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Chapitre VIII. Les errances d’une ville fantôme ou la localisation d’Albe

À la lumière des débats récents sur le proto-urbain

p. 445-514


Texte intégral

« Le lac Albano, tout entouré de rochers, le long desquels notre petit Ascagne avait bâti Albe-la-Longue, dont vous jugez bien quon naperçoit pas aujourdhui la moindre trace... ».
Charles de Brosses, Lettres familières, éd. G. Cafasso, 1991, II, l. 49, p. 951.
« It having appeared to many, that the whole history of the place is a romance, more attention has been bestowed upon Alba than it may perhaps seem to require ».
W. Gell, Topography of Rome..., I, 1834, p. 37.
« Albe sera oubliée ; un jour, on ne saura plus où elle fut ».
Renan, Le Prêtre de Nemi, acte V, sc. 4.

LES SOURCES

1L’emplacement d’Albe La Longue : voilà qui est sans doute, dans l’ensemble des sujets que nous avons à traiter pour notre étude, la quaestio uexata par excellence, celle qui a défié les vains efforts de générations d’érudits et qui peut apparaître, aux yeux d’un observateur un peu désabusé, comme un champ clos réservé à des exercices d’école, dont on s’attend à apprécier la virtuosité mais dont on n’espère plus aucune solution véritable.

2Sans faire de la provocation inutile, nous oserons exprimer le sentiment qu’il y a là, sinon un faux problème – ce serait peut-être beaucoup dire –, du moins l’exemple des impasses où peut conduire une science topographique qui ne prend pas d’abord la mesure de ses instruments et de ses méthodes d’investigation. L’espèce d’exaspération qui se constate dans les recherches sur cette question durant tout le xixe siècle par l’accumulation d’hypothèses toujours nouvelles, à défaut d’être pertinentes, a sans doute pour cause première l’insuffisance de la réflexion sur la nature et les caractères spécifiques des sources utilisées.

3On peut regretter aussi que cet excessif engouement pour ce qui n’est finalement qu’un aspect parmi bien d’autres de la « question albaine » se soit développé au détriment des autres perspectives de recherche : nous avons déjà souligné le peu d’intérêt que suscitèrent les découvertes de 1816-1817, considérées longtemps comme relevant des domaines de la préhistoire et de la vulcanologie, puis utilisées par les historiens de Rome dans une optique exclusivement topographique par rapport au problème de la localisation d’Albe. De manière significative, la notice que consacrait à la métropole latine ce monument de l’Altertumswissenschaft qu’est l’encyclopédie de Pauly et Wissowa se limitait à offrir, sous la plume d’Hülsen1, le bilan de près d’un siècle de recherches, toutes dédiées à l’identification du site d’Albe, et, plus récemment, c’est encore à un éminent spécialiste de topographie, F. Castagnoli, qu’était confiée la rubrique Alba Longa de l’Enciclopedia Virgiliana2.

4En revenant ici, pour notre part, sur un problème que nous avions traité il y a plusieurs années3, nous entendons, non pas refaire en détail la démonstration que nous avions donnée alors et qui, nous semble-til, n’a pas été infirmée, bien au contraire, mais plutôt en préciser la portée par rapport aux développements récents du débat actuel sur la proto-urbanisation4, très vivace notamment parmi les chercheurs italiens, débat qui, en retour, peut aider à la compréhension de certaines caractéristiques les plus significatives du légendaire albain.

5Quoique traditionnellement minoritaire par rapport à la vulgate qui place Albe ici ou là autour du lac d’Albano, notamment à Castel Gandolfo, il y a incontestablement un courant de pensée, qu’on dira sceptique, consistant à mettre en cause le bien fondé d’une quête topographique qui dure depuis plusieurs siècles ; on peut même le faire remonter fort loin, comme le suggère la réflexion du Président de Brosses que nous avons mise en exergue à ce chapitre. Nous en soulignions en 1986 l’existence, en nous référant alors aux travaux de Zeller, Pais, Werner et, plus récemment, de J. Poucet5 ; depuis cette date, d’autres noms, notamment celui de T. J. Cornell6, pourraient être ajoutés à cette liste. Notre propos, à la vérité, était quelque peu différent, puisqu’il partait d’une analyse détaillée des sources littéraires sur le site d’Albe, qui, fort curieusement, n’avait jamais été faite7, et cela dans le but d’en déterminer, le plus précisément possible, les significations et les évolutions éventuelles. Ce qui apparut alors, c’est la diversité des thèses en présence parmi les Anciens, une diversité révélatrice d’une incertitude qui n’a d’égale que celle des Modernes sur la même question. Ainsi une telle analyse interdisait-elle, à tout le moins, d’utiliser comme on l’avait toujours fait jusque-là les textes antiques qui en parlent comme des preuves de l’existence d’une ville ou d’un centre du nom d’Albe.

6Disons tout de suite que rien, parmi les recherches les plus récentes, ne nous a paru devoir remettre en cause cette première conclusion, fût-elle seulement négative ; de fait, aujourd’hui, les partisans de la réalité d’une ville, ou plutôt d’une « protoville », d’un « centre dominant » qu’aurait désigné le nom d’Alba Longa, ne font plus du tout, à l’inverse de leurs prédécesseurs, appel à la philologie, mais bien plutôt à l’archéologie8 pour défendre une thèse qui est, ce qui du reste ne prouve rien, en train de devenir minoritaire : or l’archéologie, nous l’avons constaté ad abundantiam, est susceptible d’une tout autre lecture. Cependant, il nous semble désormais que les textes, à bien les considérer, livrent un peu plus que cet enseignement de nature apotropaïque, et c’est pourquoi il nous paraît nécessaire d’en reprendre rapidement l’examen ; la définition, d’autre part, du processus conduisant à la légende de la destruction d’une ville d’Albe nous paraît pouvoir être enrichie par rapport à ce que nous proposions en 1986, de même que la réfutation des indices apparents d’urbanisation qui avaient longtemps constitué autant d’obstacles à la démonstration de l’inexistence d’une ville d’Albe.

7Nous avions autrefois choisi un ordre d’exposition des textes librement inspiré par l’énumération qu’en avait faite Cluver9 et destiné à mettre en lumière l’apport respectif de chacun d’entre eux ; on préférera ici l’ordre chronologique, qui ne saurait avoir qu’une valeur indicative en raison des continuités et des interférences induites par la survivance de tel ou tel auteur sous forme de citations, ou des approximations inévitables dues à notre ignorance quant à la date précise de publication d’œuvres appartenant à la même époque, ce qui est le cas, par exemple, de celles de Virgile, Tite-Live et Denys d’Halicarnasse.

8On obtient alors la liste suivante, les textes étant cités, sauf exception, dans les éditions et traductions de la Collection des Universités de France (Paris) :

1. – Fabius Pictor (via Dion Cassius et Diodore)

9a) μέλλοντος δ' αὐτοῦ θύειν ὗν ἔγκυον τῷ χρώματι λευκήν, ἐκφυγεῖν ἐκ τῶν χειρῶν κα διωχθναι πρóς τινα λóφον, πρòς ᾧ κομισθεῖσαν τεκεῖν τριάκοντα χοίρους:

« Énée s’apprêtant à sacrifier une truie pleine et de couleur blanche, elle s’échappa de ses mains et s’enfuit vers le sommet d’une colline où elle mit bas trente gorets »10.

10b) τò ἀπ' αὐτς (ι.ε. χοίρου) ώνομασμένον Ἀλβανòν ὄρος:

« le mont appelé Albain d’après la truie »11.

11c) οἱ (Λατῖνοι) Ἄλβαν δὲ Λóγγαν ἑτέραν πóλιν ἔκτισαν, ἀπò τς χοίρου, τοῦτ' ἔστι λευκὴν μακρὰν, κα τò ἐκεισε ὄρος Ἄλβανον ἐκάλεσαν μοίως:

« Les Latins fondèrent une seconde cité, Alba Longa, d’après la truie, c’est-à-dire claire et grande, et ils appelèrent de la même façon la montagne qui est à cet endroit »12.

1bis – « À la mort d’Énée, son fils, Ascagne, accéda au trône ; après trente ans passés, il édifia des constructions sur la colline et donna à la ville le nom d’Albe d’après la couleur de la truie (les Latins disent en effet dans leur langue Alba pour la ’Blanche’) ; il y ajouta un autre nom, Longa, ce qui, traduit, signifie ‘la Longue’, parce qu’elle était étroite en largeur et grande en longueur »13.

2. – Caton

12a) Troianos in loca fertilia atque uberiorem agrum transmigraturos et urbem clarissimi nominis in Italia condituros :

« Les Troyens gagneraient des lieux fertiles et une terre plus riche ; ils y fonderaient une ville dont le nom serait célèbre entre tous en Italie »14.

13b) Catonem sequitur, qui Albanum montem ab Alba Longa putat dictum :

« Il suit Caton qui estime que le mont Albain tire son nom d’Albe-laLongue »15.

3. – César

14... ait sic Caesar in libris analogiae : duae sunt Albae, alia ista quam nouimus in Aricia, et alia hic in Italia :

« César dans ses livres sur l’analogie s’exprime ainsi : ‘il y a deux Albes ; l’une est celle que nous connaissons sur le territoire d’Aricie, et l’autre ici en Italie’ »16.

4. – Varron

15a)...oppidum alterum conditur [...] propter colorem suis et loci naturam Alba Longa dicta :

« une deuxième ville est fondée (...) Alba Longa ainsi nommée à cause de la couleur de la truie et de la disposition du lieu »17.

16b)...ut Lauinienses condiderint oppidum Albam :

« les habitants de Lavinium fondèrent la ville d’Albe »18.

17c) ἐν γὰρ ταῖς Εἰκóσι Τερέντιος ἐπίκλην Βάρρων [...] Aἰνείαν οὕτως ἐσταλμένον εἰς Ἰταλίαν ἐλθεῖν ποτε ἀνεγράψατο, ἰδὼν αὐτοῦ τὴν εικόνα, ως εἶπεν, ἐκ λίθου λεοκοῦ ἐξεσμένην ἐπ κρήνης ἐν τ Ἄλβη:

« Dans ses Portraits Terentius surnommé Varron a rappelé qu’Énée était arrivé en Italie ainsi équipé ; il avait vu, disait-il, sa statue en pierre blanche près d’une source à Albe »19.

5. – Cicéron

18a) Uos enim iam Albani tumuli atque luci, uos inquam imploro atque testor, uosque Albanorum obrutae arae sacrorum populi Romani sociae et aequales, quas ille praeceps amentia caesis prostratisque sanctissimis lucis substructionum insanis molibus oppresse-rat ; uestrae tum religiones uiguerunt, uestra uis ualuit, quam ille omni scelere polluerat ; tuque ex tuo edito monte, Latiaris sancte Iuppiter, cuius ille lacus nemora finesque saepe omni nefario stupro et scelere macularat, aliquando ad eum poeniendum oculos aperuisti :

« C’est vous maintenant, hauteurs et bois sacrés albains, c’est vous, dis-je, que j’invoque et que j’appelle en témoignage, et vous autels ensevelis des Albains qui êtes associés au même culte que le peuple romain et non moins anciens, vous que, dans l’aveugle emportement de sa démence, Clodius, après avoir coupé et abattu les bois les plus sacrés, avait écrasés sous la masse extravagante des soubassements de sa villa ; alors votre caractère sacré s’est manifesté ; votre puissance, qu’il avait outragée par tant de crimes, a prévalu ; et toi, du haut de ta montagne, divin Jupiter Latial, dont les lacs, les bois et tout le territoire avaient souvent été souillés par ses sacrilèges et ses crimes de toutes sortes, tes yeux se sont enfin ouverts pour son châtiment »20.

19b) Longam Albam, ualidam urbem et potentem temporibus illis :

« Albe la Longue, une ville forte et puissante à cette époque »21.

6. – Virgile

20a)... et Longam multa ui muniet Albam :

« et il fortifiera puissamment Albe la Longue »22.

21b) Ascanius, Longam muris cum cingeret Albam :

« Ascagne, alors qu’il entourait de murs Albe la Longue »23.

7. – Tibulle

22... quem Tuscula tellus
candidaque antiquo detinet Alba Lare :

« celui que retiennent le territoire de Tusculum et la blanche Albe au Lare antique »24.

8. – Strabon

23Κα τούτου δὲ τελευτήσαντος κα τοῦ πατρός τòν Ἀσκάνιον Ἅλβαν κτίσαι ἐν τῷ Ἀλβανῷ ρει, διέχοντι τς Ῥώμης τοσοῦτον, ὅσον κα Ἀρδέα:

« Après la mort de son père et de son grand-père, Ascagne fonda Albe sur le mont Albain, qui est à la même distance de Rome qu’Ardea »25.

8bis – Conon

24 δὲ (λóγος) τò Ῥώμαίων γένος εἰς αὐτòν ἀναφέρων κα οἰκιστὴν ποιῶν Ἅλβας:

« Une autre histoire fait remonter à lui (i.e. Énée) la race romaine et fait de lui le fondateur d’Albe »26.

9. – Tite-Live

25a)...nouam (urbem) ipse (Ascanius) aliam sub Albano monte condidit quae ab si-tu porrectae in dorso urbis Longa Alba appellata :

« lui-même (Ascagne) fonda au pied du mont Albain une ville nouvelle à laquelle sa position, toute en longueur sur une croupe, valut le nom d’Albe la Longue »27.

26b) Numitor [...] cum pubem Albanam in arcem [...] auocasset :

« Numitor avait attiré la jeunesse d’Albe dans la citadelle »28.

27c)...sepulcra exstant quo quisque loco cecidit, duo Romana uno loco proprius Albam :

« les sépulcres existent toujours, à la place où chacun est tombé. Les deux Romains sont au même endroit, et plus près d’Albe »29.

28d)...quod editissimum inter aequales tumulos occurrebat oculis, arcem Albanam petunt :

« et ils [les Gaulois] gagnent, parmi des hauteurs de même altitude, ce qui les domine et frappe leurs regards, la citadelle d’Albe »30.

29e)...in agrum Albanum perueniunt, et sub iugo Albae Longae castra uallo cingunt :

« ils parviennent sur le territoire albain ; et au pied de la crête qu’occupe Albe la Longue, ils entourent leur camp d’un retranchement »31.

10. – Denys d’Halicarnasse

30a) νίκα δὲ ᾠκίζετο πρòς ρει κα λίμνῃ κατεσκευάσθη τò μέσον ἀπέχουσα ἀμφοῖν, κα ἦν ὥσπερ τείχη τς πόλεως ταῦτα δυσάλωτον αὐτὴν ποιοῦντα:

« Quand elle fut fondée, elle fut construite près d’une montagne et d’un lac, à mi-distance entre les deux, lesquels constituaient comme des remparts pour la cité en rendant sa prise difficile »32.

31b) ὄρος ψηλóν ὃ τς Ἀλβανῶν πέρκειται πóλεως:

« le mont élevé qui domine la cité d’Albe »33.

11. – Pline l’Ancien

32... regio ea a Tiberi prima Italiae seruatur ex discriptione Augusti. Intus [...] oppida Abellinum, Aricia, Alba Longa... :

« Cette région, à partir du Tibre, constitue la première de l’Italie d’après la répartition d’Auguste. À l’intérieur les villes d’Abellinum, Aricie, Albe la Longue... »34.

12. – Lucain

33a)...et residens celsa Latiaris Iuppiter Alba :

« Jupiter Latiaris qui résides sur les hauteurs d’Albe »35.

34b)...iter est Latiis ad summam fascibus Albam :

« là où il y a un chemin pour les faisceaux latins vers le sommet d’Albe »36.

13. – Martial

35a) Hic colat Albano Tritonida multus in auro :

Puisse-t-il souvent honorer la déesse du lac Triton avec les feuilles d’or de sa maison d’Albe »37.

36b)... et totam licet aestimare Romam
Albanos quoque Tusculosque colles... :

« [du Janicule] on peut évaluer toute l’étendue de Rome ; on peut aussi parcourir du regard les coteaux d’Albe et de Tusculum... »38.

37c) Hoc tibi Palladiae seu collibus uteris Albae
Caesar, et hinc Triuiam prospicis, inde Thetin :

« C’est à toi, César – soit que tu jouisses des collines d’Albe chères à Pallas, et que de là tu jettes tes regards d’un côté sur le temple de Diane et de l’autre sur les flots de Thétis »39.

38d)... maior quae gesserit audi
sextus ab Albana quem colit arce lapis :

« écoute à présent les hauts faits du plus grand des deux [Hercules], que l’on honore à la sixième borne milliaire à partir de la citadelle d’Albe »40.

39e) Iuleo [...] monte :

« sur le mont d’Iule »41.

14. – Stace

40a) Ast ego, Dardaniae quamuis sub collibus Albae :

« Mais moi, bien qu’au pied des collines d’Albe la Dardanienne... »42.

41b)...lux mihi, Troianae qualis sub collibus Albae :

« un jour tel que celui où, au pied des collines d’Albe la Troyenne... »43.

42c) Parui beatus ruris honoribus
qua prisca Teucros Alba colit lares :

« Heureux des productions de mon petit domaine, aux lieux où la vieille Albe garde le culte des Lares troyens »44.

43d) Sed quis ab excelsis Troianae collibus Albae,
unde suae iuxta prospectat moenia Romae
proximus ille deus... :

« Mais quel est ce messager qui accourt des hautes collines d’Albe la Troyenne, d’où le plus proche des dieux contemple de près les remparts de sa Rome ? »45.

44e)... ubi post Aeneia fata
stellatus Latiis ingessit montibus Albam
Ascanius... :

« en ce lieu où, après la mort d’Énée, Ascagne brillant comme une étoile fonda Albe sur les hauteurs du Latium... »46.

45f)... qualem te Dardanus Albae
uix cepisset ager... :

« comme la terre dardanienne d’Albe aurait eu de la peine à te contenir... »47.

15. – Tacite

46...intra Albanam arcem sententia Messalini strepebat :

« les arrêts de Messalinus ne retentissaient qu’à l’intérieur du palais albain »48.

16. – Juvénal

47a) Utque lacus suberant, ubi quamquam diruta seruat
Ignem Troianum et Uestam colit Alba minorem :

« Là où les lacs s’étendaient, là où, bien que détruite, Albe honore le feu venu de Troie et Vesta soumise au Grand Pontife »49.

48b)... quos Albanam dux magnus in arcem traxerat... :

« [ces grands] que le sublime chef avait traînés dans sa citadelle d’Albe... »50.

49c) Tunc gratus Iulo
Atque nouercali sedes praelata Lauino
Conspicitur sublimis apex, cui candida nomen
Scrofa dedit, laetis Phrygibus miserabile sumen
Et nunquam uisis triginta clara mamillis :

« À ce moment se montre dans les airs la hauteur qui plaisait à Iule et dont il préféra le séjour à celui de Lavinium, demeure de sa marâtre, cette cime qui doit son nom à la truie blanche venue, pour son malheur, faire de sa tétine la joie des Troyens et fameuse par le nombre, qu’on ne vit jamais, de ses trente mamelles »51.

17. – Trogue-Pompée/Justin

50[Iason] cum Albanis foedus percussit, qui Herculem ex Italia ab Albano monte, cum Geryone extincto armenta eius per Italiam duceret, secuti dicuntur... :

« Il [Jason] fit alliance avec les Albains, qui avaient, dit-on, quitté l’Italie et le mont Albain pour suivre Hercule, lorsque après avoir tué Géryon, il menait ses troupeaux à travers ce pays... »52.

18. – Plutarque

51Κα καταβαίνοντος ἐξ Ἄλβης Καίσαρος εἰς τὴν πóλιν, ἐτόλμησαν αὐτòν ἀσπάσασθαι βασιλέα:

« Et un jour que César descendait d’Albe à Rome, ils osèrent le saluer du titre de roi »53.

19. – Valerius Flaccus

52iam te ciet altus ab Alba
Iuppiter :

« déjà t’appelle Jupiter des hauteurs d’Albe »54.

20. – Suétone

53... in sacrificio Latinarum reuertente eo... :

« au cours du sacrifice des fêtes Latines alors qu’il revenait... »55.

21. – Dion Cassius

54a) ( Αἰνείας) [...]ἔτι δὲ κα χοίρου λευκς ἀπò τοῦ πλοίου αὐτοῦ ἀποσκιρῖησάσης ἐπ τò ἀπ’ αὐτς ὼνομασμένον Ἀλβανòν ὄρος [...] θύσας δὲ κα τὴν χοῖρον παρεσκευάζετο κτίζειν πόλιν:

« et comme une truie blanche s’était échappée du navire vers le mont appelé Albain [...] ayant sacrifié la truie, Enée décida de fonder une ville »56.

55b) οἱ Λατῖνοι τὴν μὲν πóλιν τò Λαουίνιον οἱ πλείονες ἐκλελοίπασιν, ἑτέραν δ’ ἐν ἀμείνονι χώρῳ ἀντῳκοδóμησαν, ἥν Ἄλβαν ἐκ τς λευκóτητος κα ἀπò τοῦ μήκους Λóγγαν ἐπωνóμασαν:

« Les Latins abandonnèrent pour la plupart la ville de Lavinium, et en fondèrent une autre dans une contrée plus fertile, qu’ils appelèrent Alba d’après la blancheur et Longa d’après sa forme »57.

56c) (À propos de l’organisation par Domitien de Jeux en l’honneur de Minerve) : ἐν τῷ Ἀλβανῷ [...] τοῦτο γὰρ τò χωρίον ὑπò τò ὄρος τò Ἀλβανóν, ἀφ’ οὗπαρ οὕτως ὠνομάσθη, ὄν ὥσπερ τινὰ ἀκρóπολιν ἐξείλετο:

«...dans sa villa albaine [...] il l’avait en effet choisie comme une citadelle au pied du mont Albain, d’où elle tire son nom »58.

22. – Servius

57a) Albam Longam [...] dictam ab omine porcae repertae uel situ ciuitatis :

« Albe-la-Longue qui tire son nom de la truie qui y fut trouvée ou du site de la cité »59.

58b)...et Lauinium et Alba longe a litore sunt :

« Lavinium comme Albe sont situées loin du rivage »60.

59c)...priscos Latinos ita dicti sunt qui tenuerunt loca ubi Alba est condita :

« reçurent le nom d’Anciens Latins ceux qui occupaient les lieux où Albe fut fondée »61.

60d) (À propos dAricie) : ciuitas iuxta Albam62 :

61e)...quam (suem) secutos Troianos in eum montem peruenisse ubi postea Alba, a colore porcae, Longa, a positione, sit condita :

« les Troyens suivirent l’animal et parvinrent sur une montagne où ensuite fut fondée ‘Albe’, d’après la couleur de la truie, ‘la Longue’, d’après sa position »63.

62f)...Catonem sequitur, qui Albanum montem ab Alba Longa putat dictum :

« il suit Caton, qui pense que le mont Albain est appelé d’après Albe-laLongue »64.

63g)...nomen quis ignorat a longa Alba tractum :

« quant à son nom, qui ignore qu’il est tiré de celui d’Albe-la-Longue ? »65.

23. – Jean le Lydien = Varron

64Cf. supra T4c.66

24. – Origo Gentis Romanae

65Ascanius [...] circumspectis diligenter finitimis regionibus, speculatus montem editum qui nunc ab ea urbe quae in eo condita est Albanus nuncupatur, ciuitatem communiit eamque ex forma, quod ita in longum porrecta est, Longam, ex colore suis Albam cognominauit :

« Ascagne [...] considérant avec soin les régions voisines, remarqua une montagne élevée que, du nom de la ville qui fut fondée en ce lieu, on appelle aujourd’hui montagne d’Albe. Il y construisit une cité que, d’après sa forme (elle s’étendait tout en longueur), il nomma la Longue et, d’après la couleur de la truie, Albe »67.

25. – Isidore de Séville

66Alba autem uocata propter colorem suis ; Longa, quia longum oppidum est, iuxta prolixitatem collis in quo sita est :

« Elle fut appelée Albe d’après la couleur de la truie ; La Longue, parce qu’il s’agit d’une place forte allongée, à côté de l’étendue de la colline sur laquelle elle se trouve »68.

67Cinquante-huit références pour vingt-cinq auteurs ou œuvres : les sources antiques forment, on le voit, un ensemble non négligeable, même s’il manque souvent de précision dans le détail, ce qui n’est pas, du reste, sans signification. L’éventail chronologique est très large et comprend toute la latinité puisqu’il va de Fabius Pictor, et sans doute déjà d’Ennius69 à Isidore de Séville, se prolongeant même par des échos tardifs chez les Byzantins, de Jean le Lydien à Syncelle. À ces textes, il convient d’ajouter, en complément, les deux inscriptions où figure l’expression arx Albana, dans la mesure où elle apparaît indubitablement chez Tite-Live (T9b et d) et sans doute aussi chez Martial (T13d), employée à propos du site attribué à la métropole légendaire qu’est le Monte Cavo, Tacite (T15) et Juvénal (T16b) l’utilisant au contraire à propos du palais de Domitien, comme aussi, de façon plus allusive, Dion Cassius (T21c) au sujet du même empereur.

26. –

68Il s’agit70 de :

69a) CIL, 14, 2947 = ILS, 2749 (trouvée à Préneste ; date : fin iie s. ap. J.-C.) :
P. Ael(io) P. f. Pal(atina) / Tironi / salio arcis / Albanae...

70b) CIL, 6, 2172 = ILS, 5011 (trouvée sur l’Aventin ; date : iiie ou ive s. ap. J.C. ; peut-être base de statue ; 8 l. dont 2 données ici) :

[.]erae u(irgini) V(estali) maximae ar[cis] / Albanae

ANALYSE PHILOLOGIQUE

71De cette sylloge nous excluons, bien entendu, tous les textes71 où se trouve mentionné un Albanum, autrement dit, à époque républicaine, un domaine situé sur le territoire albain ; sous l’Empire, après sans doute un processus suivi d’expropriation, concernant au premier chef la villa de Pompée, il n’y a plus guère de place pour d’autre Albanum que celui de l’empereur72, qui s’étend désormais de part et d’autre du lac Albain : le nom même de Palazzolo, suivant une vieille hypothèse reprise récemment73, est peut-être ainsi à référer à un palatiolum aménagé pour Auguste. Il est inutile, également, d’ajouter que la confusion entre le lieu de séjour de la Seconde légion Parthique, castra Albana, actuel Albano, et Albe, est tardive : on en crédite généralement74 Procope. Il l’est peut-être moins de chercher à préciser cette chronologie qui, en fait, semble pouvoir être rehaussée : car Servius (ad Aen., 7, 762), parlant d’Aricie, la situe iuxta Albam ; plus que Castel Gandolfo ou même le mons Albanus, cette indication, à sa date, nous paraît pouvoir être référée au site des castra Albana. Cette formule prouverait alors que l’assimilation du lieu connu aujourd’hui sous le nom d’Albano avec le site de la légendaire métropole daterait, non pas du vie siècle, mais déjà du ive siècle de notre ère, ce qui n’est peut-être pas sans intérêt pour l’histoire même du site d’Albano75.

