« Guillemets » hippocratiques : fonctions de l’expression « (ce) qui est appelé… », (ὁ) καλεόμενος vel. sim., dans le texte scientifique ancien
p. 299-340
Résumés
Cette étude propose une double réévaluation des fonctions de l’expression « (ce) qui est appelé… », (ὁ) καλεόμενος uel sim. La prise en compte des spécificités de la voix passive explique d’abord pourquoi, paradoxalement, Galien comme les lecteurs modernes ont pu y voir une façon de signaler un terme comme technique ou inusuel, mais aussi bien comme courant, ou encore de blâmer un terme jugé inapproprié. L’analyse du corpus complet des participes signifiant « (ce) qui est appelé » dans la Collection hippocratique (58 occurrences, accompagnant 46 termes ou locutions différents), dans leur contexte, montre ensuite la très faible part de la fonction polémique (« le/la prétendu[e]… »), contrairement à la mise en relief de termes « techniques », qui ne sert cependant pas tant au signalement de la technicité d’un terme qu’à la structuration du texte scientifique, ainsi que l’illustre la place fréquente de ces participes au début d’un développement explicatif. En dernière analyse, ces expressions, tout comme nos guillemets modernes, relèvent de la « modalisation autonymique » (J. Authier-Revuz) : elles provoquent un arrêt sur un terme à la fois employé « en usage » et « en mention », laissant ainsi au lecteur le soin d’interpréter les raisons de cet arrêt.
This chapter provides a twofold reassessment of the functions of the phrase «what/that is called...», (ὁ) καλεόμενος uel sim. By taking into account the specific features of the passive voice, we can first of all explain why, paradoxically, both Galen and modern readers may have understood this phrase as a way of pointing out a term as technical or unusual, but also as common, as well as a way of blaming a term deemed inappropriate. Then, a careful analysis of the whole corpus of participles signifying «what/that is called» in the Hippocratic Corpus (58 occurrences, associated with 46 different terms or phrases), in their very context, shows very few examples of the polemical function («the so-called...»). In contrast, the participles are very often found with «technical» terms; however, they have less to do with pointing out the technicality of a term than with structuring the scientific text, as illustrated by the frequent position of these participles at the beginning of an explanatory development. Ultimately, these phrases, like our modern quotation marks, fall under the heading of «autonymic modalization» (J. Authier-Revuz): they produce a pause on a term that is both «in use» and «in mention», leaving it to the reader to determine the motives for this pause.
Entrées d’index
Mots-clés : Grec ancien, terminologie médicale, vocabulaire technique, participe passif, soi-disant, guillemets, modalisation autonymique
Keywords : Ancient Greek, medical terminology, technical vocabulary, passive participle, so-called, quotation marks, autonymic modalization
Texte intégral
1Tout discours scientifique s’accompagne d’une nécessaire attention à la dénomination. Le spécialiste qui transmet un savoir doit non seulement employer un langage précis et rigoureux, mais aussi s’assurer de la compréhension des auditeurs ou des lecteurs auxquels il s’adresse : il lui appartient donc, pour tout terme qui ne lui semble visiblement pas faire partie du vocabulaire connu de ses interlocuteurs, d’en proposer une définition. Mais il peut aussi leur fournir une autre indication précieuse, qui est celle du cercle des personnes qui admettent l’emploi de ce terme – la communauté d’usage –, que celui-ci possède ou non par ailleurs un sens différent dans la langue générale.
2Une telle indication, en particulier, est fournie lorsque le terme technique est introduit par une forme conjuguée active d’un verbe signifiant « nommer » ou « appeler » : que le sujet soit ou non précisé de façon explicite, l’emploi de la première ou de la troisième personne, au singulier ou au pluriel, qui inclut ou non le locuteur, n’est pas indifférent. À l’inverse, l’omission de cette indication résultant de l’emploi de ces mêmes verbes à la troisième personne du pluriel sans sujet exprimé, ou encore au passif, qui a fondamentalement pour fonction de « permettre la construction de phrases sans agent »1, peut également apparaître signifiant.
3De manière remarquable, un tel fonctionnement est déjà largement illustré dès les premiers textes médicaux qui nous sont parvenus. Les traités de la Collection hippocratique offrent, à côté de quelques exemples de καλέομεν ou ὀνομάζομεν « nous appelons, nous nommons », une majorité d’occurrences de καλέουσι ou καλέεται uel sim. « on nomme », ou du participe (ὁ) καλεόμενος / (ἡ) καλεομένη uel sim. « (ce) qui est appelé »2, qui gomment l’identité de celui qui prend en charge la responsabilité de la dénomination.
4Or comme l’a bien vu Galien, grand lecteur d’Hippocrate par ailleurs pourvu d’une conscience acérée des pouvoirs des mots3, de telles formes passives ne servent pas nécessairement à donner un caractère impersonnel à un discours scientifique dépourvu de toute subjectivité. Dans son Commentaire au Régime des maladies aiguës d’Hippocrate, le médecin de Pergame commente « l’ajout » (προστιθέναι, προσθήκη) de καλούμενον « appelé » à ὀξύμελι « oxymel »4 en lui assignant trois fonctions distinctes5:
Τὸ καλούμενον καὶ τὸ καλεῖσθαι καὶ τὰ παραπλήσια τούτοις ἔμαθες αὐτὸν προστιθέντα ποτὲ μὲν ὡς οὐδέπω συνήθους ἅπασι τοῖς Ἕλλησι τῆσδε τῆς προσηγορίας οὔσης, ποτὲ δὲ ὡς ἀκύρως λεγομένης, ἐνίοτε δὲ ὡς ἐνδεικνυμένης τι τεχνικόν, ὡς ἐπὶ τῶν κροταφιτῶν καὶ μασητήρων μυῶν ἐδιδάξαμεν. Ἀλλ᾿ ὅτι μὲν οὐδὲν ἐνδείκνυται τεχνικὸν ἡ προσηγορία τοῦ ὀξυμέλιτος, ἅπαντι δῆλον. Ἀλλ᾿ ἤτοι μεμφόμενος ἢ ὡς οὐδέπω συνήθη διὰ τῆς τοῦ καλεομένου ἐπεσημήνατο προσθήκης. Ἐγχωρεῖ δ᾿ ἑκάτερον· ἴσως μὲν γὰρ τότε πρῶτον εἰς χρῆσιν κοινὴν ἤρχετο. Τάχα δὲ καὶ μέμφεται τὴν φωνὴν ὡς ἐμφαίνουσαν ἤτοι ἐκ τοῦ ὄξους καὶ μέλιτος μόνων συγκεῖσθαι τὸ φάρμακον ἢ ὡς μέλιτος διαφορὰν δηλοῦσαν, ὡς εἰ καὶ οὕτως ἔλεγέ τις· Τὸ δὲ μέλι τὸ ὀξὺ δύναμιν ἔχει τοιάνδε. Περὶ μὲν δὴ τῆς τοῦ καλεομένου προσθήκης δῆλον· ἐπ᾿ αὐτὸ δὲ τὸ χρήσιμον ἴωμεν.
Tu as appris qu’il ajoute kaloumenon (« appelé »), kaleisthai (« être appelé ») et autres termes semblables tantôt lorsque ce nom n’est pas encore habituel pour tous les Grecs, tantôt lorsqu’il est employé de façon impropre, parfois lorsqu’il renvoie à un élément technique6, comme nous l’avons enseigné à propos des muscles krotaphites et masséters7. Mais le nom de l’oxymel ne renvoie à rien de technique : cela est clair pour tout un chacun ; c’est soit pour blâmer le terme, soit pour signifier qu’il n’était pas encore habituel qu’il a ajouté kaleomenon. Les deux sont possibles. Peut-être en effet est-ce seulement à ce moment-là que le terme est entré dans l’usage commun. Peut-être aussi blâme-t-il le terme parce qu’il présente le médicament comme s’il était uniquement composé de vinaigre et de miel, ou parce qu’il indique une espèce de miel, comme si quelqu’un disait : « Le miel acide a telle propriété ». Pour l’ajout de kaleomenon, voilà donc qui est clair ; venons-en à ce qui est proprement utile8.
5On ne peut qu’être frappé, au premier abord, par l’acuité de ces observations. Le lecteur moderne, de façon intuitive, fait d’ailleurs la même lecture, comme le montre une consultation des notes que les éditeurs consacrent parfois à la présence de l’expression « (ce) qui est appelé… » dans le texte hippocratique9.
6La longue note que A.-J. Festugière, dans son commentaire au traité hippocratique de l’Ancienne médecine, consacre au terme θώρηξ, mais qui s’attarde chemin faisant sur « l’expression “ce qu’on appelle” (ὁ καλούμενος) », en renvoyant au commentaire de Taylor au Timée de Platon (ad 69e 4)10, a visiblement contribué à nourrir la réflexion sur le sujet11 :
Thorax, en grec, c’est l’entière cavité du torse, et non pas seulement la partie au-dessus du diaphragme, qui est dite στῆθος, « poitrine » (cf. Plat. Tim., 69 e 4 ἐν δὴ τοῖς στήθεσιν καὶ τῷ καλουμένῳ θώρακι τὸ τῆς ψυχῆς θνητὸν γένος ἐνέδουν, avec la note de Taylor ad loc.). Ainsi de Arte 10 (15.27 H.) ὅ τε γὰρ θώρηξ καλεόμενος, ἐν ᾧ τὸ ἧπαρ στεγάζεται = « ce qu’on appelle le thorax, qui abrite le foie » […]. Aristote, Hist. Anim. I 8, 491 a 29, définit le thorax ὁ ἀπ᾽ αὐχένος μέχρι αἰδοίων κύτος, ὃ καλεῖται θώραξ = « la cavité qui va du cou aux parties sexuelles », et Part. Anim. IV 10, 686 b 5 ἄνω δ᾽ ἐστὶν ὁ καλούμενος θώραξ […] = « en haut il y a ce qu’on appelle le thorax […] ». On a remarqué dans Platon, Aristote, le de Arte, l’expression « ce qu’on appelle » (ὁ καλούμενος) : c’est là un « maniérisme » très commun lorsqu’il s’agit de mots techniques ressortissant à un art déterminé, ici la médecine. […] A.E. Taylor cite (ad Tim. 69 e 4) Plat., Banqu., 190 e 7 τὴν γαστέρα νῦν καλουμένην, Xen., Mém. I 1, 11 ὁ καλούμενος ὑπὸ τῶν σοφιστῶν (« savants » !) κόσμος, chez Aristote ὁ κ. ἀήρ, τὰ κ. ἄστρα, τὸ κ. γάλα, et même ὁ κ. νοῦς (de An. I 407 a 4) et ὁ κ. τῆς ψυχῆς νοῦς (ib. III 429 a 22)12.
7L’idée de « maniérisme » dans l’emploi du participe καλούμενος vient de A.E. Taylor, dont Festugière reprend presque à la lettre certains passages, tout en omettant ceux où le commentateur de Platon analyse l’emploi de ce participe comme un moyen pour l’auteur de s’« excuser à moitié » d’employer un terme technique :
τῷ καλουμένῳ est une sorte de demi-excuse pour l’emploi d’un mot qui appartient au vocabulaire technique d’une τέχνη ou « art », en l’occurrence la ἰατρικὴ τέχνη. […] L’emploi de καλούμενος avec des « mots de l’art » est très courant, même chez des auteurs comme ceux du Corpus hippocratique dont on pouvait s’attendre à ce qu’ils aient, en tant que τεχνῖται eux-mêmes, peu de réticences à employer des termes techniques (‘technicalities’). […] Chez Platon lui-même, on a des parallèles approchants, tels que Sympos. 190 e 7 ἐπὶ τὴν γαστέρα νῦν καλουμένην […]. Avec Aristote, cet emploi de καλούμενος est devenu un maniérisme bien établi. […] On trouve même des expressions telles que ὁ καλούμενος ἀήρ, τὰ καλούμενα ἄστρα, τὸ καλούμενον γάλα. Plus d’une fois, les Pythagoriciens sont décrits comme οἱ καλούμενοι Πυθαγόρειοι, « les P., comme on les appelle ». L’exemple le plus frappant est peut-être ὁ καλούμενος νοῦς […]. Aristote s’excuse en réalité à moitié pour l’emploi d’un mot technique, qui, effectivement, provient du vocabulaire spécialisé d’Anaxagore […]. De même, nous lisons chez Aristote ἡ καλουμένη ὄρεξις, parce que ὄρεξις est un « mot de l’art » technique, dans ce cas un terme technique propre au vocabulaire scientifique d’Aristote13.
8Quoi qu’il en soit, aucune de ces deux explications de A.E. Taylor, précaution oratoire à l’intention du lecteur (« une sorte de demi-excuse ») ou trait stylistique récurrent (« maniérisme bien établi »), ne revient dans les commentaires ultérieurs aux textes hippocratiques, qui retiennent simplement que l’expression met en relief des termes techniques. Le plus souvent, il est ainsi observé que (ὁ) καλεόμενος / (ἡ) καλεομένη uel sim. « souligne l’emploi technique du terme » qu’il accompagne, « indique que la dénomination est technique »14. À l’occasion, cependant, sont aussi notés les deux autres usages de l’expression « (ce) qui est appelé… » relevés par Galien, la mise en relief d’un terme peu usuel15 ou encore la contestation d’un terme jugé inapproprié :
L’expression « maladie dite sacrée » est une formulation qui conteste l’aspect divin de l’épilepsie, comme le fait l’auteur de Maladie sacrée16.
9Toutefois, de manière apparemment paradoxale, cette expression paraît aussi pouvoir indiquer le caractère usuel du terme auquel elle est associée, comme l’observe J. Jouanna dans une étude sur les « formes de la famille de πλίσσω » :
Dans les deux passages, l’expression est analogue : « ce qui est appelé πλιχάς » (τὴν πλιχάδα καλεομένην). L’ajout au substantif de « ce qui est appelé » (καλεομένην) est ambigu : cela peut signifier théoriquement soit que le mot est usuel soit qu’il est technique. Étant donné la rareté de l’emploi de πλιχάς, il s’agit plutôt ici d’un mot technique17.
10Si ces différentes analyses, prises de manière séparée, paraissent convaincantes, une difficulté majeure apparaît lorsque l’on tente de résumer les fonctions de l’expression « (ce) qui est appelé… ». Combien de fonctions peut-on vraiment dénombrer ? Comment prouver chacune d’entre elles, et en particulier comment expliquer que la même expression puisse apparaître aussi bien comme la marque du caractère rare que comme celle du caractère largement usité d’un terme ? Enfin, peut-on déterminer dans quelles proportions les différentes fonctions de cette expression s’observent dans les textes hippocratiques ?
11Pour répondre successivement à ces questions, la présente étude prendra pour objet toutes les occurrences des participes signifiant « (ce) qui est appelé » dans la Collection hippocratique, qu’ils soient substantivés (ὁ […] θώρηξ καλεόμενος « ce qui est appelé thorax », ex. 14 ; αἱ ἐγγαστρίμυθοι λεγόμεναι « les femmes dites ventriloques », ex. 42) ou qu’ils fonctionnent comme adjectifs (ἡ νοῦσος ἡ φοινικίη καλεομένη « la maladie dite phénicienne », ex. 29 ; τὸ δὲ ὀξύμελι καλεύμενον ποτόν « la boisson appelée oxymel », ex. 40) – en excluant toutefois les traités unanimement présentés comme très vraisemblablement plus tardifs18, afin d’obtenir un corpus aussi homogène que possible du point de vue linguistique.
12Après une analyse des caractéristiques du corpus ainsi établi (qui est par ailleurs présenté en entier dans l’Annexe19), nous tenterons tout d’abord, en prenant en compte les spécificités de la voix passive, d’expliquer pourquoi la même expression peut mettre en relief aussi bien un terme technique et/ou rare qu’un terme courant ; nous chercherons ensuite à dégager la nature des termes soulignés par cette expression dans la Collection hippocratique ; à la lumière de ces résultats, nous pourrons alors réexaminer les différentes hypothèses portant sur les fonctions de cette expression, tout en évaluant la place respective de chaque fonction dans les textes de la Collection.
I. « (Ce) qui est appelé… » dans la Collection hippocratique
13Dans la Collection hippocratique, plusieurs verbes sont employés au sens « nommer, appeler », de façon exclusive ou partielle : le verbe καλεῖν est le plus fréquent (plus de 130 occurrences en ce sens, en face de 3 exemples seulement du sens « appeler, mander ») ; on trouve également une vingtaine d’occurrences de ὀνομάζειν « nommer », 2 de ὀνομαίνειν « nommer », auxquelles il faut adjoindre certaines des quelque 320 formes passives du verbe λέγειν « dire » (la seule occurrence ancienne de προσαγορεύειν, en Epid.VII 10.3 Jouanna [5.382.2 L], ne signifie pas « nommer » mais « adresser la parole à, saluer »)20.
