Perspectives
Naples, Rome, Florence en parallèle
p. 651-673
Texte intégral
1Il ne revient pas spécifiquement à cette seule conclusion ouverte d’assumer la dimension comparative du travail engagé dans le cadre du programme collectif. Les textes de synthèse ont été élaborés dans un dialogue permanent entre les spécialistes des différents sites, permettant de mettre en œuvre une trame commune aux trois textes ; de même, les contributions de la dernière partie du volume se sont explicitement inscrites dans l’entre-deux ou l’entre-trois des villes choisies. Aussi l’objectif de ce dernier texte, qui doit à différentes collaborations, est-il moins de chercher à convaincre, in fine, de la pertinence de ce choix méthodologique que de ressaisir quelques thèmes, ceux qui nous apparaissent comme fondamentaux, voire constitutifs, pour l’étude des milieux intellectuels.
Pouvoir politique, mécénat et vie intellectuelle
2La question du rapport au politique, qui nous retiendra en premier lieu, est en effet centrale, première : il ne s’agit pas ici de mettre en discussion sa spécificité à partir de la naissance des « opinions publiques », avec tout ce qu’elle implique en termes de mutations du rôle de l’intellectuel et des milieux intellectuels, comme les historiens des Lumières et du contemporain nous ont invités à les analyser. Au contraire, les différentes enquêtes dont les résultats sont publiés ici éclairent le processus de constitution de cet espace public dans la longue durée et le rôle des milieux intellectuels dans celui-ci ; elles soulignent aussi ce que les modalités de constitution de cet espace doivent aux formes spécifiques d’organisation du pouvoir politique. En outre, la question du rapport au politique se pose, bien avant l’émergence de la presse, en termes difficilement séparables du lien qui lie le letterato, – qu’il soit artiste, savant ou érudit –, à un patron, qu’il soit prince, cardinal ou pape. Les trois sites étudiés dans ce volume révèlent la variété des types de rapports selon lesquels se configurent leurs liens.
3Si patronage et mécénat constituent les formes les plus construites et, en apparence, les plus représentatives de l’état de domination dans lequel se trouvent les milieux intellectuels1, une lecture plus fine des situations locales invite à en mesurer aussi les degrés d’autonomie qu’ils sont susceptibles de produire. On doit en effet revenir ici sur deux morphologies socio-politiques particulièrement différentes. Celle de Florence, monocentrique2, est confrontée à un problème spécifique de constitution dynastique qui implique, pour le pouvoir, de devoir être particulièrement vigilant au renforcement de sa propre légitimité3 ; à l’opposé, celle de Rome est caractérisée à la fois par des changements « dynastiques » structurels dus à un siège pontifical successivement occupé par des familles différentes, et par un polycentrisme longuement évoqué plus haut, ce qui invite à repenser le « disciplinement » culturel post-tridentin et ses effets sur la ville selon des modalités plus nuancées que les histoires partisanes de l’Église ne l’ont fait jusqu’à présent. Entre ces deux modèles antithétiques, la situation napolitaine correspondrait à un modèle monocentriste, où le caractère extérieur, étranger, du représentant du pouvoir politique introduit une dimension ignorée des deux autres sites : contrairement à Florence, le prince, à Naples, n’est pas napolitain et si Madrid est, à bien des égards, la grande absente de la vie intellectuelle de Naples à l’époque moderne, elle n’en demeure pas moins un des horizons à partir desquels se combine le jeu entre intellectuels et pouvoirs. C’est ce que démontre notamment l’épisode de la « crise athéiste » des dernières décennies du xviie siècle, dans laquelle dynamiques locales et internationales interagissent fortement4.
4La diversité des configurations politiques contribue ainsi à imprimer sa marque aux productions intellectuelles, et plus largement culturelles. Même si dans les trois villes, les déclinaisons différenciées du statut de capitale produisent des phénomènes équivalents (accumulations artistiques, aménagements urbains, concentration livresque5), qui engagent directement une vaste gamme d’intellectuels, se dessinent aussi des logiques locales et sectorielles qui affectent spécifiquement certains statuts intellectuels. Dès les années 1540, Côme Ier s’efforce de fidéliser l’Académie florentine, et le fort groupe de letterati qu’elle rassemble. Au-delà des enjeux locaux de légitimation du nouveau pouvoir, rapidement acquise, les Médicis entendent s’imposer comme dynastie, et comme première maison régnante parmi les États italiens. Ce qui a pour conséquence de dévaluer toute activité historiographique à l’intérieur de l’ancien cadre citadin, et la reléguer au rang d’une investigation antiquaire d’histoire familiale, pour promouvoir, non sans difficulté, une geste princière, jusqu’à ce que le passé républicain resurgisse, lors de la discussion introduite par l’extinction prévue de la famille des Médicis. Ainsi, les forces à l’œuvre dans les modalités du rapport au passé républicain, complexes et parfois contradictoires, ne cessent de recomposer les équilibres fragiles qui semblent un instant pouvoir les neutraliser6. À l’inverse, si Rome est traversée par l’histoire, elle se spécialise dans l’antiquaria, tendue entre une histoire profane (celle d’une romanité pré-chrétienne) et une histoire sacrée que l’érudition ecclésiastique va ériger en matrice épistémologique : même si cet essor de la pensée et de l’écriture de l’histoire est conflictuelle, Rome peut cependant y trouver un point d’appui à ses prétentions universalistes. D’autres exemples permettraient d’éclairer les effets du rapport entre pouvoir politique et intellectuels sur la production elle-même, la « politique de la science » du grand-duché de Toscane recourrant ainsi, par exemple, à la « toscanisation » de l’héritage galiléen7. Ainsi, dans tous les champs du savoir moderne, l’idéologisation des connaissances et des travaux témoignent des limites de l’autonomie des intellectuels vis-à-vis des pouvoirs, au-delà de tous leurs efforts pour la construire8.
Universités, fonctionnaires, professions
5À sa manière, l’étude des universités prolonge la réflexion sur le rapport des intellectuels avec le pouvoir et illustre la conclusion que l’on vient de proposer en termes d’affiliation des intellectuels au pouvoir politique, et ce, au-delà des situations radicalement différentes de ces institutions dans les trois sites considérés. Sans que les universités aient été systématiquement au cœur des synthèses ou des enquêtes particulières, elles doivent être au centre de la réflexion d’abord en tant que structures historiques de formation intellectuelle, dont chacune des trois villes est dotée à des degrés divers. À cet égard une première remarque s’impose sur le rapport entre ville-capitale et fondation universitaire : à l’opposé de Naples qui se dote, dès Frédéric II, d’une université installée au cœur de la ville9, le grand-duché de Florence a installé depuis 1543 son université à Pise – qui, siège également de l’ordre militaire de saint Étienne, fonctionne comme une seconde capitale de l’État –, sans pour autant enlever à Florence son statut de capitale intellectuelle et culturelle10. Quant à Rome, elle doit compter avec une Sapienza qui n’a jamais totalement réussi à s’imposer dans le réseau universitaire européen du Moyen Âge, et qui connaît, tout au long de la période moderne, une décadence que les chiffres des inscrits dans les différentes facultés ne permettent pas de démentir. Mais il serait particulièrement peu judicieux de penser la question universitaire romaine dans le seul cadre de l’Urbs, alors que la soumission de Bologne aux états pontificaux fait entrer dans le giron de la papauté l’une des plus anciennes et prestigieuses fondations italiennes.
