploi positif de popina, cf. RE11 ; pour caupo, Apul., apol., 24.
401 Cf. par exemple RE13 ; AE, 1975, 591.
402 Cf. l’introduction de cet ouvrage.
403 Selon une approche couramment adoptée dans les études centrées sur la question de l’accueil mercantile. L’exemple le plus représentatif de cette méthode est l’article de W. Jashemski intitulé « A Pompeian Copa » (1964) qui, comme son titre l’indique, opère un croisement entre le poème éponyme du Pseudo-Virgile et divers établissements pompéiens. Le choix de ce poème, qui fait la part belle aux plaisirs champêtres et aux aménagements de plein air, s’explique par le fait que dans cet article, l’auteur s’intéresse plus précisément au rôle des jardins dans les auberges. En dépit de sa déclaration de principe (« Fortunately, however, we are not dependent on such casual literary references for our knowledge of Roman inns and restaurants. Archaeological evidence should also be considered. The excavations of Pompeii […] have important information to offer on this subject », ibid., p. 337), l’auteur s’attache à rechercher parmi les vestiges des sites susceptibles de s’apparenter à l’auberge de fantaisie dépeinte par le poème, en s’inspirant de la Copa pour reconstruire des « scènes de genre » (voir ibid., p. 342, p. 344, et surtout p. 346-348).
404 Voir notamment les critiques formulées par P.M. Allison (2001, p. 181 ; 2004) contre cette méthode interprétative ; l’auteur plaide pour sa part en faveur du primat de la culture matérielle.
405 Voir Monteix 2007a.
406 L’usage de ce terme dans le contexte campanien pour qualifier un établissement commercial doté d’un comptoir à dolia semble ainsi lier ces aménagements à la préparation et à la vente de boissons chaudes, alors même que la capacité de ces dolia à retenir les liquides pose problème (pour une mise au point sur la question, voir Monteix 2010, p. 102-113).
407 Défini par N. Monteix (2010, p. 89-92), à partir du corpus campanien, comme une boutique dotée d’un comptoir spécifique, qui fait office d’espace de préparation et/ou de vente de boissons et/ou de denrées ; l’auteur répartit ensuite les commerces alimentaires campaniens en six catégories distinctes, en fonction des équipements de cuisson et de stockage dont ils étaient dotés (ibid., p. 113-127). Pour Ostie, voir Schoevaert 2018, p. 122-131.
408 Monteix 2010, p. 117. Ce critère du comptoir fait toutefois défaut pour certains établissements pompéiens où les éventuels commerces alimentaires, identifiables par leur large ouverture sur la rue, sont uniquement équipés d’un chauffe-eau/fourneau (ansi I 2, 24.25.26, CA1Pompéi3, et VII 12, 34.35, CA1Pompéi18). De même, en VII 11, 13 (CA1Pompéi17), le comptoir pourrait avoir été remplacé par une table dont les pieds étaient encore visibles au moment des fouilles. Ces comptoirs, parfois construits avec des matériaux périssables tels que le bois, ont du reste pu disparaître (Ellis 2004, p. 374-375).
409 Cf. notamment, le long de uia Tiburtina, aux portes de Rome, le cas d’une boutique à comptoir avec fourneau indépendant, ouverte sur la route, en façade d’un établissement qui avait pu par ailleurs assurer l’accueil des voyageurs avec leurs montures (CA2Rebibbia). Les comptoirs d’Ostie sont sans dolia (Schoevaert 2018, p. 123).