14De façon parallèle, la forme la plus fréquente du participe au passif signifiant « (ce) qui est appelé » est (ὁ) καλεόμενος / (ἡ) καλεομένη uel sim. (47 occurrences) ; on trouve également 9 occurrences de (ὁ) λεγόμενος / (ἡ) λεγομένη uel sim., et 2 de (ὁ) ὀνομαζόμενος / (ἡ) ὀνομαζομένη uel sim.21.
15Il est cependant difficile de déceler une différence d’emploi entre ces trois formes, qui présentent visiblement le même sens : (ὁ) λεγόμενος / (ἡ) λεγομένη, par exemple, est certes la seule forme attestée dans Maladies III (aux chap. 3, 6 et 10 : ex. 24, 31 et 32), mais il pourrait s’agir d’un hasard, car le verbe καλεῖν est aussi attesté (à l’actif) au chapitre 10 (7.130.4 L) : dans d’autres traités, on trouve aussi bien (ὁ) καλεόμενος / (ἡ) καλεομένη que (ὁ) λεγόμενος / (ἡ) λεγομένη22.
16Le corpus des 58 occurrences de l’expression « (ce) qui est appelé… » dans la Collection hippocratique peut en revanche être classé selon le champ lexical auquel appartiennent les 46 termes ou locutions soulignés par cette expression23. L’anatomie et la pathologie sont en effet largement représentées : on trouve 23 noms de parties ou d’éléments du corps (ex. 1-23), dont 6 noms d’os (ex. 1-6) et 6 noms de vaisseaux (ex. 7-12), et 11 noms de maladies ou de dispositions du corps (ex. 27-37), ainsi que 3 noms de patients ou d’états (ex. 24-26). Curieusement, ce n’est pas le cas de la pharmacologie : seuls 3 noms de substances pharmacologiques se retrouvent dans une telle expression (ex. 38-40). Les sept derniers termes (ex. 41-46) ne se laissent pas regrouper dans un champ lexical particulier.
II. « (Ce) qui est appelé… », marque du caractère aussi bien technique et/ou rare que courant d’un terme
17Dans son Commentaire au Régime des maladies aiguës, Galien donne à la présence de καλούμενον deux causes relevant de l’usage : la technicité des termes qui en sont accompagnés – c’est-à-dire leur caractère spécialisé, qui fait qu’ils sont employés par des spécialistes de l’art médical, la τέχνη ἰατρική24 – et leur caractère « pas encore habituel pour tous les Grecs ». Cependant, en dépit de la disjonction présente dans le texte de Galien (ποτὲ μὲν… ποτὲ δὲ… ἐνίοτε δὲ…), on ne peut en réalité pas comprendre ces deux causes comme exclusives l’une de l’autre.
18Langue de la médecine et langue courante, en effet, ne sont pas envisageables comme deux entités séparées, malgré les cas où l’on observe une concurrence entre deux mots pour désigner (plus ou moins) la même réalité25. Il s’agit plutôt de deux ensembles qui se recoupent et dont les frontières sont poreuses : les spécialistes emploient également largement les termes de la langue courante26, tandis que les locuteurs non spécialistes peuvent aussi à l’occasion, ou de manière récurrente, employer un terme généralement employé par les spécialistes27, et de ce fait perçu comme « technique ». Dans ce dernier cas, bien mis en évidence par les études sur la présence de la langue de la médecine dans tous les types de textes28, deux cas de figure peuvent se produire – qui peuvent aussi être envisagés comme deux étapes successives d’un même processus : la diffusion des idées médicales fait perdre aux termes ainsi repris, lorsque cette reprise devient récurrente, leur caractère proprement, ou exclusivement, technique29 (ils deviennent à la fois courants et techniques) ; mais en entrant dans le vocabulaire courant, ils peuvent aussi perdre entièrement leur caractère technique, en particulier s’ils sont remplacés par un autre terme dans la langue de la médecine. Ainsi, les deux causes relevant de l’usage dégagées par Galien ne sont pas nécessairement opposées, mais peuvent aussi apparaître corrélées, dans la mesure où les termes « pas encore habituel[s] pour tous les Grecs » peuvent très bien englober les termes techniques ensuite entrés dans la langue courante.
19Toutefois, l’explication galénique a pour mérite d’offrir une piste en posant deux questions différentes, et en réalité indépendantes l’une de l’autre : d’une part celle de la communauté qui se reconnaît dans un usage (en évoquant directement « tous les Grecs », et implicitement les spécialistes de la τέχνη ἰατρική), et d’autre part celle de l’époque à laquelle cet usage est attesté (en observant qu’un terme peut n’être « pas encore habituel »).
20Or ce sont précisément ces deux indications de la communauté d’usage d’un terme et de la datation de cet usage qui peuvent être omises dans les tournures passives des verbes « nommer, appeler » ; et c’est justement la diversité des restitutions possibles de ces deux indications qui permet de comprendre l’identification intuitive, par Galien et par les modernes, de causes si différentes à la présence de cette expression.
II.1. Les verbes « nommer, appeler » à la voix passive : omission de l’indication de la communauté d’usage (qui nomme – et quand ?)
21L’omission de ces deux indications n’est pas nécessitée par la langue grecque, dans la mesure où celle-ci permet leur expression avec le participe passif.
22Pour indiquer la communauté d’usage, un complément d’agent du participe signifiant « (ce) qui est appelé », bien que peu fréquent, est ainsi attesté aux Ve et IVe siècle av. J.-C. :
par exemple chez Hérodote, 2.15.3 Rosén : τῷ Δέλτα τῷ ὑπὸ Ἰώνων καλεομένῳ « ce qui est appelé le Delta par les Ioniens »30
Platon, Sophiste, 228d : τὸ μὲν πονηρία καλούμενον ὑπὸ τῶν πολλῶν « ce qui est appelé méchanceté par le commun des hommes » ; Lois, 793a : τὰ καλούμενα ὑπὸ τῶν πολλῶν ἄγραφα νόμιμα « ce qui est appelé coutumes non écrites par le commun des hommes »
Ctésias, Persica, F 5 § 34.6 Lenfant, à propos de la succession du roi des Mèdes Astibaras : τὴν ἀρχὴν Ἀσπάνδαν τὸν υἱὸν διαδέξασθαι, τὸν ὑπὸ τῶν Ἑλλήνων Ἀστυάγην καλούμενον « le pouvoir passa à Aspandas, celui qui est appelé Astyage par les Grecs »
Théophraste, Hist. Plant. 7.13.1 Amigues : τὸ δὲ φάσγανον, ὑπό τινων δὲ καλούμενον ξίφος « le glaïeul, appelé xiphos (“épée”) par certains »
ou encore dans le texte des Mirabilia présent dans le corpus aristotélicien, 838a.8-10 : ὑπό τινων δὲ τὴν Ἰταλίαν κατοικούντων Κυμαίαν, ὑπὸ δέ τινων Μελάγκραιραν καλουμένην « (la Sibylle), appelée Cyméenne par certains habitants de l’Italie, Mélancréra (“Tête-noire”) par d’autres ».
23L’expression de la datation d’un usage est aussi attestée au moyen d’un adverbe complément du participe signifiant « (ce) qui est appelé »31, comme l’illustre l’opposition, dans le texte de Thucydide (2.15.5 Romilly), entre νῦν μὲν « maintenant » et τὸ δὲ πάλαι « mais autrefois » :
τῇ κρήνῃ τῇ νῦν μὲν τῶν τυράννων οὕτω σκευασάντων Ἐννεακρούνῳ καλουμένῃ, τὸ δὲ πάλαι φανερῶν τῶν πηγῶν οὐσῶν Καλλιρρόῃ ὠνομασμένῃ
la fontaine qui est maintenant appelée Ennéacrounos (« Neuf-Bouches »), à cause de la façon dont les tyrans l’ont aménagée, mais qui était autrefois nommée, lorsque les sources étaient visibles, Callirhoé.
24Même si la langue classique préfère l’adverbe πάλαι, on peut aussi imaginer un complément d’agent faisant référence aux Anciens, comme on le trouve dans les Lieux affectés de Galien (5.7 [8.348 K]) : τοὺς γὰρ ὑπὸ τῶν παλαιῶν ὀνομαζομένους καύσους « ce que les Anciens nommaient causus ».
25Or aucune de ces deux indications n’est donnée dans les occurrences hippocratiques de l’expression « (ce) qui est appelé… » ; c’est ainsi la comparaison avec les tournures actives correspondantes qui permet d’émettre des hypothèses sur les différentes communautés d’usage qu’il est possible d’envisager.
II.2. Comparaison avec les tournures actives correspondantes
26Les textes hippocratiques, en effet, offrent une grande variété de sujets d’un verbe « nommer » à la voix active : il peut s’agir aussi bien d’un petit groupe, indéterminé (ἢν γὰρ ὀνομάσῃ τις « si quelqu’un nomme… »32), ou déterminé (les médecins spécialistes : ὅ τι ἕκαστος αὐτέων βούλεται ὀνομάσας « quel que soit le nom que chacun [des médecins] se plaît à lui donner »33), que de l’ensemble des Grecs (ἣν οἱ Ἕλληνες καλέουσιν ἰητρικήν « l’[art] que les Grecs appellent médical »34).
27Dès lors, l’idée que le terme associé au participe signifiant « (ce) qui est appelé » est rare repose sur l’hypothèse que ceux qui nomment forment un groupe peu nombreux : si l’on suppose qu’il s’agit simplement de « certaines personnes » (τινες), sans autre précision (« [ce] qui est appelé [par certains] »), le terme est alors compris comme « pas (encore) habituel pour tous les Grecs » ; si en revanche l’on suppose qu’il s’agit des gens de l’art, ou d’une partie de ceux-ci (« [ce] qui est appelé [par les spécialistes] » ou « [par certains spécialistes] »), le terme est perçu comme technique. Mais il est tout aussi légitime de supposer que ceux qui nomment sont en majorité, ou forment la totalité du groupe, et que le participe signifiant « (ce) qui est appelé » indique le caractère courant du terme qu’il accompagne : « (ce) qui est appelé [par tous (les Grecs)] ».
28Les textes hippocratiques offrent aussi des exemples de tournures actives exprimant la datation d’un usage, par l’association d’un sujet signifiant « les Anciens » à un verbe « nommer » à l’imparfait ou à l’aoriste : τούτους δὲ ἐκάλεον οἱ ἀρχαῖοι βλητούς « ces malades-là, les Anciens les appelaient frappés »35 ; καὶ ὀνομῆναί μοι αὐτὸ δοκέουσιν οἱ παλαιοὶ αἰθέρα « c’est ce que les Anciens me semblent avoir nommé éther »36 ; ὁποῖα ὠνόμασαν οἱ ἀρχαῖοι πλευρῖτιν καὶ περιπνευμονίην καὶ φρενῖτιν καὶ καῦσον « les maladies que les Anciens ont nommées pleuritis, péripneumonie, phrenitis, causus »37. Toutefois, en l’absence de participe à un autre temps que le présent dans notre corpus, et en l’absence d’adverbe temporel figurant dans l’expression « (ce) qui est appelé… », il paraît difficile d’envisager une autre datation que le présent.
III. Nature des termes mis en relief par l’expression « (ce) qui est appelé… » dans la Collection hippocratique
29Dans la mesure où l’expression « (ce) qui est appelé… » ne fournit pas en elle-même d’indication sur la communauté d’usage du terme qu’elle souligne, plusieurs voies s’offrent à la recherche pour tenter de déterminer si elle met en relief, dans la Collection hippocratique, des termes techniques et/ou rares, ou bien courants.
30L’examen du contexte, tout d’abord, permet parfois d’identifier le complément d’agent implicite du participe. Dans le traité de l’Ancienne médecine, par exemple, qui s’attache à défendre une certaine conception de l’art médical, la présence de l’adverbe ὁμολογουμένως « d’un commun accord, de l’aveu de tous » dans l’expression ὁ καλεύμενος ἰητρὸς καὶ ὁμολογουμένως χειροτέχνης « celui qui est unanimement appelé médecin et praticien » (ex. 43) implique que l’auteur renvoie à un vocabulaire partagé avec son lecteur ou son auditeur : le participe signifiant « (ce) qui est appelé » indique que ἰητρός et χειροτέχνης sont deux termes d’usage répandu dont la définition ne fait pas difficulté.
31D’autres indices peuvent être donnés par des remarques lexicographiques comme celles de Rufus ou de Galien : ce dernier, par exemple, en signalant comme propre aux « anciens médecins » et à Hippocrate l’emploi de ὀδούς « dent » pour désigner l’apophyse (ἀπόφυσις) de la deuxième vertèbre, nommée « pyrénoïde » (πυρηνοειδής) par les « médecins modernes »38, témoigne du caractère technique de ion. ὀδών « dent » lorsque le terme fait référence à un élément vertébral (ex. 5). Toutefois, ces témoignages postérieurs à la Collection hippocratique ne sont pas nécessairement fiables39 ; par ailleurs, il n’est pas non plus impossible d’envisager que deux auteurs différents, contemporains ou non, aient un avis différent sur l’usage ou la fréquence d’un terme.
32Dans ce contexte, l’étude de l’ensemble des attestations de chaque terme du corpus peut apparaître souhaitable ; cependant, outre qu’elle ne peut être réalisée dans le cadre de la présente étude, elle n’est pas nécessairement éclairante pour les termes rarement attestés.
33L’analyse des caractéristiques du corpus dans son ensemble propose en revanche des pistes intéressantes. Deux particularités de ce corpus font ainsi penser dès l’abord au vocabulaire technique40 : l’importance proportionnelle des termes d’anatomie et de pathologie, qui relèvent du vocabulaire de la τέχνη pratiquée par les rédacteurs des traités hippocratiques, mais aussi leur caractère souvent rare, puisque presque un quart des termes médicaux du corpus sont des hapax ou quasi-hapax (termes dont toutes les occurrences sont regroupées dans un seul passage, ou dans des passages parallèles)41 dans la Collection hippocratique.
34On ne peut bien sûr déduire le caractère technique d’un terme uniquement de sa rareté, que ce soit dans la Collection hippocratique ou dans la langue classique en général, puisque le nombre de ses occurrences est tributaire du nombre et du type de textes qui nous ont été conservés42. Il faudrait de plus, pour établir réellement la rareté d’un terme, tenir compte de l’ensemble des dérivés et composés qu’il a pu servir à former : si λοιμός « pestilence » (ex. 33), par exemple, est rare dans la Collection hippocratique, on trouve cependant le dérivé λοιμώδης, qui en constitue une attestation indirecte43 ; d’autre part, pour certains termes fréquents et usuels par ailleurs pourvus d’un sens technique plus rare, comme ion. ὀδών « dent » (ex. 5) ou σπόγγος « éponge » (ex. 23), également noms, respectivement, d’un os et d’une glande44, une telle recherche devrait faire le départ entre les attestations des différentes acceptions.
35Toutefois, la comparaison de la fréquence des termes de notre corpus dans la Collection hippocratique avec leur fréquence dans l’ensemble des textes conservés jusqu’au IVe siècle av. J.-C. inclus se révèle déjà instructive.
36Deux groupes se distinguent ainsi parmi les 11 hapax ou quasi-hapax assurés du corpus45. Les termes médicaux, pour la plupart (6 sur 7, auxquels on peut ajouter le titre d’un texte médical, les Sentences cnidiennes), ne sont pas attestés par ailleurs dans les textes archaïques et classiques ; le fait qu’ils se retrouvent ensuite soit dans les textes médicaux ultérieurs (οἱ μύες οἱ κροταφῖται καὶ μασητῆρες καλεόμενοι « les muscles appelés krotaphites et masséters »46, ex. 17 ; ὁ […] σύνοχος καλεόμενος « la [fièvre] dite synoque »47, ex. 35 ; τὰς Κνιδίας καλεομένας γνώμας « ce que l’on appelle Sentences cnidiennes »48, ex. 44), soit uniquement dans les lexiques d’Érotien et/ou de Galien (ἡ νοῦσος ἡ φοινικίη καλεομένη « la maladie dite phénicienne », ex. 29 ; τὸ λεγόμενον οἰσύπη αἰγός « ce que l’on appelle suint de chèvre », ex. 39)49 ou même nulle part ailleurs (φλὲψ […] ἡ ἐπωμιδίη ὀνομαζομένη « un vaisseau […] nommé [vaisseau] du haut de l’épaule », ex. 8 ; τὸ παρὰ βασιλεῖ λεγόμενον κύμινον « le cumin dit royal »50, ex. 38) confirme qu’il s’agit probablement de termes techniques, ceux qui ne réapparaissent pas dans les textes ultérieurs pouvant être considérés comme spécifiquement hippocratiques51 : on peut vraisemblablement comprendre les « spécialistes » comme complément d’agent implicite du participe.
