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Chapitre 5. Castiglione

p. 97-109


Texte intégral

1Après les villages fortifiés de Montagliano et d’Offiano et le hameau de la villa de Sant’Agnese, le château de Castiglione a fait l’objet de sept campagnes de fouilles entre 1994 et 2000. Deux raisons ont dicté le choix de ce quatrième et dernier site pour compléter l’enquête réalisée dans la moyenne vallée du Turano. Le dossier documentaire, pour maigre qu’il soit, et la campagne de prospection effectuée dans la vallée en 1992 montrent que le castellum quod dicitur Castellione voisin de Montagliano et d’Offiano, attesté au xie siècle, n’a jamais regroupé l’habitat dispersé à l’entour pour constituer un village fortifié pas plus qu’un village ouvert1. Pour compléter l’analyse du territoire retenu, il a paru ainsi intéressant d’enrichir la typologie des établissements étudiés par l’examen de ce qui apparaissait à l’abord comme une tentative d’« incastellamento » avortée. L’enquête archéologique, commencée en 1994 et encore en cours au moment où nous écrivons ces pages, montre en effet que le site de Castiglione relève d’une tout autre catégorie qui est celle des châteaux isolés, sans rapport immédiat avec l’habitat environnant. La qualité du mobilier recueilli lors de la première campagne de sondages fouillés durant l’été 1994 tout autant que l’intérêt du site ont conduit à entreprendre la fouille intégrale du château2. La publication finale des résultats de ce travail et du mobilier archéologique que caractérise notamment la présence de nombreux fragments d’enduits peints fera l’objet d’un prochain volume de cette série. Il était cependant inconcevable de ne pas intégrer les premiers résultats de l’enquête sur Castiglione dans cet ouvrage sur la dynamique du peuplement dans cette région de la vallée du Turano. Aussi proposerons-nous dans ce chapitre quelques résultats préliminaires de la fouille du château de Castiglione, nous permettant de renvoyer le lecteur à la publication finale.

I – LOCALISATION ET DESCRIPTION DU SITE

2Le castellum quod dicitur Castellione est mentionné à plusieurs reprises dans le courant du xie siècle. Plusieurs actes contemporains permettent de localiser son emplacement que confirment quelques cartes du xviie siècle. Situé in loco qui dicitur Ophiano, il est énuméré avec Petescia (aujourd’hui Turania), Montorio et Petra Gallia parmi les confins du castellum vetulum de Ophiano en 10943. Perché sur un mons, il était localisé à proximité du Turano et de deux rivières, le rivus qui dicitur de Angri et un rivus qui decurrit sub ipso castello qui dicitur Castellione4. Trois cartes dessinées au xviie siècle et conservées dans le fonds des archives Borghese aux Archives du Vatican permettent de localiser avec précision le site de Castiglione. Au pied et à l’ouest du mont San Giovanni, le château avait été érigé sur une colline située au nord de Montagliano, entre le « rivo di Riangoli » et le « fosso della Mazzamola ». Une des trois cartes qui mentionne « San Giovanni de Montigliano, vuol dire de Castiglione » atteste le remplacement d’un nom par l’autre, après que les sites eurent été désertés5 (pl. I et II). Ces indications permettent de localiser Castiglione à l’emplacement où la carte au 1 : 25 000 porte le nom de Montagliano6 (carte 5, p. 7).

3La campagne de prospection effectuée en 1992 avait permis de reconnaître le site. La première opération consistait à identifier l’ensemble des structures apparentes avant l’ouverture de secteurs de fouilles. La colline, que domine à l’est le mont S. Giovanni (1021 m), présente au sommet les vestiges d’un bâtiment rectangulaire de dimensions réduites (pl. XXXIII). Orienté nord-est/sud-ouest, un édifice d’environ vingt-cinq mètres de long pour une dizaine de mètres de large et composé de trois éléments a ainsi été reconnu et relevé en plan. L’examen des points de contact des murs entre eux a permis d’établir la chronologie relative des étapes de la construction du château. Le castellum de Castiglione a été ainsi bâti selon trois phases successives : un premier édifice rectangulaire d’environ soixante mètres carrés (A, secteur 5000 : 6,5 × 10 m) a été inséré dans un bâtiment plus grand comprenant à l’ouest un autre corps de logis de cinquante mètres carrés environ (B, secteurs 3000 et 4000 : 5,50 × 9,50 m) séparé du bâtiment originel par un espace qui pouvait être une cour (C, secteur 1000 : 8,50 × 11 m) ; dans un troisième temps, la partie centrale du château était fermée au nord par la construction du mur M12 (fig. 24, p. 104).