72Mais revenons à Alba Longa et aux textes qui la mentionnent beaucoup plus qu’ils ne la décrivent. Que nous apprennent ces textes pour le site d’Albe ? Tentons de dégager, sans reprendre le détail de la démonstration faite en 1986, les principaux enseignements que l’on en peut tirer. Ce qui frappe d’abord, comme l’avait vu déjà Cluver, c’est la prépondérance presque écrasante, mais non exclusive comme il le pensait, qu’y a la localisation d’Albe sur le mont Albain : c’est tout de suite la doctrine de Fabius Pictor (T1a-c) et ce sera encore celle de l’Origo (T24), en passant par Caton (T2) ; Strabon (T8) et Denys d’Halicarnasse (T10) la développent tandis que des poètes comme Lucain (T12), Juvénal (T16c), Valerius Flaccus (T19), un prosateur tel que Plutarque (T18), la considèrent comme allant de soi. Et chez les auteurs dont la doctrine n’apparaît pas clairement – sans doute pour la simple raison que, se ralliant à l’opinion commune, ils devaient considérer que toute précision était inutile –, il est probable qu’elle y était présente : on peut le supposer pour Varron (T4c), Tibulle (T7) et Martial (T13c). Pour d’autres, l’ambiguïté des formules dont ils usent peut avoir été, à notre avis, voulue : tel est le cas, notamment, et pour des raisons différentes, de Cicéron (T5) et de Virgile (T6).

73En effet, contrairement à ce que soutenaient Clu¨ ver et, après lui, tous les commentateurs qui ont toujours voulu réduire ces textes à l’unité, une autre localisation apparaît dans la tradition antique : à l’opposé de ce que nous écrivions nous-même en 198676, nous pensons aujourd’hui que Tite-Live, dans sa description (T9a) aussi célèbre que brève et qui se dégage de son texte comme une de ces vignettes chères à la cartographie antique77, a bien pu vouloir placer Albe, comme le soutenait Ashby (o.c., p. 38) du côté de Castel Gandolfo, et non de l’autre côté du lac. Toujours oublié78 (y compris par nous-même en 1986), un autre texte que nous versons aujourd’hui au dossier (T3) situe explicitement Albe « in Aricia », c’est-à-dire non pas, bien sûr, à Aricie même, car on aurait alors un locatif, mais sur le territoire de cette ville ; la notice a d’autant plus de valeur que son auteur n’est autre, en l’occurrence, que César, dont on connaît assez les prétentions albaines, hautement revendiquées79. Or, si l’appartenance au territoire d’Aricie est une possibilité qu’il ne faut pas écarter pour le mons Albanus, elle est une certitude pour le sanctuaire de Ferentina80. De plus, un indice non négligeable oriente dans la même direction : la formule par laquelle le texte de Festus (276L) décrit l’emplacement du rendez-vous fédéral de Ferentina est exactement la même que celle dont Tite-Live se sert pour indiquer le site de la métropole des Latins, sub monte Albano dans un cas, sub Albano monte dans l’autre. Grâce à ce que l’auteur de l’Ab Vrbe condita dit lui-même du site du caput aquae Ferentinae, qu’il met en relation (2, 38, 1) avec une route qui ne peut être que l’Appia, nous pouvons considérer comme certain que dans le premier cas, cette expression renvoie au versant méridional du lac. La récurrence littérale de l’expression à propos de la description du site d’Albe rend très probable une localisation, ou plus exactement une hypothèse antique de localisation de la métropole au même endroit, ou dans ses abords immédiats. À l’identité sémantique, il nous paraît en effet difficile de ne pas faire correspondre une identité topographique. La confirmation de cette localisation est d’ailleurs apportée par les textes où il est question, sans doute possible, de Castel Gandolfo ou d’Albano et qui, eux aussi, situent tant la villa impériale que les castra Albana par référence au mont albain, pourtant situé sur l’autre rive du lac : la villa chère à Domitien est ainsi placée par Dion Cassius (T21c) ὑπò τò ὄρος τò Ἀλβανóν toù _Albanon, tandis que le cantonnement habituel des soldats de la Seconde légion Parthique qui s’en vont tuer l’empereur Maximin lors du siège d’Aquilée en 238 est situé par Hérodien (8, 5, 8) ὑπò τò καλούµενον ὄρος τò Ἀλβανóν. Dans tous ces cas, qu’il s’agisse de Ferentina ou du territoire albain, la répétition de la même expression et l’exacte correspondance entre le latin et le grec (sub traduit par ὑπó) laissent penser qu’on a affaire à un formulaire fixé par la tradition. Il apparaît alors que, s’appliquant à la villa impériale de Castel Gandolfo ou à un terrain situé dans ses parages, les mots sub collibus Albae employés à deux reprises par Stace (T14 a et b) ont un sens précis et désignent, en reprenant, à peine transposée, la formule canonique, les hauteurs de Castel Gandolfo et d’Albano. Contrairement à ce qu’on a toujours dit, le choix de cette expression prouve conséquemment que l’auteur des Silues, suivant en cela la tradition, assimilait le mont Albain au site d’Albe.

74Tite-Live, donc, localisait, selon toute apparence, Albe dans les parages du laghetto Savelli, peut-être à Castel Gandolfo même, comme le voulait Ashby. La localisation Alba in Aricia faite du point de vue des divisions administratives, familier au père de la lex Iulia, répond à la notation topographique choisie par l’auteur de l’Ab V.c. qui préférait, lui, se référer au principal marqueur du paysage albain que constitue le Monte Cavo. On peut d’ailleurs se demander si Pline, énumérant, parmi les oppida du Latium, Aricia, Alba Longa, ne se rangeait pas à la localisation proposée par l’auteur des Libri analogiae, qu’il connaissait puisque c’est par lui qu’elle nous a été conservée81 : les exigences de l’alphabet eussent en effet exigé l’ordre inverse, mais il est vrai qu’elles ne sont pas strictement respectées par les auteurs antiques. Quant à arguer du texte plinien en faveur de l’historicité de la métropole latine et de la connaissance, au ier siècle, de l’oppidum qu’elle aurait occupé, nous ne pouvons que renvoyer à ce que nous en écrivions en 198682 : l’inspiration augustéenne de la descriptio Italiae, affirmée précisément dans ce passage, explique suffisamment la présence, dans ce catalogue, de la fondation attribuée à l’ancêtre mythique de la gens Iulia, l’Ascanius puer dit encore Iulus. Parler d’autre part, comme le faisait Beloch83, d’une erreur du Naturaliste, serait tout aussi injustifié. De même la définition varronienne du site comme oppidum (T4b) reste-t-elle trop insuffisante pour en permettre la localisation. Pour ce qui est de la définition césarienne elle-même, nous pouvons noter qu’elle ne comprend aucune référence au mons Albanus. La notule de César nous paraît ainsi s’opposer à la localisation qui était celle de Caton, suivi, nous l’avons vu, par la plus grande partie de la tradition : après Fabius, l’auteur des Origines établissait, en effet, entre le mont et la métropole, une relation consubstantielle, tant topographique qu’onomastique. Dès lors, nous pouvons non seulement constater, comme nous l’avions déjà fait84, l’insistance que met la partie la plus importante et la plus ancienne de la tradition antique, à placer une ville d’Albe sur le mont du même nom, mais également déceler l’existence, non moins indubitable, d’un courant historiographique ancien plaçant la fondation d’Ascagne de l’autre côté du lac, du côté de la via Appia. Compte tenu de la personnalité des protagonistes de ces deux thèses opposées, Caton et César, nous proposons de voir dans cette possible divergence d’opinions la trace d’un véritable débat antique, de nature idéologique, débat dont, bien entendu, le troisième homme n’était autre que Caton d’Utique, auquel le vainqueur de Pompée ne pardonna jamais d’avoir, par la mort volontaire, échappé à sa clémence85. La querelle n’était du reste pas de pure forme et l’héritier de la gens Iulia pouvait avoir un intérêt direct à faire valoir que la mythique ville-mère de Rome s’était élevée tout près de Bovillae, c’est-à-dire du lieu où sa propre gens, l’autel86 de Vediovis et Tacite (Ann., 2, 41) en témoignent, avait son origo. Sans doute doit-on supposer qu’il n’était pas lui-même l’inventeur de cette localisation, illustrée, nous semble-t-il, dès le second siècle avant notre ère par la dédicace de l’autel, leege Albana, « selon la (ou une) loi albaine ». Ce nonobstant, César était le premier à savoir que cette localisation d’Albe n’était pas la plus répandue. D’ailleurs, au moment où il songera à revendiquer l’antique prestige qui s’attachait au souvenir de la royauté albaine, qu’il eût ou non de précises visées monarchiques pour lui-même87, c’est bien sur le mont Albain qu’il se rendra (T18 et 20) pour célébrer les Féries Latines et revenir ensuite « d’Albe » vers Rome, auréolé des mystérieuses virtualités venues du passé primordial de la métropole mythique de l’Vrbs. On ne saurait donc exclure que, dès le début, il n’ait souscrit à la localisation la plus répandue, ce qui impliquerait alors que le mont Albain faisait, à son époque, partie du territoire d’Aricie.

75Au regard des considérations qui précèdent, on ne peut qu’être frappé par les ambiguïtés du texte de Tite-Live, qui rendent bien périlleuse toute utilisation directe et, pour ainsi dire, réaliste de ses descriptions. Car s’il nous paraît maintenant probable qu’au livre premier de son œuvre, il se réfère à un site qui est vraisemblablement celui de Castel Gandolfo, il n’en reste pas moins qu’au livre sept, l’arx Albana (T9d) qu’il décrit comme la hauteur la plus élevée du massif albain ne saurait être que le mons Albanus.88 C’est bien ainsi que, quelques siècles plus tard, l’anonyme de l’OGR (T24) comprendra le texte livien, l’editissimum inter aequales tumulos de l’historien augustéen devenant chez lui un montem editum sur lequel, sans plus tarder, Ascagne fondera sa ville : on note que cette formule, editus mons, est très exactement celle qu’emploie Cicéron (T5a) pour décrire la montagne de Jupiter. Une localisation identique d’Albe sur le Monte Cavo se dégage à notre avis d’une autre formule qu’emploie Tite-Live dans le même passage : parlant du camp établi par les mutins venus de Capoue en 338 av. J.-C. et marchant sur Rome, il le situe sub iugo Albae Longae (T9e). Ces mots n’ont pas été bien compris : ils paraphrasent en effet le syntagme sub monte Albano. La logique des lieux et des événements a certes conduit les commentateurs à placer justement – les soldats révoltés arrivant de Terracine (7, 38) – le camp de ces derniers le long de l’Appia (contra, mais à tort, notre Localisation 1986, p. 56), ce que confirment le parallélisme des formules et le sens que nous donnons à la plus courante d’entre elles (sub A. m. en T9a). Mais, si le camp est effectivement du côté de Castel Gandolfo ou d’Albano, Albe, elle, reste, pour Tite-Live ici, sur le mons Albanus, puisque, dans sa formulation, le nom de la métropole ne fait que se substituer à celui du mont, d’ordinaire seul employé (par ex. en T9a). Ainsi, loin que ce texte (T9e) puisse être utilisé pour une Albe située à Castel Gandolfo, il prouve l’adhésion de Tite-Live à la vulgate fabiocatonienne. Il reste qu’en décrivant l’emplacement des tombeaux des Horaces, l’historien avait écrit qu’ils étaient propius Albam (T9c) : cela semble impliquer – ces monuments étant, comme on le sait, situés le long de la uia Appia – que pour lui, le site d’Albe se trouvait de ce côté du lac. Tout se passe comme si, se trouvant en présence de traditions divergentes quant à la localisation d’Albe, Tite-Live avait voulu leur faire à toutes une place. N’aura-t-il pas cherché même à les concilier (selon le principe d’une localisation double qu’on retrouvera ensuite chez certains Modernes) par le biais d’une distinction entre l’urbs, à situer sub Albano monte, c’est-à-dire du côté de la uia Appia, et l’arx, qu’il désigne comme la hauteur la plus élevée du paysage, indication qui, ne pouvant en aucune manière s’appliquer au plateau de Castel Gandolfo, ne saurait désigner que le mons Albanus lui-même ? Nous le penserions volontiers. Faire le silence, comme il le fit sur tant d’autres sujets, où la diversité des traditions aiguisait son scepticisme, par exemple l’épisode de la gésine de la laie miraculeuse, ne lui était évidemment pas possible dans ce cas précis, vu l’importance d’Albe dans la légende des primordia Vrbis et les liens particuliers qui la liaient à la gens du maître du régime. Il a donc souscrit à la version devenue depuis peu officielle, mais non sans rendre, discrètement, hommage à celle qui avait toujours été de mise. On observera que Virgile (T6) reste beaucoup plus allusif, et ce n’est pas sa mention de la muraille construite par Ascagne qui pourrait être considérée comme une précision : elle ne correspond qu’à un topos épique89, l’édification de murailles, dans la littérature comme dans les arts figurés, qu’il s’agisse de la fresque du tombeau de l’Esquilin ou de la frise de la basilique Aemilia90, signifiant, par synecdoque, la ville. Inversement, le peintre de la fresque de l’Esquilin a eu besoin d’une inscription pour préciser l’identité de la ville dont il représentait la construction : « ALBA [... ». La mention, par Tite-Live91, des portes de la cité lors de sa description du sac d’Albe n’a pas davantage de signification concrète : l’épisode vient sans doute d’Ennius92 et semble dépourvu de tout référent topographique ou toponymique précis. Quant à Denys (T10a), sa description, si elle est la plus précise de toutes, contredisant définitivement toute localisation à Castel Gandolfo93, n’est en fait qu’une paraphrase de la vulgate fabio-catonienne : on avait sans doute dit au scrupuleux auteur des Antiquités qu’Albe avait été située sur le mons Albanus, et il cherche à expliquer, avec un zèle touchant, les avantages de cet emplacement supposé ; la seule question – mais elle est d’historiographie beaucoup plus que de topographie – est de savoir si l’historien grec plaçait la métropole sur le site de Palazzolo (hypothèse la plus probable selon nous) ou, comme le voulait F. Dionisi, sur un contrefort du mont tel que Prato Fabio, ou ailleurs encore autour de la montagne. Il est clair en tout cas que sa description du site comme désert – ἔρηµος (1, 66 et 3, 31) – de son temps ne se comprendrait pas si on devait la référer au rivage côté via Appia, alors richement orné de villas et de multiples constructions.

76Il y a donc une arx Albana, qui est, au moins trois fois chez Tite-Live (T9b, d et e) et sans doute chez Martial (T13d), le mons Albanus, et c’est aussi à ce lieu, qui était celui de la célébration des Féries, que nous référons94 les inscriptions où figure une arx ainsi nommée (T26). Mais il apparaît également que la villa impériale de Castel Gandolfo est décrite par Tacite (T15), Juvénal (T16b) et Dion Cassius (T21c), comme une acropole, arx. On a voulu voir dans l’emploi de ce mot la preuve que le palais impérial occupait l’emplacement même de la métropole latine95. C’est prendre les mots pour les choses : ces textes suggèrent seulement l’existence, qui peut être établie par ailleurs (surtout T9a), d’une hypothèse antique de localisation d’Albe du côté de la résidence princière. Mais le mot faisait surtout image, évoquant cette superposition de quatre terrasses et de leurs bâtiments que le voyageur Louis Simond, en 1828, comparait déjà à un Versailles antique96, un Versailles qui pourrait aussi faire penser, de par sa situation de Burg, à un de ces châteaux chers à Louis II de Bavière : plus directement, on songera à la colline et à la résidence du Palatin, centre du pouvoir à Rome et décrite comme arx par Pline et par Stace97, ce qui pourrait, en retour, expliquer l’emploi du mot pour décrire la résidence albaine. L’Albanum impérial est bien alors une espèce de Palatin suburbain, où à en croire Dion Cassius l’empereur séjourne même plus volontiers qu’à Rome. On peut observer aussi que, pour l’Albanum, l’expression, curieusement, n’apparaît qu’à propos de Domitien : avant et après le règne de cet empereur, on n’en trouve pas trace. Bien davantage, les poètes contemporains n’iront jamais, contrairement à ce qu’on dit souvent, jusqu’à affirmer que Domitien habitait à l’emplacement même d’Alba Longa ; il est frappant, tout au contraire, de constater combien ils prennent soin de rester dans le vague, parlant (T13 b et c ; 14 a, b et d) seulement « des collines d’Albe », collibus ou montibus Albae (T14e) : pluriel d’indécision, voire d’embarras, à notre avis, au moins autant que de majesté ! Stace lui-même, pourtant poète de cour et empressé à flatter le Prince, ne qualifie pas l’Albanum d’arx et n’affirme nulle part, en aucune manière, qu’il s’agit du site de la mythique métropole : s’il a ainsi reculé devant une flatterie ou une hyperbole pourtant facile, n’est-ce pas qu’il était persuadé que le « vrai » site d’Albe avait été le mont Albain ou, en tout cas, qu’il avait conscience que cette localisation continuait à emporter l’adhésion de la majorité de ses contemporains98 ? On a donné beaucoup de poids99 aux deux vers où Juvénal écrit (T16a) qu’ » Albe détruite honore Vesta » : ce serait, dit-on, la preuve qu’un sanctuaire du feu perpétuel conservait le souvenir du lieu et du nom de la métropole disparue. Les Anciens ne disaient-ils pas que Tullus Hostilius et ses soldats avaient épargné les sanctuaires, sacra Albana100 ? C’est là confirmer la tradition par elle-même, bref marier la tautologie à l’étiologie. Comme nous l’avions déjà souligné101, on doit, en fait, remarquer le caractère très vague de la description de l’auteur des Satires, qui parle, au pluriel, des lacs albains, et non de celui-là seul que domine Castel Gandolfo : ce n’est pas un site précis qu’il décrit, mais une région tout entière, riche, nous le savons, de nombreux lacs, dont notamment celui de Nemi. À cette remarque, nous ajouterons ceci : la convocation des pontifes dans son palais par Domitien suscitera l’indignation, peut-être forcée à dessein, de Pline le Jeune, pontificis maximi iure seu potius, immanitate tyranni licentia domini, reliquos pontifices non in Regiam sed in Albanam uillam conuocauit102, ce qui n’eût sans doute pas été le cas si le palais albain avait été réellement le siège d’un sanctuaire de Vesta ; la Vesta albaine étant en effet soumise à l’autorité du Pontife romain et dite en conséquence minor par Juvénal, le Pontifex Maximus qu’était le princeps eût été alors dans son bon droit.

77De toute façon, ni le texte de Juvénal qui s’applique à l’ensemble du massif albain et non à un lieu précis, ni aucun autre ne disent qu’il y avait un sanctuaire de Vesta dans l’enceinte du palais albain : ce n’est qu’une supposition de certains érudits modernes soucieux de trouver une confirmation à la localisation d’Ashby, qui fut d’abord celle d’Holstein. Mais cette hypothèse méconnaît, nous semble-t-il, la dimension proprement idéologique du comportement de Domitien : aurait-il installé dans sa résidence albaine le culte de Vesta – ce qui reste à prouver –, il n’aurait qu’imité encore d’un peu plus près Auguste, qui avait installé, dit-on, la déesse dans son palais de Rome103. Peut-être Domitien fut-il aussi tenté de s’assimiler à Jupiter Latiaris, comme l’aurait fait avant lui Caligula ? Stace fait du reste référence au dieu latin lorsqu’il décrit le princeps comme proximus ille deus104. En tout cas, il n’y avait rien d’étonnant à ce que fût décrite comme arx la résidence de celui qui voulut, le premier, être salué comme dominus et deus. Et si l’on veut continuer à considérer les textes de Juvénal comme prouvant quelque chose, il faudra se souvenir que chez lui, pourtant l’auteur le plus utilisé en faveur de la thèse d’Ashby, le mont Albain, sublimis apex, continue à être explicitement le lieu de la fondation d’Iule, alias Ascagne : le texte 16c le montre sans aucun doute possible. Chez Martial, l’autre auteur utilisé par les tenants d’une localisation d’Albe à Castel Gandolfo ou dans ses abords, le Monte Cavo est qualifié d’Iuleus (cf. T13e), ce qui, comme le remarquait déjà Clu¨ ver (o.c., p. 906), implique l’adhésion à la doctrine fabio-catonienne ; enfin, quand l’auteur des Epigrammes emploie l’expression arx Albana (T13d), elle désigne le Monte Cavo. S’il y a donc bien une arx dans le paysage albain, c’est celle que forme naturellement le mons Albanus, véritable donjon du Latium et de l’Vrbs, comme on le voit, par exemple, lorsque les Romains, Hannibal approchant, s’empressent d’y masser des troupes : Praesidia in arce, in Capitolio, in muris, circa urbem, in monte etiam Albano atque arce Aefulana ponuntur (Liv., 26, 9, 4). Tout porte donc à croire que les Vestales, les Saliens arcis Albanae de l’épigraphie exerçaient leurs fonctions sur le mont Albain lui-même, autour des sanctuaires qui y étaient regroupés. Rien, dans ce toponyme arx Albana, ne permet en tout cas d’y voir la preuve d’une localisation d’Albe à Castel Gandolfo, sans parler même du fait qu’une telle localisation pourrait tenir du processus imaginaire par où se construit la légende des primordia, et non de la réalité elle-même. De toute façon, après Domitien, le palais albain cesse d’être décrit comme une arx : Marc Aurèle y invitant Faustine105 se contente de l’engager à venir in Albanum. On a l’impression que le règne de Domitien, souverain qui aimait, S. Gsell106 l’avait déjà montré, à se référer aux origines mêmes de l’Vrbs, aura suffi à discréditer définitivement après lui la localisation méridionale d’Albe : elle n’apparaît plus après son règne et on en revient à la vulgate fabio-catonienne.

78Les autres textes appellent quelques remarques : sans reprendre l’analyse que nous avions faite naguère107 du texte de Cicéron, nous nous bornerons à souligner ici l’essentiel : la grande absente en est Albe La Longue. Même si on peut penser que l’allusion aux autels des Albains détruits par la villa de Clodius est une référence (qui serait alors la première) à la localisation « appienne » d’Albe, ce silence de l’Orator traduit aussi sans doute le poids de la localisation d’Albe sur le Monte Cavo, qu’il n’aura voulu ni reprendre – les lieux des méfaits de Clodius en étaient trop éloignés – ni contredire explicitement. Cicéron reproche à Clodius d’avoir souillé les lacs protégés par Jupiter Latiaris ; il peut s’agir d’une simple hyperbole, mais nous nous demandons s’il ne convient pas d’y voir, suivant une vieille suggestion de Volpi et de Piranèse, une allusion à un nymphée aménagé par Clodius sur la rive même du lac de Castel Gandolfo en relation avec sa villa : on pense alors évidemment au « ninfeo dorico »108 situé précisément au pied de la villa pontificale qui fut peut-être d’abord celle de Clodius et datable de la première moitié du ier siècle av. J.-C. ; ne doit-on pas alors en attribuer la construction à cet architecte Cyrus auquel Clodius se montrait assez attaché pour que l’annonce de sa mort le fît partir aussitôt pour Rome (Asconius, ad pr. M. 17, 46) ?

79À peu près à cette époque, le texte de Trogue-Pompée (T17) témoigne de la persistante popularité de la localisation catonienne : dans ces Albains qui se retrouvent curieusement en Arménie – à la faveur de l’identité entre le nom de la métropole mythique et celui d’une peuplade proche-orientale – nous serions enclin à entendre l’écho déformé des circonstances qui avaient vu Pompée en Orient faire alliance avec les rois locaux109. Mais tout cela est fort incertain. L’est aussi, mais avec une importance tout autre pour notre sujet, le sens du mot « Albe » chez Varron dans ce texte des Imagines qu’a conservé Jean le Lydien (T23). Compte tenu de ce qui précède, on voit qu’il y a plusieurs hypothèses possibles : s’il ne s’agit pas d’Alba Fucens, ce que la suite du texte semble exclure, on pourrait être du côté de la via Appia, que ce soit vers Bovillae, Ferentina (Castel Savelli) ou Castel Gandolfo, à moins que ce ne soit de l’autre côté du lac, sur le mont Albain lui-même. La première possibilité conviendrait bien au territoire dans lequel se trouvait le sacrarium de la gens Iulia ; la présence d’une statue d’Enée, l’ancêtre mythique de la gens, s’expliquerait d’elle-même dans un tel contexte. Un peu plus loin de Bovillae, et plus près du site du caput aquae Ferentinae, voire à Castel Gandolfo même ? La mention de la source comme point de repère topographique renverrait alors à l’antique rendez-vous fédéral, mais on ne voit pas très bien ce que viendrait faire ici la statue du héros penatiger. À supposer qu’il n’en ait pas, d’une œuvre à l’autre, changé, il faut, pour avoir une idée, au moins approximative, de la doctrine de Varron, connaître la tradition à laquelle il semble se référer : celle de Fabius et de Caton.

80Ces deux auteurs, on l’a vu (T1 et 2), situent tous deux Albe sur le mont Albain. Entre leurs thèses, dont la conjonction constitue le courant dominant de la tradition, quelques différences se laissent distinguer. Chez le premier des annalistes romains, et en prenant bien la mesure de toutes les incertitudes dues à une tradition indirecte, il apparaît que le site et le nom d’Albe ont comme origine directe le prodige de la laie, la ville elle-même donnant ensuite son nom à la montagne où elle est située. Chez l’auteur des Origines, l’escapade d’une truie parcourant, de la côte au mont Albain, plus de trente kilomètres, n’existe plus ; c’est à Lavinium qu’elle met bas (fg. 13 P2 = 14 Ch.), si bien que le rapport entre la gésine miraculeuse et la métropole albaine n’est plus qu’indirect : le nombre des gorets indique celui des années qui doivent séparer la fondation d’Albe de celle de Lavinium, et le nom d’Albe ne peut plus alors être qu’en rapport second, sur le mode de l’allusion, avec le prodige de la truie, urbem clarissimi nominis, selon une ambiguïté sans doute voulue110, que reprendra Virgile (Aen., 8, 48). Fabius et Caton se rejoignent lorsqu’ils expliquent le nom du mont Albain par celui de la ville qu’ils y placent tous deux. C’est sans doute par rapport à ce système que l’on peut tenter de comprendre la doctrine varronienne : si le nom d’Albe, chez l’auteur du de Lingua Latina, lui vient de la couleur de la truie, propter colorem suis, on peut penser que l’oppidum d’Albe (T4a et 4b) était placé par Varron sur le mont Albain ; on a l’impression, en effet, que l’autre tradition, celle d’une Albe côté via Appia, excluait le prodige de la truie, Tite-Live n’en disant mot. D’autre part, l’attribution de la fondation de la cité aux Lavinates (T4b) semble donner le premier rôle de ce point de vue à Ascagne, selon la version qui deviendra classique (Virgile, Denys, Strabon) ; mais l’identité de la statue vue par Varron paraît renvoyer – sans que cela corresponde nécessairement, il est vrai, à la doctrine personnelle du Réatin – à une fondation d’Albe par Énée, selon une tradition illustrée par Conon (T8bis) et qui remontait peut-être à Fabius Pictor111 (T21a). Ces différents indices suggèrent que l’Alba mentionnée par l’auteur des Imagines aurait été le sanctuaire du Jupiter Latin : la présence d’une statue d’Énée ne pourrait-elle pas alors être l’une des très rares traces d’une intervention augustéenne sur le site ? On rappellera que des vestiges d’édicules ont été identifiés sur les lieux112 et l’on sait que, de son côté, Antoine y avait fait ériger sa statue. Dans ces conditions, la source serait à notre avis celle de Palazzolo, où, de fait, on a souvent supposé l’existence d’une résidence fréquentée par Auguste113.