37Trois termes ou locutions du corpus, en revanche, sont des hapax dans la Collection mais sont bien attestés dans les textes qui lui sont contemporains ou immédiatement postérieurs : λοιμός « pestilence » (ex. 33), déjà présent dans le premier chant de l’Iliade52, Σκυθέων ἐρημίη « désert des Scythes » (ex. 46), évoqué dans les Acharniens d’Aristophane53, et ἐγγαστρίμυθος « ventriloque » (ex. 42), attribué à l’historien Philochore, du début de l’époque hellénistique54. Quelles que soient les diverses raisons qui peuvent expliquer leur rareté dans les textes hippocratiques, le fait qu’ils appartiennent visiblement à la langue courante incite à voir dans l’emploi de l’expression « (ce) qui est appelé… » une façon pour le locuteur de faire appel à un savoir qu’il considère partagé par son lecteur ou son auditeur : on peut ici vraisemblablement comprendre πάντες (οἱ Ἕλληνες) « tout le monde, tous les Grecs » comme complément d’agent implicite du participe. Cet appel à un savoir partagé s’illustre en particulier dans les passages des Épidémies V et VII où ἐγγαστρίμυθος sert de comparant : καὶ ἐκ τοῦ στήθεος ὑπεψόφει ὥσπερ αἱ ἐγγαστρίμυθοι λεγόμεναι « et de sa poitrine elle faisait sortir un bruit sourd, comme les femmes appelées ventriloques » (ex. 42, trad. J. Jouanna).
38Les termes ou locutions de notre corpus pour lesquels il existe plusieurs occurrences dans les textes hippocratiques peuvent être dans une certaine mesure répartis de la même façon : 6 d’entre eux, qui ne sont pas par ailleurs attestés dans les textes classiques, sont vraisemblablement techniques (ἱερὸν ὀστέον « os sacré », ex. 3 ; σφάγιαι [φλέβες] « [vaisseaux] jugulaires », ex. 11 ; πλιχάς « entre-cuisses », ex. 22 ; βλητοί « [malades] frappés », ex. 24 ; γαλιάγκωνες « galiancones », ex. 25 ; ἡμιτριταῖος [πυρετός] « [fièvre] hémitritée », ex. 34).
39Parmi les 28 autres, qui se retrouvent aussi dans les textes classiques, certains sont vraisemblablement courants (ainsi ἰητρός, ex. 43) ; toutefois, le fait qu’un terme ou qu’une locution apparaisse dans un texte non technique n’implique pas nécessairement son caractère non technique : la présence de κοίλη φλέψ « veine cave » dans l’Ion d’Euripide (v. 1011), par exemple, indique plutôt les connaissances médicales de l’auteur de la tragédie55 ; par ailleurs, certains termes courants peuvent également présenter un sens technique particulier56.
40En définitive, même une étude précise des attestations d’un terme ne permet pas nécessairement de trancher entre terme technique et terme courant, en particulier lorsqu’il n’y a pas de concurrence entre deux termes différents, ainsi que l’illustre l’exemple du substantif ἀστράγαλος (ὁ) « astragale ».
41On ne trouve qu’une occurrence de ἀστράγαλος comme nom d’os du pied humain dans les textes hippocratiques (ex. 2), au sein d’un passage d’Épidémies V qui relate l’issue fatale d’un jeune homme qui « souffrait du talon, surtout dans la partie inférieure », après avoir « couru sur une route raboteuse » :
ἀλλὰ τεταρταίῳ τε ἐόντι αὐτῷ ἐμελαίνετο πᾶς ὁ τόπος ἄχρι τοῦ ἀστραγάλου καλεομένου καὶ τοῦ κοίλου τοῦ κατὰ τὸ στῆθος τοῦ ποδός
mais, alors que le malade en était au quatrième jour, tout l’endroit devint noir jusqu’à ce qui est appelé astragale et jusqu’au creux touchant à la partie bombée du pied57.
42Le texte en lui-même ne donne pas d’explication du terme ; néanmoins, rien ne permet de douter que ce dernier présente ici le sens bien connu par la suite de talus, os invisible à l’œil situé au-dessus du calcanéus, entre les apophyses du tibia et du péroné58 : par l’expression ἄχρι τοῦ ἀστραγάλου καλεομένου καὶ τοῦ κοίλου τοῦ κατὰ τὸ στῆθος τοῦ ποδός, le médecin hippocratique décrit précisément la propagation du mal qui, parti du talon (ion. πτέρνη), s’étend aux régions voisines dans deux directions à la fois, verticalement et horizontalement, respectivement jusqu’à l’astragale et jusqu’à la voûte plantaire. L’examen de cette occurrence pourrait donc faire penser qu’il s’agit d’un terme technique d’anatomie.
43L’existence d’une attestation de ἀστράγαλος en tant que nom d’os du pied humain dans un texte historique antérieur d’un siècle ne modifie pas cette conclusion :
ἀποθρῴσκοντα ἀπ᾽ ἵππου στραφῆναι τὸν πόδα· καί κως ἰσχυροτέρως ἐστράφη, ὁ γάρ οἱ ἀστράγαλος ἐξεχώρησε ἐκ τῶν ἄρθρων
ayant sauté de son cheval, il se tordit le pied, et se le tordit assez gravement, puisque l’astragale fut sorti de l’articulation59.
44Si, en effet, c’est visiblement à cet os précis qu’Hérodote fait référence lorsqu’il évoque l’accident de chasse de Darius, l’emploi de ἀστράγαλος dans ce texte n’implique pas que celui-ci soit passé dans l’usage courant : il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un historien emploie un terme technique appartenant à la science de son temps60.
45Toutefois, les autres occurrences de ἀστράγαλος apportent un tout autre éclairage, dans la mesure où ce terme désigne couramment, depuis les premiers textes, le même os de différents mammifères, qui sert au jeu des « osselets » (p. ex. Il. 23.88 ; Plat., Théét. 154c ; Aristoph., Vesp. 295)61 ; c’est sans doute également en raison du caractère familier de la réalité qu’il désigne que ἀστράγαλος fait aussi office de comparant dans des indications de quantité d’ingrédients données par des recettes hippocratiques (ὅσον ἀστράγαλον μέγεθος « de la grosseur d’un astragale / d’un osselet » [Morb.II 47b.2 Jouanna, 7.66.23 L] uel sim.)62.
46Dans la mesure où il n’existe qu’un seul terme pour désigner le même os63, et que l’usage de ce terme est largement partagé, on ne peut donc en toute rigueur conclure à son caractère technique, ou exclusivement technique.
IV. Fonctions de l’expression « (ce) qui est appelé… » dans la Collection hippocratique
47Malgré ces incertitudes de détail, qui laissent ouverte la question du statut de certains termes mis en relief par l’expression « (ce) qui est appelé… » dans la Collection hippocratique, il n’est cependant pas douteux que ces termes appartiennent en grande majorité au vocabulaire technique.
48Peut-on, pour autant, en conclure que cette expression peut avoir pour fonction de signaler ce caractère technique ? Deux observations en font douter. La première est que de très nombreux autres termes qui ne semblent pas moins techniques ne sont pas accompagnés d’une telle mention, de sorte qu’il est difficile de supposer que les termes qui en sont accompagnés sont vraiment plus particulièrement techniques ; la seconde est qu’il est tout aussi difficile de supposer, dans le cas des termes courants mis en relief par l’expression « (ce) qui est appelé… », que cette expression sert seulement à signaler leur caractère usuel.
49La fonction la plus évidente de l’expression « (ce) qui est appelé… », déjà bien repérée par Galien, est d’exprimer l’éventuelle réserve du locuteur face à une dénomination. Toutefois, peu nombreuses sont les occurrences hippocratiques qui paraissent en relever. L’étude des contextes dans lesquels apparaissent les termes courants ou techniques mis en relief par l’expression « (ce) qui est appelé… » permet en revanche de mettre en évidence, du point de vue pragmatique, l’effet produit par une telle expression sur le lecteur, et de proposer des pistes pour dégager les autres fonctions possibles de cette expression.
IV.1. Distanciation du locuteur : « the so-called… », « der sogenannte… » « il cosiddetto… »
50Le « blâme » d’un terme, envisagé par Galien comme fonction possible de l’expression « (ce) qui est appelé… », s’explique par la distance que prend le locuteur par rapport à la dénomination qu’il rapporte, que cette dernière soit partagée par « tous les Grecs » ou par certains médecins : « (ce) qui est appelé [par tout le monde / par la majorité / par certains… – mais à tort, selon moi] … ».
51Cette fonction, comparable à celle de l’adjectif anglais so-called « soi-disant, prétendu »64, est particulièrement bien illustrée par l’exemple de la « maladie sacrée ». La locution ἱερὴ νοῦσος (à laquelle on peut associer une occurrence du pluriel à valeur concrète ἱερὰ νοσεύματα, ex. 28) se distingue des autres termes mis en relief par l’expression « (ce) qui est appelé… », dans la mesure où elle est la seule à se trouver aussi souvent au sein d’une telle expression (6 occurrences) dans la Collection hippocratique, tandis que les autres termes ou locutions ne s’y trouvent jamais plus d’une ou deux fois. Comme l’observe J. Jouanna, le fait que cette dénomination apparaisse comme comparant dans le chapitre 151 des Maladies des femmes (et, pouvons-nous ajouter, sans participe signifiant « [ce] qui est appelé ») montre « qu’il s’agissait d’une affection bien connue des médecins, que la dénomination de “maladie sacrée” était admise des spécialistes et que ses symptômes étaient codifiés »65. Il s’agit donc d’une « expression technique médicale »66 – ce qui n’exclut pas, comme on l’a vu, qu’elle soit connue du plus grand nombre. En commençant son traité par les mots Περὶ μὲν τῆς ἱερῆς νούσου καλεομένης ὧδε ἔχει « Sur la maladie dite sacrée, voici ce qu’il en est »67, l’auteur du traité de la Maladie sacrée fait donc appel à une notion bien connue de son public. L’expression « (ce) qui est appelé… » lui permet cependant tout à la fois d’affirmer sa réserve vis-à-vis d’une telle dénomination, dont il dénonce le caractère erroné dans la phrase suivante : οὐδέν τί μοι δοκέει τῶν ἄλλων θειοτέρη εἶναι νούσων οὐδὲ ἱερωτέρη « elle ne me paraît nullement plus divine que les autres maladies ni plus sacrée »68.
52Cette distanciation du locuteur n’est cependant pas toujours aussi aisée à déceler : lorsque le contexte ne fournit pas d’indication claire de la position du locuteur, on ne peut qu’en faire l’hypothèse. C’est ainsi que peut s’expliquer l’hésitation de Galien, qui suggère, dans son Commentaire au premier livre des Épidémies d’Hippocrate, d’y voir une position critique d’Hippocrate, sans toutefois l’affirmer :
Τάχα δ᾽ ἂν εἶναι δόξειεν οἰκεῖον ἑξῆς σκέψασθαι, διὰ τί προσέθηκεν ὁ Ἱπποκράτης τὸ καλεόμενον καὶ οὐχ ἁπλῶς εἶπεν· Ἐν δὲ τῷ ἡμιτριταίῳ συμπίπτει μὲν καὶ ὀξέα νοσήματα. Δοκεῖ δή μοι μέμφεσθαι τὴν προσηγορίαν ὡς ἄκυρον.
Il semblerait peut-être approprié d’examiner ensuite pourquoi Hippocrate a ajouté kaleomenon (« appelé ») et n’a pas simplement dit « dans la fièvre hémitritée surviennent aussi des maladies aiguës ». Il me semble qu’il blâme la dénomination comme impropre69.
53Galien, dans la suite de son analyse, observe que « l’ajout » (προσθήκη) de ἥμισυ « demi » se fait « pour ce qui est inférieur quant à son achèvement » (ἐπὶ γὰρ τῶν ἐνδεεστέρως ἐχόντων κατὰ τὰ τέλεια), comme dans ἡμιθνής « à demi-mort » et d’autres termes, tandis que l’hémitritée est « bien pire que la fièvre tierce » (πολὺ χείρων τοῦ τριταίου) ; il conclut qu’il ne sait pas « selon quelle conception » (τί δόξαν αὐτοῖς) elle a été ainsi nommée par « ceux qui ont en premier établi cette dénomination » (οἱ πρῶτοι θέμενοι τὴν προσηγορίαν), avant d’avancer quelques explications possibles ; son hypothèse d’un « blâme » d’Hippocrate n’a donc aucun appui dans le texte hippocratique même.
54Si l’on met à part l’exemple de la « maladie sacrée », l’examen de l’ensemble du corpus ne fournit ainsi pas d’exemple réellement probant d’un usage polémique de l’expression « (ce) qui est appelé… ». L’exemple du nom de la « moelle épinière », νωτιαῖος μυελός (ex. 19), est particulièrement éclairant :
Καὶ ὁ μυελὸς ὁ καλεόμενος νωτιαῖος καθήκει ἀπὸ τοῦ ἐγκεφάλου· καὶ οὐκ ἔστιν ἐν αὐτῷ τοῦ λιπαροῦ [ἢ τοῦ κολλώδεος] πολύ, ὥσπερ καὶ <ἐν> τῷ ἐγκεφάλῳ· διὰ τοῦτο οὐκ ἂν δικαίως καὶ αὐτῷ εἴη μυελὸς οὔνομα·
La moelle appelée épinière provient du cerveau ; il n’y a en elle pas beaucoup de gras, pas plus que dans le cerveau. C’est donc à tort qu’on lui donne le nom de moelle70.
55Si l’auteur du traité des Chairs conteste bien la dénomination de « moelle », μυελός, le participe porte paradoxalement sur l’adjectif νωτιαῖος.
56Le traité du Prorrhétique II (ex. 41) fournit un autre cas-limite. Le passage comporte bien un blâme, et il est possible de traduire le participe par « allégué, prétendu » :
Ἀμφὶ δὲ τῶν γυμναζομένων καὶ ταλαιπωρεόντων τὰς μὲν ἀτρεκείας τὰς λεγομένας ὡς λέγουσιν οἱ λέγοντες οὔτε δοκέω εἶναι, οὔτ᾽ εἴ τις δοκέει, κωλύω δοκέειν·
Quant aux exercices et aux fatigues, les exactitudes prétendues que rapportent ceux qui en parlent, je n’y crois point ; et, si quelqu’un y croit, je ne l’en empêche pas71.
57Toutefois, la réserve ne porte pas nécessairement sur la dénomination elle-même (sur le fait qu’une réalité soit mal nommée) : on peut aussi comprendre qu’elle porte sur le fait qu’il puisse exister dans ce contexte des « exactitudes », acc. pl. ἀτρεκείας72, et que le participe sert ainsi à signifier que le terme est usurpé.
58Dès lors, il est possible d’émettre un doute sur le caractère réellement polémique du participe dans l’expression « maladie dite sacrée » (ex. 28), hors de l’exemple explicite du début du traité consacré à cette affection. Deux arguments vont dans ce sens.
59Tout d’abord, dans trois des quatre autres traités hippocratiques où cette expression apparaît, aucun élément du contexte ne permet de conclure que le terme est contesté ; dans les Vents et dans le Prorrhétique II, la locution « maladie sacrée » est même reprise un peu plus tard dans le texte, sans participe73. Seul le quatrième traité, Maladies des jeunes filles, émet une réserve, puisqu’il observe que lorsque la patiente a repris ses sens, « les femmes consacrent en l’honneur d’Artémis quantité d’objets divers ainsi que les vêtements féminins les plus somptueux, sur les injonctions des devins (κελευόντων τῶν μάντεων), en se faisant tromper (ἐξαπατεώμεναι) »74, mais cette observation est exprimée à plusieurs paragraphes de distance.
60Par ailleurs et surtout, l’expression « maladie dite sacrée » apparaît également hors du contexte médical, dans les Lois de Platon75, ainsi que, sous une forme légèrement différente, chez Hérodote (3.33 Rosén), qui fournit la plus ancienne attestation de la locution « maladie sacrée » :
Καὶ γάρ τινα καὶ ἐκ γενεῆς νοῦσον μεγάλην λέγεται ἔχειν ὁ Καμβύσης, τὴν ἱρὴν ὀνομάζουσί τινες·
On dit que Cambyse était atteint de naissance d’une grave maladie, que certains nomment sacrée.
61On peut certes y voir l’indication du caractère encore peu usuel de la dénomination76 ; cependant, il n’est pas exclu de supposer que l’expression « maladie dite sacrée » était déjà en partie devenue, dès le Ve siècle, une sorte de lieu commun, ce qui expliquerait qu’elle puisse être employée dans les textes médicaux sans que son caractère polémique soit explicité.
