De la « Repubblica letteraria » au « pio letterato »
Organisation du savoir et modèles intellectuels dans l’Italie de Muratori
p. 637-650
Texte intégral
1Le 2 avril 1703, Ludovico Antonio Muratori, dissimulé sous le pseudonyme de Lamindo Pritanio, mettait la dernière main à une longue lettre destinée aux Generosi letterati d’Italia. Ce texte, qui ne commença à circuler que vers la fin de 1704, contenait les Primi disegni della Repubblica letteraria, c’est-à-dire le projet d’une académie d’un genre nouveau ; d’autres documents de 1704-1705 apportèrent des précisions sur la forme que cette société prendrait et sur les buts qu’elle se proposait. En dépit des efforts de Muratori et d’autres savants italiens, la « Repubblica letteraria » ne fut pas instaurée ; dès 1705, elle était devenue l’« Utopie de Lamindo Pritanio » et, de l’aveu même de son promoteur, elle n’aurait été qu’une « plaisanterie ». Pour autant, les principes intellectuels qui avaient inspiré ce projet ne disparurent point. Ils se retrouvent dans un ouvrage « méthodologique », les Riflessioni sopra il buon gusto intorno le scienze e le arti, que Muratori, toujours masqué sous le même pseudonyme, publia, pour sa première partie, dès 1708 : là, ils dessinent la figure du « pio letterato », ce modèle de savant qui ressortissait à une réforme du savoir et à une restauration de l’Italie intellectuelle. Loin de demeurer théoriques, ces principes guidèrent Muratori lui-même dans son travail, comme ses écrits autobiographiques, sa correspondance et ses ouvrages l’attestent1.
2Il y a là un ensemble documentaire exceptionnel dû, de surcroît, à un personnage dont les contemporains reconnurent la place majeure dans le monde savant, pour apporter des éléments de réponse concrets aux questions qui ont été soulevées au cours de cette enquête sur les milieux intellectuels italiens : leur composition, leurs modes d’organisation, leur activité spécifique avec le double corollaire de leur professionnalisation et de leur autonomie. Muratori, il est vrai, n’appartient à aucune des trois villes qui ont été choisies comme terrain de l’enquête ; bien plus, sa réflexion échappe à toute dimension locale. Cependant, l’une de ces villes, Rome, joua un rôle central dans sa pensée et fut même le pivot – tant réel que symbolique – de son action réformatrice aussi bien que de sa pratique intellectuelle.
3La « Repubblica letteraria » entendait rassembler des lettrés de toute l’Italie, dans une « union », une « ligue » qui dépasserait les frontières des divers États fractionnant alors la péninsule. Afin d’assurer à cette société la durée, Muratori qui avait fait l’expérience de la fragilité des académies2, la plaçait sous la protection de mécènes dont il attendait, de surcroît, le généreux concours : c’étaient le pape Clément XI, la Sérénissime République de Venise, le grand-duc de Toscane Côme III, le duc de Modène Rinaldo Ier, le duc de Parme Francesco I, des princes italiens, les gouvernants d’États libres de tutelle étrangère et par ailleurs attestant une tradition de mécénat. Ces patronages multiples s’accordaient avec le caractère « italien » de la nouvelle institution. Elle n’aurait point de siège fixe et unique et c’est de façon accidentelle et sans aucun droit que le temps où elle serait placée sous la tutelle d’un des cinq protecteurs désignés, des villes particulières – Rome, Venise, Florence, Modène et Parme – l’abriteraient. L’établir de façon permanente dans une ville, c’eût été alimenter chez certains un orgueil municipal déjà trop vif et, par contre, en détourner d’autres de s’associer à ce grand projet. Dans un second temps, Muratori désignant un prélat romain qui était aussi un savant de grande réputation, Mgr Francesco Bianchini comme « dépositaire » de la « Repubblica letteraria », c’est-à-dire le chargeant de recueillir les avis des lettrés et leurs adhésions, fondait la nouvelle organisation sur Rome. Un tel choix ne mettait nullement en cause l’inspiration « italienne » du projet ; mais, il prenait acte de la réalité des choses : selon Muratori, Rome était non seulement « la ville [...] la plus féconde en lettrés », mais encore « leur centre »3.
