Chapitre 8. Le coût des palais
p. 377-411
Texte intégral
1En évoquant une « pétrification de l’argent »1, l’historiographie a interprété de manière généralement négative l’immobilisation des capitaux à travers des investissements édilitaires, tels la construction d’églises et de palais, y voyant la conséquence d’une conjoncture économique moins favorable à l’investissement commercial et l’une des causes du déclin de l’Italie à l’époque moderne2. Cette culture de la dilapidation serait ainsi à l’origine de la promulgation de lois somptuaires et d’une condamnation du luxe à cause de ses effets néfastes sur l’économie. P. Burke oppose ainsi l’investissement défini comme l’usage productif de ressources à une consommation improductive touchant au gaspillage, soit deux types de comportements qui viseraient le futur pour le premier (un profit à venir) et le présent pour le second (la satisfaction immédiate)3. Mais il reconnaît aussi que bien des dépenses peuvent être considérées comme des formes d’investissements – si l’on élargit le terme – du fait de leurs retombées sociales ou politiques. Une autre approche historiographique souligne le rôle moteur de ces investissements qui soutiennent un secteur essentiel de l’économie d’Ancien-Régime : le bâtiment4. Dans un contexte de crise des échanges commerciaux et de l’industrie, celui-ci contribue à fournir des emplois, mobilisant une main d’œuvre nombreuse aux qualifications variées. Les archives des familles patriciennes conservent une documentation comptable plus ou moins abondante et complète permettant de retracer les dépenses engagées dans la construction de leurs résidences et d’évaluer la part de celles-ci en rapport avec les revenus familiaux.
Un investissement dépourvu de rationalité économique ?
2L’habitat aristocratique ne se limite pas à une dimension utilitariste et fonctionnelle. Il symbolise le statut familial et, en cela, est l’objet d’attentions particulières. Dans la Société de cour, Norbert Elias posait le principe que l’être social de l’individu est totalement identifié avec la représentation qui en est donné par lui-même ou par les autres5. La réalité d’une position sociale n’est pas tant fondée sur la richesse réelle que sur le jugement accordé par l’opinion puisque « c’est la reconnaissance par les autres de la qualité de membre de cette société qui, en dernière analyse, décide de cette qualité même »6. D’où l’importance de l’ostentation, de la hiérarchie et du cérémonial qui constituent des éléments clés pour l’accès, le positionnement ou le maintien dans cette société. Elias opposait ainsi l’ethos social de la bourgeoisie, qui fait correspondre les dépenses aux recettes et s’efforce d’épargner, à un ethos nobiliaire, qui pratique une consommation de prestige. Dans cette dernière situation, la consommation n’est pas proportionnelle aux revenus mais se doit de correspondre au rang social détenu ou convoité. Dans la mesure où la sauvegarde de la position sociale de la famille et l’amélioration de celle-ci en dépendent, la consommation peut finir par perdre sa rationalité économique. Dans les sociétés de cour étudiées par Elias, la position sociale dépend davantage de la faveur du prince que de la richesse et la compétition sociale est particulièrement intense. N. Coquery a pu souligner la primauté des logiques sociales sur les logiques économiques dans la grande noblesse parisienne du XVIIIe siècle où la surconsommation faisait partie de l’ethos aristocratique, comme en témoignent les dépenses engagées par les familles Kinsky, La Trémoille ou Fitz-James pour l’aménagement de leurs résidences7. Gérard Labrot, dans le cas napolitain, a montré que l’investissement des nobles dans le cadre urbain vise essentiellement à recueillir des « avantages politiques, psychologiques, voire métaphysiques ». L’élite doit créer les « signes spatiaux spectaculaires de sa présence » et pour cela se trouve entraînée dans une compétition et une surenchère qui peuvent la mener à la ruine8. En effet, « l’investissement urbain n’a pas pour objectif prioritaire d’accroître la puissance économique de la famille, mais d’en démontrer et d’en gonfler la puissance sociale »9. La demeure constitue donc un véritable système de signes comme l’avait bien souligné Peirce10. Les thèses d’Elias ont été l’objet de critiques et l’on pourrait de toute manière objecter que la société milanaise du XVIIIe siècle ne correspond pas tout à fait au modèle formulé à partir de la monarchie française absolutiste. Pourtant, les évolutions de la société milanaise, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, pourraient l’en rapprocher : la politique réformatrice remet en cause l’autonomie patricienne et impose un nouveau modèle nobiliaire tandis que l’arrivée de l’archiduc Ferdinand donne lieu à la formation d’une véritable cour11. L’abbé Richard, de passage à Milan quelques années auparavant, confirmait déjà que l’élite milanaise n’échappait pas au modèle aristocratique de la « surconsommation » :
[il louait] (...) la politesse, la bonté, et la générosité de la noblesse de Milan, dont la plupart vivent vraiment en grands seigneurs. Il est vrai qu’on dit que souvent ils excèdent leurs forces et que plusieurs ont dérangé leur fortune par trop de magnificence ; mais ce n’est pas aux étrangers à s’en plaindre12.
3Les dépenses apparaissent donc parfois supérieures aux capacités financières de la famille au point de « déranger » les fortunes. Il semble que ce soit le cas des Belgioioso ou des Serbelloni, qui entreprennent de grandes réalisations architecturales dans les dernières décennies du XVIIIe siècle. Le cas de Giorgio Antonio Clerici, dilapidant son patrimoine à partir des années 1740, illustre cette situation, bien qu’elle s’explique aussi par une condition successorale particulière (voir chap. 10). Pour les Beccaria, F. Pino souligne que l’aménagement du palais de la via Brera a absorbé toutes les ressources disponibles y compris les dotes provenant de deux mariages et a compromis durablement l’équilibre financier de la famille13. Les dépenses d’autres grandes familles comme les Litta ou les Borromeo se positionnent également dans une logique de consommation de prestige mais celle-ci semble pouvoir être soutenue par la gestion attentive d’immenses patrimoines permettant d’équilibrer revenus et dépenses. Pour de nombreuses familles milanaises, le palais est très régulièrement l’objet de travaux, plus ou moins importants, comme l’a souligné A. Dionisio en étudiant les aménagements intérieurs : « la résidence est un bien qui se transforme au cours du temps, sujet aux exigences de ses habitants et aux évolutions du goût et des mentalités. Les intérieurs en particulier, plus que la structure de base du palais, se prêtent à être fréquemment modifiés pour s’adapter aux nouveaux besoins de confort et de représentation »14. Pourtant, le coût économique de ces différents aménagements a été peu étudié. Pour la période 1560-1631, L. Giacomini a pu souligner l’effort des patriciens à mener les travaux de construction au moindre coût (mise en concurrence des entrepreneurs et adjudication des travaux à la meilleure offre, réutilisation des matériaux déjà présents, sauvegarde des structures préexistantes)15. Cependant, les dépenses réalisées pour le palais urbain dépassent aussi le simple cadre des travaux extérieurs et intérieurs. Elles comprennent également le mobilier et les objets d’art ainsi que les coûts de fonctionnement (salaire des domestiques, frais de bouche, carrosses et chevaux…). La consommation aristocratique assez bien étudiée en France dans une perspective d’histoire économique demeure moins connue dans le cadre milanais16. La présente étude n’a pas pour objet de combler ces lacunes, mais elle s’efforcera de mettre en rapport le coût de la construction avec d’autres postes de dépenses. Dans ce domaine, comme le montrent les études de cas, le marché dépasse largement le cadre urbain, tant pour l’approvisionnement en matériaux que pour la main d’œuvre. Les dépenses de représentation des grandes familles contribuent donc à dynamiser toute l’économie lombarde. L’existence d’une documentation exceptionnelle portant sur les travaux engagés par la famille Verri dans les années 1760 a déterminé le choix de prendre celle-ci comme référence, en gardant à l’esprit qu’il ne s’agit que d’une famille patricienne « moyenne » par son niveau de fortune.
La réalisation d’une nouvelle résidence : le cas de la famille Verri
4En 1760, la famille Verri, alors dépourvue de résidence en propriété dans la capitale, fait l’acquisition d’une casa da nobile et de deux maisons voisines qui sont destinées à devenir sa future demeure. Le 21 février 1760 est signé l’acte de vente des biens qui sont situés dans les paroisses voisines de S. Andrea et de S. Vittore ai 40 Martiri (Porta Nuova). Ceux-ci sont achetés par les frères Gabriele et Antonio Verri auprès d’Anna Lonati Visconti, épouse du comte Lorenzo Taverna et héritière de son père, le marquis Carlo Lonati Visconti, décédé l’année précédente17. La décision d’acquérir une résidence en propriété dans la capitale est liée à un moment de forte ascension économique et sociale pour la famille, qui est présente à Milan depuis le XVIe siècle. Gabriele et son frère Antonio appartiennent en effet à une famille originaire de Monza, qui exerçait le commerce de la laine au XVe siècle et qui s’est transférée à Milan dans les années 153018. Peu après son arrivée dans la capitale, elle entre au Collège des Jurisconsultes (1536) mais reste relativement en retrait de la scène publique aux XVIe et XVIIe siècles, sûrement à cause de la relative modestie de ses ressources : en 1584, ses possessions foncières ne dépassent que de peu la centaine d’hectares. Au cours du XVIIe siècle, plusieurs dots et héritages contribuent à améliorer la situation financière de la famille. En 1655, les Verri possèdent désormais 175 hectares de terre et quatre maisons à Milan : trois maisons de location dans la paroisse de S. Nazaro (dont la famille est toujours propriétaire en 1751) et une résidence dans la paroisse de S. Protaso ad Monacos qu’ils cèdent cependant quelques années plus tard. Pendant plusieurs décennies, ils vivent donc en location19, mais deux éléments les poussent à acquérir une résidence à la fin des années 1750 : l’intégration dans les institutions monarchiques et civiques et l’amélioration de leur situation financière. Gabriele, grâce à ses compétences juridiques, est en effet entré dans les plus prestigieuses magistratures milanaises qui semblaient jusqu’alors fermées à la famille : en 1734, il obtient un siège au Magistrato Straordinario puis il devient avocat fiscal (1741), sénateur (1749) et régent (1753). En 1740, il est aussi admis au Consiglio Generale. Ces charges lui donnent donc une position éminente au sein du patriciat milanais. Par ailleurs, la famille dispose désormais de revenus plus importants grâce à la gestion attentive du patrimoine par Giovanni Pietro Verri, le père de Gabriele, mort en 174320. En 1695, ce dernier avait acquis le fief de Lucino qui lui avait permis d’obtenir le titre de comte. Si Giovanni Pietro a mené une vie en retrait de la scène politique, essentiellement occupé à renforcer la situation économique de la famille par des investissements terriens, ses fils se préoccupent des aspects représentatifs en acquérant une nouvelle demeure dans la capitale et en réaménageant les différentes résidences rurales. Ces dépenses sont rendues possibles par une amélioration des conditions financières : en 1728, Barbara Dati della Somaglia a apporté aux Verri 84 000 lires de dot ; à partir des années 1740-1750, une activité de crédit, les salaires de Gabriele et la prébende de son frère Antonio complètent les revenus fonciers21. Ces ressources permettent donc à la famille d’investir 132 000 lires dans l’achat de la casa da nobile milanaise et de deux maisons voisines, puis d’y effectuer plus de 30 000 lires de travaux au cours des années qui suivent.
Les travaux entrepris (1760-1766) : chronologie et types d’intervention
5Le 14 juin 1760, quelques mois après l’acquisition des propriétés, la réfection de la nouvelle demeure commence. L’entreprise est supervisée par Antonio, frère cadet de Gabriele, qui détient le patrimoine familial en indivision avec lui. Alors que Gabriele est occupé par sa carrière institutionnelle, Antonio a la charge de gérer les propriétés rurales et urbaines. À l’occasion des travaux, plusieurs maisons de location situées dans S. Vittore sont intégrées à la résidence. L’Archivio Verri a conservé un registre consignant méticuleusement toutes les dépenses effectuées pour la rénovation de la nouvelle demeure qui donne sur la future via Montenapoleone22. Celui-ci permet d’apprécier les dépenses réalisées et de suivre précisément la chronologie des travaux, le coût de la main d’œuvre et des matériaux, la provenance des ouvriers. Les travaux couvrent plusieurs années et des factures sont régulièrement réglées jusqu’à la fin de l’année 1766. On ne sait précisément à quelle date la famille s’installe dans sa nouvelle demeure, mais elle semble y vivre en janvier 1761, alors que les travaux battent leur plein et concernent en particulier le gros œuvre. Pietro, le fils aîné de Gabriele, découvre à ce moment la nouvelle acquisition, au retour d’un séjour à Vienne et, bien que celle-ci soit plus conforme au statut familial, il affirme regretter la maison où il est né23. Sur un peu plus de cinq ans, ce sont environ 32 000 lires qui sont investies sur le chantier et même plus de 33 000, si l’on tient compte des quelques factures réglées après 1766. La somme est importante lorsqu’on la rapporte au salaire annuel moyen des ouvriers du bâtiment (environ 300 lires pour un menuisier, 150 lires pour un ouvrier non qualifié et 600 lires pour un capomastro24). Pourtant, elle ne représente qu’à peine la moitié des revenus annuels de la famille Verri à cette époque25.