6Si l’instrumentalisation par le pouvoir pontifical de ces lieux au service de leur politique clientéliste est assez aisément démontrable11, elle a pour conséquence potentielle une absence de cohérence scientifique que certains des professeurs de l’université du xviiie siècle notamment ont su limiter12. Il n’en demeure pas moins que ces institutions ont été au cœur d’une politique pontificale de modernisation non seulement de l’Église, mais aussi des modèles pontificaux construits sous l’égide de celle-ci, notamment sous le pontificat de Benoît XIV. Sans revenir ici sur les différents enjeux d’une telle politique de modernisation, on pourra cependant souligner qu’elle visait notamment à l’intégration des intellectuels, largement assimilables à ce corps des professeurs de la Sapienza comme de Bologne, au profit du projet pontifical de reconquête des esprits, bien au-delà des états pontificaux : ici, la bilocalisation institutionnelle a aussi permis de mettre en œuvre une politique aux différentes facettes, y compris en jouant contre un conservatisme curial plus vigilant à Rome qu’à Bologne. On notera enfin que le processus d’intégration des intellectuels est aussi passé par le renforcement de la dimension « italienne » de ces institutions, susceptible d’attirer un corps professoral dont les origines géographiques se situaient bien au-delà de l’espace contrôlé par Rome.
7Dans ce cadre brièvement ressaisi, on mesure mieux toute l’importance des collèges, et en particulier des studia et collèges pour externes des différents ordres monastiques, comme lieux de circulations et d’actions d’autres intellectuels, qui seraient ainsi moins inféodés au pouvoir et au prince13. Avec le cas de Bologne où se trouve un important collège jésuite en particulier, et d’une manière encore plus intéressante, dans le cas du réseau des collèges jésuites installés dans les principales villes des états pontificaux, on peut mesurer des modalités de circulations différentielles des savoirs et des hommes, qui constituent aussi des stratégies potentielles d’évitement ou de contournement de l’aliénation au pouvoir.
8Pourtant, des travaux qui précèdent on doit aussi déduire que la question de l’Université ne se réduit pas uniquement à celle des politiques clientélistes ou de l’élaboration de programmes culturels. En effet, ils pointent le problème corrélatif de la formation du personnel politique et, plus généralement, celle des institutions de formation, en tant qu’elles constituent des espaces d’agrégation intellectuelle, de formation d’identités collectives ou professionnelles. Ici, la question est bien celle du lien entre obtention des grades universitaires et reconnaissance professionnelle : à travers le Collège des médecins à Rome, à Florence ou à Naples, c’est le corps lui-même qui contrôle l’accès à l’exercice de la profession, en intervenant directement dans la collation des grades, ou en exigeant une formation pratique de plus en plus poussée au sein de l’hôpital, comme à Florence14.
9Ainsi, la formation des identités professionnelles liées aux statuts intellectuels passe de plus en plus fortement par des institutions spécialisées, de natures différentes et dont l’implantation s’est développée selon des chronologies diverses dans les espaces considérés. C’est sans doute la carrière juridique et sa professionnalisation qui ont marqué le plus nettement ces sociétés urbaines d’Ancien Régime, et Naples en constitue assurément un exemple paradigmatique, comme le rappelle la synthèse qui y est consacrée15.
10Le domaine des sciences constitue un autre observatoire intéressant car s’y joue notamment le processus de modernisation des États par la formation d’un personnel scientifique et technique. La question n’est pas seulement celle du passage des « humanistes aux hommes de science », mais celle de la pluralité des déclinaisons de la figure de l’homme de science, soit que certains acteurs du champ social, par le biais de la professionnalisation, soient devenus des hommes de science (ce serait le cas du médecin), soit qu’à l’inverse la professionnalisation de certaines pratiques scientifiques ait engendré de nouvelles figures, de nouvelles identités professionnelles de techniciens ou d’ingénieurs16. Dans des domaines aussi divers que l’architecture, l’hydrographie, la géographie, l’astronomie d’observation, tous issus d’une spécialisation des savoirs et des savoir-faire dans le domaine des mathématiques, émergent de nouveaux acteurs, tous hommes au service de l’État17.
11L’approche comparative pose un triple problème chronologique : le passage, entre xvie et xviiie siècle, d’une culture encyclopédique à des cultures spécialisées, sans que le processus soit pour autant linéaire ; les rythmes propres à chacune des trois villes ; les rythmes propres à chaque milieu. Les déséquilibres entre les trois groupes de recherche, en termes d’intérêts et de compétences, rendent périlleuse une discussion à partir des travaux qui ont été proposés. On souffre notamment ici de l’absence de contributions, pour Florence, sur les productions et les milieux scientifiques de cette ville (avec le riche dossier du devenir de l’école galiléenne), du caractère isolé du dossier sur les médecins napolitains, du non-suivi de la piste de Bologne pour le dossier romain. Rançon de l’empirisme de notre démarche, cette série de lacunes est soulignée moins pour être déplorée que pour indiquer la conscience que le groupe en a eu. Il n’en demeure pas moins que la question de la professionnalisation a traversé nos discussions et travaux, qu’elle n’est pas apparue dans le seul domaine des sciences mais que, posée dans ce domaine en particulier, elle peut ouvrir des voies fécondes autant à une saisie plus précise de son objet (qu’est-ce qu’une étude des processus de professionnalisation dans des sociétés d’Ancien Régime ?), qu’à une démarche comparative. Par rapport aux savoirs scientifiques en particulier, elle peut permettre de réintroduire, de manière féconde et renouvelée, la question des critères et des « degrés » de modernité des différents milieux, dans les différents espaces considérés. En effet, les déséquilibres des dossiers monographiques et l’articulation des synthèses pourraient renvoyer une image décalée des milieux scientifiques italiens à l’époque moderne, fondée sur une surévaluation de l’activité romaine – une redécouverte récente, d’où son intérêt particulier18 – et une sous-représentation du dynamisme florentin – considéré, peut-être à tort, comme ayant déjà fait l’objet de nombreux travaux importants19 –, par exemple. De même, le choix de ces trois sites ne permet pas de suivre les profonds bouleversements de l’espace scientifique italien pendant ces deux longs siècles, avec l’émergence de Bologne et des villes du nord, comme les travaux de M. Cavazza ou de V. Ferrone, régulièrement cités dans les différentes contributions du volume, l’ont notamment révélé. Or ces espaces absents ont été ceux de la constitution, sur le modèle français ou anglais, d’académies des sciences où se sont élaborées des identités professionnelles à partir desquelles sciences et pratiques scientifiques ont été qualifiées épistémologiquement, socialement et historiographiquement. Les académies convoquées dans nos travaux ne relèvent pas toutes, loin s’en faut, de ce type d’institutions professionnelles. À ce titre, les différences qui opposent l’académie physicomathématique de Ciampini à Rome et celle du Cimento à Florence sont essentielles et elles expliquent aussi la contribution différentielle de ces structures à la modernité scientifique.
12On retiendra ici trois questions qui ont été formulées de différentes manières et à différentes reprises par les uns et les autres, sans pour autant avoir fait l’objet d’un questionnement spécifique : la formation, les lieux, la « sécularisation ».
13La question de la formation est présente tout au long de nos travaux, à travers notamment les analyses des infrastructures universitaires et scolaires. Elle n’est abordée de front que dans la contribution de B. Marin sur les médecins napolitains. Si on peut constater que, dans certains cas, l’université a été un centre actif de formation des groupes professionnels nécessaires au développement de l’administration étatique, on peut également dire qu’elle n’a pas été le lieu spécifique de la formation des agents scientifiques de ce même État. Comme le souligne A. M. Rao, dans la synthèse napolitaine, « l’antica università di Napoli fu il centro di formazione dei quadri amministrativi, ma in maniera ambigua e non esclusiva »20. La même remarque vaudrait pour celle de Rome : le processus, dans les deux cas, est lent et porte sur la création de nouvelles chaires dans les disciplines scientifiques. Face au caractère tardif de cette mise en place, le rôle joué par les collèges jésuites a pu être déterminant : en termes d’unification des cursus de formation, dès la fin du xvie siècle et pour l’ensemble du territoire italien ; en termes de capacité à former des hommes compétents au plan technique. La Compagnie a ainsi suppléé, avec la collaboration d’autres ordres religieux21, pendant deux siècles, aux carences des États sur ce plan.
