V – L’Afrique à l’époque tardive
p. 80-104
Texte intégral
1Les sources littéraires demeurent cette année encore abondantes sur cette période, et dominées de façon particulièrement nette par l’œuvre d’Augustin, alors que les Passions restent, comme dans les précédentes livraisons de la B.A.A.A., peu représentées. Les études sur l’Anthologie latine se maintiennent et l’on note deux colloques, sur Claudien et sur Corippe, qui mettent en évidence ces auteurs moins connus des classicisants. La période byzantine connaît elle aussi un bel éclairage grâce à un ouvrage qui lui est consacré. Il convient de rappeler aux lecteurs que la B.A.A.A. ne recense pas, ou rarement, les travaux de théologie.
A. L’Afrique romaine
Sources
2Les auteurs païens n’ont pas retenu l’attention, si ce n’est à l’occasion d’un large panorama sur la littérature tardive. (362) Literature and society in the fourth century AD: performing paideia, constructing the present, presenting the self, édit. Van Hoof L. et Van Nuffelen P., Leyde, 2015, X-247 p., ill., index. Les contributions de cet ouvrage vont à rebours de l’image habituelle d’une littérature « tardive » scolaire et à l’écart de la cité : pour les élites du monde romain du IVe siècle, écrire continue à être un moyen de se définir socialement et d’agir dans la cité. Sont incidemment cités des personnages liés à l’Afrique, comme Lactance, Minucius Felix (IIIe s.) et Augustin. Les sources chrétiennes s’imposent donc, en commençant par une synthèse sur les vies des évêques, connus entre le IVe et le Ve siècle, (363) Marcos M., El obispo y sus biógrafos, dans Obispo (El-) en la Antigüedad Tardía, p. 201-216. Nous y lirons plus particulièrement les commentaires sur la Vie d’Augustin rédigée par Possidius, évêque de Calama (p. 209-210). Puis interviennent Lactance et Claudien. (364) Marcone A., Lattanzio e Costantino, dans Constantino, p. 21-29. Le rhéteur africain converti au christianisme fut le précepteur de Crispus, le fils de Constantin. (365) Colot L., Lactance : penser la conversion de Rome au temps de Constantin, Florence, 2016, XLVII-358 p. Dans les Institutions divines, l’intention de Lactance, trop souvent tenu comme un auteur secondaire pour l’histoire du christianisme, est d’adresser une apologie aux païens dans un contexte marqué par les dernières persécutions. Il est un témoin important du tournant constantinien, il veut légitimer la nouvelle religion pour qu’elle puisse s’exercer légalement. Les Institutions divines ont été écrites entre 305 et 311 et remaniées vers 323-324, peu de temps avant la mort de l’auteur : il y insère alors deux dédicaces à Constantin. L’ouvrage de L. Colot se compose de deux parties : la première s’intitule « Révélation biblique, débat et polémique : la justice entre politique et religion à Rome », la seconde « Lactance acteur de son temps ». (366) Garambois F., Terrasser l’adversaire : le poème de Gildon contre Claudien, dans Éloge et blâme. Figures et pratiques, édit. Guisard P. et Laizé C., Paris, 2016, p. 313-322. L’auteure pose la question de la nature du poème. Elle en analyse la structure, et elle donne avec sa traduction le texte de la prosopopée de Rome ; il en ressort que le comte d’Afrique est considéré comme « le troisième tyran », après Jugurtha et Juba Ier. Il en a tous les défauts, et en plus, comme eux, il est Maure. Brèves remarques sur le même personnage par (367) Harmoy Durofil H., Éloge et blâme des officiers d’origine barbare de la militia armata tardive, ibidem, p. 420-440, voir p. 435-436. (368) Charlet J.-L., Lucain et Claudien : une poésie politique entre épopée, histoire et panégyrique, dans Lucan and Claudian, p. 11-30, reprend le dossier des rapports entre les deux poètes, notamment à partir du De bello Gildonico : il écarte bon nombre des 125 parallèles proposés par E.M. Olechowska dans son édition du poème (1978) pour n’en retenir que 26 comme sources certaines ou très probables et 27 possibles. L’auteur définit ensuite quelle fut la place de l’épopée de Claudien dans l’histoire du genre épique à Rome : un « épique politique » bien plus que celui de Lucain qui a une dimension philosophique affirmée. (369) Rees R., Ghosts of Authors Past in Claudian’s De Bello Gildonico, ibidem, p. 127-145, s’inscrit dans les études actuelles sur l’intertextualité de Claudien, mais la présence de Lucain n’est pas la seule : Virgile est également un modèle important, comme dans la scène où le fantôme de l’empereur Théodose apparaît à Arcadius pour l’inciter à attaquer Gildon en Afrique ; parmi les scènes de rencontres entre pères défunts et fils, celle d’Anchise et d’Énée s’impose ici. R.R. relève aussi des traces d’intertextualité avec les Panégyriques latins. La dernière source fera la transition avec la section dévolue à Augustin, toujours très fournie. (370) Van Nuffelen P., How Shall We Plead? The Conference of Carthage (411) on Styles of Argument, dans Education and Religion in Late Antique Christianity. Reflections, Social Contexts and Genres, édit. Gemeinhardt P., Van Hoof L. et Van Nuffelen P., Londres/New York, 2016, p. 145-158. L’auteur voit dans la Conférence de Carthage de 411 destinée à trancher le débat entre catholiques et donatistes un excellent exemple de l’usage que les chrétiens faisaient de l’éducation classique et de leur réflexion à ce sujet. L’une des questions débattues à Carthage était celle de la nature même de la conférence, ce qui, pour les évêques présents, avait des conséquences sur la manière dont il convenait de plaider. S’agissait-il d’un débat de nature juridique qui assimilait la conférence à un procès ou d’un débat de nature théologique ? Les Actes de la conférence montrent que les évêques des deux partis étaient à la fois capables de plaider en s’appuyant sur le droit et la rhétorique, comme dans le cadre d’un procès, et de déployer une argumentation plus spécifiquement ecclésiastique, qui s’appuyait essentiellement sur l’Ancien et le Nouveau Testament : elle était considérée comme supérieure à l’argumentation rhétorique et plus appropriée pour débattre des questions théologiques.
3La part dévolue à Augustin ne déroge pas à l’habitude, toujours aussi importante, même si les éditions semblent moins nombreuses. Un livre permettra de s’initier à sa pensée et à son écriture. (371) Saint Augustin ou Les promesses de la raison, édit. Ratti S., Dijon, 2016, 149 p. L’auteur propose une sélection de textes d’Augustin traduits par ses soins, qui éclairent neuf thèmes différents, regroupés en autant de chapitres et accompagnés d’une courte introduction : l’Afrique, l’école, la chair, la mère d’Augustin, les manichéens, la paideia, le néoplatonisme, la conversion et les païens. Une chronologie de l’Antiquité tardive couvrant la période 235-476, une chronologie de la vie d’Augustin et une courte bibliographie complètent le volume. Les éditions des psaumes et des sermons maintiennent leur rythme de publication et proposent des outils de travail indispensables. (372) Predigten zu den Psalmen. I, (Sermones 13-21), Augustinus von Hippo, édit. Drobner H.R., Francfort-sur-le-Main, 2016, 710 p., ill. et (373) Predigten zu den Psalmen. II, (Sermones 22-34). Augustinus von Hippo, édit. Drobner H.R., Francfort-sur-le-Main, 2016, XX-p. 712-1442, ill., 5 index. Ces deux volumes, qui forment le numéro 35 de la Patrologie, poursuivent la grande entreprise d’édition critique et de traduction en allemand des Sermones ad populum d’Augustin. Le premier volume s’ouvre par une bibliographie générale suivie d’une riche introduction générale, assez généreusement illustrée. Suivent l’édition critique et la traduction allemande de chaque sermon, enrichies de notes particulièrement abondantes. Il contient les sermons 13 à 21, qui correspondent à des sermons sur les psaumes ne faisant pas partie de la collection des Enarrationes in Psalmos, ainsi que les sermons 14/A (= Dolbeau 20), 15/A (= Denis 21), 16/A (= Denis 20), 16/B (= Mai 17), 20/A (= Lambot 24) et 20/B (= Dolbeau 28), 22/A (= Mai 15). Chaque sermon bénéficie en outre d’une introduction spécifique, où l’éditeur fournit des informations sur la transmission du sermon, le lieu où il fut prononcé, sa date, son contenu et sa structure. Le volume II est organisé de la même manière, il rassemble l’édition critique et la traduction allemande des sermons 22 à 34 d’Augustin, ce qui inclut non seulement les prédications conservées dans la collection des Sermones ad populum mais aussi les sermons 22/A (= Mai 15), 23/A (= Mai 16), 23/B (= Dolbeau 6), 25/A (= Morin 12), 28/A (= Dolbeau 9), 29/A (= Denis 9), 29/B (= Dolbeau 8), 33/A (= Denis 23). Une bibliographie complémentaire et cinq indices complètent l’ensemble des deux volumes. (374) Aurelii Augustini Opera. 11, 8, Sancti Aurelii Augustini Sermones in epistolas apostolicas. 