La sensibilité d’une ville
Rome, entre histoire urbaine et histoire des sens
p. 389-404
Résumés
Cette contribution propose un bilan historiographique et des perspectives de recherche sur le croisement entre les problématiques de l’histoire urbaine et de l’histoire des sens. En tant que données contextuellement construites, les sens permettent à l’historien de réfléchir tant sur les phénomènes se déroulant dans le cadre urbain, via le prisme des événements sensoriels, que sur ce cadre lui-même, appréhendé voire construit par les sens. Il semble ainsi qu’une recension exhaustive des événements sensoriels, passée au crible d’une analyse particulièrement attentive aux dimensions spatiales et chronologiques, permettra un enrichissement dans notre connaissance de l’Vrbs.
The paper proposes an historiographical assessment and research perspectives based on the double approach of urban history and history of the senses. As contextually constructed data, the senses allow the historian to reflect both on the phenomena taking place in the urban setting, through the prism of sensory events, and on this setting itself, apprehended or even constructed by the senses. It thus seems that an exhaustive review of sensory events, sifted through an analysis particularly attentive to the spatial and chronological dimensions, will allow an enrichment in our knowledge of the Vrbs.
Entrées d’index
Mots-clés : Rome, histoire des sens, histoire urbaine, méthodologie, perceptions urbaines, humanités numériques
Keywords : Rome, sensory history, urban history, methodology, urban perceptions, digital humanities
Texte intégral
As place is sensed, senses are placed; as places make sense, senses make place1.
1Au cours des trois décennies qui nous séparent de la publication de L’Urbs, espace urbain et histoire, les recherches historiques ont connu un renouvellement et un enrichissement importants des problématiques qui les animent. Les études sur le corps, sur les effets profonds de la pensée coloniale, sur le genre ou encore sur les émotions, pour ne citer que quelques-unes d’entre elles, ont apporté de nouvelles manières de penser les sociétés du passé, y compris les phénomènes urbains. Parmi ces champs historiographiques, il en est un particulièrement vivace et sans doute appelé à un bel avenir, tant les perspectives qu’il ouvre sont riches : l’histoire des sens. L’intuition de L. Febvre au mitan du XXe siècle s’est désormais transformée en véritable courant intellectuel2, voire en une « sensual revolution », pour reprendre les mots de l’anthropologue D. Howes3. L’idée d’une historicité de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût et du toucher, cette idée d’une évolutivité dans la manière dont contextuellement les femmes et les hommes d’une époque et d’un lieu donnaient sens à leur cadre quotidien, a pris la force d’une réflexion collective internationale avec ses spécialistes, ses revues, ses collections4. À l’opposé d’une approche naturaliste affirmant l’irrévocable et anhistorique unicité des perceptions humaines, il est donc question de les considérer comme des produits historiques et contextuels, dans le sillage d’un K. Marx qui écrivit dès 1844 que « la formation des cinq sens est le travail de toute l’histoire passée5 ». Fruits du rapport d’un individu à son environnement, les sens n’en sont pas moins, dans l’interprétation du monde qu’ils offrent à celui qui en jouit, le résultat d’une construction collective, sociale, politique, culturelle encadrant les jeux d’échelles entre l’individu et le collectif6. En raison de la dimension essentielle du sujet d’étude – quelle donnée peut s’abstraire d’une perception sensorielle initiale ? –, nombreux sont les domaines disciplinaires à avoir placé la question des sens au cœur de leurs démarches : histoire, certes, mais aussi anthropologie, archéologie, sociologie, géographie, architecture… Le fait que la terminologie communément utilisée pour désigner ce champ disciplinaire soit celle de sensory studies démontre toutefois l’inégalité dans la répartition géographique de la production scientifique : les collègues anglo-saxons se sont plus vivement emparés du sujet que les Européens continentaux, même si un rattrapage est désormais perceptible. Le présent chapitre ne prétend en rien contribuer à un bilan historiographique pour l’ensemble des sensory studies, mais espère au moins donner des lignes de force structurant le champ de l’histoire des sens, plus particulièrement appliqué au cadre urbain de la Rome antique, ainsi que quelques perspectives pour son développement.
Les sens de la ville : approche historienne
2Une des branches les plus fertiles des sensory studies est celle qui situe le cadre de son étude en contexte urbain. L’espace des villes, en raison de la densité de son occupation et de la concentration sensorielle qui en découle, déjà soulignées en son temps par G. Simmel7, s’est imposé comme un contexte privilégié pour les études de sociologie, d’anthropologie ou d’histoire des sens. Les quelques mots de l’ethnomusicologue S. Feld placés en épigramme du présent article servent ainsi de points cardinaux à une approche visant à prouver que les sens non seulement sont formés par leur contexte spatial de perception, mais encore participent activement à la manière dont l’espace est construit8. Derrière le plaisir du jeu sur la langue, S. Feld exprime en peu de mots ce qui sous-tend les rapports entre histoire des sens et histoire urbaine, à savoir l’existence possible d’une « manière urbaine de sentir », liée notamment à l’exacerbation des rapports sociaux dans les espaces urbains9. Certains chercheurs vont aujourd’hui plus loin et pensent la ville comme un être vivant, à part, indépendant de ses habitants, et qui aurait par conséquent ses propres sensations10. L’essentiel des réflexions adopte néanmoins une approche moins « radicale » en envisageant l’étude des ressentis de la ville par ceux qui la pratiquent, ses habitants, soit une approche bottom-up, pour reprendre la classification de D. Kalekin-Fishman et K. Low, héritière des travaux de Simmel et de l’école de Chicago11.
3Si l’espace fait les sens et les sens font l’espace, alors la contextualisation des études, seule garantie de l’efficacité des approches, est un présupposé méthodologique fondamental12. Les enquêtes sont donc inscrites dans des cadres urbains spécifiques. A. Cowan et J. Steward, par exemple, se concentrent sur Venise, Paris, Londres, Vienne, Munich, Berlin dans leur réflexion collective intitulée The City and the senses. Urban culture since 150013. La focalisation est spatiale mais aussi chronologique, reflétant en cela une tendance lourde dans l’approche historienne des sensory studies : les mondes moderne et contemporain occidentaux sont privilégiés14. Dès 2002, une livraison de la revue Urban history, pionnière sur les questions des rapports entre ville et musique, faisait de même. L’article de P. Borsay qu’elle contient, malgré son titre généralisant (Sounding the town), n’était ainsi consacré qu’aux villes de la période moderne15. Ces mêmes villes de la première modernité font l’objet du volume édité par T. Knighton et A. Mazuela-Anguita16. Dans ce cadre géographique et spatial limité, c’est bien toutefois l’ensemble du sensorium humain qui est passé au crible : l’ouïe à Londres avec les travaux de L. Wright complétant ceux d’E. Cockayne17, le toucher et plus largement une approche kinesthésique de la capitale anglaise au XVIIIe siècle grâce à P. Corfield et A. Arnd18, l’odorat, l’ouïe et le toucher dans l’Écosse moderne avec E. Foyster19 ou l’ensemble des sens mis en jeu dans le ghetto vénitien à l’époque moderne dans les travaux de D. Katz20.
4On ne peut que constater une raréfaction des études en remontant la chronologie plus avant. Au mieux, c’est jusqu’à l’époque médiévale que se trouve étendue la réflexion sur les sens de la ville, comme dans l’ouvrage dirigé par R. Beck, U. Krampl et E. Retaillaud-Bajac21 ou, pour sortir du cadre occidental, dans l’enquête conduite par J. Lam, S. Fu Lin, C. De Pee et M. Powers, sur les perceptions à Hangzhou sous les Song du Sud (1127-1279)22. La recension des études proposant un croisement problématique entre les perceptions sensorielles et les appréhensions urbaines s’avère bien plus rapide pour la période antique, car elles sont rares : U. Quatember a ainsi cherché à dresser un portrait sensoriel d’Ephèse à l’époque impériale23 ; M. Bradley s’est interrogé sur la présence des corps mis en scène dans l’espace des cités24 ou encore sur l’odeur des corps comme marqueur du social25 ; T. Derrick a rassemblé le paysage olfactif de Vindolanda et J. Veitch celui de sons dans les rues d’Ostie26 ; de manière plus générale, des ouvrages comme la Cultural history of the senses, coordonnée par J. Toner pour sa livraison antique27 ou encore la série The senses in Antiquity offrent des approches ponctuelles28.