81Malgré son imprécision apparente, c’est encore du côté du mont Albain qu’oriente la mention, par Tibulle, d’Albe, à propos de la réfection, par son protecteur Messala, d’une uia qui ne peut, malgré Lancia-ni et Ashby114, qui y cherchaient une confirmation de leur localisation de la métropole à Castel Gandolfo, avoir été la Cavona, mais bien plutôt, comme on le reconnaît du reste généralement, la Latina115.

82Au-delà de ces remarques, une observation générale nous paraît s’imposer : il est frappant de constater combien l’appellation complète Alba Longa n’est présente que chez un petit nombre d’auteurs, Fabius Pictor (T1c et 21b), Caton (T2b), Cicéron (T5b), Varron (T4a), Virgile (T6 a et b) et son commentateur Servius (T22 a, e, f et g), Tite-Live (T9 a et e), Denys. À chaque fois, il s’agit d’un contexte mythographique mettant en scène le récit des origines de l’Vrbs. Partout ailleurs, il n’est question que d’Alba, sans plus de précision : chez Varron (T4 b et c), Tite-Live (T9e) et Servius (T22 b, c et d), on croit même saisir une distinction entre ce qui serait un usage érudit, faisant appel au toponyme composé, et un usage courant, se contentant du nom simple. Le cas de Denys d’Halicarnasse est même particulièrement révélateur, puisque sur près de cent quarante-huit références en tout concernant Albe ou les Albains, le nom complet d’Albe La Longue n’apparaît, dans l’ensemble du texte conservé des Antiquités romaines, qu’une seule et unique fois116 ! Autrement, on y a une petite trentaine (28) de mentions d’ » Albe » (Ἄλβα) ou de « la ville des Albains » (ἡ τῶν Ἀλβανῶν πóλις). Cette disproportion est d’ailleurs le fait de toute la tradition : il y est beaucoup plus question des Albains, et en particulier de leurs rites, que d’Albe elle-même et de son site, et la ville apparaît surtout au moment de sa destruction. Au total, le nom simple d’Alba est beaucoup plus fréquent que celui d’Alba Longa, qui apparaît surtout dans des contextes mythographiques, ou alors influencés, malgré les apparences, par la légende, comme c’est le cas de la liste plinienne (T11), qui est d’inspiration augustéenne. On le retrouve aussi dans l’épigraphie comme désignation des habitants de Bovillae : Albani Longani Bouillenses117. La disjonction persistante entre les deux premières parties de l’appellation aussi bien que leur désinence homéotéleute pourraient en révéler le caractère artificiel118. Si donc le nom complet d’Alba Longa n’apparaît ainsi que rarement, est-ce parce qu’il s’agit d’une tradition authentique, ancienne et survivant dans la mythe-histoire des primordia Vrbis en raison des exigences de mémoire liées à la perpétuation des sacra Albana, ou bien avons-nous affaire au contraire à une fabrication artificielle, récente et seulement érudite ?

83En tout cas, il vaut la peine, pour conclure cette analyse de la partie philologique du dossier de la localisation d’Albe, de dresser un état comparé des deux traditions antiques que nous avons cru pouvoir distinguer. Les auteurs plaçant la ville d’Ascagne du côté de la uia Appia sont peu nombreux, et la liste suivante n’est pas exempte d’incertitudes : César (T3), dont le témoignage est incertain, de même que celui d’Auguste (T11), Tite-Live (T9 a et c), Pline (T11), peut-être Tacite (T15) et Juvénal (T16b), voire Dion Cassius (T21d) ; le témoignage de Servius (T22d) s’explique, selon nous, déjà par une confusion avec le site des castra Albana. En face, la cohorte des partisans d’une Albe localisée sur le mont Albain est impressionnante : Fabius Pictor (T1), Caton (T2), Strabon (T8), Tite-Live (T9 d et e), Denys d’Halicarnasse (T10), Lucain (T12), Martial (T13e), Stace (T14e), Juvénal (T16c), Trogue-Pompée (T17), Plutarque (T18), Valerius Flaccus (T19), Dion Cassius (T21a), Servius (T22 f et g), l’anonyme de l’OGR (T24), Isidore (T25). Entre les deux positions, la doctrine de certains auteurs ne se laisse pas déterminer : Cicéron (T5) et Virgile (T6) sont dans ce cas. On peut dire aussi que Martial (T13 a et c) et Stace (T14d) restent – prudemment ? – allusifs. S’il est vrai qu’elle paraît présente chez Pline comme elle l’était chez Auguste (T11), la localisation méridionale ou « appienne » d’Albe ne semble pas survivre à Domitien et, auparavant, elle semble concentrée dans la période julio-augustéenne.

84Contre la thèse d’Ashby, localisant Albe à Castel Gandolfo, la prépondérance du courant de la tradition antique plaçant le site de la métropole latine sur le mont Albain est nette. Du reste, Ashby avait lui-même déjà implicitement reconnu cette tendance générale des sources en choisissant de se fonder, pour sa tentative, sur les seules découvertes archéologiques et sur des considérations essentiellement topographiques, se contentant de renvoyer à Clu¨ ver pour l’analyse des textes littéraires119 ! Aujourd’hui, nous pouvons lui accorder que l’on peut interpréter Tite-Live, mais ni Stace, Martial ou Juvénal, en faveur d’une localisation « appienne » d’Albe, qui pourrait fort bien convenir à Castel Gandolfo ; ce ne sont plus des arguments plus ou moins impressionnistes qui l’assurent, mais, grâce au levier d’Archimède fourni par la localisation de Ferentina, l’équivalence à notre avis stricte induite par l’expression « sub monte Albano » et toutes celles qui en dépendent. Ashby fondait également sa théorie sur une observation qui, dans son principe au moins, nous paraît devoir être retenue : le nom pris – à date d’ailleurs tardive – par les habitants de Bovillae, Albani Longani Bouillenses, lui semblait en effet impliquer l’existence d’Albe du côté de Castel Gandolfo. Nous pouvons cependant amender le réalisme indu de sa conclusion, pour situer sur le plan de l’imaginaire et du mythe ce qu’il plaçait dans le domaine de l’archéologie et de l’histoire : le nom, presque le titre, revendiqué par les Bouillenses ne révèle pas le lieu réel d’une métropole de plus en plus évanescente ; il témoigne d’une hypothèse antique de localisation d’Albe près de Bovillae. Le courant de la tradition antique plaçant Albe le long de la via Appia est donc plus précis que ce qu’il nous en semblait en 1986, lorsque nous n’y rangions guère que Cicéron, en lui adjoignant, sans doute à tort, les noms de Stace et de Juvénal120. C’est dire, au total, que la conclusion à laquelle nous étions alors parvenu, concernant l’incertitude où étaient les Anciens eux-mêmes quant à la localisation de la métropole mythique, se trouve maintenant affermie. On aura vu apparaître ici non seulement la confrontation entre au moins deux localisations, mais aussi les hésitations et ambiguïtés des auteurs anciens qui essayaient de les concilier ou de masquer les divergences auxquelles ils se trouvaient confrontés.

HISTORIOGRAPHIE MODERNE

85Bien sûr, il ne nous échappe pas qu’on pourrait encore, même après avoir démontré que les Anciens étaient partagés sur ce qu’ils estimaient être le site d’Albe, tenter de s’en tenir à la position traditionnelle localisant une ville d’Albe ici ou là, autour du lac Albain, étant entendu qu’on parle, non pas d’une cité au sens monumental du terme, mais d’une communauté consciente d’elle-même, dotée de ses propres magistrats et pourvue d’un territoire indépendant121. Aujourd’hui encore, des savants comme F. Castagnoli, F. Coarelli, G. Colonna, M. Pallottino, S. Quilici-Gigli, G. Chiarucci et A. Carandini par exemple, s’inscrivent dans ce cadre classique122. Qu’on nous accorde cependant, au stade actuel de notre démonstration, qu’il vaut mieux ne plus chercher à donner aux sources littéraires valeur de preuve en la matière. Encore qu’on puisse aisément imaginer, même sur ce point, une tentative de revalorisation qui, expliquant la localisation sur le mons Albanus par l’influence des fêtes fédérales qui y étaient célébrées à époque historique, mettrait au contraire en lumière le filon de tradition, certes plus ténu mais incontestable, plaçant le site de la métropole le long de l’Appia. C’est précisément la destruction d’Albe, la fragilité des vestiges pour ces périodes protohistoriques qui expliqueraient assez, dit-on, que les Anciens, à un intervalle d’au moins six ou cinq siècles, n’aient pu connaître de la métropole latine que des autels, bois sacrés et sanctuaires épargnés par les Romains de Tullus Hostilius en raison du caractère fédéral de ces cultes. Outre ces lieux saints, un certain nombre d’indices aurait, toujours selon cette conception, témoigné jusqu’à l’époque classique de la réalité « urbaine » disparue : il s’agit essentiellement des fossae Cluiliae, considérées comme limite du territoire romain vers Albe, de la persistance même d’un ager Albanus, ancien territoire de la communauté albaine, de la tradition des gentes Albanae à Rome même, de l’existence, sur le terrain, de l’emissarium Albanum et, enfin, last but not least, du nom même d’Alba Longa. Dans ces conditions, nous répète-t-on, de l’existence d’Albe on ne saurait douter : « There is, fortunately, no room for doubt that Alba Longa actually existed » (Ashby) ; « the existence of Alba cannot be doubted » (Last) ; « l’esistenza di Alba Longa, come città, è fuori di dubbio » (Lugli) ; « Alba, della cui esistenza non si può dubitare » (Quilici-Gigli)123.

86Que penser cependant d’une incertitude qui exclut, avec tant d’ardeur et, dirait-on, de fébrilité, la possibilité même du doute ? Ne serait-ce, donc, que pour répondre aux exigences de toute méthode digne de ce nom, chacun conviendra qu’il faut laisser à ce doute honni, irrespectueux, presque sacrilège, toute sa place, au moins à titre d’étape préliminaire. Demandons-nous donc quel poids accorder à la tradition d’une ville d’Albe, au regard de l’analyse des témoignages archéologiques que nous avons menée site par site. En 1974 encore, G. Colonna parlait de « Castel Gandolfo, che si identifica certamente con lantica Alba Longa »124. Même si bien d’autres hypothèses ont été faites avant et après, c’est en effet la localisation qui a été le plus en faveur chez les Modernes. En refusant ainsi de remettre en question le bien-fondé de la tradition littéraire, il est certain que la vulgate scientifique moderne pourrait courir le risque d’être prise en flagrant délit de contradiction, et même d’incohérence : on la voit en effet, pour le viiie siècle, refuser à Rome le statut de communauté organisée, avec autant d’énergie qu’elle met à l’attribuer à Albe pour, au moins, la même période puis-qu’il est peu vraisemblable que la métropole latine soit née au viie siècle pour disparaître aussitôt ! Comment Rome n’aurait-elle pas pu être, déjà, une ville, si, au même moment, et tout près, Albe en était encore une ? Ainsi, la critique s’échine à considérer Albe comme une cité mais s’épuise à nier que Rome ait pu en être une, admettant beaucoup plus facilement l’idée de la destruction d’Albe que celle de la fondation de Rome. Passons sur cette discordance qui ne semble guère avoir inquiété la recherche contemporaine, et songeons plutôt au paradoxe qui fait que l’absence même de vestiges décisifs du point de vue archéologique sera considérée comme une preuve supplémentaire de l’existence d’une ville d’Albe, en fonction de la tradition de sa destruction par Tullus Hostilius... Ainsi pouvait-on, en 1974, utiliser comme un indice positif le « silenzio totale nella documentazione dei sepolcreti di Alba »125 entre la fin du viiie et celle du viie siècle, soit une période à l’intérieur de laquelle se place la chronologie traditionnelle (672-640) du troisième roi de Rome. L’absence comme preuve d’existence : avouons que nous ne sommes pas loin, sinon de la théologie, du moins de l’étiologie ! Analysées de près, toutes ces certitudes, tant du côté de l’archéologie que de celui de la philologie, se sont révélées bien fragiles : nous venons de voir ce qu’il en est de l’évidence et de l’unité prétendues de la tradition littéraire d’une ville d’Albe. Il n’y a plus une Albe, mais plusieurs, et l’on ne saurait plus nier la part de l’incertitude, voire de l’ignorance des Romains quant à un des lieux communs de leur imaginaire des origines, dont la réalité concrète leur importait sans doute assez peu. Sur le terrain, les vestiges se sont multipliés depuis l’enquête de Gierow, et avec eux les possibilités de localisation et d’interprétation : on voit même resurgir, venue tout droit des âges préniebuhriens, la thèse de la continuité-identité Alba-Albanum-Albano défendue aujourd’hui par P. Chiarucci, suivi par A. Carandini126. Pour autant, ces découvertes n’ont pas concerné le site de Castel Gandolfo, dont le poids relatif dans le corpus archéologique albain s’est ainsi trouvé amoindri.

87En 1986, nous avions cru pouvoir, en nous fondant sur la mise à jour publiée par Gierow trois ans auparavant, reprendre l’idée, héritée, semble-t-il, de Bryan, de trois pôles principaux de développement dans l’occupation des monts Albains durant la protohistoire latiale, représentés par les nécropoles de Grottaferrata, Monte Crescenzio, Castel Gandolfo127. Aujourd’hui, ce qui apparaît presque chaque jour davantage, c’est la réalité, la densité et la diversité d’un semis d’habitats épars sur toutes les rives de tous les lacs du massif albain. Cette « extrême dispersion » du peuplement, qu’avaient pressentie La Blanchère et Grenier128, nous est apparue dans sa présence concrète et multiple, invalidant les solutions trop simples et les conclusions « indubitables » de naguère.

88Or l’archéologie montre qu’un tel éparpillement n’est pas propre au massif albain : on le retrouve ailleurs, notamment dans le reste du Latium et dans l’Étrurie voisine129. Dans cette dernière, nombre de sites nouveaux apparaissent dès le protoapenninique, qui est aussi le moment où arrivent les importations mycéniennes, avec notamment un regroupement des habitats autour des lacs130 – observé par exemple pour ceux de Bracciano et de Mezzano – qui est peut-être révélateur d’une phase de sécheresse du climat ; les villages, tel celui de Luni sul Mignone131, sont de dimensions modestes et ne sont pas éloignés les uns des autres. En Latium, il faut attendre, peut-être il est vrai par simple manque de documentation, les débuts de la civilisation latiale proprement dite pour voir se dessiner une telle configuration : elle apparaît, c’est bien connu, sur le site même de Rome, avec les vestiges du Forum (Arc d’Auguste), du Capitole (Tabularium) et de S. Omobono, contemporains des présences identifiées près de Rocca di Papa, Marino et Grottaferrata ; elle se continue, contrairement à ce qui se passe en Étrurie, aux débuts de l’âge du Fer, avec la seconde phase latiale132. Cette dispersion de petits villages proches les uns des autres a été observée et étudiée notamment autour du lac, ou du marais, de Castiglione (Gabies)133, aussi bien qu’autour de l’acropole des futures Ardée, Lavinium et Anzio, sans parler, bien entendu, du site romain.

89À première vue, on a l’impression qu’il s’agit d’un système général, transcendant les « cultures » et les subdivisions chronologiques pour toute période antérieure à l’urbanisation. Dans ces conditions, on n’aurait que l’embarras du choix pour multiplier les exemples : prenons, presque au hasard, celui de l’habitat du mont Bisenzio qui domine le lac de Bolsena134 (comme celui de Castel Gandolfo le lac Albain ?) et qu’entourent plusieurs implantations secondaires. Mais il faudrait mentionner surtout les sites villanoviens des futures cités étrusques comme Cerveteri, Tarquinia, Véies, Vulci, la région tout entière des collines d’Allumiere et de la Tolfa, qui viennent apporter au modèle d’une « Albe » dispersée, multipliée et finalement éclatée dans la pluralité des présences archéologiques, un parallèle significatif. Cette occupation éparse n’est d’ailleurs nullement l’apanage de la péninsule : les îles Britanniques, la Scandinavie en offrent, pour la protohistoire, des illustrations maintenant bien connues135 ; elle perdurera, ou plutôt recommencera, aux époques historiques, et les spécialistes du haut Moyen Aˆ ge rencontrent souvent cet « habitat dispersé par petite unité agricole familiale d’implantation très ancienne dans l’ensemble de l’Europe »136, notamment dans les régions non romanisées comme la Scandinavie, encore, et la Germanie. S’ajoute à cela un facteur quelque peu différent – car il peut se manifester par un habitat cette fois groupé – bien reconnu maintenant à l’échelle du continent européen, notamment dans l’aire rhodano-alpine, pour l’âge du Bronze : l’attractivité exercée par les lacs quant à l’implantation d’habitats. L’étude, déjà ancienne, des lacs du Jura137, de ceux du Bourget, de Bienne, Neuchâtel, Constance, Nussbaumen, a révélé la généralité de ce phénomène. Là aussi, on est dans la très longue durée : le cas, médiéval, du lac de Paladru qui groupe autour de lui, aux xie et xiie siècles, un maillage dense d’habitats et de lieux plus ou moins fortifiés, est là pour le rappeler138.

90Mais revenons aux lacs albains, sinon à « Albe » : à leur manière, les antiquaires puis les archéologues ont reconnu cette dispersion des présences archéologiques lorsqu’ils ont multiplié les hypothèses de localisation139. C’est ainsi que Pie II, Biondo, Alberti, Ortelius, Capmartin de Chaupy, Lalande, Labruzzi, aujourd’hui P. Chiarucci et A. Carandini140 ont placé Albe à Albano ou dans ses environs immédiats (Castel Savelli ou les hauteurs de Tofetti, Paluzzi, Cappuccini) ; ce que faisaient aussi Riccy et Visconti141 ; Cluver, Kircher, Volpi, Eschinardi, Fabretti, Piranèse, Riccy, Bonstetten, Micali, Westphal, Abeken, Desjardins, Schwegler, Müller, Giorni, Bormann, Guidi, Mommsen, à Palazzuolo ; Eduard Meyer, Della Corte, Werner, Alföldi et Gjerstad, sur le monte Cavo lui-même, Dionisi (suivi par J. C. Baltry) sur un de ses contreforts, à Prato Fabio ; Coste Caselle avait été le choix de Gell, Nibby, Giorni, Preller, De Rossi (jusqu’en 1867) ; ce dernier devint ensuite, nous l’avons vu, un partisan du Prato della Corte (Grottaferrata), Schliemann penchant, le temps d’un sondage, pour la zone de Marino, comme déjà, avant lui, Henzen et Rosa. Proposée pour la première fois par Holstein en 1666, et réélaborée par Ashby en 1901, la localisation à Castel Gandolfo peut être considérée comme la vulgate moderne, compte tenu du nombre de savants qui y ont souscrit. Citons, sans prétention à l’exhaustivité, les noms de : Tomassetti142, Ashby, De Sanctis, Gelzer, Beloch, Piganiol, Last, Lugli, Accame, Pareti, Paribeni, Ogilvie, Gierow, Heurgon (qui changea ensuite d’avis)143, Castagnoli, Colonna, Coarelli, Momigliano, Quilici-Gigli, Bartoloni144, Bietti Sestieri145, Pallottino146. Aujourd’hui, l’identification du lucus Ferentinae en contrebas du versant occidental de la rive du lac Albain semble confirmer l’hypothèse147. Poussés peut-être par un esprit de compromis ou conscients de la pluralité des vestiges archéologiques comme de l’ambiguïté des textes antiques, d’autres savants allèrent jusqu’à formuler une localisation double, conférant en quelque sorte à la métropole mythique le don, singulier assurément si l’on raisonne en synchronie148, d’ubiquité : ainsi Niebuhr et Nibby plaçaient-ils l’arx Albana à Rocca di Papa et la cité à Palazzolo, Nissen, quant à lui, préférant, un an après Ashby, respectivement les sites de Castel Gandolfo et de Coste Caselle, tandis que Lancia-ni, tout en souscrivant à la thèse d’Ashby, semble ne pas avoir abandonné la vieille localisation à Palazzuolo149. Il était inévitable, dans ces conditions, qu’on en vînt même à proposer de voir dans le nom double de la métropole le reflet de cette supposée dualité topographique, ce que fit, dès 1853, Orioli150, plaçant Alba à Rocca di Papa et Longa sur les bords du lac...

91Inévitablement, ces hypothèses, si rigoureuses que puissent être les démonstrations qui les fondent, ne sont pas toujours exemptes de présupposés. Certains sont visibles, comme par exemple le lieu de résidence des savants qui les formulent : habitant ainsi à Rocca di Papa, M. S. De Rossi était loin de Castel Gandolfo. D’autres contingences tiennent aux possibilités nouvelles offertes par l’avancée des recherches et publications : Ashby publie ainsi son étude en 1901, c’est-à-dire avant les découvertes de Villa Cavalletti et de La Riserva del Truglio, à un moment où les seuls matériels connus ne semblent venir que de Castel Gandolfo151. Peut-être vaut-il la peine, dans cette perspective, de faire à ce propos la remarque suivante : Lucas Holstein (1596-1661) s’occupa de la bibliothèque du cardinal Barberini de 1627 à 1641, c’est-à-dire dans les années mêmes où l’oncle de ce dernier, le pape Urbain VIII, apportait de notables embellissements à Castel Gandolfo152, si bien qu’on peut se demander si, dans ces conditions, l’identification, par le zélé bibliothécaire, du site de la métropole mythique sur le lieu précis de la nouvelle résidence papale, ne lui était pas dictée par quelque esprit de courtisanerie, même sincère, d’autant qu’il ne s’agissait en tout et pour tout, rappelons-le, que de trois petites lignes dans un volume de commentaire153 à l’œuvre d’un confrère (Clüver)... Il n’est pas jusqu’à la forme oblongue donnée par Le Bernin au Palais de La Propaganda Fide qui ne rappelle la formule livienne définissant Albe comme un village-rue154.

LA PROBLÉMATIQUE DU PROTO-URBAIN

92Il est bien sûr évident que les partisans d’une Albe centrée à Castel Gandolfo ou sur les hauteurs d’Albano n’ignorent nullement aujourd’hui cette dispersion des présences archéologiques albaines : ainsi G. Colonna, dans sa synthèse sur le Latium parue en 1988, parlait-il d’ » un sistema compatto e insieme ben articolato, esteso da Grottaferrata a Marino, da Monte Crescenzio a Castel Gandolfo, da Albano a Vallericcia, con villaggi o gruppi di villaggi situati a non più di due kilometri l’uno dall’altro lungo l’intero arco sud-occidentale dalla cintura craterica esterna »155. Ainsi, Albe existait hier par son absence, aujourd’hui par une présence qu’on n’ose dire surabondante ! Aussi bien un certain nombre de chercheurs ont-ils choisi de mettre l’accent sur cette dispersion archéologique en y voyant le signe d’un inaboutissement de l’aire albaine, d’une espèce d’inachèvement en matière de développement urbain : Pinza déjà, puis L. Homo, ensuite R. Werner, T. J. Cornell, E. Tortorici, A. Guidi, J. Poucet et l’auteur de ces pages, s’orientèrent dans cette direction156. On voit donc que le débat sur la localisation d’Albe n’est plus celui du tout ou rien et qu’on ne saurait se limiter au négationnisme d’un Zeller157 ou d’un Pais158. Entre l’hypothèse de l’existence d’une ville d’Albe, autrement dit d’une communauté unitaire et consciente d’elle-même et le néant, entre l’absence d’un centre facilement identifiable et la dispersion sans cesse accrue de présences parcellaires, la discussion doit être affinée. C’est pourquoi il faut aujourd’hui insérer la question de l’existence d’Albe dans le cadre général fourni par la problématique du proto-urbain, qui s’est beaucoup développée ces dernières années. Il s’agit là, on le sait, d’un thème de recherche né avec les premières grandes prospections archéologiques menées à l’échelle d’une région tout entière, telles que les pratiqua en Italie, autour des années 1960, l’archéologie anglaise, notamment à Véies159. Longtemps, la recherche n’a concerné que l’Étrurie, où elle a interféré avec le débat sur la définition du protovillanovien et du villanovien, et ce n’est que récemment qu’elle a franchi le Tibre pour s’intéresser au Latium uetus160. Il est vrai que l’ancienneté de l’investigation archéologique (ou prétendue telle) sur les monts Albains accentue les difficultés inhérentes à ce genre de démarche. Il n’est pas inutile, assurément, d’en prendre pleinement ici la mesure, à la lumière aussi des réflexions permises par le débat mené à propos de l’Étrurie : si les nécropoles supposent des habitats, l’identification de ces derniers est des plus délicates161, et nous ne sommes pas sûr, par exemple, que les tessons et a fortiori les poteries entières récemment trouvés à Albano, ou dans les environs, soient toujours interprétables en ce sens162. La définition de ces habitats fait problème163 : on peut rarement déterminer s’il s’agit d’installations provisoires, édifiées le temps d’une saison, ou permanentes, destinées à abriter une communauté pendant une durée qui, de toute façon, reste toujours à définir. La construction a fundamentis d’une cabane étant sans doute plus aisée que sa réfection après quelques années, de nouvelles cabanes ont pu être construites à côté des anciennes, qui étaient abandonnées ; de la sorte, la superficie même de ces habitats est une donnée dont l’interprétation est beaucoup moins obvie qu’il n’y paraît généralement. La nature même des structures mises au jour reste très souvent incertaine et les catégories public-privé, sacré- » laïque » sont loin d’être aisément identifiables164. On doit également prendre garde aux risques de surinterprétation qu’induisent des vestiges isolés : les quelques tessons à caractère protovillanovien trouvés à Véies et à Tarquinia suffisent-ils à établir une continuité d’occupation ou doivent-ils être considérés comme sans signification de ce point de vue165 ? De plus, restent-ils à la même place et avec la même étendue, des habitats peuvent très bien avoir changé de statut alors même que leur exploration aura donné tous les signes de la permanence et de la stabilité166. C’est que l’archéologie, par définition, gomme ce qui est de l’ordre du politique et de l’événementiel, fût-il même « catastrophique », comme le montre l’exemple romain du sac gaulois de 390 qui n’a guère laissé de traces visibles.

93Quoique tout à fait réelles, ces difficultés n’ont pas découragé la science de chercher à cerner toujours davantage la réalité et les modalités du moment proto-urbain. Passant sur les réserves que peut légitimement susciter l’emploi d’un terme qui n’est pas exempt de connotation déterministe, on peut admettre que l’enjeu en vaut la peine : c’est bien, comme on l’a dit, du passage de la chose à l’idée, du particulier au général, du quantitatif au qualitatif qu’il s’agit. La condition préalable à une telle interrogation était évidemment que l’impression d’éparpillement des présences sur le massif albain ne fût pas une simple illusion d’optique et fût effectivement constatée, site par site, période par période. Puisque c’est, semble-t-il, le cas, nous pouvons tenter d’éclairer le corpus archéologique que nous avons analysé, à la lumière du débat actuel sur le proto-urbain167.