2, Id est Sermones CLVII-CLXXXIII secundum ordinem vulgatum insertis etiam aliquot sermonibus post Maurinos repertis, édit. Boodts S., cuius seriei undecim sermones, édit. Dolbeau F., Gert Partoens G., Mon Torfs M. et alii, Turnhout (Corpus Christianorum. Series Latina, 41 Bb), 2016, LXXX-784 p., ill., index S. Boodts poursuit l’entreprise de nouvelle édition critique des sermons d’Augustin sur les épîtres apostoliques. Il s’agit ici des sermons 157 à 183 selon la numérotation des Mauristes. Le volume s’ouvre par une courte introduction, une bibliographie et une présentation générale de la traduction manuscrite des sermons sur les lettres apostoliques ainsi que des principes d’édition. Chaque sermon bénéficie d’une brève introduction et de l’édition du texte latin avec son apparat critique. Conformément à la tradition du Corpus Christianorum, le texte latin n’est accompagné d’aucune traduction en langue moderne. Quatre indices complètent le volume. La correspondance a fourni un seul titre. (375) Dolbeau F., Fragments méconnus d’une lettre d’Augustin « à Adéodat et autres serviteurs de Dieu », dans Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 2016, 3, p. 275-288, défend l’authenticité de plusieurs fragments issus du florilège augustinien Milleloquium ueritatis par des arguments externes et internes, et propose l’an 411 comme terminus ante quem non. Plusieurs études portent sur des oeuvres spécifiques d’Augustin (La Cité de Dieu, les psaumes, sermons et traités) en éclairant des thèmes importants. (376) Langer O., Vom Polis Bürgertum über die Bürgerschaft Gottes zum Weltbürgertum?, dans Freizburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, LXIII, 2, 2016, p. 381-401, rés. angl. La ciuitas Dei augustinienne, comprise au double sens de cité État et de citoyenneté de Dieu, est comparée avec le modèle athénien de la cité État et le concept aristotélicien de πολιτεία (n. u.). (377) Demura K., Shaping the Poor: The Philosophical Anthropology of Augustine in the Context of the Era of Crisis, dans Christians Shaping Identity from the Roman Empire to Byzantium. Studies inspired by Pauline Allen, édit. Dunn G.D. et Mayer W., Leyde/Boston (Supplements to Vigiliae Christianae, 132), p. 248-265, examine comment la lecture de Paul et la prédication des Psaumes fonctionnent face aux réalités contemporaines d’Augustin, ainsi que le rôle de la métaphore du voyageur dans le De Doctrina christiana. Il ressort qu’Augustin a établi un texte unique pour l’ensemble de sa communauté et que, pour lui, il existait une seule et même identité pour les êtres humains, riches ou pauvres. (378) Gold B.K., Remaking Perpetua: A female martyr reconstructed, dans Sex in antiquity: Exploring Gender and Sexuality in the Ancient World, édit. Masterson M., Rabinowitz N.S. et Robson J., Londres, 2015, p. 482-499. Après avoir rappelé ce que l’on sait de la martyre, l’auteure étudie la façon dont Augustin utilise et reconstruit dans ses sermons la figure de Perpétue. Sa faiblesse féminine, rapportée au péché originel, est surmontée par son courage, trait spécifiquement masculin, et par sa dévotion, les deux lui permettant d’affronter son supplice. (379) Kaufman P.I., Augustine’s punishments, dans Harvard Theological Review, 109, 4, 2016, p. 550-566, nuance l’idée dominante dans l’historiographie selon laquelle Augustin aurait approuvé sans ambiguïté les sentences répressives comme une nécessité inévitable : non seulement Augustin ne donnait son approbation aux châtiments qu’à contrecoeur mais cette approbation était relativement restrictive et s’accompagnait de doutes sur l’efficacité du châtiment dans la cité terrestre ; il soulignait aussi les distinctions qu’il convenait de faire entre cette paix et la paix de la cité céleste. À compléter avec (380) Ebbeler J., Charitable Correction and Ecclesiastical Unity in Augustine’s Contra Epistulam Parmeniani, dans Donatist (The-) Schism, p. 284-296. L’auteure propose une nouvelle étude du Contra Epistulam Parmeniani d’Augustin, traité qu’elle date de 405 et dans lequel l’évêque d’Hippone répond à la lettre adressée 25 ans plus tôt par l’évêque donatiste Parménien au grammairien donatiste Tyconius. J. Erbeler analyse plus particulièrement la rhétorique et la pratique de la correction charitable mise en avant par Augustin, et explique le lien qu’il établit entre l’unité ecclésiastique et la correction charitable : il est préférable de corriger le pécheur plutôt que de l’exclure de la communauté chrétienne. Pour Augustin, les donatistes devraient donc privilégier la correction du pécheur au sein de la communauté au lieu de l’exclure puis de le rebaptiser une fois qu’il s’est amendé. (381) Milusheva I., Einige Überlegungen zu der zweiten Gruppe navigantes in Augustins Dialog De beata vita, dans Acta Antiqua Academiae Scientiarum Hungaricae, LVI, 4, 2016, p. 505-511, rés. angl. Les métaphores marines sont très utilisées par Augustin dans les introductions des trois dialogues composés à Cassiciacum à l’automne 386 : le Contra Academicos, le De beata vita et le De ordine. Dans le De beata vita, 1. 2, Augustin compare les personnes auxquelles la philosophie peut convenir aux navigantes, qu’il regroupe en trois catégories. En s’appuyant sur une comparaison avec certains passages des lettres, des Tusculanes et du De officiis de Cicéron, I. Milusheva propose une nouvelle hypothèse : la personne représentant le mieux le second groupe de nauigantes serait en réalité Cicéron plutôt que Romanianus à qui Augustin avait dédié le dialogue Contra Academicos et dans lequel certains chercheurs ont vu un représentant de ce groupe. (382) Dussán M.P., Números y signos: filosofía de la música en Agustín de Hipona, Bogota, 2015, 360 p., 2 index. Nous signalons ce livre que nous n’avons pu consulter, pour attirer l’attention sur ce domaine important de la réflexion augustinienne. L’esthétique et l’art ont toujours intéressé Augustin qui avait consacré à ces questions son premier traité (vers 381), perdu peu après sa rédaction, intitulé De pulchro et apto. Le De Musica est le travail le plus élaboré qu’il ait ensuite écrit sur le sujet, mais les allusions à l’art émaillent toute son oeuvre. Quel était le degré de connaissance du donatisme d’Augustin avant son ordination comme prêtre s’est demandé (383) Rebillard É., Augustine in Controversy with the Donatists before 411, dans Donatist (The-) Schism, p. 297-316. L’auteur le juge relativement élevé, en supposant, à la suite de J. O’Donnel, que Monique aurait été donatiste dans sa jeunesse. Il examine ensuite les circonstances de composition des 19 textes recensés comme œuvres anti-donatistes écrites par Augustin avant 411. Il accorde une importance toute particulière à deux œuvres dont la datation a pu être déplacée de 400 à 403/404 grâce à la découverte des sermons Dolbeau : le Contra epistulam Parmeniani et le De baptismo. Ces deux textes correspondent en effet au premier examen véritablement théologique de la controverse donatiste par Augustin. Ils sont écrits à un moment où les évêques catholiques africains mènent une intense campagne auprès de la cour de Ravenne pour que le donatisme soit désormais considéré comme une hérésie et non plus comme un simple schisme. Les autres œuvres anti-donatistes d’Augustin écrites avant 411 ont comme objectif soit de réfuter chaque texte et argument produit par un donatiste - c’est le cas par exemple des trois œuvres distinctes qui ont été rassemblées dans le Contra litteras Petiliani -, soit de fournir aux catholiques africains des écrits suffisamment courts pour pouvoir être lus sans trop d’effort, tel le Psalmus contra partem Donati. De leur côté, les donatistes ont rédigé de nombreux textes destinés à justifier leur position. (384) Miles R., Textual Communities and the Donatist Controversy, dans Donatist (The-) Schism, p. 249-283. Ce chapitre s’intéresse à la controverse à travers la production des textes donatistes. L’auteur examine d’abord l’émergence de l’Église donatiste en tant que « communauté textuelle » de plus en plus forte et cohérente dans les décennies qui suivent les débuts du schisme, notamment à travers le Liber Genealogus ou les Actes et Passions de martyrs. Il explore ensuite la manière dont Augustin a constamment cherché à briser les frontières clairement définies qui existaient entre les catholiques et les donatistes en tant que communautés textuelles. Dans ses écrits, l’évêque d’Hippone s’est notamment efforcé de réfuter l’idée selon laquelle l’Église donatiste serait l’Église des purs et des martyrs et a présenté les donatistes comme de simples schismatiques et hérétiques. Nous avons retenu un aspect plus théologique, abordé par (385) Edwards M., The Donatist Schism and Theology, ibidem, p. 101-119. L’auteur souligne que la controverse donatiste a surtout été étudiée par des historiens et que sa dimension proprement théologique n’a pas été suffisamment prise en compte. Il revient sur trois thèmes théologiques qui ont fait l’objet de débats entre catholiques et donatistes : l’étendue de l’Église, son unité, la nature du baptême.
4L’épigraphie ne compte que deux études sur des proconsuls d’Afrique. (386) Chaouali M., Le proconsul d’Afrique Flavius Polybius, dans Epigraphica, LXXVIII, 2016, p. 179-194, 1 fig., rés. angl. L’auteur présente un fragment d’inscription sur plaque de marbre, découvert en Tunisie mais de provenance inconnue. Il s’agit d’une dédicace en l’honneur d’empereurs dits invaincus, sous l’administration d’un clarissime du nom de Flavius Polybius. L’auteur propose de l’identifier au proconsul d’Afrique connu sous ce seul cognomen par d’autres inscriptions, ainsi que par le témoignage d’Ambroise de Milan, ce qui conduit à dater son proconsulat à la fin du IVe siècle. L’auteur envisage alors différentes hypothèses, comprises entre les années 382-383 et les années 391-392. L’inscription pourrait commémorer un important chantier urbain. (387) Aounallah S. et Maurin L., Aventius, proconsul d’Afrique, et la porticus pagi de Thugga (Dougga, Tunisie), dans Antichità Altoadriatiche, LXXXV, 2016, p. 1-14, photos, dessin. La découverte d’une inscription, a permis d’identifier un proconsul d’Afrique, Abentius, probablement en fonction en 378-379, période pendant laquelle plusieurs réfections de monuments furent effectuées à Thugga, ici le portique du pagus, peut-être le portique du forum. Il est proposé d’identifier cet Abentius avec Auentius, préfet de la Ville en 383-384.