410 CA1Pompéi1.
411 CA1Ostie1.
412 Sur les cuisines domestiques, voir Salza Prina Ricotti 1978-1979/1979-1980 ; Riva 1999 ; Kastenmeier 2007 ; Mauné – Monteix – Poux 2013. Au sein du Corpus archéologique 1, voir notamment le cas du bâtiment B du site de la Scène nationale à Clermont-Ferrand (CA1Clermont-Ferrand), dont la vaste cuisine, dotée d’un fumoir/ séchoir, s’apparente directement à un aménagement de domaine rural ; ce fumoir/ séchoir, de dimensions réduites et destiné à la conservation des viandes et des fruits, semble particulièrement adapté aux activités de restauration collective exercées sur place, que révèle également l’étude du matériel céramique (Ollivier 2016, p. 91-92 ; p. 408 ; Ollivier et al. 2016 ; Pèdoussaut 2016 ; Viriot 2016a). Pour les établissements du Corpus archéologique 2, on pourra s’intéresser en particulier au complexe routier de Côme (CA2Côme) et à sa cuisine à fourneau, qui n’était toutefois peut-être plus en activité au moment de la destruction du site lors d’un incendie, aux environs de 260 apr. J.-C. (Cecchini 2004, p. 197-199 ; on signalera d’ailleurs que l’identification de traces de foyer dans la pièce no 3 de l’auberge, assortie de la mise au jour, dans ce même espace, de vaisselle et de restes animaux, pourraient indiquer que les clients cuisinaient dans leur propre chambre) ; cf. également la cuisine du site de la Cité judiciaire à Bordeaux (CA2Bordeaux), équipée d’un four à pain et d’un fumoir à viande (Sireix 2008b, p. 57-59).
413 I 2, 20.21 (CA1Pompéi2) ; I 2, 24.25.26 (CA1Pompéi3) ; I 10, 2.3 (CA1Pompéi4) ; I 12.3 (CA1Pompéi6) ; VI 1, 18.20 (CA1Pompéi10) ; VI 9, 1.14 (CA1Pompéi11) ; VII 2, 44.45 (CA1Pompéi15) ; VII 12, 34.35 (CA1Pompéi18).
414 On citera à Pompéi les décors caractéristiques des établissements VI 10, 1.19 (CAPompéi12) et VI 14, 35-36 (CA1Pompéi13).
415 Ainsi CIL, IV, 2146 : Vibius Restitutus hic / solus dormiuit et Vrbanam / suam desiderabat. « Vibius Restitutus a dormi tout seul ici et son Urbana lui manquait. » Cf. RE5.
416 Cf. par exemple le cas de l’auberge de la Scène nationale à Clermont-Ferrand (Ollivier 2016, p. 105-106 ; Ollivier et al. 2016 ; CA1Clermont-Ferrand) ; celui des multiples « chambres », de 4m2 environ chacune, du complexe routier de Côme (CA2Côme) ; l’étage de la « Casa delle Volte Dipinte » d’Ostie (III, v, 1, CA2Ostie2) et surtout les structures repérées au sous-sol de la « domus de M. Aemilius Scaurus », sur le Forum romain (CA2Rome ; cf. introduction). Dans ces trois derniers cas, toutefois, l’identification comme auberge demeure de l’ordre de l’hypothèse, qui se fonde d’ailleurs largement sur ces considérations de plan : le risque est alors grand de tomber dans un raisonnement circulaire.
417 Borgia 1991 ; l’auteur désigne par ce terme d’hospitalia une série de dix petites pièces indépendantes, situées sur l’axe nord-est du « Cortile delle Biblioteche » et réparties le long d’un large corridor central. Chacune de ces pièces est dotée de trois niches rectangulaires destinées à accueillir des lits. Le complexe est complété par une salle commune et par une latrine. L’ensemble est interprété comme une zone de logement provisoire destinée à la suite des invités de marque de l’empereur.
418 Voir Petrikovits 1975, p. 35-67 ; Le Bohec 1994 pour une réflexion sur les castra africains et surtout Reddé 2006 pour une synthèse sur le contexte des Gaules et des Germanies. Pour une comparaison entre ces logements militaires et les édifices destinés à l’accueil des voyageurs, voir Black 1995, en particulier p. 91-92, pour le cas de la Grande-Bretagne ; Corsi 2000, p. 176 pour celui de l’Italie ; dernièrement Poux – Borlenghi 2016, p. 155-158, qui se fondent sur ce rapprochement planimétrique pour identifier dans le site des Buissières (Panossas, Isère) la station routière de Bergusium.
419 La proximité est particulièrement frappante pour la « Casa delle Volte Dipinte » d’Ostie (III, v, 1, CA2Ostie2) et pour le sous-sol de la « domus de M. Aemilius Scaurus » (CA2Rome). On ne retrouve en revanche pas de configuration du type de celle des praetoria à cour centrale sur laquelle s’ouvrent ces séries de chambre (Corsi 2000, p. 175 ; Leveau 2016b, p. 31-36 ; Poux – Borlenghi 2016, p. 154-155).