94Si nous empruntons ainsi aux spécialistes de la protohistoire cette problématique de recherche, nous n’oublions pas pour autant les objections que lui font souvent nombre d’historiens168 : la cité est une réalité complexe, en partie immatérielle, et tardive dans son achèvement qui, d’une certaine manière, ne sera réalisé pour Rome qu’au ive siècle avec les lois licino-sextiennes. Si l’on considère, ce qui est encore aujourd’hui la vulgate, que Rome n’est une « ville » qu’à partir du moment où le Forum est drainé et monumentalisé, le Capitole, pourvu de son sanctuaire poliade, tous événements qui se situent, selon la chronologie usuelle, au début de la phase IV B (soit au viie s.), il est clair que ce processus n’a pas eu lieu sur les monts Albains, ou plus exactement n’a concerné aucun site pouvant être identifié à une ville d’Albe. On conviendra donc que c’est d’autre chose qu’il devrait s’agir ici : l’organisation volontaire, unitaire et pour ainsi dire programmée, quelles qu’en soient les modalités de réalisation, d’un territoire couvrant au moins le lac de Castel Gandolfo, ses rives et le Monte Cavo, voire d’autres zones adjacentes. Ce processus a-t-il eu lieu ou a-t-il commencé à avoir lieu sur les monts Albains ? Voilà, nous semble-t-il, la question qui doit être substituée aux traditionnelles interrogations. Se demander, donc, non plus comme jadis : « Où est Albe ? » Ni même non plus, comme naguère : « Peut-on parler de ville d’Albe ? » Mais bien : « Y a-t-il un territoire albain ? », c’est-à-dire, y a-t-il, sur les Colli, à un certain moment de la civilisation latiale, une structuration du territoire, qui le définisse comme spécifique, autonome et rassemblé ? Quels seraient éventuellement, d’une telle évolution, les signes et les traces ?

95Référons-nous donc aux critères qui sont en général considérés comme les paramètres du proto-urbain pour voir s’ils sont présents sur les monts Albains169. S’il est vrai que la concentration des habitats et la spécialisation des activités peuvent apparaître comme les principaux critères de définition du proto-urbain, les recherches les plus récentes montrent qu’on ne saurait plus se limiter, comme on l’a fait longtemps pour ce type de problématique, au dilemme : synécisme ou mono-genèse ? Sur les plateaux de Véies, de Tarquinia, sur le site romain, on cherchait toujours à savoir, à propos de tel ou tel groupement d’habitats, si leur agrégation dans un ensemble unitaire qui allait devenir la ville historique résultait de l’association de toutes les unités préexistantes ou au contraire de l’expansion d’une seule parmi elles. Les travaux de R. Peroni et de son école ont permis d’affiner ce dualisme sans doute trop schématique, en mettant en lumière la notion d’occupation programmée d’un territoire donné : ce modèle rend compte aussi bien de la séparation des habitats, sur laquelle se fondait la théorie du synécisme, que de l’unité de l’ensemble qu’ils forment, mise en avant par la théorie « mononucléaire ». La thèse de Ward-Perkins, qui voyait dans la répartition des vestiges archéologiques sur le site de la future Véies les traces de villages indépendants et autonomes, fusionnés ensuite par synécisme, a été en effet remise en question par l’école de protohistoire italienne, qui préfère y voir les traces de familles ou de clans différents d’une même communauté plutôt que celles de villages distincts170. De nombreux travaux, notamment ceux de Francesco Di Gennaro171 pour l’Étrurie méridionale, proposent le modèle de ce que l’on appelle parfois « la révolution villanovienne »172 : sur de hauts plateaux qui seront à l’Orientalisant les sites des cités de Tarquinia, Cerveteri et Véies, s’installent dès le Bronze final des habitats épars mais unitaires, dont la superficie totale dépasse la centaine d’hectares ; tout autour, les petits villages du Bronze, qui ne couvraient souvent pas plus de quatre hectares, sont abandonnés. Pour chaque site « proto-urbain », le nombre de sites désertés est d’une vingtaine tandis que l’aire d’influence de ces nouveaux grands ensembles dépasse les mille km2. Ainsi, du point de vue de l’habitat comme de celui des territoires, on passe à une réalité qui est de trente fois supérieure à l’état de choses immédiatement antérieur173. Tels sont les résultats importants qui, depuis plus de deux décennies et demie, ont fourni à la recherche une espèce de « modèletype », parfois discuté dans le détail de sa chronologie ou de ses proportions, mais adopté très généralement dans ses principes. Dès lors, les critères d’identification du proto-urbain seraient autant la rupture avec ce qui précède – l’habitat épars et modeste du Bronze – que la continuité avec ce qui suit – les grandes cités de l’ère archaïque174.

96Par comparaison, la protohistoire du Latium uetus révélerait de fortes différences, à l’envi soulignées par nombre de spécialistes175 : continuité avec la situation antérieure, taille plus modeste des habitats, chronologie plus tardive des évolutions proto-urbaines. Qu’en est-il exactement sur les monts Albains ?

97La typologie des sites176, d’abord : elle apparaît plus variée qu’en Étrurie méridionale. Les hauts plateaux ravinés sont certes présents, par exemple à Marino, mais on y retrouve aussi d’autres configurations177 : collines comme le site de Rocca di Papa, Tusculum ou Monte Crescenzio, buttes, voire véritables cônes comme Colonna, Monte Porzio Catone, Genzano, Colle S. Lorenzo, Rocca Priora ; sites de crêtes en presqu’îles, enfin, avec Castel Gandolfo. Au vu de l’architecture que dessine le paysage albain, et en fonction de la physionomie des habitats identifiés ou, comme souvent dans les Colli, présumables à partir d’indices que nous avons relevés in loco, les candidats à la qualification de site dominant sont donc nombreux, même si l’on doit souligner que la superficie habitable sur chacun de ces reliefs est nettement inférieure aux possibilités offertes par les hauts plateaux étrusques. Peut-on dire, cependant, qu’on observerait dans la région albaine de fortes évolutions du point de vue de la répartition et de la consistance des habitats ? On a pu le croire naguère et l’on soulignait alors aussi bien l’absence de vestiges du Bronze moyen (apenninique) que la quasi-disparition des témoignages pour l’ère archaïque178. Paradoxalement, l’afflux des découvertes nouvelles, si partielles soient-elles, brouille les cartes : c’est un peu partout, et pour toutes les périodes, que nous avons vu se multiplier les traces de présences humaines. Sans parler de l’apenninique et du subapenninique, la phase179 latiale II B, déjà attestée autour de Grottaferrata, l’est maintenant sur les pentes de l’acropole de Tusculum, et sur celles du lac d’Albano ; la troisième phase, déjà illustrée par les découvertes de 1816, du Prato della Corte, de la Riserva del Truglio, auxquelles s’ajoutaient celles de Grottaferrata, Colonna et Tusculum, de Rocca di Papa, de Galloro et de Velletri (Lariano), a maintenant de nouvelles attestations, à Tusculum comme à Albano. Quant à la quatrième phase, elle s’illustre désormais par de nombreux vestiges, tant à Albano qu’au Monte Savello et au Monte Crescenzio, dont l’importance, déjà pressentie par Lanciani, apparaît aujourd’hui nettement180. Résultat paradoxal au regard de la tradition littéraire, puisque au moment même où « Albe » est supposée avoir été détruite, un habitat tout proche du site avec lequel elle est traditionnellement identifiée témoigne d’une notable vitalité ! La conséquence probable en est qu’Albe sera quelque jour, après Castel Gandolfo et Albano, placée au Monte Crescenzio : remarquons simplement qu’une telle localisation ne trouverait aucun appui dans la tradition antique qui, lorsqu’elle situe la métropole sur la rive méridionale du lac, la place, nous l’avons vu, in Aricia (T3).

98Analysant, en 1962, l’ensemble des présences alors connues – mais c’était avant Gierow –, Müller-Karpe avait proposé un modèle efficace qui permettait de récupérer sans trop de mal la tradition littéraire, qu’il s’agisse de la destruction d’Albe ou de la fondation de Rome : d’après le père de la chronologie latiale aujourd’hui canonique, les monts Albains auraient été abandonnés par leurs habitants lors de la seconde phase latiale, au profit du site romain181. Vingt ans après, dans un article qui a relancé le débat sur le proto-urbain latial, A. Guidi, tenant compte de ce qui était déjà venu s’ajouter au corpus archéologique albain, a préféré parler de non-développement de la zone albaine182. Aujourd’hui, au contraire, plusieurs archéologues183 confrontés à cette multiplication de découvertes sur les coteaux albains mettent en avant la densité, la vitalité et l’originalité de la civilisation latiale dans les Colli, de ses premiers développements jusqu’à l’ère archaïque, avec une continuité qui se manifeste désormais aussi bien autour d’Albano et Castel Gandolfo que du côté de Grottaferrata et de la future Tusculum.

99Comment trancher entre deux interprétations si divergentes ? Avec toute la prudence nécessaire, compte tenu de la masse des incertitudes, on peut tenter d’avancer à partir d’une donnée à peu près établie : la densité des habitats. Nous avons vu qu’elle se confirme d’année en année et, de ce point de vue, quelques observations peuvent présenter un certain intérêt : le Monte Crescenzio est à 1,7 km de Castel Gandolfo, qui n’est lui-même qu’à 3,5 km d’Aricie. Or on a montré récemment184 que cette double proximité rend, archéologiquement parlant, très peu vraisemblable que le futur siège de la villa impériale ait pu être le centre d’un système auquel on pourrait accoler le nom d’Albe. Les découvertes de 1816, même si on les localise toutes au carrefour des Due Santi, ce qui nous paraît, nous l’avons vu, forcé, sont rapportées aujourd’hui au site du Monte Crescenzio et à une route qui reliait ce dernier à Lavinium, plutôt qu’à Castel Gandolfo. Quant à ce site, où tant de savants continuent à vouloir placer Albe, ou du moins le centre d’un système albain, en croyant il est vrai en trouver la confirmation dans les sources littéraires antiques, devrons-nous rappeler que, pour reprendre les termes mêmes d’un bilan récent, « non disponiamo di alcuna documentazione archeologica pertinente ad abitato o necropoli direttamente riconducibile al sito di Castel Gandolfo » ?185

100Passons aux autres villages albains très probablement présents sur le site des habitats historiques : entre Velletri et Lanuvium, la distance est de 6,5 km ; entre cette dernière et Aricie (i.e. Galloro), de 6 km également ; le Monte Cavo est à 4,5 km d’Aricie et à 5,5 km de Tusculum ; le Monte Castellaccio à 8 de Tusculum et 7,5 du Monte Cavo. La distance moyenne entre les habitats albains est, selon M. Pacciarelli186, auquel nous empruntons ces chiffres, de six kilomètres. Certes, objectera-t-on, mais on ne connaît pas l’extension de ces villages187 dont l’un au moins aurait pu être nettement plus important que les autres et jouer ainsi le rôle d’ » épicentre » du système albain, autrement dit être identifié à Alba Longa. Dans la mesure, cependant, où, conformément à une loi archéologique bien connue, l’importance d’un habitat est inversement proportionnelle à la distance qui le sépare de ses voisins, la densité d’occupation sur le territoire albain nous paraît révélatrice de la petite taille des différents villages qui parsemaient ses coteaux. On peut l’évaluer dans la plupart des cas à moins de dix hectares pour un territoire contrôlé par chaque centre d’à peu près vingt à trente km2188.

101Si maintenant on compare ces chiffres et ces réalités modestes avec les paramètres du proto-urbain mis en lumière par l’étude du territoire étrusque, on conviendra que nous sommes là beaucoup plus du côté du protovillanovien que du villanovien, de l’habitat dispersé que de la concentration préurbaine ! Ce ne sont pas non plus les quelques traces, encore conjecturales, de fortifications pouvant être distinguées au Monte Crescenzio189 ou ailleurs, mais de toute façon pas à Castel Gandolfo, qui pourraient suffire à établir l’existence d’une évolution protourbaine albaine, tant on sait depuis longtemps qu’il peut y avoir des murs sans cités et des cités sans murs190 ! Et si nous accordons nous-même beaucoup d’importance au mur du Palatin191, c’est moins en fonction de sa réalité matérielle que par sa « coïncidence » avec une limite augurale qui consacrait entre l’urbs et l’ager une opposition, celle de la ville et de la campagne, qui nous paraît véritablement constitutive de toute entité urbaine192 : or cette opposition ne semble pas avoir existé sur les Colli, dans aucun des endroits qui ont pu être identifiés avec Albe193.

102Quant à transposer purement et simplement d’Étrurie en Latium l’interprétation qu’on donne aujourd’hui de la coexistence de plusieurs nécropoles sur une aire donnée, qu’on référait hier, avec Ward-Perkins, à des habitats distincts, aujourd’hui à un centre unique en voie de formation, ce serait méconnaître précisément la persistance de cette pluralité des villages albains, dont la réalité apparaît chaque jour davantage. Au-delà du Tibre, les grands plateaux de Véies, de Tarquinia et de Vulci, avec la répartition régulière des vestiges qu’on y constate, dessinent bien l’image de véritables pôles de regroupement, développant tout un jeu de forces centripètes194. Ce n’est pas qu’un tel phénomène de gravitation ne se produise pas sur les Colli, mais il a lieu là où il ne saurait être question de placer le centre d’un système albain proto-urbain : car le passage au préurbain puis au proto-urbain, et enfin à l’urbain, peut, il est vrai, être constaté sur les monts Albains, mais, suivant en cela une tendance à la prise de contrôle des grands axes de communication qui remonte loin dans le temps, ce triple passage s’est produit, semble-t-il, aux marges du massif : ni à Castel Gandolfo ni autour du Monte Cavo, mais à Tusculum, Colonna, Aricie, Lanuvium et Velletri195, qui assurément ne sauraient d’aucune manière être identifiées à Albe ! Dira-t-on que c’est précisément la destruction de cette dernière, au centre des monts du même nom, qui aura permis le développement et l’arrivée au stade urbain de ces habitats « extrêmes » ? Il faudrait pour cela qu’une évolution vers le proto-urbain fût d’abord apparue nettement en un lieu possiblement identifiable avec le centre d’un système albain. Alba-no ? C’est la conclusion vers laquelle tendent depuis plusieurs années tous les travaux de P. Chiarucci, auquel on doit des découvertes ou redécouvertes archéologiques de très grande importance, qui ont conduit A. Carandini à situer l’arx Albana sur les hauteurs entre Cappuccini et Pescaccio196. On a un peu l’impression toutefois que, sur les Colli Alba-ni, du point de vue de l’archéologie, on trouve là où on cherche : l’augmentation récente des présences sur le territoire d’Albano197 reflète sans doute d’abord l’activité si remarquable du directeur de son Musée communal ; on notera cependant qu’elle fait apparaître une nette continuité d’occupation jusqu’à l’ère archaïque comprise, incompatible avec toute tradition de destruction ou hypothèse d’abandon. Castel Gandolfo ? On a vu ce qu’il en était. Le Monte Crescenzio ? La relative importance du site identifié pour la première fois par Lanciani ayant été remise en lumière suite à quelques fouilles de sauvetage, il apparaît en effet désormais que les nécropoles et les tombes des Due Santi, celles du terrain Marroni, des Vignole, des vignes Cittadini et Marini et de S. Sebastien peuvent être référées à un éventuel centre de gravité qui serait un habitat situé, non pas à Castel Gandolfo, mais à Bovillae198, dont les fonds de cabanes de Casale Liscia découverts par Lanciani montraient déjà l’importance. Autrement dit, ces nécropoles, qui sont sans aucun doute les vestiges albains qui ont fait couler le plus d’encre, auraient été tournées, si on peut dire, non pas vers le lac Albain et ses coteaux où l’on n’a cessé de chercher Albe, mais vers la plaine et un site dont le nom est bien connu.

103Ses habitants, il est vrai, ne s’enorgueillissaient-ils pas, au témoignage de l’épigraphie199, d’être des Albani Longani Bouillenses ? Albe à Bovillae ? Il y a, de toute évidence, un nom, une ville de trop ! En réalité, même les savants les plus disposés, tel Alföldi200, à considérer comme authentique l’appellation Bouillenses, n’en ont pourtant jamais inféré une localisation originelle d’Albe en ce lieu. Voici en tout cas que se dessine un troisième pôle de regroupement : après Aricie et Velletri au sud-est, Tusculum au nord et Bovillae à l’ouest marquent les points cardinaux et marginaux du massif albain, le point oriental, soit le site de Monte Castellacio se trouvant dans un relief trop rigoureux pour avoir pu donner un développement urbain.

104Ainsi, ce n’est pas un système dont le point dominant, où qu’il fût, pourrait être identifié à « Albe » que nous avons vu apparaître, mais bien plutôt une aire décentrée : au lieu d’une tendance au regroupement et à l’unification qui aurait dû caractériser un proto-urbain albain, nous constatons un éclatement, non pas anarchique mais obéissant à une répartition somme toute équilibrée, en plusieurs systèmes autonomes et sans doute rivaux, au moins en partie. Supposer201 en effet qu’une mystérieuse entité qu’on continuerait à appeler du nom d’Albe La Longue, ait veillé à l’harmonie de l’ensemble et au maintien de bons rapports entre les différentes communautés du massif relèverait, au stade actuel de nos connaissances, d’un pur et simple nominalisme : il nous paraîtrait en effet imprudent de faire jouer ce rôle à l’habitat identifié sur le Monte Cavo202 par A. Guidi et F. Di Gennaro, compte tenu, précisément, de cette dispersion des présences archéologiques dans tout le massif albain. Même si toute conclusion en la matière ne saurait être que provisoire, l’analyse du corpus archéologique albain, actuellement connu en tout cas, ne nous a pas permis de faire apparaître une évolution proto-urbaine, fût-elle inachevée, en un lieu qui pourrait être identifié comme le « centre dominant », l’ » épicentre » du système albain. Nous ne dirions donc plus, comme en 1986, que sur les monts Albains « le processus qui mène ailleurs à l’urbanisation n’arrivera pas à son terme »203, car c’est désormais l’existence même de ce processus, sinon, encore une fois, aux marges du système, qui nous paraît désormais sujette à caution, comme en témoignent le nombre persistant et les petites dimensions des centres albains de la protohistoire. En d’autres termes, s’il est vrai que les recherches récentes ont montré qu’il n’y a pas d’urbain sans proto-urbain, l’absence d’un proto-urbain dans les Colli ne plaide guère en faveur de l’existence d’une entité albaine de nature « urbaine ». Il n’est, bien sûr, pas question de méconnaître l’importance de ce qui a lieu sur les monts Albains durant la civilisation latiale, mais au contraire de chercher à en évaluer plus exactement la portée, sans la réduire à des schémas inadéquats.

L’HYPOTHÈSE DU VIDE

105La théorie de l’abandon, naguère en faveur à propos de l’exemple albain, fait-elle partie de ces derniers ? Croyant constater un vide dans la documentation archéologique à partir de la phase II B, et prenant acte de la dispersion des habitats sur toutes les pentes du massif, Müller-Karpe avait supposé que ce dernier avait été abandonné à partir du moment où les communautés de la plaine, et surtout celles de la future Rome, attirèrent à elles hommes et richesses : vu les atouts naturels de la région albaine, cet abandon, ajoutait-il204, n’avait pu être que forcé, et G. Colonna205 voyait, quant à lui, en 1974, dans l’archéologie albaine la preuve de la destruction d’Albe. La recherche a préféré ensuite interpréter la tradition antique comme la métaphore d’une évolution progressive, qu’elle a placée bien avant le viie siècle. La théorie de l’abandon206 avait pu paraître ainsi comme une version, transposée et acceptable, de la destruction de la métropole telle que la raconte la tradition antique. Cependant, nous l’avons vu, les nouvelles découvertes ont comblé tous les vides qu’on croyait avoir observés et dont on avait tiré des reconstitutions qui avaient toute la fragilité d’arguments e silentio. On ne saurait, de toute façon, croire qu’une région – de surcroît quand elle offre tant d’atouts du point de vue de ses sites et de ses ressources – ait pu avoir été désertée au point de ne plus livrer aucun vestige archéologique pour une période considérée ! Ce qui doit être évalué, c’est non pas l’opposition entre la présence ou l’absence, mais un éventuel déséquilibre proportionnel entre deux territoires distincts, en s’assurant bien, autant que faire se peut, que les déséquilibres éventuels ne tiennent pas aux aléas et à l’histoire même de l’archéologie, plus apte hier à découvrir les nécropoles que les habitats, et au sein des premières, les sépultures à incinération que celles à inhumation207 : la science avait cautionné nettement la revendication des sources littéraires en faveur d’une priorité d’Albe sur Rome, quand les urnes-cabanes décrites par Visconti n’avaient pas encore leurs pareilles sur les bords du Tibre, et quand les tombes à inhumation, si nombreuses sur les sites de la plaine pour les périodes III et IV, semblaient absentes des monts Albains. Maintenant que ces déséquilibres artificiels ont été, au moins en partie, corrigés, on ne doit plus se demander seulement s’il y a ou s’il n’y a pas de vestiges archaïques sur les Colli. De toute évidence, des êtres humains ont continué, durant les phases III et IV, à vivre et à mourir sur les monts Albains. Ce qui importe, c’est de savoir si les communautés qu’ils formaient étaient plus, autant ou moins peuplées, plus, autant ou moins prospères que celles qui, aux mêmes périodes, se développaient dans les plaines littorales, et dont l’archéologie contemporaine a découvert ces dernières décennies, en si grand nombre, les habitats et les nécropoles, à Acqua Acetosa Laurentina, Pratica di Mare, Castel di Decima208. Or, de ce point de vue, quelle que soit l’importance des découvertes récentes, notamment autour d’Albano et ailleurs, il paraît difficile de mettre sur le même plan les sites albains et ceux de la plaine, même s’il convient désormais de nuancer fortement les bilans dressés naguère. La tombe orientalisante du Vivaro209 contenait un superbe mobilier, mais elle était, semble-t-il, isolée : qualitativement elle peut sans doute être comparée, comme on l’a fait, aux tombes de Castel di Decima, mais quantitativement, on ne peut néanmoins qu’être frappé par la disproportion qu’il y a entre les deux types de sites : d’un côté, de riches, voire très riches tombes isolées dans une campagne pleine de reliefs, le long des principaux axes de communication et des carrefours ; de l’autre, des nécropoles regroupant des dizaines, voire des centaines de tombes, non loin d’habitats dont l’importance, même s’ils ont été trop peu explorés, devait être en correspondance avec ces véritables cités des morts210. On comprend que leurs inventeurs insistent avec raison sur des découvertes qui mettent heureusement fin à ce qui a été trop longtemps une espèce de dogme : le vide archéologique des monts Albains ; mais cette réévaluation, pour nécessaire et salutaire qu’elle nous paraisse, ne doit pas faire oublier la différence d’échelle entre les deux territoires, celui de la montagne et celui de la plaine. Bien sûr, comme toute esquisse de conclusion, la nôtre est sujette à révision : les tombes à fosse étant d’une identification beaucoup plus difficile que celles à incinération, comme le montrent même des exemples récents (il a fallu, S. Quilici-Gigli le souligne, attendre la fouille systématique et très méticuleuse des années 1970 pour qu’apparaisse l’importance de la nécropole de Decima, connue dès 1950), on a ainsi supposé que les quelques vestiges de l’Orientalisant reconnus sur les Colli, notamment autour de Castel Gandolfo, seraient l’indice de gisements bien plus vastes, mais demeurés inconnus211. Dans le même sens, certains spécialistes proposent de réévaluer l’importance du site de la Riserva del Truglio212. Toutefois, il faudrait vraiment beaucoup d’autres tombes du Vivaro pour que ce déséquilibre documentaire puisse être atténué !

D’ALBE À ROME : UN DÉVELOPPEMENT DIFFÉRENCIÉ

106Il est vrai qu’il ne paraît pas être constaté en amont, aux débuts de la civilisation latiale, ce qui n’est pas moins intéressant. Des sites comme la Villa Cavalletti (Grottaferrata) et les matériels des tombes Andreoli et Visconti montrent l’importance, sinon la prédominance des monts Albains durant les débuts de la civilisation latiale213. Peut-on ensuite parler d’un dépeuplement pour les phases II A et II B ? Un grand nombre de savants l’ont fait214, souscrivant ainsi à la théorie de Müller-Karpe. Cependant, les données nouvelles (qu’elles résultent de fouilles récentes ou de la relecture des anciennes trouvailles) remettent en question, nous l’avons vu, la thèse de l’abandon ou même du dépeuplement et d’un déclin précoces du massif albain215. Au fond, cette théorie répondait à une nécessité épistémologique : puisque aucun vestige d’une ville d’Albe n’apparaissait pour les viie et viiie s., l’hypothèse d’un abandon, ou tout au moins d’un déclin précoce (dès la phase II) devenait la seule manière de prouver que ce qui n’existait pas avait existé ! Dans ces conditions, on peut se demander si cette réévaluation albaine, maintenant acquise, ne doit pas avoir de fortes implications pour l’analyse du site romain, qui est si proche du massif albain. Depuis quelques décennies, en effet, les travaux de R. Peroni216 et de son école ont imposé l’idée, illustrée notamment par A. Carandini217, d’une grande Rome « proto-urbaine », qui, dès la seconde période latiale, aurait constitué un habitat unitaire de plus de 150 hectares. On reconnaît là le modèle, d’ailleurs avoué, des grands agglomérats étrusques, qui, de ce côté du Tibre, se constaterait avec un décalage chronologique, que la recherche récente peine à préciser218. Mais il se trouve qu’en termes de démographie ancienne, une telle extension de surface, et donc de population, n’aurait pu être produite par ce que les spécialistes appellent « l’accroissement végétatif », c’est-à-dire la supériorité, sans doute très faible (elle le sera jusqu’à la fin du xviiie s. ap. J.-C.) en cette fin de l’âge du Bronze, des naissances sur les décès. Seules de fortes migrations, poursuivies pendant de nombreuses années, auraient pu la permettre. D’où auraient pu venir ces nouvelles ressources humaines ? Des sites côtiers ? Ils connaissent eux-mêmes alors une nette croissance, prouvant qu’ils ont été des points d’attraction et non de répulsion démographique. Des centres immédiatement voisins, tels Ficana, La Rustica, Antemnae ? Leur chronologie nettement plus tardive et leur modestie219 s’opposent à l’hypothèse. Des contrées situées au-delà du Tibre ? La vraisemblance géographique aussi bien qu’historique ne rend pas ce schéma très vraisemblable. C’est donc des massifs montagneux que l’afflux humain aurait dû provenir : les monts de la Sabine sans doute, mais, plus probablement, ceux, plus proches encore, du massif albain.

107Or il apparaît de plus en plus que les villages albains ont subsisté, voire prospéré, après le début de la seconde période latiale. C’est pourquoi il est clair désormais que la théorie d’une grande Rome villanovienne doit faire au moins l’objet d’un nouvel examen, qui aboutit même à une remise en question radicale, fondée sur de nombreux autres arguments, dans les travaux d’Adam Ziolkowski220.

108Pour notre part, nous nous contenterons ici de souligner la complémentarité des sites romain et albains, mise en lumière, dès 1925, par l’Américain Bryan221, reprenant une suggestion faite quinze ans plus tôt par le Français Colin à propos du massif d’Allumiere. Un demi-siècle plus tard, M. Pallottino222 devait développer l’hypothèse, soulignant d’une part l’opposition entre la pluralité des villages albains et l’unification du site romain, d’autre part la successivité entre ces deux phénomènes ; d’où il concluait que le premier avait préparé le second223. Même si sa définition d’Alba Longa comme « une ville en formation » (o.c., p. 144) nous paraît finalement accorder trop de crédit à une lecture traditionnelle du légendaire albain, apparemment confortée alors par le groupement des vestiges archéologiques sur les rives sud-occidentales du lac, à un moment où le territoire d’Albano n’avait livré presque aucun témoignage latial, le modèle de poléogenèse que proposait à cette occasion le savant italien nous semble garder aujourd’hui toute sa pertinence. N’est-ce pas celui qu’on retrouve également dans les monts de la Tolfa, riches, aux xe et ixe siècles, des sites d’Allumiere, Tolfa, Sasso di Furbara, S. Giovenale et Luni, et au pied desquels, aux deux siècles suivants, s’épanouiront les sites proto-urbains de Tarquinia et de Caere ? C’est ce que suggérait Pallottino, ouvrant ainsi une très riche perspective à une comparaison où il incluait également les cas de Bologne, née au pied de l’Apennin, du mont Cetona et de Chiusi, du mont Tifata et de Capoue, de Rusellae, de Fiesole et Florence224.