5L’archéologie n’a pas non plus donné de moisson très abondante, mais on compte quelques synthèses intéressantes qui ont porté sur des documents spécifiques, églises, bains, statues, mosaïques. (388) Leone A., Tracing the Donatist Presence in North Africa: An Archaeological Perspective, dans Donatist (The-) Schism, p. 317-344, réunit les sources archéologiques éparses et disparates qui peuvent être liées au mouvement donatiste, avec une insistance particulière sur les témoignages relatifs aux églises. Elle rappelle que les églises donatistes ont été identifiées principalement sur la base de la lecture d’inscriptions et, en particulier, sur l’attribution aux donatistes d’un petit nombre d’expressions jugées représentatives de leur mouvement : Deo Laudes, Bonis bene, Mundis Munditia. La quasi-totalité de ces inscriptions identifiées comme « donatistes » se situent en Numidie : on en a retrouvé à Henchir Gosset, Aïn Mtirschn, Kenchela, Henchir Bou Saïd, Djemma Titaya, Bir er Sed, Medfou, Dalaa et Henchir el Atrous. Seules deux autres inscriptions ont été retrouvées en dehors de cette province : la première en Maurétanie sitifienne à Sillègue et la seconde en Tripolitaine à Henchir Msuffin. Certaines églises ont également été identifiées comme donatistes sur la base d’inscriptions se référant à des martyrs donatistes. C’est le cas notamment d’une église trouvée dans la région de Ksar el Kelb où l’on a découvert une memoria en l’honneur du martyr donatiste Marculus. Cependant, aucune de ces églises n’est demeurée dans sa forme donatiste d’origine car toutes ont été réutilisées par l’Église catholique. (389) Maréchal S., Public and private bathing in Late antique North Africa. Changing habits in a changing society?, dans TRAC 2015. Proceedings of the Twenty-Fifth Annual Theoretical Roman Archaeology Conference, which took place at The University of Leicester, Oxford, 2016, p. 125-140, ill. Des bains semi-privés avec accès directs sur la rue étaient inclus dans de riches maisons particulières du IVe s. Cette pratique révèle en Afrique une évolution de l’évergétisme et implique de nouvelles circulations dans l’espace urbain ainsi que des structures de bain légèrement différentes des périodes antérieures. (390) De Bruyn G. et Machado C., North Africa, dans Last (The-) statues of Antiquity, édit. Smith R.R.R. et Ward-Perkins B., Oxford, 2016, p. 56-68, 6 fig. L’Afrique dispose de l’une des plus riches collections de statues de l’empire : 359 bases et 42 statues entre 284 et 428, la plupart avant 312. La répartition est très inégale : 89 % se concentrent en Afrique, Tripolitaine et Numidie, et Carthage a fourni très peu d’exemplaires ; la réalité des fouilles, mais aussi le degré d’urbanisation et les répercussions des troubles politiques expliquent les disparités régionales. Le corpus de statues impériales est le plus fourni, et les périodes d’instabilité expliquent le nombre élevé de martelages et de statues défigurées. Les dédicaces non impériales sont également très bien représentées dans les paysages urbains (45 %) : gouverneurs, officiers, élites locales. La diminution puis la disparition de cet usage (au-delà de 400) ne sont pas dues au déclin des cités qui n’est pas sensible avant l’époque vandale : la raison n’en est pas encore connue, puisque l’usage se maintient à Rome et en Campanie au Ve s. On complètera ces obervations avec (391) Leone A., Imperial statues in urban contexts in Late Antique North Africa, dans De Africa Romaque, p. 247-256, fig. 4, répertorie les dédicaces de statues impériales dans les espaces publics en Afrique du Nord, de l’époque dioclétienne à la fin du IVe s. et s’interroge sur le changement de fonction des espaces urbains, notamment à Bulla Regia, Thubursicum Numidarum, Carthage, Timgad, Lepcis Magna, Sabratha, Utique, Markouna (Verecunda), Zitha, Rusicade. (392) De Bruyn G., Os habent et non loquentur. La mutilation des statues divines en Afrique dans l’Antiquité tardive, dans Faire parler les statues et faire taire les statues. De l’invention de l’écriture à l’usage de l’explosif, édit. Michel d’Annoville C. et Rivière Y., Rome (Collection de l’École française de Rome, 520), 2016, p. 389-415, rés. fr. p. 510-511. De nombreuses statues présentent des mutilations du visage plus ou moins prononcées, qui ont été décidées officiellement, selon l’auteur, par les cités, aux IVe et Ve siècles, sur le modèle de la damnatio memoriae. Ce travail porte sur une trentaine d’échantillons, et il serait utile de dresser le corpus des statues concernées, qui n’est pas considérable au demeurant. Ces décisions s’appuyaient peut-être sur des textes des auteurs chrétiens critiquant le crédit que certains chrétiens accordaient aux statues des dieux païens. À compléter avec le n° 402 et avec le suivant. (393) Rebillard É., « Peuple chrétien » et statues païennes. Le dossier africain à la lumière des textes d’Augustin, ibidem, p. 417-432, rés. fr. p. 511, parvient, à partir des textes d’Augustin, à une conclusion proche de l’article précédent : les actions populaires spontanées contre les statues en Afrique sont rarissimes (2 cas connus par Augustin), mais l’auteur ne mentionne pas l’action des autorités municipales. Il rejoint G. de Bruyn sur le fait que ces violences n’ont pas joué un rôle central dans les relations entre chrétiens et païens. Quant à la politique impériale, elle interdisait les destructions du patrimoine classique. (394) Darmon J.-P. et Gozlan S., Une tige végétale dans la mosaïque africaine : millet ou roseau ?, dans Antiquités Africaines, LII, 2016, p. 81-93, 28 fig. Un motif végétal fréquent sur les mosaïques a été interprété tantôt comme du millet, tantôt comme un roseau. Il s’agit d’une tige fine, droite ou courbée, longée de part et d’autre de feuilles alternées longues et étroites, droites ou retombantes, de couleur verte lorsqu’il y a polychromie. Elle est reliée à une sodalité, les Leontii. Une comparaison entre les images et les caractéristiques des deux plantes, l’une de milieu sec (le millet), l’autre de milieu aquatique (le roseau), conduit les auteurs à proposer ce dernier. Il est, en effet, associé à l’eau et à l’hiver sur plusieurs mosaïques, et on le retrouve de façon récurrente dans les représentations de sources ou de nymphes, au sein d’une nature sauvage. Les études de céramique nous emmènent loin de l’Afrique puisqu’elles attestent la commercialisation de leurs contenus, puis la réutilisation fréquente des contenants en contexte funéraire. (395) Navarro J.S., Las importaciones anfóricas de la ciudad de Dertosa en época tardoantigua (siglos IV-VI d.C.). Una mirada al registro funerario, dans Ex Officina Hispana Amphorae ex Hispania, p. 213-224, ill. La cité romaine de Dertosa, proche de l’embouchure de l’Èbre, reçoit une grande quantité d’amphores africaines au IVe s. apr. J.-C., au moment où elle devient un site portuaire important ; ces amphores furent réutilisées comme contenants funéraires. (396) Benquet L., Morisse V. et Renard S., Confrontation de cas autour de la pratique de l’enchytrismos : de Reims à Toulouse, cohérence et disparité, dans Société Française d'Étude de la Céramique Antique en Gaule (SFECAG). Actes du Congrès d’Autun, 2016, p. 299-314, ill. Dans la région de Toulouse des amphores de type Africaine 2 et Keay 27 ont été réutilisées en contenants pour l’inhumation d’immatures aux IVe et Ve siècles, ainsi que des amphores de Bétique Almagro 51 et 81. (397) Mondin C., Late Roman imported red slip ware in the Metelis region (Alexandria, Egypt), dans Libyan Studies, XLVII, 2016, p. 129-147, 7 fig., 3 tableaux, rés. angl et arabe. Le matériel archéologique découvert sur le site de Kom al-Ahmer, dans la région d’Alexandrie, atteste un courant d’importations de céramique africaine au cours de la première moitié du Ve siècle, avant que l’invasion vandale n’interfère sur les routes commerciales entre l’Afrique et l’Égypte.
6Quelques sites ont fourni des titres plus spécialisés, mentionnés d’est en ouest. (398) Vitale E., Sabratha. La catacomba e le aree funerarie cristiane, dans Libya Antiqua, n. s. IX, 2016, p. 125-162, 40 fig., rés. angl. Cet article expose les données archéologiques concernant les plus anciens espaces funéraires chrétiens connus à Sabratha. La catacombe suburbaine orientale est en usage entre le début du IVe et le début du VIe s. ; le cimetière situé entre les églises 3-4 et les thermes d’Oceanus est utilisé entre la fin du IVe et le début du VIIe s. ; la nécropole située au nord-est du théâtre, de la fin du IVe au début du VIe s. Les sépultures d’enfants près du temple d’Hercule s’étendent jusqu’au début de la conquête arabe. L’auteur propose une chronologie relative des épitaphes qui tient compte soit des données stratigraphiques, soit de la typologie des monuments, soit encore des formulaires et il constate des liens avec la Sicile et les usages funéraires d’autres sites de Tripolitaine. (399) Ghaddhab R., Y avait-il un port à Hadrumetum dans l’Antiquité tardive ?, dans Revue des Études Anciennes, 118/1, 2016, p. 175-199, rés. angl., 3 fig. L’auteur revient sur les raisons du déclin économique de la cité d’Hadrumète et plus particulièrement de son activité portuaire, à partir de la fin du règne de Constantin. (400) Michaelides D., A forgotten detail of the topography of the Nile? The ‘mosaïque aux îles’ at Ammaedara-Haïdra in Tunisia, dans Estudios sobre mosaicos antiguos y medievales, p. 417-420, 4 fig. Cette mosaïque, découverte en 1996 par F. Bejaoui, est l’une des plus remarquables qui soient connues ; elle est datée de la fin du IIIe s. ou début du IVe s. Elle représente un ensemble de quinze vignettes représentant des îles ou des villes insulaires accompagnées de leurs noms, et dont douze sont intégralement conservées. Le critère de sélection de ces lieux et par conséquent l’interprétation de ce décor font encore l’objet d’hypothèses. L’auteur formule la sienne : elle pourrait figurer les îles du Nil situées près de Canope où se situaient des colonies grecques ; un fragment d’Hécatée de Milet, transmis par les Ethnika de Stéphane de Byzance en énumère plusieurs. Cette hypothèse concorde bien avec le réseau des autres mosaïques de la villa, à caractère nilotique. (401) Abdelouahab N. et Zinai K., Les mosaïques des thermes du Minotaure à Hippone (Annaba) d’après les archives d’Erwan Marec et de Paul-Albert Février, ibidem, p. 329-337, 6 fig. Cet article est exemplaire de l’apport des archives des fouilles non publiées à la connaissance des sites antiques. Les petits cahiers d’E. Marec et ses dessins, conservés aux archives du Bastion à Alger et dans les archives de P.-A. Février (à Marseille), permettent de mieux connaître le complexe, en partie disparu, et d’intégrer la mosaïque du Minotaure (la seule à être publiée) dans le frigidarium qu’elle décorait, et plus largement dans l’organisation des pavements d’une partie des thermes. L’ensemble des mosaïques (géométriques) date du IIIe siècle, mais celle du minotaure appartient sans doute au début du IVe siècle. (402) De Bruyn G., Briser les idoles païennes ou les sauvegarder ? Le sort des statues divines de Caesarea (Cherchel, Algérie) à la fin de l’Antiquité, dans Revue historique, 677, 2016, p. 3-25, rés. fr. et angl. p. 24-25. Le site de Caesarea est l’un des rares à associer inscriptions, sources littéraires et documentation archéologique. Cette richesse permet d’approcher à une échelle locale les rapports entretenus par la population et les autorités civiles avec leur patrimoine artistique païen. Un nombre important de statues divines a été trouvé dans les Thermes de l’ouest : elles datent de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe, provenant de lieux ou de monuments distincts ; quatre évoquent un déplacement à l’époque tardive. L’interprétation traditionnelle considère qu’elles provenaient de temples fermés, qualifiés de sordentia loca. L’auteur propose une autre lecture : ces statues ornaient à l’origine des temples dévastés par l’incursion de Firmus en 371 et laissés en ruines ; les édifices que la cité entreprit de restaurer furent alors embellis par ces œuvres d’art. Le souci de préserver le patrimoine était bien présent chez les évêques, contrairement à un courant chrétien hostile aux statues et bien représenté dans les Passions de Salsa et de Marciana. Les mutilations portées au visages des statues sont le résultat de décisions politiques, analogues à une damnatio memoriae ; elles ne sont pas contradictoires avec le maintien des œuvres dans l’espace public.