Tab. 43 – Dépenses réalisées pour les travaux de la résidence Verri.
Année | Somme (en lires) | Nombre de factures |
1760 | 1 580 | 9 |
1761 | 12 885 | 156 |
1762 | 6 390 | 116 |
1763 | 5 381 | 76 |
1764 | 2 497 | 56 |
1765 | 1 825 | 40 |
1766 | 1 094 | 7 |
1767-73 | 1 376 | 7 |
Total | 33 028 | 467 |
6L’essentiel des travaux est effectué au cours de l’année 1761, comme en témoignent le nombre de factures et la somme versée. Il s’agit alors du gros œuvre (travaux de construction et de maçonnerie), mais aussi de quelques travaux de décoration intérieure. Certaines pièces sont en effet repeintes par Zenatti en 1761 et servent à accueillir la famille qui vient de s’installer dans la demeure. Le 3 octobre 1761, les activités de construction sont achevées et si des factures continuent d’être réglées auprès des capomastri, il s’agit « d’avoirs et de réparations ». L’aspect extérieur de la demeure n’a pas été l’objet de grandes modifications, comme le laisse penser la rapidité des travaux et l’aspect « simple et régulier » que conserve la façade par la suite26. À partir de l’été 1762, commencent véritablement les aménagements intérieurs : décoration des pièces, menuiserie, pose des fenêtres, tandis que les travaux extérieurs sont achevés avec la mise en peinture de la façade et la pose d’un soubassement de pierre. L’aménagement des intérieurs se poursuit jusqu’en 1767 puis de manière plus résiduelle jusqu’en 1773. Les appartements de Monseigneur Antonio sont l’objet d’un soin particulier, comme le montre le nombre de factures qui y sont consacrées, en particulier pour la réalisation d’une caminiera27. Le registre des paiements, tenu fort consciencieusement, permet de distinguer les différents postes de dépenses pour l’ensemble de la réfection : main d’œuvre, fourniture en matériaux, salaire des personnes affectées au transport. La distinction peut être délicate à établir dans certains cas : en effet, les factures des sostrari28 qui fournissent les matériaux incluent parfois le transport, celles des vitriers comprennent à la fois le matériel et sa pose ; mais il s’avère globalement possible de répartir les factures dans les catégories suivantes :
Tab. 44 – Répartition des dépenses pour les travaux de la résidence Verri (1760-1766).
Main d’œuvre | Prix versé (en lires) | % représenté |
Construction et gros œuvre | 5182 | 16 % |
Menuiserie | 3714 | 12 % |
Décoration des intérieurs | 4288 | 14 % |
Total main d’œuvre | 13 184 | 42 % |
Matériaux | ||
Matériaux pour le gros œuvre | 11 951 | 38 % |
Vitres (pose incluse) | 1 250 | 4 % |
Fournitures diverses (pour aménagement int.) | 4 866 | 15 % |
Total matériaux | 18 067 | 57 % |
Transport | 505 | 2 % |
Total général | 31 756 | 100 % |
7Le tableau met clairement en évidence la part majoritaire des matériaux et des fournitures diverses dans le coût de la construction : celle-ci représente en effet 57 % de la dépense contre 44 % pour la main d’œuvre et le transport.
La main d’œuvre
8La main d’œuvre qui a en charge le « gros œuvre » de la construction ne représente que 16 % du coût total, bien que soit inclut le salaire des capomastri, Giovanni Carnevale et Giovanni Angelo Spinzi, chargés de diriger la réfection. La famille Verri fait en effet appel à des capomastri et non à de véritables architectes pour réaliser l’aménagement de sa demeure. La démarche est en réalité très courante de la part des familles patriciennes et les interventions d’architectes comme Piermarini ou Cantoni, s’avèrent relativement exceptionnelles. Dans le cas des Verri, il ne s’agit pas d’une construction nouvelle mais d’une plus modeste réfection et les deux capomastri fournissent aussi bien l’assistance technique pour les travaux qu’une grande partie de la main d’œuvre. Il est difficile de préciser la somme qui leur est versée pour leurs compétences spécifiques car les factures incluent généralement le salaire de leurs ouvriers. Dans le cas de Spinzi, on trouve cependant un versement de 60 lires au titre de « reconnaissance de son assistance à la construction », le 30 août 1761. Par ailleurs, d’après le nombre de journées qu’il a effectué, on peut penser qu’il a dû toucher environ 222 lires29. Les capomastri disposent en effet d’un salaire beaucoup moins élevé que les véritables architectes. Leur statut est néanmoins nettement plus élevé que leurs ouvriers : ils sont payés 40 soldi la journée, soit plus du double d’un ouvrier maçon (qui touche 14 à 20 soldi la journée) et le quadruple d’un manœuvre non qualifié (10 soldi la journée)30. Les menuisiers touchent 30 soldi par jour et leurs apprentis 10. Une autre partie de la main d’œuvre provient de l’extérieur et est payée directement à la journée par Andrea Resta, l’agent des Verri. Ce dernier verse au total 1 704 lires à diverses personnes dont la présence sur le chantier est plus ou moins régulière. Il faut noter la présence d’ouvriers provenant de Biassono, c’est-à-dire des terres de la famille Verri : certains sont affectés aux ouvrages de menuiserie mais beaucoup ont probablement travaillé sur le chantier extérieur. Giovanni Sirtori vient ainsi de Biassono pour participer à la construction de la résidence milanaise durant le printemps et l’été 176131. Carl’Antonio Colombo arrive, quant à lui, de Macherio pour la même période32. Les locataires de certaines propriétés foncières des Verri viennent également effectuer des journées de travail à Milan. C’est notamment le cas des Velaschi qui, entre le 26 mars et le 29 avril 1761, ont effectué six journées avec leurs propres chariots tirés par deux bœufs et un cheval et dix journées avec un chariot tiré par deux chevaux. Une fois le gros œuvre achevé, à la fin de l’année 1761, deux peintres effectuent le ravalement de l’édifice et touchent pour cela 92 lires (soit seulement 0,2 % de la dépense totale). Quelques années plus tard, en 1767-68, la façade sera l’objet d’une nouvelle réfection avec la réalisation d’un soubassement en granit et une mise en peinture, pour une dépense d’un peu plus de 1 250 lires – dont 672 lires pour la pierre du soubassement. Les travaux de menuiserie, qui représentent environ 12 % du coût total des travaux (3 714 lires), ne sont pas toujours précisés. Il s’agit notamment de poser le parquet, les portes, de réaliser une bibliothèque et la caminiera de « Monseigneur Don Antonio ». Plusieurs artisans sont mobilisés sur le chantier, tel Federico Pagano, Francesco Sangiorgio et surtout Giosuè Piazzagallo, qui a en charge les ouvrages précédemment cités, requérant probablement une plus grande qualification. Mais les travaux de décoration intérieure mobilisent plusieurs autres catégories professionnelles. On trouve aussi des peintres, des doreurs, des graveurs sur bois, un marbrier et un stuccatore, chargé de réaliser les stucs de la montée d’escalier et d’un cabinet. Une différence de qualification est particulièrement manifeste entre le peintre affecté aux fenêtres (Giovanni Battista Riccardi qui touche 15 lires pour cela) et ceux chargés d’effectuer la décoration des plafonds et des salles, qui peuvent être assimilés à de véritables artistes. Dans cette seconde catégorie figurent : Antonio Zenatti qui s’occupe, en 1761, d’une salle et de l’escalier (pour une facture de 206 lires), Antonio Agrati qui décore plusieurs salles en 1763 (pour 300 lires), Michele Rovelli qui a la charge des pièces de réception et d’un cabinet en 1763-64 (pour 485 lires) et Francesco Corneliani qui peint la voûte de l’escalier (pour 240 lires)33. Giovanni Zanata est préposé à la dorure de la caminiera et des miroirs de la chambre d’Antonio. Il effectue aussi celle de plusieurs livres et encaisse la somme importante de 1129 lires qui comprend sûrement la fourniture des feuilles d’or. Au total, ce sont donc 4 288 lires qui servent à payer les artisans et artistes chargés des décorations intérieures. La provenance de ces derniers n’est pas précisée, sauf pour Zanata, un Milanais installé sur le corso de Porta Nuova. À l’inverse des manœuvres du chantier qui arrivent des campagnes voisines, il est fort probable que la plupart de ces artisans habitent la capitale.
Les matériaux et fournitures
9L’essentiel du budget des travaux est toutefois affecté à l’achat de matériaux et de fournitures. Les matériaux de construction (sable, pierre, chaux, tuile, bois, métaux) occupent le premier poste avec 11 951 lires (soit 38 % de la dépense totale)34. L’approvisionnement est réalisé auprès des gérants de sostre milanaises qui sont souvent spécialisés dans un domaine particulier. Parmi les principaux fournisseurs des Verri figurent Giovanni Battista Guglielmi qui reçoit 1 708 lires pour différents types de planches et poutres de bois35 et Gaetano Baroggi qui vend bois, tuiles et chaux pour 1 064 lires. Le bois de noyer, nécessaire au plancher, est en revanche fourni par le sostraro Branca pour 78 lires. Une partie du bois est aussi amenée directement des terres familiales de Doresano (pour 289 lires) et de Biassono (pour 179 lires). Les tuiles proviennent quant à elles de Pavie (4 000 pièces pour 184 lires) et les briques de Caravaggio (4 000 unités pour 420 lires). Les pierres pour la décoration de la façade et la réalisation du soubassement (zoccolo) sont achetées auprès de Felice Pozzi, sostraro de pierre qui doit aussi travailler celle-ci puisqu’il est qualifié un peu plus loin de picapietre. Les Verri lui donnent pour cela 1 057 lires. Enfin, une importante facture de 1 817 lires est réglée à Francesco Castino, forgeron, pour l’achat de métaux36. Le sable et la chaux occupent une place un peu moins importante dans le budget mais les factures s’élèvent tout de même respectivement à plus de 700 et près 1 000 lires37. Celles des vitriers atteignent 1 250 lires, soit 4 % des frais de construction : à côté des nombreuses plaques de verres, il faut compter quelques cristaux qui ont servi pour la caminiera d’Antonio. Le prix élevé des matériaux permet donc de comprendre le nombre limité de constructions ex nihilo au XVIIIe siècle et la tendance générale à transformer des édifices existants ou à réutiliser des matériaux usagés38. Les autorités étaient bien conscientes de cet obstacle, puisque la principale mesure incitative à l’embellissement du corso de Porta Orientale fut justement l’exemption des taxes sur les matériaux de construction en 1786. Par ailleurs, les années 1760 se caractérisent par une augmentation marquée du prix des matériaux de construction, en relation avec le dynamisme de l’activité édilitaire et la forte demande qui en découle39. Une autre catégorie de matériaux recense les fournitures diverses qui ont servi aux aménagements intérieurs : clous, colle, serrures, toile, galons, cheminées. Dans ce domaine, le montant s’élève à 4 866 lires, soit 15 % du coût total. Une somme particulièrement importante a été versée à Andrea Cucchi, ferrarezza, pour les serrures, les encadrements de fenêtres et les gouttières (1 438 lires). On comprend donc la méticulosité des ingénieurs à mentionner ces différents éléments dans les descriptions et estimations de biens immobiliers qui accompagnent les actes notariés. À l’intérieur de cette catégorie de dépenses, les aspects représentatifs ressortent particulièrement avec la commande de lustres en cristal (448 lires), de pare-feu aux armes des Verri (32 lires) et de plusieurs cheminées en marbre40. Des garnitures en cuivre ouvragé sont également rapportées de Parme par le comte Fedele pour Antonio Verri. Une part non négligeable des frais de décoration intérieure est en effet destinée aux appartements d’Antonio avec la réalisation de cette caminiera de bois sculpté et doré souvent évoquée sur laquelle sont posés des lustres en cristal et d’une grande bibliothèque composée de nombreux ouvrages dorés sur la tranche. Enfin, ce qui a été recensé sous l’activité de transport consiste moins en la fourniture de matériaux qu’en l’enlèvement de terre du chantier. Au final, la somme versée aux charretiers représente à peine 1 % des dépenses. Il est vrai qu’une grande partie des voyages a dû être effectuée par les locataires ruraux des Verri à titre gratuit.
10La dépense totale de 33 000 lires pour les réaménagements de la résidence équivaut, au final, au quart du prix d’achat de la casa da nobile et des deux maisons voisines (132 000 lires). Il s’agit d’une somme supérieure à celles qui furent dépensées pour les demeures de campagne des Verri, ce qui pourrait témoigner de la primauté accordée au palais urbain et à son statut représentatif. En effet, à Biassono, la principale villa de la famille, le montant des dépenses effectuées entre 1740 et 1760 s’élève à un peu plus de 20 000 lires41. Au cours des années 1740, les jardins semblent privilégiés avec la réalisation d’un portail en fer ouvragé, la clôture de la propriété (3 877 lires), puis l’acquisition de vases et statues (1 937 lires)42. La villa de Biassono, édifice relativement modeste, est ensuite dotée de deux bras latéraux au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle tandis que sa décoration intérieure de fresques et stucs est confiée aux frères Galliari43. Les autres résidences rurales, en particulier Ornago et Mirabello, ont également été l’objet d’aménagements plus modestes au XVIIIe siècle44. Au final, l’investissement pour le palais milanais peut donc paraître important, mais il faut le rapporter aux revenus de la famille qui augmentent encore dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les 70 000 lires qui entraient dans les caisses familiales vers 1760 (revenu net, charges déduites) sont devenues 109 821 lires en 1784, alors qu’à cette même date le revenu brut s’élève à plus d’un million de lires.