109C’est la raison pour laquelle nous nous demandons si le schéma ainsi proposé n’est pas, plutôt que pour la seconde phase latiale, valide pour la période archaïque. À ce moment-là, à partir de la seconde moitié du viie s., la croissance du site romain devient incontestable et les recherches les plus récentes225 en montrent toute l’importance. Parallèlement, le massif albain ne montre pas d’évolution semblable, sinon peut-être sur ses marges et à des proportions bien moindres, avec des sites comme Aricie ou Tusculum. L’archéologie semble y révéler une raréfaction des vestiges : il est vrai que cela peut être dû au fait que les sépultures, désormais dépourvues de mobilier, deviennent « invisibles »226. Pour les raisons de principe exposées plus haut, il est, de toute façon, tentant de supposer que la grande Rome des viie-vie s. ait pu devoir quelque chose à une émigration albaine. Est-ce alors un hasard si cette chronologie correspond à peu près à celle que la tradition littéraire fixe pour la destruction d’Albe ? Nous ne le pensons pas, même si tout porte à croire qu’un centre albain unitaire n’ait jamais existé. Nous croirions volontiers que la tradition a transposé dans le mythe étiologique d’une métropole disparue, la réalité d’une émigration albaine, continue et décisivement accélérée à l’ère archaïque. On aimerait pouvoir dire s’il s’agissait, pour reprendre une terminologie usuelle en sociologie, d’une immigration « de misère » ou « de conquête ». Une réponse précise est évidemment impossible, même si de nombreux exemples historiques montrent que ces deux aspects peuvent très bien se succéder. Notre analyse du paysage albain fournit certains indices : ainsi l’assèchement et l’irrigation du vallon d’Aricie, s’ils ont bien été réalisés à l’époque archaïque227, impliqueraient alors un besoin de cultiver de nouvelles terres qui ne peut s’expliquer que par une forte croissance démographique.

110L’existence d’une émigration albaine dès les premières phases latiales reste toutefois très probable : on la suppose par exemple pour les sites de l’Osteria dell’Osa228 et de Guidonia229, tous deux situés au pied du massif. D’autre part, la structure même du terroir albain et son relief tourmenté impliquaient à coup sûr l’existence de contraintes communautaires fortes. Ce sont là des facteurs qui rendaient, de toute façon, difficile pour ces petites sociétés « montagnardes » de supporter les effets d’une augmentation rapide du nombre de leurs ressortissants mâles. Pour ces derniers, il ne restait plus qu’une voie : partir vers de nouveaux pâturages, vers de nouvelles terres, et d’abord vers celles qu’ils distinguaient si bien du haut de leurs villages. Sans doute ce mouvement vers la plaine venait-il lui-même de plus loin (dans l’espace comme dans le temps), et à cet égard on doit mentionner la pratique du uer sacrum qui, si peu romaine qu’elle fût, est mise une fois230 par l’érudition antique en relation avec le site romain et avec le Septimontium : la contribution à la naissance de Rome d’un type de migration auquel pourrait convenir le nom de uer sacrum albain a du reste déjà été explorée par la science231. Rapportée au viiie siècle, elle serait évidemment fausse ; replacée aux temps précédant la culture latiale, elle aurait peut-être une certaine part de validité, pour qui lirait (sans oublier certes la répugnance que Rome manifestera ensuite envers ce rituel) en ce sens et sur le plan du symbole la présence, dans la légende des origines de l’Vrbs, du dieu Mars, d’un animal totémique et de jumeaux, envoyés hors de leur patrie afin de les faire échapper à la mort décidée par leur oncle. L’auteur de l’Ab Vrbe condita comme celui des Antiquités romaines présentent d’ailleurs avec insistance l’image d’une jeunesse albaine s’élançant à la conquête de nouveaux horizons232 ; bien sûr, il est tentant, mais peut-être un peu facile dans ce cas précis, de mettre ce thème sur le compte de la propagande augustéenne, soucieuse de magnifier les forces vives du nouveau régime233. Cela n’exclut pas, à notre avis, que le motif provienne initialement d’un contexte « réel », mémorisé par le biais de traditions religieuses.

111Des débuts à la fin de la civilisation latiale, on serait ainsi passé d’une émigration de conquête, signe de vitalité du massif albain, à une émigration de misère, signe de dépérissement des anciennes communautés de la montagne : si la première donnait aux sites qu’elle touchait – celui de Rome en premier lieu – un net aspect albain, la seconde, marquée par l’effacement des sites albains, voit l’intégration – peut-être forcée – des nouveaux arrivants dans une société romaine déjà formée, justifiant ainsi le mot de Tite-Live : Roma Albae crescit ruinis. Albe n’aura en tout cas jamais été une ville et il n’y a même pas eu, sur les monts Albains, d’évolution proto-urbaine, comme le montrent la dispersion et la proximité persistantes des habitats du massif, correspondant non à un centre unique, mais à ce qu’on pourrait appeler des « communautés polycentriques »234.

112Si l’interprétation que nous présentons, avec d’autres, a quelque validité, elle implique, on le voit bien, que deux zones géographiques contiguës aient pu connaître à la même période un développement différencié. C’est dire qu’on pourrait retrouver ici une idée qui fut chère à Pinza, qui joua ensuite un certain rôle dans l’axiomatique de l’école suédoise et qu’avait réévaluée, il y a quelques décennies, Pallottino235 : on lui apportera les adaptations nécessaires car il n’est, bien entendu, plus question, comme le faisait l’auteur de la Storia della civiltà latina, d’y voir une espèce de tendance quasi transcendantale à la préservation d’une culture supposée originelle. Les fouilleurs de l’Osteria dell’Osa, réagissant contre les rigidités d’une lecture trop littérale des sériations de Müller-Karpe, ont élaboré, nous l’avons vu à propos du culte funéraire, un outil d’analyse qu’ils ont appelé « variabilité synchronique »236 : il nous paraît que la notion de développement régional différencié pourrait jouer, à l’échelle d’une région tout entière, le rôle qui est celui de la « variabilité synchronique » pour un site donné. Bien entendu, il convient de réinsérer une telle notion dans le continuum de l’expérience (proto)historique, sans non plus établir entre deux territoires contigus, et dont les habitants communiquaient entre eux, une barrière théorique infranchissable. À ces conditions, on peut, pensons-nous, comprendre la signification humaine d’un phénomène trop souvent décrit (mais non expliqué) comme un simple tropisme vers le conservatisme rituel : sur les monts Albains, on le sait, l’incinération a apparemment été en usage nettement plus longtemps que dans les grands habitats de la plaine237. Il nous semble que si on veut bien admettre que ces petites communautés voyaient, à peu près à partir de la moitié du ixe siècle, partir régulièrement (à chaque printemps ?) une part de leurs forces vives, le moyen pour elles et pour les « Anciens », les patres, qui restaient, d’affirmer leur identité était de demeurer fidèles à des rites funéraires – la crémation et le recours à l’urne-cabane – qui traduisaient le poids persistant d’une conception patrilinéaire du lignage et la fidélité à des traditions d’autant plus affirmées qu’elles étaient menacées. Il nous paraît en effet difficile de ne pas voir, dans le changement des rites funéraires qui se constate ailleurs à partir de la phase II B, la marque d’importants bouleversements « sociaux », c’està-dire humains.

113Au vu d’un tel développement différentiel, le rapprochement souvent fait238 entre la Rome du Septimontium et les populi Albenses du Latiar pourrait, nous semble-t-il, être affiné. Nous laissons pour l’instant de côté la question de la validité de la liste plinienne (que nous admettons ex hypothesi) et de l’appellation Albenses, nous contentant d’un rapprochement qu’impose, à notre avis, la ressemblance entre le Palatuar (Fest. 476, 2L) qui voit sacrifier ensemble les habitants du site romain et le Latiar qui réunit les peuples latins sur le Monte Cavo. Toutefois, nous nous demandons s’il ne serait pas nécessaire d’établir entre les deux situations résumées par ces deux appellations une certaine diachronie. L’absence désormais démontrée d’un centre albain nous suggère d’ores et déjà que les populi Albenses sont dispersés sur un territoire qui reste à évaluer, mais qui est vaste, s’il est vrai que plusieurs communautés « protoromaines » sont présentes dans la liste plinienne239. Le Septimontium, lui, est déjà un espace-temps bien précis : c’est d’abord un lieu dont le souvenir est perpétué dans une fête240. C’est pourquoi, plutôt que l’équivalence stricte qui est souvent supposée entre ces deux stades de développement, nous serions enclin à reconnaître dans la liste plinienne des participants au Latiar la phase d’expansion albaine que l’archéologie fixe aux toutes premières phases de la civilisation latiale (I et II A1), tandis que le nom, le lieu et la fête du Septimontium correspondraient au processus proprement proto-urbain que bien des spécialistes voient ensuite à l’œuvre sur le site romain241 à partir de la phase II B (ou II A2), en lui donnant des proportions qu’il convient sans doute de revoir à la baisse.

DES PRÉTENDUES PREUVES DE L’EXISTENCE D’UNE VILLE D’ALBE

1) Albani tumuli atque luci

114Mais si Albe n’a ainsi jamais existé, pourquoi les Modernes l’ont-ils si souvent et avec tant d’insistance décrite comme une ville, c’est-à-dire comme une entité unitaire, juridiquement et sacralement définie ? C’est, d’abord, qu’un certain nombre d’indices apparents d’urbanisation sont encore, la plupart du temps, considérés aujourd’hui comme les traces et les preuves de l’existence antérieure d’une ville d’Albe. Aussi bien, toute démonstration « négative » sur cette question se doit, non seulement d’analyser le détail des sources littéraires et d’interpréter le corpus des données archéologiques, ce que nous venons de faire, mais aussi de montrer comment les traditions considérées comme signes d’urbanisation s’expliquent en réalité d’une autre façon. La première preuve de l’existence d’une ville d’Albe serait, dit-on242, la mention si éloquente par Cicéron (T5a) des bois sacrés et des autels de la métropole disparue et leur localisation sur le site de la villa de Clodius, c’est-à-dire Castel Gandolfo243. En réalité, rien n’est moins sûr : parmi les luci auxquels Cicéron fait allusion sans les nommer, nous pouvons placer celui de Ferentina (Liv., 1, 52 et 3, 25), relativement proche du site présumé de la villa de l’adversaire malheureux de Milon ; Cicéron inclut explicitement dans sa description également le mont Albain lui-même : c’est pourquoi on supposera que le bois sacré qui se trouvait au sommet du mont (Liv., 1, 31), était l’un de ceux auxquels il pensait ; peut-être faut-il y ajouter, mais sans pouvoir le localiser, un lucus Martis, dans la mesure où l’existence en paraît impliquée par la légende d’Ilia. Quant aux autels ensevelis, arae obrutae, qu’évoque et invoque l’Orator, la Campagne romaine en a, de tout temps, offert assez d’exemples aux archéologues pour leur permettre de savoir que ce type de monument était loin d’être toujours lié à une réalité urbaine : car si c’était sans doute le cas de celui des Iulii à Bovillae244, cette corrélation ne saurait valoir pour tous ceux qui, au fil des siècles, sont venus au jour autour du lac Albain : citons, sans prétention à l’exhaustivité, les deux autels à Jupiter et Vulcain trouvés, précisément, à Palazzolo et qu’avait recueillis dans sa collection l’antiquaire Carnevali245 ; au même Jupiter était dédié un autel trouvé près d’Albano et décrit par Lanciani246. Ne parlons pas des inscriptions mentionnant des magistratures et prêtrises albaines, puisque, à une exception près247, elles n’ont pas été trouvées à Bovillae et qu’aucune de celles qui nous sont parvenues ne semble antérieure à l’Empire, double particularité qui n’est sans doute pas sans signification ; à supposer toutefois que des autels248 avec ce type de formulaire « albain » aient été visibles à Bovillae dès la République (ce qui reste à prouver), cela aurait pu conforter Cicéron et ses contemporains dans leur croyance à une métropole latine, dont l’existence leur apparaissait démontrée par la survivance de ses cultes, sacra Albana, et, au témoignage de l’autel de Bovillae, de ses rites, leege Albana.

115Quant à de tels sacra, quoi qu’on en dise si souvent249, leur incontestable spécificité au sein des usages religieux romains n’implique pas nécessairement celle d’une ville du même nom : si le pontife et la Vestale albains sont, chacun, dits minor, dans l’épigraphie250 comme dans la littérature251 c’est, dit-on, qu’ils sont soumis à l’autorité des prêtres de même nom de Rome ; dans la logique de la légende, cette sujétion est le résultat de la conquête, mais elle pourrait aussi être le produit d’une création érudite. Mais, en réalité, il peut aussi arriver qu’une Vestale albaine soit dite Maxima252 : nous pensons donc que ces qualificatifs renvoient à une hiérarchie seulement locale, et que cela ne prouve rien pour une ville d’Albe. L’éparpillement des sacra Albana entre Bovillae et Cabum est un autre obstacle à l’identification d’un centre albain unique.

2) Albani Longani Bouillenses

116Mais l’épigraphie, la plus sûre des sciences, ne vient-elle pas prouver indubitablement l’existence d’Albe, elle qui mentionne des Albani Longani Bouillenses253 ? C’est là un argument traditionnel, mais qui ne va pas sans difficultés, aux yeux mêmes de ses partisans, parmi lesquels figurent notamment De Sanctis et Alföldi254, puisqu’il les oblige à supposer, sur les traces de Niebuhr255, qu’Albe aurait été détruite par Bovillae ou que ses habitants y auraient été transférés, alors que la tradition ne cesse d’affirmer qu’elle a été détruite par Rome et que c’est à Rome, sur le Caelius, qu’auraient été installés les Albains. La solution proposée par Last256 est assurément plus conforme aux habitudes de la conquête romaine : c’est bien Rome qui s’y empare d’Albe, identifiée à Castel Gandolfo, et la fait descendre le long de la nouvelle voie qu’elle trace dans la plaine, comme elle l’a fait, tant de fois, à Faléries, Volsinies et ailleurs. L’objection, cependant, est la même que précédemment : ce schéma n’explique pas la tradition si insistante du transfert des Albains sur le Caelius ; d’autre part, l’axe parcouru par l’Appia existait, au témoignage de Tite-Live (7, 39, 16)257, bien avant la censure d’Appius, et la plaine de Bovillae était très probablement déjà occupée avant 312, comme le suggèrent les fonds de cabanes de Casale Liscia258. Enfin et surtout, tout cela repose sur ce qui reste une hypothèse : la localisation d’Albe à Castel Gandolfo.

117Compte tenu de toutes ces objections, nous proposions en 1986 de voir dans l’albanité revendiquée par les habitants de Bovillae la trace du passage, non réalisé ailleurs sur les Colli, de Bovillae à l’état urbain, en le datant du viie siècle, période qui nous paraissait correspondre heureusement à la fois à celle fixée canoniquement à l’urbanisation en Latium ainsi qu’à la chronologie traditionnelle de la destruction d’Albe par Tullus Hostilius, qui gardait ainsi une validité au moins métaphorique259. Aujourd’hui, une chronologie plus tardive nous paraît plus vraisemblable, compte tenu du fait qu’il n’y a pas de preuve archéologique d’une urbanisation du site de Bovillae pour cette époque. Henry Last mettait en lumière l’importance de l’Appia260 : parce que la construction de la regina uiarum s’est faite, ce qui n’est évidemment pas un hasard, au lendemain de la défaite générale du Latium face à Rome, parce que ce moment est aussi celui d’un réordonnancement d’ensemble du corpus mythico-historique des primordia mené à l’instigation de l’Vrbs, il nous paraît tentant de lier construction de la voie et naissance d’une appellation dont les linguistes soulignent, de toute façon, le caractère artificiel261. Pour mieux fixer et mieux contrôler des rites de nature fédérale qui pouvaient inquiéter son hégémonie, et dans le temps même où elle dissolvait l’unité juridique de la ligue latine et modifiait les équilibres humains et sociaux du massif albain en traçant, quels qu’en fussent les antécédents, un axe routier destiné à le dévitaliser et, stricto sensu, à le marginaliser, Rome aurait choisi de localiser et, ce qui n’est pas moins important, de concentrer les prêtrises albaines à portée de main, pour ainsi dire, à seulement une étape de ses murs, et aurait donné aux ressortissants du nouveau municipe une appellation qui déguisait et légitimait toute son intervention.

118Peut-être faut-il d’ailleurs aller plus loin et supposer que ces prêtrises « albaines », qui avaient toutes leur équivalent dans l’Vrbs, ne furent qu’une création de la propagande romaine. En tout cas, la dispersion262 des inscriptions les mentionnant, dont beaucoup furent apportées à Rome dès le Moyen Aˆ ge, ne permet pas de prouver que la gérance de tous les sacra Albana fut confiée à des prêtres installés à Bovillae. On peut seulement le présumer pour les Vestales, grâce à l’épigraphie et aux suggestions offertes par le commentaire d’Asconius263 (qui écrivait vers 54-57 de notre ère) au Pro Milone.

119Pour ce qui est des attestations épigraphiques de la filiation albaine des habitants de Bovillae264, elles présentent un triple caractère qui n’est peut-être pas fortuit : il s’agit de témoignages tardifs, officiels et sans confirmation dans la tradition littéraire, si ce n’est en contradiction avec elle. Peut-on relier la revendication de cette identité albaine avec la création du municipe de Bovillae opérée par Sylla, en liaison avec plusieurs fondations analogues dans l’ensemble du massif ?265 C’est possible, mais il y a un net intervalle entre cet épisode et les inscriptions. Dès lors, ne pourrait-on pas supposer que l’appellation albaine des habitants de Bovillae, qui n’apparaît pas avant l’Empire, fut fabriquée alors pour renforcer le prestige du lieu où la gens Iulia avait son origo ? Il reste que l’autel de Vediovis, qui est d’époque républicaine266, mentionne une « loi albaine », leege Albana, qui sans, il est vrai, prouver déjà l’existence de l’appellation, en suggère la présence ; surtout, l’existence de Vestales albaines, attestée lors de l’affaire Milon, et leur probable résidence à Bovillae, impliquent à notre avis une revendication, sans doute déjà ancienne, à l’albanité de la part de Bovillae. L’ensemble de ces considérations conduirait à fixer la fabrication de cette tradition à la fin du ive siècle. Quant à supposer que cette restructuration eût été déjà le fait de la gens Iulia, il nous paraît peu vraisemblable qu’une simple gens, fût-elle puissante, ait eu alors assez d’autorité pour déplacer des sacra qui étaient ceux de l’Etat romain. Historiquement, le mouvement qui s’observe en général est plutôt celui de la prise de contrôle publique sur des cultes jusque-là privés, plutôt que l’inverse. Il est vrai qu’avec l’avènement de la dynastie julio-claudienne, la tradition albaine à Bovillae n’a pu que se trouver renforcée : c’est d’ailleurs bien, semble-t-il, ce à quoi on assiste sous Tibère avec la monumentalisation du sacrarium gentilice et les missions confiées aux sodales Augustales267 ; la date tardive des inscriptions irait donc tout à fait dans ce sens. Dans ce contexte, le fait que les fameuses Tables Iliaques268, sur lesquelles furent représentés, à l’époque augustéenne, les ancêtres mythiques de la gens – Enée, Anchise et Ascagne – aient été trouvées à Bovillae n’est probablement pas sans signification.

3) Ager Albanus

120Rien, dans tout cela, en tout cas, ne rend nécessaire, au contraire de ce que l’on a si souvent dit, l’existence d’une ville d’Albe. Mais si celle-ci n’est prouvée ni par ses sacra, ni par ses luci ou ses arae, ni par le nom que revendiquaient les habitants de Bovillae, le sera-t-elle davantage par l’existence d’un ager Albanus269, sinon indépendant de Rome, du moins spécifique ? Sans conteste, il s’agit là d’un point qui fait difficulté, aussi bien dans l’interprétation que nous présentons que, soulignons-le, dans la lecture traditionnelle de la légende. Pour cette dernière, en effet, il faut supposer, avec Niebuhr270, que la ville d’Albe aurait été conquise et détruite non par Rome, mais par une coalition de peuples latins, ce qui expliquerait la préservation de son territoire et sa non-intégration dans celui de l’Vrbs. Une telle hypothèse conduit à récrire l’histoire archaïque du Latium. Il vaudrait mieux admettre qu’ » Albe » ait été détruite par les Romains, mais son territoire respecté par eux en raison du prestige, de l’antiquité et du caractère fédéral des rites qui y étaient célébrés. Il s’agit là d’une restitution qui peut apparaître comme plausible : soulignons simplement qu’elle n’implique pas, malgré les apparences, l’existence d’une ville. Cette dernière semble davantage liée à celle de la notion même d’ager : nous avions supposé qu’il s’agissait d’un territoire non urbain, conservé par Rome et les membres du nomen Latinum en raison de son caractère originellement fédéral271. Cependant, n’est-il pas difficile d’ôter tout rapport entre l’existence d’un ager et la réalité d’une évolution urbaine ou au moins proto-urbaine ? La relation semble en effet impliquée par plusieurs auteurs272, et notamment Varron : Qua regnum fuit Latini, uniuersus ager dictus Latius, particulatim oppidis cognominatus, ut a Pr<a>eneste Praenestinus, ab Aricia Aricinus (LL, 5, 32). Ainsi l’ager des monts Albains aurait-il été Albanus en fonction d’une délimitation augurale tracée à partir d’un centre qui ne saurait plus évidemment être autre qu’Albe La Longue elle-même. Du reste, Cicéron, comme nous le soulignions273 dès 1986, ne définissait-il pas l’ensemble des coteaux albains – villa de Clodius et montagne de Jupiter – comme des regiones, employant à ce propos un terme dont il ne pouvait, augure luimême274, ignorer l’origine augurale et le sens d’espace sacralement délimité qu’il avait dans la langue sacrée275 ? Selon cette perspective augurale, Claudia Cecamore a récemment276 avancé une solution aussi élégante que rigoureuse et qui rend pleinement compte, à notre avis, des différentes caractéristiques du dossier. Se fondant sur notre précédente proposition d’identification du Monte Cavo comme arx Albana et rappelant l’équivalence, fermement établie pour Rome par le lexique de Festus, entre arx et auguraculum277, elle propose de situer précisément sur le mons Albanus lui-même le point focal, le centre de l’ager Albanus. Sans conteste, il s’agit là d’une hypothèse très suggestive, même s’il faut bien reconnaître que la qualité augurale du sommet albain est plus suggérée que prouvée par de telles considérations. Contentons-nous d’observer que cette relation arx-ager ne se réduit pas à l’éventuelle présence d’un habitat sommital : de l’ager Albanus, il était certes légitime de déduire une arx Albana, mais l’identification de cette dernière avec le mons Albanus n’oriente plus nécessairement vers une solution « urbaine ». La tradition antique d’une ville située sur la montagne latine apparaît alors dans un rapport étiologique avec la qualité d’arx qu’a cette dernière.

121À la lumière de cette interprétation, nous pouvons remarquer que la définition de Varron citée ci-dessus semble bien esquisser une diachronie, ou du moins une hiérarchie, dans laquelle, à un ager Latius dit d’abord uniuersus, aurait succédé, mais dans les mêmes limites, une pluralité d’agri dont chacun aurait été particulatim cognominatus selon l’évolution urbaine ayant caractérisé ensuite tel et tel lieu. Est-il sans signification, dans ces conditions, que Cicéron mette précisément en rapport (T5a) le dieu du mont Albain, Latiaris sancte Iuppiter, avec la notion de fines, dont la valence augurale278 est, là encore, indiscutable ?

122Une nouvelle fois, cette prééminence des traditions concernant l’arx Albana vient montrer toute la fragilité des lectures « urbaines » de la légende albaine. La liaison entre ager et urbs est seconde par rapport à celle entre ager et arx, comme l’ont montré les travaux d’André Magdelain : cette dernière se trouve réalisée ici dans un contexte fédéral et non urbain, puisqu’un village n’est pas une ville. De même que l’existence d’un ager Laurens et de Laurentes n’implique pas celle d’une ville de Laurentum, qui n’est en réalité, comme Carcopino le montra279, qu’une invention mythographique tardive, de même les mentions d’un ager et d’un populus Albanus n’impliquent pas la réalité d’une ville d’Albe, avec laquelle l’habitat sommital du Monte Cavo ne saurait être confondu.

4) Fossae Cluiliae

123On ne saurait non plus considérer comme une preuve de l’existence d’une ville d’Albe les fossae Cluiliae, qui auraient dû leur nom à un roi d’Albe venu y établir son camp dans la guerre contre Rome280. Les Modernes281 en ont fait l’un des postes frontières, si on peut dire, du plus ancien territoire romain, voire une de ses limites augurales, ou même un sanctuaire de confins, en se fondant sur une confusion avec le temple de Fortuna Muliebris, qui est à l’œuvre dans les sources anciennes282. Ainsi, de par leur qualité de frontière du territoire albain, les fossae Cluiliae démontreraient la réalité de la métropole latine. Le problème est que cette argumentation repose sur le concept d’un ager Romanus antiquus strictement délimité, dont une étude d’A. Ziolkowski283 vient de mettre en lumière toute la fragilité. Sans entrer dans ce dossier complexe, remarquons simplement, avec ce savant, que : les fossae C. sont placées par Tite-Live (1, 23, 3) in agrum Romanum ; elles ne sont plus pour lui qu’un nom, ce qui pourrait faire penser qu’elles n’ont jamais été davantage et qu’il s’agit d’une invention érudite. Il y a en effet clairement jeu étymologique, et Pline (N.H., 15, 120) met en rapport le nom des fossae avec le verbe cluere, « purifier ». Cependant, il ne nous paraît pas exclu qu’on puisse retrouver à l’origine de ce nom une réalité : non celle d’une ville d’Albe, mais celle de canaux de drainage284 creusés dans le sous-sol de la campagne romaine. En ce sens, la mention du toponyme dans la mythe-histoire des primordia serait un indice d’ancienneté de ce type de réalisation. Ensuite, c’est la ressemblance du nom de ces fossae Cluiliae avec la gens albaine des Cloelii qui aurait entraîné la légende d’un roi d’Albe, venant y mourir pour leur donner son nom : comme Albe, ce roi n’existe que dans l’instant de sa disparition. Du reste, ces fossae peuvent d’autant moins servir à prouver l’existence d’Albe, qu’elles sont localisées par les textes à plusieurs endroits : sur la via Latina, mais aussi la Prenestina, sur la Laurentina ainsi que sur la v. Appia. Les Modernes sont pareillement divisés, optant tantôt pour la Latina285, tantôt pour l’Appia286, selon un choix qui leur est dicté, nous semble-t-il, par leur théorie sur l’emplacement d’Albe. Niebuhr, par exemple, situait les fossae au rio della Marrana287, et avec lui nombre de savants du siècle dernier ; en effet, Niebuhr plaçait Albe à Palazzolo288 et conséquemment les fossae sur la route qui y conduit ; ceux qui, aujourd’hui, localisent la métropole légendaire à Castel Gandolfo, placeront logiquement, sauf exception289, les fossae sur l’Appia, liaison directe entre Rome et la villégiature des empereurs.