4La « Repubblica letteraria » était d’emblée présentée comme une société « aristocratique » qui regrouperait « les lettrés les meilleurs et les plus importants de l’Italie ». Fondée sur le mérite et le talent, elle exigeait des futurs membres des preuves concrètes de leur science, c’est-à-dire des publications. C’était là également une garantie pour l’avenir et, de surcroît, le moyen d’éliminer les médiocres, de décourager d’emblée des candidats mus par la seule ambition. Encore tout livre ne constituait pas un titre. Il fallait produire des ouvrages utiles et Muratori expliquait longuement et précisément ce qu’il entendait par-là : des écrits originaux – des « parti d’ingegno » par opposition aux « opere di schiena » et autres travaux de compilation –, des ouvrages critiques contribuant, quel que soit le sujet, par des matériaux nouveaux au progrès du savoir. Ces auteurs formeraient l’ordre des archontes. À leur côté et de façon exceptionnelle, Muratori admettait deux catégories de lettrés : d’une part, des doctes qui étaient sur le point de donner un grand ouvrage qui leur aurait par la suite nécessairement mérité l’entrée dans la « Repubblica » ; d’autre part, des jeunes talents qui constitueraient l’ordre des candidats, en fait, un vivier où puiser lorsqu’il faudrait remplacer des archontes. Bacchini, le maître de Muratori, était réservé sur l’admission de lettrés qui n’offraient que des promesses ; par contre, il proposait deux autres catégories de membres : de plein droit, dans la catégorie des archontes, des hommes de notoriété européenne qui n’avaient rien publié mais qui, par leurs conseils, leurs correspondances, leurs bibliothèques, favorisaient la cause du savoir ; de façon subalterne, des imprimeurs, des graveurs, des dessinateurs, ainsi que des artisans capables de fabriquer les instruments nécessaires à l’équipement des laboratoires4. Les deux listes d’archontes que Muratori publia comprenaient soixante-trois noms, en fait, les représentants les plus illustres des sciences et des lettres de la péninsule, y compris ces serviteurs aussi dévoués et efficaces du monde savant qu’étaient Magliabechi à Florence et Valletta à Naples5.
5Réunion des esprits les plus distingués d’Italie, la « Repubblica letteraria » ne serait point une société honorifique. Un immense programme de travail lui était assigné. Tout d’abord, il serait dressé pour chaque discipline un état où apparaîtraient clairement « les défauts, abus et préjugés » qui l’encombraient, où seraient présentées les solutions pour y remédier, où seraient indiqués les voies et les moyens suivant lesquels progresser. Autant de bilans qui seraient publiés afin de servir de base à de futurs travaux. Aucun domaine du savoir n’échappait à la juridiction de la « Repubblica letteraria ». Toutefois, Muratori désignait des aires de recherche privilégiées, voire des travaux précis à accomplir. Par ailleurs, afin de stimuler encore les énergies, afin de ne rien perdre qui pût contribuer à l’augmentation du savoir, il prévoyait que tous les trois ans cette société publierait le bilan de son activité ; de même, elle mènerait à bon port des découvertes ou des ouvrages que leurs auteurs, faute de moyens ou de persévérance, auraient laissé à l’état d’ébauche ; dans un ordre d’idées similaire, elle proposerait, en publiant des listes de livres inventés, des sujets de recherche à des esprits laborieux mais dépourvus d’imagination ; enfin, elle travaillerait à un journal qui recenserait les ouvrages les meilleurs publiés en Italie aussi bien qu’à l’étranger. Plus généralement, elle s’appliquerait à une réforme des cadres de la vie intellectuelle, les universités, les académies, les écoles monastiques ; elle indiquerait des mesures à prendre afin de redresser l’industrie typographique et de réformer la censure ; elle pousserait à l’accroissement des bibliothèques et des cabinets d’antiquités et elle plaiderait pour une large ouverture de leurs collections pour le plus grand bénéfice des savants.
6Bien des points concrets demeurent flous : du lieu des réunions au recrutement des membres. Par contre, le savant de Modène était fort explicite sur le dessein réformateur auquel son projet ressortissait. Celui-ci, en effet, constituait la solution qui s’était imposée à Muratori au terme d’une réflexion sur les vicissitudes de la civilisation italienne dans un passé récent. Il n’est que de lire l’introduction des Primi disegni. Au xviie siècle, l’Italie avait laissé échapper le flambeau de la civilisation au profit de nations dont elle avait été par deux fois l’institutrice et le savoir avait émigré sous d’autres cieux. Or, cette translatio studii ne s’expliquait point par les causes généralement avancées pour expliquer la ruine des civilisations : invasions de barbares, guerres civiles, tyrannie des princes, absence des talents. En fait, l’Italie, sous l’influence d’un « ozio » fatal, était tombée dans un état de torpeur intellectuelle dont depuis trente ans elle commençait à se défaire. Les circonstances étaient maintenant propices à une reprise que la « Repubblica letteraria » favoriserait. De surcroît, afin qu’aucune rechute ne se produisît, elle chargerait l’un de ses membres, parmi les meilleurs, de réfléchir sur « les raisons vraies ou vraisemblables suivant lesquelles les lettres aussi bien que les esprits et le bon goût tantôt fleurissent, croissent et se maintiennent, tantôt font défaut et gisent à terre, et alors plus dans un pays que dans un autre. Ce livre qui s’appuierait sur un examen attentif de tous les siècles passés et de toute l’histoire littéraire devra servir de miroir à notre république afin d’observer à partir de là d’où naîtraient les langueurs et les déclins qui pourraient par aventure arriver aux lettres en Italie et pour tenter d’y remédier ». Par son œuvre intellectuelle, la « Repubblica letteraria » rendrait à l’Italie, avec sa primauté naturelle, sa réputation et son crédit. C’est autour de cette cause suprême que Muratori mobilisait les meilleurs de ses compatriotes : « la gloire de l’Italie » devait être leur guide et leur but.
