De la critique de « l’art de négocier » à l’apprentissage de la « politique ». Mort du « bon ambassadeur » et apparition
du « diplomate » (c.1750-c.1830)
Texte intégral
1À partir du milieu du XVIIIe siècle, le genre des traités du « parfait ambassadeur » ou de « l’art de négocier » tend à s’épuiser, du moins dans les ouvrages destinés au « public », alors que les discours critiques contre la diplomatie des rois, ses hommes et ses formes se multiplient dans la production des philosophes des Lumières. La littérature destinée à former les envoyés à l’étranger tend à se « fermer » en un savoir professionnel écrit par des spécialistes à destination de spécialistes. Ainsi, c’est dans les bureaux des Affaires étrangères que se construit et se maintient une forme de tradition littéraire concernant « l’art » ou la « science » des négociations ou les qualités nécessaires aux « bons ambassadeurs ». En témoigne notamment un texte anonyme probablement daté de 1786 ou 1787 et intitulé « Plan d’étude et de conduite pour un jeune homme qui se destine aux Affaires étrangères »1, mais cette tradition persiste également sous la forme de synthèses d’ouvrages anciens, notamment dans les encyclopédies comme celle d’Yverdon ou dans le Dictionnaire Universel… de Robinet.
2La Révolution française bouleverse non seulement les relations entre les peuples, mais aussi la manière dont on pensait les normes et les formes des négociations, les buts qu’elles devaient atteindre et les structures qui en étaient chargées. La critique « éclairée » de la diplomatie est reprise par les révolutionnaires qui entendent modifier la « politique » de la France régénérée et la façon de négocier des « agents politiques ». La Révolution transforme donc en profondeur l’image du « bon ambassadeur » qui devient l’interprète des intérêts de la nation et/ou de tous les peuples et cesse d’être le « serviteur du roi ».
3La restauration diplomatique voulue par Bonaparte (et anticipée par le Directoire) fait revenir dans les bureaux des hommes formés sous l’Ancien Régime, mais, si une certaine volonté de continuité avec la « politique » des rois est affichée par Bonaparte, la rupture révolutionnaire est passée par là et les mêmes hommes ne tiennent pas les mêmes discours avant, pendant et après la période 1789-17992. Les textes du comte d’Hauterive, qui joue un rôle déterminant dans les tentatives de mettre sur pied une formation diplomatique spécifique entre 1800 et 1830, sont révélateurs de ces changements, malgré sa conviction probable d’œuvrer à la poursuite d’une tradition, en réalité en cours « d’invention »3. Même la Restauration ne peut faire abstraction du changement de paradigme qu’a constitué la Révolution française dans la diplomatie, ses normes et ses représentations. Les textes « pédagogiques » de d’Hauterive, les guides diplomatiques de Friedrich von Martens, continués par son neveu Karl von Martens (1837) ou les ouvrages de Guillaume de Garden (1833) montrent une évolution dans les manières de concevoir, non seulement les relations entre les États, mais aussi les qualités et les connaissances nécessaires au négociateur.
Art de négocier ou « art de tromper adroitement » ?
4Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la plupart des « philosophes » des Lumières (au sens le plus large du terme) entretiennent une image négative de la diplomatie et de ses acteurs. Le négociateur, c’est le « Protée » de La Bruyère4 qui, sous le contrôle de ses affects et son air entendu, ne dissimule que des secrets inutiles et une politique contraire à l’intérêt des peuples. La « politique » est caractérisée comme une école du mensonge et du secret, dont l’activité est en opposition avec l’espace public nécessaire aux relations de réciprocité entre les peuples5. Le savoir diplomatique dans sa globalité n’est qu’un esprit de mesquinerie et de tromperie : « Toutes ses vues, toutes ses maximes, tous les raffinements de sa politique tendent à une seule fin, qui est de n’être point trompé, et de tromper les autres », écrivait La Bruyère, repris et diffusé dans l’Encyclopédie par exemple6. L’art de négocier est assimilé à l’art de tromper et de mentir pour défendre une « politique » qui ne sert que l’ambition des rois et de leurs cours.
5C’est bien l’inutilité ou la vanité de la diplomatie et de l’art de négocier qui ressort des textes des Lumières. Selon Diderot, les dépêches des ministres contiennent « peu de chose importantes noyées dans beaucoup d’inepties ». Leur véritable tâche devrait être de s’instruire parfaitement de tout ce qui concerne une nation et d’en fournir des mémoires que l’on comparerait avec ceux de leurs prédécesseurs. Aussitôt ce travail accompli, le ministre serait envoyé dans un autre pays et « la longue résidence dans une même cour serait un signe infaillible d’imbécillité »7.
6Dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, l’image de la diplomatie et des négociateurs est donc extrêmement dégradée dans l’opinion et les discours des Lumières. Guibert la définit en 1772 comme « l’art de négocier, ou plutôt d’intriguer ; celui de fomenter sourdement quelque révolution, de lier ou de rompre dans l’obscurité des cabinets, quelques traités d’alliance, de paix, ou de mariage ou de commerce »8. Parlant de Frédéric II, Marat écrit, à peu près à la même époque, dans son roman Les Aventures du jeune compte Potowski…, qu’il « entend à merveille l’art de négocier, c’est-à-dire en termes plus clairs, l’art de tromper adroitement »9. Dans la Politique naturelle de 1773, le baron d’Holbach parle des négociations comme d’un « commerce de perfidies », « inutile ou nuisible lorsque les intérêts sont évidents »10.
7Les formes et les normes de la négociation matérialisées dans le cérémonial ne sont pas mieux traitées par les philosophes. Si Vattel écrit que le cérémonial, en tant que reflet de la gloire d’une nation, est une « propriété » qui vaut qu’on la défende, il est bien seul à s’exprimer en ce sens11. Dans l’Encyclopédie, le baron d’Holbach insiste sur son irrationalité et sur son origine marquée par la force12.
8En 1784, l’Encyclopédie Méthodique de Desmeuniers remarque que le cérémonial est nuisible aux véritables négociations13. Le cérémonial, fondé sur la puissance, s’oppose au principe premier qui est l’égalité des nations, il est le fruit des privilèges et des distinctions que la nature réprouve. Les philosophes raillent les sujets de conflit entre les négociateurs, qui raisonnent sur la taille des portes, ou la forme des tables. Le cérémonial est englobé dans la réprobation que suscite la fausseté de la société de cour. Ainsi, Jean-Jacques Rousseau se moque des congrès généraux,
où l’on se rend solennellement de tous les États de l’Europe pour s’en retourner de même ; où l’on s’assemble pour ne rien dire ; où toutes les affaires publiques se traitent en particulier ; où l’on délibère en commun si la table sera ronde ou carrée, si la salle aura plus ou moins de portes, si un tel plénipotentiaire aura le visage ou le dos tourné vers la fenêtre, si tel autre fera deux pouces de chemin de plus ou de moins dans une visite, et sur mille autres questions de pareille importance, inutilement agitées depuis trois siècles, et très dignes assurément d’occuper les politiques du nôtre.14
9Pourtant, selon les philosophes, les diplomates négocient des actes juridiques qui créent du droit entre les nations, allant ainsi dans le sens de la civilité des peuples. Les traités devraient être des « instruments publics de bonne foi » (Mably), mais la « politique » réelle est éloignée de cet idéal. Les passions des souverains encouragent au contraire le machiavélisme dans la rédaction des traités qui sont conçus dans un esprit de chicane destiné à permettre leur rupture quand la « convenance » la réclame. Par l’exemple moral désastreux qu’elles donnent aux nations, les pratiques de négociation ont un effet dissolvant sur la société humaine. Présente dès 1734 chez Montesquieu15, la critique du machiavélisme des négociateurs est reprise notamment par Vattel.
10Mably réalise en quelque sorte la synthèse de la pensée des Lumières dans ce domaine. Son ouvrage majeur, Le Droit public de l’Europe, est le fruit de la maturation de sa pensée entre 1746, date de la première édition, et 176416. En 1754, il décide de faire précéder son ouvrage d’un développement sur les rapports entre la morale et le droit public : Les Principes des négociations17. Pour Mably, la véritable « politique » consiste dans l’application des règles qui ont pour but le bonheur commun et non l’intérêt particulier des princes, elle n’a rien à voir avec les intrigues et les chicanes dans lesquelles la plupart des négociateurs se complaisent :
Si on regarde l’art de négocier comme un moyen de faire réussir telle ou telle affaire en particulier, la politique n’a aucune règle à prescrire aux négociateurs. […] Mais quand on considère les négociations comme un moyen général qu’un État emploie ou pour agrandir sa fortune, ou pour la conserver, si on examine comment la politique doit s’en servir pour diriger la masse entière des affaires, et traiter les étrangers de façon qu’il en résulte un avantage général, durable et permanent, on commence à découvrir des principes qui sont autant de guides sûrs dans tous les temps et toutes les circonstances. On verra que toutes les négociations doivent être entreprises et conduites relativement à son intérêt fondamental. Chaque état tient de ses lois, de ses mœurs et de sa position géographique, une manière d’être qui lui est propre et qui décide seule de ses vrais intérêts. […] Si l’objet qu’il se propose dans ses négociations est contraire à cet intérêt fondamental, il demeure, malgré tous ses efforts et quelques succès passagers, dans l’impuissance de franchir l’intervalle qui le sépare de la fin qu’il veut atteindre.18
11La négociation utile à une nation est donc celle qui va dans le sens de sa véritable « nature ». Or, pour Mably, seul ce qui est juste est utile, la raison et la bonne foi sont les fondements d’une négociation réellement utile à un État. C’est pourquoi il condamne la diplomatie secrète et fait l’apologie de la publicité de la négociation. L’art de négocier doit être compatible avec les principes des négociations, ou plutôt il ne peut pas exister d’art de négocier qui permettrait d’obtenir une chose contraire aux principes qui devraient régler les relations extérieures d’un État.
12Mably entend concevoir une science morale des négociations et non présenter les règles en usage dans les cours européennes ou définir les règles d’un art de négocier. Il n’a guère d’estime pour les compilateurs d’usages, les casuistes et les faiseurs de recettes. Il affirme nettement – et avec une certaine ironie – que « l’ambassadeur parfait » n’existe pas :
Je ne m’arrêterai pas à parler en détail de toutes les qualités nécessaires pour former un ambassadeur parfait ; je peindrais un homme qui n’existera jamais : et quand on le rencontrerait enfin, il y aurait bien des circonstances où il serait dangereux de l’employer. Supposez-lui les connaissances les plus sublimes du droit naturel et du droit des gens ; qu’il ait étudié avec soin tous les gouvernements de l’Europe, et pénétré tous les secrets des princes ; qu’il connaisse leurs engagements, leurs forces et leurs ressources ; que son esprit juste, étendu et fécond voie les objets en grand, et ne néglige pas les détails ; que pourriez-vous espérer de ses services, en l’envoyant dans une cour remplie d’intrigues, occupée de ses plaisirs, qui ignore ses intérêts, et où tous les yeux ne voient dans les affaires que les minuties qu’il n’y faut jamais voir ? Ce grand homme passerait pour un pédant ridicule. Il y a bien des circonstances où l’homme médiocre est celui qu’on doit choisir ; il y en a même où un vice de caractère et un travers d’esprit ont servi avantageusement.19
13L’ouvrage de Mably se démarque donc de la littérature de son temps, c’est l’une des raisons de son succès. Il veut montrer qu’au-delà des événements et de l’action des passions des hommes d’État, il existe des éléments objectifs qui déterminent les relations entre les souverains, il s’agit également de chercher les règles morales du développement des États et de montrer qu’à chacun d’eux correspondent des « systèmes politiques » déterminés par des facteurs géopolitiques, institutionnels et culturels et non par un art de négocier propre à quelques hommes supérieurs. Le bon ambassadeur ne peut pas être un « professionnel » de la négociation, il doit être un « ministre de la paix et de l’union, entre les peuples », et pour cela, il doit partir, non du droit public tel qu’il existe, mais du droit naturel des gens tel qu’il devrait être. Si la plupart des négociateurs sont mauvais, ce n’est donc pas par un défaut de formation « professionnelle », mais par l’absence de la compréhension des principes de justice entre les nations (fondés sur le droit naturel des gens), fruit de la forme « vicieuse » des gouvernements européens.