Bibliographie
7L’histoire événementielle concerne un empereur de grande envergure, qui est aussi le premier thème de la rubrique. Un congrès lui a été consacré. (403) Constantino, ¿el primer emperador cristiano? Religión y política en el siglo IV, édit. Vilella Masana J., Barcelone, 2015, 606 p. Le congrès de 2012 célébrait le 1700e anniversaire de la victoire du Pont Milvius (27 octobre 312) et celui de l’édit de Milan (février 313). Tous les auteurs sont d’accord sur un point : l’impossibilité où nous sommes de connaître les sentiments religieux profonds de Constantin, mais il est possible de contextualiser son action en tant qu’empereur. (404) Barceló P. A., Constantino frente a una controvertida elección: entre Apolo y Cristo, ibidem, p. 39-46, réexamine les quatre versions de la “vision” de Constantin : celle du panégyrique qui date de 313, celle de Lactance (en 315), et les deux autres d’Eusèbe, en 315 (Hist. eccl., 9, 9, 2) et en 337 (Vita Const., 1, 28-29). (405) Di Marco M., L’immagine di Costantino in alcuni autori latini sul finire dell’Antichità cristiana, ibidem, p. 485-498. Augustin ne mentionne Constantin qu’une seule fois (De civitate dei, 5, 25), de manière positive. (406) Villegas Marín R., Maior temptatio: Constantino y el imperator christianus en la reflexión histórico-teológica de Agustín de Hipona, ibidem, p. 499-507. Seul Dieu, et non pas l’empereur, était capable d’apporter à la ciuitas Dei sécurité et stabilité. Augustin exclut de son discours la politique pro-chrétienne de Constantin et de ses successeurs. (407) Di Berardino A., Crociffissione abolita da Constantino, ibidem, p. 439-461. La crucifixion cesse d’être considérée comme une peine appropriée pour les condamnations à mort à la fin du IVe s. en raison de la vénération religieuse dont elle était l’objet (Aug., Enarr. in Psalm., 36, serm. 2.4). La date de son interdiction a été débattue : peut-être est-elle due à une loi de Constantin. La piété antique jetait ses derniers feux, (408) Boin D., Late Antique Divi and Imperial Priests of the Late Fourth and Early Fifth Centuries, dans Pagans and Christians in Late Antique Rome: Conflict, Competition, and Coexistence in the Fourth Century, édit. Salzman M., Sághy M. et Testa R., Cambridge, 2015, p. 139-161, observe que l’adjectif diuus et le concept d’un empereur divinisé perdurent au IVe s., y compris chez des chrétiens. Un appendice (p. 156-157) complète par huit inscriptions la liste des prêtres du culte impérial attestés en Afrique du Nord qui avait été dressée par A. Leone, The End of the Pagan City, Oxford, 2013 (B.A.A.A., XLVII [2013], 2019, n° 263). Concernant une cité particulière, (409) Cecconi G.A., La caterva di Caesarea di Mauretania (altre riflessioni), dans Libera curiositas, p. 399-484, rés. angl. Cet affrontement rituel et violent entre groupes rivaux dans la cité est uniquement connu par un passage d’Augustin (De doctrina christiana, IV, 53). Il en a été témoin lors de son séjour à Caesarea en 418 et il le présente comme une habitude ancestrale. L’auteur tente de définir la nature de cet affrontement dans la mesure où l’emploi du terme caterua par Augustin est différent de son sens habituel. Il pourrait s’agir d’une sorte de fête traditionnelle ayant son origine dans le peuplement ancien de la cité. Puis il discute l’interprétation de B. Shaw dans son ouvrage sur la violence, publié en 2011 (B.A.A.A., XLV [2011], 2017, n° 749) qui en a fait la manifestation d’une nouvelle lutte entre factions religieuses, aux IVe-Ve s. Les évêques sont des acteurs qui à cette époque s’imposent en bien des domaines, et sont à ce titre l’objet de nombreuses recherches. (410) El obispo en la Antigüedad Tardía. Homenaje a Ramón Teja, édit. Acerbi S., Marcos M. et Torres J., Madrid, 2016, 364 p., est un hommage à ce professeur de l’université de Cantabrie. Plusieurs articles concernent nos évêques. (411) Buenacasa Pérez C., El obispo y el patrimonio eclesiástico, ibidem, p. 83-99, propose une synthèse sur la formation des patrimoines épiscopaux en Occident, aux IIIe et IVe siècles, surtout à partir du témoignage d’Augustin. Les évêques essayaient d’acheter ou d’échanger les propriétés contiguës aux leurs (Aug., In psalm., 39, 28), exploitaient ces biens par l’intermédiaire d’un prêtre qui exerçait les fonctions de uillicus (Ep., 35, 4 ; 20, 19-20), et tentaient d’acquérir les propriétés des juifs (Ep., 8). Ces revenus permettaient d’assurer une aide sociale (Ep., 185, 9, 35), mais il fallait aussi recourir aux donations privées pour constuire les basiliques (Civ. Dei, 22, 8, 6). (412) Maymó Capdevila P., El obispo y las reliquias, ibidem, p. 217-232. Cette étude détaillée examine le processus par lequel les évêques de l’Antiquité tardive se sont appropriés le culte des saints pour organiser le calendrier et transformer la topographie urbaine. Comme l’indique Augustin (Faust., 20, 21 ; De Civ. Dei, 1, 13), la ferveur populaire à l’égard des reliques des saints en Afrique avait acquis des proportions préoccupantes et menaçait de transformer le christianisme en un monothéisme formel fondé sur de nombreuses divinités mineures. (413) Villegas Marín R., El obispo y los monjes, ibidem, p. 317-334. Le modèle du moine-évêque est né en Orient à partir de la figure de Moïse. En Occident, l’un des premiers exemples fut Augustin qui transforma sa domus episcopalis en un véritable monasterium clericorum (Possidius, V. Aug., 11, 3). La question donatiste demeure un thème incontournable d’une année à l’autre ; un colloque lui a d’ailleurs été consacré. (414) The Donatist Schism. Controversy and Contexts, édit. Miles R., Liverpool, 2016, VIII-394 p., ill., index, rassemble 15 contributions, dont l’objectif était de replacer la controverse donatiste dans une série de « contextes » - théologique, ecclésiastique, politique, socio-économique, juridique et culturel. L’exploration de ces contextes permet d’examiner de quelle manière la controverse donatiste a aidé à façonner les paysages religieux, politique et social de l’Afrique du Nord tardo-antique et de quelle manière le conflit entre catholiques et donatistes fut lui-même déterminé par les environnements particuliers dans lesquels il vit le jour et se développa. (415) Miles R., The Donatist Controversy: Parallel Histories, Multiple Narratives, ibidem, p. 1-12, introduit le volume et résume l’apport des contributions. (416) Whitehouse J., The Course of the Donatist Schism in Late Roman North Africa, ibidem, p. 13-33, est un bilan commode de la crise. L’auteur signale les problèmes méthodologiques que pose la dénomination des deux groupes qui s’opposèrent lors du schisme dit « donatiste ». La nomenclature la plus fréquemment utilisée correspond à celle d’Augustin, qui vise à disqualifier ses adversaires en les taxant de « donatistes » ou de « partisans de Donat ». Il rappelle les solutions alternatives proposées - notamment celle de R. MacMullen qui utilise les terme « Cécilianistes » et « Donatistes » - avant de préciser qu’il utilisera dans son chapitre les termes habituels, en raison de leur caractère hégémonique dans la littérature sur ce sujet. Il présente ensuite rapidement les sources et revient sur la distribution spatiale du donatisme, qui était répandu dans toutes les provinces, et pas seulement en Numidie ; la Proconsulaire était la seule province dans laquelle les évêques catholiques étaient majoritaires. La section suivante est un tableau chronologique qui présente sur trois pages les événements liés à la crise donatiste, en les mettant en parallèle avec les principaux événements concernant l’Afrique du Nord et l’empire romain au cours de la période envisagée. L’auteur propose enfin sous forme de récit un résumé commode des principales étapes de la crise donatiste. L’article suivant est tout aussi pédagogique. (417) Id., The Scholarship of the Donatist Controversy, ibidem, p. 34-53, passe en revue la littérature scientifique consacrée au schisme donatiste et identifie un certain nombre de thèmes-clefs : d’abord les études spécialisées sur la question, puis les biographies d’Augustin, enfin des études modernes portant sur l’Afrique du Nord ancienne ou le christianisme ancien, et les travaux thématiques tels ceux consacrés aux martyrs et au culte dont ils faisaient l’objet. Mais il s’attarde surtout sur l’apport du livre récent de B. Shaw consacré au donatisme et à la violence religieuse, Sacred Violence: African Christians and Sectarian Hatred in the Age of Augustine, Cambridge, 2011 (B.A.A.A., XLV [2011], 2017, n° 749), auquel il consacre un long développement. Le chapitre s’achève par une présentation d’une série de thèmes-clefs que l’auteur considère de première importance pour de futures recherches sur le donatisme : la distribution spatiale des sites religieux en Afrique ; l’architecture des églises et ses relations avec le schisme donatiste ; l’économie régionale durant la période tardo-antique, en particulier en Numidie ; la structure urbaine et les églises ; la survie du paganisme ; le rôle de l’administration provinciale dans le schisme donatiste ; l’analyse critique des sources littéraires ; le rôle de la loi dans la crise donatiste ; les traditions funéraires ; l’armée et les donatistes ; le culte des martyrs ; la théologie. On voit par là combien la question est inépuisable ! Deux de ces thèmes sont abordés par les titres suivants, la violence et les martyrs. (418) Magalhaes de Oliveira J.C., Vbi ecclesia ? Basiliques chrétiennes et violence religieuse dans l’Afrique romaine tardive, dans Libera curiositas, p. 387-398, rés. angl., 3 fig. Dans les provinces africaines, les violents affrontements entre catholiques et donatistes furent entretenus par la mobilisation constante d’un répertoire de haine. Ils se traduisirent en pratique par des contestations à propos des églises, les bâtiments ayant tenu un rôle de facteurs d’identification dans la construction d’une identité chrétienne. L’auteur envisage leurs localisations, leurs formes matérielles, l’utilisation dynamique des espaces intérieurs et les significations que les divers groupes de chrétiens ont investies dans leurs églises comme lieux de culte et de mémoire. Les circoncellions formaient une partie très violente du donatisme, non sans entretenir des relations complexes avec ce mouvement, comme l’indique (419) Pichon B., Se soulever au nom de Dieu : le mouvement des circoncellions en Afrique, dans Les dieux et le pouvoir. Aux origines de la théocratie, édit. Baslez M.-F. et Schwentzel C.