IV.2. Mise en relief d’un terme technique (et éventuellement rare) : mise à distance du lecteur/auditeur et/ou construction d’un texte en tant que texte scientifique
62Pourquoi, parmi le très grand nombre de termes techniques présents dans la Collection hippocratique, certains sont-ils accompagnés d’un participe signifiant « (ce) qui est appelé » ? L’hypothèse la plus évidente paraît être celle selon laquelle les termes ainsi mis en évidence seraient tout particulièrement techniques et rares et/ou difficiles. Dans le cas de termes à la fois pourvus d’un sens courant et d’un sens technique, comme ion. ὀδών « dent » (ex. 5) ou σπόγγος « éponge » (ex. 23), respectivement noms d’un os et d’une glande77, de plusieurs sens techniques inégalement fréquents, comme περόνη (ex. 21), qui désigne le « radius » ou le « péroné », mais aussi parfois l’« attache osseuse »78, ou d’un sens sur lequel les avis sont partagés, comme ἀστράγαλος (ὁ) « astragale » (ex. 2), que « certains inexperts », étrangers à l’art (ἔνιοι […] τῶν ἰδιωτῶν), considèrent comme le nom de la malléole79, il est possible de supposer que l’expression sert précisément à différencier ces deux acceptions, et à attirer l’attention du lecteur sur le sens technique plus rare, ou jugé plus exact.
63Cependant, si l’on omet les hapax ou quasi-hapax (dont toutes les occurrences sont nécessairement accompagnées d’un tel participe), il est frappant de constater que la plupart des termes de notre corpus apparaissent également par ailleurs dans la Collection hippocratique dépourvus d’un tel participe. Par exemple, parmi les six termes ou locutions pour lesquels il existe plusieurs occurrences dans les textes hippocratiques et que l’on peut identifier comme vraisemblablement techniques80, seul πλιχάς « entre-cuisses » (ex. 22) apparaît toujours (c’est-à-dire à deux reprises) au sein de l’expression « (ce) qui est appelé… », tandis que les cinq autres apparaissent le plus souvent en-dehors d’une telle expression.
64La logique d’un texte joue sans nul doute un rôle : après une première occurrence accompagnée du participe signifiant « (ce) qui est appelé », il est naturel que les suivantes en soient dépourvues. Ainsi, dans Maladies IV, après ἐξ αὐτῆς παχεῖαι φλέβες τείνουσιν αἱ σφάγιαι καλεόμεναι « sortent du (cœur, καρδίη) de gros vaisseaux, appelés jugulaires » (ex. 11)81, la locution αἱ σφάγιαι φλέβες revient seule quelques lignes, puis quelques paragraphes plus loin82 ; de même, dans le traité des Articulations, seule la première occurrence de γαλιάγκωνες « galiancones » est accompagnée de l’expression « (ce) qui est appelé… » (ex. 25)83, à l’exclusion de toutes les suivantes, aussi bien dans le même paragraphe que beaucoup plus loin84.
65Une différence de rédacteur, et donc de point de vue sur le caractère technique d’un terme, peut par ailleurs justifier qu’un tel participe, par exemple, accompagne βλητοί « [malades] frappés » dans Maladies III (ex. 24), mais non dans les deux passages parallèles de Maladies II85, ou dans d’autres traités encore.
66Ces explications, toutefois, n’épuisent pas tous les cas de figure86. Ainsi, dans Épidémies I, la fièvre « demi-tierce » ou « hémitritée », ἡμιτριταῖος [πυρετός] est d’abord citée à trois reprises, au sein d’une description clinique, au chapitre 2, puis de deux énumérations de noms de fièvres, aux chapitres 5 et 24, avant que le participe signifiant « (ce) qui est appelé » lui soit associé, dans la suite du chapitre 24 (ex. 34)87. Le caractère technique ou contestable du terme ἡμιτριταῖος88 ne paraît donc pas ici l’explication la plus évidente de la présence de ce participe.
67Le fait qu’un terme soit, dans le même traité, d’abord présenté sans le participe signifiant « (ce) qui est appelé », et seulement accompagné par la suite de ce participe, n’a pas manqué de provoquer la perplexité des lecteurs. Ainsi, dans le dernier chapitre du traité des Lieux dans l’homme, Littré adopte une conjecture de Van der Linden associant le participe καλεύμενα à la première des trois occurrences de τὰ καταμήνια dans le traité, au motif qu’il lui est associé dans la suivante89. La suggestion apparaît solidement fondée : dans le cadre de deux constructions tout à fait parallèles, commençant toutes deux par une protase introduite par ἐπήν « lorsque, si » ou ἤν « si », et se concluant toutes deux par la même apodose, à la présence du participe près (οὐ γίνεται ῥόος τὰ καταμήνια [καλεύμενα] « le flux [appelé] menstrues n’a pas lieu », ex. 36), l’absence du participe dans le premier passage peut faire penser à un oubli de copiste, d’autant que la troisième et dernière occurrence de καταμήνια, qui clôt à la fois le chapitre et l’ouvrage, est également accompagnée de καλεύμενα – à moins qu’il ne s’agisse simplement d’une incohérence ou d’une négligence de la part de l’auteur du texte, rendant ainsi la conjecture non nécessaire, donc non souhaitable90.
68L’apparition du participe καλεόμενος aux côtés de la quatrième et dernière occurrence de ἡμιτριταῖος [πυρετός] dans Épidémies I semble cependant relever d’un autre cas de figure, et pouvoir être expliquée par la nature du développement que l’expression « (ce) qui est appelé… » paraît introduire : après la liste de noms de fièvres qui occupe les premières lignes, le chapitre 24 de ce traité décrit en effet en quelques mots les principales caractéristiques de chacune d’entre elles. L’expression Ἐν δὲ τῷ ἡμιτριταίῳ καλεομένῳ « Dans la fièvre dite hémitritée… » par laquelle débute la description des effets de cette fièvre peut ainsi tout simplement apparaître comme un moyen d’ouvrir un développement explicatif, qui campe le locuteur dans un rôle didactique vis-à-vis de son lecteur, de manière comparable à d’autres usages des verbes « nommer, appeler »91.
69Il est vrai que la principale objection à cette interprétation est que ἡμιτριταῖος [πυρετός] est le seul nom de fièvre du chapitre à être ainsi présenté. Il n’est donc pas impossible de considérer que l’auteur des Épidémies I a préféré exprimer son avis sur le caractère technique ou contestable de cette dénomination dans le passage où il lui consacrait un bref développement, plutôt que dans les sèches listes qui précédaient. Toutefois, il est tout à fait remarquable que de manière générale, dans les textes hippocratiques, l’expression « (ce) qui est appelé… » se trouve particulièrement souvent au début d’un développement explicatif – c’est le cas de plus d’un quart des occurrences de notre corpus92. Elle paraît dans ce cas non pas tant fournir une information sur la nature du terme qu’elle accompagne que permettre la structuration du texte scientifique.
70Le fait est tout particulièrement flagrant au début de Maladies III, où les trois occurrences de l’expression « (ce) qui est appelé… » servent à introduire un nouveau développement, portant sur une maladie différente (au début des chap. 3, 6 et 10 : οἱ δὲ βλητοὶ λεγόμενοι « ceux qui sont dits frappés », ex. 24 ; ἡ δὲ καυσώδης λεγομένη « la (fièvre) dite causode », ex. 31 ; ὑπὸ δὲ τῆς κυνάγχης λεγομένης « dans ce que l’on appelle angine », ex. 32). Ce type d’introduction alterne de façon régulière avec une proposition subordonnée introduite par ἐπήν ou ὅταν « dans le cas où, lorsque » (chap. 1, 2, 4, 7, 8) ou un simple nom de maladie au nominatif, isolé (chap. 5 : Οἱ δὲ λήθαργοι « La léthargie ») ou constituant le sujet d’un verbe (chap. 9 : Φρενῖτις δὲ γίνεται… « La phrenitis survient… »).
71Un bon indice du caractère usuel de cette fonction introductive peut également être fourni par l’existence d’introductions de chapitres divergentes selon qu’elles comprennent ou omettent une telle expression : ainsi, dans trois chapitres successifs (65-67) de Maladies II, Littré édite (et traduit) Νοῦσος ἡ καλουμένη λήθαργος « Maladie dite léthargus », Ἑτέρη νοῦσος ἡ λεγομένη αὐαντή « Autre maladie dite desséchante » et Πυρετὸς ὁ φονώδης λεγόμενος « Fièvre dite meurtrière » ; les expressions « (ce) qui est appelé… » ont cependant pu être ajoutées de manière postérieure, car elles sont absentes des meilleurs manuscrits93.
72Par ailleurs, cette fonction de marqueur didactique n’est pas réservée aux têtes de chapitre. Elle s’observe, par exemple, dans le traité des Articulations, où le verbe « nommer, appeler » est repris dans les lignes qui suivent le participe, au sein d’un développement sur l’anatomie de la mâchoire ; l’auteur y lie remarquablement savoir sur les mots et savoir anatomique, les muscles « appelés krotaphites et masséters » étant nommés d’après leur place et leur fonction94 :
ἀπ᾽ ἀμφοτέρων τῶν ἀκρέων τούτων νευρώδεες τένοντες πεφύκασιν, ἐξ ὧν ἐξήρτηνται οἱ μύες οἱ κροταφῖται καὶ μασητῆρες καλεόμενοι· διὰ τοῦτο δὲ καλέονται, καὶ διὰ τοῦτο κινέονται, ὅτι ἐντεῦθεν ἐξήρτηνται· ἐν γὰρ τῇ ἐδωδῇ, καὶ ἐν τῇ διαλέκτῳ, καὶ ἐν τῇ ἄλλῃ χρήσει τοῦ στόματος, ἡ μὲν ἄνω γνάθος ἀτρεμέει· […] ἡ δὲ κάτω γνάθος κινέεται·
à ces deux têtes (de la mâchoire inférieure) s’insèrent des tendons nerveux auxquels sont attachés les muscles appelés crotaphites (« temporaux ») et masséters (« masticatoires ») ; ils doivent cette appellation et ce mouvement au fait qu’ils sont attachés à cet endroit. En effet, dans la mastication, dans le langage, comme dans tout autre usage de la bouche, la mâchoire supérieure reste immobile […], tandis que la mâchoire inférieure se meut95.
73Ainsi, la fonction du participe signifiant « (ce) qui est appelé » qui accompagne un terme technique paraît autant être de mettre en relief ce terme précis que de présenter le texte lui-même comme technique, en mettant ainsi le lecteur/auditeur, dépourvu de ces connaissances techniques, à une certaine distance.
IV.3. Mise en relief d’un terme courant : inclusion du lecteur/auditeur
74C’est au contraire l’effet inverse que produit la mise en relief d’un terme courant.
75Dans certains cas, l’emploi de l’expression « (ce) qui est appelé… » constitue simplement une façon pour le locuteur de capter l’attention de son lecteur ou de son auditeur, en convoquant un savoir partagé : pour un contemporain des textes hippocratiques, λοιμός « pestilence » (ex. 33), Σκυθέων ἐρημίη « désert des Scythes » (ex. 46) ou ἐγγαστρίμυθος « ventriloque » (ex. 42) sont sans doute immédiatement évocateurs – ce qui explique l’emploi de ce dernier terme comme comparant96.
76Parfois, le locuteur paraît également avoir pour but de s’assurer l’assentiment de son lecteur ou de son auditeur, en créant avec lui une communauté : préciser ὁ καλεύμενος ἰητρὸς καὶ ὁμολογουμένως χειροτέχνης « celui qui est unanimement appelé médecin et praticien » (ex. 43) implique que la définition de ces termes ne peut être contestée97.
V. Conclusion
77Au terme de cette étude, il est possible de conclure que les intuitions a priori contradictoires des lecteurs anciens et modernes des textes hippocratiques trouvent leur explication dans la spécificité de la voix passive. La comparaison des expressions « (ce) qui est appelé… » avec les tournures actives correspondantes permet de comprendre pourquoi les termes ou locutions ainsi soulignés peuvent être aussi bien usuels que rares, selon que la communauté d’usage implicitement supposée (le complément d’agent non exprimé) est constituée d’un grand nombre ou d’un petit nombre de personnes, qui peuvent être ou non spécialistes ; le fait que le vocabulaire technique soit très majoritairement représenté au sein du corpus des 58 occurrences d’une expression « (ce) qui est appelé… » recueillies dans les textes hippocratiques (accompagnant 46 termes ou locutions différents) n’est peut-être dû qu’à la nature même de ces textes.
78Par ailleurs, deux faits majeurs a priori inattendus méritent d’être soulignés. Tout d’abord, la fonction de contestation d’une dénomination, qui permet au locuteur de se distancier du terme ou de la locution qu’il cite, en ne la reprenant pas à son compte (« le/la dit[e], prétendu[e]… »), n’est réellement explicite que dans le traité de la Maladie sacrée, pour l’expression ἡ ἱερὴ νοῦσος καλεομένη « la maladie dite sacrée » ; le fait que cette même expression se retrouve à la fois dans d’autres traités hippocratiques et dans divers textes non médicaux sans que des éléments du contexte permettent de conclure que le terme est contesté laissent toutefois supposer qu’elle ait pu déjà en partie devenir, dès le Ve siècle, une sorte de lieu commun, ce qui laissait aux auteurs de textes médicaux le loisir de l’employer sans expliciter son caractère polémique.
79À ce titre, les deux seuls passages conservés en grec où Galien commente l’expression «(ce) qui est appelé…», dans ses Commentaires au Régime des maladies aiguës (cité supra en introduction) et au premier livre des Épidémies (cité supra, § IV.1)98, offrent avant tout à l’attention du lecteur le prisme à travers lequel le médecin de Pergame envisage les termes de la médecine. De même, le long développement qu’il consacre à cette expression dans le traité des Noms médicaux99, où il souligne l’importance fondamentale de cette précision dans le cas de la fièvre demi-tierce (ou hémitritée), puisque « Hippocrate n’a pas dit que c’est une fièvre demi-tierce, mais qu’elle est appelée fièvre demi-tierce »100, relie ouvertement l’emploi des verbes « nommer, appeler » en général au souci, récurrent chez Galien, de distinguer les « noms », ὀνόματα, des « choses » elles-mêmes, πράγματα101.
80Une autre question importante mise en évidence par l’étude de ce corpus est celle de la fonction de l’expression « (ce) qui est appelé… » lorsqu’elle met en jeu un terme ou une locution technique. L’hypothèse souvent avancée par les commentaires, selon laquelle elle servirait à indiquer au lecteur le caractère technique d’un terme, n’est réellement convaincante que dans les cas de polysémie, où l’on peut effectivement penser que cette expression signale au lecteur qu’il ne faut pas songer au sens le plus courant du terme. Dans les autres cas, en effet, le fait que les termes accompagnés par un participe signifiant « (ce) qui est appelé » dans la Collection hippocratique apparaissent par ailleurs le plus souvent dans les mêmes textes (lorsqu’il ne s’agit pas d’hapax) dépourvus d’un tel participe, tout comme de très nombreux autres termes qui semblent a priori tout aussi techniques, vont à l’encontre d’une telle hypothèse.
81Dès lors, ce n’est pas nécessairement la nature du terme mis en relief par l’expression « (ce) qui est appelé… » qui explique la présence de cette dernière, mais tout aussi bien la structure du texte dans lequel elle apparaît : en particulier, et de façon tout à fait remarquable, dans un quart des cas, l’expression « (ce) qui est appelé… » trouve place au début d’un développement explicatif, participant ainsi à l’élaboration d’un texte en tant que texte scientifique, qui met en scène un locuteur investi d’un rôle didactique vis-à-vis de son lecteur102.
82En dernière analyse, les fonctions pragmatiques à première vue très disparates que cette étude a permis d’observer pour cette expression (distanciation du locuteur, mise à distance ou au contraire inclusion du lecteur/auditeur) trouvent leur unité si l’on observe que le participe signifiant « (ce) qui est appelé » a ici une fonction de « mise en relief » analogue à celle de nos guillemets modernes. Comme nos guillemets, en mettant en relief un terme ou une formulation par le procédé de « modalisation autonymique » (selon l’expression de J. Authier-Revuz103) par lequel un mot est à la fois employé « en usage » et « en mention », ce participe provoque un arrêt sur le terme ou la formulation qu’il accompagne sans fournir de façon explicite les raisons de cet arrêt – ce qui laisse un large choix de possibilités d’interprétation, par exemple illustrées par les travaux de I. Fónagy sur la « structure sémantique des guillemets »104. Au lecteur d’entendre, dans les « creux interprétatifs » (selon les mots de J. Authier-Revuz)105 ouverts par les « guillemets » hippocratiques, la voix singulière de l’auteur hippocratique, qui peut à l’occasion user de leur pouvoir polémique, mais s’en sert avant tout comme d’un instrument rhétorique pour mettre en scène son texte scientifique.
VI. Annexe : Corpus
83Sur la méthode de constitution de ce corpus, voir supra, § I et n. 21. Sauf mention contraire (« trad. N.R. » uel sim.), les traductions proposées ci-dessous sont reprises aux éditeurs des textes cités, contrairement aux traductions proposées au cours de l’étude (voir supra, n. 2). Le cas échéant, le caractère particulièrement rare de certains termes (hapax, quasi-hapax [voir supra, § III et n. 41], termes seulement attestés à deux reprises dans toute la CH) est indiqué entre parenthèses.