7Le programme de restauration que Muratori projetait passait par une réforme du savoir. La « Repubblica letteraria » travaillerait à corriger et perfectionner toutes les disciplines, à les purger des abus qui s’y étaient glissés. Son activité réformatrice se fondait d’abord sur le refus de l’autorité : à l’ipse dixit, s’opposeraient la leçon des faits, l’enseignement des expériences. Cette critique des modèles anciens s’accompagnait d’un large accueil aux idées nouvelles. Une telle évolution, toutefois, se plaçait sous le signe de la libertas philosophandi, entendue au sens plein du terme : il ne fallait pas après s’être débarrassé d’un dogmatisme, retomber dans un autre tout aussi pesant ; l’éclectisme serait donc la règle, méthodologiquement, du moins. Enfin, les académiciens se garderaient d’entrer dans les matières de foi ; par contre, dans toutes les disciplines où l’empire de la raison s’exerçait, ils avanceraient résolument, guidés par un souci absolu de vérité et d’utilité. Ainsi, la « Repubblica letteraria » inscrivait son action dans une évolution de la culture italienne qui, tout en proclamant son attachement à l’Église – elle se proposait explicitement de travailler pour le plus grand bénéfice de la religion catholique –, s’efforçait de se libérer des modèles légués par la Contre-Réforme.
8Il paraîtra à première vue paradoxal que Muratori ait confié à une académie la gloire de l’Italie et la réforme du savoir. Il était, en effet, sévère à l’égard d’institutions dont il avait mesuré la faiblesse ou la vanité. C’est que dans la plupart d’entre elles, l’essentiel de l’activité consistait dans la récitation de poèmes qui trouvaient dans les « grandes affaires de l’amour » une source d’inspiration privilégiée ; de surcroît, les bons poètes y étaient rares et leurs compositions charmaient moins l’auditoire qu’elles ne le plongeaient dans un ennui profond. Réunir toutes les académies existantes en un seul corps littéraire, cette idée qui avait un temps retenu Muratori, avait été vite écartée : c’est que nombre d’entre elles étaient sinon ridicules, du moins, très faibles et toutes abondaient en « poéteraux » et « cerveaux creux et désœuvrés ».
9Et pourtant Muratori fondait avec la « Repubblica letteraria » une nouvelle académie. Il est vrai que pour qualifier sa création, il aurait pu reprendre à son compte ce que le prince Cesi disait des Lincei : ce n’est pas « une académie ordinaire »6. Bien des traits qui la caractérisent s’inscrivent en opposition avec ceux de la plupart des sociétés existantes. Son nom, simple et clair, tranchait avec les appellations pompeuses ou bizarres souvent adoptées. Son recrutement la distinguait plus fortement encore de la plupart des académies italiennes dont le caractère foncièrement local n’était guère remis en cause par l’agrégation, purement honorifique, de membres « étrangers ». La « Repubblica letteraria » réunirait l’élite intellectuelle de la péninsule ; en cela, elle faisait encore le choix inverse de bien des académies qui se glorifiaient du nombre de leurs membres et ambitionnaient de l’accroître sans grande considération pour le talent. Par ailleurs, contrairement à ce qui se pratiquait généralement, on ne ferait pas acte de candidature pour entrer dans cette prestigieuse assemblée ; c’est l’académie qui appellerait à elle les esprits les plus distingués ; dans son choix, elle ne ferait aucun droit aux intrigues, mais elle se déterminerait uniquement sur les preuves concrètes du talent. Enfin, la « Repubblica letteraria » se voulait utile – un mot qui revient fréquemment sous la plume de Muratori ; elle devrait faire œuvre efficace dans tous les domaines de la vie intellectuelle.
10Muratori n’était, il est vrai, nullement hostile aux académies. « Ce n’est pas que nous voudrions que les académies soient bannies », écrivait-il dans les Primi disegni, « mais améliorées ». Seule, « la corruption » des sociétés existantes l’avait détourné de faire fond sur elles pour mener à bien sa tâche réformatrice ; elle l’avait conduit à créer une nouvelle académie – et le mot revient souvent – qui répondît à ses vœux. La confiance qui était ainsi placée dans l’académie renvoie, en fait, au principe vital qui est au cœur de cette institution. Le projet muratorien ne peut être lu sans que ne viennent à l’esprit ces grands textes de la Renaissance qui avaient défini dans l’académie un idéal de sociabilité, telle la Civile conversazione de Stefano Guazzo où l’on peut lire : « la conversation apprend plus que les livres », « la dispute est le crible de la vérité » ou encore « le savoir commence dans la conversation et finit dans la conversation », autant de propositions qui postulaient la réunion des intelligences et soulignaient le rôle fécond de la mise en commun des talents7. Les mots mêmes employés par Muratori pour qualifier l’institution qu’il se proposait de créer renvoient à cet idéal de « vie commune » qui caractérise l’académie : c’était une « ligue », une « union », le lieu où s’opérerait le « commerce [...] des sciences et des arts d’érudition ». Chacun, bien sûr, travaillerait suivant ses forces, ses habitudes, ses goûts ; cependant, il aurait sans cesse en vue l’œuvre commune à laquelle il apporterait le produit de ses peines. Grâce à cette coalition des talents qui constituerait la « Repubblica letteraria », grâce à une collaboration généreuse, grâce très concrètement à des conférences, à des avis, à des publications, le savoir progresserait vers une vérité hors de portée des forces d’un seul. À cet effet, la concorde devait régner parmi les membres ; chacun oublierait ses propres ambitions ou ses inimitiés ; il se plierait aux règles d’un dialogue courtois et « modéré », excité par une saine émulation, par de justes critiques. Muratori terminait son appel en invitant les lettrés italiens à travailler dans l’harmonie, retrouvant, avec l’emploi même de ce mot, l’esprit vivifiant qui animait l’académie.