-G., Rennes, 2016, p. 115-134. En Occident, rares sont les mouvements de révoltes à s’être développés contre le pouvoir impérial pour des raisons religieuses, hormis le cas des donatistes et surtout des circoncellions. Il est difficile de bien comprendre les motivations de ces derniers tant les documents, en grande partie dus à Augustin, sont biaisés à leur encontre. L’auteur retrace la chronologie de ce que l’on sait sur ces émeutes, entre les années 330 et l’année 412, dernière attestation documentée ; ils furent surtout actifs au sud de la Numidie, dans une région rurale. L’auteur cherche ensuite à identifier les circoncellions, d’abord par les noms qui leur furent donnés ou qu’ils se donnaient eux-mêmes, ensuite à travers leurs rapports avec ou contre les donatistes, enfin par les formes pratiques de leur violence ; il semble qu’ils aient cherché à imposer une sorte de juridiction concurrente de celle des évêques. Cet article nourri s’achève par les modes de répression organisés contre eux (pouvoir impérial, propriétaires terriens, conciles et conférences des catholiques). Selon l’auteur, ils refusaient tout compromis et s’inscrivaient dans une perspective théocratique. (420) Pottier B., Circumcelliones, Rural Society and Communal Violence in Late Antique North Africa, dans Donatist (The-) Schism, p. 142-165. L’auteur revient lui aussi sur la question débattue de la nature des circumcelliones, en prenant en compte le livre de Brent Shaw paru en 2011, dans lequel Shaw souscrit à l’hypothèse, défendue notamment par Saumagne et Tengström, selon laquelle les circoncellions auraient été des moissonneurs salariés. B. Pottier conteste cette hypothèse : il cherche à montrer dans un premier temps qu’ils auraient été en réalité les membres de groupes ascétiques disposés au martyre et vivant dans les campagnes ; il revient ensuite sur la tendance des circoncellions à usurper les pouvoirs disciplinaires des évêques donatistes avant d’évoquer les violences sectaires en milieu rural et en milieu urbain à l’époque de saint Augustin. La violence donatiste s’exerça alors principalement en milieu rural, même si quelques cas de violences commises en milieu urbain sont également attestés, en particulier durant l’année 408. (421) Moss C., Martyr Veneration in Late Antique North Africa, dans Donatist (The-) Schism, p. 54-69. L’auteure propose une courte synthèse sur le culte des martyrs, qui est un élément important du contexte religieux dans lequel se développa le schisme donatiste. Elle évoque les sources relatives à ce culte, et les aspects liturgiques de la vénération des martyrs en Afrique (en particulier la lecture de la passion du martyr et le repas en son honneur lors de son dies natalis). Elle montre ensuite que les récits de martyrs composés en milieu catholique ou donatiste étaient parfois utilisés pour diaboliser le parti adverse ; les deux camps avaient aussi en commun de présenter les martyrs comme des exemples ; le martyre conférait également des quartiers de noblesse à ceux qui le subissaient et qui gagnaient ainsi le droit d’être considérés comme des princes de l’Église. (422) Dearn A., Donatist Martyrs, Stories and Attitudes, ibidem, p. 70-100. L’auteur examine la manière dont les polémistes donatistes ont cherché à utiliser l’héritage des martyrs pour définir les identités de leurs communautés, à partir des récits relatifs aux martyrs et des inscriptions documentant leur culte. Un long préambule méthodologique lui permet de remettre en question de manière convaincante le caractère « donatiste » assigné par certains auteurs à plusieurs textes comme la version prétendument donatiste de la Passion de Cyprien, la Passio Crispinae, la passion de Felix de Tibiuca ou encore la Passio Maximae, Donatillae et Secundae. Pour A. Dearn, seule la Passio Datiui, Saturnini presbyteri et aliorum a survécu dans une forme qui doit clairement sa composition à la dispute entre catholiques et donatistes. Il s’intéresse ensuite successivement aux deux seules passions commémorant des martyrs donatistes qui ont été conservées : la Passio Maximiniani et Isaac et la Passio Marculi (entre 346 et 348). Dans les deux cas, l’auteur du texte cherche à associer le ou les martyrs dont il écrit la passion aux martyrs héroïques du passé. Il n’y avait guère de différence entre la liturgie catholique et la liturgie donatiste en Afrique, toutes deux ayant notamment comme point commun la lecture des passions de martyrs à l’occasion du dies natalis du saint. Deux inscriptions se référant au culte d’un martyr donatiste spécifique ont pu être identifiées : la première, retrouvée dans une petite basilique découverte à Ksar el Kelb (Numidie), se réfère au Marculus de la Passio ; la seconde, découverte dans une petite église à Benian (Césarienne), concerne une vierge consacrée nommée Robba ou Bobba, qui était la sœur d’Honoratus, évêque donatiste d’Aquae Sirenses et qui serait morte aux mains des traditores - c’est-à-dire des catholiques - en 434 (voir aussi n° 442). Deux sermons anonymes sont assignés à un milieu donatiste : le Sermo in natali sanctorum innocentium et surtout le Sermo de passione Donati et Advocati. Les relations avec le pouvoir sont abordées par deux communications. (423) Lenski N., Imperial Legislation and the Donatist Controversy: From Constantine to Honorius, dans Donatist (The-) Schism, p. 166-219, examine le rôle de la législation impériale dans la crise donatiste de Constantin à Honorius. Il rappelle tout d’abord les différentes formes que pouvaient prendre les actions législatives de l’empereur (édits, mandats, décrets, rescrits, lettres) et les demandes qui pouvaient lui être adressées (pétitions, ambassades, rapports, suggestions, appels) pour susciter son action, ce qui lui permet de mettre en évidence la nature discursive du processus législatif et l’importance du dialogue entre les pétitionnaires et les plaignants d’une part et l’empereur et ses représentants d’autre part. N. Lensky revient ensuite de manière détaillée sur les quatre phases de l’engagement impérial dans la controverse donatiste : Constantin est le premier empereur à être confronté à des demandes liées à la controverse donatiste ; la deuxième phase correspond à l’offensive anti-donatiste de Constant, qui tente de ramener les donatistes à l’unité par la force ; la troisième phase, qui va de la mort de Constant à la mort de Théodose Ier, correspond à une moindre implication du pouvoir impérial dans la querelle entre catholiques et donatistes, ce qui permet aux deux communautés - et en particulier aux dissidents - de s’organiser et de s’implanter solidement ; enfin, dans la quatrième et dernière phase, un groupe déterminé d’évêques catholiques mené par Aurelius de Carthage et Augustin d’Hippone a fait en sorte que l’empereur Honorius écrase les donatistes et supprime leur influence politique et religieuse. Un riche appendice recensant les 122 témoignages conservés de communications impériales relatives à la controverse donatiste figure à la suite de l’article (p. 197-219). (424) McLynn N., The Conference of Carthage Reconsidered, dans Donatist (The-) Schism, p. 220-248, propose de nouvelles réflexions sur la Conférence de Carthage de 411, et s’intéresse en particulier à trois acteurs ou groupes d’acteurs qui ont joué un rôle important lors de cette confrontation entre évêques catholiques et donatistes : le magistrat présidant la conférence, à savoir Marcellinus, la coalition catholique et enfin l’équipe donatiste. Il suggère notamment que l’équipe d’évêques représentant les catholiques lors de la conférence n’était pas forcément en phase avec l’ensemble de ses collègues et que certains évêques catholiques, qui ne faisaient pas partie de l’équipe chargée de les représenter, ont pu avoir des réserves vis-à-vis de l’approche adoptée en 411. Il souligne également que, pour beaucoup d’évêques donatistes, la Conférence de 411 fut la première occasion de rencontrer leurs collègues, ce qui ne les a pas empêchés d’improviser dès le début une stratégie collective et de s’y tenir. Deux thèmes ferment la section, et le second permet une transition avec la période vandale. (425) Voisin P., L’Afrique romaine voulait-elle arrêter le temps ?, dans Le temps, édit. Guisard Ph. et Laizé Chr., Paris, 2016 [2017], p. 79-115, part d’Augustin, Conf., XI, 14, qui s’était demandé ce qu’est le temps. Les anciens utilisaient trois mots, aiôn, chronos et kairos. P.V. étudie l’iconographie africaine d’Aiôn, à travers les mosaïques, et il introduit la notion d’Annus. Aiôn est en rapport avec Saturne et Annus doit être relié et divisé en Saisons, elles aussi divinisées. Il y a donc un temps éternel et un temps cyclique. (426) Vilella J., Incessabiles lacrimas fundens. Los testimonios patrísticos alusivos a las primeras presencias Germánicas en la Hispania del siglo V, dans La caída del Imperio Romano. Cuestiones historiográficas, édit. Romero Recio M., Stuttgart, 2016, p. 53-74, procède à un bilan minutieux des quelques témoignages qu’apportent les auteurs chrétiens sur l’arrivée des peuples germains en Hispanie au début du Ve siècle, vue comme une calamité : notamment Augustin d’Hippone (Ep., 185, 228) et Orose (Hist. adu. pag. 3, 20,6-9; Com. de errore Prisc. et Orig., 1). N’oublions pas que le monde rural représente la grande majorité de la population et (427) Grey C., Rural Society in North Africa, dans Donatist (The-) Schism, p. 120-141, cherche à resituer l’action des paysans africains pendant la période de la controverse donatiste. Elle commence par dresser un portrait des campagnes de l’Afrique du Nord tardo-antique, en prenant en compte les résultats des prospections (vallée de Segermes, région de Dougga et de Téboursouk). Elle s’intéresse ensuite aux relations au sein des communautés rurales et entre elles, avant de se pencher sur la question des interactions entre les habitants de ces communautés et les grands propriétaires terriens. Ces derniers exerçaient généralement une forme de patronat sur leurs tenanciers et étaient souvent considérés par les évêques et les représentants de l’État romain comme responsables de la sensibilité religieuse des paysans travaillant sur leurs terres. L’auteure s’intéresse pour finir à l’impact qu’avaient les évêques en charge de territoires ruraux sur la cohésion et l’activité collective des communautés rurales, ainsi qu’aux relations entre ces dernières et les agents de l’État romain. Elle en conclut que les paysans d’Afrique du Nord étaient capables de tirer avantage de la compétition entre les hommes et les femmes de pouvoir. Cette section se conclut avec un acteur qui a joué un rôle controversé dans la transition vers la période vandale. (428) Wijnendaele J.P., Warlordism and Disintegration of the Western Roman Army, dans Circum Mare: Themes in Ancient Warfare, édit. Armstrong J., Leyde/Boston (Mnemosyne. Supplements. History and Archaeology of classical Antiquity, 388) 2016, p. 185-203, étudie à travers la carrière de Boniface la dynamique du changement dans les armées d’Occident durant la première moitié du Ve siècle. L’auteur défend l’idée que les grands généraux tels Boniface et Aetius à la même époque ont brisé le monopole de la violence détenu jusque-là par l’empereur et son entourage et ont constitué de véritables armées semi-privées dévouées à leur cause.
B. L’Afrique vandale
8Le chapitre s’avère très bref, ce qui est le cas souvent en raison de la diminution des sources à partir de cette époque.