4Aucun autre vestige de construction n’est visible sur le reste de la colline où on n’a pu observer à ce jour de concentrations de moellons, de tuiles ou de tessons de céramique qui laisseraient supposer l’existence de restes archéologiques enfouis.

II – LES RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES DE L’ENQUÊTE ARCHÉOLOGIQUE

5De manière identique aux trois sites examinés précédemment, l’intervention archéologique avait à l’origine pour buts principaux de mettre en évidence une éventuelle phase d’occupation antérieure aux structures maçonnées reconnues sur le site, d’étudier dans leurs grandes lignes les principales phases de développement du castellum et de préciser les modalités de son abandon. Lors de la première campagne, plusieurs sondages ont été ainsi fouillés dans chaque partie du castellum afin de déterminer leur datation relative et, autant que possible, leur fonction. Le projet initial a été modifié, on l’a vu, compte tenu de l’intérêt du mobilier recueilli durant la première campagne et de la singularité du site. Depuis 1994, la poursuite de l’enquête a permis de fouiller intégralement à ce jour les deux corps de bâtiment qui encadrent la cour centrale, dont la fouille est en voie d’achèvement à l’heure actuelle. Sur la base des données à notre disposition pour le moment, il est aujourd’hui permis d’établir la succession des étapes principales de l’histoire de Castiglione, dans leurs grandes lignes tout au moins. Nous les résumons ici, renvoyant le lecteur à un fascicule prochain de la série pour leur publication intégrale.

A) La première occupation de la colline (Castiglione 1)

6La fouille du sondage I implanté dans la partie centrale du castellum en 1994 et celle du corps de bâtiment oriental (secteur 5000) ont mis en évidence l’existence d’une première phase d’occupation, caractérisée par une quinzaine de trous de poteau creusés dans la roche et antérieure à la construction des murs les plus anciens du site (murs M1-M4). Dans l’état des recherches, il est impossible de reconnaître le nombre ni le plan des constructions en bois dont les trous de poteau permettaient de fixer l’armature7 (pl. XXXIV). L’achèvement de la fouille de la cour centrale (secteur 1000) devrait permettre de répondre en partie à cette question. On observera cependant que l’occupation en bois ne couvrait pas le sommet de la colline dans sa totalité puisqu’aucun vestige d’un établissement antérieur à l’édification des structures maçonnées n’a été mis au jour dans les secteurs 3000 et 4000 fouillés intégralement. Aucune trace des sols de l’occupation contemporaine des constructions en bois n’a été retrouvée, l’ensemble ayant disparu totalement lors du chantier de construction qui a suivi. On notera également l’absence de mobilier relatif à cette première phase d’occupation de la colline, à l’exception toutefois de présence résiduelle dans la stratigraphie fouillée à ce jour de quelques tessons de céramique à « vetrina pesante » dont certains exemplaires de Forum Ware datant probablement du ixe siècle8.

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Fig. 22 – Le château de Castiglione : relevé général.

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Fig. 23 – Le château de Castiglione : plan.

7Si les éléments manquent encore pour dater avec précision la première occupation de la colline, on a pu observer toutefois qu’elle a perduré jusqu’à l’ouverture du chantier de construction du premier édifice maçonné. Il en résulte par conséquent qu’il n’y eut pas de solution de continuité entre les deux occupations successives et que les poteaux et les piquets ont été enlevés pour laisser la place à la nouvelle construction maçonnée. L’achèvement de la fouille dans la cour centrale (secteur 1000) fournira sans aucun doute de nouveaux éléments sur cette phase certainement antérieure à l’édification des premières structures en pierres jointoyées au mortier de chaux du château.