5Rome n’est pas en reste au sein de toutes ces études urbaines contextualisées et, fort logiquement, elle est particulièrement sollicitée par les spécialistes des mondes anciens29. Ainsi de G. Aldrete qui cherche à souligner l’exacerbation des perceptions sensorielles dans l’Vrbs et leur grand écart social, de l’opulence aux ordures, ou encore, dans le même ouvrage, d’A. Wallace-Hadrill, qui relève dans la documentation les traces des produits de luxe orientaux qui garnissaient les assiettes des Romains ou sublimaient les épaules des matrones30. Pour leur part, A. Koloski-Ostrow et N. Morley ont cherché à montrer la puissance des effluves romaines, puissance du moins pour les nez contemporains31. R. Laurence a quant à lui survolé la richesse acoustique de la mégapole romaine, puisant essentiellement chez les satiristes, des auteurs qui sont aussi au cœur de la réflexion de E.-M. Tschäpe sur les appréhensions sensorielles – et plus particulièrement haptiques – des poètes dans la Ville32. L’intensité des sensations urbaines et leur entremêlement est au cœur des réflexions de J. Day sur les sens dans les divertissements à Rome, ainsi que de l’approche polysensorielle des artefacts découverts dans l’Vrbs théorisée par E. Betts33. Les dates de publications, concentrées dans la décennie 2010, attestent une tendance extrêmement récente et vivace, probablement appelée à se développer encore dans les années à venir, comme le synthétisent A. Haug et P.-A. Kreuz dans les pages introductives de l’ouvrage le plus au cœur de cet ensemble problématique qui ait été publié à ce jour34. L’histoire des sens, et plus particulièrement celle des sens urbains est un champ de recherche en pleine construction et la Rome antique, avec son statut si spécifique de hapax urbain, doit y occuper une place particulière.
Pistes pour une histoire sensorielle de Rome dans l’Antiquité
6Sans se penser comme strictement programmatiques, les quelques pages qui suivent sont à replacer dans ce cadre à peine dessiné, celui d’une approche dont les potentialités à venir sont plus importantes que les résultats déjà atteints. Des pistes seront ainsi indiquées mais sans prétendre à l’exhaustivité d’une analyse complète et réelle des sources, susceptible d’advenir seulement après une enquête collective.
Peindre un tableau des événements sensoriels (ou « senses make place »)
7La première étape d’un tel travail ne saurait être qu’un ratissage minutieux des sources narratives et poétiques à disposition, visant à la constitution d’un répertoire des événements sensoriels propres à la ville de Rome, tels que rapportés par les Anciens. Par « événement sensoriel », j’entends ici toutes les occurrences de connaissance du réel par la médiation des sens qui peuvent être mentionnées dans les textes, toutes les irruptions de la sensorialité apparaissant de manière volontaire ou non, directe ou indirecte, dans les sources littéraires. Les mots sont pour les sens une gangue appauvrissante mais aussi protectrice, qui permit à certains de ces événements sensoriels de survivre aux générations. Les raclements de gorge des buveurs dans les tavernes romaines rapportés par Ammien Marcellin, l’écrasement de la foule mis en scène par Juvénal dans sa célébrissime description d’une rue encombrée de la capitale, l’exhalaison des produits vendus par les unguentarii du uicus Tuscus sont autant d’événements sensoriels qui participent à la définition de la capitale35.
8On pourrait objecter que la dimension sensible du vivre en ville, en d’autres termes l’existence même de ces événements sensoriels, est une réalité bien consciente pour les historiens depuis longtemps36. Quelques pages de J. Carcopino, dans son ouvrage de 1939 sur la vie quotidienne dans la Ville à l’époque impériale, faisaient déjà référence aux perceptions des satiristes, à ce chaos sensoriel des rues de Rome « hantées de foules bruyantes, grouillantes et bigarrées, telles que nous pouvons en coudoyer sur la place Djémaa Elfna de Marrakech, remplies d’une confusion qui nous semble incompatible avec l’idée même de civilisation37 ». On ne saurait toutefois se satisfaire d’une approche vieillie et partiale : la poignée de citations convoquées par l’historien ne reflète en rien la richesse des textes de la Rome impériale. Si d’autres enquêtes ont depuis poussé plus loin la recension38, jamais une approche systématique et multi-sensorielle n’a à ma connaissance été menée. Un tel tableau sensoriel de la cité, assurément plus fourni pour le dernier siècle de la République et les premiers du Principat, paraît toutefois être un point de départ nécessaire à toute entreprise de connaissance de la Ville par les sens. Il impose de ne pas se limiter aux ressources les plus évidentes, les textes des satiristes ou les lettres de Sénèque par exemple, mais de chercher indifféremment le sensoriel en tout texte, quelle que soit sa nature. Ainsi, pour qui y prête attention, les descriptions réalisées par Ovide dans ses Fastes regorgent d’indications quant aux stimuli des sens à Rome, qu’il s’agisse d’éléments relatifs à la cité en elle-même ou aux événements qui y prenaient place. La célébration des Quinquatries mineures le 13 juin, dernier jour d’une fête par laquelle Minerve était par ailleurs honorée entre le 19 et le 23 mars, donne ainsi l’occasion au poète de fixer par ses mots les traces d’un événement urbain aux marqueurs sensoriels nombreux39. Ce jour-là, célébrant la mémoire d’un épisode ayant eu lieu à la fin du IVe siècle av. J.-C., les joueurs de tibia parcouraient la ville en un cortège débridé qui venait interrompre le cours des affaires sérieuses40. Le visage couvert de masque, vêtus de longues robes de diverses couleurs, les tibicines avançaient en une procession dont le sens échappait de plus en plus aux hommes et femmes du premier âge impérial. Son déroulement n’en était pas moins marquant, notamment en raison de l’importance de l’engagement sensoriel qu’il imposait à qui croisait le cortège. Sons puissants et perçants de l’aérophone, couleurs des habits, mouvements du groupe en déplacement s’immisçant au milieu des participants du quotidien de la vie urbaine, auquel il faut peut-être ajouter des relents de vin si les musiciens cherchaient à remettre en scène avec justesse la procession originelle qui les vit revenir de Tibur ivres morts sur des chariots : les auteurs, Ovide en tête, donnent à lire un événement multi-sensoriel quasi-total, dans un cadre urbain étendu41.
9Au-delà d’un cas aussi évidemment sensoriel que les Quinquatries mineures, d’autres passages méritent qu’on s’y arrête, en ce que les informations données par les auteurs mettent sur la piste de manifestations sensibles à partir d’éléments moins manifestes. Si l’on reste chez Ovide, dans le même livre VI des Fastes, se trouve la description du temple originel de Vesta sur le Forum : « Le toit, que tu peux voir maintenant en bronze, était alors couvert de chaume et les parois étaient faites en osier souple42. » Avec le matériau du toit, ce sont évidemment des éléments de perception visuelle qu’il faut inférer : le bronze brille sous l’effet du soleil et réfléchit la lumière différemment d’un toit aux tuiles de céramique et a fortiori d’un toit en chaume. Bien qu’elle ne fasse référence qu’à un seul sens, cette indication n’en est pas moins importante en ce qu’elle induit une manifestation visuelle particulière de l’édifice concerné dans le tissu urbain, et donc potentiellement un mode de connaissance spécifique pour les Romains du temps.
10Les deux exemples présentés, une manifestation mobile et un édifice, ne sont pas de même nature et n’impliquent pas la Ville de la même manière. Le temple de Vesta est immobile et pérenne, ses potentialités sensorielles pouvaient être activées à chaque journée de soleil mais elles ne dépassaient jamais le cadre limité du Forum (ou plutôt des parties du Forum d’où le toit du temple était visible). Au contraire, la procession des Quinquatries mineures se déplaçait dans la cité et impliquait un public plus grand, y compris composé d’hommes et de femmes qui n’avaient pas cherché le contact avec ces musiciens gyrovagues. Mais elle n’avait lieu qu’une fois l’an, durant une journée unique. De ces différences simplement mises en avant ressort la nécessité de prendre en compte les facteurs spatiaux et chronologiques dans l’analyse du tableau sensoriel à construire.
Des sens en échelles
11L’abondance des sources concernant les événements sensoriels dans la Ville ouvre effectivement la possibilité d’une approche multi-scalaire, quasi unique pour le monde antique. Les quelques contributions dédiées aux questionnements sensibles montrent que des échelles variées peuvent être mises en œuvre, de l’analyse d’un bâtiment spécifique à travers les événements sensoriels qui y étaient attachés à celui d’un quartier, voire de la ville dans son ensemble. Le circus Maximus est probablement l’édifice qui a connu l’approche la plus complète sur ce plan. Dès 2008, J. Nelis-Clément a proposé une lecture sensible de la succession de phénomènes prenant place dans le grand cirque lors d’une journée de jeux43. Bien qu’une attention plus particulière soit donnée aux perceptions sonores, la contribution recense également les mouvements de la foule et les contacts qu’ils induisaient, l’odeur des aliments que l’on vendait sous les arcades, l’épaisseur de l’air empli de la poussière soulevée par les sabots des chevaux ou encore le chatoiement des casques de cuir teints aux couleurs des factions, bref la complexité de l’agencement des événements sensoriels multiples qui sollicitaient les spectateurs réunis dans l’édifice pour une journée de courses. J. Day et S. Forichon ont pour leur part réfléchi à l’utilisation des odeurs et des couleurs dans les édifices de spectacle, incluant le circus Maximus44. Dans ce dernier, Élagabal « fit arroser d’essence de raisins sauvages les manteaux des spectateurs45 », plus probablement d’ailleurs de ceux des premiers rangs que de l’ensemble des spectateurs. L’élite de la cité rapportait ainsi avec elle hors du cirque les signes visibles et odorants de leur situation sociale dominante46.