Sources
9Comme à l’habitude, l’Anthologie latine et Dracontius ont monopolisé l’attention, et cette année seul Victor de Vita les accompagne. (429) Épigrammes latines de l’Afrique vandale (Anthologie latine), édit. Bergasa I. avec la collab. de Wolff É., Paris (Les Belles Lettres, collection fragments), 2016, 265 p., index. Cette anthologie réunie à la fin du règne des Vandales ne nous est pas connue dans sa forme complète, mais ce qu’il en reste donne bien à voir le principe qui la régissait : réunir les preuves d’un passé illustre et plaire au lecteur, d’où la variété des poèmes et des auteurs représentés (certains anonymes), depuis le Ier siècle jusqu’à l’époque vandale. L’introduction présente l’oeuvre, le contexte d’écriture, le choix de l’épigramme, les thèmes et les caractéristiques stylistiques, enfin les éditions ; la traduction est en vers libres. (430) Wolff É., Les épigrammes de l’Anthologie latine d’époque vandale décrivant des monuments et des paysages, dans Parure monumentale et paysage, p. 287-292. Au nombre de vingt-huit, ces poèmes datent de la fin du royaume vandale et célèbrent l’activité des rois et de riches propriétaires. Les thèmes des bains, du cirque et de l’amphithéâtre montrent la permanence du mode de vie romain. Cependant, le statut de ces épigrammes reste incertain ; on ignore si elles ont été gravées ou s’il s’agit de fausses inscriptions. Deux poèmes sont cités et traduits, le n° 119 de l’Anonyme et le n° 346 de Luxorius. De Dracontius, c’est la tragédie Médée qui s’est imposée, plus que ses poèmes. (431) Blossio Emilio Draconzio, Medea, édit. Gasti F., Milan, 2016, 172 p. Ce petit livre est assez complet : après une introduction qui présente le contexte historique, l’auteur, l’œuvre et le thème de Médée dans la littérature, viennent le texte latin et sa traduction italienne, enfin le commentaire linéaire. (432) Stoehr-Monjou A., Réécrire le mythe à la fin du Ve siècle : la figure de Médée chez Dracontius dans Romul. 10, dans Revue des Études Latines, XCIV, 2016, p. 197-219. Le poème épique de Médée est la dernière réécriture de la latinité entièrement consacrée à cette héroïne. Son proemium est un véritable manifeste poétique, qui donne aussi les clefs de lecture du personnage dans le poème. L’article montre comment Dracontius a retravaillé la tradition en donnant à Médée de multiples facettes (magicienne, prêtresse, barbare, amoureuse, meurtrière, infanticide) et en accentuant la vision noire du personnage. (433) Ead., Une réception d’Homère en Afrique vandale : Dracontius (Romulea, 8-9), dans À l’école d’Homère : la culture des orateurs et des sophistes, édit. Dubel S., Favreau Lindet A.-M. et Oudot E., Paris, 2015, p. 229-238. Homère est l’un des rares auteurs que Dracontius nomme dans son œuvre poétique. Dans le prooemium du Rapt d’Hélène (Romulea VIII), le poète africain demande ainsi à Homère de lui accorder l’inspiration, tandis que Romulea IX est une réécriture de l’ambassade de Priam auprès d’Achille au Chant XXIV de l’Iliade. A. Stoehr-Monjou revient dans un premier temps sur la figure rhétorique d’Homère dans Romulae VIII avant de s’intéresser à la réception du répertoire homérique dans Romulea IX. Pour elle le poète africain a évolué dans un milieu scolaire bien romain, mais aussi proche des rhéteurs grecs, peut-être en raison de l’influence de son maître Felicianus. On ne peut plus exclure une connaissance scolaire et littéraire du grec par Dracontius, qui semble avoir été en mesure de lire cette langue, même s’il ne la parlait pas. (434) Vössing K., Victor of Vita and Secular Education, dans Education and religion in late antique Christianity: reflections, social contexts and genres, Gemeinhardt P., Van Hoof L. et Van Nuffelen P., Londres/New York, 2016, p. 159-170. Victor, qui est pourtant un auteur ecclésiastique, loue les auteurs classiques sans ressentir le besoin de recourir aux mises en garde qui étaient la norme à l’époque d’Augustin. Pour K. Vössing, ce changement d’attitude n’est pas propre à Victor de Vita mais reflète plutôt une nouvelle attitude due aux changements sociaux apportés par la conquête vandale. Alors qu’avant la conquête le pouvoir était détenu par une élite provinciale ayant reçu une éducation classique, les rois vandales fondèrent leur pouvoir sur la fidélité à l’arianisme et à une identité vandale. L’élite traditionnelle et l’Église catholique faisaient désormais face au même ennemi, ce qui conduisit à un rapprochement des deux groupes et à une forte diminution de la tension sociale qui sous-tendait les débats sur l’éducation classique.
10Les autres sources semblent avoir été très négligées puisque nous n’avons recensé qu’un unique titre en épigraphie et un autre en archéologie. (435) Ast R., Latin ostraca from Vandal North Africa, dans Mélanges Jean Gascou : textes et études papyrologiques, édit. Fourent J.-L. et Papaconstantinou A., Paris, 2016, p. 7-32, photos, publie dix-sept ostraca, parmi lesquels certains avaient fait l’objet d’une publication incomplète. Seize sont conservés au Louvre, quinze, rédigés en latin, proviennent des alentours de Theueste, le seizième, rédigé en grec, est d’origine inconnue ; s’y ajoute un autre, trouvé à Sufetula, conservé à l’INP de Tunis. Deux ostraca sont datés respectivement des règnes de Thrasamund (496-523 apr. J.-C.) et d’Hildéric (523-530 apr. J.-C.), mais deux autres, où apparaît la mention de l’indiction, appartiennent à l’époque byzantine. Des commentaires sur la nature de ces textes - toponymie, activités mentionnées, onomastique - complètent l’article. (436) Revilla Calvo V. et Sanmartí J., Le verre et les petits objets lithiques, dans Althiburos II, p. 337-353, ont dressé le répertoire des objets en verre trouvés sur le site de cette ville numide, surtout des vases, fabriqués dans la région et datés des époques vandale et byzantine.
Bibliographie
11Cette section est un peu plus riche que celle des sources, en particulier l’histoire événementielle grâce aux actes d’un colloque relatif à la période vandale et byzantine (n° 169) et à un ouvrage général sur les Vandales. (437) Steinacher R., Die Vandalen: Aufstieg und Fall eines Barbarenreichs, Stuttgart, 2016, 542 p., 8 p. de pl., ill., cartes, index. Le livre met principalement l'accent sur les aspects politiques, militaires et économiques de l’épisode vandale. L’auteur est résolument sceptique à l'égard de l'appartenance ethnique et prend également de la distance vis-à-vis de la thèse de l’ethnogenèse théorisée par Reinhard Wenskus pour la formation de ces « barbares romains ». Il parle d’eux comme des « prestataires de services spécialisés » dont les Romains se servaient, entre autres parce qu'ils étaient beaucoup moins chers en tant que fédérés qu'une recrue romaine. L'ouvrage couvre en cinq grands chapitres la période allant de la fin du IIe siècle, lorsque les Vandales sont apparus aux frontières de l'empire romain, au VIe siècle. C’est le règne de Genséric en Afrique qui retient le plus l’attention de l’auteur (p. 91-234). Il y souligne non seulement la forte continuité avec les structures romaines tout au long du Ve siècle, mais également les relations tendues avec les Maures et l'aggravation de l'opposition confessionnelle entre homoiens et catholiques. Pour l’auteur, le phénomène de l'empire vandale s'explique avant tout par le contexte des nombreuses formations de pouvoir régionales qui ont successivement émergé en Afrique dans un Imperium Romanum en voie de désintégration. Le royaume des Vandales se distingue de ces formations de pouvoir par sa durée ou par ses contacts particuliers avec la maison régnante de Théodose et son implication dans la politique impériale. La thèse défendue est que les Vandales ont été des pionniers de la transformation du monde romain, car les anciennes provinces romaines d’Afrique sont devenues un royaume prospère et performant [Elles l’étaient bien davantage avant l’arrivée des Vandales !]. (438) Fernández Cadenas N., Las relaciones entre vándalos y el Imperio romano de Occidente: ¿política destructiva o diplomática? El caso de las damas imperiales, dans Poder central y poder local. Dos realidades paralelas en la órbita política romana, édit. Bravo G. et González Salinero R., Madrid/Salamanque, 2015, p. 443-452, apporte peu de choses à ce que l’on sait déjà de la diplomatie vandale : elle est adossée à des alliances avec la haute aristocratie romaine (Eudoxia et Placidia, filles de Valentinien III) et laisse place à la violence, bien relatée par les auteurs chrétiens. (439) Álvarez Jiménez D., El reino pirata de los vándalos, Séville, 2016, 341 p., 23 fig. Les Vandales ont fait un usage intensif de la piraterie contre Rome. Nous consulterons les chapitres 4 (« El cruce del Estrecho y el primer asentamiento en África »), 5 (« La conquista de Cartago V »), et 7 (« Un balance de las piraterías vándalas. La cuarta Guerra Púnica »). (440) Merrills A., Gelimer's slaughter: the case for late Vandal Africa, dans North Africa under Byzantium, p. 21-39, s’attache au règne du dernier roi vandale et plus particulièrement à ses relations avec les Maures en associant les deux sources principales, Corippe (Livre III) et Procope, à d’autres références. Il semble que Gelimer était engagé dans un conflit avec différentes tribus maures depuis sa prise du pouvoir en 530. En plus des soucis en Sardaigne, qui avaient des incidences sur les forces engagées, il combattait probablement dans le sud de la Byzacène. Dans un système largement fondé sur les alliances personnelles, l’élimination d’Hildéric aura exacerbé les tensions, ce qui aura facilité la victoire de Bélisaire.