124Ainsi, par un renversement méthodologiquement dommageable, s’opère un échange de rôles, où le résultat recherché (l’existence d’une ville d’Albe) devient preuve, et la preuve espérée (la définition des fossae C. comme frontières), résultat. Si Albe n’est donc pas identifiable par les fossae Cluiliae, le sera-t-elle davantage par les tombeaux des Horaces et des Curiaces situés, selon Tite-Live (1, 23 et 24), près du camp albain et donc des fossae qui le défendaient ? On l’a souvent suggéré, dans l’idée que, comme toute ville antique, Albe aurait été indirectement reconnaissable par les tombeaux qui parsemaient, voire délimitaient son territoire : G. Colonna290 a ainsi proposé d’interpréter en ce sens du matériel archaïque, trouvé en 1732 sur l’Appia, sans doute près des tombeaux dits des Horaces et des Curiaces qui, d’après lui, mériteraient ainsi leur identification traditionnelle, étant bien entendu que les restes de monuments visibles aujourd’hui seraient la trace d’une restauration érudite, imputable vraisemblablement au régime augustéen291. L’appartenance supposée de toute cette zone au territoire de la tribu Horatia a été considérée comme l’origine de la formation et du développement de la légende opposant des combattants portant ce nom aux trois Curiaces albains292. Il reste que des tombeaux ne suffisent pas à prouver l’existence d’une ville d’Albe, surtout quand ils sont situés comme ceux-là en territoire romain (Liv., 1, 23, 3). En tout cas, et contrairement à ce qu’on en dit293 trop souvent, les tumuli auxquels faisait allusion Cicéron (T5a) ne peuvent désigner les tombeaux de la uia Appia, fussent-ils ceux attribués aux Horaces et Curiaces : il s’agit, à notre avis, d’une allusion aux reliefs de la région albaine. La preuve en est que, comme l’avait remarqué naguère Ogilvie294, Tite-Live se sert à deux reprises de ce même mot tumuli pour parler des collines de Rome ; or c’est encore lui, on s’en souvient, qui sert à l’historien (T9d) pour décrire les hauteurs albaines devant lesquelles arrivent les Gaulois et c’est au même terme que recourt Virgile (Aen., 12, 136) à propos du Monte Cavo. Dans un ordre très logique, l’Orator évoque donc les monts Albains eux-mêmes, avant d’en venir aux bois sacrés et autels qui en parsemaient la surface. Voilà qui contribue encore davantage à l’imprécision – voulue – de son tableau.

5) Gentes Albanae

125La tradition antique relative à l’existence, à Rome, de clans familiaux qui revendiquaient une origine albaine, gentes Albanae, constitue-rait-elle un indice plus sûr pour prouver l’existence d’une ville d’Albe ? C’est là une thèse très souvent répétée295. Sur ce point, il nous semble que les fouilles récentes en Latium, notamment celles d’A. Bedini296, en montrant la présence, au milieu de la Campagne romaine, de tombes clairement gentilices en dehors de tout contexte urbain, et, plus encore, la découverte, en plein massif albain, de la tombe « princière » et isolée du Vivaro, ôtent désormais à cet argument, pour classique qu’il soit, sa valeur probatoire. Sans entrer dans le complexe débat, de fustélienne mémoire, concernant les liens entre gens et cité, nous nous bornerons ici à constater que si, en l’occurrence, le rapport entre gentes Albanae et un centre albain reste théoriquement possible, il ne saurait plus désormais être considéré comme allant de soi : de la sorte, il serait de mauvaise méthode d’en faire état ici – même si, bien entendu, la tradition des gentes Albanae a une existence spécifique.

6) Emissarium Albanum

126De cette Albe qui ne cesse de se dérober, trouverons-nous alors les traces dans l’emissarium Albanum lui-même, dont nous avons déjà eu l’occasion d’étudier le parcours, la nature, la chronologie et le nom297 ? C’était l’avis d’Alföldi, pour qui le canal albain révélait du même coup l’existence de la communauté politique qui en avait assuré la construction298. On ne peut, sur ce point, que lui donner raison, puisque assurément un tel ouvrage d’art ne s’est pas fait tout seul ! Mais de là à identifier ce maître d’ouvrage avec une prétendue ville d’Albe, que l’auteur d’Early Rome and the Latins plaçait à Castel Gandolfo299, il y a un pas que l’on ne saurait franchir, à notre avis, sans faute de méthode : d’abord parce que, contrairement à ce qu’affirmaient Alföldi et, avant lui, Tomassetti, la localisation d’Albe sur le site de la villa domitienne ne peut pas se déduire de facto de la situation du canal. Il suffit de songer à l’autre grand emissarium qu’on trouve dans le massif, celui du lac de Nemi, pour saisir a contrario toute la fragilité de ce type d’argumentation : on devrait à ce compte-là, en effet, trouver à Genzano, c’est-à-dire en amont et en aplomb de ce second canal, le site de la cité qui le fit réaliser ; or, comme on sait, ce site est, sinon désert, du moins non urbanisé à l’époque archaïque300. Nous ne rejetons pourtant pas entièrement la démonstration d’Alföldi, puisque nous en retenons le principe d’une datation archaïque de l’emissarium Albanum ; mais non les conséquences que, dans le cadre général de son système, ce savant en tirait, arguant de l’existence ainsi supposée d’une Albe indépendante au vie siècle, pour en inférer la fausseté du mythe d’une grande Rome des Tarquins ! En réalité, le canal n’a pu être construit que par Rome, où se dirigent ses eaux, ou par Aricie, dont il n’est pas éloigné. Quoi qu’il en soit, l’emissarium Albanum, que nous identifions, on s’en souvient, avec l’aqua Ferentina, ne saurait donc plus être considéré comme une preuve de l’existence d’une ville d’Albe.

127Pas davantage, non plus, ne pourraient lêtre les mystérieux loci Albani301, malgré leur nom. Leur rôle dans l’Enéide et l’exégèse proposée, au début du xxe siècle, par Carcopino302 ont permis d’en fixer l’emplacement, même approximativement : suivant la démonstration du savant français, ils doivent sans doute être placés le long du Tibre, « entre la Trafusina et Guardapasso ». C’est pourquoi nous proposerions de mettre ce lieu-dit en relation avec l’emissarium Albanum dont le débouché dans le Tibre, via le rio Albano, se trouve précisément dans cette même zone. Il reste qu’étant situés très probablement hors du massif albain (et hors de Rome), ces loci Albani ne prouvent, eux non plus, rien quant à une prétendue ville d’Albe.

128Parmi toutes les traditions généralement considérées comme probantes quant à cette question, reste la mention, par plusieurs sources303, d’un calendrier albain : cependant, comme on l’a souvent suggéré, il s’agit vraisemblablement du comput calendaire propre à quelque ville du massif, et non nécessairement à la métropole mythique ; davantage, cette tradition peut très bien s’expliquer par une forme d’organisation fédérale et non urbaine.

129Ainsi, de tous ces éléments, bois sacrés, autels et tombeaux, rites et sacerdoces, titulature des habitants d’un bourg voisin, survivance d’un ager et d’un calendrier, souvenir d’une frontière, présence à Rome de certaines gentes, existence sur les bords du massif d’un canal et ailleurs de lieux-dits, rien, malgré le même nom d’albain – Albanus – qui les qualifie également, ne nous autorise à parler d’une ville d’Albe. Beaucoup plus qu’une réalité, archéologiquement et historiquement perceptible, c’est un mythe des origines que nous voyons ainsi se constituer et se nourrir, pour ainsi dire, de lui-même : le mythe d’une ville-mère, à la fois distincte et proche de Rome, même et autre, inspiratrice et rivale, finalement tuée par sa ville-fille.

7) Alba diruta

130On a dit, et même récemment304, que le souvenir de cette mise à mort était, en dernière instance, la meilleure preuve de l’ » urbanité » d’Albe, dont l’existence serait ainsi prouvée par la légende même de sa destruction. Rien, donc, n’attesterait mieux la réalité d’une ville d’Albe que ce siège, cette déportation de ses habitants et leur intégration dans la cité romaine, ces maisons rasées et ces temples épargnés par ses vainqueurs, dont les sources littéraires brossent un si éloquent tableau305.

131Il est clair qu’énoncé ainsi en renfort de localisations qui sont incompatibles entre elles et non identifiables à un centre auquel on pourrait donner le nom d’Albe306, l’argument ressemble fort à un locus desperatus. Nous ne développerons pas ce que nous en avions déjà dit autrefois307 : le topos littéraire, sur le modèle, sans doute, de l’Ilioupersis, est trop évident pour constituer à lui seul un indice sérieux d’historicité. Davantage, nous nous demanderons aujourd’hui si cette ruine d’Albe, que chantait sans doute déjà Ennius, ne serait pas à elle seule une espèce de mythologème pour la pensée politique romaine. Tout se passe comme si l’on avait affaire à l’image idéalisée de ce qui pourrait être appelé le siège parfait : la clémence de Tullus laissant la vie sauve aux Albains, en faisant même des Romains et respectant les temples, n’apportait-elle pas la preuve, sub specie aeternitatis, que la Cité qui avait traité si durement Carthage, Corinthe, les villes de l’Epire et tant d’autres encore, était néanmoins fondée sur un idéal de justice et d’humanité ? Voilà qui pouvait faire oublier l’effrayante réalité des assauts et prises de villes, que l’archéologie met parfois en évidence comme dans le cas de Frégelles308. Il est vrai qu’à l’usage, le symbole pouvait se révéler ambigu, comme le prouva, lors du siège de Capoue, l’ex-ville-sœur, le rappel amer, par le chef des révoltés, du sort infligé par Rome à sa métropole309.

132D’Albe, en fin de compte, ne reste plus que son seul nom, lui aussi considéré par les partisans d’une capitale latine comme une preuve suffisante de son existence. Or ce nom, curieusement, n’a sans doute pas fait l’objet de toute l’attention qu’il mérite. On ne saurait trop souligner qu’il s’agit, en quelque sorte, d’un syntagme, formé par la conjonction de deux toponymes : Alba et Longa. Le premier est bien connu, et l’on sait combien les linguistes sont partagés à son propos310 : ils se rejoignent en tout cas au sujet de sa très grande ancienneté, la plupart le référant même à un stade préindo-européen. On s’est beaucoup moins intéressé à la seconde partie du syntagme, tant son origine et sa signification, déjà commentées par Tite-Live (T9a), paraissaient aller de soi. À la réflexion, pourtant, c’est précisément cette évidence qui pose un problème : on y reconnaît sans peine un mot latin, la question étant simplement de savoir comment on doit expliquer l’adjectif, puisque adjectif il y a, longa. Après d’autres, et notamment R. Werner311, nous avions proposé de le référer, non à la forme même d’un habitat unique comme le pensait Tite-Live, mais à la dispersion, constatée archéologiquement, des habitats sur l’ensemble du massif albain. Cette explication ne nous semble pas infirmée par le développement des trouvailles et des recherches récentes. Pourtant, il nous paraît aujourd’hui qu’elle laisse dans l’ombre ce qui est sans doute le fait essentiel : la seconde partie du toponyme de la métropole mythique ne peut être contemporaine de la première ; l’une, qu’elle soit indoeuropéenne, ligure ou méditerranéenne, est antérieure aux Romains, bien sûr, mais aussi, probablement, aux Latins ; l’autre est latine et par conséquent postérieure à la première, et sans doute de beaucoup. Il y a ainsi, entre les deux constituants de ce nom double, une diachronie probablement immense, un véritable fossé temporel et linguistique, qui, peut-être parce qu’il saute aux yeux, n’est jamais commenté. Alba Longa est donc, si on peut dire, un nom à deux temps, dont la seconde partie, qualifiant la première, résulte clairement d’une adjonction à tous égards secondaire. Si l’on voulait trouver un équivalent à cette disparité toponymique, on pourrait penser, dans l’ordre de l’onomastique, à des noms comme ceux des deux Tarquins, appelés l’un Priscus et l’autre Superbus, des noms dont la valeur de chronologie relative pour le premier, le caractère péjoratif pour le second, prouvent sans équivoque qu’ils furent donnés aux deux rois après leur règne. Or le processus est le même pour Alba Longa, nom double qui n’est pas seulement descriptif, comme on l’a dit, mais aussi, et ce n’est pas moins important, artificiel. On peut comprendre, à la lumière de ces observations, pourquoi il apparaît finalement aussi peu dans la tradition312, par rapport au simple Alba ou à l’adjectif Albanus.

133Compte tenu, donc, de l’ambiguïté des vestiges archéologique, de l’inconsistance des prétendus indices d’une urbanisation albaine, et des considérations d’onomastique qui précèdent, nous estimons pouvoir conclure que le thème d’une métropole nommée Albe La Longue est une forgerie mythographique. La question qui se pose est alors la suivante : de quand date cette invention d’Albe ?

134Réduite à elle-même, il est évident qu’elle pourrait laisser la place aux réponses et aux hypothèses les plus variées : tout au plus nous paraît-il légitime de considérer que la fondation d’Alba Fucens en 303 fournit un terminus ante quem solide. Nous nous demandons cependant s’il n’est pas possible d’aller plus loin et de préciser davantage le moment et, par voie de conséquence, les motifs de cette fabrication. La première hypothèse, que nous avions déjà formulée, est que cette appellation soit née d’elle-même, au spectacle d’un habitat qui demeurait dispersé, alors qu’ailleurs, et notamment à Rome, se formaient puis se développaient des cités qui étaient chacune des petits états plus ou moins indépendants. On pourrait ainsi penser au viie et, beaucoup plus probablement, au vie siècle, voire même à la seconde moitié de ce siècle, ce qui rendrait ainsi compte de la légende de la prise d’Albe, puisqu’il est évident que le mythe d’une ville qui n’existe pas implique du même coup celui de sa destruction. Ce schéma313 reste séduisant, à notre avis, bien qu’il n’aille pas sans difficultés : la principale est qu’alors il faudrait confondre l’époque de la formation du mythe avec celle où il est censé avoir eu lieu. La période archaïque aurait été à la fois le moment du surgissement du nom et de la légende d’Albe, et celui où la Mémoire de Rome situait cette même légende. Il y a là une aporie de méthode qui pourrait exiger une dissociation entre ces deux étapes ; ce qui conduirait à descendre la chaîne des temps : le ive ou le ve siècle doivent être considérés comme des hypothèses dignes d’attention. La genèse du mythe ne peut guère avoir été contemporaine de la fondation de la colonie de 303 et on doit donc supposer que celui-ci est antérieur à celle-là. Mais de combien ? À tous égards, l’année 338 av. J.-C., qui vit la dissolution de la ligue latine par Rome, marque la limite ultime où a pu s’effectuer la définitive mise en place de la légende des origines de l’Vrbs. La priorité alors accordée à Lavinium conduit d’ailleurs à penser que le thème d’une origo albaine de Rome existait déjà : il a été, non pas supprimé – c’était devenu impossible – mais redimensionné et relativisé, l’origo première de Rome étant placée du côté de Lavinium et de Troie, comme le prouve la fondation, par l’Vrbs, d’Alba Fucens en 303. Puisqu’on doit ainsi supposer, à notre sens, que la légende d’une ville d’Albe était présente avant 338, il nous semble qu’en remontant dans le temps, la conclusion du foedus Cassianum314, datée conventionnellement de 493, impliquait l’existence du mythe fédéral et fournit donc au moins un terminus post quem pour la formation de la légende d’une ville d’Albe. Quel qu’en ait été le sens exact, le traité ne consolidait-il pas les liens entre les différents membres du nomen Latinum, dont il réaffirmait les droits réciproques, commercium, connubium et isopoliteia ? Dans un tel contexte, on peut supposer que ses différents contractants, tous participants à la solennité annuelle du Latiar, se soient complus à se réclamer d’une même et unique ville-métropole, à laquelle ils auraient donné le nom d’Alba Longa. On pourrait donc dire qu’une datation de la légende d’une ville d’Albe est certaine pour le ive siècle, probable pour le début du ve s. et, partant, possible pour le vie.

135Quant au motif légendaire des guerres entre Rome et Albe, dont la densité mythographique est incontestable, il correspond vraisemblablement à une opposition réelle. Qu’il y ait eu ou non suprématie romaine sur les monts Albains à l’époque archaïque, on peut tenir pour assuré que les relations entre l’Vrbs et sa périphérie ont obéi, ici comme ailleurs, à une logique de rapports de forces315 : pour autant il n’est pas nécessaire que l’adversaire ait été unique et ait correspondu à une ville d’Albe qui, au viie siècle, aurait sans doute laissé des traces perceptibles archéologiquement316. On se gardera, quoi qu’il en soit, de toute interprétation de type évolutionniste, et, à cet égard, des hypothèses récentes méritent considération : on a ainsi supposé317 un déclin au ixe siècle, suivi d’un « revival » au viiie et surtout au viie siècle. Or cette « renaissance albaine », si on doit en croire le témoignage de la tombe de Vivaro, paraît marquée par un fort caractère gentilice et non urbain. C’est pourquoi il est même possible que la tradition des gentes Albanae et de la déportation des Albains sur le Caelius corresponde à une réalité historique318. Sur la colline de l’Vrbs, au viie siècle, auraient été effectivement installés des Albains, Albani, c’est-à-dire non pas les habitants d’une seule ville d’Albe, mais ceux provenant des multiples uici et pagi éparpillés dans l’ensemble du massif latial. Nous avons proposé ailleurs319 de voir dans ces traditions le souvenir déformé d’un phénomène d’exode rural : constatant la forte présence dans leur ville d’une communauté latine originaire des monts Albains, les Romains auront pu être tentés de l’attribuer à une conquête évidemment antérieure à la date où cette présence était désormais clairement visible. Une concentration albaine sur le Caelius s’explique du reste fort bien par la topographie : c’est la première colline que rencontre, sur le site romain, qui vient des monts Albains. De même, mutatis mutandis, le quartier de la gare Montparnasse sera aux xixe et xxe siècles le quartier breton de Paris, choisi comme résidence par ceux qui descendaient des trains venant de l’ouest. Sur fond de conflits réels, le schéma d’une ville unique, à l’image de la leur, d’où auraient été originaires ces Latins, a pu être celui qui s’imposait le plus facilement aux Romains de la fin de la monarchie et des débuts de la République.

CONCLUSION

136Quoi qu’il en soit de cette dernière interprétation, il nous paraît qu’une lecture de la légende albaine qui considérerait comme démontrée l’existence d’une ville-métropole d’Albe La Longue, quels que soient les tempéraments apportés à ce concept de ville, ferait, en l’état actuel de nos connaissances, tant du point de vue archéologique que philologique, historique et historiographique, la part trop belle à l’indémontrable. Il n’est donc plus possible, à notre avis, de placer Albe, comme le voulait Alföldi, sur le même plan que Lavinium, l’auteur d’Early Rome and the Latins se plaisant à évoquer « the old capitals of the Latin Tribe »320.

137Il reste, bien entendu, que la légende parle insistamment d’une ville d’Albe : c’est que nombreux étaient les facteurs qui pouvaient œuvrer en ce sens. En complétant l’analyse ici proposée, nous citerons, avec Jacques Poucet321, l’influence du modèle colonial grec qui, via les traditions venues précisément des colonies hellénophones de Grande Grèce, a dû être forte sur la première historiographie romaine, qui fut souvent, du reste, d’expression grecque.

138Cependant, « l’albanité », qui nous est apparue forte, de bien des traits de la civilisation qui s’épanouissait sur le site romain à l’époque latiale, implique sans doute la revendication, par au moins une partie de la population de l’Vrbs, d’une origo Albana322. Le modèle grec n’en devient pas inadéquat pour autant, dans la mesure où lui seul peut expliquer que l’expression de cette dépendance ait pris la forme d’un rapport de métropole à colonie. Nous avions évoqué aussi l’influence possible d’événements historiques, comme la prise de Satricum par les troupes de Valerius en 346. Ajoutons-y aujourd’hui la prise de Frégelles qui, comme le raconte Strabon323, fut détruite par les Romains en 124 av. J.-C., à l’exception de ses temples, que fréquentèrent longtemps encore les habitants des bourgades voisines. Il est permis de penser toutefois, compte tenu notamment de la date de ce second exemple, que ces modèles sont des copies, et que la légende d’Albe était alors déjà formée.

139Un schéma appartenant à l’anthropologie juridique a récemment été mis en lumière par Yan Thomas324 qui a montré comment l’ordonnancement ternaire de la légende canonique des primordia Vrbis, Lavi-nium-Albe-Rome, correspondait au maximum de l’écart entre générations en usage dans les prescriptions du droit romain : en ce sens, la ville de Rome se devait d’avoir une mère qui eût été, comme elle, une ville, fille d’une autre ville.

140Reste enfin ce qui est selon toute apparence la cause, sinon unique – il n’y a pas de cause unique –, du moins majeure, de la formation de la légende d’une ville d’Albe, au-delà du point d’ancrage qu’a pu fournir l’existence d’un habitat sommital : le rassemblement annuel et solennel (c’est tout un) des peuples latins et romain au sommet du mons Albanus325. C’est principalement sous son influence que se sera formé et développé le nom d’une ville, considérée comme métropole précisément en raison du caractère éminemment fédéral de ces fêtes, et parce qu’on imaginait que seul le sanctuaire aurait été conservé. C’est à tort qu’on dissocierait les légendes concernant les Féries Latines de celles concernant la ville d’Albe326 : la localisation de cette dernière sur le mons Albanus, qui est largement majoritaire dans les sources antiques, aussi bien que l’accent mis par la tradition sur la clémence de Tullus et la préservation des sanctuaires de la cité anéantie sont des indices assez sûrs du mécanisme étiologique qui a présidé à la formation de la légende d’une ville d’Albe. Confrontée à l’étrange survivance d’un rite célébré en grande pompe dans un endroit désert327 qui rassemblait chaque année des foules immenses, la mythe-histoire des primordia Vrbis y a bâti imaginairement une ville dont elle a supposé la destruction pour mieux en établir l’existence.

141Si donc Albe ne fut jamais une ville, si sa légende est née du spectacle annuellement renouvelé qui avait lieu sur le mons Albanus, c’est à partir de la liturgie qui y était exécutée que nous pourrons tenter de définir les caractéristiques – non urbaines – de la réalité albaine, et c’est vers la montagne sacrée du nomen Latinum qu’il nous faut maintenant tourner nos regards.

Notes de bas de page

1 R.E., 1, 1894, col. 1301-2.

2 1, 1984, p. 77-79.

3 Cf. Localisation 1986. Sauf nécessité, nous ne reprenons pas le détail des références indiquées dans cette étude.

4 Pour la bibliographie, cf. infra n. 160.

5 Réf. in o.c., infra n. 156 à 158.

6 Cf. Beginnings of Rome, 1995, p. 72 (et déjà son intervention in DdA, 1980, p. 206).

7 Dans son célèbre article du Journal of Philology, 27, 1901, « Alba Longa », p. 37-50, Ashby se contentait de renvoyer, pour cet aspect, à Cluver, où l’on trouve une liste beaucoup plus qu’une exégèse des principaux textes ; le bref chapitre consacré aux sources antiques par l’opuscule de F. Dionisi, La scoperta topografica di Alba Longa, Rome, 1961, prend les textes au premier degré et reste très incomplet.

8 Ainsi G. Chiarucci, in Alba Longa 1996, p. 14 et s., et A. Carandini, Nascita..., p. 224.

9 Italia antiqua, 2, 1624, p. 900 et s.

10 Ann. fg. 4 P2 (HRR) = 5 Chass.= Diod. 7, 5, 4-5 = Sync., p. 366 Dind. ; cf. Cass. Dio, fr. 3, 4 et Eusèbe, Chr. 137K. Voir aussi infra les textes cités (T21) sous le nom de Dion Cassius.

11 Ib., fg. 1 P2 = Cass. Dio ap. Tzetz. ad Lyc. v. 1232, éd. Boiss. 1, p. 2 : le nom de Fabius P. n’apparaissant pas, M. Chassignet, LAnnalistique romaine, 1, Paris, 1996, p. 18, ne prend pas ce fg. en compte.

12 Cf. Cass. Dio, Boiss. 1, p. 4, l. 9 (= Tzetz. ad Lyc. v. 1232) : même remarque que n. préc.

13 Diod. 7, 5, 6 ap. Euseb. Chr. p. 137 K. = 5b Ch. : il s’agit de la traduction (M. Chas-signet, o.c.) du texte arménien de la Chronique d’Eusèbe, où le nom de F.P. n’apparaît pas. Nous hésitons d’autant plus à attribuer ce fragment à Fabius Pictor que le fondateur d’Albe y est Ascagne et non Énée.

14 Fg. 13P2 = OGR 12, 5 = Caton, Origines, 1, fg. 14b, éd.-trad. M. Chassignet, 1986.

15 Fg. 14 P2 = 15 Ch. = Serv., ad Aen. 12, 134.

16 De analogia, ap. Plin., dub. serm., fg. 95 Della Casa = 94 Mazzarino. La traduction est nôtre comme dans les cas suivants où ne figure pas l’abréviation « trad. ».

17 LL, 5, 144, éd. P. Collart, 1955.

18 RR, 2, 4, 18, éd.-trad. C. Guiraud, 1985.

19 De Imag. = Lydus, De mag., 1, 12, éd. A. C. Bandy, 1983, p. 25.

20 Pro Mil., 31, éd.-trad. A. Boulanger, 1949.

21 De Rep., 2, 2, éd.-trad. E. Bréguet, 1980.

22 Enéide, 1, v. 271, éd.-trad. J. Perret, 1977.

23 Ib., 5, 597. Cf. infra n. 90 pour des représentations figurées de cette scène.

24 1, 7, vv. 57 et 58, éd.-trad. M. Ponchont, 1929.

25 5, 3, 2, éd.-trad. F. Lasserre, 1967.

26 Narrat. 46 = FGHist 26 = Photius, Bibl. 186, 140b, éd.-trad. R. Henry, 1962.

27 1, 3, éd.-trad. J. Bayet et G. Baillet, 1954.

28 Ib., 1, 6, 1.

29 Ib., 1, 25, 14.

30 7, 24, éd.-trad. R. Bloch, 1968.

31 Ib., 39.

32 A.R., 1, 66, 2, éd.-trad. V. Fromentin, 1998, p. 175-176.

33 Ib., 4, 49.

34 N.H., 3, 9, 63, éd.-trad. H. Zehnacker, 1998.

35 1, v. 198, éd.-trad. A. Bourgery, 1927.

36 3, v. 87, éd.-trad. : id. Commentaire de cette traduction in Localisation 1986.

37 4, 1, 5, éd.-trad. J. Izaac, 1961.

38 Ib., 64, 13, éd.-trad. : id.

39 5, 1, 1 et 2, éd.-trad. : id.

40 9, 101, v. 12, éd.-trad. : id.

41 13, 109, épigramme prouvant l’existence d’un vignoble impérial sur les monts Albains.