11Cette confiance traditionnelle dans l’institution académique reçut probablement une impulsion nouvelle d’un fort courant baconien bien attesté dans l’Italie du temps, alors que le nouveau savoir postulait, pour son avancement, la collaboration des talents individuels. Bacon lui-même avait constaté les défauts des institutions savantes existantes – ici, les universités – et il avait souhaité, avec leur réforme, l’instauration d’une institution qui répondît aux principes du nouveau savoir tout à la fois unitaire et socialement utile. On a vu dans l’Istituto delle scienze de Bologne dont les Constitutions sont de 1711, la réalisation concrète de ce projet, l’érection de la fameuse Maison de Salomon8. Il n’est pas interdit de lire cette même inspiration baconienne dans les Primi disegni de Muratori : il n’est que de penser à l’insistance mise sur un savoir de nature encyclopédique, sur les mots de collaboration et d’utilité ; il n’est pas jusqu’à la présence d’un ordre – bien qu’inférieur – d’artisans qui ne rappelle des suggestions du philosophe anglais9 ; de surcroît, bien des tâches assignées à cette société ressortissent à l’inspiration baconienne, en particulier à l’historia litteraria, conçue comme un bilan de l’activité intellectuelle et comme le gage d’un progrès ultérieur du savoir10.
12Enfin, le projet muratorien – et le nom même de « Repubblica letteraria » met sur la voie – n’est pas sans renvoyer à la République des Lettres, à cet idéal d’une communauté intellectuelle qui s’appliquait à promouvoir et transmettre les connaissances ; bien des termes employés par Muratori, bien des projets proposés aux archontes postulent la réunion des talents autour de l’œuvre collective11. Or, ce fut là le motif avoué de l’échec rapide de ce projet. Mgr Bianchini auquel sa désignation de « dépositaire » conférait un rôle majeur refusa non seulement cette fonction, mais encore il dénonça dans la « Repubblica letteraria » – « une ligue littéraire de nation contre nation » – la marque d’un amour-propre excessif, absolument contraire aux valeurs universelles qui devaient animer les savants12. Si ce refus hypothéquait déjà la réussite du projet, plus lourde de conséquences fut l’attitude de ce même Bianchini dans la révision de l’Agnello. Alors que Muratori avait sollicité son appui, prévoyant que l’édition du Liber pontificalis donnée par son ami et maître Bacchini ne manquerait pas de susciter des réserves à Rome en raison d’affirmations pro-impériales, la permission d’imprimer fut refusée, précisément sur un rapport négatif de Bianchini. Or, pour Muratori, les deux affaires étaient liées dans la même conviction qu’un renouveau intellectuel de l’Italie devait se fonder sur Rome. Apprenant « la fâcheuse censure » de Bianchini, il constatait : « [...] je ne sais plus comment penser à faire des républiques littéraires [...] Mais s’il n’y a pas à Rome d’autre parti, je vois l’affaire par terre »13. Et de fait, le projet de « Repubblica letteraria » fut abandonné ; pour autant, Muratori demeura constant, comme il l’avait écrit dans les Primi disegni, dans sa volonté d’œuvrer pour l’honneur de l’Église, l’avancement du savoir et la gloire de l’Italie. C’était là, toutefois, un idéal lourd de tensions internes, et le « pio letterato » dont Muratori proposait le modèle dans les Riflessioni sopra il buon gusto eut à se confronter à la dure épreuve des faits.
***
13On ne s’étendra pas ici sur la contribution savante que Muratori donna aux lettres italiennes : il ne publia pas moins de quatre-vingt treize ouvrages qui, s’ils ressortissent à des domaines divers, trouvent leur unité dans un parti réformateur, dans la modernité des approches et dans le souci du bien commun. Ce savant de premier ordre était aussi un homme d’Église, toujours fidèle à l’Église de Rome et soumis à son magistère, un prêtre qui remplit pendant près de vingt ans un ministère pastoral, un défenseur du monde catholique tant par ses prises de position contre les hérétiques que par sa lutte contre les fausses dévotions. Encore, Muratori fut au service d’un prince, le duc d’Este : il en fut le bibliothécaire de 1700 à sa mort. Dans cette charge, il fut amené à en défendre les intérêts, en particulier, lors de l’affaire dite de Comacchio, ce long conflit juridictionnel, l’un des plus amples dans l’Italie du Settecento par les questions débattues : de la possession d’un fief – revendiqué à la fois par les Este et le Saint-Siège –, on passa à la faillibilité du pape en matière temporelle, à la priorité du pouvoir politique sur le pouvoir ecclésiastique, à l’idée du contrat entre gouvernants et gouvernés, etc.14. Cette polémique ne fit que creuser le fossé avec Rome, fossé qui s’était ouvert quand Mgr Bianchini avait censuré l’ouvrage de Bacchini et refusé d’être le « dépositaire » de la « Repubblica letteraria ».