12Si les édifices de spectacle ont plus facilement attiré l’attention des chercheurs soucieux des effets sensibles, c’est qu’ils étaient voués à accueillir des manifestations pensées par les Anciens comme multi-sensorielles. On ne saurait toutefois limiter l’enquête à ces bâtiments : le devant des temples, les portiques, les carrefours et bien évidemment les rues de manière plus générale accueillaient également des activités propices à l’enregistrement par les sources d’événements sensoriels47. Martial se plaint ainsi avec constance des artisans qui rendaient, par leur vacarme, la Ville si usante. De tous les gens de métier, ceux qui sont en rapport le métal hantent le plus régulièrement les Épigrammes. Ce sont les aerarii qui dérangent le poète toute la journée (die toto), les malleatores qui frappent le métal espagnol ou encore les nummularii qui entrechoquent les pièces de monnaie, probablement pour attirer les clients48. Leurs gestes professionnels, qu’ils aient pris place dans des tabernae ou directement dans la rue, se répandaient dans l’espace public et le marquaient de leur empreinte sonore. Par ailleurs, au-delà des vitupérations du satiriste contre le bruit, il faut aussi supposer la chaleur des foyers permettant d’apporter le métal au stade de la fusion, les odeurs qu’ils engendraient, les éventuelles particules volant dans l’air environnant, en d’autres mots tout un ensemble d’événements perceptifs qui donnaient à l’espace sa densité et sa marque sensorielle49.
13On pourrait à juste titre souligner le fait que le cas précis des ouvriers du métal mentionnés par Martial ne permet pas une géographie bien précise des effets sensoriels. En effet, les épigrammes ne donnent pas l’environnement exact de ces activités, bien que Subure soit régulièrement fréquentée par le poète et le Quirinal son lieu de résidence50. En ce sens, et particulièrement pour dessiner le tableau sensoriel des activités romaines, un changement d’échelle doit être envisagé, élargissant la perspective pour embrasser un espace plus vaste. Le travail d’E. Papi sur les commerçants de la zone du Forum, bien qu’il ne s’inscrive pas intentionnellement dans une histoire des manifestations sensibles, démontre l’intérêt d’une réflexion à l’échelle de ce que l’on pourrait qualifier de quartier51. C’est dans cette même échelle que s’est inscrite E. Betts en développant une étude de cas sur la zone du forum Boarium dont elle a cherché à démontrer toute la complexité des perceptions sensorielles, tant celles directement exprimées par les sources que celles induites par les réflexions contemporaines52. Que ces deux contributions soient dédiées à un espace en partie commun ne doit pas surprendre outre mesure : toutes les zones de la capitale ne permettront certainement pas de fournir la même densité d’événements sensoriels. La Rome ainsi recomposée présentera un visage anamorphique, reflet tant du hasard de la conservation des sources que de la manière dont l’espace était perçu par les contemporains. Car c’est bien cela, in fine, qui sous-tend l’effort à fournir : par une géolocalisation aussi précise que possible, faire des sensations transmises par les Anciens un mode de connaissance de leur manière de vivre la Ville, c'est-à-dire de connaître leur ville à fleur de peau.
14Ainsi la dernière échelle qu’il est envisageable d’atteindre est celle de la ville dans sa globalité, que les perceptions peuvent parfois qualifier et identifier de manière uniforme. Les réflexions des Anciens sur les émissions sonores de la cité dans son ensemble vont, à titre d’exemple, dans une même direction, celle de la ville hyperbolique, excessive, hors norme. Si l’on en croit Stace, il émane d’elle en permanence un bruit confus53. Horace synthétise cette réalité par l’expression strepitus nocturnos atque diurnos : un fracas de nuit comme de jour, telle est la réalité acoustique que devait supporter un habitant de la capitale54. Pour les auteurs, la ville est structurellement clamosa ; elle bruisse du clamor des hommes incapables de faire silence et dont les éclats vocaux entretiennent un boucan permanent55.
Les nuances temporelles
15Derrière cette apparence d’uniformité, y compris temporelle, la prise en compte de l’ensemble des événements sensoriels invite à aborder le réel en mobilisant les ruptures, les vides ou au contraire les temps de l’exacerbation sensorielle, en d’autres termes en faisant la part belle à un modèle d’approche typochronologique. Il s’agit par-là d’intégrer à la réflexion les rythmes et la variabilité des événements sensoriels urbains, dont les occurrences, la durée et, partant, les effets n’étaient pas uniformes. Certains d’entre eux sont ainsi des cas uniques, dont la rareté a pour pendant l’intensité. Pline rapporte que pour les funérailles de Poppée, Néron fit brûler en un jour l’équivalent d’une année de production d’encens de l’Arabie heureuse, d’où provenait l’essentiel de la consommation romaine56. L’exactitude du chiffre importe moins que l’ordre de grandeur et ses effets sensoriels supposés. La consommation d’encens à Rome, dont Pline fait état dans le livre XII de l’Histoire naturelle, était suffisamment importante pour que l’on puisse penser que sa concentration en une seule journée eut des effets d’une importance considérable : la disparition de Poppée impliqua par les sens (odorat et vue) une bonne partie de la population romaine qui put sentir l’événement en cours. Bien qu’intense, cette manifestation du pouvoir impérial par les odeurs n’en fut pas moins éphémère et rapidement balayée par le vent. D’autres situations pourraient être mobilisées afin d’illustrer cet investissement de l’espace urbain par des événements sensoriels intenses, comme les banquets publics qui, le temps d’un repas, activaient collectivement le goût, l’odorat et la vue d’une partie importante des citoyens. La délimitation spatiale et sociale des individus concernés par les banquets publics est une donnée variable qu’il est difficile de traiter synthétiquement. Repas ouverts à tout le corps citoyen57 ou à une part importante de celui-ci comme lors des fameux deux déjeuners donnés par César à quelques jours d’intervalle58 voire aux seuls ordres supérieurs59, banquets se déroulant totalement dans l’espace public60 ou pour partie dans les maisons des privés, les portes grandes ouvertes afin de signifier la participation à un rite collectif61 : l’étendue des effets sensoriels était soumise à variation. Il n’en reste pas moins que, le temps d’un banquet, tout ou partie de la population connaissait une activation sensorielle commune, unifiant par les sens le groupe des urbains qui mangeaient de la viande sacrificielle. Tertullien est peut-être l’auteur qui, bien involontairement, en donne la description la plus sensorielle dans sa relation des célébrations du culte impérial :
C’est un grandiose hommage, vraiment, que de dresser sur la place publique des fourneaux et des lits de table, de célébrer des festins dans tous les quartiers de la ville, de changer l’aspect de la cité en celui d’une taverne, de coaguler la boue avec le vin, de courir en bandes pour se livrer aux outrages, aux indécences et aux plaisirs du libertinage62 !