14Parmi les nombreux écrits sur la « politique » et les négociations, l’article « Négociation » de l’Encyclopédie d’Yverdon (1770-1778), dû à la plume de Fortunato Bartolomeo de Felice émerge particulièrement20. En effet, Felice n’isole pas les négociations publiques des négociations privées, il les fonde toutes deux sur une anthropologie des passions, des caractères et des différences d’opinion. C’est « l’ambition », « l’inquiétude », « l’agitation » naturelle des hommes, y compris des souverains et de leurs négociateurs, qui produisent l’idée fausse qu’il est nécessaire de « négocier pour négocier » en permanence. Tout l’art de négocier se ramène en définitive à l’acquisition de la « sagesse » qui combine les projets conformes aux intérêts de l’État, et à la « prudence » qui « en choisit les moyens pour en assurer l’exécution »21. Felice développe ensuite une théorie de la lecture des pensées et des projets de l’interlocuteur dans la négociation sur la base de l’observation des « caractères extérieurs » des hommes. Elle ne se limite pas à une physiognomonie réductrice et Felice insiste sur ce que nous appellerions aujourd’hui le langage « non-verbal » dans cette analyse. Il s’agit également de connaître la « qualité » de l’esprit du négociateur adverse : un esprit limité devra être convaincu par de petits raisonnements, un esprit « borné » par des riens, un esprit supérieur pourra être amené sur le terrain des véritables intérêts respectifs, etc. Pour pouvoir « dominer les passions d’autrui », qui est, en définitive, ce à quoi se résume la négociation, il faut d’abord être capable de comprendre et de canaliser les siennes. Felice est ici à contre-courant de l’opinion des Lumières qui critique l’hypocrisie de celui qui cache ses passions, puisqu’il conseille, à défaut de pouvoir les supprimer, de les « brider » et de les « empêcher de se montrer à découvert »22 pour pouvoir plaire à ceux avec lesquels il traite. Pourtant, comme la plupart des philosophes, Felice réaffirme l’identité de la « politique et de la morale » qui ne « forment qu’une seule science »23, d’où la supériorité de la sincérité sur « l’esprit de finesse », de la « grandeur d’âme » sur le « goût des vétilles »24. Comme Mably, il affirme qu’il « est assez superflu […] de s’attacher trop au portrait du parfait négociateur, peinture qui, comme toutes celles des caractères, doit exprimer simplement la perfection d’un modèle ». De toute manière, les négociations sont bien trop éloignées des modèles. Elles ont été jusqu’ici « d’une utilité très équivoque pour le bonheur des hommes », et « la grande quantité de traités conclus sans interruption, au lieu d’assurer la tranquillité des peuples, ne semble être qu’une semence de nouvelles guerres…25 ».
15Le texte de Felice est repris in extenso dans le Dictionnaire universel… (1777-1783) de Jean-Baptiste Robinet qui avait été chargé par le libraire Panckoucke de diriger le Supplément de l’Encyclopédie, puis de réaliser un autre ouvrage, uniquement tourné vers les questions « politiques »26. À côté de l’article emprunté à Felice (et faussement attribué à Albrecht von Haller), figure également un article « Négociateur » qui montre que l’image négative du ministre n’est pas hégémonique dans les Lumières27. L’ouvrage est conçu comme une synthèse destinée aux personnes qui s’intéressent aux affaires d’État, et son ton est nettement moins « militant » que celui de l’Encyclopédie de Diderot. Robinet résume, synthétise et reprend les topoi du « genre » de l’art de négocier et en donne une vision « médiane », loin des critiques d’un Mably.
16Pour Robinet, la négociation des affaires publiques nécessite plus de qualités que celle des affaires privées du fait de leurs conséquences plus générales et plus dramatiques. Par ailleurs, l’interpénétration croissante des affaires « politiques » et des intérêts de toutes les puissances, ainsi que la nécessité d’agir le plus rapidement possible, rend la direction des négociations beaucoup plus difficile qu’aux siècles précédents, d’où l’obligation d’une négociation permanente en temps de paix comme en temps de guerre.
17La démonstration de Robinet est ornée de nombreux exemples historiques anciens et modernes qui prouvent que les meilleurs princes sont aussi ceux qui ont eu les meilleurs négociateurs. Le contre-exemple étant la Porte qui reçoit, mais refuse d’envoyer des ministres au prétexte d’une « chimérique dépendance » des princes chrétiens. La Pologne, dépourvue de diplomatie permanente au XVIIIe siècle, est décrite comme un État arriéré. Robinet insiste sur le recul du rôle de la Papauté et de Rome dans la diplomatie depuis la Réforme. C’est La Haye qui, selon lui, a supplanté la Ville éternelle, comme capitale des négociations. Il remarque également le net recul des négociations directes entre souverains qu’il attribue aux complications du cérémonial. Il est préférable de négocier par la médiation d’un ministre que directement et il est encore plus efficace d’en employer plusieurs, officiels ou secrets, quand de grands intérêts sont en jeu.
18Comment choisir les sujets propres aux négociations ? Là encore, Robinet n’innove pas et se contente de reprendre les lieux communs de la littérature antérieure. Le négociateur devra avoir une « grande étendue de connaissances et un discernement juste et délicat ». Il doit être agréable au Prince auprès duquel il est envoyé. Les hommes de lettres ne font pas forcément des bons négociateurs, mais un ignorant en ces matières n’a aucune chance de réussir. Tout est une question d’équilibre : « l’homme de lettres rend l’homme du monde plus agréable, et l’homme public plus utile ». Les négociateurs doivent être instruits, mais « ils ne doivent pas donner une trop grande application aux sciences », car les hommes de cabinets ne sont pas de bons négociateurs. De même, les gens d’Église sont particulièrement impropres aux négociations (à l’exception de celles qui concernent Rome), qui requièrent un courage et une fermeté qu’ils cultivent peu. Les religieux peuvent, certes, s’introduire partout, mais ils manquent des connaissances pour discuter des intérêts des princes, car la « science du gouvernement ne s’apprend ni dans la retraite d’une cellule, ni dans les livres de théologie ». Les robins sont à peine mieux traités : ils font des ministres passables pour les républiques, mais dans les monarchies, ce sont les gens d’épée dont le prestige est le plus élevé qui sont les plus propres à être employés. Leur « belle représentation » les destine à « préparer les voies de la persuasion ». Le ministre ne doit pas avoir de défauts physiques : il ne peut être louche, borgne, boiteux, bossu. Bien évidemment, il doit avoir des qualités de cœur et d’honnêteté qui le distinguent. La bonne foi doit être favorisée au détriment de la fourberie, la probité sur les petits arrangements, etc. On pourrait continuer l’énumération, sans que Robinet n’apporte d’éléments nouveaux au portrait du « bon ambassadeur ».
19On a donc avec Robinet un exemple de la permanence des discours anciens – synthétisés et comme « aseptisés » – dans une partie de l’opinion des Lumières, une image résolument non-critique de l’art de négocier à contre-courant de l’opinion « avancée » des années 1770-1780.
20Pourtant, la critique mablienne influence l’opinion éclairée qui se radicalise encore plus dans les dernières années de l’Ancien Régime. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’à la veille de la Révolution, le Journal général de l’Europe de Lebrun considère le bilan des négociations et le savoir diplomatique d’une manière totalement négative28.
21Mais les textes donnant des conseils aux futurs envoyés à l’étranger et édictant des normes aux négociateurs n’ont pas disparu, on les retrouve parmi les manuscrits destinés à un usage « interne » aux Affaires étrangères. Tandis que l’espace public est marqué par la dénonciation, au mieux de l’inutilité, au pire du caractère machiavélique de la « politique », les bureaux des Affaires étrangères continuent à produire des textes à vocation normative comme le Plan d’étude et de conduite évoqué plus haut.
22Ce texte se présente sous la forme d’un cahier d’une vingtaine de pages manuscrites. L’auteur en est certainement un commis des Affaires étrangères qui se pense comme un « spécialiste » de la politique s’adressant à un novice et non au « public » comme les ouvrages de Wicquefort ou Callières. Il s’agit ici d’exposer une « méthode » d’apprentissage des fondements de la « politique » et non de présenter un panorama des relations extérieures entre les puissances, comme le faisaient les publicistes dans les « Tableaux de l’Europe », un genre littéraire en pleine expansion dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
23On a pu affirmer que ce qui distinguait ce texte des Art de négocier, comme celui de Pecquet par exemple, était que son auteur considérait la politique comme une science et non comme un art29. Il n’est pas certain que la distinction entre « art » et « science » ait été aussi tranchée que cela vers 1786. Les contemporains parlent presque tous de « science » quand ils se réfèrent à la « politique », mais ils estiment néanmoins que la négociation réelle relève aussi de « l’art ». Le terme de « science » renvoie aux « principes » de la politique, le terme « d’art » à la part d’imprévu, de circonstanciel ou de conjoncturel que le négociateur doit prendre en compte dans l’application des principes. Même Mably – qui insiste pourtant sur le caractère premier des principes de la « politique comme science morale »30 – ne nie pas que la compréhension des circonstances spécifiques des négociations relève plus de « l’art » que de la « science ». Le temps d’une conception positiviste et « objective » d’une science de la « politique » réductible à des règles sans rapports avec la morale n’est pas encore venu.
24L’auteur du texte convient que la « politique », bien que « science », dépend en fait des connaissances établies par les autres disciplines que sont l’histoire, la géographie, le droit de la nature et des gens, l’économie politique ou les sciences naturelles, d’où la nécessité d’exposer une méthode de lecture des textes diplomatiques envisagés comme des sources (selon notre terminologie) et une bibliographie permettant de les contextualiser. Le plan du texte reprend cette distinction puisque la première partie est constituée par une série de lectures préalables, puis par l’exposé d’une méthode d’approche des sources, suivi de considérations normatives sur les qualités de caractère de l’apprenti négociateur et les règles de conduite à adopter dans ses séjours à l’étranger.
25La bibliographie est tout à fait révélatrice de l’importance de l’approche jusnaturaliste des relations extérieures, typique des Lumières. Elle ne comporte que onze titres cités, les autres ouvrages étant renvoyés à la catégorie des « mémoires » de négociateurs, tellement connus qu’il n’est pas besoin d’en donner le nom. On peut penser sans beaucoup extrapoler que l’auteur fait ici référence, au moins, aux Lettres du cardinal d’Ossat ou aux Négociations du Président Jeannin, toujours cités comme les mémoires les plus instructifs, entre autres parce qu’ils apparaissent comme des exceptions admirables dans une production médiocre.
26En tête de liste des ouvrages cités, les livres qui forment une bibliographie minimale d’étude du droit naturel et des gens : les Institutions politiques du baron de Bielfeld (1760), qui avait été un immense succès et qui jouissait de l’excellente réputation de l’enseignement du droit naturel et des gens en Allemagne, puis les synthèses de Vattel et Burlamaqui31. Censés être vieillis et rendus illisibles par l’absence d’une structure « raisonnée » et un style imbuvable, Grotius, Pufendorf et Wolff sont absents de la liste32. L’édition recommandée de Burlamaqui est celle de Felice qui avait publié l’ouvrage à Yverdon en 1766-1768 avec de copieux commentaires. L’étude du droit naturel est donc considérée comme indispensable en tant que socle d’une réflexion sur la « politique », les ouvrages traitant de « droit public » ou les recueils d’usages positifs ne viennent qu’ensuite, marquant ainsi la subordination du droit positif au droit naturel.