420 Dans la littérature, la porte close de la chambre d’hôtel est ainsi à plusieurs reprises un des supports de l’action (cf. Apul., met., 1, 11, 7-9 ; 14, 1 ; Petron., 16).
421 Au sein du corpus archéologique, on citera par exemple le cas de l’établissement pompéien « ad Gabinianum » (VI 9, 1.14, CA1Pompéi11), dont il sera question plus en détail dans le chapitre suivant : le matériel qui y a été mis au jour comprenait en effet un nombre élevé d’éléments de serrure et de clés.
422 Voir par exemple Nissinen 2012 ; Carucci 2012 ; Lauritsen 2012, notamment p. 105.
423 Cette question sera traitée plus en détail dans le chapitre suivant.
424 Voir Leach 1997, p. 59 ; Dunbabin 1996, p. 67 pour qui « secure identification of rooms for dining is possible only under exceptional circumstances » et selon qui ces pièces avaient « a more flexible use » que celui que leur attribuent les études traditionnelles (ibid., p. 70). En ce qui concerne les espaces de repos, P.M. Allison observe sur la base du matériel découvert in situ que, dans la maison pompéienne, « there does not appear to have been one particularly dominant pattern for the choice of sleeping area » (2004, p. 134-135). Cette approche est nuancée par L. Nissinen, d’après qui, au moins dans les maisons de l’élite pompéienne, certaines pièces étaient bien réservées de manière fixe et exclusive au sommeil (Nissinen 2012 ; Carucci 2012).
425 Vulg., Luc., 2, 1-7 ; Hier., Homilia de natiuitate Domini (CCSL, 78, p. 524).
426 Le cas le plus révélateur est celui de l’écurie installée dans la pièce no 31 de la « Casa di Diana », au moment où cette habitation privée est selon toute probabilité transformée en auberge au cours de la seconde moitié du IIIe s. apr. J.-C. (voir Packer 1971, p. 132 ; Marinucci 2013, p. 14-15) ; la présence d’une mangeoire permet d’identifier de manière certaine les nouvelles fonctions de la pièce. Cf. CA2Ostie1 et chap. II.
427 Monteix 2010, p. 63.
428 Seuls ont été conservés, au sein du Corpus archéologique 2, l’étage supérieur de la « Casa delle Volte Dipinte » (III, v, 1, CA2Ostie2) et les trois étages de la « Casa di Diana » (I, iii, 3-4, CA2Ostie1), dont le premier était lié à l’auberge.
429 On évoquera ainsi l’auberge pompéienne I 2, 24.25.26 (CA1Pompéi3), dont le rez-de-chaussée était pourvu de quelques « chambres », en nombre toutefois trop réduit pour la capacité d’accueil de ce grand établissement doté d’un commerce alimentaire en façade, de plusieurs salles destinées à la restauration (dont un triclinium d’été) et d’une vaste cour découverte.
430 P.M. Allison (2004, p. 120) conclut à une identité presque complète des fonctions dévolues aux pièces du rez-de-chaussée et des étages en contexte domestique ; mais ce phénomène s’explique parfois, à Pompéi ou ailleurs, par la présence dans les étages d’appartements indépendants. L’étude des accès apparaît alors déterminante.
431 Cf. par exemple le cas de la « Casa delle Volte dipinte » (III, v, 1 ; CA2Ostie2).
432 C’est le cas de la « Casa di Diana » (I, iii, 3-4, CA2Ostie1).
433 Cf. infra.
434 Pour une synthèse sur les écuries dans le contexte pompéien, voir Kastenmeier 2007, p. 38-44. Et pour une approche plus générale, Cam 2011 ; Busana et al. 2016.
435 Busana et al. 2016, p. 114-119.
436 Ces accès se reconnaissent à leurs dimensions accrues (1,50 m en moyenne à Pompéi) et à l’interruption du trottoir avec lequel ils sont en relation, éventuellement remplacé par une rampe en basalte (voir Poehler 2011, p. 196-204).
437 Respectivement « Porte de Stabies » et « Porte Marine ».
438 Viriot 2016b, p. 283.
439 Ollivier 2016, p. 102-104 ; Ollivier et al. 2016.
440 Citons par exemple les cas du site de la Cité judiciaire (CA2Bordeaux) ou de l’établissement routier de Soumaltre (CA2Soumaltre).