12Deux thèmes ont été retenus, la loi vandale et le donatisme. (441) Cooper K., Public order, private power, and the politics of the secular: marriage, law, and Christian rhetoric in Vandal Africa, ibidemp. 237-249. Le point de départ, une dot mentionnée dans une des Tablettes Albertini, sert à introduire la situation complexe dans cette région à la fin du Ve s. Puis les sources ecclésiastiques sont convoquées, Victor de Vita - avec l’épisode de deux esclaves, Martinianus et Maxima - et Fulgence de Ruspe. De la cohabitation entre l’ancienne loi romaine et le pouvoir vandale émergent des voies distinctes qui auront des ramifications dans l’Europe médiévale. Le donatisme a survécu aux époques vandale et byzantine comme le souligne (442) Conant J., Donatism in the Fifth and Sixth Centuries, dans Donatist (The-) Schism, p. 345-361. Ce chapitre étudie la survie du donatisme en Afrique aux époques vandale et byzantine, une question d’autant plus complexe que les sources sont rares. L’auteur souligne que les tensions entre catholiques et donatistes ont visiblement persisté au cours des années 430 et pouvaient même déboucher sur des actes de violence, comme le montre le meurtre par des catholiques en 434 à Ala Miliaria (Maurétanie césarienne) d’une vierge consacrée nommée Robba, dont le tombeau et l’épitaphe furent érigés par son frère Honoratus, évêque donatiste d’Aquae Sirenses. S’il s’agit là du dernier épisode connu de violence entre catholiques et donatistes, les textes produits en milieu catholique et donatiste entre l’arrivée des Vandales en Afrique et le milieu du Ve siècle montrent la persistance dans les deux camps des traditionnels griefs à l’égard de leurs adversaires. Mais à partir du milieu du Ve siècle, nous n’avons plus trace d’une littérature donatiste et les mentions du donatisme dans les écrits catholiques africains relèvent surtout désormais de l’hérésiologie. Dans les écrits des catholiques comme dans ceux des ariens, les donatistes continuent d’apparaître au début du VIe siècle comme une communauté distincte des autres. Dans le contexte de la reconquête byzantine, la Novelle 37 de Justinien (1er août 535) inclut les donatistes dans la liste des non-catholiques dont la pratique religieuse est interdite et les lieux de culte confisqués, tandis que la Breviatio canonum du diacre Ferrand de Carthage reproduit des dispositions concernant les donatistes. L’auteur revient pour finir sur les derniers documents relatifs à l’existence de donatistes en Afrique et plus précisément en Numidie, à savoir plusieurs lettres de la correspondance du pape Grégoire le Grand composées entre 590 et 596.
C. De l’Afrique byzantine à l’Afrique musulmane
Sources
13La section des sources littéraires est un peu mieux fournie cette année, notamment grâce à un volume consacré à Corippe. Nous citons tout d’abord une étude plus générale. (444) Hays G., Sounds from a silent land: the Latin poetry of Byzantine North Africa, dans North Africa under Byzantium, p. 269-293, note la persistance d’une culture poétique attestée à la fois par les textes de l’Anthologie latine et par 31 carmina epigraphica, dont celui de Cululis qui célèbre la rénovation de la ville sous le règne de Justinien au début de la reconquête byzantine (p. 178-181). Il évoque aussi Verecundus et Corippe. Néanmoins, cette poésie disparaît à la fin du VIe siècle et peu d’inscriptions peuvent être datées avec certitude de la période postérieure. Dans un appendice, l’auteur donne une traduction anglaise du poème de Verecundus, Sur la Repentance. (444) Corippe. Un poète latin entre deux mondes, édit. Goldlust B., Lyon (Centre d'étude et de recherche sur l'Occident romain, 50), 2015, 412 p., bibliographie et index p. 371-406. L’ouvrage rassemble les communications présentées lors du colloque international organisé à l'Université Jean Moulin-Lyon 3 les 19 et 20 juin 2014. Auteur d’une épopée en l’honneur du général Jean Troglita, chargé par l’empereur Justinien de réprimer les insurrections berbères en Byzacène (546-548), Corippe est une source fondamentale sur l’histoire africaine et byzantine du VIe siècle. Il est aussi un témoin-clef de l’évolution de la littérature épique et panégyrique à la fin de l’Antiquité tardive, encore ancrée dans la tradition virgilienne, mais qui prépare déjà la transition vers le Moyen Âge. Il apparait enfin comme un poète entre deux mondes, l’Orient et l’Occident. (445) Goldlust B., Avant-propos, ibidem, p. 7-14, souligne l’importance de cet auteur pour l’histoire et la littérature du VIe siècle et présente les articles. Ces derniers sont recensés ici selon les critères suivants : l’auteur, la recherche sur Corippe, la tradition manuscrite et la réception de son œuvre, les études littéraires sur la Johannide et le Panégyrique de Justin, enfin les approches thématiques. (446) Riedlberger P., Again on the name Gorippus - State of the Question - New Evidence - Rebuttal of Counterarguments - The Case of the Suda, ibidem, p. 243-269, 12 fig. Le cognomen Corippus employé traditionnellement n’apparaît qu’une seule fois dans un manuscrit, alors que le même manuscrit présente trois fois la forme Gorippus. Pourtant, la forme Corippus l’emporte alors qu’il est possible de modifier cet usage comme le montre une comparaison avec l’adoption du mot Suda (Souda) qui a remplacé progressivement Suidas pour cette encyclopédie byzantine. (447) Zarini V., La recherche sur Corippe : bilan et perspectives, ibidem, p. 15-30, organise son intervention en trois thèmes : le poète entre épopée et panégyrique, car la Johannide comme les deux poèmes constantinopolitains renvoient à la fonction de l’éloge ; un poète entre Occident et Orient, car la Johannide est l’œuvre d’un auteur attaché à l’Afrique, qui sert la cause de Byzance héritière de la romanité universelle ; enfin, le poète se situe à la charnière entre Antiquité et Moyen Âge. Par sa volonté d’inscrire la Johannide dans le sillage de l’Énéide, sa culture s’inscrit dans l’Antiquité, mais le christianisme dans cette œuvre et dans L’Éloge de Justin II annonce bien le Moyen Âge. (448) Hofmann H., Fl. Cresconius Corippus: Textbestand und Überlieferung, ibidem, p. 87-122, s’est intéressé à la tradition manuscrite des deux principaux textes attribués à Corippe, mais aussi au Panégyrique d’Anastase, qui serait seulement la préface d’un panégyrique perdu. Il propose d’identifier à Corippe le Cresconius auquel sont attribués trois poèmes épiques d’inspiration biblique figurant dans des catalogues du IXe s. Par ailleurs, l’auteur suggère que toutes les oeuvres ont été composées à Carthage, réunies dans un codex qui serait passé dans l’Espagne wisigothique, et que Corippe ne se serait jamais rendu à Constantinople. (449) Tommasi Moreschini C.O., L’héritage de Corippe chez Giovanni De Bonis : entre tradition indirecte et réécriture poétique, ibidem, p. 347-370. Au cours de sa vie assez agitée dans le contexte de l’Italie du XIVe siècle, G. De Bonis fut amené à écrire un panégyrique pour le seigneur de Milan, Gian Galeazzo Visconti. Poète et copiste, il est l’auteur du seul manuscrit survivant de la Johannide, à laquelle il emprunta de nombreux passages pour écrire son éloge et ses poèmes. Comparer la Johannide avec les poèmes de G. de Bonis permet de corriger certaines fautes du codex initial et de reconstruire le texte de Corippe. (450) Goldlust B., L’écriture de l’affectivité dans le livre 4 de la Johannide, ibidem, p. 303-320. Le livre 4 montre un grand nombre de loci similes et de réminiscences de la tradition poétique, mais le relevé de l’ensemble des procédés énonciatifs ou narratifs et des choix lexicaux, rhétoriques et esthétiques faits par Corippe souligne sa volonté de jouer sur le pathétique. (451) Charlet J.-L., L’hexamètre de Corippe dans la Johannide et dans le Panégyrique de Justin II, ibidem, p. 337-344, examine les hexamètres de Corippe dans ses deux grandes œuvres à l’aide d’une méthode statistique. La proportion des dactyles et des spondées rapproche la Johannide de Stace, tandis que le Panégyrique est plus proche de Claudien ; l’épopée recherche des effets de répétition de rythmes alors que la seconde oeuvre est plus sensible à la variété. Globalement, l’empreinte de Claudien et de Lucain paraît aussi forte que celle de Virgile, d’Ovide ou de Stace. (452) Gärtner T., Epik vs. Panegyrik. Die verschiedenen Gattungscharaktere in den beiden Dichtungen Coripps, ibidem, p. 321-335, compare le Panégyrique de Justin et la Johannide selon trois directions. Dans la première, il traite de la mention de la Johannide dans la préface du Panégyrique ; la deuxième, la plus importante, concerne la macrostructure des deux textes ; la dernière étudie le rapport entre l’évocation de Justinien au début de la Johannide, un récit épique, et le Panégyrique destiné à son successeur. (453) Consolino F.E., Pietas et ses contextes dans la Johannide de Corippe, ibidem, p. 189-220, relève toutes les occurrences de ce mot dans le poème et cite de larges passages où il apparaît pour déterminer le sens à lui accorder selon le contexte d’énonciation. L’analyse montre une grande variété qui tient compte du destinataire et du protagoniste. La pietas peut désigner la religiosité personnelle, la confiance en Dieu, la bienveillance de l’empereur pour ses sujets, la loyauté et le sens des responsabilités de Jean Troglita envers ceux qui lui sont confiés, enfin la pietas de son fils envers lui. (454) Mattei P., Présence du christianisme dans la Johannide, ibidem, p. 169-187. Le poème contient de multiples informations sur le christianisme en Afrique au VIe siècle. Il renseigne sur des aspects concrets, que l’auteur nomme « religion coutumière », sur les croyances - paganisme des Maures, christianisme des Romains -, sur les mentalités et l’idéologie. Le pius Jean est à la fois l’héritier des grands Romains et de David. Il est l’incarnation de l’État, mais il est confiant en la toute-puissance du Christ. (455) Bureau B., La prière dans la Johannide, ibidem, p. 221-241. L’humilité, non dans la signification souvent affadie qu’elle a de nos jours, mais dans ses relations avec Dieu, est le thème de cette communication. L’auteur relève d’abord la présence insistante de l’humilité dans cette épopée, où l’affirmation de soi est pourtant centrale. La comparaison entre la prière d’Énée et celle de Jean permet de comprendre le paradoxe d’une humilité qui élève le héros en lui conférant une pietas qui renvoie à l’idéologie augustéenne, mais dans un contexte chrétien. (456) Ploton-Nicollet F., Légitimité impériale et mise en scène du consensus dans l’Éloge de Justin II de Corippe, ibidem, p. 271-302. Le panégyrique constitue un précieux document sur les conceptions politiques et les modalités de représentation du pouvoir à la fin du VIe siècle. La légitimité impériale repose à la fois sur le lien dynastique, l’élection divine et les victoires militaires. Chaque point était délicat, puisque Justin II ne devait son trône qu’à une révolution de palais et qu’il n’avait aucun fait d’armes à son actif contrairement à son rival ; Corippe a traité chacun d’eux avec habileté. La seconde partie traite des ressorts du consensus - la recusatio imperii, la munificence du souverain - et sa mise en scène littéraire. (457) Caramico G., Corippo (o Gorippo) poeta della guerra, ibidem, p. 141-168. La guerre menée