27Il est remarquable qu’en 1786, la référence en matière de recueils de droit public soit le livre de Mably qui figure en tête des recommandations de l’auteur qui précise que l’ouvrage « doit toujours être sous la main d’un négociateur »33. Il ajoute : « l’abrégé historique qui précède les traités est excellent, les principes sur lesquels ils sont faits y sont bien discutés, et les détails qui s’y trouvent sont suffisants pour connaître les changements que ces traités ont opérés dans l’Europe. » Bref, Le Droit public de l’Europe est le « manuel » pour l’apprenti négociateur. Comme Mably, l’auteur fait du droit naturel la base de la « politique morale » qui devrait être celle des souverains.
28Arrivent ensuite les compilations historiques plus « classiques » comme les Intérêts présents des puissances de l’Europe de Rousset de Missy (1733), et l’Histoire du traité de Westphalie de Guillaume Hyacinthe Bougeant (1744). Enfin deux ouvrages sur le droit public de l’Allemagne semblent indispensables à l’auteur, il s’agit de l’Abrégé chronologique de l’histoire et du droit public d’Allemagne (1754) de Chrétien-Frédéric Pfeffel et des Institutions du droit public d’Allemagne de Gérard de Rayneval (1766)34.
29Comment comprendre l’absence de Wicquefort, du Corps diplomatique de Jean Dumont, de Callières, de Pecquet dans cette bibliographie ? Volonté de ne pas surcharger de lectures un novice ou désintérêt pour des ouvrages considérés comme dépassés par leurs successeurs ? Les deux sans doute. On peut également y voir le fruit de la critique des Lumières contre les compilateurs « ennuyeux », les « détails inutiles » et surtout contre les Art de négocier ne faisant pas une place assez importante à la réflexion sur les principes.
30La suite du document décrit la méthode de lecture des sources diplomatiques. L’élève devra tenir un cahier pour chaque puissance de l’Europe, lui-même subdivisé en rubriques : « constitution, législation, administration, finances, revenus, commerce, industrie », etc. La méthode de lecture est systématique et analytique, il s’agit de classer et d’ordonner les connaissances pour en donner un exposé raisonné. De même, des cahiers devront être tenus pour y noter les observations de l’impétrant lors de ses voyages et des conversations auxquelles il pourra participer. D’où la nécessité des « connaissances agréables » que sont les langues étrangères et l’art de la conversation. L’auteur reprend ici un topos ancien des textes normatifs : les Français doivent apprendre les langues des pays dans lesquels ils se trouvent pour mieux communiquer et éviter de froisser « l’amour-propre des nations » en faisant étalage de la supériorité des mœurs françaises35.
31L’auteur demande également à son élève de faire un séjour d’au moins un an dans une université allemande pour y suivre les cours de droit naturel et des gens. Il devra poursuivre ses voyages pendant six mois dans les cours du Saint-Empire, et, si possible, en Angleterre où il ne manquera pas de faire toutes les observations et relevés des édifices, des manufactures, des machines, etc., pour en faire un compte rendu lors de son retour.
32Enfin, dernier item de la deuxième partie, les considérations sur les qualités du négociateur. On remarquera qu’elles sont uniformément morales et qu’elles renvoient comme chez Mably aux modèles du cardinal d’Ossat et de Jeannin. L’auteur insiste sur le fait que le négociateur doit créer un climat de confiance avec ses interlocuteurs et surtout rompre avec l’idée que les intérêts des puissances sont nécessairement antagoniques et structurellement belligènes, conception très proche de celle des Principes des Négociations. Une « politique » juste est possible : « Il y a des gens qui s’imaginent que la politique est l’art de tromper son adversaire. C’est l’erreur des esprits faux, des talents médiocres, des âmes basses36 ». Certes, le négociateur n’est pas obligé de conseiller son interlocuteur, mais il est inutile de le tromper, car personne ne lui fera alors confiance, ruinant ainsi le but de sa mission. Reprenant là encore les conclusions de Mably sur la « politique » de la puissance dominante en Europe37, l’auteur affirme : « La fausseté déshonore une grande puissance. La ruse même n’est excusable que pour la faiblesse dont elle est l’apanage naturel. Il faut être juste quand on est puissant et la vérité est la seule digne d’accompagner la justice38. »
33Ce texte semble révélateur à la fois de la pénétration des idées « philosophiques » dans les discours sur le bon négociateur et d’une tendance – seulement esquissée – à la « spécialisation » du savoir diplomatique. Alors que l’espace et le débat publics des Lumières tardives sont, on l’a vu, plutôt marqués par une censure des pratiques diplomatiques telles qu’elles s’exprimaient chez Wicquefort ou Callières, une littérature plus « fermée », « interne » aux Affaires étrangères, maintient donc en partie les discours normatifs anciens en les adaptant à l’air du temps. On remarque également que, par rapport aux ouvrages d’un Callières ou d’un Pecquet, ce texte ne se situe plus dans la tradition de la « science du monde » comme fondement des négociations, mais se place dans la perspective d’une « science de la diplomatie » dans laquelle la dimension anthropologique (largement détaillée chez les « philosophes » comme Felice) est absente.
Régénérer la diplomatie, révolutionner les négociations
34Les révolutionnaires de 1789, ou du moins les journalistes « patriotes » et les députés du « côté gauche » de l’Assemblée constituante, héritent des représentations négatives des « publicistes » des Lumières. Dès les premiers débats à l’Assemblée sur la formation des ministères et le contrôle de la politique extérieure, le « côté gauche », relayé dans l’opinion par les journalistes et écrivains « patriotes », s’attaque à la « politique » de l’Ancien Régime et aux normes diplomatiques qui la régissent.
35Dans le débat de mai 1790 sur le droit de paix et de guerre, les partisans d’un tournant de la politique française tentent d’imposer une conception mablienne de l’intérêt national qu’il s’agit de défendre par les négociations39. La publicité des délibérations permet de rompre avec l’opacité de la « politique » des rois. Une nation qui délibère ouvertement devant toutes les nations ne peut demander que des choses justes. Comme la plupart des intervenants du « côté gauche » condamnant la diplomatie secrète, Menou, Pétion ou Barnave se réfèrent à Mably40.
36Les « patriotes » ne se contentent pas de discours sur la régénération de la « politique », ils exigent également des réformes dans la structure diplomatique et dans les hommes qui la dirigent. Le journal de Brissot, Le Patriote français, en fait un cheval de bataille et exige le remplacement de tous les envoyés dans les cours étrangères41. Le contrôle de la diplomatie est lié à la nécessité de sa rationalisation. Dans la continuité de la critique des « ambassades inutiles », on réclame la diminution des postes d’envoyés et la réduction du budget des Affaires étrangères. La somme de deux millions de livres pour le traitement des ambassadeurs apparaît exorbitante à Brissot : « Cette somme énorme sera sans doute réduite quand on aura déterminé quelles sont les ambassades utiles, or il y en a bien peu »42. La France, qui a répudié l’ancienne « politique », n’a que faire de ses pratiques : les traités de subsides, les trafics doivent disparaître. La nation ne reconnaissant plus que des égaux dans tous les peuples, n’a que faire des distinctions de représentation : pourquoi faudrait-il conserver l’absurde hiérarchie des ambassadeurs, des ministres et des résidents ?
37Dans son journal, Marat ironise sur « l’importance des places d’ambassadeurs »43 : « On trouve étrange que la Révolution n’ait produit aucun changement dans le corps diplomatique, qu’elle n’ait déplacé aucun de ses membres ». Certains regrettent d’avoir été obligés de suspendre leurs « assemblées » qui formaient des « écoles de droit public ». Plutôt que des écoles de droit, les réunions d’ambassadeurs sont des collèges de ridicules : « Le nombre des révérences et leur profondeur étaient pareillement réglés sur l’éminence de l’emploi qu’on remplissait. Il fallait se courber jusqu’à terre pour une excellence, fût-elle échappée du gibet. On pliait complètement les reins pour un ambassadeur extraordinaire, beaucoup moins pour un ambassadeur ordinaire ». On n’y traite que des sujets d’importance comme « l’ordinaire de la cour, les spectacles, les aventures galantes, les intrigues de ruelle, les filles à la mode »44.
38Le débat sur l’organisation des ministères en 1791 donne lieu à une production de projets destinés à réorganiser la diplomatie. Le Moniteur publie par exemple un article intitulé « Proposition pour les places diplomatiques »45 qui affirme que la diplomatie est encore le département le plus soumis à l’arbitraire : c’est une citadelle d’aristocratie qu’il s’agit d’abattre pour construire une véritable politique nationale. Mais, ajoute l’article, il ne suffit pas d’être patriote pour faire un bon ministre. Il faut organiser constitutionnellement la carrière, en proposant par exemple la création d’un tableau d’avancement sur la base du mérite, de l’expérience et du zèle patriotique. Le corps des secrétaires d’ambassade et de légation doit servir de vivier au recrutement des ministres dans les cours inférieures et ces derniers, pour les ambassades importantes. On retrouve ici les arguments en faveur d’une certaine « professionnalisation » des envoyés, mais l’insistance mise, dans les projets de mars-avril 1791, sur l’organisation d’une carrière organisée constitutionnellement est nouvelle. Il s’agit de constituer une diplomatie inédite attentive aux intérêts de la nation et non à ceux du roi.
39La critique de la gauche reprend les topoi des Lumières sur la diplomatie en tant que microcosme de la société de cour. Un article des Révolutions de Paris intitulé « Des Ambassadeurs »46 affirme que les ambassades permanentes ne sont que des nids d’espionnage : « Tout diplomatiste (sic) européen est donc à la lettre un espion, quand les pays respectifs ne sont pas coalisés, et un traître quand ils le sont ». L’article remarque également que la négociation publique tend depuis peu à devenir « une sorte de métier », ce qui va à l’encontre de l’objet de sa mission, à savoir la paix entre les nations. L’article des Révolutions de Paris se prononce sans équivoque pour une disparition des ambassades et des négociations permanentes, devenues inutiles depuis la régénération de la « politique » française. La France n’a pas besoin d’alliés à l’ancienne mode, elle se suffit à elle-même. En avril, Robespierre et plusieurs autres orateurs interviennent dans le débat sur l’organisation du ministère, pour faire adopter un mode de contrôle législatif des diplomates. Il propose notamment la modification des intitulés : les envoyés doivent être appelés « ambassadeurs de la nation » et non « du roi »47.
40Dans le débat sur la guerre pendant l’hiver 1791-1792, les thèmes de la critique des ambassades et des traités des rois sont également présents. L’abbé Fauchet, par exemple, les développe le 20 janvier : « Les Français, après la conquête de leur liberté, sont les alliés naturels de toutes les nations. Les traités faits avec les despotes par un gouvernement arbitraire qui sacrifiait les peuples comme de vils sujets aux intérêts de quelques familles régnantes, sont nuls de droit et ne peuvent être conservés de fait sans une inconséquence destructive des principes de la Révolution française48. » La Révolution a de facto détruit la diplomatie : « Rien n’est menteur comme les agents des cours, rien n’est violé comme les traités des rois. C’est un commerce d’imposture aussi ancien que les trônes, aussi durable que l’aristocratie. La science diplomatique n’est que l’art de partager la tyrannie et de balancer l’esclavage. La liberté l’anéantit et crée la science des peuples, science simple comme la nature et infaillible comme elle49. » Fauchet réclame donc la suppression des ambassadeurs permanents, et même des consuls, car toute législation en matière de commerce extérieur est porteuse de despotisme. L’article premier du projet de son décret stipule : « Tous les traités partiels, faits par le gouvernement de la nation française avec les autres gouvernements, sont annulés : elle substitue à ces traités une alliance générale avec toutes les nations libres ». Fauchet propose d’autre part de n’admettre que des ambassades extraordinaires, très limitées dans le temps, et uniquement pour notifier une demande ou une offre de secours.