16Certains de ces événements sensoriels collectifs étaient inclus dans un calendrier plus ou moins régulier qui implique une appréhension discontinue de la ville. Pour reprendre le cas des banquets publics, il convient de distinguer les repas exceptionnellement donnés par les imperatores, tels ceux de César suite à ses triomphes de 46 av. J.-C., des lectisternes régulièrement inscrits dans le calendrier rituel de la religion publique et qui revenaient donc annuellement63. Le retour régulier de ces derniers les inscrivait dans une forme de routine sensorielle participant à la définition de la Ville. De manière générale, les rituels de la religion publique sont parmi les événements les plus susceptibles d’être inscrits dans une forme de régularité calendaire au sein de laquelle plusieurs rythmes peuvent être distingués. Les sacrifices, dont la dimension sensorielle a été mise en avant notamment par les travaux de V. Huet et de C. Weddle64, revenaient très régulièrement. Si les sacrifices les plus simples avaient des effets sensoriels limités (quelques grains d’encens partant en fumée, quelques paroles prononcées…), d’autres comme les suovétauriles engageaient davantage d’événements sensoriels susceptibles d’être perçus par des spectateurs : odeur des animaux lors de la procession jusqu’au lieu du sacrifice, couleur des guirlandes et dorsualia les ornant, sonnerie des tibiae permettant la réalisation du silence rituel, fumée de l’encens, etc. La Ville, en différents espaces, se remplissait régulièrement de ces manifestations sensorielles à la portée de tous. Les sens stimulés par le sacrifice découpaient ainsi dans la ville un espace fluctuant, en perpétuelle mutation : le mouvement engendré par la pompa qui conduisait au lieu du sacrifice impliquait physiquement les spectateurs qu’elle croisait sur une distance qui lui était propre, adaptée au parcours. Arrivés devant l’autel, les animaux continuaient à frapper par leurs bruits, leurs odeurs, peut-être recouvertes par celle de l’encens jeté sur le foyer. Les notes de la tibia tentaient de recouvrir de leur rideau sonore les bruits néfastes (dirae obstrepentes) afin que le sacrifiant puisse prononcer les paroles rituelles telles qu’elles devaient l’être65, avant que popae et uictimarii ne procèdent à l’abattage rituel, permettant à d’éventuels spectateurs proches de sentir s’élever dans l’air l’odeur métallique du sang giclant bruyamment sur le sol66. L’espace urbain concerné par l’implication sensorielle évoluait donc au fur et à mesure des différentes étapes du rite.
17Des cérémonies comme celles induites par le culte des Lares des carrefours, tel qu’il fut réorganisé par Auguste au tournant du Ier millénaire, donnent la mesure de ce que pouvait signifier l’implication sensorielle des habitants de la Ville et esquissent également un autre découpage spatial des rites, par un changement d’échelle67. Tous les ans, l’ensemble des uici de la capitale célébrait par des rites communs tant les Lares compitales que le Genius Augusti après 7 av. J.-C. Tous les ans, l’ensemble des cellules du tissu urbain était traversé par des processions conduisant sacrifiants et sacrifiés près des autels. Tous les ans, on procédait à des sacrifices animaux par l’encens et le vin. Tous les ans, la Ville vibrait d’événements sensoriels éphémères mais récurrents, perceptibles par tous. Dans un cas comme celui des rites compitalices, l’espace du sacrifice se dilatait donc à l’échelle de la Cité dans son ensemble.
18Ainsi, en combinant nature des événements sensoriels, chronologies et espaces concernés, se dessine le portrait mobile d’une ville changeante, fluide, vivante. Loin du caractère hiératique de la ville éternelle, de marbre, figée dans ses monuments dont l’histoire s’écrit sur la longue durée, la ville des sens est soumise au rythme des saisons, des jours voire des heures.
Des événements sensoriels au sens de la ville (ou « places make sense »)
19Cette mobilité des appréhensions sensorielles de l’espace urbain ne participe-t-elle pas finalement à ce que l’on pourrait appeler un « sens de la ville », à la suite d’autres chercheurs du monde contemporain, ou plutôt un sensorium proprement urbain ? Loin d’être anachronique, une telle idée trouve son fondement dans le passage de l’Institution oratoire par lequel Quintilien affirme l’existence d’un gustus Vrbis68. Le rapport aux autres, la manière de s’exprimer, y compris dans le ton de la voix, refléteraient selon le rhéteur l’urbanitas, un mode proprement urbain, et en l’occurrence même Romain, d’être au monde. Afin de mieux caractériser ce sens de la ville, on aimerait disposer de sources totalement « non urbaines », c'est-à-dire écrites par des auteurs dont le sensorium n’aurait pas été informé par Rome, afin de mettre les deux en contraste. Le fait que l’écrasante majorité des auteurs aient passé une partie de leur vie dans la capitale impériale rend toutefois chimérique un tel espoir et il nous faut nous concentrer sur la manière dont étaient construites les sensorialités des Anciens. Ce n’est pas la même chose, en effet, de relever les événements sensoriels tels qu’ils nous ont été transmis, et de chercher à comprendre ce qu’ils peuvent nous dire sur la manière dont les contemporains les interprétaient. Une liste d’événements sensoriels, aussi complète soit-elle, ne donne que les effets des sens (les sons perçus par exemple) et non les sens en eux-mêmes (l’ouïe). Pour franchir ce pas, il convient de passer de la recension à la réflexion sur la manière dont les événements sensoriels étaient construits et restitués par leurs auteurs. En d’autres termes, derrière des jugements perceptifs comme « la ville pue », que l’on peut lire sous la plume de D. Potter69, il faut en réalité comprendre pourquoi l’espace urbain était jugé comme « puant » par les Anciens. Plus fondamentalement, il convient de se demander si l’accumulation d’indices sensoriels qui nous conduiraient, nous contemporains, à estimer qu’un tel espace ne pouvait que puer engendrait effectivement la même conclusion de la part des Anciens. En arrière-plan de ce qui se présente a priori comme le simple constat d’une évidence se joue en réalité la compréhension de la métropole antique, de sa composition sociale et des éventuels présupposés contemporains. On ne saurait, en ce sens, que suivre la démonstration développée par N. Morley à propos de l’odeur de la Ville et des enjeux méthodologiques que pose un tel sujet70. Partant du constat d’une abondance de sources d’odeurs puissantes dans la Cité – une sorte de tableau des événements olfactifs dressé notamment par A. Koloski-Ostrow71 –, des odeurs qui ne manqueraient de soulever nos estomacs si nous devions les subir, l’auteur s’interroge sur l’absence générale de remarques sur ces odeurs dans les sources narratives. À de rares exceptions près, les auteurs ne se plaignent pas de la puissance odoriférante de la ville. Deux hypothèses sont alors envisageables. Le sens de l’odorat des habitants de l’Vrbs aurait-il subi une adaptation, c'est-à-dire un phénomène physiologique bien connu par lequel l’intensité perçue d’une odeur réduit avec le temps alors que l’intensité mesurée demeure la même72 ? Une telle idée n’est pas compatible avec les références aux bonnes odeurs rapportées par les sources narratives, pas plus qu’elle ne l’est avec les réflexions des membres de l’élite sur les parfums déplaisants des hommes de niveau social inférieur73. Bien au contraire, l’enregistrement de ces événements olfactifs dans les textes pousse à adopter la deuxième hypothèse, celle d’une habitude telle des habitants à ce mélange d’odeurs puissantes qu’elles ne leur paraissaient ni gênantes ni étranges. Elles étaient l’odeur de la ville : non pas puanteur mais odeur familière voire, aux nez de certains, agréable.
20Les enjeux d’une telle approche sont grands, non seulement en ce qu’ils nous enjoignent à nous départir de nos a priori contemporains au profit d’une approche emic d’un passé rendu sauvage par le biais d’une méthodologie anthropologique74, mais aussi parce qu’ils rendent claire la nécessité d’interroger autant les pleins que les vides, les sons que le silence. Si l’absence de plainte des Anciens sur l’odeur générale de la Ville conduit à supposer la spécificité de l’odorat des habitants de l’Vrbs, que penser du fait qu’au sein d’une cité généralement qualifiée de bruyante certains sons ne fassent l’objet d’aucune récrimination ? Il en va ainsi des bruits de la construction : bien que la ville primo-impériale ait été un chantier quasi permanent, les cris et ahanements des ouvriers, les bruits des pierres dont la forme devait être finalisée sur place, la construction des échafaudages, la réalisation et l’ajustage des agrafes métalliques pour les édifices en grand appareil, les meuglement des bœufs tirant les chars aux roues grinçantes qui apportaient jusqu’au chantier les matériaux de construction et remportaient les gravats, bref toute la vie acoustique des chantiers ne suscite aucune plainte de la part des contemporains75. Là encore, plutôt que d’avancer l’hypothèse d’une surdité sélective des Romains aux bruits des grands travaux, mieux vaut supposer la construction sociale d’une tolérance sensorielle plus avancée pour des activités pensées comme inévitables. Finalement, on ne peut que souscrire aux propos de N. Morley, appelant à une réflexion globale sur les sensorialités en contexte urbain. Alors seulement pourrons-nous comprendre avec finesse et contextualisation ce que la Ville fit aux sens.
Conclusion
21Chercher à appréhender la ville antique par les sens ne correspond pas simplement au désir d’appliquer à celle qui fut la ville par excellence une méthodologie et une thématique à la mode, et appelée à se développer dans les années à venir. Si, malgré les obstacles évidents que pose la particularité des sources anciennes, il paraît opportun de pousser ce chantier plus avant, c’est qu’il semble y avoir un véritable enjeu épistémologique à le faire. Appréhender la Ville par les sens, c’est donner à la Rome antique la possibilité de renaître telle qu’elle était ressentie par les Anciens – ou du moins par ceux des Anciens qu’il nous est encore possible d’atteindre. C’est donc ne pas considérer la ville comme un amoncellement d’édifices, aussi sublimes, symboliques et divers soient-ils, mais également comme un espace de vie, le cadre d’échanges entre individus dont la simple existence supposait un engagement sensoriel. Hors des sens point de connaissance, y compris urbaine.