A) Anatomie
Os (7 occ.)
841. ἀγκών106
85Ὁ δὲ ᾤετο τωὐτὸ ὀστέον εἶναι τοῦτό τε κἀκεῖνο, πολλοὶ δὲ καὶ ἄλλοι· ἔστι δὲ ἐκείνῳ τῷ ὀστέῳ τωὐτὸ ὁ ἀγκὼν καλεόμενος, ᾧ ποτὶ στηριζόμεθα « Or il croyait que l’une et l’autre saillie dépendaient des mêmes os, et beaucoup d’autres l’ont cru aussi : mais l’éminence qui appartient au même os que la précédente (apophyse styloïde) est celle que l’on nomme coude (olécrane), sur laquelle on s’appuie communément » (Fract. 3 Pétrequin [3.426.3 L])107
862. ἀστράγαλος
87ἐμελαίνετο πᾶς ὁ τόπος ἄχρι τοῦ ἀστραγάλου καλεομένου « tout l’endroit devint noir jusqu’à l’os appelé astragale » (Epid.V 48.2 Jouanna [5.236.4 L])
883. ἱερὸν ὀστέον
89τὸ ἱερὸν ὀστέον καλεόμενον « l’os que l’on nomme sacré » (Artic. 47 Pétrequin [4.210.5L])
904. κνήμη
91τῷ δὲ δικραίῳ τούτῳ τὸ ὀστέον ἡ κνήμη καλεομένη οἷον ἐν γιγγλύμῳ ἐνήρμοσται « dans cette bifurcation est engrené, comme en un ginglyme, l’os dit de la jambe » (Loc.Hom. 6.9 Joly [6.288.20 L])108
925. ὀδών (2 occ.)
93κατωτέρω τινὶ τοῦ ὀδόντος καλεομένου « un peu au-dessous de ce qui est appelé dent » (Epid.ΙΙ 24 [5.96.2 L], trad. É. Littré modifiée) ; εἰ μὴ ξὺν τῷ ὀδόντι καλεομένῳ « à moins que ce qui est appelé dent ne fût comprise dans le déplacement » (Epid.ΙΙ 24 [5.96.4 L], trad. É. Littré modifiée)109
946. ταρσός
95ἄλλο τι τῶν ὀστέων τοῦ ταρσοῦ καλεομένου « l’un des os de ce que l’on nomme le tarse » (Fract. 9 Pétrequin [3.448.18 L])
Vaisseaux (8 occ.)
967. παχεῖα (φλέψ)
97Τὰ δὲ κάτω πλευρέων ἡ αἱμόρρους ἡ παχεῖα καλεομένη φλέψ « En bas des côtes, le vaisseau sanguin dit “gros vaisseau” » (Oss. 7.1 Duminil [9.172.11 L])
988. ἐπωμιδίη (φλέψ) [hapax ou quasi-hapax]110
99Καὶ ταύτῃ ἀπ᾿ αὐτῆς βεβλάστηκε φλὲψ διὰ τοῦ νεύρου τοῦ ὑπὸ τὴν ἐπωμίδα ἡ ἐπωμιδίη ὀνομαζομένη « Par là, à partir (de ce gros vaisseau), naît un vaisseau qui passe par le tendon situé sous le haut de l’épaule et que l’on nomme (vaisseau) du haut de l’épaule » (Oss. 12.2 Duminil [9.182.21 L], trad. N. Rousseau 2016, p. 214)111
1009. κοίλη (φλέψ)
101ἐς τὴν κοίλην φλέβα καλεομένην « jusqu’à la veine dite cave » (Loc.Hom. 3.5 Joly [6.282.9 L])
10210. σπληνῖτις (φλέψ) [2 occ.]
103ἡ φλὲψ ἡ σπληνῖτις καλεομένη τείνει ἀπὸ τοῦ σπληνὸς ἐς τὸ πλευρόν, ἐκ δὲ τοῦ πλευροῦ ἐς τὸν ὦμον καὶ ἐς τὴν χεῖρα τὴν ἀριστερήν· ἡ δὲ ἡπατῖτις ἐς τὰ δεξιὰ ὡσαύτως « la veine nommée splenitis va de la rate au côté, du côté à l’épaule et au bras gauche ; l’hépatitis se comporte à droite de la même façon » (Morb.Ι 26 Wittern [6.194.7 L], trad. É. Littré) ; τούτου συμφέρει τὴν φλέβα ἀποσχάσαι τὴν ἐν τῇ χειρί, τὴν σπληνῖτιν καλεομένην, ἢ τὴν ἡπατῖτιν, καθ᾽ ὁπότερον ἂν ᾖ τὸ νόσημα « dans ce cas, il convient d’inciser la veine du bras nommée splenitis ou l’hépatitis, suivant le côté où est la maladie » (Morb.Ι 28 Wittern [6.196.15 L], trad. É. Littré).
10411. σφάγιαι (φλέψ)
105ἐξ αὐτῆς παχεῖαι φλέβες τείνουσιν αἱ σφάγιαι καλεόμεναι « sortent du (cœur, καρδίη) de gros vaisseaux, appelés jugulaires » (Morb.ΙV 38.1 Joly [7.554.22 L], trad. N.R.)112
10612. σφαγίτιδες (φλέψ) [2 occ.]
107Αἱ δ᾽ ἕτεραι φλέβες, ἐκ τῆς κεφαλῆς παρὰ τὰ ὦτα διὰ τοῦ αὐχένος, αἱ σφαγίτιδες καλεόμεναι « Les vaisseaux de la seconde (des quatre paires de vaisseaux les plus gros, αἱ παχύταται τῶν φλεβῶν) partent de la tête, le long des oreilles, et traversent le cou ; on les appelle jugulaires » (Nat.Hom. 11.2 Jouanna [6.58.9 L])113 ≈ Αἱ δ᾽ ἕτεραι φλέβες ἐκ τῆς κεφαλῆς παρὰ τὰ ὦτα διὰ τοῦ αὐχένος, σφαγίτιδες καλεόμεναι (Oss. 9.2 Duminil [9.174.20 L])
Autres parties du corps (12 occ.)
10813. ἀντικνήμιον
109τῶν δὲ ὀστέων τὸ μὲν ἔσω τοῦ ἀντικνημίου καλεομένου « des deux os, l’os situé à la face interne de ce que l’on nomme le devant de la jambe » (Fract. 18 Pétrequin [3.478.23 L], trad. N. Rousseau 2016, p. 231)
11014. θώρηξ
111ὅ τε γὰρ θώρηξ καλεόμενος, ἐν ᾧ τὸ ἧπαρ στεγάζεται « ce que l’on appelle le “thorax”, dans lequel le foie s’abrite » (deArte 10.4 Jouanna [6.18.3 L])
11215. κόρη
113Ἡ δὲ κόρη καλεομένη τοῦ ὀφθαλμοῦ μέλαν φαίνεται διὰ τοῦτο, ὅτι ἐν βάθει ἐστὶ καὶ χιτῶνες περὶ αὐτὸ εἰσὶ μέλανες « La partie de l’œil dite pupille paraît noire parce qu’elle est située au fond et entourée de tuniques noires » (Carn. 17.2 Joly [8.606.7 L])114
11416. κοτύλαι
115Ἐν δὲ τοῖσιν ἰσχίοισιν ἄρθρα δύο εἰσὶν αἱ κοτύλαι καλεύμεναι « Aux hanches, il y a deux articulations nommées cotyles » (Loc.Hom. 6.7 Joly [6.288.11 L])115
11617. κροταφῖται καὶ μασητῆρες (μύες) [hapax]116
117(τένοντες), ἐξ ὧν ἐξήρτηνται οἱ μύες οἱ κροταφῖται καὶ μασσητῆρες καλεόμενοι « (des tendons nerveux) d’où procèdent des muscles appelés crotaphites et masséters » (Artic. 30 Pétrequin [4.140.12 L])117
11818. μέλαινα χολή
119οὕτω δὲ καὶ ἐν τῷ ἀνθρώπῳ τοτὲ μὲν τὸ φλέγμα ἰσχύει, τοτὲ δὲ τὸ αἷμα, τοτὲ δὲ ἡ χολή, πρῶτον μὲν ἡ ξανθή, ἔπειτα δὲ ἡ μέλαινα καλεομένη « De même aussi dans l’homme, c’est tantôt le phlegme qui domine, tantôt le sang, tantôt la bile, d’abord la bile jaune, puis la bile dite noire » (Nat.Hom. 7.9 Jouanna [6.50.9 L])118
12019. νωτιαῖος (μυελός)
121ὁ μυελὸς ὁ καλεόμενος νωτιαῖος « la moelle appelée épinière » (Carn. 4.2 Joly [8.588.20 L])
12220. ὄχοι (hapax)
123Ἢν δὲ προΐσχωσιν ἔξω, τὰ δὲ νεῦρα τὰ καλεόμενα ὄχοι χαλᾶται « Si la matrice saille au dehors, et que les tendons appelés attaches soient relâchés » (Mul.II 204 [8.392.12 L], trad. É. Littré modifiée)119
12421. περόνη
125περόνην καλευμένην « ce que l’on appelle l’attache » (Loc.Hom. 6.5 Joly [6.288.1 L])120
12622. πλιχάς (2 occ.)
127ὅκως ἂν οἱ βουβῶνές τε καὶ τὸ ἄρθρον τὸ κατὰ τὴν πλιχάδα καλεομένην προσεπιδέηται « de manière que l’aine121 ainsi que l’articulation qui avoisine ce que l’on appelle entre-cuisses122 se trouvent comprises dans le bandage » (Fract. 20 Pétrequin [3.484.11 L], trad. J.-É. Pétrequin modifiée) ; Ἔσωθεν δὲ ὁ μηρὸς παρὰ τὴν πλιχάδα καλεομένην κοιλότερος καὶ ἀσαρκότερος φαίνεται « On voit, en dedans, la cuisse, au niveau de ce que l’on appelle entre-cuisses, plus creuse et moins charnue » (Artic. 54 Pétrequin [4.238.13 L], trad. J.-É. Pétrequin modifiée)
12823. σπόγγοι
129οἱ σπόγγοι καλεόμενοι ἀνεῖχον « les glandes appelées éponges (amygdales) gonflaient » (Epid.IV 7 [5.148.8 L], trad. F. Skoda 1988, p. 106123)
B) Pathologie
patients uel sim. (4 occ.)
13024. βλητοί
131οἱ δὲ βλητοὶ λεγόμενοι « ceux qui sont dits frappés » (Morb.III 3.1 Potter [7.120.17 L], trad. N.R.)124
13225. γαλιάγκωνες
133καὶ οἱ καλεόμενοι δὲ ἐκ γενεῆς γαλιάγκωνες « ceux qu’on nomme galiancones de naissance (coudes de belettes) » (Artic. 12 Pétrequin [4.114.1 L])
13426. δεκάμηνα (2 occ.)
135τὰ ἐν ἑπτὰ τεσσαρακοντάσι τικτόμενα, τὰ δεκάμηνα καλεόμενα « les enfants mis au monde en sept quarantaines, dits enfants de dix mois » (Oct. 7.1 Joly [7.446.2 L], trad. É. Littré) ; τὰ δεκάμηνα καλεόμενα « les fœtus dits de dix mois » (Oct. 10.1 Joly [7.452.10 L], trad. N.R.)
maladies uel sim. (17 occ.)
13627. γυναικεῖα νοσεύματα
137Τὰ γυναικεῖα νοσεύματα καλεύμενα « Maladies appelées de femme » (Loc.Hom. 47.1 Joly [6.344.3 L])125
13828. ἱερὰ νοσεύματα / ἱερὴ νοῦσος (6 occ.)
139τά τε ἱερὰ νοσεύματα καλεύμενα « les cas de maladie dite sacrée » (Aer. 4.3 Jouanna [2.20.15 L]) ; τὴν ἱρὴν καλεομένην νοῦσον « la maladie appelée sacrée » (Flat. 14.1 Jouanna [6.110.14 L]) ; Περὶ τῆς ἱερῆς νούσου καλεομένης ὧδε ἔχει « Sur la maladie dite sacrée, voici ce qu’il en est » (Morb.Sacr. 1.1 Jouanna [6.352.2 L]) ; Αὕτη δὲ ἡ νοῦσος ἡ ἱερὴ καλεομένη ἀπὸ τῶν αὐτῶν προφασίων γίνεται ἀφ᾽ ὧν καὶ αἱ λοιπαί « Cette maladie, dite sacrée, provient des mêmes causes déclenchantes que celles d’où proviennent les autres maladies » (Morb.Sacr. 18.1 Jouanna [6.394.9 L]) ; Πρῶτον περὶ τῆς ἱερῆς νούσου καλεομένης « Il sera d’abord traité de la maladie dite sacrée » (Virg. 1.2 Bourbon [8.466.5 L]) ; τῆς ἱερῆς νόσου καλεομένης « la maladie dite sacrée » (Prorrh.ΙΙ 5 [9.20.17 L])
14029. φοινικίη νοῦσος (hapax)
141ἡ νοῦσος ἡ φοινικίη καλεομένη « la maladie dite phénicienne » (Prorrh.ΙΙ 43 [9.74.13 L])126
14230. ἐφηλίδες
143Τὰς δ᾽ ἐφηλίδας λεγομένας « Les taches dites éphélides » (Mul.II 190 [8.370.6 L])127
14431. καυσώδης
145ἡ δὲ καυσώδης λεγομένη « la fièvre dite causode » (Morb.III 6.1 Potter [7.122.23 L], trad. É. Littré)
14632. κυνάγχη
147ὑπὸ δὲ τῆς κυνάγχης λεγομένης πνίγεταί τε ὥνθρωπος « dans la maladie dite angine, le patient est suffoqué » (Morb.III 10.1 Potter [7.128.16 L], trad. É. Littré)128
14833. λοιμός (hapax)
149ὁ μὲν κοινὸς ἅπασιν, ὁ καλεόμενος λοιμός « Il y a deux espèces de fièvres, […] l’une commune à tous, qui est appelée pestilence » (Flat. 6.1 Jouanna [6.96.24 L])129
15034. ἡμιτριταῖος (πυρετός)
151Ἐν δὲ τῷ ἡμιτριταίῳ καλεομένῳ « Dans la fièvre dite hémitritée » (Epid.I 24.4 Jouanna [2.674.4 L])
15235. σύνοχος (πυρετός) [quasi-hapax]
153Ὁ μὲν οὖν σύνοχος καλεόμενος γίνεται ἀπὸ πλείστης χολῆς καὶ ἀκρητεστάτης « La fièvre dite synoque provient de la bile la plus abondante et la plus pure » (Nat.Hom. 15.2 Jouanna [6.66.13 L])130
15436. καταμήνια (2 occ.)
155οὐ γίνεται ῥόος τὰ καταμήνια καλεύμενα « le flux appelé menstrues ne s’opère pas » (Loc.Hom.47.6 Joly [6.346.10 L]) ; τὰ καταμήνια καλεύμενα « ce que l’on appelle menstrues » (Loc.Hom. 47.11 Joly [6.348.15 L], trad. N.R.)131
15637. φρόνησις ψυχῆς καὶ ἀφροσύνη
157Περὶ δὲ φρονήσιος ψυχῆς ὀνομαζομένης καὶ ἀφροσύνης ὧδε ἔχει « Pour ce que l’on nomme intelligence et inintelligence, voici ce qu’il en est » (Vict.I 35.1 Joly [6.512.20 L], trad. É. Littré)132
C) Substances pharmacologiques (3 occ.)
15838. τὸ παρὰ βασιλεῖ κύμινον (hapax)
159καὶ τὸ παρὰ βασιλεῖ λεγόμενον κύμινον « le cumin appelé royal (cuminum cyminum L.) » (Hum. 10 Overwien [5.490.13 L], trad. É. Littré)133
16039. οἰσύπη αἰγός (hapax)134
161Ἢ τὸ λεγόμενον οἰσύπη αἰγὸς ξηρὰ κόψαι « Ou bien, ce que l’on appelle le suint de chèvre, le broyer sec » (Mul.II 195 [8.378.7 L])135
16240. ὀξύμελι
163τὸ δὲ ὀξύμελι καλεύμενον ποτόν « la boisson appelée oxymel » (Acut. 58.1 Joly [2.348.7 L])
D) Divers (7 occ.)