14La situation de la médecine est, à sa manière, tout à fait révélatrice de ces carences et des problèmes qu’elles soulèvent au plan social : avant les grandes réformes napolitaines du xviiie siècle, la formation des médecins emprunte des voies variées et soulève la question des qualifications. À la lumière de cet exemple, une enquête est à mener sur les cadres et les processus de formation des différents corps scientifiques de l’État : la question des ingénieurs et des architectes, en particulier, permettrait de montrer plus clairement les modalités culturelles et sociales d’articulation entre savoirs et savoir-faire, ce qui ouvrirait la voie à une analyse des rapports entre acquisition de compétences, reconnaissance sociale de ces compétences et rôle politique et social des groupes professionnels ainsi constitués.
15Ainsi, nombre d’exemples rencontrés dans les contributions qui précèdent invitent à rappeler que la question de la formation professionnelle n’est pas spécifique aux Lumières, mais qu’elle devient, dans cette période, un enjeu politique collectif, pris en charge par l’État.
16Corrélativement, la question de la formation pose celle de la recomposition sociale, comme on le voit bien sur la base du dossier napolitain, qui attaque l’un des fondements de la société d’Ancien Régime : c’est notamment par ce biais qu’entrent dans la communauté savante des hommes qui n’appartiennent pas traditionnellement aux milieux dominants. Pour mesurer plus précisément un tel processus, une étude de type prosopographique serait nécessaire et particulièrement souhaitable dans le cadre comparatif qui est le nôtre ; elle devrait s’appuyer sur des échantillons correspondant à différents milieux professionnels et pourrait aussi analyser des trajectoires individuelles.
17Avec la question de la diversité des milieux professionnels, se pose celle des lieux. Ceux-ci constituent un bon marqueur des processus de professionnalisation et, pour la période qui nous occupe, ils sont l’objet d’importantes mutations dont la caractéristique majeure pourrait être la spécialisation. La culture académique sur laquelle nous avons principalement travaillé s’inscrit majoritairement dans des lieux physiques comme les salons ou les bibliothèques, qui imposent encore largement des habitus mondains, plutôt que des logiques d’auto-identification d’un groupe donné à partir du partage de protocoles de travail, de gestes, d’un vocabulaire spécialisé. Mais, de même que pour la médecine l’hôpital s’affirme progressivement comme lieu de formation théorique et pratique, avec l’essor de la science expérimentale se pose aussi la question des équipements, qui tend vers la spécialisation des lieux. Nombre de descriptions d’expériences du xviie siècle renvoient encore à des espaces neutres (les premières expériences du vide effectuées par G. Berti à Rome se déroulent devant son palais, où il fait dresser un tube de plus de dix mètres de haut). Mais déjà l’essor de l’astronomie d’observation requiert du matériel coûteux, qui implique des lieux fixes, et dont l’acquisition ne peut plus seulement être le fait d’un particulier (fût-il un patron) et requiert une intervention institutionnelle : l’observatoire contribue à l’émergence d’une identité professionnelle, qui se généralisera avec les laboratoires. Les sciences naturelles appellent elles aussi des techniques et des lieux spécifiques, comme les jardins botaniques ou les collections minéralogiques. La spécialisation des lieux constitue donc un des aspects de la mutation de la communauté savante, dont la composante scientifique tend de plus en plus nettement à occuper certains d’entre eux (le salon resterait alors le lieu d’une culture scientifique mondaine, celui de la mise en spectacle de la science, et non de sa production). Comment les exigences techniques d’une science qui ne se définit plus que comme expérimentale participent-elles à la constitution d’identités professionnelles, c’est ce que dans une enquête ultérieure nous aurions à étudier.
18Ce qui est ainsi fondamentalement à l’œuvre à travers les processus de professionnalisation est la sécularisation de la culture scientifique, son autonomisation à l’égard de la culture catholique. Et le thème est central pour les membres de la République des lettres de l’Italie moderne : c’est celui qui a été particulièrement important dans la réflexion du groupe romain, où le passage a assurément été le plus difficile (est-il achevé à la fin de notre période ?), alors que, pour Florence en particulier, le relais pris par l’État dans la mise en place d’une « politique de la science », a sans doute aussi été facilité par la nécessité politique dans laquelle se trouvait le grand-duché de Toscane de se démarquer politiquement des états pontificaux.
Imprimés, édition et commerce libraire
19L’entreprise éditoriale est sans nul doute, à partir de l’époque moderne, un ferment majeur d’agrégation intellectuelle, et la librairie un lieu de sociabilité culturelle de premier plan. Les études sur la production et le commerce du livre dont on dispose désormais sur les trois villes étudiées permettent de formuler quelques remarques sur les grands traits du secteur éditorial qui, dans ces trois capitales, a donné quelques-unes de leurs caractéristiques aux milieux intellectuels.
20Les premières observations regardent la chronologie de l’expansion du commerce libraire. Les contemporains nous ont transmis une vision assez pessimiste de l’édition napolitaine22. Toutefois, après la grave crise du xviie siècle, le secteur connaît une reprise, grâce aux opérateurs étrangers notamment23. La croissance numérique des publications est surtout sensible après 1750 et, à partir des années 1760, l’activité éditoriale est en nette expansion ; Naples compte une quarantaine d’imprimeries à la fin du xviiie siècle. L’édition florentine, affectée par la dépression du xviie siècle et la faiblesse des structures corporatives, est également marquée par un développement sans précédent dans la même période, avec l’ouverture de nouvelles imprimeries dans les années 1770-80, et une croissance considérable du milieu des auteurs, des traducteurs – car la professionnalisation du travail intellectuel trouve aussi un débouché, même limité, dans les traductions – ou des rédacteurs de journaux et de gazettes. Dans les deux cas, ce dynamisme rencontre l’élargissement du marché des lecteurs. La structuration des milieux intellectuels, la fondation de nouvelles académies, la nécessité d’imprimer des livres pour l’enseignement dans les collèges et les universités stimulent la production libraire24.
21Ce mouvement d’expansion connaît toutefois des limites dues au coût du papier, à l’absence de fonderies pour les caractères, au régime des privative, à l’incapacité du gouvernement à promouvoir la production. Aussi les libraires napolitains s’insèrent-ils mal dans les réseaux internationaux. Faiblesse des structures économiques et des investissements sont également sensibles à Florence et les exportations à l’étranger de l’imprimerie florentine restent limitées. Si à Rome la présence de nombreux éditeurs contribue au dynamisme culturel de l’Urbs25, un trait distinctif et structurel mérite d’être souligné : l’existence d’une édition polyglotte liée aux exigences d’évangélisation et à l’activité missionnaire de certaines institutions religieuses.
22L’entreprise éditoriale définit un milieu d’opérateurs aux profils très variés. Imprimeurs, libraires, éditeurs ne sont pas encore des figures nettement distinctes26, mais on assiste à une spécialisation croissante à partir de la seconde moitié du xviiie siècle. Dans les trois villes considérées apparaissent alors de nouvelles entreprises, souvent de taille modeste, qui témoignent de la vivacité du secteur.
23Une attention particulière, dans notre perspective, devrait être portée aux stratégies éditoriales, aux relations entre imprimeurs, libraires et académies ou agrégations d’intellectuels moins formalisées27. Ainsi, par exemple, une intense activité éditoriale se déploie, à Naples, autour d’Antonio Genovesi28. L’étude des rapports entre auteurs et éditeurs mériterait aussi d’être approfondie. Comme l’a remarqué L. Braida, à la suite de Frédéric Barbier, l’auteur reste un personnage assez mal connu dans l’ensemble des recherches sur la production et la circulation du livre29. La notion de « propriété intellectuelle » peine à s’affirmer en Italie, par rapport au processus engagé dans ce sens en France et en Angleterre. Les letterati italiens ne peuvent vivre de leur plume ni, par conséquent, s’affranchir des rapports de protections avec leurs mécènes et patrons. Au cours du xviiie siècle, d’importantes entreprises éditoriales sont liées à la sociabilité académique, mais aussi aux orientations impulsées par les pouvoirs princiers et ecclésiastiques. Par ailleurs, les librairies, qui connaissent un certain processus de spécialisation, et les imprimeries s’affirment de plus en plus comme des lieux de rencontre et d’échanges intellectuels30, où se pratique parfois le prêt de livres.