22Le développement d’une telle approche implique en retour une réflexion sur les modalités d’écriture de la discipline historique. Le passage par les mots, conduisant à un appauvrissement sensoriel, doit-il continuer à primer dans notre manière de rendre compte de notre connaissance du passé ? L’importance de la variabilité de l’appréhension de l’espace, selon le type de sensorialité mobilisée mais aussi selon son insertion dans une chronologie évolutive a été évoquée précédemment. Comment rendre perceptibles ces réalités ? Croiser espace et sensorialité met nécessairement sur la piste de ce que P. Rodaway a défini dans les années 1990 comme étant une sensuous geography76, c'est-à-dire une géographie sensorielle qui saurait se donner les moyens d’une représentation adaptée de l’espace. De tels objectifs semblent à portée de main, aujourd’hui plus qu’hier, par le biais des humanités numériques. Ainsi la mise en place d’une cartographie évolutive ne pose plus problème, permettant la visualisation dynamique, par exemple sous forme de séquences animées, des modifications complexes subies par un espace au fil d’une chronologie préalablement définie. On imagine ainsi pouvoir cartographier finement l’espace concerné par une grosse fumigation d’encens à partir d’un point défini, au fur et à mesure de sa réalisation, et mettre au jour les conséquences qu’elle pouvait avoir sur l’appréhension olfactive de l’espace par un spectateur.
23Des perspectives plus dynamiques encore sont offertes par des travaux de réalité virtuelle tels ceux développés par l’équipe de Caen à partir du plan de Rome réalisé par P. Bigot77. Loin d’être seulement un outil de médiation scientifique, la reconstitution scientifiquement fondée de la Ville permet son appréhension « au ras du sol », celle que pouvait avoir un marcheur dans les rues de Rome78. L’insertion de sons à ce modèle virtuel, ajoutant donc l’ouïe à la vue, est un développement technique imminent. Elle sera utile si elle est menée avec la même rigueur, c’est-à-dire en intégrant des enregistrements sonores obtenus grâce à une méthodologie rigoureuse de reproduction des sonorités anciennes79. Là encore, il ne s’agira pas uniquement de redonner à une reconstitution du passé une épaisseur sonore qu’elle avait indéniablement, mais bien de comprendre le découpage de l’espace de la ville par les sons, tel que les Anciens pouvaient l’appréhender. Les travaux menés par la Humboldt Universität sur les effets vocaux dans les différents espaces dédiés à la prise de parole publique sur le Forum au fil des derniers siècles de la République sont particulièrement éclairants80. Si actuellement la restitution d’autres sources sensorielles (goût, toucher, odorat) ne paraît pas relever de possibilités immédiates, l’évolution technique des trois décennies qui nous séparent du volume Urbs 3 mettra peut-être en place les possibilités d’une immersion totale dans la Rome antique. De tels processus, aussi suggestifs soient-ils, ne s’avèreront heuristiques que s’ils sont combinés au discours sur la construction des régimes de sensorialité : plus que toute autre approche peut-être, celle des sens des mondes disparus requiert de l’interdisciplinarité.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Aldrete 2014 = G.S. Aldrete, Urban sensations: opulence and ordure, dans Toner 2014, p. 45-68.
Anheim 2012 = É. Anheim, L’historien au pays des merveilles ? Histoire et anthropologie au début du XXIe siècle, dans L’Homme. Revue française d’anthropologie, 203-204, 2012, p. 399-427.
Arndt 2007 = A. Arndt, Touching Londres: contact, sensibility and the City, dans Cowan – Steward 2007b, p. 95-104.
Beck – Krampl – Retaillaud-Bajac 2013 = R. Beck, U. Krampl, E. Retaillaud-Bajac (dir.), Les cinq sens de la ville du Moyen Âge à nos jours, Tours, 2013.
Benjamin 1969a = W. Benjamin, The work of art in the age of mechanical reproduction, New York, 1969, p. 217-251.
Benjamin 1969b = W. Benjamin, Illuminations, New York, 1969.
Bertrand 2013 = A. Bertrand, Parcourir la ville. Le marcheur et les temples à l’époque romaine, quelques pistes de réflexion, dans J. Le Maire, C. Loir (dir.), Marche et espace urbain de l’Antiquité à nos jours, CLARA Architecture/Recherche, 1, 2013, p. 45-60.
10.3917/clara.001.0045 :Betts 2017a = E. Betts, The multivalency of sensory artefacts in the City of Rome, dans Betts 2017b, p. 23-38.
10.4324/9781315608358 :Betts 2017b = E. Betts (dir.), Senses of the Empire: multisensory approaches to Roman culture, Abingdon-New York, 2017.
10.4324/9781315608358 :Borsay 2002 = P. Borsay, Sounding the town, dans Urban History, 29-1, 2002, p. 92-102.
Bradley 2002 = M. Bradley, ‘It all comes out in the wash’: looking harder at the Roman fullonica, dans JRA, 15, 2002, p. 20-44.
Bradley 2014 = M. Bradley, Art and the senses: the artistry of bodies, stages, and Cities in the Greco-Roman world, dans Toner 2014, p. 183-208.
Bradley 2015a = M. Bradley, Foul bodies in ancient Rome, dans Bradley 2015b, p. 133-145.
10.4324/9781315736051 :Bradley 2015b = M. Bradley (dir.), Smell and the ancient senses, Londres-New York, 2015.
10.4324/9781315736051 :Butler – Nooter 2018 = S. Butler, S. Nooter (dir.), Sound and the ancient senses, Londres-New York, 2018.
Butler – Purves 2013 = S. Butler, A.C. Purves (dir.), Synaesthesia and the ancient senses, Londres-New York, 2013.
10.4324/9781315729848 :Campos 2017 = R. Campos, Ville et musique, essai d’historiographie critique, dans Histoire urbaine, 48, 2017, p. 177-196.
10.3917/rhu.048.0177 :Carcopino 1939 = J. Carcopino, La vie quotidienne à Rome à l’apogée de l’Empire, Paris, 1939.
Castagnoli 1950 = F. Castagnoli, Roma nei versi di Marziale, dans Athenaeum, 28, 1950, p. 67-78 (repris dans Topografia antica. Un metodo di studio, 1, Roma, Rome, 1993, p. 107-114).
Cockayne 2007 = E. Cockayne, Hubbub: filth, noise and stench in England, 1600-1770, New Haven, 2007.
10.12987/9780300177084 :Corfield 1990 = P.J. Corfield, Walking the City streets: the urban odyssey in Eighteenth-century England, dans Journal of Urban History, 16-2, 1990, p. 132-174.
Cowan – Steward 2007a = A.F. Cowan, J. Steward, Introduction, dans Cowan – Steward 2007b, p. 1-22.
Cowan – Steward 2007b = A.F. Cowan, J. Steward (dir.), The City and the senses: urban culture since 1500, Aldershot, 2007.
Day 2017 = J. Day, Scents of place and colours of smell: fragranced entertainment in ancient Rome, dans Betts 2017b, p. 176-192.
DeFazio 2011 = K. DeFazio, The city of the senses: urban culture and urban space, New York, 2011.
Degen 2014 = M. Degen, The everyday City of the senses, dans R. Paddison, E. McCann (dir.), Cities and social change: encounters with contemporary urbanism, Londres, 2014, p. 92-111.
10.4135/9781473907867 :Derrick 2017 = T.J. Derrick, Sensory archaeologies: a Vindolanda smellscape, dans Betts 2017b, p. 71-85.
Diaconu – Heuberger – Mateus-Berr 2011 = M. Diaconu, E. Heuberger, R. Mateus-Berr (dir.), Senses and the City: an interdisciplinary approach to urban sensescapes, Vienne, 2011.
Emerit – Perrot – Vincent 2015 = S. Emerit, S. Perrot, A. Vincent (dir.), Le paysage sonore de l’Antiquité : méthodologie, historiographie et perspectives. Actes de la journée d’études tenue à Rome, le 7 janvier 2013, Le Caire, 2015.
Engen 1982 = T. Engen, The perception of odors, New York, 1982.
Febvre 1942 = L. Febvre, Le problème de l’incroyance au XVIe siècle : la religion de Rabelais, Paris, 1942.
Feld 2005 = S. Feld, Places sensed, senses places: toward a sensuous epistemology of environments, dans Howes – Feld 2005, p. 179-191.
Feld – Basso 1996 = S. Feld, K.H. Basso (dir.), Senses of place, Santa Fe, 1996.