B) Le premier édifice maçonné (Castiglione 2)

8Après le démontage des constructions en bois, le substrat rocheux a été mis au jour sur la totalité de l’aire à bâtir. Sa superficie, irrégulière, a été nivelée par l’arasement des aspérités de la roche dont le résidu a servi à combler les trous de poteau des édifices antérieurs et les anfractuosités naturelles ainsi qu’à porter à un niveau à.peu près horizontal les parties périphériques de l’aire à bâtir où le pendage s’accentuait. Les rares fragments de céramique trouvés dans ce niveau peuvent provenir de l’occupation précédente. Des poteaux d’échafaudage ont été alors installés dans les angles intérieurs du futur bâtiment tandis qu’une tranchée était creusée dans le remblai nivelant le sol pour la fondation des murs. Les murs M1, M2, M3 et M4 furent ensuite bâtis, leur parement interne enduit de manière grossière au-dessus de la semelle de fondation. La maçonnerie originelle des murs, en partie détruits et restaurés au cours des phases ultérieures de l’édifice, appartient au type défini comme « polygonal », le plus ancien dans l’évolution des structures maçonnées médiévales en Sabine9. Il convient de la rapprocher des murs du noyau originel du château des fils d’Odelricus à Sant’Agnese vraisemblablement contemporain. L’édifice ainsi délimité (dim. ext. : 6,50 m × 10 m ; dim. int. : 5 m × 8,50 m) présentait une ouverture au rez-de-chaussée ménagée dans le mur M4 à l’ouest et bouchée à une période postérieure. Dès l’origine, l’édifice comprenait un étage, dont le sol, formé d’une épaisse couche d’argile sans doute carrelée, était soutenu par trois poteaux alignés au centre du bâtiment et dans sa longueur et par deux autres poteaux installés aux angles des murs M1-M4 et M3-M4 (pl. XXXV).

9Dans l’attente de l’étude complète du mobilier céramique et des analyses au radiocarbone, nous ne pouvons guère dater la construction du château originel que de manière approximative aux xe-xie siècles, l’hypothèse d’une datation relativement haute dans cette fourchette chronologique devant probablement être retenue.

C) Construction et aménagements du corps de bâtiment occidental (Castiglione 3 et 4)

10Dans un deuxième temps, on l’a vu, le château a été agrandi par la construction d’un nouveau corps de bâtiment (B ; dim. ext. : 5,50 m × 9,50 m ; dim. int. : 4 m × 8 m) relié au précédent par le mur M5 qui fermait au sud un espace intermédiaire à ciel ouvert (C ; longueur 11 m). La fouille et l’étude des maçonneries du bâtiment B ont mis en évidence les phases successives de construction et d’aménagement de cette aile du château puis des destructions, suivies de restaurations plus ou moins importantes, qui l’ont affectée par la suite. On les résumera ici, sans entrer dans le détail des observations que nous réservons à la publication finale de la fouille.

11La construction originelle du corps de bâtiment occidental délimité par les murs M6, M7, M8 et M9 est représentée par les parties inférieures des murs M6 et M7, chaînés entre eux à la base (pl. XXXVI). Le mur M9, qui appartient à la même phase, a cependant été construit dans un second temps, dans la mesure où il semble s’appuyer contre le mur M6 ; l’observation devra cependant être vérifiée lorsque la fouille complète du secteur central (C) aura été portée à terme. Quant au mur M8 qui ferme au nord-ouest la structure, il appartient dans son état actuel à une restauration postérieure.

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Fig. 24 – Le château de Castiglione : les trois phases de construction.

Pl. XXXIII

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a) Le site de Castiglione ; au fond le mont Cervia (EFR SA 1129).

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b) Le site de Castiglione (EFR SA 1133).

Pl. XXXIV

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a) Castiglione : trous de poteau de l’occupation antérieure au château de l’an mil, sondage I (EFR SA 824).

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b) Castiglione : trous de poteau de l’occupation antérieure au château de l’an mil, aire 5000 (EFR SA 1033).

Pl. XXXV

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a) Castiglione : le château de l’an mil, aire 5000 (EFR SA 1010).

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b) Castiglione : le château de l’an mil ; au centre, trou d’un pilier de soutènement du sol du premier étage, aire 5000 (EFR SA 1012).

Pl. XXXVI

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a) Castiglione : vue générale du château, xie-xiie siècle (EFR SA 1017).

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b) Castiglione : le corps de bâtiment occidental, xie siècle ; Collalto au fond à gauche et la colline de Montagliano au centre (EFR SA 939).

Pl. XXXVII

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a) Castiglione : le corps de bâtiment occidental, le mur M7 et la restauration des parties supérieures (EFR SA 929).