Tab. 45 – Revenus de la famille Verri en 1784.
Entrées | Sorties | Bilan | |
Janvier | 48 987 | 34 967 | 14 020 |
Février | 61 471 | 46 191 | 15 280 |
Mars | 63 464 | 52 750 | 10 714 |
Avril | 73 931 | 57 209 | 16 722 |
Mai | 76 103 | 68 507 | 7 596 |
Juin | 79 758 | 69 432 | 10 326 |
Juillet | 91 621 | 85 001 | 6 620 |
Août | 99 908 | 93 422 | 6 486 |
Septembre | 104 375 | 99 631 | 4 744 |
Octobre | 110 227 | 102 668 | 7 559 |
Novembre | 111 215 | 106 294 | 4 921 |
Décembre | 120 859 | 116 026 | 4 833 |
Total | 1 041 919 | 932 098 | 109 821 |
source : A.V, 182, spese anno 1784
11Confronté aux revenus annuels de la famille, le coût des travaux entrepris n’apparaît donc pas excessif. Du reste, Antonio Verri n’appartient pas à ces nobles prêts à s’endetter pour des dépenses somptuaires. En effet, son neveu Pietro le décrit « très mesuré dans ses dépenses et très large dans ses aumônes »45. En 1776, Pietro engage de nouveaux travaux dans la résidence de Milan, à l’occasion de son mariage avec Maria Castiglioni. Ils sont destinés à offrir un plus grand confort aux nouveaux époux et se montrent particulièrement innovateurs avec l’installation d’une pompe à eau et d’une salle de bain46. Mais ces entreprises valent à Pietro les reproches de son père qui l’accuse de dépenses inutiles47, nouvelle preuve de l’attention extrême à la gestion de ses finances et du refus de dépenses inconsidérées. Les différents travaux réalisés ont permis d’augmenter la valeur de l’édifice. En 1783, la casa da nobile Verri est estimée pour une valeur locative de 7 239 lires nettes, qui représentent sur la base d’une capitalisation à 3 %, 238 850 lires48. Le bien avait été acheté avec les deux maisons voisines pour 132 000 lires, la valorisation qu’il a reçue surpasse donc largement les dépenses engagées. La demeure ne compte pourtant pas parmi les plus grands palais milanais. À titre de comparaison, en 1802, les Belgioioso vendent à l’État pour 500 000 lires la villa récemment construite par Lodovico. En 1812, le gouvernement achète le palais Clerici pour 445 000 lires, alors que les vendeurs en espéraient plus de 600 000 lires49. Les travaux effectués dans le palais Verri semblent donc proportionnés aux revenus familiaux mais doivent être confrontés à d’autres chantiers édilitaires de plus large ampleur. La documentation provenant des fonds d’archives familiaux s’avère généralement lacunaire en matière de coûts de construction. Les factures éparses qui ont été retrouvées permettent néanmoins de comparer ponctuellement les sommes engagées pour la réfection des différentes demeures et les frais de fonctionnement courant occasionnés par celles-ci.
Des dépenses résidentielles proportionnées au niveau de fortune ?
Réfection et fonctionnement courant d’une demeure patricienne : l’exemple des Crivelli
12Le palais Crivelli ne semble pas avoir été l’objet d’une réfection complète, selon un plan d’ensemble pensé par un architecte. Plus probablement a-t-il subi divers remaniements successifs, plus ou moins importants, à la manière des « palais palimpsestes » napolitains décrits par Gérard Labrot50. Il semble, en effet, qu’un chantier quasiment perpétuel ait concerné tour à tour l’habitation elle-même, les espaces de service et son environnement urbain. Lorsque la famille s’installe dans sa nouvelle résidence, en 1633, elle entreprend immédiatement quelques aménagements tandis que quatre ans plus tard, Tiberio Crivelli reconstruit les écuries51. En 1643, les frères Crivelli s’adressent aux Pères de S. Simpliciano afin d’obtenir l’autorisation d’appuyer une coupole avec sa lanterne dans leur mur et de surélever celui-ci : il s’agit probablement de la coupole qui surmonte le célèbre escalier d’honneur du palais. En 1669 est engagée la réfection des murs mitoyens du jardin, la couverture du toit, la réparation des murs du palais et l’installation d’une nouvelle porte. Ce sont alors plus de 5 800 lires qui sont dépensées en journées de travail et fournitures. En 1694, de nouveaux travaux sont entrepris, probablement fort importants puisqu’ils comportent une réfection de la façade et que des maisons voisines ont été rachetées grâce au droit d’expropriation offert par l’article De Aedificiis. Le marquis Flaminio Crivelli obtient également une concession d’espace public qui lui permet de mordre sur la rue qui borde le canal afin d’aligner la façade du palais qui a été notablement agrandie par l’intégration d’immeubles voisins52. L’importance des travaux réalisés à ce moment est confirmée par un document daté de 1700 qui évoque la « construction nouvelle » du palais53. Au XVIIIe siècle, les grands travaux extérieurs semblent terminés et les sources ne témoignent que de petites opérations de manutention54. D’autres aménagements intérieurs sont cependant réalisés de manière récurrente : chaque passage de génération semble en effet être l’occasion de travaux, comme si le nouveau propriétaire souhaitait laisser son empreinte dans la demeure. Les exigences personnelles mais aussi celles liées au statut de représentation impliquent des transformations incessantes afin d’adapter l’édifice aux nouvelles normes du confort et du goût55. Le marquis Enea Crivelli (1713-1752) a ainsi réalisé des aménagements importants dans le palais milanais de S. Simpliciano et dans les villas d’Inverigo et de Varedo. La demeure urbaine a vu la réfection d’un salon et d’un appartement56 et c’est en partie pour financer ces travaux qu’Enea se trouve contraint à vendre des terres et demande pour cela des dérogations aux fidéicommis. À la génération suivante, celle de Tiberio (1737-1804), 7 080 lires sont encore dépensées pour « adapter le quart supérieur habité par le Marquis » en 176757. Mais à cette époque, il semble que l’essentiel des dépenses concerne les demeures de campagne : entre 1775 et 1782, 16 000 lires sont absorbées par l’agrandissement et la transformation de la casa da nobile de Verano ainsi que par quelques travaux dans les édifices de service ; quelques milliers de lires sont consacrés à la résidence de Varè (1147 lires pour des aménagements dans la casa da nobile et 2 000 lires pour la construction d’un four avec portique). Mais c’est Inverigo, située au cœur des possessions familiales, qui est l’objet des principales attentions : 60 000 lires sont mobilisées pour la construction d’une nouvelle aile tandis que 8 000 lires supplémentaires servent à réaménager l’édifice ancien et les espaces de service. Au total, entre 1775 et 1782, ce sont donc plus de 94 000 lires qui sont dépensées pour les demeures familiales. La somme apparaît particulièrement importante rapportée aux revenus des Crivelli (environ 51 000 lires par an dans les années 1760) et aux autres charges qui pèsent sur le chef de famille58. En sept ans, ce sont donc près de deux années de revenus qui sont absorbées dans ces différentes constructions soit plus du quart des revenus annuels. À ces 94 000 lires, il faudrait aussi ajouter d’autres factures pour lesquelles on ne possède pas le détail et les frais de fonctionnement courant. Au total, le bilan des dépenses sur la période 1775-1782 fait état de 270 000 lires pour lesquelles 220 000 lires restent encore à régler en 1782. À la différence des Verri, le cas des Crivelli témoigne donc d’une tendance à un surinvestissement dans les frais de représentation par rapport aux revenus annuels. Pourtant, Tiberio semble se préoccuper de l’équilibre financier, bien davantage que son père, et la documentation qu’il laisse témoigne de ce suivi.
13Aux dépenses consacrées aux aménagements des résidences, s’ajoutent les frais de fonctionnement courant de celles-ci : en particulier les salaires des domestiques et les frais d’alimentation. Dans leur palais de Milan, les Crivelli entretiennent ainsi 26 domestiques : huit au service de la marquise (mère de Tiberio), onze à celui de son épouse et de leurs deux filles, cinq pour le marquis lui-même59. Il s’agit là d’un nombre plus important que les Verri qui possédaient 18 domestiques en 173260. Il est cependant fort possible que le nombre de ces derniers ait augmenté surtout à partir de 1760, lorsque la famille s’installe dans sa nouvelle résidence. En effet, dans les années 1790, le salaire du personnel de maison des Verri représente une charge mensuelle non négligeable de 1 000 lires tandis que 700 lires sont consacrées aux dépenses alimentaires. La comtesse Verri reçoit 1 740 lires par an pour se vêtir et un budget spécifique de 1 000 lires est attribué aux frais de villégiature pour le mois de juin61. Les Crivelli effectuent, quant à eux, en 1783, une étude comparative des frais de bouche à Milan et en villégiature.
Tab. 46 – Les frais de bouche des Crivelli à Milan et à Inverigo sur une durée de 25 jours en 178362.
Villégiature d’Inverigo (en lires) | Dépense ordinaire à Milan (en lires) | |
Viande (bœuf, veau, abats) | 333 | 343 |
Pain | 179 | 80 |
Poissons | 145 | |
Farine | 30 | |
Œufs | 30 | |
Citrons | 9 | |
Chocolat et café | 111 | 28 |
Sucre | 70 | 15 |
Volailles | 89 | |
Vin | 255 | 135 |
Cire | 85 | |
Épicerie, amandes, pistaches | 63 | 100 |
Bougies, beurre, pâtes, charcuterie, fromages | 446 | 126 |
Riz et sel | 88 | 44 |
Foin et avoine pour 8 chevaux | 237 | 177 |
Total | 2 175 | 1 050 |
Somme par personne | 87 lires | 42 lires |
14Le résultat s’avère finalement bien plus élevé pour la villégiature d’Inverigo : sur la base de 25 jours, les dépenses s’élèvent à 2 175 lires alors qu’elles ne sont que de 1 050 lires à Milan pour la même durée. Rapporté au nombre de personnes présentes – qui est certes plus important en période de villégiature –, le résultat est respectivement de 87 et 42 lires par personne. Il s’avère assez surprenant que les frais d’alimentation à la campagne soient deux fois plus élevés qu’à la ville alors qu’un certain nombre de produits proviennent directement des terres familiales et sont remis gratuitement ou à bon prix par les locataires. À part la viande, qui est légèrement moins chère à Inverigo, toutes les autres dépenses s’avèrent plus élevées. Le pain et le vin sont l’objet des principales augmentations, sûrement parce qu’en ville, les prix sont contrôlés. Il est aussi possible que la résidence urbaine possède un fond de produits plus important – qui n’aurait pas été inclus dans les calculs – ce qui expliquerait l’absence de certains postes de dépenses, tels la cire ou la farine. Par ailleurs, il est fort probable que la famille se fasse porter à la capitale des produits en nature et en particulier toute la volaille qui n’apparaît pas non plus dans les frais. L’analyse des frais de bouche démontre que ceux-ci représentent une part importante des dépenses annuelles : près de 20 000 lires, si l’on se base sur les chiffres des Crivelli en 1783, soit plus du double de ceux des Verri en 1790 (environ 8 400 lires). Chez les Rosales, les dépenses courantes de la famille s’élèvent à 35 000 lires pour l’année 179063. Cette somme inclut le coût du personnel et une partie des dépenses de villégiature (excepté celles de Buscate et Vailate). Treize domestiques sont au service de la famille à cette date mais ce sont les frais de bouche qui représentent plus de la moitié des dépenses64. Une large partie des revenus familiaux semble donc être absorbée par ces dépenses de fonctionnement courant si l’on se fonde sur l’état général des entrées datant de 1736 qui fait état d’un revenu annuel de 45 500 lires brutes ou 30 000 lires nettes65. Il s’agit certes là d’une période de crise et l’on peut supposer que ces revenus ont augmenté en 1790 permettant au moins d’équilibrer le budget annuel courant. Ils laissent toutefois peu de marge pour des dépenses extraordinaires.