Flambard 1987 = J.-M. Flambard, Des Esquilies à l’Aventin. Lecture topographique de la fête des flûtistes en grève, dans F. Thélamon (dir.), Sociabilité, pouvoirs et société. Actes du colloque de Rouen, 24-26 novembre 1983, Rouen, 1987, p. 117-126.
Fleury 2008 = P. Fleury, Les sparsiones liquides dans les spectacles romains, dans REL, 86, 2008, p. 97-112.
Flohr 2003 = M. Flohr, Fullones and Roman society: a reconsideration, dans JRA, 16, 2003, p. 447-450.
10.1093/acprof:oso/9780199659357.001.0001 :Flohr 2009 = M. Flohr, The social world of Roman fullonicae, dans TRAC 2008. Proceedings of the eighteenth annual Theoretical Roman Archaeology Conference, Amsterdam, 4-6 march 2008, Oxford, 2009, p. 173-185.
10.16995/TRAC2008_173_185 :Flohr 2013 = M. Flohr, The world of the fullo: work, economy, and society in Roman Italy, Oxford, 2013.
10.1093/acprof:oso/9780199659357.001.0001 :Flohr 2017 = M. Flohr, Beyond smell: the sensory landscape of the Roman fullonica, dans Betts 2017b, p. 39-53.
10.4324/9781315608358 :Forichon 2019 = S. Forichon, Essai de restitution des paysages olfactifs des édifices de spectacles de la Rome ancienne (théâtres, cirques et amphithéâtres), dans V. Mehl, L. Péaud (dir.), Paysages sensoriels : approches pluridisciplinaires, Rennes, 2019, p. 147-158.
Foyster 2010 = E.A. Foyster, Sensory experiences: smells, sounds and touch in Early Modern Scotland, dans E.A. Foyster, C.A. Whatley (dir.), A history of everyday life in Scotland, 1600 to 1800, Edimbourg, 2010, p. 217-233.
Fraschetti 1994 = A. Fraschetti, Rome et le prince, Paris, 1994.
Gélard 2016 = M.-L. Gélard, L’anthropologie sensorielle en France. Un champ en devenir, dans L’Homme, 217, 2016, p. 91-108.
Gélard 2017 = M.-L. Gélard (dir.), Les sens en mots. Entretiens avec Joël Candau, Alain Corbin, David Howes, François Laplantine, David Le Breton et Georges Vigarello, Paris, 2017.
Gering 2016 = A. Gering, Brüche in der Stadtwahrnehmung. Bauten und Bildausstattung des Forums von Ostia im Wandel, dans Haug – Kreuz 2016b, p. 247-266.
Granino Cecere 2001 = M.G. Granino Cecere, Quinquatrus. Tradizione popolare e tradizione antiquaria di una festività del calendario romano, dans Živa Antika, 51, 2001, p. 25-38.
Gruet 2006 = B. Gruet, La rue à Rome, miroir de la ville : entre l’émotion et la norme, Paris, 2006.
Gruet 2013 = B. Gruet, La voix humaine. Les cris des marchands ambulants et l’environnement sonore à Rome à travers deux documents du XVIIe siècle, dans J. Candau, M.-B. Le Gonidec (dir.), Paysages sensoriels : essai d’anthropologie de la construction et de la perception de l’environnement sonore, Paris, 2013, p. 115-130.
Hartnett 2011 = J. Hartnett, The power of nuisances on the Roman street, dans R. Laurence, D.J. Newsome (dir.), Rome, Ostia, Pompeii: Movement and Space, Oxford, 2011, p. 135-159.
Hartnett 2017 = J. Hartnett, The Roman Street: Urban Life and Society in Pompeii, Herculaneum, and Rome, New York, 2017.
Haug – Kreuz 2016a = A. Haug, P.-A. Kreuz, Einführung: Sinne der Stadt, dans A. Haug, P.-A. Kreuz (dir.), Stadterfahrung als Sinneserfahrung in der römischen Kaiserzeit, Turnhout, 2016, p. 1-6.
Haug – Kreuz 2016b = A. Haug, P.-A. Kreuz (dir.), Stadterfahrung als Sinneserfahrung in der römischen Kaiserzeit, Turnhout, 2016.
Holter – Muth – Schwesinger 2018 = E. Holter, S. Muth, S. Schwesinger, Sounding out public space in Late Republican Rome, dans Butler – Nooter 2018, p. 44-60.
Howes 2005 = D. Howes, Introduction, Howes – Feld 2005, p. 1-17.
Howes – Feld 2005 = D. Howes, S. Feld (dir.), Empire of the senses: the sensual culture reader, Oxford, 2005.
10.4324/9781003230700 :Huet 2015 = V. Huet, Watching rituals, dans R. Raja, J. Rüpke (dir.), A companion to the archaeology of religion in the ancient world, Malden, Oxford, 2015, p. 144-154.
10.1002/9781118886809 :Hugoniot 2008 = C. Hugoniot, Les banquets de jeux publics à Rome : banquets et sacrifices, dans Nelis-Clément – Roddaz 2008, p. 319-334.
Jürgens 2016 = K. Jürgens, Städtliche Wahrnehmungsbereiche im Fest. Die Leukophryena in Magnesia am Mäander in der Kaiserzeit, dans Haug – Kreuz 2016b, p. 223-246.
Kalekin-Fishman – Low 2018 = D. Kalekin-Fishman, K.E.Y. Low, Expanding the scope of sociology of the senses, dans Low – Kalekin-Fishman 2018, p. 217-228.
Katz 2014 = D.E. Katz, Sensing the city: night in the venetian ghetto, dans S.M. Promey (dir.), Sensational religion: sensory cultures in material practice, New Haven (Conn.), 2014, p. 159-183.
Kelman 2010 = A.Y. Kelman, Rethinking the soundscape: a critical genealogy of a key term in sound studies, dans The senses and society, 5-2, 2010, p. 212-234.
Kenny 2014 = N. Kenny, The feel of the City: experiences of urban transformation, Toronto, 2014.
Knighton – Mazuela-Anguita 2018 = T. Knighton, A. Mazuela-Anguita (dir.), Hearing the City in Early Modern Europe, Turnhout, 2018.
Koloski-Ostrow 2015 = A.O. Koloski-Ostrow, Roman urban smells: the archeological evidence, dans Bradley 2015b, p. 90-109.
Lam et al. 2017 = J.S.C. Lam, S. Lin, C. De Pee, M.J. Powers (dir.), Senses of the city: perceptions of Hangzhou and southern song China, 1127-1279, Hongkong, 2017.
10.2307/j.ctv2n7r8r :Laurence 2017 = R. Laurence, The sound of the city: from noise to silence in ancient Rome, dans Betts 2017b, p. 39-53.
Lott 2004 = J.B. Lott, The neighborhoods of Augustan Rome, Cambridge, 2004.
Low – Kalekin-Fishman 2018 = K.E.Y. Low, D. Kalekin-Fishman (dir.), Senses in cities: experiences of urban settings, Londres-New York, 2018.
Manola 2019 = T. Manola, Le paysage (multi)sensoriel dans la recherche urbaine française. Trajectoire, fondements, perspectives, dans V. Mehl, L. Péaud (dir.), Paysages sensoriels : approches pluridisciplinaires, Rennes, 2019, p. 19-34.
Marx 1962 = K. Marx, Manuscrits de 1844 : économie politique et philosophie, Paris, 1962.
10.1522/cla.mak.man1 :Monteix 2012 = N. Monteix, « Caius Lucretius [...], marchand de couleurs de la rue des fabricants de courroies ». Réflexions critiques sur les concentrations de métiers à Rome, dans A. Esposito, G.M. Sanidas (dir.), « Quartiers » artisanaux en Grèce ancienne : une perspective méditerranéenne, Lille, 2012, p. 333-352.
Morley 2015 = N. Morley, Urban smells and Roman noses, dans Bradley 2015b, p. 110-109.
Muth – Holger 2014 = S. Muth, S. Holger, «Wissensformen des Raums: die schmutzigen Details des Forum Romanum» – Archäologie & sound studies im Dialog, dans Cluster-Zeitung, 55-7-11, 2014.
Nelis-Clément 2008 = J. Nelis-Clément, Le cirque romain et son paysage sonore, dans Nelis-Clément – Roddaz 2008, p. 431-457.
Nelis-Clément – Roddaz 2008 = J. Nelis-Clément, J.-M. Roddaz (dir.), Le cirque romain et son image, Bordeaux, 2008.
Palazzo 2016 = É. Palazzo (dir.), Les cinq sens au Moyen Âge, Paris, 2016.
Papi 2002 = E. Papi, La turba inpia: artigiani e commercianti del Foro Romano e dintorni (I sec. a.C.-64 d.C.), dans JRA, 15-1, 2002, p. 45-62.