41L’arrivée de Dumouriez au ministère en mars 1792 provoque une rupture puisqu’il réorganise les bureaux et épure les cadres (Hennin, Rayneval et Pfeffel, hommes de l’Ancien Régime, étaient toujours les employés principaux), l’engagement en faveur de la Révolution valant désormais comme premier critère du recrutement des négociateurs et des commis. Dumouriez crée six bureaux qu’il confie à des proches des Brissotins. Quelques mois auparavant, il s’était d’ailleurs prononcé pour une réforme en profondeur50. Le ministère des Affaires étrangères, disait-il, « est le moins compliqué de tous », car les rapports de la France avec les autres nations sont fondés sur la déclaration des droits de l’homme et la renonciation aux conquêtes du 22 mai 1790. Le peuple français étant l’allié naturel de toutes les nations, le mystère est inutile. Les négociations en seront d’autant plus aisées. À l’instar de la plupart des philosophes des Lumières, il insiste sur la nécessité d’entretenir une sorte de corps de voyageurs diplomatiques, dont la mission consisterait à rédiger des rapports sur les États de l’Europe. Il propose également de simplifier la hiérarchie des envoyés : on ne conserverait que quatre ministres de première classe dans les cours de Vienne, Londres, Madrid et Pétersbourg ; les autres auraient le statut de ministres de deuxième classe. Les « ambassadeurs » ordinaires seraient supprimés.
42Le débat touche donc tout autant la question de la nature de la « politique » de la Révolution que celle des structures chargées de la mettre en œuvre et des représentations des qualités nécessaires pour le faire. Tous les envoyés doivent être pénétrés des intérêts de la nation et donc être « patriotes » avant d’être habiles négociateurs.
43De toute manière, le personnel diplomatique s’épure de facto par la démission de tous les envoyés royalistes après le 10 août 1792, mais la plupart des ministres dans les cours de seconde catégorie restent en place. Ce n’est pas assez pour certains orateurs du club des Jacobins, qui demandent le rappel de tous les agents à l’extérieur, consuls compris51. Telle n’est pas l’opinion de G. J. A. Ducher qui écrit dans le Moniteur. Ce personnage, lui-même un ancien vice-consul de France aux États-Unis52, devient conseiller de Barère et joue plus tard un rôle important en tant que spécialiste auprès du Comité de Salut Public en matière de diplomatie et de commerce53. Il développe à plusieurs reprises l’idée que le commerce étant la seule forme légitime de relations entre les peuples, il doit remplacer l’ancienne diplomatie. Or, il existe encore une distinction « seigneuriale » entre les consuls et les ambassadeurs. Pourtant la seule « politique » d’un peuple libre doit être le commerce, « notre grande, […] notre seule affaire étrangère ». L’ensemble des rapports de la nation avec les étrangers doit être centralisé : il propose donc de regrouper les Affaires étrangères, les consulats, les douanes et les colonies dans une sorte de super-ministère54. Le négociateur ne se distingue plus du consul ou du spécialiste commercial, l’ambassadeur disparaît.
44Dans le débat constitutionnel du printemps 1793, un large consensus semble se réaliser pour la suppression totale des ambassadeurs. Le projet girondin institue des agents nationaux chargés de discuter les traités, mais la ratification reste à l’Assemblée. Ce consensus cache pourtant, là aussi, des divergences. Un premier courant réclame la suppression totale des liens diplomatiques permanents entre États. La plupart de ces projets limitent, à l’image des articles publiés par Ducher, les relations permanentes aux consulats et aux envoyés commerciaux. Robespierre et Saint-Just refusent de suivre ces discours : la République doit utiliser tous les moyens, y compris ceux de la négociation avec les États neutres, pour disloquer la ligue des despotes.
45En effet, la formation de la coalition a simplifié le tableau, puisqu’au début de 1793, seuls la Suisse, les États scandinaves, la Turquie et les États-Unis restent neutres. Le décret du 24 septembre 1793, puis le rapport du 17 novembre prononcé par Robespierre, marquent un tournant. Les postes d’ambassadeurs sont supprimés jusqu’à la fin de la guerre et remplacés par des agents secrets chez les puissances ennemies, et par des chargés d’affaires dans les États neutres. Enfin, la Convention rejette officiellement toute tentative de transaction secrète avec ses ennemis, le Comité de Salut Public refusant de traiter directement avec les envoyés des puissances n’ayant pas reconnu la République. À la veille de Thermidor, il ne reste plus, officiellement, que quatre diplomates en poste (même si, en réalité, les agents officieux ou sans titre se sont multipliés entre 1792 et 1794).
46À partir de 1795-1796, les Thermidoriens, puis le Directoire, cherchent à « reprendre une place dans la balance de l’Europe » en négociant avec les princes et les rois que la Convention montagnarde vouait aux gémonies. Des ouvertures de négociation avec la Toscane jusqu’à l’adoption de la constitution de l’an III, la question de la nouvelle diplomatie républicaine est au centre des débats. Ces discussions aboutissent à une réhabilitation de la prérogative exécutive en matière de traités et de diplomatie. Le Directoire peut négocier, arrêter, signer tous les traités de paix, d’alliance, de trêve, de neutralité, de commerce, et autres conventions qu’il juge nécessaires au salut de l’État, il nomme et contrôle les agents à l’étranger.
47La direction des bureaux des relations extérieures est confiée à un ministre nommé par le Directoire. À côté des bureaux ministériels, on organise des bureaux particuliers sous son contrôle direct. On adjoint au secrétariat général deux bureaux distincts dont l’un est le bureau diplomatique dans lequel les discussions sont secrètes. Pour nourrir la réflexion du ministre, le bureau diplomatique centralise toutes les archives nécessaires à l’élaboration des rapports envoyés au Directoire. L’an III voit aussi une réhabilitation des formes anciennes de la diplomatie secrète. L’étiquette est rétablie par la loi du 4 floréal an IV (23 avril 1795) qui réorganise les audiences et par une circulaire envoyée à tous les agents à l’étranger qui leur enjoint d’éviter toute querelle de cérémonial en prenant pour base les honneurs rendus sous les « anciens tyrans » à la nation française. Enfin, la centralisation et le secret sont accrus par une série d’arrêtés adoptés entre l’an IV et l’an VIII. Cette volonté est clairement présentée comme une manière d’adopter les usages et les normes de négociation en vigueur pour donner du Directoire l’image d’un gouvernement stable et durable, membre légitime de la société des États européens.
48Ce tournant se manifeste aussi par un regain d’intérêt envers le droit public. Le Comité de Salut Public met en place le 18 brumaire an III (8 novembre 1794) un bureau d’analyse destiné à dépouiller les chartes des anciens rois pour établir la liste des « prétentions » et des « droits » de la France depuis les traités de Westphalie et tenter de concevoir un nouveau « système politique républicain »55. On sait que les directeurs considéraient qu’ils avaient beaucoup à apprendre de la diplomatie des « anciens tyrans de la France ». Permanence d’un discours ancien ou travail d’adaptation à une situation nouvelle ? Les deux sans doute…
49Dans ce travail de « réception » des traités de la monarchie ou « d’invention d’une tradition », les considérations économiques sont centrales, car la diplomatie doit avoir pour but de fonder la prospérité républicaine56. Ce bureau est divisé en trois sections : la première s’occupant de la période 1648-1748, la deuxième de 1748 à 1788 et la troisième de la période révolutionnaire. Les hommes chargés d’animer ce bureau d’analyse étaient bien loin d’être des républicains avancés. Flassan, le plus connu d’entre eux, s’était engagé dans l’armée des Princes en 1789 et n’était rentré en France qu’en l’an III. Plusieurs autres avaient été employés dans les bureaux des Affaires étrangères avant 1789 comme Otto ou Colchen57. Il existe donc une certaine continuité des hommes chargés des missions d’analyse du droit public sous Louis XVI et sous le Directoire. Pourtant, peut-on dire que la diplomatie du Directoire marque un « retour » aux normes de l’Ancien Régime ? Si une partie de ses agents est bien issue de l’ancienne diplomatie (surtout dans les bureaux), un nombre conséquent d’entre eux sont des hommes nouveaux : le milieu littéraire ainsi que les « commis » forment depuis 1792 deux viviers de recrutements58. Les milieux politiques fournissent également de nouvelles recrues, la carrière apparaissant comme une reconversion pour les ex-députés et – nouveauté – pas moins de six généraux et un amiral sont ambassadeurs de 1795 à 1799. Malgré la volonté affichée de renouer avec les formes anciennes, la nature même du recrutement, ainsi que la conduite des agents républicains, étrangers aux formes classiques des négociations, sont interprétées par les puissances comme le prolongement de la rupture révolutionnaire.
50Une nouvelle conception de la diplomatie et de la négociation est donc paradoxalement née du contexte révolutionnaire. Symboliquement, le terme de « diplomatie » entre pour la première fois dans le Dictionnaire de l’Académie en 179859. Elle est définie comme « la science des rapports, des intérêts de puissance à puissance », ce qui marque la transition qui s’opère durant la période que l’on pourrait qualifier « d’intermédiaire » entre « négociation moderne » et « diplomatie contemporaine ».
51Le tournant de Brumaire devait nécessairement se marquer dans l’organisation de la diplomatie ainsi que dans le choix des hommes. Un arrêté de pluviôse an VIII restructure la carrière à l’intérieur et à l’extérieur en multipliant les grades et les hiérarchies : aspirant, secrétaire, expéditionnaire, secrétaire rédacteur, secrétaire de légation (2e et 1e classe), ministre plénipotentiaire, ambassadeur. On remarque notamment le rétablissement de la distinction entre ministre et ambassadeur. Alors que tous les réformateurs de la diplomatie, avant et pendant la Révolution, estimaient cette distinction insultante pour le principe d’égalité juridique des nations, Bonaparte réintroduit l’idée que certaines nations sont « plus égales » que d’autres et que seules les grandes puissances méritent de recevoir des ambassadeurs. D’autres arrêtés, inspirés par Hauterive, suivent ; notamment celui du 3 floréal an VIII (23 avril) qui clarifie les correspondances entre grades diplomatiques et administratifs et fixe l’échelle des rémunérations. En ce qui concerne les hommes, le retour de Talleyrand aux affaires le 21 novembre 1800 marque un tournant. Hauterive est promu et il est chargé de réorganiser et d’épurer le personnel. Les républicains les plus marqués sont démis de leurs fonctions. Surtout on assiste au retour des diplomates d’ancien style écartés depuis 1792 : les anciens chefs de division, les anciens premiers commis Hennin, Rayneval, reviennent en grâce et reprennent la direction des bureaux. Pourtant Bonaparte ne rompait pas, loin de là, avec la pratique de la nomination de généraux diplomates. Certes, il s’agit surtout de récompenser ou d’éloigner mais le fait que Bonaparte n’a pas remis en cause cette pratique est un indice du fait que le « retour » à l’Ancien Régime n’est que partiel. En revanche, le Premier Consul est particulièrement attentif aux questions de représentation et de normes diplomatiques. Ce n’est pas un hasard si les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères sont parmi les mieux payés. Les ambassadeurs dans les postes prestigieux peuvent dépenser largement. Le prestige de la République doit se manifester dans le luxe, les ors des uniformes et des festivités, dans un cérémonial reconstruit et minutieusement conçu.
52Dans quelle mesure la volonté de refondation de la diplomatie de 1800 influe-t-elle sur la production des normes de la négociation ? Assiste-t-on à une réhabilitation des Arts de négocier de l’Ancien Régime ou bien de nouvelles normes apparaissent-elles pendant l’Empire et au-delà ?