441 Cette question connaît aujourd’hui un intérêt accru, notamment depuis l’hypothèse formulée par A. Wallace-Hadrill et R. Laurence d’un « moral zoning » qui présiderait à la répartition des activités au sein de la ville romaine (Wallace-Hadrill 1995, surtout p. 51-55 ; Laurence 1996). La notion, inspirée de l’urbanisme contemporain, est aujourd’hui largement remise en cause (ainsi Ellis 2004).
442 Guzzo – Scarano Ussani 2009, p. 66 ; voir également McGinn 2004, p. 8. Même réflexion pour le contexte grec et hellénistique dans Glazebrook 2016.
443 Pour une description de cet établissement, assortie d’un bilan sur son identification comme bordel, voir Guzzo – Scarano Ussani 2009, p. 23 ; p. 45-48.
444 Pour un bilan historiographique, voir McGinn 2004, p. 182-204.
445 McGinn 2004, p. 199-200.
446 On renverra à la synthèse figurant dans Wallace-Hadrill 1995, p. 51-54.
447 Pour une recension des différents catalogues d’« auberges-bordels » proposés par l’historiographie, voir McGinn 2004, p. 267-290. T.A.J. McGinn identifie 29 établissements qui allieraient un service de prostitution à des fonctions d’hébergement et/ou de restauration/débit de boissons et fait du « tavern-brothel type » le cas de figure le plus fréquemment attesté dans le contexte pompéien (ibid., p. 290).
448 Voir McGinn 2004, p. 112-119 (qui ne tient toutefois pas compte de cette observation dans la constitution de son corpus des lieux pompéiens dédiés au commerce du sexe, ainsi p. 270-294) ; Varone 2000a ; Keegan 2014, p. 262-265.
449 Varone 2000a, p. 14 : « rinvenimenti che ai nostri occhi possono sembrare certamente caratterizzati da una fortissima componente erotica, […] in realtà, nell’ottica della visione antica, venivano riguardati con significati e connotazioni del tutto diverse ».
450 Sur la place de la sexualité dans la sphère sacrée, voir Varone 2000a, p. 14-27 et p. 88-109 : que l’on pense simplement à la sexualité propitiatoire et débordante de Priape, gardien des jardins et des vergers et symbole de fertilité.
451 Varone 2000a, p. 28-39.
452 Voir Clarke 1998, p. 196-206 ; Guzzo – Scarano Ussani 2000, p. 25-35 ; Guzzo 2012. En matière d’art érotique, ces auteurs opèrent une distinction entre des représentations allusives et/ou mythologiques, que l’on pouvait retrouver partout, et des représentations explicites, qui figuraient en priorité dans des lieux dédiés à la prostitution ; le raisonnement apparaît partiellement circulaire, puisque ce sont justement ces représentations explicites qui sont souvent convoquées pour appuyer l’identification d’activités de prostitution, y compris en contexte domestique (cf. par exemple le cas de la maison pompéienne IX 5, 14 : Clarke 1998, p. 178-187).
453 Les images qui figurent dans le « Lupanare » inscrivent en effet les relations sexuelles dans un cadre luxueux qui ne saurait s’accorder avec celui des austères petites cellules où se trouvaient ces peintures (McGinn 2004, p. 114-115).
454 Où contrairement à une croyance bien établie, elles ne sont pas réservées aux quartiers serviles (voir Clarke 1998, p. 145-196 pour une étude des programmes iconographiques de quelques maisons pompéiennes).
455 Cf. par exemple le cas de la boulangerie pompéienne IX 12, 6-8 (McGinn 2004, p. 286).
456 Voir Guzzo – Scarano Ussani 2009, p. 60. On trouve des inscriptions de ce type dans des lieux dont il est certain qu’ils n’abritaient pas des activités de prostitution : cf. par exemple la présence dans les latrines de la maison de M. Loreius Tiburtinus (II 2, 2.5) de l’inscription CIL, IV, 8483 qui évoque, de manière explicite, la mise à disposition d’un attribut masculin pour cinq sesterces.