42 Siluae, 3, 1, v. 61, éd.-trad. Izaac, 1944.

43 Ib., 4, 2, 65, éd.-trad. : id.

44 Ib., 5, vv. 1 et 2, éd.-trad. : id.

45 Ib., 5, 2, v. 168-170, éd.-trad. : id.

46 Ib., 5, 3, vv. 36-38. Remarquer le pluriel, montibus, destiné à éluder la localisation sur le Monte Cavo, rappelée néanmoins par l’emploi de mons à la place de l’habituel collibus.

47 Ib., v. 227, éd.-trad. : id.

48 Agricola, 45, éd.-trad. E. de Saint-Denis, 1942.

49 Sat., 4, vv. 60-61, éd.-trad. P. de Labriolle et F. Villeneuve, 19504.

50 Ib., 4, 145 ; A. Courtney, A Commentary on the Satires of Juvenal, 1980, p. 227, considère à tort le choix du mot arx comme un trait polémique et la confond en outre avec l’arx de l’épigraphie (cf. T26).

51 Ib., 12, 70-74, éd.-trad. : id.

52 42, 2-3, éd.-trad. E. Chambry (éd. Garnier), 1936.

53 César, 60, 3, éd.-trad. R. Flacelière et E. Chambry, 1975.

54 Argon., 2, 304, éd.-trad. G. Liberman, 1997 ; trad. Nisard (1849) : « Jupiter Albain du haut de sa colline ».

55 Diu. Iul., 79, éd.-trad. H. Ailloud, 19542.

56 1, fg. 1b, éd. Boiss., p. 2 = Tzetz. ad Lyc. v. 1232. Pour ces textes T21, voir aussi supra les textes cités sous le nom de Fabius Pictor (T1).

57 1, fg. 2, éd. Boiss., p. 4 = Zon., 7, 1.

58 Livre 67, 1, 2 = éd. Boiss., t. 3, p. 164 ; trad. Gros, 1867.

59 Ad Aen., 1, 270, éd. Thilo-Hagen, comme pour les autres réf. à ce texte.

60 Ib., 3, 393.

61 Ib., 5, 598.

62 Ib., 7, 762.

63 Ib., 8, 43.

64 Ib., 12, 134.

65 Ib., 12, 135.

66 Cf. n. 19.

67 OGR, 17, 1, éd.-trad. J. C. Richard, 1983.

68 Etym., 15, 1, 53.

69 Cf. Localisation 1986, p. 49, n. 16.

70 M. G. Granino Cecere, « Sacerdotes Cabenses e Sacerdotes Albani : la documentazione epigrafica », in Alba Longa 1996, p. 275-316 (pl.), dont nous reprenons ici les restitutions et les datations.

71 Cf. in R.E., 1, 1894, et CIL, 14 (Dessau), p. 216-217. Bibl. par R. Martorelli, « Albano Laziale nellalto Medioevo... », in MEFRM, 105, 1993, p. 10.

72 Comme en témoigne indirectement Ulpien, Dig., 30, 39, 8 : si... fundum Albanum, qui principalibus usibus deseruit, legauerit quis, furiosi est talia legata testamento adscribere.

73 Cf. supra p. 282.

74 Depuis Cluver ; voir aussi Ashby, o.c., p.38 ets.

75 Il ne s’agit pas bien sûr de la question de l’existence d’une cité – ciuitas ou urbs – attestée à Albano à partir du ive s. ap. J.-C., mais de la détermination du moment où cette ciuitas prit le nom prestigieux de l’antique métropole mythique : ce vers de Servius nous ferait penser que cette appropriation fut contemporaine de la revendication du statut de ciuitas. Doit-on en voir la preuve dans le titre de cet évêque participant au concile de Milan en 355, ce Dionisius episcopus metropolis Albae : cf. Socrates Sozomène, Hist. ecclesiastica, 2, 36 = Patr. Graec., 67, 1859, c. 302, cité en ce sens par R. Martorelli, o.c., p. 12 (bibl. n. 28) ?

76 O.c., p. 54.

77 Sur lesquelles on verra la contribution de G. Cavallo à la Storia di Roma, 4, 1989 Schiavone éd., p. 267 et s.) ; sur les prolongements médiévaux de cette imagerie, cf. P. Arnaud in MEFRM, 96, 1984, p. 537-602.

78 En raison de sa transmission doublement indirecte, le traité de Pline où figurait la citation de César n’étant lui-même connu que par des grammairiens tardifs : cf. A. Della Casa, Il Dubius Sermo di Plinio, Gênes, 1969 ; la raison de la disparition des libri analogiae de César comme de ses autres scripta minora est, à notre avis, donnée par Suétone : quos omnis libellos uetuit Augustus publicari (Diu., 56, 9). Sur cette œuvre perdue de César, voir H. Dahlmann, « Caesars Schrift über die Analogie », in RhMus, 84, 1935, p. 258-275.

79 Cf. les mots de son éloge funèbre en l’honneur de sa tante Julie : a Venere Iulii, cuius gentis familia est nostra (Suét., ib., 6, 2) : cf. infra p. 813.

80 Cf. supra p. 320 et s.

81 À moins d’y voir un argument en faveur de l’appartenance du Monte Cavo au territoire d’Aricie.

82 O.c., p. 66-67.

83 Röm. Gesch., 1926, p. 152. C. Ampolo considère encore la présence d’Alba dans le texte plinien comme une erreur : cf. Alba Longa 1996, p. 147.

84 O.c., p. 60.

85 Sur l’opposition entre César et Caton d’Utique, cf. H. J. Tschiedel, Caesars « Anticato », 1981.

86 CIL, 12, 1439 = 14, 2387 = Dessau, ILS 2988 = ILRP 270. Texte : Uediouei patrei / genteiles Iuliei / Uedi(ou)ei aara / leege Albana dicata. Il s’agit d’un autel trouvé en 1826 en remploi près du cirque de Bovillae ; date : fin iie s. av. J.-C. Bibl. in CIL, 1, 2, 4 (1986), p. 987. Rajouter : De Rossi, Bouillae, 1979, p. 299 et 303.

87 On sait que cette question fait l’objet d’un débat : comparer J. Carcopino, dans le sens d’un César aspirant au trône, César, 1936, passim ; contra, C. Meier, César, Paris, 1989, p. 456 et s.

88 Cf. notre Localisation 1986, p. 55 ; nous avons été suivi par Cecamore 1996, p. 63. Voir maintenant notre article, « Arx Albana... », o.c.

89 Ainsi Troie, dans l’Iliade, est-elle εὐτείχεος (1, 129), εὔπυργος (7, 71) ou encore ὑψίπυλος (16, 698).

90 Sur ces deux monuments, cf. D. Bonanome, « Iconografia dei miti Albani », in Alba Longa 1996, p. 161 et s. Il n’est pas sûr qu’il s’agisse d’Albe sur la frise de la basilique Aemilia : ib., p. 167 et 195. En tout cas, l’insistance sur les murs de la cité, dans la poésie comme dans la peinture, est, nous semble-t-il, une allusion au syntagme moenia ponere/condere, dont J. P. Brachet a montré l’ancienneté : « Moenia ponere. Une manière archaïque de désigner la fondation d’une cité en latin », in Hommages à C. Deroux, 2, Bruxelles, 2002, p. 64-75.

91 1, 29, 1 ; cf. aussi D.H., 3, 31, 1.

92 Voir Localisation 1986, p. 49, n. 16.

93 Et faisant écrire à Ashby, o.c., p. 50 : « The only obstacle to the identification here proposed is the passage of Dionysius I, 66, according to which the site of Alba must be sought on the E. side of the lake », tandis que Lugli (« Dove sorgeva Alba Longa ? », in Nuova Antologia, 16/08/1929, p. 522-528, repris in St. minori di topografia antica, Rome, 1965, p. 354) tranchait : « Il passo di Dionigi non è genuino ». C’est pourtant le texte antique le plus précis !

94 Hülsen, R.E., 1, 1894, c. 1301-2, aussi bien que Dessau, CIL, 14, p. 231, n. 4, soulignent l’incertitude quant au lieu de célébration des rites qu’accomplissaient les Vestales albaines. Tout au moins peut-on supposer qu’elles ne devaient pas résider loin de Bovillae, et peut-être dans cette ville même (De Rossi, Bouillae, 1979, p. 299), puisqu’elles furent les premières informées de l’assassinat de Clodius qui avait eu lieu paulo ultra Bouillas (Ascon., 148, 41, 15) : cf. Localisation 1986, p. 62 et M. G. Granino Cecere, in Alba Longa 1996, p. 308-309. Parlant du sommet du Monte Cavo, les textes T1a, T9b et d, et T12 a et b font, à notre avis, allusion à cette arx Albana. Sur tout le dossier, voir notre « Arx Albana... », o.c.

95 Cf. réf. in Localisation 1986, p. 63, n. 79 (Lugli, Castagnoli, De Sanctis).

96 Cf. son Voyage en Italie et en Sicile, 1828, 1, p. 388.

97 Pline, Paneg., 47, 4, hanc (Palatinam) arcem ; Stace, Silu., 4, 1, 7, Euandrias arces ; cf. aussi Sil. Ital., Punic., 1, 14 et peut-être déjà Hor., carm. saec., 65. Observons que de très importants travaux furent exécutés par Domitien afin de consolider les substructures du palais et de la colline dont ils augmentèrent notablement l’élévation, notamment au-dessus du Forum : cf., e.g., M. Steinby éd., Lacus Iuturnae I, 1989, p. 151 (J. Aronen).

98 Cf. supra p. 460 : de la sorte, non seulement ces textes flaviens ne sauraient être utilisés en faveur d’une Albe à Castel Gandolfo, mais ils contrediraient même totalement cette théorie.

99 Cf. par ex. F. Coarelli, Dintorni..., p. 168 : « La villa Albana di Domiziano avrebbe occupato in parte il sito di Alba Longa, come testimoniano alcuni autori antichi, in particolare Marziale (V, 1) e Giovenale (IV, 60), le cui indicazioni sono dunque preziose anche per identificare la posizione di Alba. »

100 Liv., 1, 29 ; D.H., 3, 27 et 29 ; Strab., 5, 3, 4.

101 Localisation 1986, p. 63 ; « Arx Albana... », o.c.

102 Ep., 4, 11 : «... usant de son droit de souverain pontife ou plutôt de la cruauté d’un tyran, avec le sans-gêne d’un maître, il convoqua les pontifes non pas dans la demeure du roi des sacrifices, mais dans sa villa d’Albe... », éd.-trad. A. M. Guillemin, 1927.

103 Cf. Ov. (Fast., 4, 449) ; on sait que la réalité d’un temple est contestée : cf. A. Fraschetti, Rome et le Prince, 1993, p. 355 et s. (avec bibl.) qui en rappelle le peu de vraisemblance. Les sources parlent en effet seulement d’un signum et d’une ara.

104 T14d. Parallèlement, le princeps, lorsqu’il réside au Palatium, est souvent comparé à Jupiter (Tonans) par Martial (cf. Lugli, FTUR, 8, n° 320, 323, 343, 344, 349, 350, 351) et par Stace (n° 327).

105 Cf. Hist. Aug., Av. Cass., 9 et CIL, 14, 2307 ; sur le mariage de Marc Aurèle avec Faustine, cf. P. Grimal, Marc Aurèle, Paris, 1991, p. 54.

106 Cf. son Essai sur le règne de lempereur Domitien, 1893, p. 75-89 et 134 ; aussi in Les Années Domitien, J. M. Pailler et R. Sablayrolles éd., 1992, in Pallas, 40, 1994 (où, p. 8, il est question « d’Albe... »), R. Darwall-Smith (o.c. supra p. 81) : nous ne pensons pas que le nom d’arx Albana donné à la villa par Tacite et Juvénal ne soit dû qu’à la mauvaise réputation de l’empereur (p. 148 et 157).

107 Localisation 1986, p. 64-66.

108 F. Coarelli, o.c., p. 79, considère comme probable que le nymphée ait appartenu à la villa.

109 Cf. C. Van Oethegem, Pompée le Grand, 1949, p. 226 et s. ; sur les thèmes de la propagande pompéienne d’alors, cf. G. Sauron, in LUrbs. Espace urbain et histoire, 1987, p. 464 : « Une allusion d’Appien nous montre que les Dioscures, les Argonautes, Prométhée et Héraclès furent cités à propos de la marche de Pompée vers la Caspienne (Mith. 478) ». Or ce passage mentionne précisément Jason et Héraclès en relation avec les Albani.

110 C’est pourquoi clarissimi signifie, à notre avis, à la fois « entre tous clair » (trad. J. C. Richard, OGR) et « célèbre entre tous » (trad. M. Chassignet, Caton, Origines).

111 Pour la doctrine albaine de ce dernier, cf. infra p. 785 et s. Il est donc inexact de dire, comme le fait G. d’Anna (in Alba Longa 1996, p. 102), que « nessuno parla della fondazione di Alba ad opera di Enea ».

112 Voir supra p. 274, et Cass. Dio 50, 8.

113 Cf. supra p. 106 pour la source et p. 282 pour Auguste.

114 O.c., p. 39, n. 2 (renvoyant à Lanciani, BC, 1884, p. 195). Sur le cursus de Messala, cf. J. Carcopino in R.Ph., 20, 1946, p. 96-117.

115 Cf. G. McCrahen, in A.J.Ph., 53, 1932, p. 344-352. La Latina passait au pied de Tusculum. Si Alba est dite candida par Tibulle, ce n’est pas seulement parce que les hauteurs de Tusculum étaient couvertes de villas, dont la silhouette blanche s’apercevait de Rome, comme l’écrit P. Murgatroyd (A Commentary on the First Book of the Elegies of Albius Tibullus, 1980, p. 230) qui cite à ce propos Hor., Epod., 1, 29, mais aussi, à notre avis, en fonction de la légende de la fondation de la métropole latine et du prodige de la laie blanche.

116 A.R., 1, 66.

117 CIL, 6, 1851 et 14, 2405, 2406, 2409, 2411.

118 Selon E. Seyfried, Die Ethnika des alten Italiens, 1951, p. 173, avec un toponyme Alba Longa vraiment usité, on aurait dû avoir Albani Longi ou Albalongani. Le redoublement du suffixe -ani s’expliquerait par l’existence antérieure du seul Albani et prouverait qu’Alba Longa n’a jamais existé en tant que toponyme réel. L’ethnique ainsi fabriqué aurait ensuite servi de modèle à Fabraterni Nouani. La forme Bouillenses est curieusement absente de l’étude de H. Gähwiler, Das lateinische Suffix -ensis, 1962.

119 O.c., p. 37, n. 2. On ne saurait donc dire, comme le fait S. Quilici-Gigli (BTCGI, 5, 1987, p. 85), que le savant anglais s’y livre à « una disamina delle fonti antiche ».

120 O.c., p. 67 ; p. 61 pour Stace, p. 62-64 pour Juvénal.

121 Cf. déjà les réflexions de L. Homo, LItalie primitive et les débuts de limpérialisme romain, Paris, 1925, p. 89.

122 Cf., chez chacun de ces auteurs, les expressions désignant Castel Gandolfo comme le « centro maggiore » (Encicl. Virgiliana, 1, 1984, s.v. Alba Longa, p. 77-79) ou « dominante » (Dintorni..., p. 66) ; voir aussi Momigliano, in CAH2, 1989, p. 65 (= Roma Arcaica, p. 14) ; Pallottino, Origini di R., p. 125-126 ; S. Quilici-Gigli, « Ubicazione di A.L. », in PP, 1984, p. 148, « centro di Alba ». L. Crescenzi et E. Tortorici, in Enea nel Lazio, 1981, p. 18-19, parlent d’ » epicentro ». De son côté, The Princeton Encyclopedia of Classical Sites, 1976, p. 33, pose, sans hésiter, l’équation « Alba Longa (Castel Gandolfo) », ce que fait aussi Der Neue Pauly, 1, 1996, c. 437.

123 Ashby, « Alba Longa », p. 37 ; Last in C.A.H., 7, 1928, p. 401 ; Lugli in Enciclopedia ital., 2, Rome, 1929, s.v. Alba Longa, p. 90 ; Quilici-Gigli, « A proposito delle ricerche sull’ubicazione di A.L. », in PP, 39, 1984, p. 140-149 (p. 147).

124 Colonna 1974, p. 292.

125 Ib., p. 317.

126 En ce sens, P. Chiarucci in Alba Longa 1996, p. 14 et s., et p. 332 ; A. Carandini, Nascita..., p. 533, et Remo e Romolo, o.c., p. 44 : Alba Longa = arx A. = hauteurs, de Cappuccini à Pescaccio.

127 Cf. Localisation 1986, p. 72 (avec bibl.) et déjà W. R. Bryan, Italic Hut Urns..., p. 9.

128 Bologne Villanovienne et Étrusque, 1912, p. 47 et s. (p. 56).

129 Pour ce qui suit, cf. le cadre général tracé in Roma e il Lazio, 1985, p. 113 et s.

130 Fondamental pour tout ce qui suit est l’ouvrage de F. Di Gennaro, Forme di insediamento tra Tevere e Fiora dal Bronzo finale al principio dell età del Ferro, 1986 : cf. p. 102. Le lac de Bracciano est le lacus Sabatinus des Anciens et celui de Mezzano se trouve sur le territoire de Viterbe.

131 Cf. C. E. Östenberg, Luni sul Mignone... ; F. Di Gennaro (o.c. supra), p. 28-29, qui évalue la surface de l’habitat à 5,5 ha au Bronze final.

132 Cette continuité d’occupation entre le Bronze et le Fer est universellement considérée comme une originalité du Latium ; elle semble aussi caractériser la Sabine, à en juger par les fouilles de Magliano Sabina : cf. P. Santoro in Arch. Laz., 9, 1988, p. 335.

133 Cf. Preistoria e protostoria nel territorio di Roma, 1984 (A. M. Bietti Sestieri éd.), p. 160 et s. ; pour les autres sites, voir par ex. Roma e il Lazio, o.c., passim.

134 Cf. Di Gennaro, o.c., avec la suggestive carte 6. Pour les autres sites, ib., passim.

135 On se reportera à la synthèse classique de F. Audouze et O. Buchsenschutz, Villes, villages et campagnes de lEurope celtique, 1989, p. 233 et s. ; ces auteurs signalent eux-mêmes (p. 320) les analogies avec les situations décrites dans l’ouvrage cité infra n. 136.

136 J. Chapelet et R. Fossier, Le Village et la maison au Moyen Âge, Paris, 1980, p. 73.

137 On se bornera ici à renvoyer à la synthèse éditée par J. Vital, Habitats et sociétés du Bronze final au Premier Aˆ ge du Fer dans le Jura, 1993, p. 199 et s. Voir aussi infra p. 495.

138 Cf. Les Habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement, publié par M. Colardelle et E. Verdel, 1993, p. 332 et s. On y verra notamment l’exemple du site de Vers Ars dont la destruction donna naissance à une légende particulièrement intéressante (p. 353) pour notre propos.

139 Les références exactes aux œuvres dont les auteurs sont nommés ici sont données par : Ashby, o.c., p. 42 et s. ; Localisation 1986, p. 68-70 ; S. Quilici-Gigli, s.v. Castel Gandolfo, in BTCGI, 5, p. 85 et s. Ne sont précisées ici que les références non citées dans ces études.

140 Capmartin de Chaupy, Découverte de la maison de campagne dHorace, t. 1, 1767, p. 42; Lalande, Voyage en Italie, 17862, t. 6, p. 359. A. Carandini, Nascita..., p. 533 (avec erreur sur notre propre théorie)

141 Voir supra p. 283 et s.

142 Dès 1884 (in Arch. Soc. Rom. St. Patria), avant Ashby, donc, comme le rappelle G. Prosperi Valenti, « I Loca Albana... », in Alba Longa 1996, p. 86, selon qui le premier moderne à remettre en circulation la théorie d’Holstein fut un jeune Russe, N. Wendt, en 1867 ; en réalité, Canina l’avait précédé : cf. Bull. Inst., 1854, p. 103.

143 Dans la troisième édition, datée de 1993, de sa synthèse Rome et la Méditerranée occidentale..., il considérait la non-existence d’Albe en tant que ville comme « un résultat certain de la critique récente » (p. 428).

144 Cf. Le urne..., p. 200 (avec de justes réserves).

145 Cf. Community Osa, p. 236.

146 Cf. Origini di R., p. 126. Citons également A. Arnoldus-Huyzendveld, « Nota preliminare sull’interpretazione di Alba Longa come ‘dorsale illuminata dal sole’ », in Doc. Alb., II s., 21, 1999, p. 25-42 (avec discussion par P. Chiarucci, p. 43-50).

147 De la même manière, jadis, la localisation de l’aqua Ferentina à Capo d’Acqua près de Marino fournissait à M. S. De Rossi un argument précieux.

148 Car en diachronie il est fréquent de voir des habitats de sommité descendre dans la plaine le long de voies de communication : cf. P. Brunhes, La Géographie humaine, 1, 3e éd., p. 207.

149 G. Prosperi Valenti, o.c. supra n. 142.

150 Sur Orioli, cf. G. Colonna, in Les Étrusques et lEurope, exposition, Paris, 1992, p. 323.

151 Cf. supra p. 303. De même, les récentes découvertes provoquent une localisation d’Albe sur l’Artemisio : cf. R. Bellucci et alii, Longa Alba, Alba Longa, ipotesi sulla sua ubicazione, Ariccia, 1996.

152 Il s’agit de Francesco Barberini (1597-1679) : cf. Dizionario Biogr. Italiani, 6, 1964, p. 172-176 (A. Merola). Cardinal dès 1623, bibliothécaire de la Vaticane de 1627 à 1636, fin lettré, il déploya une intense activité de mécénat, surtout après la mort de son oncle (1645). Voir Tomassetti, C. R., 2, p. 184 et s. pour la transformation de Castel Gandolfo, propriété papale depuis 1596. Rappelons-en les principales étapes : 1611, assèchement du lacus Turni ; 1625-1628, travaux d’Urbain VIII et construction du Palais pontifical par Maderna ; 1662, église S. Tommaso di Villanova par Le Bernin.

153 Dont la publication posthume (1666) fut précisément assurée par le cardinal Barberini. Dans ces In Italiam antiquam Philippi Cluuerii Annotationes, on lisait (p. 180) qu’Albe aurait été située ad meridionalem (lacus ripam) in longo illo dorso, quod supra Castellum-Gandolfi porrigitur [remarquer la reprise des termes liviens] : in quo postea Domitiani uilla maxima fuit. Sur Holstein, cf. Neue Deutsche Biogr., 9, 1972, 548-550 (P. Fuchs) où il est défini comme un « pré-Winckelmann » ; il avait en 1618 parcouru l’Italie en compagnie de Clu¨ver ; en 1653, il fut nommé Premier Custode de la Vaticane.

154 1, 3, 3 : porrectae in dorso urbis. Il est vrai que c’est la meilleure manière d’utiliser l’espace sur une crête.

155 Colonna 1988, p. 447. Dans le même sens, A. Bernardi in Storia di Roma, 1, 1988 Momigliano, A. Schiavone éd.), p. 190 (« tra Castelgandolfo e Grottaferrata »).

156 Cf. Pinza in BCAR, 1900, p. 161 et s., R. Werner, Der Beginn der röm. Republik, 1963, p. 374, n. 2 ; E. Tortorici et L. Crescenzi, in Enea nel Lazio, p. 18 ; J. Poucet, Origines de Rome, 1985, p. 295, et « Albe dans la tradition et l’histoire des origines de Rome », in Hommages J. Veremans, 1986, p. 238-258 ; T. J. Cornell in DdA, 1980, p. 206, et Beginnings..., 1995, p. 72.

157 Cf. Latium und Rom, Strasbourg, 1878, p. 121 : « Sowohl die Zerstörung wie die historische Existenz einer Stadt dieses Namens vollständig in der Luft schwebt. »

158 Cf. St. di R., 1, 1898, p. 193 : « Alba Longa, una città che ignoriamo se realmente sia esistita e della quale conosciamo soltanto la mitica fondazione e la leggendaria distruzione. » Quinze ans plus tard, conformément à une évolution qui caractérise toute son œuvre, il parlait dans sa St. critica di Roma, 1, 1913, p. 272, d’ » Alba Longa, la città che esisteva ab antiquo nella località in cui oggi è Castel Gandolfo » (en renvoyant à l’article d’Ashby).

159 Cf. J. B. Ward-Perkins, « Veii. The historical topography of the ancient city », PBSR, 29, 1961, et e.g. T. W. Potter, A Faliscan Town in South Etruria, 1976. À l’origine de ce mouvement de recherches, il y a l’article mémorable de V. G. Childe, « The Urban Revolution », in Town Planning Review, 21, 1950, p. 3-17.

160 Pour un panorama des débats récents sur le proto-urbain, voir : A. Guidi, M. Piperno, Italia preistorica, 1992, p. 431-435 ; A. Carandini, Nascita..., p. 457 et s. ; cf. aussi infra n. 167, 176 et 194 et A. Ziolkowski, « The aggeres... », in Archeologia, 56, 2005, p. 31 et s.

161 Cf. la remarque d’A. Bietti et alii, in Arch. Laz., 9, 1988, p. 396.

162 Cf. P. Chiarucci in Alba Longa 1996, à propos des nouvelles trouvailles d’Albano rapportées, p. 14, à une manière de « ville interdite », et interprétées plus raisonnablement, p. 323 et s., à un lieu de culte extra-urbain.

163 Cf. R. Peroni, 1989, p. 439.

164 Le débat actuel sur le village du Germal illustre beaucoup des apories ici décrites : comparer P. Brocato, ap. A. Carandini, Nascita..., p. 618 et s., et C. Angelelli, JRA, 12, 1999, p. 5 et s.

165 La seconde lecture est la plus courante ; on a longtemps dit que la césure entre l’habitat dispersé du Bronze et les grandes concentrations proto-urbaines du Fer aurait été moins marquée à Véies, par ex., qu’à Tarquinia ; cf., e.g., G. Bartoloni, in Opus, 2, 1983, p. 442. Insistait déjà sur les continuités entre protovillanovien et villanovien, B. d’Agostino, in Civiltà degli Etruschi (exp.), Florence, 1985, p. 43 et s. On place aujourd’hui le début du proto-urbain étrusque au Bronze final : cf. R. Peroni, LItalià..., p. 470.

166 Voir les observations de G. Bartoloni, « La storia del popolamento nell’Etruria meridionale protostorica : aspetti e problemi », in ARID, 15, 1986, p. 7-37, et ead., Evoluzione negli insediamenti capannicoli dellItalia centrale tirrenica, Florence, 2001.

167 Pour le Latium, le débat a été rouvert par les travaux d’A. Guidi, notamment son article « Sulle prime fasi dell’urbanizzazione nel Lazio protostorico », in Opus, 1, 1982, p. 279-290, où cet archéologue dénonçait le caractère vague et inopérant du concept de « Stadtwerdung », mis en avant par Müller-Karpe. Suivit, dans la même revue, une discussion collective de grand intérêt sur ces thèmes : « Nascita di una società urbana a Roma e nel Lazio », in Opus, 2, 1983, p. 425-449.

168 Cf. notamment les remarques de C. Ampolo et F. Coarelli dans le débat cité ci-dessus.

169 On se référera utilement aux denses réflexions développées par R. Peroni, 1989, p. 426-461, et id., LItalià..., p. 414, et p. 468 et s.

170 Cf. en ce sens M. Guaitoli, in Ricognizione archeologica. Nuove ricerche nel Lazio, Quaderni dell’Ist. di Topografia antica Un. di Roma, 9, 1981, p. 80 ; R. Peroni, 1989, p. 429.