24Le xviiie siècle est aussi marqué, sur le plan de la production éditoriale, par une diversification des genres et des marchés de lecteurs auxquels ils s’adressent. Partout, l’édition du livre scientifique est en croissance. Ainsi, à Naples, à côté des secteurs traditionnels juridiques et religieux, se développe une importante production agronomique, scientifique, réformatrice, liée à l’essor de la profession médicale et de la culture scientifique. Les catalogues des libraires napolitains s’enrichissent de textes scientifiques et se spécialisent. De son côté, Florence devient un haut lieu des débats économiques. À Rome, même si le public reste étroit, la circulation des livres est activée par le cosmopolitisme de la ville, par la place exceptionnelle qu’y occupent les milieux diplomatiques et les voyageurs. L’enquête en cours sur le livre scientifique publié à Rome entre xvie et xviie siècle devrait contribuer à la réévaluation de l’activité scientifique romaine tout au long de la période31. Enfin, les villes étudiées ont été porteuses de grandes entreprises éditoriales, originales, qui pourraient nous renseigner sur la spécificité de leurs milieux intellectuels, qu’il s’agisse des grands recueils (les divers Musea... et Thesauri...) de la production antiquaire à Florence32, ou de l’édition à Naples, par Jean Gravier, des œuvres de Giannone et Beccaria dans les années 1760-1770.
25L’édition est aussi centrale dans les programmes culturels promus par l’État et l’Église. La Stamperia granducale33, créée en 1699 par Côme III, devenue Stamperia Imperiale en 1745, ou la Stamperia Reale de Naples, créée en 174834, jouent, à côté de l’impression de documents nécessaires au fonctionnement de l’appareil d’État, un rôle culturel non indifférent, avec par exemple la publication des voyages de Giovanni Targioni Tozzetti à Florence, ou encore celle des huit volumes des Antichità di Ercolano esposte, à Naples. Même si les liens entre des familles nobiliaires (la princesse de Colubrano, le prince de Tarsia, les frères Di Gennaro, etc.) ont pu jouer un rôle culturel de premier plan, il semblerait qu’à Naples le mécénat nobiliaire ait été moins développé qu’à Florence où, comme l’a souligné Renato Pasta, « le iniziative di maggior rilievo tipografico non rispondono in genere ad una logica di mercato, ma ad una funzione di legittimazione simbolica di committenti saldamente attestati ai vertici della società e in grado di schierare al proprio fianco lo stesso principe »35. L’Église aussi manifesta un grand intérêt pour l’édition. La question du livre reste, tout au long du xviiie siècle, liée à la politique culturelle de la Curie. Les plus grosses imprimeries lui sont liées : celle de Propaganda Fide, mais aussi celle de la Reverenda Camera Apostolica, et la Tipografia dell’Ospizio di San Michele a Ripa Grande, tendent à absorber toute la production des imprimés de l’État, du livre religieux et liturgique comme des livres scolaires, soit une production considérable. Rappelons aussi, outre la présence déterminante des Congrégations de l’Index et du Saint-Office, qu’au début du xviiie siècle le cardinal Imperiali, connu pour avoir l’une des plus importantes bibliothèques de Rome, était également le protecteur de la Compagnie des libraires qui disposait, en vertu du texte de Clément XII en 1732, du monopole de la production. La Compagnie des libraires constitua rapidement le bras séculier du processus de contrôle de l’activité et de la vente des livres, ce qui se traduisit notamment par une quasi-fermeture aux libraires étrangers, phénomène inconnu à Florence ou à Naples36. Cette forte domination économique des libraires et, corrélativement, la faiblesse croissante des imprimeurs au cours du xviiie siècle constituent du reste un trait qui distingue le paysage éditorial romain.
26Comparer la situation du marché éditorial dans les trois villes considérées invite à porter une attention rigoureuse aux formes et aux fonctions de la censure. On a montré, à propos du cas romain, que la Congrégation de l’Index avait su intégrer, en la personne de certains consulteurs, des protagonistes de premier plan de la vie culturelle romaine. Dans le cas florentin, le lien imprimerie/censure a été souligné pour le début de la période, tandis qu’un processus de laïcisation s’affirme très progressivement. À Naples, la production imprimée est étroitement surveillée, comme en témoignent encore au cœur du xviiie siècle quelques condamnations retentissantes : celle de Pietro Giannone pour son Istoria civile del Regno di Napoli (1723), celle de l’Idea d’una perfetta repubblica di Paolo Mattia Doria (1753), ou encore l’exil de Carlantonio Broggia à la suite de ses critiques de la politique financière du pouvoir (1755). La réitération des normes de censure, la mise à l’Index de la production anticurialiste, ont cependant des effets très limités, dans cette période, grâce aux publications clandestines37. Progressivement, l’espace de l’« opinion publique » est perçu, par les États eux-mêmes, comme un lieu de formation de consensus – cette « costruzione assolutistica dello spazio pubblico » mise récemment en évidence par S. Landi, s’efforçant de constituer un « pubblico di lettori sostanzialamente laico e solidale nei confronti del potere politico »38 – plus que comme un dangereux espace de critiques politiques subversives, que le gouvernement politique des opinions ne peut, de toutes façons, éliminer et qui finissent par réémerger, en Toscane, dans les années 1780. Aussi convient-il de lier, pour le xviiie siècle, la question de l’imprimerie avec celle des périodiques.
Périodiques et milieux intellectuels
27La question des périodiques et de leur essor n’est pas un phénomène des Lumières, en particulier pour Rome : on en prendra pour preuve l’expérience tout à fait originale du Giornale de’ Letterati, première entreprise journalistique italienne qui, par son caractère fondateur, a permis à la péninsule de participer pleinement, dès les années 1660, à l’essor européen de la presse, rendant quelque peu caduque le topos historiographique du retard de Rome eu égard à Florence, Naples ou Venise en termes de communications et d’échanges39. Il n’est pas indifférent que cette expérience se soit développée à Rome : elle propose à l’historien un observatoire de choix pour saisir notamment les tensions à l’œuvre, dans ce milieu particulier, dès lors qu’il s’agit d’organiser un espace de culture et d’information ouvert et conforme aux attentes qui se sont faites jour ailleurs en Europe, ce qui se traduit notamment par la place qu’y occupent les questions scientifiques, dans le prolongement et sous la tutelle des deux expériences du Journal des Savants (Paris, 1665) et des Philosophical Transactions (Londres, 1665). Certes, l’ambition du journal ne se limite pas à établir des comptes rendus sur ce seul thème, mais son importance est indiquée comme une priorité par les journalistes eux-mêmes : « [...] e vogliamo che non sia senza dar atto di gratitudine verso l’Autore del Giornale Francese, al quale vogliamo nell’istesso genere dar proporzionata corrispondenza, cioè a dire una relazione dell’esperienze naturali e curiosità che s’anderanno osservando in Italia, e de’ libri ch’in essa si stampano »40. Si, dans la première phase, les rédacteurs se fixent l’objectif de traduire pour le public italien les principales nouvelles parues en France dans le Journal des Savants, ils entendent aussi rendre compte de l’actualité italienne, en termes de comptes rendus originaux d’ouvrages ou d’expériences et d’observations. On lit alors dans la citation qui précède et dans cette inflexion la volonté de se donner comme l’instrument de promotion de la culture, et particulièrement de la science italienne, face au reste de l’Europe41.
28Pour cet ensemble de raisons, cette publication constitue un bon observatoire du journalisme naissant et de ses faiblesses. C’est sur l’initiative de quelques hommes, Michelangelo Ricci (1619-1682)42, Francesco Nazari (1638-1714)43, Giovanni Giustino Ciampini (1633-1698)44, membres à part entière de la communauté romaine des intellectuels de la seconde moitié du xviie siècle, que le journal voit le jour en 1668 et paraîtra, malgré des vicissitudes qui conduiront à une rapide scission de la première équipe rédactionnelle45, jusqu’en 1681. Le point commun entre ces hommes réside dans le fait que, membres fondateurs de l’entreprise, ou proches collaborateurs, tous tirent leurs ressources d’autres charges ou fonctions, en particulier l’enseignement universitaire, qui constitue un autre aspect de leur faible autonomie. Les difficultés matérielles rencontrées par les deux équipes n’assurent pas la périodicité souhaitée, voire affichée en tête de chaque livraison qui est, à l’origine, mensuelle. Malgré la brièveté de l’expérience, le journal romain a cependant ouvert la voie à l’essor de la presse italienne46.