Perrin 2018 = Y. Perrin, Itinéraires romains : documents de topographie et d’archéologie historiques pour l’histoire de Rome (de Scipion à Constantin), Bordeaux, 2018.
Potter 1999 = D.S. Potter, Odor and power in the Roman Empire, dans J. Porter (dir.), Constructions of the classical body, Ann Arbor, 1999, p. 169-189.
Purves 2018 = A.C. Purves (dir.), Touch and the ancient senses, Londres, 2018.
10.4324/9781315719665 :Quatember 2016 = U. Quatember, Eine Stadt der Sinne? Sensuelle Wahrnehmung im Ephesos der römischen Kaiserzeit, dans Haug – Kreuz 2016b, p. 267-293.
Rodaway 1994 = P. Rodaway, Sensuous geographies: body, sense and place, Londres-New York, 1994.
10.4324/9780203082546 :Rodríguez Almeida 2014 = E. Rodríguez Almeida, Marziale e Roma. Un poeta e la sua Città, Rome, 2014.
Rudolph 2018 = K.C. Rudolph, Taste and the ancient senses, Londres-New York, 2018.
Simmel 2013 = G.Simmel, Les grandes villes et la vie de l’esprit, suivi de Sociologie des sens, Paris, 2013.
Smith 1999 = B.R. Smith, The acoustic world of early modern England: attending to the o-factor, Chicago, Londres, 1999.
10.1515/zatw.1914.34.3.219 :Smith 2007 = M.M. Smith, Sensory history, Oxford, 2007.
10.5040/9781350048775 :Squire 2016 = M. Squire (dir.), Sight and the ancient senses, Londres-New York, 2016.
10.4324/9781315719238 :Toner 2014 = J.P. Toner (dir.), A cultural history of the senses. Antiquity, Londres, 2014.
Tschäpe 2016 = E.-M. Tschäpe, Das grosse Laufen. Körperlich-sinnliche Wahrnehmung der Grossstadt von Horaz bis Juvenal, dans Haug – Kreuz 2016b, p. 197-221.
Veitch 2017 = J. Veitch, Soundscape of the street: architectural acoustics in Ostia, dans Betts 2017b, p. 54-70.
10.4324/9781315608358 :Vendries 2015 = C. Vendries, Du bruit dans la cité : l’invention du « paysage sonore » et l’Antiquité romaine, dans Emerit – Perrot – Vincent 2015, p. 209-232.
Vendries 2019 = C. Vendries (dir.), Cornua de Pompéi : trompettes romaines de la gladiature, Rennes, 2019.
Vincent 2017 = A. Vincent, Une histoire de silences, dans Annales HSS, 72-3, 2017, p. 633-658.
Vincent 2020 = A. Vincent, « Rome est à mon chevet / Et ad cubilest Roma » (Mart., Ep., 12, 57, 27). Peut-on parler de pollution sonore liée à l’artisanat dans les cités de l’Occident romain ?, dans MEFRA, 132-2, 2020, p. 297-312.
Wallace-Hadrill 2014 = A. Wallace-Hadrill, The senses in the marketplace: the luxury market and eastern trade in Imperial Rome, dans Toner 2014, p. 45-68.
Weddle 2013 = C. Weddle, The sensory experience of blood sacrifice in the Roman Imperial cult, dans J. Day (dir.), Making senses of the past: toward a sensory archaeology, Carbondale, 2013, p. 137-159.
Weddle 2017 = C. Weddle, Blood, fire and feasting. The role of touch and taste in Graeco-Roman animal sacrifice, dans Betts 2017b, p. 104-119.
Wilson 2003 = A. Wilson, The archaeology of the Roman fullonica, dans JRA, 16-2, 2003, p. 442-446.
10.1093/nq/s8-V.128.448i :Wright 2007 = L. Wright, Speaking and listening in Early Modern Londres, dans Cowan – Steward 2007b, p. 60-74.
Wrigley 2012 = R. Wrigley, Making sense of Rome, dans Journal for Eighteenth-Century Studies, 35-4, 2012, p. 551-564.
10.1111/j.1754-0208.2012.00539.x :Notes de bas de page
1 S. Feld dans Feld – Basso 1996, cité notamment par Smith 1999, p. 47. Voir également Feld 2005, plus particulièrement sur le sens acoustique et l’espace, autour de la notion d’acoustémologie.
2 Febvre 1942, p. 471 : « Il y aurait une suite d’études captivantes à entreprendre sur le support sensible de la pensée aux diverses époques. »
3 Howes 2005, p. 1.
4 Pour des raisons de commodités, on renverra ici à une synthèse de ces étapes d’institutionnalisation, au moins dans le monde anglo-saxon, dans Gélard 2017, p. 60-62. Il est notamment fait référence à la collection Sensory Formation (Berg Publishers, Oxford), à la revue The senses and society, ainsi qu’au site internet de référence http://www.sensorystudies.org/. Concernant le monde académique français, à travers le prisme de l’anthropologie historique, voir Gélard 2016, ainsi que les revues françaises récemment lancées : Nez, la revue olfactive ou encore La peaulogie.
5 Marx 1962, p. 71 dans la collection « Les classiques des sciences sociales » développée pour l’université de Québec à Chicoutimi.
6 On retrouve ici les conclusions de W. Benjamin selon qui « la manière dont est organisée la perception humaine, les supports qu’elle emprunte ne sont pas déterminés uniquement par la nature mais tout autant par le contexte historique » (Benjamin 1969a, p. 222 [trad. personnelle]). Sur ces jeux d’échelles, voir également Gélard 2017, particulièrement les entretiens avec J. Candau, D. Le Breton et A. Corbin.
7 Simmel 2013 : réédition de deux articles publiés pour la première fois respectivement en 1903 (« Les grandes villes et la vie de l’esprit ») et 1907 (« Sociologie des sens »).
8 Cowan – Steward 2007a. Pour une approche théorique des rapports entre espace et sensorialité, voir Manola 2019.
9 Cowan – Steward 2007a ; Diaconu – Heuberger – Mateus-Berr 2011 ; Kenny 2014 ; Low – Kalekin-Fishman 2018. DeFazio 2011, pour une lecture marxiste des constructions sensorielles, insistant sur les rapports économiques et politiques à l’œuvre dans les appréhensions sensorielles.
10 Diaconu – Heuberger – Mateus-Berr 2011, particulièrement la première partie : the skin of the city.
11 Kalekin-Fishman – Low 2018.
12 Voir une belle synthèse des approches dans Degen 2014.
13 Cowan – Steward 2007b.
14 La réception internationale des travaux d’Alain Corbin a joué un grand rôle dans la diffusion des questionnements sur les sens au sein de la communauté des historiens modernistes et contemporanéistes (voir à titre d’exemple, car il n’est pas le lieu de la retracer ici : Smith 2007, p. 7 sq. ; Kelman 2010, p. 226-228 ; Gélard 2017, p. 39-50 et 53 sq.). Pour une extension de ces problématiques au Moyen Âge, voir Palazzo 2016. Les historiens de l’Antiquité ont été plus rétifs à s’emparer des sensory studies. Quelles que soient les civilisations concernées, les sources sont pourtant d’une grande richesse pour qui daigne s’en emparer : pour le cas des bruits et de l’audition, voir les contributions d’A.-C. Rendu-Loisel sur le Proche-Orient, S. Emerit sur l’Égypte, S. Perrot sur la Grèce et C. Vendries sur Rome, dans Emerit – Perrot – Vincent 2015.
15 Borsay 2002. Pour une mise à jour théorique et bibliographique sur la question des rapports entre ville et musique, voir Campos 2017.
16 Knighton – Mazuela-Anguita 2018.
17 Wright 2007 ; Cockayne 2007.
18 Corfield 1990 ; Arndt 2007.
19 Foyster 2010.
20 Katz 2014.
21 Beck – Krampl – Retaillaud-Bajac 2013.
22 Lam et al. 2017.
23 Quatember 2016 ; Gering 2016 ; Jürgens 2016.
24 Bradley 2014.
25 Bradley 2015a.
26 Derrick 2017 ; Veitch 2017.
27 Toner 2014.
28 Butler – Purves 2013 ; Bradley 2015b ; Squire 2016 ; Butler – Nooter 2018 ; Purves 2018 ; Rudolph 2018.
29 Ce n’est pas le lieu ici de rendre compte de la bibliographie des périodes postérieures sur les sens à Rome : on se contentera donc de renvoyer à Wrigley 2012 ou encore aux travaux du programme PerformArt sur les arts du spectacle à Rome aux XVIIe et XVIIIe siècles. B. Gruet a exprimé combien le tissu de la Ville se prêtait particulièrement bien aux études sur les perceptions sensorielles en raison de la densité humaine qu’il regroupait à l’époque moderne : Gruet 2006, 2013.