457 On reviendra un peu plus bas sur la question des cellae meretriciae situées à proximité d’auberges pompéiennes, qui servaient peut-être à abriter les activités de prostitution des établissements concernés.
458 Si à l’origine, la domus et l’établissement étaient selon toute vraisemblance unis architecturalement et économiquement, peut-être ces deux fenêtres se constituaient-elles plus, dans la dernière phase de vie du commerce alimentaire, qu’une simple servitude. Voir Rossi 2006.
459 Grahame 1997.
460 L’« exhibitionnisme » et le « voyeurisme » n’étaient pas inconnus des Romains, y compris comme pratiques destinées à pimenter la sexualité, mais leurs évocations littéraires ou iconographiques paraissent se limiter à la présence d’esclaves se tenant, impassibles ou non, aux côtés de couples faisant l’amour (voir Varone 2000a, p. 74-80). Martial moque toutefois les prétentions excessives à la « privacy » d’un client de bordel (Mart., 11, 45).
461 McGinn 2004, p. 16-17 et 85 : il est vrai que les mentions présentes dans la littérature concernent avant tout des membres de l’élite.
462 Aucun établissement du Corpus archéologique 2 n’est en revanche concerné : puisque ce sont ici les inscriptions et les décors érotiques qui ont été retenus comme critères d’identification d’activités de prostitution en contexte hôtelier, sans doute ce déséquilibre s’explique-t-il par la conservation exceptionnelle de la documentation épigraphique et iconographique de Pompéi, là où au contraire, pour le reste du corpus, les témoignages de ce type ont été perdus.
463 La dénomination latine de l’établissement est précisée lorsque celle-ci peut se déduire des inscriptions qui y ont été découvertes.
464 Dans ce cas, seule la présence de l’inscription CIL, IV, 814, qui évoque un caupo, vient garantir le lien de l’établissement, dépourvu du comptoir maçonné traditionnel, à l’activité étudiée ; cet établissement pourrait par ailleurs avoir constitué l’annexe de VII 11, 11.12.14 (cf. infra).
465 En l’absence du comptoir indiquant un commerce alimentaire, la nature réelle de ces trois sites ostiens est incertaine ; les critères iconographiques et/ou épigraphiques qui invitaient initialement à les retenir (représentations de coupes, invitation à boire) pourraient posséder un caractère plus universel que la simple référence à l’activité d’accueil qui se déroulerait sur place.
466 En revanche, l’espace VI 9, 13, qui, sur la base de l’observation d’une fenêtre s’ouvrant, dans son mur ouest, sur le jardin de l’établissement, est interprété dans la littérature archéologique ancienne comme l’écurie de VI 9, 1.14 (Avellino 1843, p. 70) ; appartenait en réalité à la maison voisine VI 9, 2.13 (Eschebach – Müller-Trollius 1993, p. 189 et, pour un plan d’ensemble, PPM, IV, p. 660).
467 Voir McGinn 2004, p. 25-26 pour une recension de ces « cellae meretriciae » pompéiennes.
468 Cf. par exemple le cas de VII 12, 33, situé dans le voisinage immédiat de l’établissement VII 12, 34.35 (CA1Pompéi18), dont l’offre de services incluait l’hébergement de la clientèle, la restauration, le débit de boissons et la prise en charge des montures et des véhicules des clients.
469 Ce phénomène de regroupement concerne très ponctuellement l’hébergement et la restauration/débit de boissons. Le commerce alimentaire VII 11, 13 (CA1Pompéi17) est ainsi inclus dans la possible auberge VII 11, 11.12.14, dotée d’espaces de restauration et d’hébergement, sans qu’il y ait communication directe entre ce commerce alimentaire et l’« hôtel » ; une étude plus approfondie des structures permettrait peut-être de restituer l’existence d’un accès entre ces deux établissements si complémentaires et si imbriqués architecturalement, qui apparaissent indépendants en l’état actuel des nos connaissances.