14Dans tous ses travaux, Muratori eut pour souci premier les droits de la vérité. Il n’hésita pas à dénoncer les erreurs de l’Église catholique ou les actions mauvaises de certains pontifes, conscient que toute dissimulation, loin de servir la cause qu’il défendait, se retournerait contre elle. Cependant, il n’ignorait pas qu’à Rome on était loin, dans les milieux conservateurs, de partager la même opinion et que la vérité historique n’était pas toujours bien accueillie ; et il ignorait d’autant moins cela qu’il en fit à ses dépens l’expérience : il fut, en effet, soupçonné de toutes les erreurs, taxé de jansénisme, accusé de servir la cause des protestants et même qualifié d’hérétique15. Il est vrai que de telles accusations étaient si vite lancées en Italie qu’elles perdaient beaucoup de leur crédit16. Toutefois, elles affectèrent profondément le savant de Modène, en particulier la rumeur qui courut en 1748 d’une éventuelle condamnation de certains de ses écrits. Il adressa alors une lettre au pape, protestant de son entier dévouement à l’Église de Rome et exprimant ses sentiments d’« extrême confusion, voire de désolation »17. En cela, l’état d’esprit de Muratori était fort proche de celui de Galilée qui, dans sa lettre à la Grande Duchesse, avait fait état de l’infamie qu’une condamnation romaine constituerait et de la douleur qu’il en éprouverait18. Encore à l’instar de Galilée, mais sans que le nom du savant toscan ne fût prononcé, Muratori traçait une ligne de partage entre ce qui relevait du dogme et le reste des savoirs humains. Comme il ressort du De ingeniorum moderatione in religionis negotio (1714), deux domaines étaient ainsi distingués. Le dogme qui relevait de la révélation, postulait un acte de foi, et c’était de la témérité, voire de la folie que de le soumettre à un examen humain, purement rationnel : un usage orgueilleux et immodéré de la raison en ce domaine était source d’hérésies, comme l’histoire récente de l’Église le montrait. Par contre, hors des vérités de foi, la raison devait s’exercer librement et aucune autorité ne pouvait s’imposer à elle, y compris l’Écriture sainte ; les chapitres XX et XXI de la première partie développaient ce point de vue et le chapitre XXII examinait le cas de l’astronomie pour affirmer que, dans ce domaine particulier, aussi bien que dans les disciplines scientifiques en général, on n’avait pas à s’arrêter au sens littéral de l’Écriture19.
15Muratori ne se bornait pas à analyser les limites de la raison face aux vérités de foi ; il opérait, dans le même temps, une défense des droits de la recherche, une affirmation de la libertas ingenii contre le zelus ineruditus, traçant une voie moyenne entre la licence des uns et l’ignorance superstitieuse des autres. Ayant ainsi défini le champ extrêmement large du domaine d’application de la raison humaine20, Muratori insistait sur la qualité majeure dont le savant devait accompagner l’exercice de sa liberté d’enquête, que ce soit en affirmant ses thèses, en dénonçant des erreurs ou en réfutant un adversaire : la charité. Ainsi, une vertu théologale devenait le principe régulateur de l’activité intellectuelle. Entre les excès aussi condamnables de l’ambition et de l’ignorance, il y avait la scientia et l’humilitas christiana ; à elles deux, elles formaient « des savants et des théologiens véritablement parfaits et religieux »21.
16Autrement dit, des « pii letterati ». Cette figure sur laquelle se concluent les deux volumes des Riflessioni sopra il buon gusto résume un ensemble de qualités qui, pour Muratori, formaient le modèle de savant qu’il proposa dans ses efforts pour restaurer les lettres italiennes. Se démarquant d’une tradition chrétienne peu favorable au travail intellectuel, Muratori voyait, au contraire, dans l’étude le meilleur rempart contre tous les vices, à commencer par l’« ozio » qui, de surcroît, fonctionne dans la pensée muratorienne comme une catégorie historiographique22. Pour autant, le savant ne devait pas se perdre dans des questions aussi subtiles que stériles dont la scolastique avait donné l’exemple ; il ne devait pas non plus viser à la construction de grands systèmes philosophiques que Muratori qualifiait de « châteaux en Espagne ». Cette attitude qui est d’ailleurs caractéristique de l’Italie post-galiléenne, trouvait chez Muratori une raison supplémentaire dans un intérêt prédominant pour un savoir directement utile aux hommes23. Pour lui, les qualités intellectuelles que le savant devait posséder ne vaudraient que si elles étaient mises au service d’autrui, un service qui s’inscrivait dans la perspective religieuse de la charité chrétienne24.