30 Aldrete 2014 ; Wallace-Hadrill 2014.
31 Koloski-Ostrow 2015 ; Morley 2015. Voir aussi Forichon 2019 pour une approche par les odeurs des édifices de spectacles de la Ville.
32 Tschäpe 2016 ; Laurence 2017.
33 Day 2017 ; Betts 2017a.
34 Haug – Kreuz 2016a.
35 Amm., 14, 6, 25 ; Ivv., 3, 236 sq ; Hor., Sat., 2, 3, 228. Sur les fragrances des produits vendus par les unguentarii : Plin., Nat., 12, 35.
36 On en trouve par exemple une évocation rapide dans les premières pages de Castagnoli 1950.
37 Carcopino 1939, p. 70. Les pages 65-70, consacrées au désordre des rues de la capitale, sont celles qui donnent lieu aux développements les plus « sensibles » de l’ouvrage. De même, dans le récent ouvrage de Perrin 2018, p. 108-110.
38 Voir par exemple le travail de Vendries 2015 pour les événements sonores.
39 Pour un examen complet des Quinquatries, voir Granino Cecere 2001.
40 L’origine et le déroulement de la fête est rapporté par plusieurs auteurs mais Ovide et Tite-Live fournissent les témoignages les plus riches : Ov., Fast., 6, 650‑711 ; Plut., Quaest. Rom., 55 ; Liv., 9, 30, 5 ; Val. Max., 2, 5, 4 ; Quint., Inst., 5, 11, 9.
41 Sur les hypothèses concernant l’itinéraire de la procession et sa dimension commémorative : Flambard 1987.
42 Ov., Fast., 6, 261-262 : Quae nunc aere uides stipula tum tecta uideres et paries lento uimine textus erat.
43 Nelis-Clément 2008.
44 Day 2017 ; Forichon 2019. Voir aussi les travaux de Fleury 2008 sur les fonctions odoriférantes et visuelles des sparsiones.
45 Hist. Aug, Heliog., 23, 1 (trad. A. Chastagnol, Robert Laffont, Paris, 1994) : Fertur in euripis uino plenis nauales circenses exhibuisse, pallia de oenanthio fudisse [...]
46 Day 2017 a théorisé cette permanence, cette fixation par le visible de la domination sociale via les taches laissées par le safran, dont l’effet visuel était bien plus notable, selon les tests réalisés par l’autrice, que l’effet olfactif.
47 Hartnett 2011 et 2017. Voir ce dernier pour une bibliographie plus spécifique sur les rues et leur activité dans le monde romain, particulièrement pour le monde anglo-saxon.
48 Mart., 12, 57, 4-10 : Negant uitam ludi magistri mane, nocte pistores, aerariorum marculi die toto, hinc otiosus sordidam quatit mensam neroniana nummularius massa, illinc balucis malleator Hispanae tritum nitenti fuste uerberat saxum [...].
49 Si l’artisanat du métal n’a, à ma connaissance pas été envisagé sous cet angle, il faut souligner en revanche que le cas des fouleries a fait l’objet d’une disputatio entre M. Bradley et M. Flohr, notamment autour de l’odeur de l’urine, notoirement utilisée comme intrant par les fullones. Partant du problème posé par l’implantation centrale des fullonicae dans les tissus urbains, les deux chercheurs ont proposé des interprétations divergentes. M. Flohr a mis en avant l’effet neutralisant de la terre des foulons (creta) utilisée au cours du processus artisanal, tandis que M. Bradley a proposé une solution ressortissant davantage à une approche culturelle : l’odeur de l’urine n’aurait pas gêné des Romains habitués à sa présence (Bradley 2002 ; Flohr 2003 puis 2009, 2013 et 2017; Wilson 2003). Voir aussi l’article de N. Tran dans ce volume.
50 Sur la géographie urbaine de Martial : Rodríguez Almeida 2014.
51 Papi 2002. Sur l’application de la notion de quartier à l’Antiquité et ses implications, Monteix 2012. Voir aussi l'article de C. Courrier et J.-P. Guilhembet dans ce volume.
52 Betts 2017a, p. 30-37.
53 Stat., Silv., 1, 1, 64-65 : [...] continuus septem per culmina uentis it fragor et magnae figit uaga murmura Romae.
54 Hor., Epist., 2, 2, 79.
55 Mart., 12, 18, 2 ; Stat., Silv., 4, 14, 18.
56 Plin., Nat., 12, 41 : Periti rerum adseuerant non ferre tantum annuo fetu, quanto Nero Princeps nouissimo Poppaeae suae die concremauerit. Pour l’estimation de la valeur d’une telle consommation d’encens, voir les chiffres donnés par Plin., Nat., 12, 33.
57 Liv., 39, 46, 3 : il est question du banquet funèbre donné sur le Forum suite à la mort de P. Licinius Crassus, pontifex maximus.
58 Suet., Iul., 38, 4 et Plut., Caes., 55, 4 qui fait état de 22000 triclinia.
59 Cas de l’Epulum Iouis évoqué par Liv., 38, 57, 5.
60 Cf. le cas précédemment évoqué du banquet funèbre sur le Forum (Liv., 39, 46, 3 : in quo cum toto Foro strata triclinia essent, tempestas cum magnis procellis coorta coegit plerosque tabernacula statuere in Foro : eadem paulo post, cum undique disserenasset, sublata).
61 Liv., 25, 12, 15 (sur l’origine des ludi Apollinares en 212 av. J.-C.) : Populus coronatus spectauit, matronae supplicauere ; uolgo apertis ianuis in propatulo epulati sunt celeberque dies omni caerimoniarum genere fuit. Pour une présentation des enjeux historiographiques et spatiaux autour des banquets publics, voir Hugoniot 2008.
62 Tert., Apol., 35, 2 : Grande uidelicet officium focos et toros in publicum deducere, uicatim epulari, ciuitatem tabernae habitu abolefacere, uino Iutum cogere, cateruatim cursicare ad iniurias, ad impudicitas, ad libidinum ludibria !
63 Hugoniot 2008 liste ceux des Jeux Apollinaires, Mégalésiens, Romains, Plébéiens pour la période républicaine.
64 Weddle 2013 ; Huet 2015 ; Weddle 2017.
65 Plin., Nat., 28, 11. Vincent 2017.
66 Voir l’expérience d’autoethnographie rapportée par Weddle 2013, à la suite de la participation de l’autrice à un abattage rituel de bovins à Istanbul en 2008.
67 Fraschetti 1994 ; Lott 2004.
68 Quint., Inst., 6, 3, 17 : Nam et urbanitas dicitur, qua quidem significari uideo sermonem praeferentem in uerbis et sono et usu proprium quendam gustum urbis et sumptam ex conuersatione doctorum tacitam eruditionem, denique cui contraria sit rusticitas.
69 Potter 1999, p. 169 : « There can be no question but that the urban air of the Roman empire stank. It was filled with roasting meats (other than Christians), baking bread, raw sewage, and dead bodies. »
70 Morley 2015. Si je ne suis pas entièrement d’accord avec l’auteur sur l’impossibilité de tirer des enseignements précis d’une enquête qui tiendrait compte d’une géolocalisation exacte des odeurs de la Ville, comme le laissent supposer les quelques pages qui précèdent, la démonstration dans son ensemble me paraît d’une grande valeur et j’en fais miennes ici les grandes lignes.
71 Koloski-Ostrow 2015.
72 Engen 1982, p. 61-63 cité par Morley 2015, p. 118.
73 Par exemple Mart., 12, 59. Voir aussi Cic., Verr., 2, 5, 27, pour la mise en scène d’un Verrès se déplaçant en Sicile en litière à porteurs, appuyé sur un coussin rempli de roses et approchant de son nez un filet de tissu également empli de roses (ad naris sibi admouebat tenuissimo lino, minutis maculis, plenum rosae).
74 Anheim 2012, part. p. 15 sur la vertu de l’anthropologie pour l’histoire consistant à rendre étranger ce qui paraît familier et familier ce qui semble étranger.
75 Pour une réflexion sur les bruits de l’artisanat dans la capitale, voir Vincent 2020.
76 Rodaway 1994.
77 Voir dans cet ouvrage la contribution de S. Madeleine et P. Fleury.
78 Sur le point de vue du marcheur en ville : Bertrand 2013.
79 On trouvera deux exemples de protocoles valides concernant la reproduction des sons du passé dans Vendries 2019 (sonorités d’instruments de musique) et Holter – Muth – Schwesinger 2018 (sonorités vocales).
80 Muth – Holger 2014 ; Holter – Muth – Schwesinger 2018.
Auteur
Université de Poitiers, HeRMA UR 15071 - Institut universitaire de France - alexandre.vincent@univ-poitiers.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002