contre les Maures est nécessaire, juste et pieuse, car la révolte de ces barbares est impie. Elle bénéficie donc du soutien divin. Les descriptions des affrontements ne sont pas sans évoquer Lucain, mais elles annoncent aussi la poésie épique de l’époque médiévale. Ce thème se retrouve dans le Panégyrique (III, 331-344). (458) Blaudeau Ph., Normalisation africaine ? Retour sur les appréciations de la politique justinienne respectivement développées par Corippe et par Liberatus, ibidem, p. 123-140. Il est devenu habituel de considérer que la Johannide était destinée à faire accepter la politique de Justinien en Afrique, et une analyse identique a été faite pour Liberatus, opinion que récuse l’auteur. La comparaison des œuvres de ces deux écrivains montre une appréciation quasi identique de la politique justinienne : ils partageaient la même volonté de ne pas laisser dépérir la latinité en Afrique face à l’importance de Byzance. Procope est lui aussi une source précieuse pour cette période. (459) Kaldellis A., Procopius's Vandal war: thematic trajectories and hidden transcripts, dans North Africa under Byzantium, p. 13-21. Il ne convient pas de dissocier les deux ouvrages de Procope, La guerre contre les Vandales et L’Histoire secrète. Ils sont complémentaires, maints passages du second éclairant le premier. Cette double lecture aboutit à nuancer fortement les succès de l’aventure byzantine en Afrique et montre une condamnation subtile de Justinien et de sa conquête. L’auteur note divers parallèles entre les deux œuvres : notamment un passage de Procope (Guerre, IV, 6, 5-13) qui décrit les Vandales comme civilisés mais décadents, peut être rapproché de l’exposé sur les élites de Constantinople dans L’Histoire secrète. Dans La Guerre contre les Vandales, certains épisodes sont inventés par Procope, il faut donc se souvenir que c’est une œuvre politique. La rubrique des sources littéraires fait état de la découverte d’un manuscrit. (460) Corcoran S, The Würzburg Fragment of Justinian’s Constitutions for the Administration of recovered Africa, dans Libera curiositas, p. 97-116, rés. fr., 2 fig., publie un des deux folios restants d’un manuscrit du codex justinien abrité par la bibliothèque de l’Université de Würzburg. Ce folio est le plus ancien exemplaire connu du texte des constitutions de Justinien réaffirmant la domination romaine en Afrique (CJ, I, 27, 1-2). Un des problèmes soulevés par le texte, dont la souscription date du 1er avril 534, est l’identification correcte des sept provinces d’Afrique. Il est certain qu’une seule Maurétanie, la Césarienne, est citée, mais des passages sont peu clairs. Le folio, accompagné d’un apparat critique, est transcrit et traduit en anglais, p. 106-114. L’intérêt pour les sources arabes est un fait récurrent depuis quelques années. (461) Moukraenta Abed B., Les villes de l’Algérie Antique. Tome II. Au travers des sources arabes du Moyen Âge (La province de Numidie), Saarbrücken, 2015, 576 p., met en lumière l’apport des sources arabes du Moyen Âge (du VIIIe au XVIe siècle après J.-C.) pour la connaissance des villes de l’ancienne province romaine de Numidie, du IIe siècle avant J.-C. jusqu’à la veille de la conquête arabe du Maghreb. Il s’agit d’un instrument de travail des plus utiles, divisé en trois chapitres. Le premier chapitre propose une présentation générale des sources arabes médiévales renseignant l’histoire antique de la Numidie, ainsi qu’un catalogue des textes arabes relatifs à la province de Numidie : les villes littorales, puis les villes de l’intérieur. Le deuxième chapitre propose une série de notices sur les villes antiques du littoral, chaque notice s’intéressant à la fois à la période antique et à l’évolution de la ville à l’époque médiévale. Les villes prises en considération sont Al-Qul (Chullu), Būna (Hippo Regius), Marsā Al-Haraz (Tuniza) et Tāsefdat, Skikda (Rusicade). Le troisième chapitre, organisé de la même manière, regroupe les notices sur les villes antiques situées à l’intérieur de la Numidie : Adena (Bašilqa ?) (Zabi Justiniana), Bādis (Badias), Bāgāya (Bagaê), Balzama (?), Bantiwas (?), Biskra (Vescera), Dār Māllūl (Dār Al-Mullūk) (?), Fāssās (?), Mağğāna (?), Miskiyāna (?), Mila (Milev), Naqāus, Niqāus (Nicivibus ?), Qusantina (Cirta/Constantine), Tabassa (Théveste), Tahuda (Thabudeos), Tifās (Tipasa), Tiğis (Tigisi), Tubna (Tubunae), Tuggurt (?), Tūlga (?), Wārğlān (?). Une bibliographie et deux annexes (une « Liste des noms des villes de la Province de Numidie » et un « Tableau chronologique des auteurs avec une brève analyse ») complètent l’ensemble. (462) Benabbès M., The contribution of medieval Arabic sources to the historical geography of Byzantine Africa, dans North Africa under Byzantium and Early Islam, p. 119-128, 1 fig. Comme le suggère le titre de la communication, l’objectif de M.B. est de revisiter l’époque byzantine à travers le prisme des sources arabes qui ont été sous-évaluées jusqu’à présent. Concernant la géographie historique, elles se révèlent précieuses pour la toponymie, comme le montrent les exemples de l’ancienne Thimida regia/Tonbodha et celui du Jebel Mamtour/Mammēs. Elles peuvent aussi éclairer sur l’histoire des tribus à la période tardive, avec une hypothèse sur les Hawāra et les noms Aoer et Aor (Corippe, Johannide, 2, 50 et IRT 87).
14L’épigraphie et la numismatique n’offrent que peu de titres. (463) Gascou J., Reçus de blé pour les annones des Bis Electi et des Numides, dans Libera curiositas, p. 83-89, 2 fig. Des contingents de Numides venant d’Afrique du Nord auraient été introduits en Thébaïde vers 534-535 à la suite de la défaite vandale, et ils auraient participé à des actions militaires contre les temples de Philae. Mais la première attestation sûre de ces Numides dans les registres de la fiscalité locale ne date que de 538-539 sur des papyri. Ils en sortent vers 551, sans qu’il soit possible de déterminer s’ils ont quitté la province ou s’ils sont restés sous d’autres références. (465) Estiot S., Images du pouvoir au temps de la Johannide : entre tradition et innovatio, dans Corippe, p. 31-85, 13 pl., 61 ill. Le point de départ de l’étude est la description détaillée d’un multiple de Justinien qui se distingue par sa qualité, ses détails et son discours iconographique, avant d’en faire une interprétation savante. Il s’inspire de modèles des IIIe et IVe siècles et peut être comparé à d’autres productions iconographiques de la période justinienne entre 533 (victoire de Bélisaire sur les Vandales, qui apparaît comme étant celle de l’empereur) et 550, tels les mosaïques des églises de Ravenne ou l’ivoire Barberini. En 538, la représentation impériale sur les solidi s’oriente vers une christianisation de l’image. Justinien s’était fixé la reconquête de la romanité et le discours en images exprime cette volonté de restauration. Une riche iconographie, dont les représentations du multiple, de solidi de Justinien, et les thèmes tels que l’empereur au combat, le nimbe et l’offrande de l’or coronaire, complète l’article. L’archéologie est surtout urbaine. (466) Rummel P. von, The transformation of ancient land and cityscapes in early medieval North Africa, dans North Africa under Byzantium and Early Islam, p. 105-117. Un des défis que pose la transformation de l’Afrique du Nord au tout début du Moyen Âge est la pauvreté de la documentation textuelle. Une certitude qui apparaît cependant est la perte des fonctions urbaines de beaucoup de villes et de réelles différences entre elles. Par contre, le nombre des sites ruraux aux alentours reste stable jusqu’au VIe s. avant de décliner. Un manque d’entretien et un abandon progressif affectent la plupart des infrastructures (routes, ponts, aqueducs), sauf peut-être les fortifications, mais le processus est lent. Il commence parfois relativement tôt, dès le IVe s., et se poursuit jusqu’au VIIIe s., tandis que les premiers temps de l’Ifrīqiya sont mal documentés. (467) Stevens S.T., Carthage in transition: from late Byzantine city to medieval villages, ibidem, p. 89-103, 5 fig., examine comment, au tout début du Moyen Âge, Carthage fut transformée d’une métropole affairée en une série de modestes villages vivant de l’agriculture, agglomérés autour des bâtiments délabrés des églises chrétiennes près desquelles ils étaient situés. Le pillage de la cité après la conquête en 698 poursuivit le processus de ruralisation qui dura des siècles.
Bibliographie
15La bibliographie doit être complétée par un ouvrage référencé dans les Généralités (n° 169) et dont plusieurs articles concernent la période byzantine, mais un seul son histoire événementielle. (468) Kaegi W.E., The Islamic conquest and the defense of Byzantine Africa: reconsiderations on campaigns, conquests, and contexts, dans North Africa under Byzantium, p. 65-86, 10 fig. Après avoir fait le procès de l’historiographie passée, l’auteur revient sur quelques aspects de la conquête de l’Afrique byzantine par les troupes musulmanes de 642-643 à 711. Le premier concerne l’assassinat de l’empereur Constance II en 669, sa pertinence pour la conquête musulmane et la chronologie des événements de Sicile et d’Afrique du Nord ; suivent un paragraphe sur la difficulté de la région à se mobiliser pour se défendre et un autre sur ce que l’auteur nomme « la guerre sainte byzantine ». Après avoir défendu l’usage du mot transition pour désigner la période, il évoque la question des revenus fiscaux de la province, des relations avec l’Égypte, et conclut avec l’affirmation que l’islam a créé une identité en Afrique du Nord. Notons que l’auteur reprend l’idée selon laquelle Uqba ibn Nāfi serait allé jusqu’à Agadir, alors que cette assertion a été contestée par M. Benabbès (B.A.A.A., XXXIX [2005], 2011, n° 744).
16Une seule thématique s’est imposée, la religion. (469) Conant J.P., Sanctity and the networks of empire in Byzantine North Africa, dans North Africa under Byzantium, p. 201-214. Les sources textuelles étant rares, l’auteur a fait appel à l’épigraphie et aux terres cuites pour étudier la diffusion du culte des saints orientaux en Afrique pendant la période considérée. Il ressort de l’analyse que deux facteurs ont joué : les initiatives du pouvoir impérial et, surtout, celles du clergé local. Le rôle des clercs se révèle particulièrement net dans les localités de l’intérieur et il est probable que la raison en était de promouvoir leur propre statut en se plaçant sous le patronat d’un saint venu des provinces orientales (liste des saints, p. 207). (470) Dossey L., Exegesis and dissent in Byzantine North Africa, ibidem, p. 251-267, montre que, du point de vue africain, la querelle des Trois Chapitres n’était pas seulement une réaction défensive contre l’orthodoxie issue du concile de Chalcédoine, mais aussi l’affirmation d’un droit de la part des experts en théologie d’interpréter eux-mêmes librement les textes. (471) Sandberg M., Der Drei-Kapitel-Streit und die iustinianische Reconquista - Studien zum Widerstand der nordafrikanischen Kirche, dans Klio, XCXVIII, 2, 2016, p. 683-713. L’Église d’Afrique a maintenu, en dépit de la répression vandale puis de la reconquête byzantine, une forte autonomie et une capacité de résistance remarquable en matière théologique : la querelle des Trois chapitres en est un exemple.
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