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b) Castiglione : le corps de bâtiment occidental, pilier de soutènement du mur M6 (EFR SA 899).

Pl. XXXVIII

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a) Castiglione : fragments d’enduits peints dans un niveau de destruction de la chapelle (EFR SA 770).

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b) Castiglione : la deuxième citerne (EFR SA 776).

Pl. XXXIX

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a) Castiglione : traces de la démolition de la deuxième citerne (EFR SA 887).

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b) Castiglione : la citerne avec les traces de destruction des deux cuves successives (EFR SA 907).

Pl. XL

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a) Castiglione : la cour centrale du château, niveau d’incendie de la première moitié du xiie siècle, aire 1000 (EFR SA 945).

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b) Castiglione : cour du château, mur M12, fin XIe-début xiie siècle, aire 1000 (EFR SA 789).

12Les maçonneries de cette première phase sont caractérisées par l’utilisation de moellons calcaires de grandes dimensions et à peine dégrossis. Leur mise en œuvre, irrégulière, a employé un mortier résistant où la chaux est abondante et les sables, gravillons et graviers peu fréquents, l’agrégat étant constitué pour l’essentiel d’éclats de roche (mur M6, U.S.M. 1 du mur M7 ; pl. XXXVIIa). Le mortier du mur M9 est légèrement différent : plus friable et de couleur plus jaune que le précédent, il contient également moins de chaux, plus de sables et de gravillons, confirmant ainsi le décalage, sans doute peu important, qui a séparé sa construction de l’édification des autres murs délimitant ce corps du bâtiment.

13La céramique trouvée dans les niveaux de la première occupation de ce secteur, caractérisée par un niveau de terre battue, permet de dater en première approximation la construction de cette aile du bâtiment du xie siècle.

14Une deuxième sous-phase est définie par la construction d’une citerne qui occupe au rez-de-chaussée le quart nord de ce corps de bâtiment (murs M7, M8, M10 et M11) et par l’aménagement au premier étage d’une salle décorée à fresques, totalement démolie par la suite.

15La construction originelle de la citerne a pu être observée sur le parement sud-est du mur M10, les parements internes des murs de la cuve étant encore couverts de leur enduit hydraulique (fig. 25, p. 108). Le mur M10 s’appuie effectivement aux murs M7 et M9, auxquels il est par conséquent postérieur. La construction originelle est conservée dans la partie inférieure du mur sur une hauteur de plus d’un mètre (M10/U.S.M. 1). La maçonnerie de cette deuxième phase est caractérisée par l’emploi de moellons calcaires de dimensions homogènes et petites, par des lits de pose assez réguliers et par l’utilisation d’un mortier de chaux assez semblable à celui du mur M7/U.S.M. 1 mais plus granuleux.

16L’aménagement et la décoration à fresques de la salle supérieure sont documentés uniquement par les niveaux de sa destruction trouvés au rez-de-chaussée du corps de bâtiment et particulièrement riches en fragments d’enduits peints, en morceaux de marbre sculpté et en verres de lampe et d’ampoule (pl. XXXVIIIa). La qualité du mobilier permet sans doute d’identifier cette salle supérieure, totalement démolie à plusieurs reprises par la suite, à la chapelle du château.

17Durant cette phase et pour autant que l’état de la recherche permette d’avancer quelques hypothèses, la cour était le lieu d’activités intenses où se succédaient rapidement niveaux de chantier et occupations artisanales dont témoignent en particulier des vestiges de moulins.

D) Destructions, restaurations et abandon du château (Castiglione 5-13)

18Peu de temps sans doute après son agrandissement et sa décoration, le château de Castiglione a été détruit en grande partie. Dans le corps de bâtiment oriental, un incendie a provoqué la chute du sol du premier étage et, sans doute, celle des parties hautes des murs et de la toiture. Dans l’aile occidentale, la chapelle et la citerne furent également démolies dans leur quasi totalité : le mur nord-ouest de l’édifice fut démantelé, les parties hautes des autres murs mises à bas et le premier étage décoré à fresque détruit. De très nombreux fragments d’enduits peints ont été trouvés en effet dans les niveaux de la destruction. De la même manière, la fouille a montré que la citerne avait été l’objet d’une destruction violente à la même époque (Castiglione 5).