1800-1830 : tentatives de recodification des normes diplomatiques et apparition du « diplomate »
53En 1800, Georg Friedrich von Martens est déjà une « autorité » incontestable en matière de droit public60. Il a publié une partie de ses ouvrages avant cette date, mais il ne cesse de les augmenter ensuite, donnant une image intéressante de l’évolution de la manière dont on conçoit l’étude des textes diplomatiques, avant et après la Révolution. Issu de ses enseignements à l’université de Göttingen, son Cours Diplomatique ou Tableau des relations extérieures des puissances de l’Europe, publié à Berlin en 1801 est un ouvrage en trois volumes. Les deux premiers ont pour titre Guide diplomatique, celui-ci se présente comme un répertoire des principaux actes du droit public de l’Europe, renvoyant aux ouvrages où ces textes figurent in extenso. Il est accompagné d’une table des auteurs cités qui forment une sorte de bibliographie générale. Il ne s’agit donc pas d’un Art de négocier et il ne contient aucune remarque sur les normes de la négociation (si ce n’est dans les paragraphes sur le cérémonial). Ce n’est donc ni un ouvrage « pédagogique », ni une « théorie » de la négociation, mais plutôt un recueil de jurisprudence à destination du public et non des « professionnels » (même si Martens affirme qu’un tel ouvrage pourrait faciliter leur travail). Le troisième volume est un tableau analytique qui appartient au « genre » du « Tableau général ». Il doit servir de fil conducteur à un cours sur les relations extérieures. Sa structure est plus intéressante ici que son contenu. Il est en effet pensé comme une synthèse accompagnant le Guide et à l’aide duquel le lecteur va pouvoir contextualiser les actes de droit public. La séparation entre « sources » et « manuel » n’est pas nouvelle (elle était déjà chez Mably qui donnait des extraits des traités, puis commentait à la suite), mais elle est plus marquée que dans les ouvrages d’avant 1789. Elle prend chez Martens la forme d’un guide de recherche auquel le lecteur doit se référer.
54Chacune des parties de ce troisième volume suit le même plan : après une liste de « subsides littéraires » qui forme une bibliographie, une puissance est d’abord envisagée du point de vue de son territoire et de son histoire « intérieure », puis de sa population et de sa législation sur les étrangers, de son commerce, de ses douanes, de ses affaires maritimes et coloniales et de ses forces armées et enfin de son réseau diplomatique. Martens fait ensuite le résumé de ses relations avec les autres puissances prises une par une. Ce résumé est lui-même subdivisé en rubriques : territoire et « prétentions », commerce, neutralité, mariages, garanties, alliances et enfin cérémonial et ambassades. C’est le caractère systématique de ce découpage (qui n’est pas nouveau en lui-même) qui apparaît intéressant ici. L’étude des relations extérieures est divisée en rubriques et sous-rubriques renvoyant à une conception presque « positiviste » du droit public. Martens est en effet l’héritier sur ce point de l’approche conventionnelle et coutumière de Justus Moser (1720-1794), qui a passé son existence intellectuelle à nier l’intérêt du droit naturel dans l’étude du droit public. Moser et Martens considèrent l’approche jusnaturaliste des Lumières comme « chimérique » et l’un comme l’autre ont vivement critiqué la Révolution française dans ses tentatives de faire aboutir l’idée d’une déclaration du droit naturel des gens61. De Mably à Martens, on passe donc d’une conception militante et morale de la « politique » à une vision historiciste et positive des relations extérieures. Le droit public de Martens ne nie pas totalement le droit naturel, mais il le relègue au rang de considérations accessoires. Il rejette en fait sa transcendance par rapport au droit public, niant ainsi de facto la nécessité du respect du droit naturel des nations dans leurs rapports respectifs.
55Cette évolution « positiviste » et historiciste s’accentue dans les années 1800-1830, par exemple chez Flassan ou Hauterive. Ainsi dans son Histoire générale et raisonnée de la diplomatie française de 1808 (on remarquera la consécration du néologisme récent), Jean-Baptiste Raxis de Flassan définit la diplomatie comme « l’expression par laquelle on désigne depuis un certain nombre d’années la science des rapports extérieurs, laquelle a pour base les diplômes ou actes écrits émanés des souverains »62.
56En tant que praticien et pédagogue, Hauterive est plus tourné vers l’écriture de textes normatifs visant à la définition d’une science professionnelle des négociations et d’une méthode d’apprentissage de ses principes.
57Alexandre Maurice Blanc de Lanautte comte d’Hauterive est né en 1754. Il entre dans la carrière en 1783 comme gentilhomme d’ambassade associé à son parent Choiseul-Gouffier. Il est révoqué pendant la Révolution, reste quelque temps aux États-Unis, puis revient à Paris en 1798 où il occupe les postes de sous-chef de la division du midi en 1798, de chef de la première division politique en 1799 et en mai 1807 de chef de la garde des Archives. Outre ses fonctions officielles, il joue plusieurs fois le rôle d’un ministre par intérim pour Talleyrand. Il est le principal animateur de « l’école de diplomatie » créée par un arrêté du 8 floréal an VIII, avant sa nomination à sa tête en 1807. Il meurt en 1830 quelques mois avant la Révolution de Juillet. En tant que chef des Archives, Hauterive est l’auteur d’un certain nombre de textes destinés aux élèves des Archives ou aux jeunes gens se destinant à la diplomatie. Ces textes ne sont pas publiés et sont destinés à un usage interne. Il s’agit notamment des Conseils à un élève du ministère des Relations extérieures (1811) et des Conseils à un attaché (1827)63 sur lesquels je reviendrai plus loin.
58L’école diplomatique s’inscrit dans la réorganisation voulue par Bonaparte64. On ne sait pas exactement comment cette école a fonctionné et l’on ne sait même pas la date de sa disparition, mais elle a dû sans doute cesser ses activités avec la mort d’Hauterive. Pas de concours d’entrée dans cette école, mais une intégration d’éléments prometteurs – parfois déjà dans la carrière – recommandés par leurs familles et/ou choisis par le ministre et le Premier Consul65. En 1806, le recrutement devient l’affaire du Conseil d’État, car les élèves y devaient faire un stage annuel, avant d’entrer à l’école et de parfaire leur formation dans les Archives. En 1813, ce système est abandonné, mais, de toute manière, l’école est moribonde, puisqu’on recense onze élèves seulement en juin 1814, et quatre en octobre 1815. L’activité reprend vers 1823 : les élèves sont désormais nommés par le roi sur recommandation du ministre. Ils sont censés passer un examen d’entrée composé de « trois essais de lecture et d’analyse raisonnés » sur des ouvrages ou des manuscrits. En 1825, un autre texte réglementaire crée pour la première fois un concours d’entrée dans la carrière à l’issue de la formation. La sélection ne se fait donc plus théoriquement à l’entrée de l’école, mais après. S’agit-il d’une évolution décisive vers une conception « contemporaine » du recrutement diplomatique ? On peut en douter, car le concours resta théorique et déterminé par le problème du nombre trop important d’attachés n’ayant aucune chance d’obtenir un poste à l’étranger66, c’est pourquoi le ministre demande en 1828 la permission d’arrêter le recrutement jusqu’à nouvel ordre afin de tarir le vivier d’attachés déjà existant.
59Hauterive écrit le rapport du 21 avril 1830 au roi qui aboutit au règlement censé réorganiser la formation et le recrutement. Adopté quatre jours plus tard, il est évidemment rendu caduc par la Révolution de Juillet… Le texte est néanmoins révélateur des évolutions administratives et des conceptions de la formation diplomatique. Il prévoit un recrutement exclusif par le biais de l’école des Archives et soumis à la seule autorité du ministre. Des conditions de diplôme préalables sont exigées : avoir fait son droit, y compris un cours de droit public. On remarquera que l’on ne fait plus de la seule culture générale une condition d’admission, le droit public devient indispensable. Par ailleurs, les élèves admis devront suivre un cursus administratif fixe : élève diplomatique, attaché à une légation ou ambassade, secrétaire de légation surnuméraire.
60Le principe de base de la formation est l’apprentissage « sur le tas » dans les Archives. L’idée centrale du rapport est que seule une étude de la « tradition » diplomatique peut former le diplomate. Comme il n’existe pas de « science diplomatique » dotée de principes fixes, une connaissance empirique des actes du droit public y supplée. Se pose la question des connaissances et des qualités de l’élève et surtout celle de l’orientation à donner à la formation empirique. En effet, Hauterive écrit : « La diplomatie n’a point son code, ses éléments sont inscrits dans plusieurs sciences d’où il faut les extraire pour les réunir […] et composer des préceptes, qui, après tout, ne seront jamais applicables que par analogie éloignée »67. D’où la nécessité de connaître l’histoire, la géographie, la jurisprudence, la métaphysique, l’économie politique, les langues et… les usages du « monde ». Mais une formation théorique serait insuffisante, l’élève doit avant tout se familiariser avec le « matériel de la diplomatie » : dépêches, correspondances, rapports, etc. Il est impossible, selon Hauterive, de concevoir des cours magistraux de diplomatie, car elle « ne peut pas affirmer qu’une chose est, elle n’est qu’une activité dubitative ». L’étude des textes ne produit pas un savoir, mais des conjectures. Ainsi, « il est reconnu que la véritable instruction est celle qui s’acquiert laborieusement et que les jeunes gens sont mal instruits, quand ils ne s’instruisent pas eux-mêmes »68. La formation ne peut donc pas constituer en un enseignement, mais en une méthode de recherche accompagnée. Cette conception normative de la formation et des qualités nécessaires au diplomate était déjà longuement détaillée dans Les Conseils à un élève de 1811.
61Ce texte est divisé en deux parties : « De la lecture et de l’étude des manuscrits des Archives » et « Du choix des livres ». La première décrit les buts et les principes de la « politique » et une méthode d’apprentissage et d’analyse des textes, la seconde est une bibliographie commentée des ouvrages qu’un élève du ministère doit avoir lus pour se familiariser avec sa carrière.
62Hauterive met d’abord en garde l’élève sur les « difficultés sans nombre » de l’apprentissage de la « politique » et sur l’énormité des connaissances et des qualités du diplomate. L’objet des Conseils est de faire acquérir à l’élève une « expérience anticipée » en « recherchant, en examinant et en jugeant les actes et les travaux de ceux qui [l’ont] devancé dans la carrière »69. C’est pourquoi il présente d’abord un « plan d’études » qui est « plutôt une méthode de lecture ». La « politique » peut être envisagée comme une science, elle peut donc être enseignée « parce que sa théorie se fonde sur des lois plus ou moins positives, et qu’elle a un objet précis et distinct ; celui de régler les rapports qui existent ou doivent exister entre les Souverains70. » Ces rapports dépendent « de la formation et de l’origine des États, des principes constitutifs des Gouvernemens, de l’appréciation réelle ou présumée de leur puissance, des variations de leur position relative, de leurs affinités, de leurs discordances, de la vicissitude des événemens, etc. » Or « les collections de mémoires, de rapports, de convention, de traités et des correspondances diplomatiques » dont se composent les archives permettent de s’instruire de ces rapports et de ce qui les détermine. Par ailleurs, la « politique » peut être également considérée comme un « art » qui tient à l’observation de règles empiriques. Le caractère contingent des événements rend difficile d’appliquer aux uns et aux autres des principes tirés de la connaissance de circonstances antérieures. Les bases de « l’art » politique sont donc l’analyse des circonstances et dans la prévoyance des événements qui peuvent les changer. Si cet « art » ne peut pas être assujetti à des règles, il existe néanmoins des sources qui permettent d’en comprendre les formes pratiques, à savoir les notes, les offices et tous les actes qui relèvent de la correspondance entre le gouvernement et les ministres. Il faut s’habituer à l’usage des exemples, les comparer, y chercher des modèles. Bien que les exemples passés ne soient pas toujours applicables, ils « sont cependant le plus grand et le plus sûr de tous les moyens d’instruction. Les passions ont toujours été en lutte pour les mêmes objets, pour le même but, pour les mêmes intérêts ; elles ont toujours mis en jeu les mêmes ressorts »71. En lisant les correspondances, on s’exerce à la prudence, on mesure les obstacles, « on se forme ainsi une expérience pour ainsi dire théorique, qui, en nous instruisant par les erreurs d’autrui, nous préserve du malheur de nous éclairer par nos propres fautes » et Hauterive conclut : « l’étude de la politique, soit qu’on la considère comme science ou comme art, est donc une étude de faits et de formes ».