470 En contexte urbain, on évoquera l’exemple de la « caupona del dio Pan » à Ostie, située à proximité immédiate des thermes suburbains de la Porte Marine (CA2Ostie4) ; ou celui des structures souterraines du Forum romain, associées à un balneum dont l’usage commercial reste largement incertain (CA2Rome). En contexte routier, on mentionnera le cas de la possible auberge dite « Ad Vacanas », en bordure de la uia Cassia, qui est elle aussi liée à un complexe thermal (CA2Campagnano). Sur l’association entre lieux d’accueil et structures thermales en voyage, voir Medri 2016. Aucune auberge de l’échantillon traité ici n’est par ailleurs dotée de son propre balneum, ce qui s’explique d’autant mieux que nous avons majoritairement affaire à des cas urbains, situés dans des zones bien dotées en établissements de bains publics ou commerciaux.
471 Cf. tableau 2.
472 PPM, I, p. 6, n. 4 et p. 7, fig. 4. Sous l’image est inscrit le nom Hermes (CIL, IV, 3355).
473 Cf. infra sur les pratiques d’autoreprésentation des professionnels de l’accueil (chap. III).
474 Eschebach 1970 ; Eschebach – Müller-Trollius 1993.
475 Cette dernière désignation peut certes s’avérer utile pour qualifier les établissements pourvus d’espaces verts, à l’instar par exemple de l’établissement pompéien I 11, 10.11.12 (CA1Pompéi5) ; toutefois, rien dans les sources n’indique que ces derniers aient pu constituer aux yeux des Romains une catégorie à part, contrairement au Biergarten, caractérisé par exemple par le caractère saisonnier de sa période d’ouverture.
476 Della Corte 19653.
477 DeFelice 2001, p. 178.
478 Packer 1978, p. 5.
479 La Torre 1988, p. 76.
480 Hermansen 1982.
481 Fiorelli 1875 ; Wallace-Hadrill 1995, p. 46 ; Laurence 1996, p. 70-87 ; Ellis 2004 ; Grossi 2011.
482 Della Corte 19653.
483 Packer 1978.
484 Eschebach – Müller-Trollius 1993. Une des conséquences de ce choix méthodologique est qu’un même établissement peut être amené à figurer au sein de plusieurs catégories dans les indices de l’ouvrage, ce qui en rend la manipulation souvent délicate.
485 La Torre 1988, p. 92, n. 14 : « per hospitium si intende un edificio per il ricovero dei forestieri ; cauponae e thermopolia sono locali ove veniva servito da mangiare e da bere ».
486 La Torre 1988, p. 77.
487 Cf. par exemple, VII 12, 34.35 (CA1Pompéi18).
488 Cf. par exemple V 2, 3.
489 Il est vrai que dans la description de l’établissement, ce qui était présenté dans l’index comme une association semble devenir une alternative (« hospitium o diversorium », Della Corte 19653, p. 39).
490 Cf. par exemple I 2, 17.18.19.
491 À l’exemple de la méthode adoptée par N. Monteix au sujet des commerces alimentaires des cités du Vésuve ou par S.J.R. Ellis pour les bars de Pompéi.
492 Voir Coulet 1983. De même, à l’époque carolingienne, les aubergistes chargés de l’hébergement des pèlerins pratiquaient la banque et pouvaient offrir aux voyageurs un système de consigne (Schuler 1983). Ce phénomène vaut pour de nombreux contextes géographiques et chronologiques du Moyen Âge européen : voir également Szabó 1983. On citera éventuellement le cas possible des « aubergistes-fermiers » d’Ambrussum (CA2Villetelle) ; mais cette hypothèse doit être accueillie avec circonspection, en raison des problèmes interprétatifs posés par le site.
493 Cf. par exemple AE, 1959, 179, inscription datant du règne de Marc Aurèle, qui évoque la restauration par l’empereur de stabula le long de la voie qui reliait la capitale de la province de Thrace, Philippopolis, à la Dacie (Tsontchev 1959 ; Crogiez 1993, p. 264-267 ; Leveau 2016b) ; voir également le praetorium cum duabus tabernis de Dion de Piérie (AE, 2000, 1295) évoqué en introduction de cet ouvrage. Le seul cas occidental possible est celui évoqué par l’inscription CIL, VIII, 5341 = ILS, 5907, retrouvée à Calama (Numidie), qui mentionne la restauration, en 408, par le curateur Valentinus, d’un bâtiment destiné à l’accueil des étrangers (ad peregrinorum hospitalitatem) ; rien n’indique toutefois dans le texte qu’on ait affaire à une auberge (contra Guédon 2010, p. 93-94).
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