16441. ἀτρεκείη (2 occ. anciennes)
165τὰς μὲν ἀτρεκείας τὰς λεγομένας « les exactitudes prétendues » (Prorrh.II 3 [9.10.17 L])136
16642. ἐγγαστρίμυθοι (αἱ) [quasi-hapax]
167καὶ ἐκ τοῦ στήθεος ὑπεψόφει ὥσπερ αἱ ἐγγαστρίμυθοι λεγόμεναι « et de sa poitrine elle faisait sortir un bruit sourd, comme les femmes appelées ventriloques » (Epid.V 63.3 Jouanna [5.242.12 L]); καὶ ἐκ τοῦ στήθεος ὑπεψόφει ὡς αἱ ἐγγαστρίμυθοι λεγόμεναι « id. » (Epid.VII 28.3 Jouanna [5.400.6 L])
16843. ἰητρὸς καὶ χειροτέχνης
169ὁ καλεύμενος ἰητρὸς καὶ ὁμολογουμένως χειροτέχνης « celui qui est unanimement appelé médecin et praticien » (Vet.Med. 7.1 Jouanna [1.584.7 L], trad. N.R.)
17044. Κνίδιαι γνῶμαι (hapax)
171οἱ συγγράψαντες τὰς Κνιδίας καλεομένας γνώμας « les auteurs de ce que l’on appelle les Sentences cnidiennes » (Acut. 1.1 Joly [2.224.2 L])137
17245 πηλοπάτιδες (hapax)
173Ὅταν δὲ ἐς ὑποδήματος λόγον ἴῃ, ἀρβύλαι ἐπιτηδειόταται αἱ πηλοπάτιδες καλεόμεναι « Lorsqu’on en viendra à chausser l’enfant, la chaussure la mieux appropriée sera le brodequin appelé brodequin pour la boue » (Artic. 62 Pétrequin [4.268.8 L])
17446. Σκυθέων ἐρημίη (hapax)
175ἡ δὲ Σκυθέων ἐρημίη καλευμένη « ce que l’on appelle le désert des Scythes » (Aer. 18.2 Jouanna [2.68.6 L])
Bibliographie
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TLFi = Trésor de la langue française informatisé, Paris, 2004, www.atilf.fr/tlfi.
Notes de bas de page
1 Lyons 1970 [1968], p. 289.
2 Comme permet de le déduire la consultation du Thesaurus linguae Graecae [= TLG] électronique (Université de Californie, Irvine), qui donne la liste de toutes les formes sous lesquelles apparaît un même lemme. Sur les différents verbes signifiant « nommer, appeler » dans la Collection hippocratique, voir le début du § I infra. Sur le corpus des 58 occurrences de l’expression « (ce) qui est appelé… » que l’on peut relever dans les traités non réputés tardifs de la Collection hippocratique, dont les exemples, présentés en entier dans l’Annexe, ont été numérotés pour faciliter les renvois, voir infra et n. 18, ainsi que § I et n. 21. De manière générale, les titres des traités hippocratiques et galéniques sont donnés en entier en français, et abrégés en latin en suivant la bibliographie du Corpus Medicorum Graecorum initiée par Gerhard Fichtner et publiée en ligne sur le site de la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften. Lorsque l’éditeur n’est pas mentionné, le texte est repris à l’édition d’Émile Littré. Sauf mention contraire, les traductions proposées dans l’ensemble de l’étude sont personnelles, hormis dans l’Annexe, où, pour illustrer les interprétations possibles de cette expression, les traductions sont, sauf mention contraire (« trad. N.R. » uel sim.), reprises aux éditeurs des textes cités.
3 Voir p. ex. Rousseau 2017 et 2021.
4 Voir Annexe, ex. 40.
5 Au début de ce passage, Galien associe au participe καλούμενον l’infinitif passif καλεῖσθαι « être appelé » et « les autres termes semblables » (τὰ παραπλήσια τούτοις) à titre de comparaison, mais s’intéresse par la suite spécifiquement à l’emploi du participe. Sur l’importance, pour Galien, de l’emploi du verbe καλεῖν uel sim. dans le texte scientifique, voir notre Conclusion infra.
6 Ici, l’emprunt fr. technique « [P. oppos. à général, commun, courant] Qui relève d’une activité ou d’une discipline spécialisée, et suppose des connaissances spécifiques » (TLFi s.u.) correspond bien au gr. τεχνικός « relevant de l’art » (et plus précisément, d’après le contexte, « relevant de l’art médical »).
7 Galien n’aborde pas la question de façon directe dans les textes qui nous ont été conservés ; il n’est toutefois pas exclu qu’il fasse simplement allusion à la fin de son commentaire au passage des Articulations (sur lequel voir infra à la fin du § IV.2) où il indique précisément à quel type de muscles Hippocrate fait référence « lorsqu'[il] dit » ἅμα τε ἀμφοτέρων τῶν ἀκρέων τούτων νευρώδεις τένοντες πεφύκασιν, ἐξ ὧν ἐξήρτηνται οἱ μύες οἱ κροταφῖται καὶ μασητῆρες καλεόμενοι (In Hipp. De artic. comm. 2.3 [18a.431 K]). La chronologie que Galien donne de ses commentaires, selon laquelle il a rédigé le commentaire aux Articulations avant celui au Régime des maladies aiguës (voir la Notice de A. Pietrobelli à son édition du 1er livre de ce dernier commentaire [Paris, 2019], p. xxi-xxxv), ne va en tout cas pas à l’encontre de cette hypothèse. Il est également possible que Galien fasse référence au traité des Noms médicaux, où il cite ce passage des Articulations (De nominibus medicis, 96r Meyerhof – Schacht, p. 22 pour la traduction allemande), mais il n’y évoque pas précisément ces trois explications (voir notre Conclusion, ainsi que les n. 99 et 100).
8 Gal., In Hipp. De victu acut. comm. 3.24 Helmreich (15.676-677 K).
9 Selon notre recensement des éventuelles remarques à ce sujet, pour tous les passages de notre corpus (sur lequel voir infra et n. 18, ainsi que § I et n. 21), dans les éditions de Littré et de Ermerins, ainsi que dans les éditions de référence utilisées pour l’établissement de ce corpus. Ce recensement est donc nécessairement incomplet (voir, par exemple, une observation de M. Vegetti, infra, n. 15).
10 Voir infra et n. 13.
11 Ni Littré, ni Ermerins ne s’intéressent à cette expression ; parmi les éditeurs francophones d’Hippocrate, seuls J. Jouanna, puis F. Bourbon, soulèvent la question de son interprétation. La note de A.-J. Festugière citée infra est par exemple évoquée par D. Lanza 1972, p. 410 n. 39, ou encore par J. Jouanna, à deux reprises, n. ad Nat.Hom. 7.9 Jouanna (6.50.9 L) et n. ad deArte 10.4 Jouanna (6.18.3 L).
12 Festugière 1948, p. 68-69, n. 89. La note se poursuit par plusieurs citations de passages hippocratiques où figurent le participe καλεόμενος uel sim., mais aussi d’autres formes du verbe καλέω, suivies d’une réflexion sur la valeur de ces différentes formes : « Il y a peut-être une nuance dans ce fait que, parlant du thorax, de Arte dit ὁ κ. θώρηξ alors que V. M. dit simplement ὁ θώρηξ, que de Arte 10 dit “ce qu’on appelle muscle” alors que V. M. dit “ce que nous appelons bile jaune” : cela confirmerait-il la thèse, généralement soutenue, que l’auteur de de Arte n’est pas homme de l’art alors que celui de V. M. est certainement un médecin ? ». Elle se conclut par deux observations sur des passages particuliers : « Il n’y a pas de maniérisme, à mon sens, dans V. M. 7 (40.12) ὁ κ. ἰητρὸς καὶ ὁμολογουμένως χειροτέχνης = “ce qu’on appelle un médecin et qui est, de l’aveu commun, un praticien”, car l’auteur veut insister sur ce fait que l’artisan dit médecin est bien le praticien d’un art établi (τέχνης ἐούσης), qui porte un nom et qui a ses règles. Plus curieuse, en revanche, est l’expression de Flat. 1 (91.5 H.) “l’art que les Grecs appellent médecine (ἣν οἱ Ἕλληνες καλέουσιν ἰητρικήν)” ».
13 « τῷ καλουμένῳ is a sort of semi-apology for the use of a word which belongs to the technical vocabulary of a τέχνη or ‘craft’, in this case the ἰατρικὴ τέχνη. […] The use of καλούμενος with ‘words of art’ is very common, even in the writers like those of the Hippocratic corpus who, as themselves τεχνῖται, might be expected to have little compunction about the employment of ‘technicalities’. […] In Plato himself we have such approximate parallels as Sympos. 190 e 7 ἐπὶ τὴν γαστέρα νῦν καλουμένην […]. With Aristotle this use of καλούμενος has become a standing mannerism. […] We even get such phrases as ὁ καλούμενος ἀήρ, τὰ καλούμενα ἄστρα, τὸ καλούμενον γάλα. More than once the Pythagoreans are described as οἱ καλούμενοι Πυθαγόρειοι, ‘the P., as they are called’. The most striking example is perhaps ὁ καλούμενος νοῦς […]. Aristotle is, in fact, half apologizing for the employment of a technical word, which, indeed, comes from the special vocabulary of Anaxagoras […]. Similarly we read in Aristotle of ἡ καλουμένη ὄρεξις, because ὄρεξις is a technical ‘word of art’, in this case a technicality of Aristotle’s own scientific vocabulary » (Taylor 1928, p. 500-501).
14 J. Jouanna, resp. n. ad deArte 10.4 Jouanna (6.18.3 L) [ex. 14 de notre corpus], contra M. Vegetti (voir infra, n. 15), et n. ad Morb.Sacr. 1.1 Jouanna (6.352.2 L) [ex. 28] ; voir de même id., Notice à l’édition de la Maladie Sacrée, p. xxiv [ex. 28] ; n. ad Epid.V 48.2 Jouanna (5.236.4 L) [ex. 2] ; n. ad Nat.Hom. 7.9 Jouanna (6.50.9 L) [ex. 18] ; n. ad Epid.I 24.4 Jouanna (2.674.4 L) [ex. 34].
15 F. Bourbon, n. ad Nat.Mul. 103.1 Bourbon (7.416.18 L), à propos de l’expression τὸ λεγόμενον οἰσύπη αἰγός qui apparaît dans le passage parallèle Mul.II 195 (8.378.7 L) [voir Annexe, ex. 39, et n. 134] : « la tournure indique […] que l’ingrédient est peu courant ». De même, pour M. Vegetti (Torino, 1976), n. ad deArte 10 (cité par J. Jouanna, n. au même passage : voir supra, n. 14), à propos de l’expression ὁ […] θώρηξ καλεόμενος [ex. 14 de notre corpus], « la nouveauté de l’usage incite l’auteur de l’Art à introduire un “ainsi dit” » (« La novità dell’uso consiglia l’autore dell’Arte a introdurre un ‘cosiddetto’ »).
16 F. Bourbon, n. ad Virg. 1.2 Bourbon (8.466.5 L) [ex. 28 de notre corpus] ; voir déjà J. Jouanna, n. ad Morb.Sacr. 1.1 Jouanna (6.352.2 L) [ex. 28], ainsi que la Notice à cette édition, p. xxv.
17 Jouanna 2013, p. 84.
18 Voir Index Hipp., p. XV-XXIV ; Jouanna 2017 [1992], p. 529-590 ; ainsi que la section « Werkverzeichnisse » du Corpus Medicorum Graecorum en ligne. Dans cette étude, l’expression Collection hippocratique (= CH) fait ainsi référence à l’ensemble des traités non réputés tardifs de l’ensemble des textes qui nous ont été transmis sous le nom d’Hippocrate.
19 Voir supra, n. 2.
20 Ces chiffres ont été obtenus en croisant les indications données par l’Index Hippocraticus et par le Thesaurus linguae Graecae [= TLG] électronique (Université de Californie, Irvine).
21 Ce corpus a été établi de la même manière (voir n. 20). On peut toutefois saluer le caractère particulièrement fiable de l’Index Hippocraticus : la seule occurrence qu’il ne classe pas (s.u. λέγω) parmi les exemples du participe ὁ λεγόμενος uel sim. (Prorrh.II 3 [9.10.17 L]) constitue effectivement un cas-limite (voir infra, § IV.1 et n. 72, ainsi que l’Annexe, ex. 41 et n. 136). La recherche dans le TLG, en revanche, doit toujours être complétée par la consultation des éditions critiques : celui-ci, en effet, ne prend pas en compte la « meilleure » leçon en Morb.III 10.1 Potter (7.128.16 L), fournie par l’Index Hippocraticus s.u. λέγω (λεγομένης θ: καλεομένης M Li.) et choisie par l’éditeur P. Potter (CMG I 2, 3, Berlin, 1980) [voir infra, Annexe, ex. 32 et n. 128]. Toutes les occurrences étudiées ici ont été vérifiées sur les meilleures éditions critiques disponibles : nous écartons ainsi, pour ὁ καλεόμενος / ἡ καλεομένη uel sim., Aph. 3.25 (4.498.2 L), Loc.Hom. 47.2 Joly (6.344.11 L), Morb.II 65.1 Jouanna (7.100.1 L), Morb.III 10.1 Potter (7.128.16 L) et Int. 47 (7.280.18-19 L) ; pour ὁ λεγόμενος / ἡ λεγομένη uel sim., Vict.II 48.4 Joly (6.550.13 L), Morb.II 66.1 Jouanna (7.100.8 L) et Morb.II 67.1 Jouanna (7.102.4 L).
22 Ainsi dans Epid.V, resp. aux chapitres 48 (ex. 2) et 63 (ex. 42) ; ou Mul.II, resp. aux chapitres 204 (ex. 20), et 190 et 195 (ex. 30 et 39).
23 Voir l’Annexe infra.
24 En comprenant τεχνικός comme « spécialisé, relatif à l’art médical », nous laissons ici de côté la question de la « scientificité » de la langue de la médecine grecque, telle qu’elle a pu être posée par D. Lanza 1972 par exemple.
25 On peut en effet toujours supposer, lorsqu’il y a une telle concurrence, que celle-ci reflète une différence de découpage conceptuel de la réalité.
26 Révélatrice, à cet égard, est l’attitude d’un Galien qui non seulement prône l’usage des mots les plus courants possibles pour la médecine de son temps (voir en particulier De nominibus medicis, par ex. 89v, 91r, 103r Meyerhof – Schacht, resp. p. 15, 16 et 31 pour la traduction allemande), mais s’attelle également à l’étude des « mots courants » (πολιτικὰ ὀνόματα) que l’on trouve chez Aristophane ou chez Eupolis (voir Libr. Propr. 20.1-2 Boudon-Millot [19.48 K], avec la n. 6 de V. Boudon-Millot sur le sens de πολιτικὰ [ὀνόματα]) afin de comprendre les textes hippocratiques (comme l’illustre, par exemple, l’invocation du témoignage d’Aristophane pour expliquer le terme ἠπίαλος « [fièvre] épiale », que Galien conclut en évoquant tous les livres qu’il pourrait remplir d’exemples illustrant le sens de « fièvre » chez les poètes comiques : De nominibus medicis, 103v-104v Meyerhof – Schacht, p. 31-33 pour la traduction allemande).
27 Ou, dans le cas de termes polysémiques, employer un terme au sens que lui donnent les spécialistes : nous ne faisons pas ici référence aux termes qui sont à la fois en usage dans la langue spécialisée et dans la langue courante à la même époque, mais avec des sens différents (comme ion. ὀδών « dent » ou σπόγγος « éponge », respectivement noms d’un os et d’une glande [voir infra, § III et n. 44]).
28 Voir p. ex., au sein d’une bibliographie très abondante, Irigoin 1980, p. 248-249, sur la « précision du vocabulaire » homérique en matière d’anatomie ; Rechenauer 1991, sur les connaissances médicales de Thucydide ; Thomas 2000 (en particulier le chapitre « Medicine and the ethnography of health », p. 28-74) et Demont 2018, sur celles d’Hérodote ; Guardasole 2000, sur celles des poètes tragiques de l’Athènes classique.
29 De façon comparable à un emprunt à une autre langue, dont l’origine devient progressivement de moins en moins perceptible par le locuteur (contrairement à celle du xénisme).
30 Ou, si l’on suit la conjecture de Powell adoptée dans l’édition de Ph.-E. Legrand (Paris, 1930), τῷ Δέλτα τῷ ὑπὸ Ἰώνων καλεομένῳ <Αἰγύπτῳ> « le Delta qui est appelé Égypte par les Ioniens ».
31 Le thème verbal du participe ne permet pas, seul, une telle expression : un thème d’aoriste, exprimant un aspect ponctuel, signifierait « (ce) qui fut appelé », et un thème de parfait, « (ce) qui a été appelé et l’est encore » ; c’est le thème de présent qui sert également pour l’imparfait « (ce) qui était appelé ».
32 CH, Acut. 6.2 Joly (2.238.3 L).
33 CH, Nat.Hom. 2.2 Jouanna (6.34.12 L), trad. J. Jouanna. Le pronom anaphorique αὐτέων renvoie clairement aux « médecins », ἰητροί, explicitement nommés dans les lignes qui précèdent.