17En 1744, Muratori reçut de Benoît XIV une lettre où le pontife lui témoignait « estime et affection », ajoutant qu’il les méritait pleinement « étant un bon prêtre et un homme qui, en matière de savoir, fait l’honneur de notre Italie, la faisant apparaître non seulement égale, mais encore supérieure aux autres parties du monde »25. Toutefois, les choses n’avaient point été aisées. Non seulement, Muratori avait été la cible des accusations les plus odieuses, mais encore sa vie durant il se sentit écartelé entre les exigences de la science et celles de la foi. Il fut même des cas où la distinction qu’il opérait entre les deux domaines devint intenable et où la seule solution fut « le refuge [...] dans le Credo »26. Cette position de repli correspondait aussi à un profond découragement. En novembre 1745, répondant au cardinal Tamburini qui lui avait indiqué des corrections à apporter à la Regolata devozione, il écrivait qu’il tiendrait compte de toutes ses indications « quoique, je l’avoue, il me déplaira toujours de ne pas pouvoir exposer ce qui pourtant me semble le plus honorable pour la sainte religion que nous professons [...] Je me rends compte enfin qu’il faut laisser le monde comme il est, et moi aussi je tâcherai de m’y accommoder »27. Ce retrait et cette lassitude trouvent leur raison profonde dans un aveu qu’il faisait, trois jours avant sa mort, à son ami Scipione Maffei : « Les Saintes Écritures me font peur ; et comme jusqu’à maintenant rien de ce que j’ai écrit n’a été interdit, je ne voudrais pas que cela arrivât à l’avenir »28. Confession émouvante et terrible qui éclaire une confidence qu’il avait faite cinq ans plus tôt à Carlo Antonio Broggia, un « droghiere » de Naples qui consacrait ses loisirs à la réflexion économique. Encourageant son correspondant à poursuivre ses travaux, il avouait : « j’ai plusieurs fois pensé que, si Dieu m’avait appelé à une autre vie, je me serais adonné non aux lois, non à la médecine, mais au commerce »29. Ainsi, au soir de sa vie, devant les obstacles auxquels il s’était heurté, Muratori se prenait à penser que son désir d’être utile à autrui, d’« aider à bien vivre qui doit vivre dans ce monde »30, pouvait passer par d’autres voies que celles qu’il avait empruntées : à l’épreuve des faits, le « pio letterato » s’effaçait devant le mercator sapiens.
18Au terme de cette description de la « Repubblica letteraria » de Muratori et du modèle de savant qu’il proposa, on peut, dans la perspective de l’enquête sur les milieux intellectuels italiens, énoncer quatre conclusions. D’abord quant aux hommes qui composent ces milieux. On est ici dans une conception haute – « les lettrés les meilleurs et les plus importants de l’Italie » –, une élite docte, une « aristocratie » qui se définissait principalement non par la profession, mais par des publications, c’est-à-dire par sa contribution à l’avancement du savoir, un monde d’auteurs, au sens premier du terme ; d’où, l’exclusion, sauf exception, non seulement des poètes, mais encore des gens de la pratique, par exemple, des hommes de loi. En second lieu, pour cette élite, l’académie était une forme privilégiée de sociabilité tant, nous l’avons vu, parce que la mise en commun des talents est garante du progrès des connaissances que pour des raisons économiques. Acquérir des livres ou des instruments, publier des ouvrages ou faire des expériences demandaient des moyens de plus en plus importants, dépassant les forces d’un seul, et de surcroît, d’un simple particulier. D’où, et c’est là notre troisième conclusion, la présence de mécènes, au nombre de cinq – la division politique de la péninsule est présentée ici comme une chance – qui apporteraient un généreux concours. Ainsi, le mécénat demeurait une donnée structurelle de la vie intellectuelle à une époque où il était encore rare de vivre de sa plume31 et où bien des savants, à commencer par Muratori, étaient d’abord les serviteurs des puissants. Pour autant, une telle protection n’entamait point la liberté des savants. Muratori précisait expressément : « la grandeur du protecteur ne nuira point » à cette « république aristocratique » que serait la nouvelle académie ; bien plus, les mécènes non seulement aideraient la nouvelle institution de leurs libéralités, mais encore ils la défendraient, la protégeraient ; c’est qu’un tel patronage ressortissait à une conception providentielle de la société : « le ciel » avait concédé à certains « tant de privilèges de richesse et de puissance afin qu’ils en fassent un bon usage au profit des peuples »32. Enfin, tant la « Repubblica letteraria » que le « pio letterato » participent d’une culture catholique qui demeurait fondée sur Rome, perçue tout à la fois comme le centre de la vie savante dans la péninsule et la clef d’une reprise intellectuelle. Restait, entier et douloureux, le problème de la conciliation des exigences de la science moderne et de l’allégeance religieuse pour des savants qui étaient aussi des croyants sincères. L’heure de l’intellectuel laïque n’avait point encore sonné.