Le coût des résidences de l’élite patricienne : les Serbelloni, Borromeo et Litta Visconti Arese
15Les dépenses résidentielles d’une famille prestigieuse, les Serbelloni, permettent de mesurer l’importance accordée à la demeure milanaise. Au cours de la période moderne, plusieurs phases de travaux font état de sommes importantes engagées dans des travaux de réfection : en 1579, selon F. Cerini, 81 000 lires auraient été investies pour la réalisation d’un véritable palais dans la paroisse de S. Maria Passarella66. Même si la somme évoquée prend peut-être en compte les frais d’acquisition des immeubles (environ 35 000 lires), le budget consacré aux travaux demeure tout de même exceptionnellement important. Il est à replacer toutefois dans le contexte d’ascension sociale des Serbelloni, appuyé par leur étroite parenté avec le pape Pie IV (chap. 5). Au milieu du XVIIIe siècle, lorsque le duc Gabrio et son frère Galeazzo réalisent de nouveaux aménagements ce sont encore plus de 30 000 lires qui sont investies dans cette même demeure67. Enfin, il est bien évident que la construction du nouveau palais de S. Babila par Gabrio, puis surtout par son fils Gian Galeazzo, occasionnent une dépense d’un niveau supérieur qui se chiffre en centaine de milliers de lires. L’édifice demeure constitué de plusieurs constructions préexistantes et l’architecte Cantoni s’est principalement attaché à refaire la façade qui donne sur le corso de Porta Orientale dans le style néo-classique alors à la mode. Les travaux, commencés en 1775, ne s’achèvent qu’en 1794. En 1787, le guide de Carlo Bianconi présente le palais Serbelloni encore en construction et souligne la magnificence de la fresque de Traballesi qui vient d’être réalisée dans l’une des salles de réception68. La demeure devient sans conteste l’un des plus importants palais de la ville comme en témoignent les hôtes illustres qu’elle est amenée à accueillir : Napoléon Bonaparte en 1796, Metternich en 1838, puis Victor Emmanuel II en 1859. Sa construction a toutefois largement contribué à la « dissolution du patrimoine familial », accentuée par les conflits successoraux qui déchirent les frères69. Les frères Serbelloni attribuent en effet à leur aîné, Gian Galeazzo, la responsabilité d’un équilibre financier compromis, à cause de son train de vie grandiose et des dépenses engagées pour la construction du nouveau palais. Au début du XIXe siècle, la famille se voit contrainte de céder de nombreuses propriétés pour solder les dettes et F. Cerini considère qu’il ne s’agit pas là d’un simple assainissement de la situation financière mais bien d’un véritable retrait lié à la nécessité de payer les intérêts des hypothèques. Peut-être ces difficultés financières expliquent-elles que la façade du palais Serbelloni donnant sur la via S. Damiano soit restée inachevée. Ce modèle d’investissements de prestige supérieurs aux revenus familiaux se retrouve à la même époque avec la construction du palais Belgioioso. Pour cette famille, le coût financier de l’édifice se chiffre en centaines de milliers de lires, soit plusieurs années des revenus de la famille qui s’élèvent à 140 000 lires par an à la fin du XVIIIe siècle70. Si l’on ajoute la réalisation de la Villa Belgioioso (future Villa Reale) par Lodovico et les frais entrepris pour le château de Belgioioso, on peut imaginer l’ampleur des sommes dépensées pour les résidences. C’est du reste en grande partie pour financer la construction de leur palais que les Belgioioso contractent plusieurs prêts au cours des années 1770 et cèdent une partie des biens provenant de Barbara D’Adda, l’épouse d’Antonio71. Les sollicitations récurrentes des créditeurs d’Alberico témoignent du niveau d’endettement de celui-ci72. Le total des prêts identifiés pour les années 1777-1783 s’élève à 150 000 lires, somme qui n’est peut-être pas exhaustive et qui témoigne de l’importance du système de crédit dans lequel est engagée une famille riche et puissante comme les Belgioioso. Ces prêts ont servi à financer les achats immobiliers, les travaux mais aussi les dots. La pratique du crédit relève certes du fonctionnement normal de l’économie d’Ancien Régime, époque où les liquidités en circulation sont peu importantes, mais le cas des Belgioioso semble bien s’apparenter au modèle d’une consommation aristocratique qui confine au surendettement. C’est en grande partie pour sortir de cette situation économique délicate que le prince Alberico accepte en 1790 de marier son aîné Rinaldo à Giovanna Mellerio, héritière de l’immense patrimoine d’un des principaux acteurs de la ferme milanaise73. Les somptueuses réalisations architecturales des Belgioioso et des Serbelloni, toutes deux contemporaines, semblent contribuer à faire évoluer le regard des contemporains sur les palais milanais (gravure des palais Belgioioso et Serbelloni, p. 371).
16Chez les Borromeo, autre famille de l’élite patricienne, les investissements résidentiels, non moins importants sur la longue durée, semblent davantage proportionnés aux revenus familiaux qui sont aussi plus élevés. Le palais, dont l’origine remonte au XIVe siècle, a connu plusieurs interventions au cours de la période moderne, en particulier pour aménager les intérieurs. Une importante phase de travaux date des années 1658-1659 ainsi que l’évoque la « nouvelle construction du palais de Milan »74. Dix ans auparavant, en 1649 une nouvelle écurie avait déjà été réalisée75. En 1669, Vitaliano écrit à son frère, le cardinal Giberto pour l’informer des travaux réalisés dans le palais milanais par Renato et lui joint un dessin76. Deux pièces dont la Camera del Leone ont alors été ajoutées à l’édifice. La chapelle a été déplacée pour satisfaire les exigences de la comtesse qui la trouvait trop éloignée de ses appartements. Les lieux libérés par ce transfert ont été récupérés par Vitaliano pour agrandir ses appartements tandis que la petite sacristie a été transformée en alcôve. De nouveaux escaliers ont été créés pour faciliter les déplacements internes tandis que l’ancienne tour a été attribuée à l’appartement des femmes, leur permettant d’accéder plus facilement aux étages supérieurs. Les cycles de vie suscitent donc des adaptations des demeures aristocratiques, suivant les reconfigurations de la famille qu’elles accueillent. En 1671, une facture est payée par les Borromeo à la Fabrique du Duomo pour l’achat de deux grands blocs de marbre destinés à faire les pilastres du portail d’entrée77. Une autre phase d’interventions importantes se situe dans les dernières décennies du XVIIIe siècle qui constituent une période d’activité édilitaire particulièrement intense à Milan. Entre le mois de juin et le mois de septembre 1784, trois artistes présentent des projets et plus de 1 000 lires leur sont versées pour les dessins effectués78. Le projet de Giovanni Bonacina semble sélectionné puisqu’il est rémunéré pour de nouveaux dessins en 1785 (580 lires). En 1784, la famille songe aussi à construire un petit théâtre dans son palais : les devis font état d’une somme comprise entre 7 000 et 8 000 lires sans que l’on sache si les travaux ont été entrepris79. Un chantier est toutefois bien en cours pour la réfection des intérieurs : le 6 septembre 1785, le doreur Paolo Sant’Ambrogio reçoit en effet 258 lires, solde de sa facture pour l’aménagement d’un appartement au rez-de-chaussée. Entre 1789 et 1791, une série de factures plus importantes fait état de près de 25 000 lires payées à divers professionnels, en particulier des peintres, des doreurs et des stuccatori. Le peintre Giovanni Bonacina reçoit ainsi 6 496 lires pour des peintures qu’il a réalisées dans diverses salles donnant sur la rue (probablement celles dont il avait présenté les dessins en 1785). Francesco Cipolla et Giovanni Cacoretto gagnent 9 430 lires pour avoir doré les fenêtres. Durant la même période, plus de 10 000 lires sont également dépensées en matériaux divers qui doivent servir aux travaux intérieurs (bois, fer et surtout 7 260 lires de draperie de soie pour tapisser l’une des pièces). Les sommes citées ne sont peut-être pas exhaustives mais elles suffisent à démontrer l’importance des dépenses engagées dans les travaux de réfection. Au total 35 000 lires (et sûrement plus encore) sont versées pour la réfection d’un seul appartement, soit davantage que la famille Verri pour le réaménagement extérieur et intérieur de sa résidence. Chez les Verri, le peintre recevait, au mieux, quelques centaines de lires pour la décoration des pièces de réception ; la facture des doreurs s’élevait à 1 500 lires tandis que la toile pour les plafonds ne dépassait pas 400 lires. Chez les Borromeo, ces sommes sont quasiment multipliées par dix, soit une proportion bien supérieure à l’inflation qui caractérise la période 1760-179080. Il s’agit de deux familles qui n’occupent pas le même rang à l’intérieur du patriciat, par leur position économique et leur prestige. En dépit de l’ascension sociale qu’ils viennent de connaître, les Verri sont bien loin de posséder la fortune des Borromeo : dans la liste fiscale d’Olona, les revenus annuels des premiers sont estimés à 20 000 lires tandis que ceux des seconds à 150 000 lires et probablement davantage avec leurs possessions extérieures à la Lombardie81. Les Verri ont fait l’acquisition d’une simple casa da nobile tandis que les Borromeo possèdent un véritable palais qui a été l’objet de divers agrandissements depuis le XIVe siècle. C’est à un niveau similaire à celui des Borromeo que se situent les investissements du comte Bartolomeo Arese, futur régent et président du Sénat. Il affirme en effet dans son testament que les travaux de son palais urbain, réalisés au cours des années 1640, lui ont coûté 222 000 lires82. La somme apparaît fort importante mais il s’agit alors d’un des principaux personnages de la scène milanaise, tant par sa richesse économique que par son rôle politique et institutionnel (voir chap. 5). Le coût total de la demeure représente au final moins d’une année des revenus de la famille qui sont estimés à près de 350 000 lires (pour un capital d’environ 8 millions de lires). Une somme semblable aurait également été investie pour la réalisation du palais de Cesano Maderno83. La chronologie des travaux démontre la primauté de la demeure milanaise qui est édifiée au cours des années 1640, tandis que la villa date seulement des années 1650. Pourtant, les dépenses effectuées à Cesano témoignent de l’intérêt porté à la résidence rurale et de son statut représentatif. La somptuosité de la demeure est alors comparable à celle du palais Borromeo de l’Isola Bella. En moyenne, ce sont donc 25 000 lires par an qui sont destinées à la construction des résidences Arese entre 1641 et 1659, soit moins de 10 % des revenus annuels de la famille. Au milieu du XVIIIe siècle, alors que les Litta ont confié la réfection de la demeure de Porta Vercellina à B. Bolli, ce sont probablement près de 200 000 lires qui servent à financer celle-ci mais la famille compte toujours parmi les plus riches du patriciat avec des revenus qui dépassent les 300 000 lires annuelles84. Face à de telles résidences, la casa da nobile des Bolognini située dans S. Pietro alla Vigna est bien plus modeste et demeure proportionnée au statut économique de la famille85. Les seules notes de travaux retrouvées datent de cette même année 1716 et s’élèvent à un total de 14 090 lires : le comte Ferdinando fait poser 18 vitres avec leur cadre aux fenêtres, refaire le pavement du portique et réaliser huit antiportes. Il ne s’agit donc pas d’investissements de prestige mais de simples travaux d’entretien et d’adaptation aux normes de confort élémentaires. Chez les Rosales, le palais milanais a été l’objet d’un investissement initial au milieu du XVIIe siècle mais il semble que par la suite les dépenses affectées à celui-ci soient relativement réduites86. En 1644, Diego projette la construction de la demeure qui est surtout effectuée par son successeur, Matteo. Celui-ci y incorpore un immeuble voisin et estime, en 1666, la valeur de la demeure à 108 000 lires tout en précisant qu’elle lui a coûté bien davantage87. Cette somme est obtenue à partir de la capitalisation du loyer (estimé à 2100 lires annuelles) au taux de 2 % car Matteo reconnaît qu’il est impossible d’espérer obtenir davantage de ce type d’immeuble. Les investissements effectués n’ont donc pas un objectif économique et celui qui les effectue sait pertinemment qu’il ne rentrera pas dans ses frais. L’objectif n’est d’ailleurs pas de louer une telle demeure mais qu’elle soit occupée par la famille. Un siècle et demi plus tard, la valeur de la demeure n’a pas augmenté : la division du patrimoine datant de 1815, l’estime pour 117 998 lires, soit 10 000 lires supplémentaires à l’estimation de Matteo en 1666 pour les travaux réalisés depuis, alors que la lire a perdu 20 % de sa valeur88. La primauté de la résidence milanaise face aux demeures rurales de la famille apparaît toutefois clairement à la mort de Matteo89. Les case da nobile de Vailate (centre féodal), de la Rosa (juste à l’extérieur de Porta Tosa) et de Castelleone sont estimées respectivement 12 000, 18 000 et 6 000 lires (contre les 108 000 lires du palais milanais). La disparité apparaît même renforcée si l’on s’intéresse au mobilier : les meubles, tapisseries, tableaux et objets du palais sont estimés pour un total de 274 000 lires contre 7 645 lires pour ceux de Vailate, 6 560 lires pour ceux de la Casa della Rosa, 3 923 pour ceux de Castelleone. Il faut donc souligner ici que les investissements les plus dispendieux ne concernent pas les dépenses architecturales proprement dites mais bien le mobilier. Dans le palais milanais des Rosales, la valeur des meubles représente deux fois et demi celle de l’édifice.