19Le château a été restauré peu après cette destruction intentionnelle (Castiglione 6). Les murs en partie détruits du bâtiment oriental furent reconstruits mais l’édifice ne devait plus comporter d’étage, semble-t-il ; au reste les niveaux de gravats résultant de la destruction ne furent pas déblayés, l’occupation successive se contentant de s’installer au-dessus. Dans le corps occidental, la citerne fut réaménagée : les murs nord (mur M8) et sud (M10) furent reconstruits, complètement pour le premier, en partie pour le second moins endommagé, avec des pierres de dimensions hétérogènes et souvent importantes maçonnées à l’aide d’un mortier pauvre en chaux et riche en sables, et par conséquent très friable ; après avoir été recreusé dans la roche, puis remblayé en partie avec des matériaux provenant des niveaux de destruction accumulés dans la pièce voisine, le fond de la nouvelle citerne fut ensuite aménagé par la préparation d’un radier et la cuve revêtue d’un nouveau mortier hydraulique (pl. XXXVIIIb). Dans le même temps, la pièce voisine était également restaurée : un contrefort fut construit contre le mur M6 et les murs M7 et M10 surélevés (pl. XXXVIIb). A l’étage, la chapelle, qui n’avait pas été entièrement détruite, fut peut-être restaurée à son tour et il n’est pas exclu qu’une nouvelle décoration à fresques ait été entreprise.

20Le château fut détruit une nouvelle fois après cette restauration importante et l’occupation qui suivit. Le bâtiment oriental fut encore incendié tandis que la chapelle et la citerne furent démolies à nouveau (Castiglione 7 ; pl. XXXIX). Dans l’aile orientale, l’épaisse couche de démolition n’a pas été enlevée mais bloquée par du mortier pour en assurer la solidité ; un petit pilier de soutènement a été adossé contre le mur M3 particulièrement endommagé, la porte aménagée dans le mur M4 a été murée tandis qu’un nouvel accès était ouvert dans le mur M1. Dans le corps de bâtiment occidental, les pierres qui provenaient de la démolition des murs et qui constituaient les niveaux de l’éboulis correspondant ont été ensuite récupérées pour être réutilisées dans d’autres secteurs du site, et en particulier pour la construction du mur M12 qui ferma au nord la cour centrale du château (pl. XL). Une ultime restauration a été entreprise dans le bâtiment B où les murs M6 et M7 ont été recouverts en partie d’enduit. La maçonnerie est alors caractérisée par l’utilisation très abondante d’un mortier résistant dans lequel ont été noyés les moellons calcaires de dimensions irrégulières et souvent importantes (Castiglione 8 et 9).

21L’occupation qui a suivi cette nouvelle restauration du château fut sans doute de courte durée et à nouveau interrompue par une destruction, observée dans les trois secteurs (Castiglione 10). Dans la partie centrale, l’espace occupé fut réduit et délimité au nord et à l’ouest par des solins de pierre rudimentaires qui devaient soutenir des parois en bois ; dans le bâtiment oriental, l’épais niveau d’éboulis qui remplissait la pièce fut consolidé par un lit de mortier (Castiglione 11).

22La fouille a mis en évidence l’ultime occupation, rudimentaire, du château, alors que la partie occidentale était déjà peut-être abandonnée, et sa destruction à une date qui précède la diffusion dans la région des céramiques à « vetrina verde », à « vetrina laziale » et des majoliques archaïques des xiiie et xive siècles. Les pièces encore occupées du château furent détruites par un incendie (Castiglione 12 ; pl. XLa) qui a provoqué son abandon définitif suivi par le lent éboulis des murs encore en place (Castiglione 13).

23Des échantillons de charbons de bois provenant de l’ultime incendie du château (US 1002) ont été analysés par le Centre de datation par le radiocarbone de l’Université Claude Bernard – Lyon 1. Après correction dendrochronologique, ils ont permis de dater l’incendie entre 1021 et 1155. A l’intérieur de cet arc chronologique, les probabilités maximales se situent autour des années 1033, 1110 et 115010. S’il convient sans doute d’écarter la première date, incompatible avec les données textuelles et céramologiques, rien ne permet à l’heure actuelle de choisir entre la deuxième et la troisième. On retiendra donc, dans l’état des recherches, que le château a été incendié pour la dernière fois dans la première moitié du xiie siècle. Pour affiner ce résultat, il conviendra de réaliser des analyses à partir d’échantillons prélevés dans d’autres secteurs du château. Il faudra également établir la datation des premiers niveaux d’occupation du site de manière à préciser l’intervalle chronologique à l’intérieur duquel a été fondé, s’est développé et a été abandonné le château de Castiglione.