171 O.c. supra n. 130.

172 C’est le titre donné à l’un de ses chapitres par G. Bartoloni dans sa synthèse, La cultura villanoviana, Florence, 1989.

173 Cf. F. Di Gennaro, o.c., p. 143-144.

174 Cf. R. Peroni, in Opus, 2, 1983, p. 436.

175 Et par les auteurs de synthèses : cf., e.g., A. M. Bietti Sestieri, Community Osa, p. 48 ; R. Peroni, LItalià..., p. 496 ; A. Carandini, Nascita..., p. 481 et s.

176 La Blanchère, o.c., p. 67, avait déjà esquissé une utile classification ; voir M. Pacciarelli, « Topografia dell’insediamento dell’età del bronzo recente nel Lazio », in Arch. Laz., 2, 1979, p. 161-170, et id., Dal villaggio alla città. La svolta protourbana del 1000 a.C. nellItalia tirrenica, Florence, 2001.

177 Pour ce qui suit, cf. supra p. 35 et s. ; on se référera également aux suggestives photographies reproduites in Larea dei Castelli Romani, sous la dir. de T. Paris, 1981. Plusieurs de ces communes ont aujourd’hui un site Internet où l’on trouvera de nombreuses prises de vue.

178 Cf. Colonna 1974, respectivement p. 298 et p. 308.

179 Cf. Alba Longa 1996, p. 33 (F. Arietti) ainsi que les rubriques ad loc. dans notre chapitre « Présences ».

180 Cf. o.c. supra, p. 38.

181 Stadtwerdung, p. 41-43, qui situe ce transfert « nach der Stufe II A ».

182 « Alcune osservazioni sul popolamento dei Colli Albani in età protostorica », Riv. Arch., 6, 1982, p. 31-34.

183 Cf. notamment P. Chiarucci, « Documentazione arch. nell’area albana », et F. Arietti, « Gli Albani... », in Alba Longa 1996, p.11 et s. et p. 31 et s.

184 F. Arietti, o.c., p. 40.

185 Id., ib.

186 « Sviluppi verso lurbanizzazione nellItalia tirrenica protostorica », in La Presenza etrusca..., 1994, p. 227-253 (partic. p. 241) ; A. M. Bietti Sestieri lévalue, quant à elle, à 4,5 km : cf. Community Osa, p. 235.

187 Quelques cas d’incertitudes, M. Pacciarelli, n. 43 de l’o.c. supra : les estimations peuvent varier du simple au double, voire davantage (ex. de Tusculum, Lanuvium et Velletri).

188 Cf. M. Pacciarelli, o.c., p. 241, citant notamment les travaux de Chiarucci et Guidi ; seuls des centres comme Tusculum, Lanuvium et Velletri ont peut-être atteint 20 ou 30 ha, ce qui n’en fait que des « centri maggiori di secondo ordine ». Ce critère de la surface des habitats doit du reste être utilisé avec la plus grande prudence, car les sites n’étaient pas occupés de façon dense : cf. A. Ziolkowski, « The aggeres... », o.c., p. 45.

189 Cf. F. Arietti, o.c., n. p. 40 ; sur les fortifications latiales, cf. L. Quilici, « Le fortificazioni ad aggere nel Lazio antico », in Ocnus, 2, 1994, p. 147-158.

190 Cf. la démonstration ad abundantiam, à partir d’ex. grecs, de C. Ampolo, in I Greci, S. Settis éd., 2, 1, 1996, p. 331 et s. Voir cependant l’intéressante discussion en 1977 dans Il Bronzo finale in Italia, 1979, p. 44-45, entre G. Colonna et M. Pallottino qui considérait comme paramètre valide du proto-urbain la construction d’une fortification.

191 Voir notre Fondation de Rome, chap. 9, ainsi que notre étude, « La Roma Quadrata : mythe ou réalité ? », in MEFRA, 105, 1993, p. 493-545.

192 Comme le soulignait F. Coarelli dans le débat (in Opus, 2) cité supra ; sur ce thème, les réflexions d’E. Sereni, « Città e campagna nell’Italia preromana », in La città etrusca e italica preromana, G. Mansuelli et R. Zangheri éd., 1970, p. 109-128, n’ont rien perdu de leur pertinence.

193 Cf. supra p. 472.

194 Voir Tarquinia. Testimonianze arch. e ricostruzione storica, M. Bonghi Jovino et C. Chiaramonte Treré éd., Rome, 1997, p. 146 et s. (M.B.J.).

195 Cf. les rubriques ad loc. dans le chap. « Présences ».

196 Cf. Remo e Romolo, o.c., p. 44.

197 Cf. supra p. 311 et s.

198 Cf. F. Arietti, in Alba Longa 1996, p. 41, et supra p. 232.

199 Cf. supra n. 117.

200 ERL, p. 241 et s.

201 Avec P. Chiarucci, in Alba Longa 1996, p. 12.

202 Cf. supra p. 280.

203 Localisation 1986, p. 75.

204 O.c. supra n. 181.

205 O.c., p. 317, parlant (ib., p. 308) d’un « pressoché completo uacuum di documentazione » pour la période III.

206 On pourra se référer aux réflexions formulées à l’occasion du colloque San Giovenale. Materiali e problemi, Stockholm, 1984 (S. Forsberg, B. E. Thomasson éd.) : I. Pohl, p. 95, et discussion collective, p. 97 et s. Pour les monts Albains, cf., e.g., E. J. Smith, Early Rome and Latium, Oxford, 1996, p. 51 et s., et p. 239.

207 Comme l’a souligné A. Guidi, o.c. (RdA, 1982), le caractère occasionnel des trouvailles faites entre 1816 et 1964 explique qu’elles aient surtout mis au jour des nécropoles ; des fouilles méthodiques, seules capables d’identifier des habitats, ne furent entreprises qu’à partir des années 1960 et hors des monts Albains. Le site du Monte Cavo fut-il simplement abandonné ou détruit ? La réponse à cette question pourrait avoir une certaine importance, mais est-elle encore possible ?

208 Bibl. : C. J. Smith, Early Rome and Latium, p. 239 et s.

209 Cf. supra p. 266 et s. Voir aussi F. Arietti, o.c., qui cite les nouvelles tombes de Lariano (Velletri) et du Monte Crescenzio.

210 Sur Castel di Decima, voir la très riche bibliographie rassemblée par F. Zevi in BTCGI, 5, p.68 ets.

211 S. Quilici-Gigli, « Ubicazione di A.L. », in PP, 1983, p. 149.

212 F. Arietti, o.c., p. 33.

213 Voir supra p. 211 et s.

214 Tels que G. Colonna 1974, p. 448 et M. Pacciarelli, o.c. supra n. 176. Ont également adopté la thèse du dépeuplement, qu’on peut considérer comme une adaptation de celle de l’abandon : Pallottino, in CLP, p. 52 et in Origini di R., p. 142 (« palese declino ») ; M. Bietti Sestieri (et alii), in DdA, 1980, p. 47 et s. ; ead., Roma e il Lazio..., p. 154 ; ead., Community Osa, p. 239 ; J. Poucet, Origines de Rome, p. 147.

215 Cf. F. Arietti et P. Chiarucci in Alba Longa 1996, p. 31 et s. et p. 11 et s., ainsi que l’ensemble de notre seconde partie, p. 179 et s.

216 R. Peroni, 1989, p. 441 et s.

217 Remo e Romolo, o.c., p. 117 et s.

218 G. Colonna parlait en 1983 d’une antériorité de l’Etrurie, « di qualche decennio » (in Opus, 2, p. 434), et en 1988 (o.c., p. 448) d’un « sensibile anticipo » ; cf. aussi C. J. Smith, o.c., p. 44-48.

219 Voir les notices ad loc. in C. J. Smith, o.c., p. 239 et s. Bibl. in M. Pacciarelli, « Sviluppi... », p. 243.

220 « The aggeres... », o.c.

221 Italic Hut Urns..., p. 151 avec renvoi au Bull. di Paletnologia, 1910, p. 122 (non uidi). Bryan citait aussi l’ex. de Narce.

222 « L’origine des villes protohistoriques de l’Italie centrale », présenté d’abord au 1er Congrès d’Archéologie slave, à Varsovie, en 1965, et publié in Saggi..., 2, 1979, p. 138-146 (avec une bibl. où Bryan n’est pas cité). L’année même où il publiait en Pologne cette contribution, Pallottino présentait dans sa synthèse sur « le origini di Roma » parue dans l’ANRW, 1, 1, p. 22 et s., une vision plus traditionnelle des rapports Rome-Alba Longa (p. 40).

223 Citons seulement, ib. : « Le passage du système à villages rapprochés et coordonnés à l’organisme de la ville unitaire et délimitée paraît être un des motifs les plus caractéristiques de l’urbanisation en Italie » (p. 139) et : « Le rapport géographique et historique de Rome avec Alba Longa est donc un rapport de succession d’une ville historique unitaire, organisée, située plus ou moins en plaine, à un groupement préhistorique et préurbain de plusieurs villages coordonnés, s’appuyant aux penchants d’un massif » (p. 145).

224 Cf. P. Gros, M. Torelli, Storia dellurbanistica. Il mondo romano, 1988, p. 8 et s. pour un essai de typologie comparée.

225 Cf. notre bilan, Les Origines de Rome, Paris, 2003, p. 65 et s.

226 Comme la montré G. Colonna, « Un aspetto oscuro del Lazio antico. Le tombe del vi-v secolo », in PP, 32, 1977, p. 131 et s.

227 Cf. supra p.60 et s.

228 A. M. Bietti Sestieri, Community Osa, p. 247.

229 G. Bartoloni, « Ancora sulle urne a capanna... », o.c., p. 159.

230 Il s’agit de Fest., 424L : Sacrani appellati sunt Reate orti, qui ex Septimontio Ligures Siculosque exegerunt ; nam uere sacro nati erant. Ce lemme accrédite une chronologie prépalatine du Septimontium. Voir aussi D.H., 1, 16 et le commentaire de P. M. Martin in Latomus, 32, 1973, p. 23 et s. Sur le caractère essentiellement italique et sabin du phénomène, cf. J. Heurgon, Trois études sur le « Ver sacrum », Bruxelles, 1957.

231 Cf. L. Quilici, Roma primitiva..., p. 220-221 ; A. Momigliano, in CAH2 (1981), 1987, p. 58 (= Roma arcaica, p. 10) et T. J. Cornell, Beginnings..., p. 284 ; A. Carandini, Nascita..., p. 150.

232 Cf. Liv., 1, 6, 1 et 1, 28, 8 ; comparer aussi 1, 6, 3 et supererat multitudo Albanorum Latinorumque avec D.H., A.R., 3, 31, 4 où il est dit d’Albe qu’elle connut durant son existence « une notable croissance démographique » : πολλὴν ἔσχεν ἐπίδοσιν εἰς εὐανδρίαν. On pense aussi à la iuuentus Latina que Solin (1, 1 ; i.e. Varron) met en relation avec la première occupation du site romain.

233 Voir sur cet aspect J. P. Neraudau, La Jeunesse romaine à lépoque républicaine, 1978, p. 368 et s. Sur le sens de pubes, cf. J. P. Morel, in REL, 42, 1964, p. 375 et s. (p. 382).

234 Expression empruntée à A. Guidi et M. Piperno, Italia preistorica, 1992, p. 426. Voir aussi G. L. Carancini, Gli insediamenti perilacustri delletà del bronzo e delle prime età del ferro, Acquasparta, 1985.

235 Cf. Pinza, Mon. prim., p. 371 ; Pallottino, « Sulla cronologia... » (1960), in Saggi..., 1, p.115 et s.

236 Cf. Necropoli Osa, p. 491 et s.

237 Cf. A. M. Bietti Sestieri, Community Osa, p. 60.

238 Cf. par ex. M. Pallottino, Origini di R., p. 127 (et déjà en 1972 in ANRW, 1, 1, p. 31).

239 Sur ce problème, cf. infra p. 711 et s.

240 Cf. L.T.U.R., 3, 1996, s.v. montes (A. Fraschetti).

241 Voir par ex. in Demographie der Bronzezeit..., les contributions de R. Peroni, F. di Gennaro et M. Pacciarelli ; A. Carandini, Nascita..., p. 371, et id., Remo e Romolo, o.c., p. 230.

242 On se reportera pour cet argument et ceux du même type aux travaux d’Ashby, de Lugli et S. Quilici-Gigli cités supra.

243 Pour l’emplacement de la villa de Clodius, cf. Localisation 1986, p.65 ets.

244 À supposer que le lieu où il fut trouvé (l’amphithéâtre) ait correspondu à son emplacement d’origine.

245 IG, 14, 1118 et 1119, dédicaces en grec, aujourd’hui perdues ; selon une équivoque qui n’est pas sans signification, ces inscriptions, dont la provenance est sûre (cf. Ashby, PBSR, 5, p. 401), sont incluses dans la notice « Castel Gandolfo » de la BTCGI (S. Quilici-Gigli). Sur leur conservation par Carnevali, cf. P. Chiarucci, « Viabilità... », in Alba Longa 1996, p. 331, n. 28.

246 Cf. NSA, 1889, p. 163 ; G. Prosperi Valenti, « Loca Albana... », in Alba Longa 1996, p. 76 et 97 (et fig. 1).

247 CIL, 14, 2140 (158 ap. J.-C.). Pour les autres, cf. M. G. Granino Cecere, « Sacerdotes... », in Alba Longa 1996, p. 275 et s. On ne peut donc pas dire (avec par ex. F. Coarelli, Dintorni..., p. 71) que ces prêtrises prouvent une Albe à Castel Gandolfo.

248 Cf. W. Hermann, Römische Götteraltäre, 1961.

249 Cf. A. Magdelain, De la royauté et du droit de Romulus à Sabinus, 1995, p. 37 : « Albe ne se laisse pas rayer d’un trait, les sacra albana ont survécu à sa chute. » Sur ces sacra, voir notre « Arx Albana... », o.c.

250 CIL, 9, 1595 : pontifici Albano minori.

251 Cf. T16a, avec le commentaire de M. G. Granino Cecere, o.c., p. 293.

252 CIL, 14, 2140 : Seuerina uirgo Albana maxima ; ib., 6, 2172 : uirgini Vestali maximae.

253 CIL, 6, 1851 et 14, 2405, 2406, 2409 et 2411.

254 Cf. respectivement St. dei Rom., 1, 19803, p. 389 et s. ; ERL, p. 218 et s. (p. 221).

255 Qui dans son Hist. Rom., 2, trad. Golbéry, 1830, p. 63, ne faisait qu’associer les « cantons limitrophes des Latins » à Rome pour cette conquête.

256 In CAH, 7, 1928, p. 401.

257 Pour d’éventuelles traces archéologiques, cf. supra p. 307.

258 Cf. supra p. 231.

259 Cf. Localisation 1986, p. 83-84. Sur le roi destructeur d’Albe, cf. C. Santini, « Eroi culturali e annalistica : il caso di Tullo Ostilio », Eutopia, 5, 1996, p. 85 et s.

260 On se référera au colloque (1990) publié dans Arch. Laz., 10.

261 Cf. supra n. 118.

262 Soulignée par Dessau, CIL, 14, p. 231, qui estimait pourtant probable cette hypothèse.

263 CIL, 14, 2140 = ILS, 6190 mentionnant une uirgo Albana maxima trouvée à Bovillae ; Asconius, éd. Clark, 1928, 35, 15, révèle que les Vestales furent les premières averties de la mort de Clodius ; elles sont mentionnées par le commentateur juste après les habitants de Bovillae : cf. Localisation 1986, p. 62, repris par M. G. Granino Cecere, « Sacerdotes... », in Alba Longa 1996, p. 308.

264 Cf. supra n. 253.

265 L’hypothèse nous est suggérée par A. Ziolkowski ; cf. supra p. 42.

266 Cf. supra n. 86.

267 Cf. Tac., Ann., 2, 41 et 1, 54. Sur la présence épigraphique des Augustales à Bovillae, cf. M. G. Granino Cecere, o.c., p. 311, n. 137. Voir aussi infra p. 817 et s.

268 Voir l’éd. d’A. Sadurska, Les Tables Iliaques, 1964 : sur le lieu de la découverte, cf. G. M. De Rossi, Bovillae, p. 382-387.

269 Les notices qui lui sont consacrées, aussi bien dans la R.E., 1, 1894 que dans le CIL, 14, par Hülsen et Dessau, traitent d’abord de l’Albanum qui est peut-être une notion un peu différente, moins précise en tout cas. L’Albanus ager est mentionné à cinq reprises par Tite-Live : 1, 22, 3 et 23, 4 ; 6, 42, 6 ; 7, 11, 3 ; 7, 39, 8, c’est-à-dire beaucoup moins que le mons Albanus.

270 Hist. Rom,. 2, trad. Golbéry, p. 62 ; l’hypothèse a été recentrée sur Bovillae par De Sanctis puis Alföldi, ERL, p. 242, et on la retrouve à peu près in Pallottino, Origini di R., p. 184.

271 Cf. Localisation 1986, p. 88 et s.

272 Cf. Cic., de leg., 2, 21 ainsi que l’ensemble des textes commentés par A. Magdelain dans différents travaux rassemblés dans la section « Droit Sacré » de ses Etudes... ; cf. aussiP. Catalano et J. Linderski, respectivement in ANRW, 2, 16, 1, p.491 ets. et 2, 16, 3, p. 2156 et s.

273 O.c., p. 79.

274 Cf. P. Grimal, Cicéron, Paris, 1986, p. 125 et s. pour l’attitude de l’Orateur à l’égard de la religion traditionnelle. Voir aussi infra p. 610.

275 Cf. J. Linderski, o.c., p. 2287.

276 In Alba Longa 1996, p. 49-66 (p. 64). Voir aussi notre « Arx Albana... », o.c.

277 Fest., 17L ; nous soulignions cette équivalence dans « Le roi et l’augure. À propos des auguracula de Rome », in La Divination dans le monde étrusco-italique, 3, 1986, p. 122 et s. (p. 123 et 142).

278 Sur la notion de fines en droit augural, cf. J. Linderski, o.c., p. 2156 et 2274.

279 Dans sa thèse Virgile et les origines dOstie, 1919, passim. La démonstration reste valable à notre avis, malgré les tentatives faites en sens contraire : cf. notre article, « Virgile et le Latium archaïque », in BAGB, 1979, p. 301-311.

280 Liv., 1, 23 ; 2, 39 ; D.H., 3, 4 et 8, 22 ; Fest., 45 et 380L ; Plut., Coriol., 30 ; de uir. ill., 4, 9.

281 Cf. Alföldi, ERL, p. 244 ; S. Quilici-Gigli in MEFRA, 90, 1978, p. 567-575 (p. 568) ; T. J. Cornell in CAH2, p. 245.

282 Déjà, A. Schwegler soulignait qu’il s’agissait de deux lieux différents : Röm. Gesch., 2, p. 382.

283 The Making of Archaic Rome (à paraître).

284 Hypothèse formulée dès le xixe s. : réf. in Schwegler, o.c., p. 585, n. 4.

285 Niebuhr, Hist. Rom., 1, trad. Golbéry, p. 286 ; Gilbert, Gesch. u. Top. S. Rom im Alt., 2, 1885, p. 51, n. 2 ; A. Momigliano, in CAH2, p. 84.

286 Alföldi et S. Quilici-Gigli, o.c. supra ; G. Colonna, in Alba Longa 1996, p. 350. Pour une localisation sur la uia Appia, cf. F. Coarelli, L.T.U.R., Suburbium, 2, 2004, s.v. Cluilia Fossa, p. 121-123.

287 Cf. supra n. 285 ; sans que, pour autant, les incompatibilités entre le récit de Liv. et celui de Denys lui aient échappé : o.c., 3, p. 316, n. 535.

288 O.c., 1, p. 279-280.

289 Il nous semble que la localisation proposée par Momigliano (pourtant partisan d’une Albe à Castel Gandolfo) provient d’une mélecture de la page 300 de l’Early Rome d’Alföldi...

290 Sur cette hypothèse (déjà chez Canina) cf. son art., « Roma arcaica... », in Alba Longa 1996, p. 335-354 (et 11 planches). En réalité, la provenance exacte de l’attelage de char (vie s.) reste inconnue, et les restes d’un autre attelage, datable du ve s., et rapporté par ce savant à la même tombe, pourraient provenir d’une autre sépulture.

291 F. Coarelli, Dintorni..., p. 54 (on ne saurait toutefois dire que ce type de tumuli n’apparaît pas ailleurs sur l’Appia qui, en réalité, en offre en tout 13 ex.) et p. 71 ; sur les monuments (et la bibl.), voir M. Eisner, Zur Typologie der Grabbauten im Suburbium Roms, 1986, n° A 24, 26 et 27, p. 54 et s. ; A 32, p. 61, datable, lui, entre 40 et 30 (p. 213). Date proposée : seconde moitié du ier s. av. J.-C. (p. 201 et 213).

292 Cf. déjà Pais, St. di R., 1, 1898, p. 296 ; A. Piganiol, La Conquête romaine, 1927, p. 41.

293 Cf., in Alba Longa 1996 : A. Pasqualini, p. 242, P. Chiarucci, p. 332 et G. Colonna, p. 350, n. 60.

294 Commentary on Livy Books I-V, 1967, p. 407 à propos de Liv., 3, 7, 2 et 5, 48, 2.

295 Citons seulement De Sanctis, o.c., 1, 1, 3e éd. 1980, p. 389 ; Alföldi, Röm. Frühg., p. 134 ; G. Colonna, in Alba Longa 1996, p. 350 et s.

296 In Arch. Laz., 7, 1985, p. 44-64, « Tre corredi protostorici dal Torrino : osservazioni sull’affermarsi e la funzione delle aristocrazie terriere nell’viii secolo a.C. nel Lazio », et supra p. 397 et s. Pour l’origine territoriale de ces gentes, cf. Localisation 1986, p. 85.

297 Cf. supra p.85 ets.

298 Cf. ERL, p. 244 ; Röm. Frühg., p. 134. L’idée est fréquente au xixe siècle.

299 ERL, p. 241-244 ; Röm. Frühg., p. 133 ; la doctrine de ce savant sur la nature d’Albe est pour le moins nuancée : à une page d’intervalle, on passe ainsi d’un « not urban center » à un « settlement of considerable size » (ERL, p. 243 et 244).

300 Cf. supra p. 330.

301 Aen., 9, v. 385-387 ; auquel il convient d’ajouter, à notre avis, Strab., 5, 3, 2.

302 V.E.O.O., 19682, p. 286-287. Nous abandonnons la lecture « lavinate » proposée in Localisation 1986, p. 78-79. F. Castagnoli, in Encicl. Virgiliana, s.v. Alba Longa, p. 80, refusait cette hypothèse, au motif que le toponyme Rio Albano est moderne : mais ce sont bien les eaux de l’emissarium Albanum qu’il amène alors dans le Tibre.

303 HRR, Peter, I, p. 299 fg. 3 (Lic. Macer) = Suét., Rel., Roth fg. 3. Sur ce problème, voir infra p. 574.

304 Cf. S. Quilici-Gigli (o.c., p. 141) évoquant « il vivo ricordo rimasto della città nonostante la precoce scomparsa ad opera di Tullo Ostilio... » ; c’est là prendre pour argent comptant le mécanisme étiologique à l’œuvre dans la légende albaine : la restriction rhétorique, « nonostante », ne fait pas oublier le fait (car c’en est un) que dans le récit traditionnel, la ville d’Albe n’existe que dans l’instant même de sa destruction. Cf. aussi A. Carandini, Remo e Romolo, o.c., p. 227 : « La fine di Alba è un evento talmente clamoroso da poter essere considerato un fatto reale ricordato. »

305 Cf. surtout Liv., 1, 29 et D.H., 3, 27 et 29 ; cf. aussi Strab., 5, 3, 4.

306 Dès 1925, W. A. Bryan (o.c. supra n. 221) remarquait : « The archaeological evidence goes counter to the tradition that this people inhabited a single city of predominant importance » (p. 151).

307 Localisation 1986, p. 81 et 87.

308 Rasée en 125 par le préteur L. Opimius : sur les traces archéologiques, cf. la publication dirigée par F. Coarelli, Fregellae, 1, 1996. Dune manière générale, se référer à A. Ziolkowski, « Vrbs direpta, or how the Romans sacked cities », in War a. Society in the Roman World, J. Rich et G. Shipley éd., Londres/New York, 1993, p. 69-91.

309 S’il correspond, comme c’est possible, sinon à un discours réel, du moins à un thème effectivement développé à ce moment-là ; cf. Liv., 26, 13, 16, où l’on notera la reprise littérale du mot oriundi de 1, 23, 1 : Albam unde ipsi oriundi erant a fundamentis proruerunt, ne stirpis, ne memoria originum suarum exstaret, « Albe d’où ils étaient eux-mêmes originaires, ils l’ont démolie de fond en comble, pour que ne subsiste ni la souche de leur race ni le souvenir de leurs pères », trad. P. Jal, Paris, 1991. Cf. G. Piccaluga, in RSA, 13-14, 1983-4, p. 103 et s.

310 Cf. Localisation 1986, n. 164.

311 O.c. (supra n. 156), p. 374, n. 2 ; cf. Localisation 1986, p. 80.

312 Cf. supra n. 116.

313 Localisation 1986, p. 75 et 83.

314 Cf. De Sanctis, St. dei Rom., 2, 19602, p. 92 et s. ; bibl. in CAH2, 1989, p. 748 et s.

315 Cf. CAH2, 1989, chap. 6 (T. J. Cornell).

316 Comme le reconnaît elle-même S. Quilici-Gigli, « Ubicazione di A. L. », p. 148. Les exemples de Ficana et d’Antemnae, pour lesquelles la tradition parle également de destruction, apportent une confirmation a contrario.

317 M. Pacciarelli, « Sviluppi... », p. 244, n. 54, et M. Pallottino, Origini di R., p. 182.

318 En ce sens, cf. A. Pasqualini, in Alba Longa 1996, p. 235 ; G. Colonna, ib., p. 350 et s., se fondant sur du matériel archéologique inédit qui, toutefois, comme il le montre lui-même, renvoie à Caere et à Vulci.

319 « Des rois de Rome », in Les Monarchies, Y.-M. Bercé éd., 1997, p. 42.

320 Tel était le titre qu’il donnait à son sixième chapitre. Cette mise en parallèle d’Albe et de Lavinium, si fréquente qu’elle soit, est donc à rejeter.

321 In Hommages J. Veremans, 1986, p. 247 ; cf. notre Localisation 1986, p. 78, n. 156.

322 En ce sens, A. Pasqualini, o.c., p. 228.

323 Strab., 5, 3, 10.

324 Voir « L’institution de l’origine », in Tracés de fondation, M. Detienne éd., 1990, p. 143-170, et « Origine » et « Commune patrie », 1996.

325 Cf. Localisation 1986, p. 77 et s., suivie par C. Cecamore et par A. Pasqualini, in Alba Longa 1996, respectivement p. 63 et p. 228. C’est sans doute chez Strabon, 5, 3, 2, qui lie directement fondation d’Ascagne et Féries Latines, que le mécanisme étiologique de la légende apparaît le plus clairement.

326 Ce que propose A. Pasqualini, o.c., p. 218.

327 On se rappelle l’insistance de Denys sur ce point : A.R., 1, 66, 2 et 3, 31, 4.

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