Un exemple d’interventions édilitaires récurrentes : le palais Trivulzio
17Le palais Trivulzio, situé contrada della Signora, est l’objet d’un chantier quasiment continu au cours du XVIIe siècle90. L’architecte (ou ingénieur) qui est chargé d’encadrer les travaux réalise les dessins, surveille l’exécution, contrôle les prix donnés par le capomastro et envoie au prince un rapport sur les travaux effectués91. Les contrats signés avec les capomastri informent précisément sur la nature et les conditions des travaux effectués dont ils doivent garantir la qualité. Ils précisent la provenance des matériaux et mentionnent généralement l’obligation de réutiliser les matériaux anciens lorsque cela est possible. Ils insistent sur certains détails techniques tels cribler le sable, réaliser les murs de manière parfaitement verticale (a piombo) ou “bien composer et bien pétrir le mortier sans qu’il reste de grumeaux de chaux”. Enfin, la nécessité d’employer des ouvriers qualifiés est soulignée et le commanditaire se réserve le droit de faire renvoyer ceux qui ne lui conviendraient pas. Teodoro Trivulzio, acquéreur de la demeure en 1507, ne semble pas y avoir entrepris de grands travaux mais il ordonne dans son testament à ses héritiers de dépenser 14 000 ducati pour agrandir et embellir l’édifice. La somme est énorme : elle est trois fois et demi supérieure au prix d’acquisition de la demeure puisque le palais, avec son grand jardin d’agrément et son jardin potager, avait été acheté pour 4 000 ducati d’oro auprès du duc de Ferrare92. Toutefois, lorsque Teodoro décède en 1531, son héritier Gian Giacomo (q Francesco) est encore mineur et l’administration des biens est confiée aux députés de la Misericordia. La demeure est alors louée à partir de 1544 et, durant les 19 années d’administration des députés, seules 1 700 lires sont destinées à embellir le palais, l’essentiel des travaux étant pris en charge par la locataire93. En 1556, Gian Giacomo, âgé de 25 ans, obtient la gestion de son patrimoine mais c’est seulement trois décennies plus tard que des traces d’aménagements importants dans le palais apparaissent. La comtesse Ottavia Marliani Trivulzio, épouse de Gian Giacomo, joue alors un rôle déterminant dans les transformations de l’édifice, en tant que tutrice de son fils dans un premier temps puis comme tutrice de son petit-fils dans un second. En 1589, elle acquiert une maison voisine auprès de Claudio Ferro pour 33 000 lires. Celle-ci est réunie au palais par le moyen d’un pont enjambant la contrada della Signora et d’un couloir souterrain. La contrada est en même temps privatisée par le moyen de barres interdisant le passage des carrosses et des chevaux. À l’exception de quelques interventions qui relèvent davantage de l’entretien94, il faut attendre 1614 pour voir commencer une nouvelle phase de travaux importants, toujours gérée par Ottavia. Son fils, Carlo Emanuele, est mort en 1605 et son petit-fils, Teodoro, n’a pas encore atteint la majorité. Sa belle-fille, Caterina Gonzaga, ne semble pas intervenir dans les aménagements du palais et meurt en 1615. Le contrat qu’Ottavia signe avec le capomastro, Cesare Aranco, prévoit la réfection de toute la partie du palais donnant sur le canal avec la destruction de murs anciens, la réalisation de fenêtres, de portes et la réfection de plafonds. Dans les faits, il s’agit de la construction d’un nouveau corps de bâtiment qui cherche à récupérer un maximum de structures préexistantes. Les travaux de pierre taillée pour les fenêtres et chapiteaux sont confiés à Pompeo Salterio, Fabrizio Pozzo et Battista Hostalli, maîtres tailleurs de pierre, pour un total de plus de 5 300 lires. En 1615, une facture du capomastro Aranco s’élève à 6 389 lires et ne concerne a priori que le coût de la main d’œuvre auquel il faut donc ajouter celui des matériaux. Au total, durant sa période d’administration qui va de 1606 à 1621, la comtesse Ottavia consacre 42 735 lires aux travaux du palais. Par la suite, c’est son petit-fils, Teodoro Trivulzio (1597-1656), qui constitue un acteur essentiel de l’embellissement du palais familial, sa demeure devant refléter et servir sa brillante carrière politique. En 1615, Teodoro épouse Giovanna Grimaldi, fille des souverains de Monaco, qui décède cinq ans plus tard lors de la naissance de leur fils Ercole95. Teodoro s’engage alors dans une carrière ecclésiastique qui doit aussi servir des intérêts temporels96. Il devient cardinal en 1629, après être entré en prélature en 1625. Les importantes possessions familiales étant situées à la frontière de la Lombardie et du duché de Parme, il joue un rôle militaire éminent pour la défense du territoire, au cours des années 1630-1640 et gagne ainsi la confiance de la monarchie espagnole. Ayant démontré ses qualités politiques, il est envoyé en Sicile comme vice-roi en 1647-1649 pour y rétablir l’ordre après les révoltes. En 1656, il occupe la charge de gouverneur de Milan, fait exceptionnel pour un patricien milanais. Les travaux de son palais sont confiés à l’un des principaux architectes lombards de l’époque, Fabio Mangone97. Les traces d’une première campagne de travaux importants datent de 1623-1626. La convention signée avec le capomastro Angelo Milano, le 13 mars 1623, stipule en effet qu’il s’engage à achever les pièces du « nouveau palais de Porta Tosa » commencées les années précédentes (il s’agit de l’édifice entrepris par Ottavia à partir de 1614)98. Au cours de ces trois années, Angelo Milano reçoit plus de 27 000 lires auxquelles il faut surement ajouter le paiement de différents artisans tel le tailleur de pierre, Pietro Paolo Rossi qui reçoit 5 844 lires pour la réalisation des fenêtres et balcons, des escaliers et seuils de portes. De 1623 à 1626, ont été entrepris la réfection des appartements situés au-dessus de la porte d’entrée et des appartements des femmes, l’aménagement de la remise des carrosses, de la garde-robe et du jardin99. En 1626, cette campagne de travaux semble achevée et peu d’interventions sont entreprises dans les années qui suivent à l’exception d’une réfection du mur du jardin en 1646 pour un coût de 1 200 lires100. Au cours des années 1650, alors que Teodoro est de retour à Milan après son séjour en Sicile et en Sardaigne, l’emprise foncière dans le quartier est étendue par plusieurs acquisitions immobilières101. L’une d’elles sert à agrandir la chapelle familiale de S. Teodoro, dans l’église voisine de S. Stefano in Broglio dont les travaux sont confiés à l’architecte Castello en 1656. La facture du maître maçon, qui inclut le prix des matériaux, s’élève à 4 250 lires102 mais il faudrait ajouter à cela les 5 000 lires consacrées à l’achat de la maison contigüe à l’église. Le cardinal engage ces travaux le 30 mars 1656 et la chapelle accueillera son corps quelques mois plus tard puisqu’il décède le 3 août de cette même année. Exceptée la réalisation d’un portique dans la cour du palais de la via Signora en 1657, c’est surtout à partir de 1659 qu’une nouvelle campagne de travaux dans le palais est lancée sous la direction du capomastro Francesco Ariggio103. Elle prévoit la réfection du toit, l’élévation d’un mur, l’ouverture de nouvelles fenêtres, la création d’une cheminée dans la galerie, la réfection de portes, l’enlèvement de balcons aux fenêtres, l’installation d’une cheminée prise au palais de la via Rugabella et la création d’un escalier secret en bois. Une nouvelle porte donnant sur le naviglio est également ouverte et les Trivulzio obtiennent l’autorisation d’y amarrer une barque. Selon les factures conservées, 3 000 lires sont dépensées mais il est probable que le coût des travaux ait été bien plus élevé. En 1663, une nouvelle salle est réalisée dans le palais à partir d’une portion d’immeuble, située juste au-dessus des écuries et achetée aux frères Vigoni en 1661 pour 13 600 lires104. Toute la structure de l’édifice (toit, murs) est alors l’objet d’une réfection pour être intégrée au palais. Les plafonds de ces nouveaux appartements sont ensuite décorés en stucs dorés. En 1669, la réalisation de la nouvelle écurie (Cavalerizza) mobilise encore des moyens importants105. Prévue pour accueillir 42 chevaux, les plans sont conçus par l’architecte Giovanni Domenico Richini106. La vieille écurie est complètement abattue pour construire un nouvel édifice dont la voûte est soutenue par 20 colonnes. Cette réalisation est l’objet d’une description longue et précise qui prévoit jusqu’à la fixation des anneaux destinés à attacher les chevaux. Les travaux, confiés au capomastro Filippo Provasio, durent de mars à décembre 1669 et mobilisent dix à vingt ouvriers qui y travaillent du lundi au vendredi et parfois le samedi. Outre cette main d’œuvre spécialisée, des porteurs doivent évacuer ou apporter les matériaux nécessaires. Chaque jour, entre avril et septembre, 20 à 40 charrettes de terres sont évacuées et conduites aux Bastioni, ce qui représente un budget de plus de 8 000 lires dans les dépenses tandis que le chantier a nécessité l’approvisionnement de 1 880 charrettes de sables.
18C’est donc de début mai à fin juillet que le chantier mobilise le plus de main d’œuvre comme en témoignent les journées effectuées par les ouvriers dont le nombre fluctue davantage que celui des maîtres. Le coût de la réalisation s’élève au moins à 16 000 lires, ce qui représente une dépense importante pour une écurie107. Entre ces grandes campagnes de travaux, des interventions ponctuelles sont réalisées dans la demeure pour quelques centaines de lires108. Par ailleurs, il faudrait aussi prendre en compte les travaux de décoration intérieure qui ne sont pas toujours mentionnés ici et qui représentent un budget souvent plus important que le gros œuvre. Le palais urbain s’insère également au sein d’un système résidentiel qui se compose de plusieurs villas, parmi lesquelles domine celle de Codogno, objet de nombreux investissements de la part du Cardinal Trivulzio109. Durant le XVIIe siècle, la famille acquiert aussi de nombreux objets d’art pour embellir ses résidences, mettant à profit un réseau européen étudié par Alessandra Squizzato110. Le cas des Trivulzio apparaît toutefois assez exceptionnel du fait du prestige de la famille et du rôle politique de premier plan du cardinal Teodoro. Peu d’autres patriciens peuvent soutenir la comparaison à ce niveau, à l’exception de Bartolomeo Arese (1590-1674) ou, un peu plus tard, de Carlo Borromeo Arese (1657-1734), vice-roi de Naples. Par ailleurs, les travaux effectués par les Trivulzio apparaissent relativement échelonnés au cours du siècle et finalement proportionnés aux importants revenus familiaux111.
Une opération d’urbanisme et de communication symbolique : le palais Belgioioso
19À la fin des années 1780, lorsque l’architecte Giuseppe Piermarini, achève le nouveau palais Belgioioso, celui-ci constitue l’édifice privé le plus somptueux de Milan, tant par le caractère imposant et majestueux de sa façade que par sa mise en scène dans l’espace urbain grâce à la création d’une place devant celui-ci (gravure du palais Belgioioso, p. 371).
20L’édifice se distingue aussi par la relative rapidité de sa réalisation (entre 1772 et 1787) et par les choix esthétiques du commanditaire : c’est l’un des premiers palais néoclassiques, en rupture avec le style jusqu’alors dominant du barocchetto teresiano. Par la suite, alors que d’autres grandes réalisations transforment l’espace urbain milanais – tels le Palais Serbelloni de l’architecte Cantoni ou la Villa Belgioioso de Pollack –, le palais Belgioioso demeure un cas singulier, s’agissant d’une intervention au cœur de l’espace urbain, dans sa partie la plus densément occupée, qui s’est accompagnée d’une opération d’urbanisme avec la création d’une place.
21À la différence d’autres familles patriciennes milanaises, issues du monde marchand et anoblies au XVIIe ou XVIIIe siècle après avoir acquis terres et fiefs, les Belgioioso appartiennent à la vieille noblesse féodale (cf. chap. 3). Il ne s’agit donc pas de « parvenus » qui veulent inscrire dans la pierre leur statut récemment gagné mais d’un ancien lignage nobiliaire qui occupe le devant de la scène politique grâce à sa proximité avec le pouvoir autrichien. Antonio Belgioioso reçoit la Toison d’or en 1764 puis le titre de prince du Saint Empire Romain Germanique en 1769. Son fils, Alberico XII, est à la tête des services militaires de l’archiduc Ferdinand. Cette reconnaissance politique est l’occasion de rappeler les origines militaires anciennes de la famille puisque la décoration de la principale salle de réception du palais, réalisée dans les années 1770, illustre les exploits militaires du glorieux fondateur du lignage, Alberico Le Grand. Il s’agit alors de donner à la famille une résidence digne de son nouveau statut de prince du Saint-Empire. À l’occasion de son mariage, en 1722, Antonio avait déjà fait refaire la façade donnant sur le jardin. Mais c’est surtout dans les années 1770 – soit après l’obtention du titre de prince du Saint-Empire – que sont réalisés les principaux travaux, confiés à l’architecte Piermarini112. Toutefois, si ces travaux témoignent de la centralité résidentielle de la capitale – qui accueille, désormais, une véritable cour avec l’arrivée de l’archiduc Ferdinand, ils ne signifient pas pour autant une marginalisation de la propriété rurale : le château de Belgioioso est lui aussi l’objet d’importantes transformations à cette même époque. Pour réaliser sa nouvelle demeure et la place qui la précède, le prince Belgioioso doit acquérir les immeubles situés autour de son palais (pl. XXVIII). Il profite d’abord des sécularisations ecclésiastiques et, en particulier, de la suppression des petites paroisses de S. Martino et S. Stefano in Nosiggia qui libèrent l’emplacement des églises et des maisons paroissiales : celles-ci sont destinées à être détruites afin d’ouvrir la place. Il a ensuite recours à l’article De Aedificiis privatis des Nouvelles Constitutions qui lui permet de s’approprier des propriétés voisines de sa résidence moyennant le versement d’un prix majoré de 25 %. Cet instrument juridique est mobilisé à deux reprises au moins : le 21 octobre 1778, avec l’achat d’une maison à Carlo Garzia dans la paroisse de S. Stefano in Nosiggia pour 1 000 gigliati113 et le 24 septembre 1779 pour l’acquisition d’une autre maison auprès de l’avocat Berrini. Enfin, les Belgioioso font jouer le prestige de leur famille pour convaincre les frères Salvaterra de leur céder leur immeuble114. C’est dans un esprit similaire que, le 30 avril 1779, Giuseppe Costa cède au prince Belgioioso deux case da nobile situées à proximité de son palais pour agrandir celui-ci115. L’une de ces maisons, habitée par le marquis Foppa, est destinée à être démolie. À l’issue de ces diverses opérations, la valeur du patrimoine urbain des Belgioioso a plus que quadruplé : des 4 225 scudi initiaux, elle est passée à plus de 19 000 scudi116. C’est la principale augmentation d’un patrimoine urbain patricien durant cette période.