34 CH, Flat. 1.2 Jouanna (6.90.5 L).
35 CH, Prén. Cos, 394 Ferracci (5.672.7-8 L), trad. E. Ferracci (thèse dactylographiée, Paris Sorbonne – Paris IV, 2009). Voir aussi Acut. 17.1 Joly (2.260.7-8 L) : τοὺς τοιούτους οἱ ἀρχαῖοι βλητοὺς ἐνόμιζον εἶναι « les Anciens pensaient que de tels patients étaient “frappés” » (trad. R. Joly). Sur les deux maladies bien différentes que recouvre cette appellation dans différents traités de la CH, voir Duminil 1992, et le commentaire de E. Ferracci ad loc.
36 CH, Carn. 2 Joly (8.584.12 L).
37 CH, Acut. 5.1 Joly (2.232.6-7 L).
38 Ὀνομάζεται μὲν οὖν ἡ ἀπόφυσις αὕτη πυρηνοειδὴς ὑπὸ τῶν νεωτέρων ἰατρῶν, ἐπεὶ πρός γε τῶν παλαιοτέρων ὀδοὺς ἐκαλεῖτο καὶ Ἱπποκράτης οὕτως ὠνόμασεν (Gal., Usu part. 4.24 K). Voir cependant une explication un peu différente dans Oss. tir. 8.4 Garofalo – Debru (2.757 K) : « Certains appellent cette apophyse odontoïde (ὀδοντοειδής). Hippocrate appelle dent la deuxième vertèbre toute entière à cause de cette apophyse » (trad. I. Garofalo – A. Debru).
39 Sur l’erreur de Rufus, Nom. part. corp. 154 Daremberg – Ruelle, auquel « il semble » (δοκεῖ) qu’Hippocrate « appelle dent la première vertèbre du cou », voir Skoda 1988, p. 20-21 § 4.22 ; I. Garofalo, n. ad Oss. tir. 8.4 (cité n. 38).
40 C’est-à-dire au vocabulaire spécialisé, employé par les spécialistes de la τέχνη ἰατρική : voir supra, § II et n. 24.
41 C’est respectivement le cas de σύνοχος (πυρετός) « (fièvre) synoque » (ex. 35), dont les cinq occurrences hippocratiques apparaissent à quelques lignes d’écart dans le même chapitre de Nature de l’homme, 15 Jouanna (6.66.12-20 L), et de ἐγγαστρίμυθος « ventriloque » (ex. 42), qui se retrouve dans deux phrases pratiquement identiques de deux chapitres parallèles des Épidémies V et VII. Le terme ἐπωμιδίη (ex. 8) est soit hapax soit quasi-hapax, si l'on prend en compte la possibilité d’une 2e occurrence dans les lignes qui suivent la première (voir n. 110).
42 Sur le fait que « les traités de la Collection qui sont incontestablement anciens offrent souvent des mots prétendus récents », mais que « ce sont en fait des mots ioniens rarement attestés à date ancienne qui réapparaîtront dans la langue tardive », voir J. Jouanna, n. ad Nat.Hom. 15 Jouanna (6.66.13 L) [à propos du terme σύνοχος], CMG I 1, 3, p. 294 et n. 1, qui renvoie à Joly 1960, p. 215-223 et en particulier p. 220.
43 CH, Acut. 5.2 Joly (2.232.9 L).
44 Voir Skoda 1988, resp. p. 20-21 § 4.21-22 et p. 106 § 5.44, ainsi que supra et n. 38 et 39 sur ion. ὀδών.
45 Nous laissons de côté l’exemple 20, le terme accompagné par καλεόμενος étant incertain (voir n. 1)19.
46 Pour l’usage de ces termes chez Galien, voir par exemple Gal., Musc. dissect. 5.2 Garofalo – Debru (18b.934 K), ainsi que In Hipp. De artic. comm. 2.3 (18a.429 K), où Galien affirme qu’il n’est « pas évident » (ἄδηλον) de décider si Hippocrate a appelé les mêmes muscles de tels noms, ou s’il considère que les crotaphites et les masséters sont des muscles différents (contra I. Garofalo, n. ad Musc. dissect. 5.2), avant de préciser qu’en tout cas, « les anatomistes qui l’ont suivi » (οἱ μὲν γὰρ μετ᾽ αὐτὸν ἀνατομικοί) distinguent sous ces noms deux types de muscles différents.
47 Sur l’origine possible et la postérité de ce terme, voir J. Jouanna, cité n. 42.
48 À la présence de ce titre chez Rufus et dans le corpus galénique, on peut ajouter son évocation par Athénée 2.24 (45f), qui signale Πρὸς τὰς Κνιδίας γνώμας (Contre les Sentences cnidiennes) comme titre alternatif au traité hippocratique du Régime des maladies aiguës (sur les différents titres donnés à ce traité, voir la n. 2 de A. Pietrobelli ad Gal., In Hipp. De victu acut. comm. 1.1 Pietrobelli [15.418 K]).
49 D’une manière générale, seuls 8 termes de notre corpus sont cités dans ces lexiques : ἐγγαστρίμυθοι (Érot., Fragm. 21 Nachmanson ; Gal., Gloss. ε 2 Perilli s.u. ἐγγαστρίμυθος) ; οἰσύπη αἰγός (Érot. ο 42 Nachmanson ; Gal., Gloss. ο 4 Perilli) ; περόνη (Érot. π 37 Nachmanson ; Gal., Gloss. π 28 Perilli s.u. περόνην) ; σπόγγοι (Érot. σ 7 Nachmanson ; Gal., Gloss. σ 41 Perilli) ; ἱερὴ νοῦσος (Érot., Fragm. 33 Nachmanson) ; βλητοί (Érot., Fragm. *55 Nachmanson) ; γαλιάγκωνες (Gal., Gloss. γ 1 Perilli) ; φοινικίη νοῦσος (Gal., Gloss. φ 32 Perilli s.u. φοινικίη νόσος).
50 L’association du nom du « cumin » avec la locution prépositionnelle παρὰ βασιλεῖ ne se retrouve pas ailleurs. Seul Dioscoride connaît une expression proche, βασιλικὸν κύμινον « cumin royal », qu’il donne à deux reprises comme synonyme de « cumin d’Éthiopie », dans les notices consacrées au « cumin cultivé », κύμινον τὸ ἥμερον (τὸ Αἰθιοπικόν, ὅπερ Ἱπποκράτης βασιλικὸν ἐκάλεσεν « le cumin d’Éthiopie, celui précisément qu’Hippocrate a appelé royal » : Mat. med. 3.59.1 Wellmann), et à l’ammi (ἄμι· ἔνιοι καὶ τοῦτο Αἰθιοπικόν, οἱ δὲ βασιλικὸν κύμινον καλοῦσιν « ammi : certains appellent aussi celui-là cumin d’Éthiopie, d’autres royal » : Mat. med. 3.62.1 Wellmann), tout en soulignant dans la suite de la notice que l’identité entre ἄμι et cumin d’Éthiopie ou royal est sujette à débat ; voir Amigues 2003, p. 44-45 (nous remercions M.-H. Marganne pour cette indication) ; Luccioni 2014, p. 65-66 ; ainsi que le commentaire de O. Overwien ad. Hum. 10 Overwien (5.490.13 L), qui évoque le texte de Pline, Nat. Hist. 20.58 (§ 163), selon lequel « la plante que les Grecs appellent ami ressemble beaucoup au cumin ; d’après certains, ce serait le cumin d’Éthiopie. Hippocrate l’a nommé cumin royal, sans doute parce qu’il l’a jugé plus efficace que le cumin d’Égypte » (trad. J. André, Paris, 1965).
51 Ce que laisse par exemple penser une précision telle que celle que donne Galien pour σπόγγοι (Gloss. σ 41 Perilli), ὡς ἐν δ' τῶν Ἐπιδημιῶν « comme dans le 4e livre des Épidémies » (ainsi que l’observe F. Skoda 1988, p. 106 § 5.44).
52 Voir p. ex. Lamberterie 2005 ; Jouanna 2006 ; ainsi que infra, n. 129.
53 Aristoph., Ach. 704. Voir aussi [Aesch.], Prom. 1-2 : Χθονὸς μὲν εἰς τηλουρὸν ἥκομεν πέδον, / Σκύθην ἐς οἶμον, ἄβροτον εἰς ἐρημίαν « Nous voici sur le sol d’une terre lointaine, cheminant au pays scythe, dans un désert sans humains » (texte D.L. Page, 1972, Oxford ; trad. P. Mazon, Paris, 1931).
54 Philoch., Fragm. 78 Jacoby. Le terme est également attesté dans l’un des plus anciens livres de la Septante, le Lévitique (19.31).
55 Voir Guardasole 2000, p. 111-112 pour le commentaire de ce passage, ainsi que supra, § II et n. 28.
56 Ainsi ion. ὀδών « dent » ou σπόγγος « éponge » : voir supra, § III et n. 44.
57 CH, Epid.V 48.2 Jouanna (5.236.4 L), trad. J. Jouanna modifiée (l’expression « creux de la partie bombée du pied » pourrait en effet laisser penser que κοῖλον appartient à la région plus large du στῆθος τοῦ ποδός, alors que la préposition κατά suivie de l’accusatif exprime simplement une localisation, « près de, [touchant] à »). Sur l’emploi métaphorique de στῆθος « poitrine » pour désigner les régions charnues de la main et du pied, voir Skoda 1988, p. 60-62 § 4.85-88.
58 Voir les descriptions de Rufus, Nom. part. corp. 124 Daremberg – Ruelle ; Galien, Oss. tir. 22.4 et 24.1-3 Garofalo – Debru (2.774-776 K). Sur l’acception populaire, jugée erronée par Rufus ou Galien, de « malléole », voir infra, § IV.2 et n. 79 ; sur l’emploi de ἀστράγαλοι par Homère comme nom des « os du rachis » (Τῆς δὲ ῥάχεως τὰ ὀστᾶ), ou « vertèbres » (σφόνδυλοι), voir Rufus, Nom. part. corp. 113 Daremberg – Ruelle.
59 Hdt. 3.129.1-2 Rosén. Nous reprenons la dernière partie de cette traduction à M.D. Grmek 1983, p. 290, qui « penche en faveur du diagnostic de luxation sous-astragalienne accompagnée de fracture non ouverte, sans déplacement des fragments », car « une entorse simple peut être exclue, vu la gravité du cas », mais concède que « la relation d’Hérodote, trop vague, ne suffit pas pour assurer, dans le cas de Darius, le diagnostic différentiel entre la luxation tibio-tarsienne et la luxation sous-astragalienne » (p. 291).
60 Voir supra, n. 28. On peut observer, toutefois, qu’Hérodote n’utilise pas les verbes connus dans la CH pour exprimer le déboîtement (ἐκπαλέω-ῶ, ἐξαρθρέω-ῶ : voir Index Hipp. s.u.) ; le verbe ἐκχωρέω-ῶ signifie en effet « évacuer » dans les textes hippocratiques (voir ibid.).
61 Théophraste, dans les Caractères (5.9) évoque des « osselets de gazelle » (δορκάδειοι ἀστράγαλοι) parmi les objets rares que le « flagorneur » (ἄρεσκος) est prêt à acheter. Le terme est par ailleurs bien attesté dans plusieurs textes portant sur l’anatomie des animaux, comme l’Art équestre de Xénophon, ou encore chez Ctésias, Indica, Fr. 45(45) Lenfant, ou Aristote, qui consacre plusieurs développements à l’astragale (H.A. 499b 20-31 ; P.A. 690a 13-20).
62 Au sein des dix occurrences d’une telle formule (voir Index Hipp. s.u.), celles du traité des Affections internes se distinguent par la mention de l’animal d’où provient l’osselet, mouton (ὁκόσον οἰὸς ἀστράγαλον « de la grosseur d’un astragale / d’un osselet de mouton » : Int. 20 [7.216.20 L] ; voir aussi 31 [7.248.10 L] et 48 [7.286.19]) ou cerf (ὁκόσον ἀστράγαλον ἐλάφου « de la grosseur d’un astragale / d’un osselet de cerf » : Int. 23 [7.226.14-15 L]).
63 Contrairement au français, qui distingue le terme anatomique (astragale) du nom du jeu (osselet) – ce qui conduit à une difficulté de traduction des occurrences de la CH indiquant une quantité : le choix nécessairement fait en français entre l’un de ces deux termes conduit à décider si le comparant est un élément de jeu ou un élément de l’anatomie animale, alors que rien ne prouve qu’il s’agit pour un Grec de deux réalités distinctes.
64 « In attributive use (hyphened) : Called or designated by this name or term, but not properly entitled to it or correctly described by it » (OED s.u. so-called).
65 J. Jouanna, Notice à son édition de la Maladie sacrée, p. xxii.
66 J. Jouanna, ibid., p. xxiii ; voir aussi p. xxiii-xxiv sur les emplois de cette locution par Hérodote ou Théophraste, ou encore dans les Problemata d’Aristote.
67 Trad. J. Jouanna.
68 CH, Morb.Sacr. 1.1 Jouanna (6.352.2 L), trad. J. Jouanna. Voir ibid., p. xxv.
69 Gal., In Hipp. Epid. I comm. 3.5 Wenkebach (17a.235 K).
70 CH, Carn. 4.2 Joly (8.588.20-23 L), trad. R. Joly.
71 CH, Prorrh.II 3 (9.10.16-18 L), trad. É. Littré.
72 Dans ce cas, le participe doit être exclu du corpus : c’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle cette occurrence n’est pas comptée dans les exemples de l’Index Hippocraticus s.u. λέγω (voir n. 21).
73 Resp. CH, Flat. 14.4 Jouanna (6.112.14 L) ; Prorrh.II 9 (9.28.7 L). Sur le difficile passage de Aer. 3.4 Jouanna (2.18.15 L), σπασμοὺς καὶ ἄσθματα καὶ ἃ νομίζουσι τὸ παιδίον ποιέειν καὶ ἱερὴν νοῦσον εἶναι « des convulsions, des dyspnées et les accidents que l’on dit provoquer la “maladie de l’enfant” et être la maladie sacrée » (trad. J. Jouanna), précédant l’occurrence de τὰ […] ἱερὰ νοσεύματα καλεύμενα, voir le commentaire de J. Jouanna ad loc. : ce dernier observe justement que « le verbe νομίζειν est difficile à traduire », et que ce verbe « fait référence à une dénomination en usage » ; il est cependant difficile de suivre la suite de cette analyse, qu’aucun élément interne au texte ne permet de prouver, selon laquelle « il semble que, dans l’esprit de l’auteur, cette dénomination soit correcte dans le cas de τὸ παιδίον et incorrecte dans le cas de ἱερὴν νοῦσον ». Nous laissons ici cette question de côté, qui nécessiterait l’étude de toutes les formes du verbe νομίζω dans la CH.
74 CH, Virg. 2.4 Bourbon (8.468.17-20 L), trad. F. Bourbon. Voir le commentaire de J. Jouanna à ce passage dans la Notice de son édition de la Maladie sacrée, p. xxvi.
75 Voir J. Jouanna, ibid., p. xxiv n. 35.
76 Voir le commentaire de J. Jouanna à ce passage ibid., p. xxvi.
77 Voir supra, § III et n. 44.
78 Voir infra, n. 120.
79 Si l’on en croit le traité Sur les os attribué à Rufus, 34 Daremberg – Ruelle ; voir aussi Rufus, qui, dans son traité du Nom des parties du corps humain, 124 Daremberg – Ruelle, juge « incorrecte » (ἀστράγαλοι δὲ οὐκ ὀρθῶς [καλεῖται]) cette acception, tout comme Galien, Oss. tir. 22.4 Garofalo – Debru (2.774-775 K). Notons toutefois que ces témoignages sont bien postérieurs aux textes hippocratiques.
80 Voir supra, § III.
81 CH, Morb.ΙV 38.1 Joly (7.554.22 L), trad. N.R.
82 CH, Morb.ΙV, resp. 38.1 Joly (7.554.25 L) ; 40.2 Joly (7.560.20 L).
83 CH, Artic. 12 (4.114.1 L).
84 Resp. CH, Artic. 12 (4.114.6 et 9 L) ; Artic. 53 (4.236.6, 18 et 22 L) et 55 (4.242.18 L).
85 Sur le caractère parallèle de Morb.II 8.1 Jouanna (7.16.5 L), Morb.II 25.1 Jouanna (7.38.19 L) et Morb.III 3.1 Potter (7.120.17 L, ex. 24), voir la n. de J. Jouanna ad Morb.II 8.
86 D’autant que la différence de point de vue sur le caractère technique d’un terme n’est pas la seule possibilité d’explication de ces différences de rédaction : voir Jouanna 2009 [1974], p. 413-414 et p. 414, n. 1, qui caractérise comme « innovations de Maladies III sur le plan du style » « l’ajout d’un λεγόμενος » par rapport au texte de Maladies II, en remarquant que « cette modification n’est pas plus systématique que l’emploi du pluriel ».