Notes de bas de page
1 Sur les textes relatifs à la « Repubblica letteraria », voir la note bibliographique à la suite de notre article Moderne Gelehrsamkeit und traditionelle Organisation. Die gelehrten Akademien im Italien der Frühaufklärung, dans Europäische Sozietätsbewegung und demokratische Tradition. Die europäischen Akademien der Frühen Neuzeit zwischen Frührenaissance und Spätaufklärung, Herausgegeben von K. Garber und H. Wismann unter Mitwirkung von W. Siebers, Tübingen, 1996, I, p. 271-283 ; sur la genèse et les vicissitudes de ce projet, ainsi que sur son prolongement dans les Riflessioni, voir A. Vecchi, La nuova accademia letteraria d’Italia, dans Accademie e cultura. Aspetti storici tra Sei e Settecento, Florence, 1979, p. 38-70 ; A. Burlini Calapaj, I rapporti tra Lamindo Pritanio e Bernardo Trevisan, dans ivi., p. 73-94. De façon générale, sur Muratori, on se rapportera aux ouvrages de A. Andreoli, Nel mondo di Lodovico Antonio Muratori, Bologne, 1972 ; S. Bertelli, Erudizione e storia in Ludovico Antonio Muratori, Naples, 1960 ; A. Dupront, L. A. Muratori e la société européenne des pré-Lumières, Florence, 1976. En ce qui concerne la « Repubblica letteraria », les citations sont, sauf mention explicite, extraites des Primi disegni dont l’une des publications les plus accessibles se trouve dans la Raccolta delle opere minori de Muratori (Naples, 1757, t. I, p. 1-29).
2 A. Burlini Calapaj, I rapporti cit., p. 74.
3 Lamindo Pritanio [Ludovico Antonio Muratori], Lettera apologetica indiritta [...] nel 1705 a i generosi letterati d’Italia, dans Gian Francesco Soli Muratori, Vita del proposto Ludovico Antonio Muratori..., Naples, 1758, p. 213.
4 T. Sorbelli, Benedetto Bacchini e la Repubblica letteraria del Muratori, dans Benedictina, VI, 1952, p. 94, 96-97, 98.
5 Listes publiées dans A. Burlini Calapaj, I rapporti cit., p. 94.
6 J.-M. Gardair, I Lincei : i soggetti, i luoghi, le attività, dans Quaderni storici, XVI, 1981, 48, p. 766.
7 A. Quondam, L’accademia, dans Letteratura italiana, I, Il letterato e le istituzioni, Turin, 1982, p. 831-841 (cit. : p. 836).
8 M. Cavazza, La « Casa di Salomone » realizzata ?, dans Università degli Studi di Bologna. I materiali dell’Istituto delle scienze, Bologne, 1979, p. 42-54.
9 On pense aux « servants » et « attendants » de la Maison de Salomon dans la Nouvelle Atlantide. Plus généralement, sur l’intérêt de Bacon et des baconiens pour le savoir des artisans, voir P. Rossi, I filosofi e le macchine, Milan, 1984, p. 118-128.
10 Francis Bacon, De dignitate et augmentis scientiarum, dans Works, Shedding et al. (éd.), I, Londres, 1857, p. 502-504.
11 De façon générale, voir H. Bots et F. Waquet, La République des Lettres, Paris, 1997.
12 Risposta di Monsig. Francesco Bianchini al Muratori sul proposito della Repubblica letteraria del Pritanio (Rome, 7 févr. 1705), dans G. F. Soli Muratori, Vita cit., p. 202-205 (cit. : p. 203).
13 A. Vecchi, La nuova accademia cit., p. 64-66 ; A. Burlini Calapaj, I rapporti cit., p. 90-92 (cit. : p. 91).
14 Ce conflit a été excellemment retracé par S. Bertelli (Erudizione e storia cit., chap. II : La disputa di Comacchio).
15 Pour un bon échantillon de ces accusations, voir G. F. Soli Muratori, Vita cit., chap. IX.
16 F. Waquet, Le modèle français et l’Italie savante. Conscience de soi et perception de l’autre dans la République des Lettres, 1660-1750, Rome, 1989 (Collection de l’École française de Rome, 117), p. 192-193.
17 Fiorano, 17 sept. 1748 (Ludovico Antonio Muratori, Opere, éd. par G. Falco et F. Forti, Milan-Naples, t. II, 1964, p. 2004).
18 Cette inquiétude de Galilée a été soulignée par P.-N. Mayaud, Deux textes au cœur du conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte : la lettre de Bellarmin à Foscarini et la lettre de Galilée à Christine de Lorraine. Traduction et présentation, dans Après Galilée. Science et foi : nouveau dialogue, sous la direction du cardinal Paul Poupard, Paris, 1994, p. 31.