22Le recours à l’architecte Piermarini traduit l’attachement de la famille à l’Empire117. Par les commandes qu’il reçoit, il apparaît clairement comme l’architecte au service des familles proches du pouvoir viennois : le premier palais urbain qu’il réalise entre 1772 et 1778 est celui des Greppi, une famille de riches financiers118. Un premier projet de Piermarini pour le Palais Belgioioso est élaboré vers 1772 et s’avère bien différent de la réalisation finale. Il témoigne des difficultés de l’architecte à traiter une très longue façade qui est alors surmontée d’un énorme fronton concentrant la majeure partie des éléments décoratifs pour un résultat peu harmonieux. La construction finale marque la recherche d’une plus juste proportion entre la structure et le décor et montre certaines similitudes avec la Reggia de Caserta, la grande œuvre de Vanvitelli dont Piermarini fut l’élève. Les 25 fenêtres qui rythment chaque étage du palais sont d’une ampleur encore inconnue à Milan tandis que les éléments décoratifs ont une valeur symbolique toute particulière. Sur la fresque de la corniche, l’inscription Aedes Belgioisiae Aestiae (Demeure des Belgioioso d’Este) imprime définitivement la marque de la famille dans l’espace urbain et célèbre l’alliance d’Alberico avec Ricciarda d’Este en 1757. Outre la date de construction qui figure au-dessus du portail, la fenêtre qui surmonte celui-ci supporte le blason de la famille soutenu par une figure féminine (probablement la Vierge), elle-même entourée de deux lions qui soutiennent une couronne princière, rappelant le nouveau titre récemment obtenu par Antonio. Sur le blason figurent l’aigle à deux têtes, symbole de l’investiture impériale et des fleurs de lys. L’ensemble de la façade mobilise un répertoire décoratif qui emprunte à l’Antiquité et renvoie à une riche symbolique. Elle met en évidence les éléments essentiels du prestige de la famille Belgioioso d’Este : sa valeur militaire (trophées, fleurs de lys, couronne de laurier), ses liens avec l’Empire (aigle) et avec la papauté (clés croisées) tout en s’inscrivant parfaitement dans les canons néo-classiques. La décoration intérieure fait écho à ce somptueux répertoire décoratif de la façade. Les fresques du plafond de la salle de réception représentent l’apothéose d’Alberico Le Grand (1344-1409) qui libère l’Italie des étrangers, illustrant la devise de la famille : Liberata Italia ad Exteris119. Alberico, vêtu comme un officier romain, est entouré par les allégories de la Gloire et de l’Émulation. Le sujet, proposé par Parini, est réalisé par Martin Knoller et les frères Gerli120. Les médaillons et bas-reliefs de stucs, sur les murs, sont réalisés par Giocondo Albertolli et représentent des scènes de guerre d’Alberico. Par cette double réalisation, le palais et la place qui le dégage du bâti environnant, la famille Belgioioso a durablement marqué l’espace urbain milanais. Ce statut donné à la résidence milanaise, devenue plus importante que celle du fief apparaît dans la volonté d’Alberico (1725-1813) de se faire représenter devant celle-ci. Pourtant, la vieille demeure féodale n’est pas pour autant marginalisée puisque des aménagements importants sont réalisés dans le château de Belgioioso, notamment avec la construction d’une nouvelle résidence, à côté de l’ancien château féodal.
Notes de bas de page
1 R. Fregna, La pietrificazione del denaro : studi sulla proprietà urbana tra XVI e XVII secolo, Bologne, 1990. D
2 R. Lopez et H. A. Miskimin, The Economic Depression of the Renaissance, dans The Economic History Review, 3, 1962, p. 115-126 ; G. Doria, Investimenti della nobiltà genovese nell’edilizia di prestigio (1530-1630), dans Studi Storici, 27, 1986, p. 5-55 ; J. C. Davis, The Decline of the Venetian Nobilty as a Ruling Class, Baltimore, 1962.
3 P. Burke, Investments and Culture in three Seventeenth-century Cities, dans A. Guarducci (dir.), Investimenti e civiltà urbana, secoli XIII-XVIII, Bagno a Ripoli, 1989, p. 515-530.
4 Voir l’étude pionnière de J.-P. Bardet, P. Chaunu, G. Desert, P. Gouhier, H. Neveux, Le bâtiment : enquête d’histoire économique (XIVe-XIXe siècles), Paris-La Haye, 1971 ; R. A. Goldthwaite, La costruzione della Firenze rinascimentale : una storia economica e sociale, Bologne, 1984. Sur la relation entre croissance édilitaire et développement économique : R. Romano, Opposte congiunture : la crisi del Seicento in Europa e in America, Venise, 1992, en particulier p. 63. Voir aussi J.-F. Chauvard, Pour en finir avec la pétrification du capital. Investissements, constructions privées et redistribution dans les villes de l’Italie moderne, dans MEFRIM, 119-2, 2007 (J.-F. Chauvard et L. Mocarelli [éd.], « L’économie de la construction dans l’Italie moderne »), p. 427- 440 ; S. Cavaciocchi (éd.), L’edilizia prima della rivoluzione industriale (secc. XIII-XVIII), Bagno a Ripoli, 2005. Dans le cadre milanais, Luca Mocarelli a ainsi mis en évidence le dynamisme économique du secteur de la construction dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : L. Mocarelli, Una realtà produttiva urbana nel secolo dei lumi : Milano città atelier, Brescia, 2001, en particulier chap. 4, « Il forte sviluppo dell’edilizia » (p. 117-138) et plus récemment : Id., Costruire la città : edilizia e vita economica nella Milano del secondo Settecento, Bologne, 2008.
5 N. Elias, La Société de cour, Paris, 1974 (éd. allemande 1969). Voir en particulier le chapitre 1 sur la « structure et signification de l’habitat ». À la suite d’Elias, la sociologie a pu confirmer la corrélation entre le statut social et certaines formes de consommation. Voir notamment P. Bourdieu. La Distinction : critique sociale du jugement, Paris, 1979.
6 N. Elias, La Société de cour… cit., p. 87.
7 N. Coquery, L’hôtel aristocratique... cit., p. 87 et sq.
8 G. Labrot, L’aristocratie à Naples : investissements, violence, déprédation (1503- 1734), dans A. Guarducci, Investimenti e civiltà urbana, secoli XIII-XVIII, Bagno a Ripoli, 1989, p. 813-844.
9 G. Labrot, op. cit., p. 835. L’auteur renvoie aux analyses de Georges Bataille : « Dans les divers jeux de compétition (…) des sommes d’argent considérables sont dispersées pour l’entretien des locaux, des animaux, des engins ou des hommes. L’énergie est prodiguée autant que possible de façon à provoquer un sentiment de stupéfaction, en tout cas avec une intensité infiniment plus grande que dans les entreprises de production » (G. Bataille, La part maudite, Paris, 1967, p. 28).
10 C. S. Peirce, Écrits sur le signe, Paris, 1978. Il en faisait, avec le langage et le costume, l’un des principaux objets de la sémiotique.
11 E. Riva, La Corte dell’arciduca Ferdinando Asburgo Lorena, governatore di Milano (1771-1796), dans Il Teatro a Milano nel Settecento : i contesti, Milan, 2008, p. 1-18.
12 J. Richard, Description historique et critique de l’Italie, ou nouveaux mémoires sur l’état actuel de son gouvernement, des sciences, des arts, du commerce de la population et de l’histoire naturelle, Paris, 1766, p. 266.
13 F. Pino Pongoli, Contributo alla biografia di Cesare Beccaria : le vicende economiche e patrimoniali della famiglia, dans Cesare Beccaria tra Milano e Europa, Milan-Rome, 1990, p. 587-633 (p. 590).
14 A. Dionisio, Caratteri distributivi e sequenze d’uso ricorrenti nelle residenze aristocratiche tra Settecento e Ottocento : il caso milanese attraverso gli inventari, dans ASL, 1993, p. 495-515, cit. p. 495.
15 L. Giacomini, Costruire una lauta dimora : Milano nell’età dei Borromeo, 1560- 1631, Benevento, 2007
16 Pour l’aristocratie française : N. Coquery, L’hôtel aristocratique… cit. ; A. Chatenet Calyste, Une consommation aristocratique fin de siècle : Marie-Fortunée d’Este, princesse de Conti (1731-1803), Limoges, 2013. En Italie, le cas romain, spécifique par la présence de la cour pontificale a été envisagé par R. Ago, Il gusto delle cose : una storia degli oggetti nella Roma del Seicento, Rome, 2006.
17 Copie de l’acte de vente dans l’Archivio Verri (A.V.), cart. 62, fasc. 1. La casa da nobile se trouve dans la paroisse de S. Andrea (n° 65, estimé 2 222 scudi dans le cadastre). Les deux maisons de S. Vittore ai 40 Martiri (n° 33 et 34) sont estimées 638 et 486 scudi.
18 Sur le parcours de la famille Verri : C. Capra, I progressi della ragione : vita di Pietro Verri, Bologne, 2002 (en particulier chap. 1). Les informations qui suivent sur la consistance du patrimoine familial sont tirées de cet ouvrage.
19 Après la vente de leur résidence de S. Protaso, les Verri louent une maison située dans la paroisse de S. Maria Segreta, contrada Meravigli (A.V. cart. 102, fasc. 2 : le loyer de 826 lires en 1670 passe à 1100 lires en 1700). Puis, en 1725, ils se transfèrent dans une autre maison située dans la paroisse de S. Sisto (PT) qui est alors louée 2 140 lires par an (ASM, Fondo Sormani Andreani Verri, cart. 417, fasc. « Casa in via Stampa »).
20 En 1671, lorsque Giovanni Pietro est devenu le chef de famille, les entrées annuelles étaient de 10 000 lires. Il assainit d’abord la situation financière en vendant des terres et la casa da nobile de Milan puis réalise plusieurs investissements fonciers à Biassono et Doresano pour renforcer les possessions déjà existantes. Selon les dires de son petit-fils Pietro, il aurait réussi à accroître d’un demi million de lires le capital familial.
21 Gabriele reçoit chaque année, 4 000 lires en tant qu’avocat fiscal, puis 6 500 lires en tant que sénateur et enfin 13 500 lires en tant que régent. Don Antonio Verri, né en 1706, entreprend une carrière ecclésiastique. En 1731 il obtient une prébende de chanoine ordinaire du Duomo puis devient decano en 1743 et enfin primicerio en 1753. En 1743-44, il possède la charge de contrôleur ecclésiastique auprès du Saint Office de Milan.
22 AV, cart. 104, fasc. 2. Libro delle spese fatte dal Monsignor Primicerio Verri nell’ultimare la fabbrica l’anno 1761. Le livre mentionne la date de la facture, la personne concernée et le métier de celle-ci, les travaux qu’elle a effectués ou les fournitures qu’elle a procurées. Le document s’avère relativement exceptionnel par son caractère détaillé et complet.
23 « Durante la mia assenza abbiamo comprato una casa nuova, onde non mi pare vero di essere in Milano. Quantunque stiamo assai meglio, mi spiace d’aver abbandonata la casa nella quale sono nato » dans Edizione nazionale delle opere di Pietro Verri, V, Scritti di argomento familiare e autobiografico, éd. par Gennaro Barbarisi, Rome, 2003, « Memorie sincere », p. 109. Lettre de Milan, du 16 janvier 1761.