87 CH, Epid.I 2.3, 5.5 et 24.1 Jouanna (resp. 2.608.1, 2.618.9 et 2.672.2 L) ; puis 24.4 Jouanna (2.674.4 L).
88 Sur l’éventualité de ce second aspect, voir supra, § IV.1.
89 « Cette addition est bonne ; voy. plus loin, p. 346, l. 10 » (É. Littré, n. ad Loc.Hom. 47 [6.344.11 L]). Voir Index Ηipp. s.u. καλέω (Li. : om. V : deest A). Cette conjecture, qui n’est pas reprise par R. Joly (καταμήνια : add. καλεύμενα Lind.), n’a pas été incluse dans notre corpus.
90 Sur la position extrême d’Ermerins, qui supprime de son texte les trois formules τὰ καταμήνια [καλεύμενα], voir infra, n. 131. Il est vrai cependant qu’un participe signifiant « (ce) qui est appelé », non nécessaire à la syntaxe de la phrase, pouvait aisément disparaître du texte ou au contraire y être ajouté, comme l’attestent les apparats critiques : voir p. ex. n. 21, 118, 128, 130, 135.
91 Qu’il n’est pas possible de détailler dans le cadre de cette étude, mais dont nous donnons quelques exemples dans ce même § (voir infra).
92 Ex. 15 (Carn. 17.2 Joly [8.606.7 L]) ; ex. 19 (Carn. 4.2 Joly [8.588.20 L]) ; ex. 24 (Morb.III 3.1 Potter [7.120.17 L]) ; ex. 25 (Artic. 12 Pétrequin [4.114.1 L]) ; ex. 27 (Loc.Hom. 47.1 Joly [6.344.3 L]) ; ex. 28 (Flat. 14.1 Jouanna [6.110.14 L], Morb.Sacr. 1.1 et 18.1 Jouanna [resp. 6.352.2 et 6.394.9 L]) ; ex. 30 (Mul.II 190 [8.370.6 L]) ; ex. 31 (Morb.III 6.1 Potter [7.122.23 L]) ; ex. 32 (Morb.III 10.1 Potter [7.128.16 L]) ; ex. 34 (Epid.I 24.4 Jouanna [2.674.4 L]) ; ex. 35 (Nat.Hom. 15.2 Jouanna [6.66.13 L]) ; ex. 37 (Vict.I 35.1 Joly [6.512.20 L]) ; ex. 40 (Acut. 58.1 Joly [2.348.7 L]) ; ex. 46 (Aer. 18.2 Jouanna [2.68.6 L]).
93 À ce titre, elles ne sont pas signalées dans l’édition de J. Jouanna. Voir Index Ηipp. s.u. καλέω, pour le chapitre 65 (7.100.1 L) [καλουμένη Li.† : om. θM], et s.u. λέγω, pour les chapitres 66 (7.100.8 L) [ἑτέρη… λεγομένη Li. : om. θM] et 67 (7.102.4 L) [λεγόμενος Li.† : om. θM]. Le même cas de figure se retrouve dans l’introduction du chapitre 47 (7.280.18-19 L) du traité des Affections internes, où Littré édite (et traduit) Τὰ παχέα καλούμενα νοσήματα· ἐκ δὲ τῶν παχέων καλουμένων νουσημάτων τάδε μάλιστα γίνεται « Maladies dites épaisses : voici les principaux accidents des maladies dites épaisses » (voir Index Ηipp. s.u. καλέω [bis sec. Li.† : loco pr. καλέεται θ : om. M ; loco post. om. θM]). Ces occurrences qui ne bénéficient pas de l’autorité des meilleurs manuscrits n’ont pas été incluses dans notre corpus.
94 Ce fait n’a pas échappé à Galien, qui commente : Μασητῆρας εἰπὼν καλεῖσθαι τοὺς προειρημένους μύας αἰτίας ἀποδίδωσι τῆς προσηγορίας αὐτῶν « Ayant dit que les muscles susmentionnés étaient appelés masséters, il rend raison de cette dénomination » (In Hipp. De artic. comm. 2.3 [18a.431 K]).
95 CH, Art. 30 (4.140.12 L). Nous reprenons le texte de Littré suivi par Pétrequin, hormis pour une correction : μασητῆρες BMV : μασσητῆρες Li. (voir Index Hipp. s.u.). Sur le flottement -σ-/-σσ- dû à la possibilité d’une association secondaire à μάσσειν « “pétrir”, parfois “frotter” » (DÉLG s.u.) de ce terme visiblement lié à μασᾶσθαι « mâcher », voir Pétrequin ad loc. (vol. II, p. 356, n. 7), qui renvoie notamment à un passage d’Oribase (τῶν μασητήρων δ᾽ ἔργον μυῶν τὸ μασᾶσθαι « la fonction des muscles masticatoires est de mâcher » : Coll. med. 25.29.10 Raeder) qui est en réalité repris à Galien (voir De usu part. 11.4 Helmreich [3.854 K] : le texte qui nous a été transmis a une syntaxe différente, car l’infinitif substantivé τὸ μασᾶσθαι n’y figure pas, mais l’explication reste la même, car le nom des muscles est associé de manière tout à fait explicite au substantif μάσησις « mastication » ; la même association se retrouve d’ailleurs précisément dans le commentaire de Galien au passage hippocratique : voir In Hipp. De artic. comm. 2.3 [18a.430 K]).
96 Voir supra § III.
97 Cette recherche, de la part de l’auteur, d’un assentiment de son lecteur fait écho à celle du chapitre 5, qui offre une formulation proche : τὴν ὁμολογουμένως ἰητρικὴν τὴν ἀμφὶ τοὺς κάμνοντας εὑρημένην ἣ καὶ ὄνομα καὶ τεχνίτας ἔχει « la médecine reconnue comme telle, celle qui a été découverte pour les malades et qui possède à la fois un nom et des spécialistes de l’art » (CH, Vet.Med. 5.1 Jouanna [1.580.6-7 L], trad. J. Jouanna).
98 Selon notre lecture de tous les commentaires conservés de Galien aux passages de notre corpus, complétée par une recherche d’un verbe « nommer, appeler » à proximité des termes ἄκυρος ou ἀκύρως.
99 Gal., De nominibus medicis, 93v-97r Meyerhof – Schacht, p. 20-24 pour la traduction allemande. Voir en particulier 96r, p. 22-23, où Galien inventorie une quinzaine de passages hippocratiques où se trouve soit un participe signifiant « (ce) qui est appelé… », soit une relative signifiant « que l’on appelle », où le sujet du verbe à la 3e personne du pluriel n’est pas précisé (du moins pour les citations qu’il est possible d’identifier : voir ibid., p. 23, n. 14 ad loc.).
100 Gal., De nominibus medicis, 95v Meyerhof – Schacht, p. 22 pour la traduction allemande.
101 Voir p. ex. Rousseau 2021, § 2.1, p. 143-150.
102 Cette explication permet de rendre raison du « maniérisme » observé par A.E. Taylor dans l’emploi du participe καλούμενος avec un terme technique (voir supra, Introduction et n. 13). En revanche, les textes hippocratiques ne donnent aucun indice qui pourrait venir à l’appui de son hypothèse d’une fonction de « demi-excuse » assumée par ce participe (effectivement portée par l’anglais so-called).
103 Authier-Revuz 1995, vol. 1, p. 27-40 ; Authier-Revuz 2011, p. 73-75 et 88-94.
104 Fónagy 1988 (voir en particulier le tableau p. 100-101).
105 Authier-Revuz 1998, p. 380.
106 Nous accentuons ici oxyton, conformément à l’usage actuel ; Littré et Pétrequin donnent un paroxyton, Ermerins aussi, mais un oxyton dans sa traduction latine, où il laisse le mot en grec : « sed qui cubiti gibbus, sive ἀγκών dicitur, cui nempe innitimur, idem est quod illud » (vol. III, p. 6).
107 ᾧ Bcorr Li. : ὃν BacMV (voir Index Hipp. s.u. ποτί). Pour les arguments en faveur de la correction adoptée par Littré, qui a notamment l’appui des citations de Galien, voir Littré ad loc., ainsi que Pétrequin ad loc. (vol. II, p. 102, n. 13).
108 τὸ ὀστέον del. Erm.
109 Sur ce terme, voir Skoda 1988, p. 20-21 § 4.21-22. Du fait des discussions anciennes portant sur son sens (voir supra, § III et n. 38 et 39), nous traduisons par dent plutôt que par odontoïde, qui est le terme choisi par É. Littré.
110 Il est possible qu’une deuxième occurrence de ce terme apparaisse dans les lignes qui suivent la première : voir Rousseau 2016, p. 214 n. 1087, et Rousseau 2019, p. 31 et n. 150-154.
111 ἡ ἐπωμιδίη ὀνομαζομένη Littré (ἐπωμιαίη Cornarius) : τῆς ἐπωμιδίης ὀνομαζομένης M HIR. Sur le caractère morphologiquement attendu de ἐπωμιδίη, dont l’existence est maintenant assurée par l’autorité du manuscrit M, voir Rousseau 2019 (en particulier la conclusion p. 31 ; voir aussi p. 3-5 sur l’histoire de ce texte).
112 Nous ne retenons pas la correction adoptée par Joly (παχέαι Joly : παχεῖαι M).
113 αἱ σφαγίτιδες καλεόμεναι del. Erm. : voir l’explication ad loc. (vol. II, p. 93).
114 Sur ce terme, voir Skoda 1988, p. 143-145 § 5.97-100.
115 Ce terme, déjà attesté en ce sens dans l’Iliade, peut faire référence à différentes cavités articulaires dans lesquelles vient se loger la tête d’un autre os : voir Skoda 1988, p. 53-55 § 4.75-77.
116 Le premier de ces deux adjectifs est plus exactement quasiment hapax, puisqu’une occurrence du féminin κροταφῖτις est attestée dans la suite immédiate du texte comme épithète de πληγαί (l’expression désigne les « plaies des muscles temporaux » : Artic. 30 Pétrequin [4.142.6 L]).
117 Sur la question de savoir si ces deux adjectifs désignent les mêmes muscles, ou deux types de muscles différents, voir supra, n. 46.
118 καλεομένη : om. Gal.(LV), hab. Gal.P(codd.).
119 Nous ne reprenons pas la correction proposée par Littré : ὄχοι θMV : ὄσχοι Li., cf. Gal. 19.127.6 (Index hipp. s.u. ὄχος). En effet, malgré les arguments avancés par cet éditeur, qui suit la leçon de DHJ (voir la n. ad loc., qui justifie son choix), et l’approbation partielle de Ermerins, selon lequel ὄσχοι est un iotacisme pour ὄσχη, et qui édite ὄσχεα (voir n. ad loc., vol. II, p. 786), le lemme du Glossaire de Galien, ο 23 Perilli (19.127 K), évoqué par l’Index hippocratique, est différent (ὀσχίῳ), et semble répondre à une autre définition. L. Perilli, que je remercie ici, me fait observer per litteras que la leçon des manuscrits peut être corroborée par un rapprochement avec ὀχεύς, également dérivé de ἔχω, qui désigne toutes sortes d’« attaches ». Quoi qu’il en soit, en l’absence de toute certitude, il paraît hasardeux de corriger une leçon sur laquelle les manuscrits θ, M et V concordent. P. Potter (LCL 538, 2018, Cambridge Mass./Londres) édite ὄχοι et traduit « ligaments », sans donner de commentaire.
120 Ermerins ad loc. (vol. II, p. 401-402) considère le passage comme corrompu, car « vide de sens ». Littré, tout en reconnaissant qu’« il est impossible de rien voir de plus obscur que cette description de l’articulation du coude », considère qu’il est improbable que le texte soit altéré, puisque les « critiques anciens » discutaient déjà du sens des mots περόνη et κύβιτον (voir p. ex. Érotien π 37, 71.18-21 Nachmanson). R. Joly, n. ad loc., reprend « le terme moins technique et beaucoup plus vague proposé par Littré : attache », tout en observant qu’« il doit s’agir de la capsule (membrane fibreuse de tissu conjonctif, doublé en face interne d’une membrane synoviale s’arrêtant au cartilage) et de son renfort ligamentaire ». Sur les différents sens anatomiques métaphoriques de περόνη, d’abord nom de l’« agrafe, fibule, broche », voir Skoda 1988, p. 34-35 § 4.44 (« attache osseuse »), p. 35 § 4.45 (« radius ») et p. 44-45 § 4.61 (« péroné »).
121 Et non « les (deux) aines », comme le traduit Littré : voir Pétrequin ad loc. (vol. II, p. 162-163, n. 5).
122 Sur le sens de πλιχάς, voir Jouanna 2013, p. 83, auquel nous reprenons la traduction « entre-cuisses » : « Comme Galien l’a défini très justement dans sa glose à διαπεπλιγμένα […], le substantif πλιχάς signifie chez Hippocrate “l’intervalle entre la naissance des membres inférieurs” (πλιχὰς δὲ τὸ μεταξὺ τῶν σκελῶν τῆς ἐκϕύσεως) ou, selon sa définition à [sic] son Commentaire aux Fractures d’Hippocrate (éd. Kühn XVIII B, 522, 1-2), “la partie entre les deux membres inférieurs” (Δηλοῖ δὲ τοὔνομα [sc. πλιχάς] τὸ μεταξὺ τῶν δύο σκελῶν χωρίον) ».
123 Sur ce terme, voir Skoda 1988, p. 106 § 5.44, ainsi que supra, n. 51.
124 λεγόμενοι θ: λεγόμενοι εἶναι M Li. (Index Ηipp. s.u. λέγω).
125 Τὰ — καλεύμενα del. Erm. (cet éditeur déplace en effet tout le passage : voir n. 131).
126 φοινικίη Li.†: φθινικὴ IR – cf. Gal. 19.153.3 (Index hipp. s.u. φοινίκιος). Voir la n. ad loc. de Littré, qui justifie son choix (« La plupart des traducteurs ont rapporté cette glose de Galien à notre passage, et ont expulsé par conséquent φθινική. Cette correction ne me paraît sujette à aucun doute. On remarquera d’ailleurs que nos mss n’ont aucune variante »), ainsi que le Glossaire de Galien, φ 32 Perilli (19.153 K) : φοινικίη] φοινικη ἡ M. Ermerins, n. ad loc. (vol. III, p. 393-394), émet l’hypothèse que le texte était peut-être déjà corrompu du temps de Galien, mais sans apporter d’argument décisif.
127 Sur ce terme, voir Skoda 1988, p. 206 § 7.16 et p. 225-226 § 7.37-38 ; Rousseau 2016, p. 290-291.
128 λεγομένης θ: καλεομένης M Li. (Index Ηipp. s.u. λέγω).
129 Sur la traduction de λοιμός par « pestilence » plutôt que « peste », voir J. Jouanna, n. ad loc.
130 καλεόμενος MV Li.: om. A (Index Ηipp. s.u. καλέω).
131 Ermerins, qui, à la suite de van der Linden, édite la fin du traité des Lieux dans l’homme, consacrée aux maladies féminines, au début du second livre des Maladies des femmes (vol. II, p. 691-694), supprime du texte ces deux occurrences de τὰ — καλεύμενα, considérant que l’expression est interpolée : en effet, au début de ce texte (Loc.Hom. 47.2 Joly [6.344.11 L]), on trouve la seule expression οὐ γίνεται ῥόος τὰ καταμήνια (dans laquelle Ermerins tient également τὰ καταμήνια pour interpolé : voir n. ad loc., vol. II, p. 691 ; sur l’ajout inverse de καλεύμενα par Littré, suivant en cela van der Linden, voir supra et n. 89).
132 La différence d’ordre des mots entre l’édition de Littré et celle de Joly s’éclaire par la lecture de l’édition d’Ermerins : ὀνομ. καὶ ἀφρ. Parr. 5., θ., vulgo ὀνομαζομένης post ἀφροσύνης infertur (n. ad loc., vol. III, p. 423).
133 βασιλεῖ (königlich Ar.)] πᾶσι A.
134 La 2e occurrence de ce terme signalée par l’Index Hippocraticus s.u., dans Nat.Mul. 103.1 Bourbon (7.416.18 L), est une conjecture de « van der Linden, suivi par Littré et Ermerins » (non reprise par F. Bourbon), qui se fonde sur le caractère parallèle des deux passages (voir F. Bourbon, n. ad loc.).
135 Ermerins ad loc. (vol. II, p. 777) place τὸ λεγόμενον entre crochets.
136 Sur l’inclusion de ce passage dans notre corpus, voir supra, n. 21 ainsi que § IV.1 et n. 72.
137 Sur ce titre, voir A. Pietrobelli, cité n. 48.
Auteur
Sorbonne Université - Équipe « Médecine grecque et littérature technique », UMR 8167 « Orient et Méditerranée » - Institut universitaire de France - nathalie.rousseau@sorbonne-universite.fr
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