19 Aucun lien direct entre le traité muratorien et l’édition italienne de 1710 de la Lettera scritta [...] alla granduchessa di Toscana ne saurait être établi : à cette date, l’ouvrage de Muratori est achevé. Toutefois, l’inspiration galiléenne est évidente et l’on peut penser avec Ezio Raimondi que ce fut là une des leçons que Muratori reçut de son maître Bacchini ; d’ailleurs, celui-ci avait coutume, y compris dans l’apologétique et l’histoire ecclésiastique, de distinguer « ce qui est de foi » de « ce qui ne l’est pas » (E. Raimondi, La formazione culturale del Muratori : il magistero del Bacchini, dans L. A. Muratori e la cultura contemporanea. Atti del convegno internazionale di studi muratoriani. Modena, 1972, Florence, 1975, p. 22).
20 Il faut ici souligner la confiance de Muratori dans cette faculté, comme l’atteste encore la défense qu’il en fit contre les attaques de Huet (F. Waquet, Uezio. Note sur la fortune de Pierre-Daniel Huet en Italie, dans Pierre-Daniel Huet (1630-1721). Actes du colloque de Caen (12-13 novembre 1993), sour la dir. De S. Guellouz, Paris-Seattle-Tübingen, 1994, p. 68-74).
21 Sur la charité et la haine tant morale qu’intellectuelle de Muratori pour les querelles, les polémiques et les satires, voir les chapitres 1-4 de la 2e partie du De ingeniorum moderatione ; pour la citation, p. 310.
22 Dans la Lettera esortatoria ai capi, maestri, lettori ed altri ministri degli ordini religiosi d’Italia (dans G. F. Soli Muratori, Vita cit., p. 215-231), Muratori définissait un modèle de religieux savant, fort proche de celui que Mabillon avait tracé dans le Traité des études monastiques, et il insistait sur le lien entre science et piété. Sur ce point, voir A. Dupront, L. A. Muratori cit., p. 46. Sur l’ »ozio » comme catégorie historiographique, nous renvoyons à notre livre, Le modèle français cit., p. 342.
23 B. Brunello, Muratori filosofo. Miscellanea di studi muratoriani, Modène, 1951, p. 209-218. Sur un refus des systèmes généraux et sur une méfiance à l’égard de la métaphysique dans l’Italie post-galiléenne, voir V. Ferrone, Scienza, natura, religione. Mondo newtoniano e cultura italiana nel primo Settecento, Naples, 1982 ; D. Generali, Il Giornale de’ letterati d’Italia e la cultura veneta del primo Settecento, dans Rivista di storia della filosofia italiana, XXXIX, 1984, p. 243-281. À ce point, on peut tracer un parallèle entre une pratique expérimentale dans les sciences et le développement de l’érudition de type mauriste. Pour la citation, voir F. Venturi, Settecento riformatore. I. Da Muratori a Beccaria, Turin, 1969, p. 183.
24 Lamindo Pritanio [L. A. Muratori], Delle riflessioni sopra il buon gusto nelle scienze e nell’arti... Parte seconda, Venise, Niccolò Pezzana, 1766 (éd. orig. : 1715), p. 299.
25 Rome, 21 octobre 1744 (G. F. Soli Muratori, Vita cit., p. 269).
26 Lettre à Girolamo Tartarotti, Modène, 13 mars 1733 (Campori, XI, 3177).
27 Lettre du 9 nov. 1745, citée par S. Bertelli, Erudizione e storia cit., p. 467.
28 Modène, 20 janv. 1750 (Campori, XII, p. 5409).
29 Modène, 18 mars 1745 (Campori, XI, p. 4771-4772 ; cit. : p. 4772). Sur C. A. Broggia, voir F. Venturi, Settecento riformatore cit., p. 90-98. F. Venturi, tout en marquant les limites de la pensée économique de Muratori, a insisté sur son intérêt croissant pour les questions sociales et économiques (ivi, p. 138-139, 151, 177-186).
30 C’était le but qu’il se proposait dans sa Filosofia morale esposta e proposta ai giovani, 1735 (cité d’après B. Basile, Muratori filosofo cit., p. 217).
31 Même si Muratori lui-même dut à ses travaux un enrichissement certain. Alors qu’il avait reçu de ses parents un héritage évalué entre 80 000 et 100 000 livres de Modène, héritage qu’il devait partager avec cinq sœurs, il laissa, à sa mort, un patrimoine montant à 750 000 livres ; encore sa vie durant, il avait contribué à restaurer son église de la Pomposa. Ses ouvrages, notamment ses grandes œuvres historiques, lui avaient rapporté d’importantes sommes d’argent ; à partir de 1725, il investit, en moyenne, 15 à 20 000 livres par an, allant même, en 1738, jusqu’à placer 75 000 livres (T. Sorbelli, Repertorio-indice degli atti notarili stipulati da Lodovico Antonio Muratori, 1689-1750, dans Atti e memorie della Deputazione di storia patria per le antiche provincie modenesi, 1961, p. 197-236).
32 Un argument du même ordre est avancé pour inciter les puissants à ouvrir leurs bibliothèques aux savants (F. Waquet, La communication des livres dans les bibliothèques d’Ancien Régime, dans Le livre et l’historien. Études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, réunies par F. Barbier et al., Genève, 1997, p. 378).
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002