24 Sur les capomastri, voir D. Sella, Salari e lavoro nella edilizia lombarda durante il secolo XVII, Pavie, 1968, p. 37 : les capomastri ne sont pas mentionnés dans les statuts corporatifs qui ne retiennent que les maestri, garzoni et lavoranti. Dans la pratique, ils jouent toutefois un rôle déterminant. Une douzaine de capomastri contrôlent la construction milanaise, occupant une fonction d’intermédiaire entre le commanditaire et la masse des ouvriers.
25 Dans les années 1760, les revenus annuels tirés des biens fonciers sont en moyenne de 35 000 lires, mais la somme peut être doublée en ajoutant les salaires de Gabriele et d’Antonio ainsi que les revenus financiers (C. Capra, I progressi della ragione… cit., p. 61).
26 F. Pirovano, Nuova guida di Milano, Milan, 1822, p. 291-292.
27 Caminiera : élément de décoration autour ou au dessus d’une cheminée qui peut-être formé de miroirs, de stucs dorés, de scènes peintes, etc.
28 Le terme de sostraro désigne le gérant d’une sostra, c’est-à-dire d’un quai de débarquement pour les matériaux, au bord des canaux.
29 Spinzi touche 40 soldi la journée et il est présent sur le chantier entre le 30 avril et le 5 septembre 1761 au rythme suivant : 24 journées en avril, 22 en mai, 23 en juin, 18 en juillet, 19 en août et 5 en septembre, alors que la construction est en voie d’achèvement.
30 Les salaires varient selon que le vin soit compris ou non. En 1761, le prix du blé est de 20 lires le moggio qui équivaut à 146 litres (A. De Maddalena, Prezzi e mercedi a Milano dal 1701 al 1860, Milan, 1974, p. 379). Avec 1 lire (20 soldi), il est donc possible d’acheter 7, 3 litres de blé. Pour une comparaison avec les salaires du XVIIe siècle : D. Sella, Salari e lavoro nella edilizia lombarda… cit.
31 Il effectue cinq journées sur le chantier en mars, 25 en avril, 20 en mai, 23 en juin, 26 en juillet, 23 en août, 22 en septembre.
32 Il effectue quatre journées en mars, 25 en avril, 21 en mai, 23 en juin, 26 en juillet, 17 en août, et cinq en septembre 1761.
33 A. Morandotti, Francesco Corneliani (1742-1814), realtà e senso nella tradizione pittorica lombarda et G. Panizza, La vera commedia del Corneliani e le passioni di Pietro Verri, dans Nuovi studi. Rivista d’arte antica e moderna, I, 1996, p. 73-112 et p. 414-415.
34 La proportion correspond aux estimations de S. Bobbi qui évaluait le coût des matériaux entre 30 et 57 % du prix des constructions, selon les types d’interventions. S. Bobbi, Nascita della speculazione edilizia moderna e ruolo dei materiali da costruzione nella Milano riformista del secondo Settecento, dans MEFRIM, 119-2, 2007, p. 235-247 (p. 243).
35 Une fine planche de peuplier coûte 16 soldi la braccia, mais selon l’épaisseur et le type de bois, la braccia peut s’élever à 30 ou 44 soldi (une braccia représente 0,59 m). L’essentiel de l’approvisionnement en bois (mélèze, châtaigner, chêne…) provient de la région du lac Majeur et de la vallée du Tessin. Il arrive à Milan par le Naviglio Grande. Les bois de peuplier viennent en revanche principalement de la région de Lodi (voir S. Bobbi, Nascita della speculazione… cit).
36 Le prix du fer apparaît particulièrement élevé : 7 pezzi di ringhiera, 7 piantoni alti et 7 fascette sont payés 289 lires.
37 Une barque de chaux, en provenance de l’Adda, chargée de 239 centenarius (soit 18 tonnes) vaut 323 lires.
38 Le phénomène est encore manifeste dans les premières décennies du XIXe siècle. G. Bigatti constate le décalage existant entre un marché immobilier particulièrement actif et la faiblesse de l’activité de construction : G. Bigatti, Trasformazioni urbane e condizione abitativa nella Milano austriaca, dans Storia in Lombardia, 1, 1984, p. 3-29, en particulier p. 12. Selon Bigatti, le prix élevé des matériaux pourrait expliquer la tendance des propriétaires à construire à l’intérieur de la ceinture des canaux, dans la mesure où la démolition d’un édifice offrait la possibilité de réemployer immédiatement une partie des matériaux récupérés (qui n’étaient, par ailleurs, pas soumis à la taxe d’entrée en ville).
39 Voir S. Bobbi, Nascita della speculazione… cit. L’auteur souligne les difficultés d’approvisionnement en bois suite aux importants déboisements.
40 Plusieurs cheminées d’occhiadino de Varenna sont fournies par un marbrier de Côme, Giuseppe Bottinelli (pour 160 lires). Une autre provient d’Antonio Giudice, un marbrier de Milan, installé près de S. Ambrogio. Les Verri commandent enfin à Francesco Rossi deux cheminées d’occhiadino de Varenna avec seuil et frise et une autre cheminée ancienne en marbre blanc et rouge pour 104 lires. Ils effectuent également, auprès du même Rossi, l’échange d’une cheminée de bardiglio de Bergame avec une autre en marbre d’occhiado de Côme (avec un ajout de 18 lires). Les pièces de la maison étaient déjà équipées de cheminées, mais celles-ci n’étaient probablement pas assez luxueuses pour les pièces de représentation ou s’avéraient passées de mode.
41 A.V., cart. 163. Migliorie di Mgr Primicerio sulla casa di Biassono, le quali furono tacitate nell’ultimazione di conti con r° Gio Batta Riva, 13 giugno 1789. Les améliorations sont estimées à 21 225 lires dont 15 411 lires pour la maison proprement dite (matériel, cheminées, stucs, peintures, etc.).
42 F. Bai, « Le ville di casa Verri », tesi di laurea, Università degli studi di Milano, 1973 ; voir aussi C. Capra, I progressi… cit., p. 61-62.
43 R. Bossaglia, I fratelli Galliari pittori, Milan, 1962, en particulier p. 29-33.
44 Mirabello a probablement été le lieu d’aménagements importants pour transformer une simple cascina en petite villa rectangulaire à deux étages vers 1756-1757 : voir F. Bai, Le ville… cit.
45 Cité par C. Capra, I progressi... cit. p. 38 (la note de P. Verri se trouve dans AV, cart. 163).
46 Cette phase de travaux est évoquée par A. Rossari, Un nuovo comfort e decoro : la casa milanese dei Verri, dans A. Rossari et A. Scotti Tosini (dir.), Aspetti dell’abitare e del costruire a Roma e in Lombardia tra XV e XIX secolo, Milan, 2005, p. 221-227.
47 C. Capra, I progressi della ragione… cit., p. 408.
48 A.V. cart. 104, fasc. 1 : Minuta di stima dell’Ecc. Casa Verri di propria abitazione sit sul corso di S. Andrea (16 settembre 1783). L’estimation procède pièce par pièce. Les 47 pièces du rez-de-chaussée sont ainsi estimées pour une valeur locative d’environ 2 250 lires ; les 35 pièces du 1er étage (l’étage noble où se trouvent les pièces de représentation) pour environ 4 250 lires ; les 17 pièces au 2e étage – dont certaines ne sont que de simples mezzani ou site de ringhiera – pour 725 lires ; les écuries pour 300 lires ; les escaliers, cour, portique et portes pour 250 lires. L’ensemble donne un total de 7 775 lires duquel sont déduites 536 lires pour les réparations annuelles et charges fiscales, ce qui donne une valeur nette de 7 239 lires. Notons qu’une pièce avec plafond décoré, cheminée de marbre blanc et plancher est estimée pour une valeur locative annuelle de 200 à 220 lires. Un salon dont le plafond est peint et décoré de roses dorées, dont les murs sont couverts de tableaux « d’excellents pinceaux » est même évalué pour 700 lires.
49 Ces chiffres sont donnés par O. Faron, La ville des destins croisés… cit., p. 128-129.
50 G. Labrot, Études napolitaines : villages, palais, collections XVIe-XVIIIe siècle, Seyssel, 1993.
51 ASM, Crivelli, case Milano, cart. 2. La documentation sur les travaux postérieurs se trouve dans ce même carton, sauf indication contraire.
52 ASCM, Fondo Località milanesi, cart. 266, fasc. 1. Le terrain public (109 quadretti, soit 38 m2) lui est vendu pour 1 308 lires.
53 ASM, Crivelli, Case Milano, cart. 6, contrat de location à Paolo Boni en date du 28 juillet 1700. Les sommes engagées lors de cette phase de travaux n’ont toutefois pas été retrouvées.
54 Réalisation d’un cisternino en 1760 (ASCM, Fondo Località milanesi, cart. 366, fasc. 5) ; demande de réfection de la rue menant de la résidence Crivelli au Monastère de S. Simpliciano en 1775 (ASM, Località milanesi, cart. 413, fasc. 1) : le Giudice delle Strade répond négativement à la demande en alléguant que la rue ne relève pas de sa compétence, car il s’agit d’une voie privée appartenant aux Pères de S. Simpliciano ; mise en œuvre d’un nouveau conduit d’évacuation des eaux pluviales en 1792 (ASCM, Località milanesi, cart 266, fasc. 1).
55 La démarche est propre à de nombreuses familles patriciennes. Sur le cas des Magenta qui entreprirent plusieurs campagnes de travaux au XVIIe siècle, voir L. Giacomini, La « lauta » dimora dei Mazenta a Milano : trasformazione di un modello abitativo tra Cinque e Seicento, dans A. Rossari et A. Scotti Tosini, Aspetti dell’abitare... cit., p. 205-219.
56 ASM, Crivelli, Araldica, cart. 37, « Prospetti della sostanza libera Crivelli », inventaire daté de 1753, lors de la succession d’Enea (1713-1752) ; ASM, Crivelli, Case Milano, cart. 3, fasc. 45 et 46.
57 ASM, Crivelli, Araldica, cart. 48, fasc. 33, « Bilancio delle entrate e spese straordinarie per il periodo 29 giugno 1775-11 giugno 1782 ».
58 Pour les revenus de la famille Crivelli : ASM, Crivelli Araldica, cart. 48, fasc. 17. Les dépenses annuelles fixes sont les suivantes : Tiberio Crivelli doit verser chaque année 9 000 lires à ses frères cadets pour leur entretien, 2 500 lires aux quatre religieuses de la famille qui se trouvent dans différents monastères de Milan, 2 400 lires à sa mère pour son vestiaire et autant à son épouse.
59 ASM, Crivelli, cart. 48, fasc. 17. Nota della servitù del March Tiberio : per l’Ill.ma S.ra Marchesa madre : « 3 donne (di cui una si occupa della biancheria per tutta la casa), 1 aiutante di camera, 1 cochiere, 3 staffieri (di cui 1 portinaio e 1 credenziere). Per la S.ra Marchesina e due figlie : 3 donne, 2 baglie, 2 aiutanti da camera compreso quello che serve al S. Marchese, 2 staffieri, 1 lacchè, 1 cochiere. Per il Sig. Marchese : 1 staffiere, 1 lacchè, 1 cochiere, 1 cucciniere e suo aiutante, 1 cantinaio che serve anche d’ortolano. »
60 A.V., cart. 47/4. Descrizione della famiglia in data 10 ottobre 1732. La liste fait état de « 2 bracieri, 1 paggio, 5 donzelle, 7 staffieri, 3 carozzieri, 1 cuoco ».
61 A.V., cart. 182, fasc. ER., memorie.
62 ASM, Crivelli, cart. 48, fasc. 43. « Spesa per 25 giornate di soggiorno ad Inverigo in totale e per persona giornalmente, confrontata colla spesa pure globale e giornaliera per persona per 25 giorni a Milano 23 ottobre 1783 – 16 novembre ». À Inverigo, la table des maîtres de maison accueille douze personnes, une seconde table accueille dix personnes, les serviteurs sont au nombre de huit ; A Milan, la table des maîtres de maison accueille sept personnes, celle du personnel de service sept autres personnes tandis que quatre personnes bénéficient seulement de la soupe.
63 Archivio Rosales, Eredità, cart. 5, Spesa di tavola per la famiglia e salariati nel anno 1790.
64 Les treize domestiques sont rémunérés sur la base suivante : maestro di casa (50 L / mois), cuisinier (82 L / mois), portier (45 L), gouvernante (23 L), femmes de chambre (18L), femmes à tout faire - donna di grosso- (12 L). Outre ceux-ci, le comptable et l’ingénieur reçoivent 1 500 lires par an. Les viandes et salaisons occupent un budget de 350 à 550 L par mois, le sucre et épicerie 600 à 1 000 L par mois, la farine et le vin 3 222 lires sur l’année.
65 Archivio Rosales, Fondo Amministrazione, cart. 3 , fasc. 1 : Prospetti delle entrate annuali di Casa Rosales.
66 F. Cerini, I Serbelloni nel XVIII-XIX secolo : un grande patrimonio e la sua dissoluzione, dans Storia in Lombardia, 2, 1994, p. 5-43.
67 Lors de la vente du palais à Alessandro par ses frères, l’ingénieur Cesare Quarantini estime les améliorations réalisées par le duc Gabrio à 28 654 lires et celles du duc Galeazzo à 2 857 lires (acte du 18 mai 1786 dans ASM, Serbelloni, cart. 17.)