29Tout au long du xviiie siècle, et après cette expérience inaugurale, le développement des périodiques assure l’essor du débat intellectuel et sa transmission vers l’extérieur, en parallèle avec les académies : caisse de résonance et espaces de formation de la sphère publique, selon l’expression de Habermas, ils constituent aussi des pôles d’agrégation intellectuelle. On a souligné, dans différentes études de cas, combien l’existence d’un périodique lié à une académie est susceptible de renforcer l’autorité et la légitimité de celle-ci, introduisant ainsi entre elles une hiérarchie qui n’est pas sans effets. À Florence, après la tentative de la Società colombaria de publier des recueils de mémoires présentés en séance (Memorie di varia erudizione, 2 vol., 1747-1752), cette stratégie a été poursuivie avec constance par l’Accademia dei Georgofili : après l’échec, en août 1770, des Veglie non meno utili che piacevoli di materie particolari attinenti all’economia della villa, publiées depuis 1767 par le fondateur de l’académie, l’abbé Montelatici, l’académie a recours, pour faire connaître son activité, au Magazzino toscano (de 1777 à 1781), au Magazzino Georgico (de 1783 à 1785), puis au Giornale fiorentino d’agricoltura (de 1785 à 1789), avant de décider de publier son propre périodique, en fait un annuaire, les Atti dell’I. e R. accademia economico-agraria dei Georgofili di Firenze, à partir de 179147. Le phénomène est très fort à Rome, où académies et périodiques se renforcent réciproquement, chacun fournissant à l’autre crédibilité, visibilité et publicité, avec leurs effets multiplicateurs48. De plus, leur diffusion, y compris au-delà des cadres territoriaux restreints dans lesquels les journaux naissent et œuvrent, créent, tout comme les académies, des réseaux suprarégionaux et supranationaux, qui sont intégrés dans des projets politico-culturels plus amples, élaborés par les cercles gouvernementaux et les États. Le rôle des journaux, du moins entre la fin du xviie siècle et les premières décennies du xviiie siècle, y est déterminant par rapport à la tentative, ou tentation49, de s’appuyer sur le fort degré d’italianité tant des intellectuels que des bureaucrates romains, pour faire de la ville la capitale intellectuelle et culturelle de l’Italie. Leur rôle est aussi déterminant, particulièrement au xviiie siècle, dans le processus de renforcement de l’État et de son entreprise de rationalisation, qui s’appuie sur les intellectuels, en vue de mettre en place des réformes modernisatrices administratives et économiques. Dans cette logique de soutien de l’État et de construction d’un consensus, la complémentarité entre périodiques et académies produit, par voie de conséquence, un rapport de circularité entre centre et périphérie, dans la mesure où académies et journaux tendent à se multiplier, élargissant ainsi les réseaux au niveau des provinces, qui répondent elles-mêmes par des tentatives d’autonomisation et d’auto-affirmation. Ainsi, l’importance acquise par certaines provinces, dans les États pontificaux, et plus tard, dans le Royaume de Naples, constitue un phénomène assez évident.
30Il paraît pour l’heure trop ambitieux et surtout, prématuré, de mettre en œuvre une analyse comparative sur les périodiques dans les trois réalités urbaines qui font l’objet de notre réflexion, a fortiori si on cherche à le faire dans la longue durée de l’époque moderne. On se limitera donc à quelques questions relatives à la réalité du xviiie siècle.
31En premier lieu, la géographie de l’industrie typographique de la première moitié du xviiie siècle ne coïncide que partiellement avec notre cadre comparatif, parce qu’elle se fonde sur les grands centres de l’imprimé, mais aussi ceux de la presse périodique, tels que Florence, Rome, mais surtout Venise ; quant à la marginalité relative de Naples, indiquée par G. Ricuperati et rappelée récemment par A. M. Rao, elle doit être en fait rapportée à la naissance tardive et à la faible diffusion des journaux, dont il sera question plus loin.
32En second lieu, le journalisme n’est pas encore une profession : Lami, Bencivenni Pelli ou Lastri à Florence50, comme les journalistes romains, puisent ailleurs leurs ressources économiques et de carrière, le plus souvent dans les bénéfices ecclésiastiques et les emplois de bibliothécaires. En ce sens, ce sont plus des raisons de politique culturelle que d’économie qui dominent dans la fondation ou la rédaction d’un périodique littéraire ou scientifique, et dans une mesure nettement moindre pour les gazettes. Pourtant, les questions financières liées au lourd labeur des rédacteurs sont perceptibles : le mathématicien Lodovico Bianconi, fondateur et directeur des Efemeridi letterarie, nées en 1722, finançait non seulement l’éditeur Zempel, mais payait aussi certainement au moins deux rédacteurs, Giacinto Ceruti et Pietro Pasqualoni, dont les plaintes financières nous sont parvenues sur un travail qui donnait « un pain précaire, mesquin et totalement incertain ».
33Le rôle des libraires-distributeurs apparaît, quant à lui, plus moderne et solide : le plus souvent, ces hommes sont aussi des typographes et ils semblent ainsi préfigurer l’éditeur moderne ; mais, même dans le cas où les journaux ne disposent pas de typographie en propre (comme pour les Novelle letterarie de Lami à Florence), l’engagement actif dans une « ligne éditoriale » et la collaboration, avec les mêmes personnages, à d’autres entreprises intellectuelles (livres, autres périodiques, etc.) fait du libraire, plus qu’un simple marchand, un médiateur entre les rédacteurs et le public. Tel est le cas à Rome du libraire-distributeur-imprimeur de différents périodiques, Gregorio Settari. Un rôle d’organisateur culturel donc, que celui de l’imprimeur et du marchand-libraire, dont il faudrait vérifier qu’on le rencontre ailleurs aussi : il semblerait que ce soit moins le cas à Naples, où dominent les libraires-imprimeurs « privilégiés », férocement attachés à leurs privilèges, mais il conviendrait d’approfondir la question des rapports éventuels avec les associations, ainsi que celle des ventes, dans les différentes réalités urbaines.
34Un autre thème à reprendre d’un point de vue comparatif serait celui de la censure, ecclésiastique comme étatique (napolitaine, toscane, lombarde ou savoyarde, toutes différentes entre elles) et de son influence sur la diffusion ainsi que sur les contenus des périodiques. Sans revenir ici sur la question de la censure des livres et de ses conséquences sur la production, déjà évoquées plus haut, on rappellera la réalité napolitaine où, comme l’a écrit A. M. Rao, ni le régime de monopole ni le contrôle politique rigide ne favorisent la naissance de la presse périodique littéraire et scientifique jusqu’à la fin du siècle. À Rome, en revanche, on se trouve face à un très fort développement des périodiques (une dizaine de nouveaux titres dans les années 1770-1790) appuyés sur des réseaux intellectuels variés qui s’étendent aux différentes provinces, ce qui n’a pas véritablement d’équivalent dans les autres États, à l’exception de Naples dans la dernière décennie du siècle. On y note la présence de letterati qui ne sont sans doute pas autonomes, mais qui sont aussi partie prenante d’une politique réformatrice à laquelle on veut faire participer l’opinion publique, ainsi que l’affirmation de nouveaux groupes sociaux qui aspirent à des responsabilités politiques et gouvernementales. Il faut en outre noter que la censure ou l’index n’interviennent jamais à Rome pour interdire un journal, pour supprimer des articles ou pour mener des perquisitions.
35Ces différents éléments nous invitent à regarder la réalité italienne globale comme à la fois plus homogène et plus interactive. Ils invitent aussi à reprendre à nouveaux frais toutes les analyses sur la formation de l’opinion publique, dont les journaux et les périodiques constituent les principaux instruments, ainsi que, plus généralement, les questions sur les moyens et les lieux des agrégations intellectuelles.