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Fig. 25 – Le château de Castiglione : relevé du mur M10 (USM 1 : phase originelle ; USM 2 : restauration).

CONCLUSION

24Il est impossible à l’heure actuelle de dater avec précision les phases successives de l’histoire mouvementée du château de Castiglione, dont la combinaison relève encore de l’hypothèse, dans la mesure où le mobilier est en cours d’étude. L’achèvement de la fouille permettra notamment de documenter la première occupation définie par des constructions en bois et encore mal connue, dont la relation avec les quelques fragments résiduels de céramique à « vetrina pesante » et de Forum ware doit être clairement démontrée. Il conviendra également de déterminer plus précisément l’époque de l’édification du château originel, établie en première approximation aux xe-xie siècles. Son développement ultérieur, exceptionnel par sa qualité pour autant que l’état des recherches sur les châteaux de cette période permette d’en juger, fut ensuite bloqué par des destructions récurrentes qui furent intercalées de restaurations toujours plus sommaires. L’ultime incendie, qui n’est pas postérieur au milieu du xiie siècle, provoqua l’abandon définitif du château de Castiglione.

Notes de bas de page

1 Cf. E. Bonasera, E. De Minicis et E. Hubert, Fouilles de la section Moyen Âge : Prospection dans la vallée du Turano, p. 894-895.

2 Commencée au cours d’une première campagne de sondages en 1994, la fouille s’est poursuivie au rythme de quatre ou cinq semaines par an pour s’achever en 2000. Pour les premiers comptes rendus de la fouille, cf. E. Hubert, Fouilles de la section Moyen Âge : le « castellum quod dicitur Castellione » (Collegiove, prov. de Rieti) ; Id., Fouilles de la section Moyen Âge : « Castrum », « villa » et « casale » : enquête dans la vallée du Turano en Sabine ; Id., Fouilles de la section Moyen Âge : Castiglione (Collegiove, prov. de Rieti) : troisième campagne de fouilles (1996).

3 LL II, n° 1264 : res huius monasterii in territorio Reatino vocabulo castello vetulo de Ophiano, a I° latere Castellione, a II° latere Petescia, a III° latere Mons Aureus, a IIII° latere Petra Gallia.

4 RF IV, n° 696 (1035) : res nostras quas habemus in territorio Reatino in loco qui dicitur Ophianus suptus castellum quod dicitur Castellione. Affines eius : a primo latere rivus qui dicitur de Angri, a II° latere flumen qui dicitur Turanus, a III° latere rivus qui decurrit sub ipso castello qui dicitur Castellione, a IIII° latere ipsum montem ubi est suprascriptum castellum qui dicitur Castellione.

5 ASV, Archivio Borghese, b. 795 et b. 796, cartes non cotées.

6 IGM, F° 145 de la Carte d’Italie, 1 :25 000, III N.O., Collalto Sabino, UG 369683, point coté 737. Il convient ainsi de corriger sur ce point P. Toubert, Les structures du Latium médiéval, p. 318 et p. 381 et A.R. Staffa, L’incastellamento nella valle del Turano, p. 177 et 196 qui identifient Castiglione à Castel di Tora ou à Rocca Sinibalda.

7 Nous donnerons dans la publication finale de la fouille toutes les indications relatives aux dimensions et au remplissage des trous de poteau. A ce sujet, voir en particulier M. Valenti et V. Fronza, Lo scavo di strutture in materiale deperibile. Griglie di riferimento per l’interpretazione di buche e di edifici.

8 Cf. F. Latini, D. Moscioni et F. Scaia, La ceramica del castello di Castiglione ; Eid., La ceramica grezza da fuoco dal castellum di Castiglione et Eid., Castiglione (Collegiove, prov. de Rieti) : troisième campagne de fouilles (1996). La ceramica, p. 663-664.

9 Cf. E. De Minicis, E. Hubert et G. Noyé, Strutture murarie della Sabina, p. 70-72.

10 Code Laboratoire : Ly-9261 ; Âge 14C BP et sa marge statistique : 970 +/– 25 BP.

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