68 C. Bianconi, Nuova Guida per gli amanti delle belle arti e delle sacre e profane antichità, Milan, Sirtori, 1787, p. 74.
69 F. Cerini, I Serbelloni nel XVIII-XIX secolo… cit.
70 Acte de division des biens entre Alberico et Lodovico en date du 7 mai 1783 (ASM, Notarile, cart. 44 696).
71 ASM, Notarile, cart. 44694, acte du 30 avril 1777, r° F. Longhi : le comte Alberico obtient de son père Antonio le droit d’aliéner les biens reçus de sa mère Barbara D’Adda qui étaient revenus pour moitié au père et pour moitié au fils.
72 ASM, Notarile, cart. 44694, 44695, 44696. Acte du 20 juin 1777 pour un prêt de 15 000 lires et 1086 zecchini ; acte du 20 mars 1777 pour 2 000 gigliati, acte du 14 janvier 1778 pour un prêt de 3 000 gigliati ; acte du 1er juillet 1778 pour un prêt de 30 000 lires, acte du 17 avril 1779 pour un prêt de 35 000 lires, etc.
73 L. Mocarelli, « Lusso dannoso e lusso discreto » : il lusso nella Milano settecentesca tra prescrizioni legislative e comportamenti, dans A. Alimento (dir.), Modelli d’oltre confine : prospettive economiche e sociali negli antichi Stati italiani, Rome, 2009, p. 295-308 (p. 300). Voir aussi B. Giacchi (éd.), Lettere tra Alberico e Barbara Belgiojoso. Conflitti e affetti nei rapporti tra padre e figlia (1779-1797), Milan, 2006, p. 103.
74 ABIB, Milano, piazza Borromeo 2852/7 acquisti. Plusieurs feuillets épars renvoient à des acquisitions de matériaux. La consultation des cartons « Cassa Borromeo » n’a pas été possible pour tenter d’en reconstituer le coût.
75 ABIB, Piazza Borromeo, casa n° 2852, Teatrino, tipi.
76 ABIB, Piazza Borromeo, casa n° 2852, Teatrino, tipi.
77 ABIB, Milano, piazza Borromeo 2852/7 acquisti.
78 ABIB, Milano, piazza Borromeo 2852/7 acquisti. Il s’agit d’Angelo Uggers, Giovanni Bonacina et Pietro Taglioretti.
79 ABIB, Milano, piazza Borromeo 7, Teatrino Tipi.
80 Sur l’inflation : P. Malanima, L’economia italiana : dalla crescita medievale alla crescita contemporanea, Bologne, 2002, en particulier p. 409 et 413. Quelques chiffres permettent de situer les réalisations privées face aux grands chantiers publics : la réfection du Palazzo Reale (1773-1787) a coûté 2 597 540 lires ; l’aménagement des écuries de l’archiduc dans l’ex-monastère de S. Margherita, 63 075 lires ; la construction de la Casa di Correzione, en 1767, 390 000 lires ; le réaménagement du palais de Justice, 292 528 lires ; la réalisation des archives du gouvernement dans S. Fedele, 25 223 lires (ASM, Fondi Camerali, cart. 182).
81 F. Arese, Patrizi, nobili e ricchi borghesi… cit. La richesse des Borromeo transparaît aussi à travers l’importance de la dot du comte Giberto à sa fille, Maria, lorsqu’elle épouse le comte Giuseppe Schinchinelli : 210 000 lires (ASM, Notarile, cart. 47315, acte du 10 janvier 1787, r° Giulio Fasoli).
82 Le chiffre est rapporté par A. Spiriti, Impegno finanziario e scelte strategiche : costo e valore dell’arte nella Milano di secondo Seicento, dans Quaderni storici, 116, 2004, p. 403-419 (p. 408). Spiriti évaluait les dépenses annuelles d’une des familles les plus riches de Milan, les Omodei, à un maximum de 30 à 40 000 lires (la somme comprenait aussi bien les travaux pour leurs demeures que la construction d’églises).
83 A. Spiriti, op. cit., p. 410. La demeure de Cesano, destinée à la villégiature, peut apparaître plus somptueuse que le palais urbain de Milan, mais le coût des travaux a probablement été moindre étant donné l’utilisation d’une force de travail locale. À ces chiffres, A. Spiriti ajoute la décoration interne (environ 75 000 lires pour les fresques de Cesano et 40 000 pour celles de Milan) et les tableaux (environ 120 000 lires dans les deux cas). Voir également A. Spiriti (dir.), Il testamento di Bartolomeo III Arese, Varese, 2004 ; M. L. Gatti Perrer (dir.), Il palazzo Arese Borromeo di Cesano Maderno, Milan, 1999.
84 L’estimation est donnée par P. Zanoli, Il patrimonio della famiglia Litta… cit., p. 337. Elle ajoute que les marquises Elisabetta et Paola effectuent un retrait de 29 277 ducats sur les capitaux placés auprès de la Scuola di S. Rocco de Venise avec la motivation explicite de financer les travaux du palais milanais (p. 335).
85 Un inventaire permet de connaître la maison en 1716. Elle se compose alors de trois grandes chambres (camera) dont celle du comte et celle des femmes, de six petites chambres (camerini), de cinq pièces (stanza ou sala) dont certaines ont probablement une fonction de représentation, de trois petites pièces (salette), d’un cabinet et des lieux de service (cuisine, dispensa, tinello, chambre des domestiques), caves, portique. Archivio Attendolo, cart. 43, fasc. 4.
86 Sur le profil social des Rosales, cf. supra chap. 3.
87 Archivio Rosales, Eredità, cart. 1, testament de Matteo en 1666.
88 Archivio Rosales, Eredità, cart. 7. Entre ces deux dates, le poids en gramme d’argent de la lire milanaise est passé de 4,42 à environ 3,50.
89 Archivio Rosales, Eredità, cart. 1 : Stato di tutto l’asse ereditario del fu Don Matteo Francesco de Rosales qual passo a miglior vita li 5 ottobre 1674 con lo stato dell’eredità del Co Melchior suo figlio che manco il 11 gennaio 1676.
90 Ce palais deviendra au XVIIIe siècle le Pio Albergo Trivulzio (voir chap. 10). Il a été l’objet d’une étude par A. Scotti Tosini, Il palazzo dei Trivulzio in via della Signora e il principe Antonio Tolomeo Trivulzio, dans C. Cenedella (éd.), Poveri a Milano tra Sette e Ottocento, Milan, 1993.
91 Sur le rôle des architectes : L. Giacomini, Costruire una lauta dimora : Milano nell’età dei Borromeo, 1560-1631, Benevento, 2007, en particulier chapitre 2.
92 Un conflit familial, surgi en 1681 et concernant les biens soumis à un fidéicommis, donne lieu à l’élaboration d’une documentation permettant de retracer l’origine du palais de Porta Tosa et les aménagements réalisés jusqu’à cette date. ASM, TAM, cart. 425, Giustificazione dei miglioramenti fatti nel Palazzo di Porta Tosa.
93 En 1544, le palais fut donné en location à la Signora Violanta Bentivoglio Sforza pour six ans avec un loyer annuel de 100 scudi. Le contrat laisse au locataire la possibilité d’y faire des réparations en déduction du loyer.
94 Il s’agit, par exemple, en 1596, de la reconstruction du mur mitoyen entre le jardin du palais et la propriété des Cernuschi qui tombait en ruine. La dépense demeure modeste grâce à la récupération des pierres existantes (279 lires).
95 La sœur de Teodoro, Ippolita, épouse quant à elle Onorato II Grimaldi, souverain de Monaco.
96 G. Signorotto, Milano spagnola… cit., chap. 8 « Il Cardinale Trivulzio ».
97 Fabio Mangone (1587-1629) est architecte de la Fabrique du Duomo à partir de 1609 et professeur d’architecture à l’Accademia ambrosiana à partir de son ouverture en 1620. Avec Francesco Maria Richini, il participe à la construction de la Bibliothèque ambrosienne ayant notamment en charge la réalisation des deux cours intérieures. Il réalise aussi la façade de l’église de S. Maria Podone en 1625 et commence la construction du Collège hélvétique.
98 ASM, TAM, cart. 93, fasc. 4. Un cahier des charges précis est alors établi, fixant des échéances et mentionnant le type de matériaux à utiliser et leur provenance (chaux de Rivolta et du lac Majeur, seuils de granit, medoni de Crescenzago pour les voûtes et cheminées, medoni de Vermezzo).
99 ASM, TAM, cart. 93, fasc. 6. Note de l’architecte Fabio Mangone datée du 20 novembre 1626 qui effectue le bilan des travaux effectués.
100 ASM, TAM, cart. 93, fasc. 16.
101 ASM, TAM, fasc. 23 : 5 juin 1655 : acte de vente d’une maison située dans la paroisse de S. Stefano in Broglio, contigue à celle du cardinal, par Gerolamo Zucchi au prince Ercole Trivulzio, comme procurateur de son père, pour 5 000 lires. ASM, TAM, cart. 96, fasc. 2 : acte de vente du 17 février 1659, r° B. Bossi : les frères Lattuada sont contraints, pour endettement, de céder aux Trivulzio une maison située dans la contrada della Signora pour 9 585 lires.
102 ASM, TAM, cart. 96, fasc. 25.
103 ASM, TAM, cart. 96, fasc. 1.
104 ASM, TAM, cart. 96, fasc. 11. Acte de vente daté du 8 août 1661. L’acquisition est réalisée grâce à l’article de Aedificiis privatis des Nouvelles Constitutions (l’immeuble est estimé 9 644 lires et le prix payé de 13600 lires inclut l’augmentation de 25 % prévue pour le dédommagement du propriétaire contraint à la vente).
105 ASM, cart. 96, fasc. 20 et 21.
106 Giovanni Domenico Richini (1618-1701) appartient à une dynastie d’architectes milanais et est le fils de l’illustre Francesco Maria Richini. Il travaille notamment pour les jésuites, réalisant l’escalier du couvent de S. Fedele et le couvent de Brera.
107 Parmi les postes de dépenses les plus importants : à Federico Clerici et Gio Batta Rizza, tailleurs de pierre, sont réglées 2 809 lires ; à Filippo Provasi, capomastro en charge des travaux, 5 157 lires ; à Pietro Antonio Zucca, menuisier, 1 318 lires ; à Battista Rinaldo pour l’évacuation de la terre portée aux Bastioni, 845 lires ; à Bernardo Rosso et autres fournisseurs de sable, 275 lires ; à Santino Bellone, pour les barques de pierres, 3 046 lires ; à Ruggero Camuccino, Ludovico Brambilla et Francesco Benzone, pour le fer, 2 344 lires.
108 ASM, TAM, cart. 93 : Note de travaux datée de 1630 concernant le palais de Milan et la Villa d’Omate s’élevant à plus de 600 lires. Les travaux consistent notamment dans la réfection de la toiture ainsi que l’élévation et réfection de murs.
109 M. Marubbi, Il cardinale Trivulzio e la scena urbana di Codogno, dans Arte Lombarda, 141-2 (« Le residenze della nobiltà e dei ceti emergenti : il sistema dei palazzi e delle ville »), 2004, p. 26-30.
110 A. Squizzato, I Trivulzio e le arti. Vicende seicentesche, Milan, 2013.
111 En 1628, les Trivulzio, princes de Mesocco, possèdent plus de 3 000 hectares de terres dans le duché de Milan et le Lodigiano. Voir E. Roveda, Il patrimonio fondiario dei Trivulzio principi di Mesocco tra la fine del Cinquecento e gli inizi del Seicento, dans Società e storia, 6, 1979, p. 667-681.
112 La documentation concernant les travaux réalisés dans le palais au cours de cette période n’a pu être retrouvée dans les archives milanaises. Le marquis Alessandro Brivio Sforza, actuel propriétaire de l’édifice, ne les possède pas.
113 ASM, Notarile, cart. 44695, r° F. A. Longhi. L’acte précise que le prix comprend « le quart en plus selon la disposition des nouvelles constitutions afin d’achever la façade de son palais qui profitera à l’ornement de la ville ».
114 ASM. Notarile, cart. 46 471, acte du 17 octobre 1776.
115 ASM, Notarile, cart. 44696, acte du 7 juillet 1781.
116 Il s’agit de la valeur cadastrale des biens suite aux acquisitions. Celle-ci ne prend pas en compte l’augmentation liée aux travaux effectués.
117 Sur l’architecte Piermarini, voir chap. 6.
118 E. Riva, Vicino alla fonte di tutte le grazie. I rapporti tra la corte di Vienna e la famiglia di Antonio Greppi nella seconda meta del Settecento, dans ASL, 2000, p. 355-401.
119 Sur cette devise, voir supra chap. 3.
120 E. Baumgartl, Martin Knoller 1725-1804. Malerei zwischen Spätbarock und Klassizismus in Österreich, Italien und Süddeutschland, Munich, 2004. Knoller, peintre autrichien passé par Rome, arrive à Milan à l’appel du comte Firmian qui lui commanda de nombreuses oeuvres
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