63On voit bien chez Hauterive la manifestation du glissement positiviste dans la manière d’envisager la « politique ». Science et art tout à la fois, elle peut, certes, être déduite de principes, mais elle n’est pas une « science morale » comme chez Mably et la plupart des philosophes des Lumières, elle est une science et un art qui découlent de faits positifs et de formes coutumières.
64Pour lire et analyser les documents, une méthode est donc indispensable, car les textes pris isolément n’ont pas d’intérêt. À la manière d’un enseignant du supérieur actuel qui doit expliquer la méthode du commentaire de document à des étudiants de première année, Hauterive rappelle que l’analyse doit séparer l’accessoire de l’essentiel, le faux du vrai, les jugements individuels pas toujours fondés, mettre en relation les données, etc. De même l’étude des sources doit toujours se rattacher aux lectures précédentes (mise en contexte). Alors que dans le Plan de conduite de 1786-1787, la bibliographie de base était pensée comme un préalable à l’étude, Hauterive insiste beaucoup plus sur le va-et-vient entre « sources » et « travaux » qui fait naître les réflexions du lecteur dans le processus d’analyse.
65L’objet de cette méthode est l’évolution historique des deux derniers siècles qui a suivi une « marche systématique, qu’on ne peut discerner et suivre qu’en remontant à des principes qui, dans les diverses époques, ont servi à établir la règle et la mesure d’après lesquelles ils ont été déterminés ». Ce sont ces principes qui doivent devenir des objets perpétuels de « méditation » de l’élève72, la théorie qui lie ces principes est le droit public.
66Hauterive le divise en deux catégories calquées sur les principes du code civil : le droit qui traite des personnes (en l’occurrence, les souverains dont le droit public détermine « les classes, les conditions, les dépendances, les prérogatives, les droits et leurs limites ») et des choses (en l’occurrence, les États « dont la propriété politique, comme toute propriété, a un caractère qui la constate, des modes qui la varient, des règles qui fixent tous les moyens consacrés de la transmettre »), viennent ensuite les « engagements », c’est-à-dire les traités et autres conventions qui lient les États. Le droit public selon Hauterive exclut les individus et les nations, puisque seuls les Souverains et les États en sont les sujets. Il en déduit que l’élève doit classer systématiquement ses réflexions et ses lectures dans les trois catégories des « choses politiques », des « personnes politiques » et des « intérêts politiques » : par l’étude des traités, l’élève apprendra la situation respective des États, par celle des notes et des offices, il connaîtra « les moyens d’atteindre le but général des négociations, qui est de faire cesser le fléau de la guerre », par l’étude de la correspondance, il se formera à l’art de mettre en œuvre « tous les moyens praticables de prévenir les mésintelligences, et de maintenir la paix, sans déroger aux droits, à l’honneur et à la dignité de [son] souverain73. »
67Après avoir défini l’objet de la méthode, Hauterive en explique la progression. Le but final étant la connaissance des causes et des résultats d’une paix conclue entre plusieurs puissances, le sujet de l’étude est donc la négociation entre les ministres des puissances qui y a conduit. Pour comprendre le contexte dans lequel les négociateurs ont évolué, il est nécessaire de remonter le temps pour comprendre ce qui a modifié les rapports entre les puissances et provoqué la guerre. Il faut ici lire les historiens qui ont raconté les événements menant à la guerre, et ceux de la guerre elle-même qui est toujours corrélée aux négociations. Les sources devront être lues de manière chronologique et l’élève devra en faire un extrait plus ou mois long selon l’intérêt du document, accompagné de réflexions et d’idées personnelles. Hauterive explique donc en quelque sorte comment réaliser une « fiche » de recherche. L’étude elle-même se divise en trois phases : comprendre le contexte antérieur au sujet traité, résumer le récit des causes de la guerre et des moyens de la paix, enfin mettre les matériaux en œuvre en se faisant historien soi-même par le biais d’un tableau ordonné, animé et raisonné des changements politiques : « Il y a ici un temps pour lire ; il y en a un pour extraire, pour comparer et classer ces extraits, pour chercher et saisir les chaînes des événements, pour lier les faits aux discussions, et celles-ci à leur résultat définitif74. »
68La fin de l’exposition de la méthode est consacrée à la définition des qualités du diplomate mises en relation avec les objets de son action. L’envoyé « observe en secret et surveille assidûment le gouvernement auprès duquel il réside », c’est pourquoi la qualité première est la vigilance et la connaissance des intérêts respectifs des puissances, en particulier – et Hauterive insiste sur ce point – les affaires commerciales. Deuxièmement, il « laisse apercevoir sa surveillance » de manière à ce que les ministres de la puissance recevante sachent qu’ils sont sous son regard, cet objet requiert d’abord de la prudence qui est – sans originalité – la deuxième qualité de l’envoyé. Celui-ci entre directement en rapport avec le gouvernement auprès duquel il est accrédité, c’est alors qu’il doit faire preuve de sagesse, car il est ici l’organe du souverain dont l’honneur ne peut être froissé. Enfin, après avoir reçu ses instructions, il les applique en adressant des réclamations ou en négociant. Ici, c’est simplement l’intelligence du moment qui est indispensable75.
69La structure de la bibliographie commentée qui forme la deuxième partie est elle aussi intéressante quand on la compare avec celle du Plan d’études de 1786-1787. Elle est divisée en trois sections : ouvrages théoriques et généraux sur le droit public, collections de mémoires d’anciens ministres ou ambassadeurs, ouvrages historiques, géographiques et d’économie politique.
70Dans la première section, Hauterive cite les ouvrages de Pufendorf, de Barbeyrac, de Wolff, de Vattel, de Burlamaqui, de Rayneval et de Wicquefort, ainsi que les textes sur la liberté de la mer de Galiani et Lampredi, mais l’auteur les juge tous très sévèrement : ils sont mal écrits, surchargés de digressions, vieillis, « hasardeux », contradictoires, « rempli de principes douteux », à l’exception du plus récent, celui de Rayneval76. Surtout, ces ouvrages sont dépassés « par les progrès qu’on a faits dans l’art de développer les principes et de simplifier les discussions dogmatiques », c’est-à-dire en réalité, les débats sur les rapports entre droit naturel et droit public, question centrale des textes de l’époque moderne.
71La liste des mémoires d’ambassadeurs ne recèle pas de surprises et l’on retrouve les « canoniques » Mémoires du cardinal d’Ossat, du président Jeannin, du comte de Sillery, de d’Avaux, de d’Estrades, du Cardinal du Perron, de Torcy, etc. De même, les recueils de documents, comme l’Histoire des traités de Westphalie de Bougeant, l’Histoire des traités de Saint-Prest, sont eux aussi de grands classiques, déjà recommandés avant la Révolution. Hauterive intègre ici les ouvrages « qui ont été faits pour donner des règles sur la manière de procéder en diplomatie » : il se contente de citer Pecquet et Callières. Les collections de traités et de documents comprennent là aussi leur lot « d’incontournables » avec Rousset de Missy par exemple, mais Hauterive conseille plutôt le Recueil des traités… de Martens et l’Abrégé de l’histoire des traités de Paix de Koch, plus récents et mieux conçus.
72Enfin, parmi les ouvrages utiles (mais pas indispensables) dans les « autres sciences » figurent la Géographie de Busching, des histoires générales des puissances, l’Histoire de Charles Quint de Robertson, l’Histoire de Léon X par Roscoe, etc. Hauterive recommande également l’utilisation de l’Histoire des Deux-Indes, malgré le fait qu’il s’agisse d’un « ouvrage où la raison, le bon sens et les bienséances sont sans cesse outragés », mais il « abonde en faits instructifs et en recherches utiles »77. Cette remarque est symptomatique du rejet ambigu de l’histoire militante des Lumières : les faits compilés peuvent être utilisés, mais pas les principes, considérés comme « sentant » la prérévolution. Encore plus révélatrice par rapport aux lectures conseillées dans le Plan d’études de 1786-1787, l’absence de Mably, totalement occulté, et, sans doute, trop « républicain » sous l’Empire. La « politique morale » des Lumières est alors bien passée de mode…
73Les Conseils à un élève sont-ils marqués par une forme de survivance de la littérature normative de l’Ancien Régime ? En partie, oui. La bibliographie, les remarques sur les qualités du bon négociateur, etc. auraient pu être écrites avant la Révolution. De même, la conception d’une formation avant tout fondée sur l’analyse des sources correspond à la manière dont on envisageait le cursus « sur le tas » des envoyés. Pourtant, l’insistance d’Hauterive sur le caractère systématique de la formation, son positivisme, son rejet du caractère premier du droit naturel est un indice du tournant « historiciste » de la pensée européenne en matière de droit public et de « politique ». Peut-on parler de tendance à la « professionnalisation » de la formation ? En partie seulement, car il s’agit encore de transmettre une méthode d’apprentissage accompagnée, plutôt que le contenu d’une science aux contours définis. Dans les Conseils, aucun « enseignant » au sens propre du terme n’intervient, mais des « instituteurs », dit le décret de l’an VIII, dont la fonction est d’orienter et de surveiller. Le Garde des Archives est plus un « directeur de recherche » qu’un enseignant. On retrouve la même orientation méthodologique dans les Conseils à un voyageur de 1827. Hauterive y donne même des modèles de fiches à remplir aux élèves. Les sous-rubriques extrêmement détaillées tentent de délimiter des champs indispensables à l’observation active de l’aspirant : pour chaque pays visité, il faudra s’enquérir de la division du territoire, de l’organisation du système administratif et du pouvoir public, de la « politique » (traités de paix, d’alliance, etc.), de la population, de l’armée de terre, de « l’armée de mer », du moral et courage (du soldat, des marins, des officiers, du bourgeois, dans le même tableau figure la sous-rubrique Prisons), des richesses territoriales, de l’agriculture, de l’industrie, du commerce (deux tableaux avec des sous-rubriques), des finances et enfin, de l’instruction publique. Le caractère systématique et segmenté du savoir à acquérir par l’observation est encore plus marqué dans le texte de 1827 que dans celui de 1811. L’aspirant en formation est désormais plus un statisticien qu’un « politique »…
74Cette tendance à une accentuation du caractère « positiviste » et « systématique » de la norme diplomatique se renforce dans les années suivantes, en particulier chez le comte Guillaume de Garden en 1833 et chez Karl von Martens, neveu et continuateur de Georg Friedrich78. Le premier utilise le terme – relativement – nouveau de « droit international »79 pour définir les sources des principes de la diplomatie80 :
75La Diplomatie, dans l’acception la plus étendue de cette dénomination, est la science des relations extérieures ou affaires étrangères des États ; dans un sens plus déterminé, c’est la science ou l’art de négocier. Elle embrasse le système entier des intérêts qui naissent des rapports établis entre les nations ; elle a pour objet leur sûreté, leur tranquillité, leur dignité respective, et son but direct, immédiat, est le maintien de la paix et de la bonne harmonie. Les principes de cette science ont leur source dans le droit international ou droit des gens positif, qui forme la loi commune des peuples européens ; ce droit présente l’ensemble des règles admises, reconnues, consacrées par la coutume ou par les conventions, et qui en fixent les droits et les devoirs.