36Entre les trois villes, ce sont Rome et Florence, pour les périodiques comme pour les académies, qui apparaissent le plus liées, et dans un rapport qui n’est pas, pour Rome, de subordination, au contraire. Si les relations entre Lami et les Florentins de Rome sont bien connues, autour du cardinal Corsini et en rapport avec la politique réformatrice de Benoît XIV, jusqu’à la fin des années 1750 au moins, le concurrent Giornale de’ letterati, imprimé par Giovannelli à partir de 1742, s’appuie lui aussi amplement sur un réseau politique curial et pontifical romain : c’est ce que révèlent les dédicaces qui en ouvrent les premiers volumes.
37À partir des années 1770, ce rapport s’inverse et c’est Rome qui observe l’expérience intellectuelle et, plus particulièrement journalistique, de la Toscane – à l’exception, évidemment, de ces journaux qui, comme les Annali ecclesiastici, se situent sur le terrain d’un réformisme religieux philo-janséniste et juridictionnaliste inacceptable à Rome. La Toscane vit en effet une expérience originale, fortement marquée par la nouvelle politique du comte Rosemberg Orsini, dans les années 1766-1771, et sa conscience d’une dimension publique de l’activité politique. C’est à ses initiatives que l’on doit la naissance et le développement rapide d’un journalisme de caractère politique, dès janvier 176651. À terme, ce sont plusieurs dizaines de titres qui apparaissent à Florence dans les dernières décennies du siècle. L’attention romaine portée à Florence se manifeste non seulement à travers les signalements de la production toscane, mais aussi par l’adoption des thèmes économiques, et principalement agraires, dont le Magazzino toscano, un temps lié aux Georgofili, avait fait sa spécialité : l’instruction des paysans, la large diffusion d’un savoir scientifique appliqué, pratique et utile, ou encore la collaboration entre intellectuels et pouvoir pour le « bon gouvernement ». Jusqu’à la proposition des Lunari per i contadini, faite par Lastri dans les années 1780, qui sera reprise par les journaux et les académies soutenant le réformisme économique et administratif pontifical.
38Si un rapport privilégié persiste donc tout au long du siècle, même selon des modalités qui varient dans le temps, entre Rome et Florence, il est alors possible de mettre en œuvre une véritable comparaison, pour les périodiques comme pour les académies. Celle-ci prendrait en considération aussi bien les relations, les échanges, les lectures voire les personnages eux-mêmes52, que certains thèmes, à l’exception de la polémique religieuse. Cette relation étroite entre les systèmes d’organisation intellectuelle de Rome et Florence qui se dégage de l’analyse comparative renvoie en outre à un niveau plus général et institutionnel. En fait, elle reflète la pratique politique même des gouvernements pontificaux qui, dès l’œuvre réformatrice de Pie VI et, plus encore à l’occasion de celle, plus incisive, de Pie VII pendant la première Restauration, s’inspire explicitement du modèle toscan, pour son projet d’application de réformes économiques et administratives.
39Le rapport avec Naples apparaît plus distant, tant du point de vue des milieux que des organisations intellectuelles, mais ces relations en apparence plus distendues au plan institutionnel et politique, en particulier à cause des importantes tensions de la seconde moitié du xviiie siècle, mériteraient d’être étudiées plus précisément. Ceci est un point important, notamment pour la compréhension des processus historiques ultérieurs et de la crise provoquée par la Révolution.
40Au-delà de la diffusion des gazettes et des nouvelles romaines, de la circulation des personnes, – le Romain Scarpelli qui fonde le Giornale enciclopedico d’Italia (1786-89) –, ou de la proximité entre les thèmes, technico-agricoles ou scientifiques par exemple, abordés dans les périodiques, l’analyse comparative entre Naples et Rome, en s’appuyant surtout sur les différences entre les deux situations, invite elle aussi à discuter quelques hypothèses généralement reçues. En premier lieu, il est souvent admis que le manque de périodiques littéraires et scientifiques à Naples, jusqu’aux années 1780 et 1790, et leur brève durée de vie, s’expliqueraient par la fragilité du groupe intellectuel, son isolement par rapport à une société civile immature, sa référence uniquement à l’État, son manque de créativité et de pertinence politique ou son esprit querelleur. Or, dans le cas romain, semblable à bien des égards, les périodiques naissent en nombre assez important tout au long du siècle, ainsi que les autres institutions d’agrégation intellectuelle, et dans le même temps la référence à l’État et le contrôle qui dérive des liens avec les pouvoirs sont loin de constituer un obstacle à cette évolution. On formulera donc l’hypothèse que la véritable explication de tels écarts de situations et de chronologies se trouve plutôt dans le type différent d’identités intellectuelles et de systèmes de pouvoirs auxquels les intellectuels doivent se rapporter.
41En définitive, la comparaison de Rome, Florence et Naples permet non seulement de remettre en question les stéréotypes sur Rome, mais aussi de reformuler la question du rapport entre intellectuels et pouvoir en Italie par rapport aux développements historiques ultérieurs. Le parallèle avec Naples est ici encore intéressant : malgré le réseau informel créé autour de A. Genovesi au milieu du siècle, le grand ferment culturel et la présence de personnalités intellectuelles de renom européen constitue sans doute un phénomène singulier, dû à ces personnalités exceptionnelles, plus qu’un fait social et culturel au sens large, collectif, de construction d’instruments, de relations et d’institutions agrégés formellement autour de projets et de groupes soudés et homogènes, liés au pouvoir (un système intégré). À Rome, au contraire, les personnages d’envergure manquent, mais dominent les organisations culturelles liées au pouvoir, qui seront non seulement un héritage pour l’époque républicaine, mais serviront aussi à reconstruire le tissu culturel catholique, intransigeant ou libéral, durant et après la Restauration.
42On peut alors se demander comment la longue tradition de fonctionnement des instruments de l’organisation culturelle de la papauté ainsi que celle des liens « organiques » entre intellectuels et pouvoir a influé sur la stabilité et l’efficacité de tels outils, y compris dans la phase des crises politiques les plus graves de la papauté elle-même. On s’interrogera aussi sur leur rôle dans la construction d’une physionomie stable, à l’identité marquée, de l’« intellectuel organique », au-delà de la période étudiée ici, ce qui conduit à la question de la singularité romaine d’un tel profil.
43Peut-on en déduire une stratégie culturelle proprement romaine, élaborée par le haut et par les intellectuels eux-mêmes, où l’Église, – qui est aussi l’État – encourage, soutient, tolère les dissidences pour mieux contrôler et construire une culture de gouvernement consensuelle ? Si oui, alors pourquoi Naples manque-t-elle d’une stratégie par le haut, qui serait analogue ? Doit-on en déduire qu’à Naples se serait développée une culture d’opposition, autonome vis-à-vis du pouvoir, qui emprunterait des voies différentes, d’autoreprésentation et de construction identitaire, comme le suggèrerait le tragique épisode de 1799 ? Si alors on compare cet épisode, vraiment dramatique, avec la modération de la Restauration romaine, prompte à réintégrer le groupe dirigeant et intellectuel jacobin à l’ombre rassurante de la colonnade de Saint-Pierre, ou à la brièveté extrême du printemps révolutionnaire toscan (mars-juillet 1799), on peut sans doute le comprendre à la lumière des différents systèmes de rapports entre intellectuels et pouvoir, qui se sont développés dans une période bien antérieure au sein de chacune des deux capitales, et à l’aune de réseaux intellectuels aux configurations et caractéristiques bien différents. À moins que, même à Naples, malgré la faiblesse des instruments de l’organisation intellectuelle, les identités culturelles se modèlent en fonction d’un processus d’intégration et de liens organiques avec le pouvoir qui en absorberait et en annulerait toute possibilité réelle d’autonomie ?