76Cette définition exclut le rapport de la diplomatie et du droit public au droit naturel ou à une conception cosmopolitique du droit des gens. Pourtant Garden ne nie pas l’existence d’un droit naturel, mais il précise qu’il devrait plutôt s’appeler « rationnel et idéel » et renvoyé au champ de la spéculation et non de la politique81. En réalité Garden considère que « l’auteur de la nature n’a imposé à l’homme aucune loi, aucune obligation, hors celle de se conserver »82. Il récuse l’idée de la liberté comme droit naturel pour justifier l’existence de l’esclavage positif et défend l’idée de servitude volontaire comme conforme à la loi naturelle. De même, il rejette la liberté et l’égalité politiques comme application du droit naturel sur la base de l’expérience révolutionnaire83. Garden se place donc dans la tradition positive qui va de Moser à Martens. Il fait d’ailleurs l’apologie du premier, qui a eu « le mérite d’avoir soustrait le droit des gens aux vaines spéculations de certains philosophes »84 et d’avoir fondé l’ensemble de la science « sur les coutumes seules, dont il a soin de démontrer l’existence en remontant aux faits », tandis que le second a appliqué ces principes à l’ensemble des relations étrangères. C’est pourquoi Garden refuse l’idée qu’on puisse « déterminer des principes généraux » pour former un système de négociations : « assujettir l’art de négocier à des règles positives serait aussi absurde que de prétendre enseigner celui de se conduire dans la vie85. »
77Les ouvrages de Karl von Martens, le neveu de Georg Friedrich apparaissent en quelque sorte comme le point d’aboutissement de la tendance positiviste, technique et professionnelle qui se manifeste dans les textes diplomatiques normatifs des années 183086. Toutes les évolutions décrites précédemment y trouvent une forme achevée et quasi définitive sur laquelle la diplomatie « contemporaine » va prendre modèle pour achever le processus de professionnalisation et d’apparition du nouveau « diplomate ».
78L’édition du Guide diplomatique de 1837 est le fruit d’une sédimentation de textes normatifs depuis ceux d’Hauterive, repris et commenté par Karl von Martens et son éditeur87. L’ouvrage est imposant (deux tomes en trois volumes), mais c’est surtout son caractère systématique et pédagogique qui est intéressant ici. Le tome premier contient d’abord des Considérations générales sur l’étude de la diplomatie reprises d’Hauterive et complétées par huit chapitres généraux aux titres et à l’agencement plutôt classiques88. Mais là n’est pas l’essentiel, cette première partie est suivie d’une seconde intitulée Traité du style des compositions diplomatiques qui est un manuel systématique d’écriture et des formes des actes diplomatiques de tous types, de la lettre à son ministre de tutelle au faire-part à un ministre d’une autre puissance, en passant par les demandes de passeport ou sauf-conduit. Ce traité technique, et plus attaché aux formes des actes qu’aux buts des missions diplomatiques, est clairement adressé à un public différent de celui des Arts de négocier de l’Ancien Régime. Certes, il existait depuis les débuts de l’Ancien Régime de nombreux modèles et manuels de correspondance destinés aux affaires d’État, à celle des métiers, etc., décrivant les différents « styles » (de cour, de chancellerie, etc.) dont il fallait s’imprégner pour bien écrire. La relative nouveauté de l’ouvrage de Martens est qu’il présente en un seul ouvrage l’ensemble des types de documents nécessaires à l’exercice du « métier » de négociateur. Surtout, il s’agit ici d’un ouvrage public mais spécialisé. Le « bon ambassadeur » n’est plus un modèle social de « l’honnête homme », mais un « technicien » de la diplomatie. La séparation entre textes normatifs « internes » et ouvrages publics sur la « politique » est effacée. Les deux aspects sont ici réunis en un seul ouvrage s’adressant à de futurs diplomates issus du public et non plus seulement à des « bons sujets » choisis dans des familles triées sur le volet ou à des spécialistes déjà formés. Les textes normatifs prennent ici un caractère « administratif » (au sens actuel du terme) extrêmement marqué.
79Le caractère technique de l’ouvrage est accentué par la masse des annexes qui forment le volume 1 bis et le volume 2. Dans le premier, figurent d’anciens Arts de négocier donnés comme exemple ou pour mémoire : l’article « Négociation » de Felice, les Quelques conseils donnés à un voyageur d’Hauterive, etc. La bibliographie qui suit est la plus imposante et la plus méthodique de tous les ouvrages de ce type, elle ne comprend pas moins de vingt sections extrêmement détaillées89, et ressemble presque aux bibliographies d’agrégation d’Historiens et Géographes qui effraient tant les candidats !
80Sans entrer dans des détails qui alourdiraient exagérément cette contribution, remarquons que très peu d’ouvrages antérieurs au milieu du XVIIIe siècle figurent dans celle-ci. On y retrouve seulement les grands classiques du droit des gens du XVIIe siècle qui sont autant « d’incontournables » : Grotius, Pufendorf, Leibniz, Wicquefort, Callières, Dumont, Amelot de la Houssaye… Les traités et recueils du XVIIIe siècle sont plus présents : Rousset de Missy, Barbeyrac, Burlamaqui, Vattel, Moser, Bynkershoek, Martens, Lampredi pour le droit de la mer, Pecquet, Blackstone et de Lolme sur le droit anglais, Mably, le Dictionnaire Universel de Robinet… Mais presque toute la littérature juridique et politique antérieure à 1750 est absente en tant que telle et ne figure que sous la forme de résumés ou de compilations commentées réalisés par des auteurs de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, comme si cette littérature ancienne était simplement oubliée ou parfois « absorbée » et comme « recouverte » par les manuels postérieurs. En revanche, la section des « mémoires historiques » abonde en références anciennes, elles aussi devenues « classiques » : on y retrouve les mémoires des négociations du comte d’Avaux, de Bassompierre, etc., en bref, toute la galerie des négociateurs français modèles. La 18e section, celle qui recense les œuvres de théorie politique en général et d’économie politique est symptomatique : les seules œuvres antérieures à l’Esprit des Lois sont celles de Machiavel, et encore, il s’agit le plus souvent d’éditions commentées selon l’esprit du temps. Ainsi, le Guide diplomatique semble faire en quelque sorte table rase de la littérature antérieure au XVIIIe siècle. L’essentiel des références date des dernières décennies du XVIIIe siècle et surtout du début du XIXe siècle. La Révolution et l’Empire apparaissent donc comme des ruptures fondamentales, rendant en quelque sorte caduque la plus grande partie de la littérature diplomatique, à l’exception des mémoires d’ambassades.
81La bibliographie est accompagnée d’une cartographie au moins aussi impressionnante. Dans le tome II figurent les « sources », les exemples et les « modèles » formant le corpus des actes diplomatiques utiles au futur ministre. Ces documents sont classés en cinq sections90. Dans chacune d’entre elles, on trouve des exemples de documents historiques significatifs, mais aussi des modèles avec des espaces blancs à remplir, à la manière de documents administratifs imprimés actuels, contribuant à fixer un « style diplomatique » explicitement distingué du « style de chancellerie » et du « style de cour ». La multiplicité et la technicité des types de documents diplomatiques présentés ici sont remarquables, il ne s’agit plus seulement de recueil de traités et de conventions, comme on pouvait les trouver chez Mably ou chez le premier Martens, mais aussi de documents plus directement professionnels classés de manière analytique. Les « sources », les « instruments de travail », les « travaux historiques » sont répertoriés dans le même guide et forment désormais la base, sinon d’une science, du moins d’une discipline constituée et d’un savoir organisé selon l’idée centrale de la positivité du droit public.
Conclusion
82La période 1750-1830 peut être divisée en trois moments : les années 1750-1789 dans lesquelles le genre de l’Art de négocier s’efface des publications « politiques » publiques et se maintient sous la forme des synthèses encyclopédiques des ouvrages classiques, mais aussi dans le cadre d’une réflexion sur la formation interne à la diplomatie, tandis que les thèmes de la critique du machiavélisme de la diplomatie des rois gagnent du terrain parmi les hommes des Lumières. La Révolution française bouleverse non seulement les rapports de force entre les puissances européennes, mais aussi les normes de négociation entre la France et le reste de l’Europe, et donc la manière dont on pensait les qualités et la formation de ceux qui en étaient chargés. La diplomatie doit être mise en cohérence avec les nouvelles valeurs de la nation − patriotisme, intérêt national et commerce − et ses nouvelles missions. Certains souhaitent même sa disparition pure et simple.
83Après la prise de pouvoir de Bonaparte, le retour des hommes de l’Ancien Régime dans les bureaux marque la volonté d’une certaine continuité avec les normes de négociation de l’Ancien Régime, mais celui-ci a vécu et le « bon ambassadeur » doit désormais être formé selon une démarche plus méthodique pour devenir un « diplomate ». La tendance à une formation plus technique, plus tournée vers la connaissance des affaires pratiques de l’Europe, plus positiviste également, s’accentue sous la Restauration et dans les années 1830. Le moment de la « professionnalisation » proprement dite de la diplomatie − c’est-à-dire celui où sont créés des modes de recrutement, des concours, des enseignements, un cursus organisé, une hiérarchie administrative − n’est pas encore vraiment arrivé. La période 1800-1830 est plutôt marquée par la transition entre formes et normes anciennes et tentatives pour en concevoir de nouvelles dans un nouveau contexte politique. Elle est le moment où la diplomatie de l’Ancien régime est morte et où celle de l’époque contemporaine n’est pas tout à fait encore née. Le « bon ambassadeur » n’existe plus, le « technicien-diplomate » commence à apparaître…
Notes de bas de page
1 Dans A. Ruiz, Aux origines de la diplomatie contemporaine : de l’ambassadeur improvisé à la formation du spécialiste (d’après un manuel inédit de la fin de l’Ancien Régime, dans Revue d’Histoire Diplomatique, 87, 1973, p. 38‑95.
2 Sur la période 1750-1802, je me permets de renvoyer à mes ouvrages Fraternité Universelle et Intérêt National, 1713-1795. Les cosmopolitiques du droit des gens, Paris, 1998 et Repenser l’ordre européen 1795-1802. De la société des rois aux droits des nations, Paris, 2006.
3 E. Hobsbawm et T. Ranger (éd.), The Invention of Tradition, Cambridge, 1983.
4 La Bruyère, Les Caractères, Paris, 1975, chapitre X « Du souverain ». Repris dans l’article « Négociateur » de l’Encyclopédie, XI, p. 75.
5 M. Belissa, La diplomatie et les traités dans la pensée des Lumières : négociation universelle ou école du mensonge ?, dans Revue d’Histoire Diplomatique, 113, 1999, 3, p. 291-317.
6 La Bruyère, Les caractères, cit. n. 4, p. 214.
7 D. Diderot, Mélanges pour Catherine II , dans Œuvres politiques, Paris, 1995, p. 344.
8 J. de Guibert, Essai général de tactique (1772), Paris, 1977, p. 53.
9 J. P. Marat, Les Aventures du jeune comte Potowski, Paris, 1989, p. 139.
10 P.-H. T., baron d’Holbach, La politique naturelle, Œuvres philosophiques, III, Paris, p. 545 et 552.
11 E. de Vattel, Le Droit des gens ou principes de la loi naturelle, appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Leyde, 1758, livre I, chapitre XV.
12 Encyclopédie, Stuttgart, 1967 (reprint), II, article « Cérémonial » , p. 838.
13 Encyclopédie méthodique : économie politique et diplomatique, Paris, 1784-1786, I, p. 137.
14 J. J. Rousseau, Écrits sur l’abbé de Saint-Pierre, dans Œuvres complètes, Paris, 1964 (Bibliothèque de la Pléiade, 169), III, p. 574.
15 C. S. de Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, Paris, 1968, p. 26, 61-62.
16 C. Ramsay, Mably’s workshop and Le droit public de l’Europe dans F. Gauthier et F. Mazzanti Pepe (dir.), La politique comme science morale. I, Bari, 1995.
17 G. B. de Mably, Principes des Négociations pour servir d’introduction au Droit public de l’Europe, éd. M. Belissa, Paris, 2001.
18 Ibid., p. 50-51.
19 Ibid., 157-158.
20 F. B. de Felice, Négociation, Paris-Cergy, 2003, 54 p., (extrait du vol. 30 de l’Encyclopédie d’Yverdon, p. 176-196). Cet article est attribué par Jean-Baptiste Robinet à Albrecht von Haller. En 1833, Guillaume de Garden reprend l’attribution, mais Karl Friedrich von Martens et son éditeur Hoffmanns le tancent pour cette fausse attribution.
21 Ibid., p. 5.
22 Ibid., p. 19.
23 Ibid., p. 33.
24 Ibid., p. 44.
25 Ibid., p. 51.
26 J. -B. Robinet, Dictionnaire Universel des sciences morale, économique, politique et diplomatique, Paris, 1777-1783.
27 Ibid., XXV, p. 437-487.
28 Le Journal général de l’Europe, 1788, Discours préliminaire, p. 14-15.
29 A. Ruiz, Aux origines..., cit. n. 1, p. 50.
30 F. Gauthier, F. Mazzanti Pepe (dir.), La politique comme science morale, Bari, 1995-1997.
31 E. de Vattel, Le droit des gens…, cit. 11, J. J. Burlamaqui, Principes du droit de la nature et des gens, Paris, 1821, 2 vol.
32 H. Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, Caen, 1984, (reprint de l’éd. Barbeyrac, 1724). S. Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, Caen, 1984, (reprint de la trad. de Barbeyrac, 1706), C. Wolff, Principes du droit de la nature et des gens : Extraits de l’ouvrage latin de M. Wolff, Amsterdam, 1758. La lecture de Vattel, disciple proclamé de Wolff, était censée rendre inutile la lecture de l’ouvrage en latin du philosophe allemand.
33 A. Ruiz, Aux origines..., cit. n. 1, p. 84.
34 Pfeffel et Rayneval étaient commis du ministère des Affaires étrangères.
35 A. Ruiz, Aux origines..., cit. n. 1, p. 96.
36 Ibid., p. 93.
37 G. B. de Mably, Principes des Négociations..., cit. n. 17, p. 55-62.
38 A. Ruiz, Aux origines..., cit. n. 1, p. 94.
39 Moniteur, IV, n° 141, 21 mai 1790, p. 411-412.
40 Ibid., IV, n° 142, p. 424.
41 Le Patriote français, II, n° 157, 27 janvier 1790.
42 Ibid., II, n° 185, 9 février 1790, p. 3.
43 Junius Français, n° 7 dans J. P. Marat, Œuvres politiques, éd. J. de Cock et C. Goetz, Bruxelles, III, 1993, p. 859.
44 Ibid., p. 860.
45 Moniteur, VII, n° 82, p. 689.
46 Les Révolutions de Paris, VIII, n° 92, p. 21-24.
47 M. Robespierre, Œuvres, Paris, 2000, VII, p. 227-228.
48 Archives Parlementaires, XXXVII, p. 540.
49 Ibid., p. 541.
50 C. F. Dumouriez, Mémoire sur le ministère des Affaires étrangères, Paris, 1791.
51 Voir la séance du 30 septembre dans A. Aulard, La société des Jacobins, IV, Paris, 1892, p. 347-350 (interventions de Boisset, Boursault et Jeanbon Saint André).
52 D’après Masson et Mathiez, Ducher était l’un des secrétaires de Barère (F. Masson, Le département des Affaires étrangères pendant la Révolution, 1787-1804, Paris, 1877, p. 240 et A. Mathiez, La Révolution française, Paris, 1985 [1922], III, p. 49). Il aurait joué auprès de lui le rôle d’un conseiller en matière de commerce.
53 Sur Ducher, voir F. L. Nussbaum, Commercial Policy in the French Revolution, a Study of the Carreer of G. J. A. Ducher, New York, 1970, A. Potofski, The Transatlantic Political Economy : French Interests and the Debate Over the US Debt 1777-1795, dans Transatlantica, 2, 2002 (en ligne : http://transatlantica.revues.org/474).
54 Moniteur, XIV, 20 octobre 1792, p 243.
55 F. Masson, Le département des affaires étrangères…, cit. n. 52, p. 340. Voir également V. Martin, La Diplomatie en Révolution. Structures, agents, pratiques et renseignements politiques. L’exemple des diplomates français en Italie (1789-1796), Paris I Sorbonne, sous la direction de J. C. Martin, 2011, 3 vol. , chap. VIII, p. 253-261.
56 M. Reinhard, Les aspirations de la bourgeoisie française à l’hégémonie, dans Mélanges Pierre Renouvin, Paris, 1966, p. 83-95. Voir aussi V. Martin, La Diplomatie en Révolution…, cit. n. 53, chap. VIII, p. 225-231.
57 F. Masson, Le département des Affaires étrangères…, cit. n. 52, p. 339 et suivantes.
58 V. Martin, La Diplomatie en Révolution…, cit. n. 53, chap. IX, p. 264-403.
59 Ibid., introduction, p. 14-23.
60 Georg Friecrich von Martens (1756-1821) devient professeur à Göttingen en 1783, il est annobli en 1789 et devient conseiller d’État de l’électeur de Hanovre en 1808, puis membre du Conseil d’État du Royaume de Westphalie en 1810. En 1814, il entre au service du roi de Hanovre, puis finit sa carrière comme délégué de ce souverain à la diète de Francfort à partir de 1816. Ses ouvrages les plus célèbres sont ses recueils de documents diplomatiques et avant tout son Recueil des traités… depuis 1761 dont les sept premiers volumes sont publiés entre 1791 et 1801, suivis par d’autres éditions sous le titre Nouveau Recueil… jusqu’en 1808 en 16 volumes, Göttingen, 1817-1842 (quatre nouveaux volumes édités par son neveu Karl von Martens, les quatre suivants par F. Saalfeld et les six suivants par F. Murhard). Un Nouveau supplément en trois volumes est publié par le même Murhard à Göttingen, 1839-1842. Trois autres Nouveaux recueils… prennent la suite : le premier en 20 volumes, Gottingen, 1843-1875, une deuxième série (volumes 21 à 35) à Leipzig entre 1897 et 1908, le troisième (Continuation…) publié à Kiel en 1909. Ses deux autres ouvrages les plus célèbres sont le Précis du droit des gens modernes de l’Europe (1e éd. 1789, 2e éd. 1796, 3e éd., 1821 ; puis deux nouvelles éditions après sa mort en 1858 et 1864) et son Cours diplomatique ou tableau des relations des puissances de l’Europe, 3 vol. , Berlin, 1801. Sur Martens, R. Figge, Georg Friedrich von Martens : sein Leben und seine Werke. Ein Beitrag zur Geschichte der Völkerrechtswissenschaft, Breslau, 1914.
61 Voir M. Belissa, Repenser l’ordre européen…, cit. n. 2, p. 386-387.
62 Cité par A. Ruiz, cit. n. 1, p. 50.
63 Conseils à un élève du Ministère des Relations Extérieures, dans Revue d’Histoire Diplomatique, 15, 1901, p. 162-224. Conseils à un attaché publiés par K. von Martens, dans Guide diplomatique ou Traité des droits, immunités et des devoirs des ministres publics, des agens diplomatiques et consulaires, précédé de Considérations générales sur l’étude de la diplomatie suivi d’unTraité du style des compositions diplomatiques, d’une bibliographie diplomatique choisie et d’un catalogue systématique de cartes de géographie ancienne et moderne rédigé par C. Picquet, nouvelle édition de M. de Hoffmanns, Paris, 1837, Ibis, p. 393-452, sous le titre Quelques conseils à un jeune voyageur. Un troisième texte intitulé Conseil à des surnuméraires est indiqué par K. von Martens. Un Projet d’instruction pour les auditeurs attachés au ministère de 1810 est repris dans le texte de 1811.
64 A. Meninger, D’Hauterive et la formation des diplomates, dans Revue d’Histoire diplomatique, 89, 1975, p. 25-69.
65 Ibid., p. 32.
66 Ibid., p. 48.
67 Ibid., p. 52.
68 Ibid., p. 55.
69 Conseils…, cit. n. 63, p. 163.
70 Ibid., p. 165.
71 Ibid., p. 166.
72 Ibid., p. 169.
73 Ibid., p. 172.
74 Ibid., p. 179.
75 Ibid., p. 210.
76 G. de Rayneval, Institutions du droit naturel et des gens, Paris, 1803.
77 Conseils…, cit. n. 63, p. 222.
78 G. de Garden, Traité complet de diplomatie ou Théorie générale des relations extérieures des puissances de l’Europe, Paris, 1833, 3 vol.
79 L’expression est inventée par Jeremy Bentham en 1789, mais elle n’est presque pas utilisée en France avant les années 1830.
80 Terme dont Garden considère qu’il est devenu plus usité dès le ministère de Vergennes. Il semble donc que l’idée que Linguet et/ou Robespierre en sont les premiers utilisateurs doit être remise en cause.
81 G. de Garden, Traité complet de diplomatie …, cit. n. 78, I, p. 24.
82 Ibid., I, p. 141.
83 Ibid., I, p. 136.
84 Ibid., II, p. 62.
85 Ibid., II, p 100.
86 La « technicité » des textes normatifs n’est évidemment une nouveauté, elle est déjà présente notamment dans la diplomatie vénitienne, mais elle prend de nouvelles formes au début du XIXe siècle.
87 Une première édition paraît en 1823 sous le titre de Manuel diplomatique, puis une deuxième augmentée et modifiée, enfin la troisième en 1837 devient la référence sous le titre de Guide diplomatique.
88 « Du ministère des Affaires étrangères et de son chef, Des ministres publics et des missions diplomatiques en général, De la classification ou des diverses classes des envoyés diplomatiques, De l’envoi des employés diplomatiques et de l’établissement de leur caractère public, Des droits et des prérogatives dont jouissent les envoyés diplomatiques, Du cérémonial d’ambassade, De la suite du ministre, Des devoirs et des fonctions de l’agent diplomatique, De la fin des missions diplomatiques, Des consuls, Du cérémonial et de la préséance. »
89 « Du droit de la nature et des gens en général, Traités didactiques et systématiques sur le droit de la nature et des gens, Droit des gens maritime, Sur les droits, les privilèges et les fonctions des envoyés et des ministres publics en général, Droit public universel, Traités publics, Recueil d’Actes publics et d’offices diplomatiques, Collections d’ouvrages sur divers sujets, Monographies ou dissertations et brochures, Déduction et consultations de jurisconsultes, Ouvrages lexicographiques, Ouvrages relatifs à l’histoire et à l’interprétation des Traités publics, Mémoires historiques (particulièrement relatifs aux négociations), Histoire militaire de l’Europe (depuis la Révolution française), Histoire ancienne et moderne, Chronologie et généalogie, Géographie et statistique, Politique positive, politique spéculative et économie politique, Recueil périodiques, Linguistique. »
90 « 1. Déclarations, manifestes et proclamations, exposés de motifs de conduite, Mémoires de cour, Actes d’abdication et de renonciation, Actes d’accession et d’acceptation, traités et conventions ; 2. Notes, mémoires ministériels, déclarations ministérielles, protocoles et procès-verbaux, votes et opinions, rapports, lettres ministérielles concernant les négociations, lettres ministérielles adressées aux souverains, discours d’audience et de congé, offices et communications diplomatiques, lettres de faire-part, demande d’audience, de passeports et autres, lettres pour prendre congé, protestations, notes et lettres d’envoi ; 3. Instructions, pleins pouvoirs, lettre de créance, lettres de rappel ; 4. Lettres de souverains à souverains : faire-part, félicitations, condoléances ; 5. Compositions mixtes et chiffre. »
Auteur
Université Paris-Ouest - mbelissa@club-internet.fr
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