Notes de bas de page
1 On ne reviendra pas sur une bibliographie abondamment mobilisée tout au long du volume.
2 La modélisation proposée par M. Biagioli, Le prince et les savants. La civilité scientifique au xviie siècle, dans Annales HSS, L, 1995, p. 1417-1453, s’appuie, pour la Toscane, sur une typologie politique qui a été récemment fortement remise en question : L. Mannori, Il sovrano tutore. Pluralismo istituzionale e accentramento amministrativo nel principato dei Medici (Secc. xvi-xviii), Milan, 1994. Le modèle s’avère également faiblement opératoire dès lors que l’on cherche à analyser la situation romaine.
3 Cf. C. Callard, La fabrication de la dynastie médicéenne, dans J. Boutier, S. Landi, O. Rouchon (éd.), Florence et la Toscane, xive-xixe siècles. Les dynamiques d’un État italien, Rennes, 2004, p. 399-418.
4 On renverra notamment à V. Ferrone, Scienza, natura, religione. Mondo newtoniano e cultura italiana nel primo Settecento, Naples, 1982.
5 Voir, à ce propos, l’annexe sur les bibliothèques dans ce volume.
6 Voir, sur ce thème, la thèse de C. Callard, Storia Patria : histoire, pouvoir et société à Florence, au xviie siècle, thèse d’histoire de l’Université de Paris IV-Sorbonne, 2001, ex. dactylographié.
7 Voir, sur le thème général, G. Barsanti, V. Becagli et R. Pasta (éd.), La politica della scienza. Toscana e stati italiani nel tardo Settecento, Atti del Convegno di Firenze del 27-29 gennaio 1994, Florence, 1996.
8 Le volume de C. Vivanti (éd.), Storia d’Italia. Annali 4. Intellettuali e potere, Turin, 1981, reste la référence sur ce thème.
9 Voir, dans ce volume, les analyses proposées par A. M. Rao, dans la synthèse sur Naples. Sur les universités italiennes à l’époque moderne, cfr. P. Grendler, The Universities, in The Italian Renaissance, Baltimore-Londres, 2002.
10 Cf. l’approche politique proposée par G. Cascio-Pratili, L’Università e il Principe. Studi di Siena e di Pisa tra Rinascimento e Controriforma, Florence, 1975, et les analyses consacrées à cette question par J. Boutier et M. P. Paoli, dans la synthèse sur Florence.
11 C’est ce dont témoigne notamment l’attribution des chaires de la faculté de médecine dans la seconde moitié du xvie siècle, ou l’analyse des chaires de mathématiques du milieu du xviiie siècle. Sur la médecine, voir E. Andretta, Médecine et médecins à l’Université de Rome au xvie siècle, D.E.A. de l’École des hautes études en sciences sociales, mention « Histoire et civilisation », sous la direction de P. Corsi, juin 2004, ex. dactylographié ; sur les mathématiques, voir F. Favino, Matematiche e matematici alla « Sapienza » tra ’500 e ’600. Un’introduzione, dans RMC, VII, 1999, 3, p. 395-420, à laquelle on emprunte la citation qui justifie l’ouverture d’une chaire nouvelle, présentée comme un « accidente per impiegare qualche soggetto sino che fusse vacata qualche cattedra delle letture ordinarie », extrait de Nota delle letture della Sapienza da 70 o 80 anni innanzi al detto anno 1662, ASR, Università, b. 83, Ordinamento e riforme, cc. 86r-v.
12 Voir F. Favino, Minimi in « Sapienza ». François Jacquier, Thomas Le Seur e il rinnovamento dell’insegnamento scientifico allo « Studium Urbis », dans MEFRIM, 117, 2005, 1, p. 159-187.
13 Pour une analyse plus générale, voir A. Romano, Il mondo della scienza, dans G. Ciucci (éd.), Storia di Roma dall’antichità ad oggi, vol. 4, Rome-Bari, 2002, p. 275-305.
14 J. Brau, La professionnalisation de la santé dans la Toscane des Lumières, 1765-1815, dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, XLI, 1994, p. 418-439.
15 Voir A. M. Rao, supra, p. 46 : « L’ascesa del ceto forense rese quasi tumultuoso l’impulso agli studi giuridici già avviato in età aragonese ». Pour Florence, M. C. Toniolo Fascione, Laureati e mercato del lavoro in Toscana durante l’età medicea, dans Studi storici, XXXIII, 1992, p. 141-173.
16 D. Toccafondi, Nascità di una professione : gli ingegnieri in Toscana in età moderna, dans G. Barsanti, V. Becagli, R. Pasta, (éd.), La politica della scienza cit., p. 147-170 ; voir aussi D. Barsanti, L. Rombai (éd.), Scienziati idraulici e territorialisti nella Toscana dei Medici e dei Lorena, Florence, 1994.
17 Un cas intéressant pour Rome, K. Van Berkel, ‘Cornelius Meijer inventor et fecit’. On the Representation of Science in Late Seventeenth-Century Rome, dans P. H. Smith et P. Findlen (éd.), Merchants and Marvels. Commerce, Science and Art in Early Modern Europe, New York-Londres, 2002, p. 277-296.
18 La culture scientifique romaine à l’époque moderne fait actuellement l’objet d’un programme de recherche spécifique (Centre A. Koyré, École française de Rome) qui a donné lieu à une première série de publications : Cf. RMC, VII, 1999, MEFRIM, 2002, 114, 2, 2004, 116, 2 et 2005, 117, 1.
19 Voir les développements consacrés à la cour et au mécénat des Médicis dans la synthèse sur Florence de J. Boutier et M. P. Paoli, qui renvoie aux principaux travaux consacrés à la science florentine au xviie siècle ; pour la seconde moitié du xviiie siècle, cf. G. Barsanti, V. Becagli, R. Pasta, (éd.), La politica della scienza cit.
20 Cf. supra, p. 46
21 Cf. pour l’architecture, le dossier de la coupole de Saint-Pierre étudié par M. Leblanc et P. Dubourg Glatigny, Les Pères Jacquier et Le Seur et les débats de 1742 sur la stabilité de la coupole de Saint-Pierre de Rome, dans MEFRIM, 117, 2005, 1, p. 189-218.
22 Cf. par exemple G. M. Galanti, « In Napoli si stampa poco e male. I librai e gli stampatori non fanno corpo d’arte, né sono uomini gran fatto istruiti », Nuova descrizione storica e geografica delle Sicilie, Naples, nel Gabinetto Letterario, 1787, t. 1, p. 368.
23 Dans une lettre à Magliabechi du 23 septembre 1681, Giuseppe Valletta écrivait : « par che siamo nel secolo librario, tanta è l’abbondanza delle stampe e ricca e ridotta già ad assoluta mercatanzia » (cit. par A. M. Rao dans Editoria e cultura a Napoli nel xviii secolo, Atti del Convegno organizzato dall’Istituto Universitario Orientale, dalla Società italiana di studi sul secolo xviii e dall’Istituto italiano per gli studi filosofici, Napoli 5-7 dicembre 1996, Naples, 1998, p. 6). Les livres napolitains sont bien présents dans les catalogues des libraires à Venise, Rome, Florence ou Milan.
24 A. M. Rao (éd.), Editoria e cultura cit., p. 24 : « L’obbligo di non dettare più le lezioni universitarie ma di stamparle, la creazione dell’Accademia delle scienze e lo sviluppo della socialità accademica a Napoli e in provincia, il potenziamento dei collegi nobiliari e militari, la ridefinizione della professione forense e lo sviluppo della professione medica hanno ricadute immediate nell’attività editoriale, come mostra in particolare l’intenso sviluppo della manualistica matematica per le scuole militari attestato da Romano Gatto ».
25 Cf. M. I. Palazzolo (éd.), Editoria e commercio librario nelle capitali italiane d’ancien régime, dans RMC, II, 1994, 2, p. 311-466 ; Id., Editoria e istituzioni a Roma tra Settecento e Ottocento. Saggi e documenti, Rome, 1994.
26 R. Pasta, Editoria e stampa nella Firenze del Settecento, dans RMC, II, 1994, 2, p. 379-418 : « A separare stampatori e librai non intervengono, infatti, rigidi steccati normativi, mentre la quasi totalità dei tipografi attivi nei decenni centrali del secolo commercializza prodotti propri e altrui » (p. 389).
27 Dès le xvie siècle, cette relation entre acteurs intellectuels et métiers du livre est repérable comme en témoigne l’analyse de A. Carlino, Tre piste per l’Anatomia di Juan de Valverde : logiche d’edizione, solidarietà nazionali e cultura artistica a Roma nel Rinascimento, dans MEFRIM, 114, 2002, 2, p. 513-541.
28 M. L. Perna, L’universo comunicativo di Antonio Genovesi, dans A. M. Rao (éd.), Editoria e cultura cit., p. 391-404.
29 L. Braida, L’autore assente. Mercato del libro e proprietà letteraria nel Settecento italiano, dans La Fabbrica del libro. Bollettino di storia dell’editoria in Italia, IX, 2003, 2, p. 1-4.
30 Sur les rapports entre éditeurs et milieux intellectuels à Naples, signalons par exemple l’étude de F. Luise, Librai editori a Napoli nel xviii secolo. Michele e Gabriele Stasi e il circolo filangeriano, Naples, 2001.
31 Cette enquête, menée par L. Pinon, en collaboration avec M. Conforti, s’inscrit dans le cadre du programme de recherche sur la culture scientifique romaine (Centre A. Koyré, École française de Rome), déjà évoqué dans ce volume. On rendra accessible, dans les plus brefs délais, une base de données sur l’ensemble de la production scientifique romaine dans cette période. À cette enquête s’ajoute celle, sous la responsabilité de J.-M. Besse et P. Dubourg Glatigny, sur la production cartographique romaine du xvie siècle.
32 Cf., par exemple, F. Waquet, Les souscriptions au Museum Etruscum et la diffusion de l’étruscologie au xviiie siècle, dans Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, CCVIII, 1982, p. 305-313.
33 S. Landi, La Stamperia reale di Firenze e le sue vicende, Florence, 1881.
34 A. D’Iorio, La Stamperia reale dei Borbone di Napoli : origini e consolidamento, dans A. M. Rao (éd.), Editoria e cultura cit., p. 353-389 ; M. G. Mansi et A. Travaglione (éd.), La Stamperia Reale di Napoli (1748-1860), Naples, 2002. La Stamperia, placée d’abord sous la responsabilité d’Ottavio Antonio Bayardi, fut ensuite dirigée, à partir de 1756, par Giovanni Maria Della Torre, secondé par Nicola Ignarra qui lui succéda.
35 R. Pasta, Editoria e stampa cit., p. 402. Pour le cas des Corsini, cf. la contribution de M. P. Donato et M. Verga dans ce volume.
36 Par exemple, R. Pasta, Hommes du livre et diffusion du livre français à Florence au xviiie siècle, dans F. Barbier, S. Juratic, D. Varry (éd.), L’Europe et le Livre. Réseaux et pratiques du négoce de la librairie, xvie-xixe siècle, Paris, 1996, p. 99-135 ; P. Pironti, Bulifon, Raillard, Gravier. Editori francesi in Napoli, Naples, 1982 ; V. Trombetta, La circolazione dei saperi nella seconda metà del Settecento nei cataloghi dei libri in commercio, dans A. M. Rao (éd.), Editoria e cultura cit., p. 779-811.
37 « [...] Napoli, che sembra aver sofferto, più che qualsiasi altra realtà regionale, dei pesanti vincoli della censura, sia laica che ecclesiastica, è anche unanimemente considerata una delle piazze dove più facilmete si riuscivano a stampare libri vietati [...]. Ciò fece sviluppare, accanto all’iniziativa dei tipografi ufficialmente riconosciuti, un’azione collaterale, promossa spesso da gruppi intellettuali e appoggiata dal mecenatismo nobiliare, che diede vita ad una vasta rete di edizioni pubblicate alla macchia e destinate ad influire sulla evoluzione e la formazione del pensiero napoletano », M. C. Napoli, Stampa clandestina, mecenati e diffusione delle idee nella Napoli austriaca, dans RMC, II, 1994, 2, p. 445-466 (citation p. 445-446). Voir aussi Id., Letture proibite. La censura dei libri nel Regno di Napoli in età borbonica, Milan, 2002.
38 S. Landi, Il governo delle opinioni. Censura e formazione del consenso nella Toscana del Settecento, Bologne, 2000, en particulier les chapitres IV et V.
39 Voir une nouvelle formulation de cette problématique par P. Burke, Rome as Center of Information Communication for the Catholic World, 1560-1660, dans P. M. Jones et T. Worcester (éd.), From Rome to Eternity. Catholicism and the Arts in Italy, ca. 1550-1650, Leyde-Boston-Cologne, 2002, p. 253-270.
40 Giornale de’ Letterati, janvier 1668, no 1, préface. Sur cette expérience journalistique, on renverra au livre, toujours inégalé, de J.-M. Gardair, Le Giornale de’ Letterati de Rome (1668-1681), Florence, 1984.
41 Une étude systématique de ce qui provient des journaux français et anglais et de ce qui est propre à la rédaction romaine vient d’être réalisée par G. Monaco, Il « Giornale de’ Letterati » di Roma (1668-1681) sul modello francese, dans Nuovi Annali della Scuola speciale per Archivisti e Bibliotecari, XV, 2001, p. 97-129.
42 Voir J.-M. Gardair, op. cit., p. 58 et passim.
43 Idem, p. 73-98 ; G. Panizza, Studi sui primordi del giornalismo letterario in Italia. Francesco Nazari, estensore del primo giornale romano, dans Studi secenteschi, vol. 24, 1983, p. 155-171.
44 Voir J.-M. Gardair, Le Giornale cit., p. 107-117 et DBI, 25, 1981, p. 136-143, notice de S. Grassi.
45 Imprimé chez Nicol’Angelo Tinassi, dirigé, et principalement rédigé par Nazari jusqu’en 1675, son titre correspond, à partir de cette date, à deux publications différentes, l’une toujours assurée par Nazari et publiée chez Benedetto Carraro jusqu’en 1679, l’autre prise en charge par Ciampini, sans changement d’éditeur, jusqu’en 1681.
46 On renverra aux contributions qui concernent la période moderne, dans M. Caffiero et G. Monsagrati, Dall’erudizione alla politica. Giornali, giornalisti ed editori a Roma tra xvii e xx secolo, Milan, 1997.
47 Cf. R. Pasta, L’Accademia dei Georgofili e la riforma dell’agricoltura, dans Rivista storica italiana, CV, 1993, p. 484-501 ; F. Venturi, Scienza e riforma nella Toscana del Settecento. Targioni Tozzetti, Lapi, Montelatici, Fontana e Pagnini, dans Rivista storica italiana, LXXXXIX, 1977, p. 81-91. L’académie de la Crusca ne tentera l’expérience qu’en 1819 (Atti dell’I. e R. Accademia della Crusca). À noter, pour Naples, la publication, en 1788, des Atti della Reale Accademia delle scienze e belle lettere.
48 Cf. en particulier M. Caffiero, Le « Effemeridi letterarie » di Rome (1772-1798). Reti intellettuali, evoluzione professionale e apprendistato politico, dans M. Caffiero et G. Monsagrati, Dall’erudizione alla politica cit., p. 63-101.
49 Voir la synthèse sur Rome de M. Caffiero, M. P. Donato et A. Romano dans ce volume.
50 Il faut toutefois noter l’émergence d’acteurs qui n’ont guère d’autre ressource que leur plume pour vivre et, de ce fait, sont considérés comme des semiletterati ; ils sont particulièrement actifs dans la création de nouveaux journaux, tels Francesco Xaviero Catani, Giovanni Ristori ou Francesco Becattini : M. A. Morelli Timpanaro, Su alcuni « semi-letterati » fiorentini del secolo xviii, dans Critica storica, XXVI, 1989, p. 236-323.
51 S. Landi, Il governo delle opinioni cit., p. 216-244.
52 Voir la contribution de M. P. Donato et M. Verga dans ce volume.
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