Chapitre IV. Forêts
p. 125-149
Texte intégral
1Lacus in nemore Albano: cette formule de Tite-Live (5, 15) met en lumière ce qui est assurément, avec la montagne et le lac, la troisième composante du paysage albain, la forêt, plus banale que les deux premières dans la mesure où elle se retrouve dans l’ensemble du Latium à haute époque, mais non moins caractéristique. Par son altitude, qui va d’environ deux cents mètres pour les derniers contreforts à un peu plus de neuf cents mètres pour la partie la plus haute, le massif albain offrait en effet les conditions idéales pour le développement de ce que les spécialistes appellent la forêt mixte méditerranéenne1. On serait tenté de penser qu’aux époques préhistoriques, la forêt couvrait d’un manteau immense coteaux, promontoires, vallons, pentes, crêtes et sommets des monts Albains. Ce fut là sans doute le milieu naturel qui longtemps imposa sa loi aux petites tribus qui s’accrochaient aux flancs du massif, et c’est à cette sylve primitive que les premiers habitats stables de la région durent disputer la terre qu’ils occupaient. Dès que la pression humaine se fait moins forte dans la région, aux époques de décadence et d’abandon, on la voit regagner le terrain perdu, si bien qu’aux débuts de l’époque moderne, les topographes et les anciens voyageurs semblent paraphraser Tite-Live, quand ils ne font que décrire ce qu’ils ont sous les yeux : c’est ainsi que, presque en écho à l’auteur de l’Ab Vrbe condita, Nibby note que « il cratere è coperto di boschi e di piantagioni, e la veduta di esso da ogni parte è magnifica e deliziosa »2. Pareillement, à Martial qui parle de la nemoralis Aricia3 répond, à la Renaissance, Alberti relevant que « intorno d’Aritia sono molto dilettevoli selve »4, tandis que, deux siècles plus tard, l’Anglais Addison passant sur les lieux remarque que « le pays par là est tout couvert de bois et de buissons »5, et que Gibbon en profite pour se livrer à d’intéressantes observations, aujourd’hui trop méconnues6. Quant à Stendhal, il n’hésite pas à déclarer que « la plus belle forêt du monde est celle d’Ariccia »7, et, au même moment, Lullin de Châteauvieux, sortant d’Aricie, décrit « les bois [qui] s’étendent sur les pentes de la montagne jusqu’à la ville de Genzano »8. Malgré les apparences, cependant, ces réalités ne sont pas immuables, et l’on retrouve ici cette variabilité du milieu « naturel », ou plutôt géohistorique, que nous avons déjà soulignée à propos de l’hydrographie.
2Dans son Voyage en Italie, en effet, Taine, marchant pour ainsi dire sur les traces de Stendhal pour lequel, comme on sait, il professe une admiration fervente, ne peut que constater à propos d’une excursion au « lac Nemi », que « les montagnes qui l’entourent ont perdu leurs forêts »9. Avec le temps, les opérations de déboisement ne feront d’ailleurs que s’accentuer, puisque une « legge forestale », en date du 20 juin 1877 et qu’avaient précédée nombre de mesures à l’échelon local, organisera les conditions de la « libération » et de la mise en culture de près de 15 000 hectares pour le seul district de Rome et de ses environs10, sans compter que les forêts albaines avaient déjà, dans les deux décennies précédentes, été largement mises à contribution pour fournir les traverses des nouvelles voies de chemin de fer qui, un peu partout, s’élançaient à la conquête de la péninsule11.
3Il semble toutefois que les abords immédiats du lac de Castel Gandolfo aient été longtemps mieux préservés : le préfet Tournon note ainsi que « au-dessus du village de Nemi, de vastes forêts revêtent les pentes du Monte Cavo, anciennement mons Albanus, et s’étendent jusqu’à son sommet » ; il est frappé par l’exubérance de la végétation : « La terre volcanique se couvre d’une multitude de plantes vigoureuses, et les chênes blancs, rouges et verts, les châtaigniers, les ormeaux, les frênes, y atteignent des proportions gigantesques »12. Un peu plus tard, le voyageur L. Simond13 parle des « magnifiques arbres » qui ombragent le sommet du Monte Cavo, autrement dit le lieu de l’antique Latiar, tandis que l’agronome Châteauvieux évoque « les bois qui couvrent le mont Albane », par contraste avec le « dépouillement » qui affecte le reste de la Campagne romaine14.
ESSENCES
4De quelles essences se compose cette forêt albaine dans l’Antiquité ? À en juger par les témoignages que nous venons de citer, surtout de châtaigniers et de chênes. Les premiers semblent avoir été présents notamment sur le Monte Cavo lui-même, et dans ses alentours immédiats. C’est ainsi que Tournon, à propos du site de Rocca di Papa, remarque qu’« une active végétation revêt le sol d’énormes châtaigniers qui croissent sur le rapide talus du terrain, et protègent de leur ombre les puits ou glacières dans lesquels on conserve la neige pour la consommation de Rome »15 ; et au tout début du siècle, un anonyme compagnon d’exil de Lucien Bonaparte était déjà frappé par la densité de la châtaigneraie qu’il traversait en montant au sommet du « Monte Albano »16. Ces témoignages ne sauraient cependant être transposés à l’Antiquité, car comme l’a rappelé Pierre Toubert commentant les travaux du géographe Alberto Ferrantini, ce chercheur a « prouvé, en utilisant les ressources complémentaires offertes par la microtoponymie végétale, l’histoire, la botanique actuelle et l’analyse des débris végétaux fossilisés dans les tufs quaternaires, que le châtaignier a été totalement absent du paysage naturel des collines albaines jusqu’au haut Moyen Âge et qu’il n’a cessé depuis lors de conquérir de nouvelles positions »17.
5Ainsi, même là où elle paraît préservée, la forêt albaine que voient les Modernes diffère profondément de la forêt des époques protohistorique et archaïque. La question qui se pose à l’historien des primordia est en réalité double : s’il est aujourd’hui possible d’établir en théorie la composition de la forêt-climax primitive, c’est-à-dire de la végétation formée naturellement au quaternaire, il est beaucoup plus difficile d’apprécier exactement la variété des essences à partir de la protohistoire en tenant compte de l’évolution, voire de la « révolution silencieuse »18 entraînée très tôt par la présence et l’action de l’homme. Contrairement à ce qui a été souvent dit19, en effet, il ne nous paraît pas possible de soutenir que, jusqu’à l’époque archaïque, le milieu naturel aurait subsisté tel quel, sans avoir à subir de transformations de nature exogène. Des études récentes faites dans d’autres contextes20 et sur des bases techniques qui n’existent pas encore pour le Latium ont montré que, dès qu’il est présent de façon stable sur un site, en l’occurrence lacustre et forestier, l’homme, et ceci, il convient de le souligner, dès les temps préhistoriques, transforme profondément la forêt : aussi bien certaines des modifications mises en lumière par les médiévistes à partir des sources documentaires dont ils peuvent disposer ont-elles dû commencer très tôt, quitte à ce qu’il y ait eu, ici comme ailleurs, d’importantes baisses de rythme, aux moments où la présence humaine se faisait plus discrète. Il est vrai que pour le philologue soucieux de discerner les réalités qui se dissimulent derrière des textes antiques, d’ailleurs bien peu loquaces sur ces aspects, la tâche est d’autant plus délicate que manque presque toujours tout autre moyen d’information. Il faut l’avouer : ce qui aurait pu être fait dans ce domaine ne l’a pas été, et la recherche contemporaine doit payer ici – provisoirement, espérons-le – le prix d’un désintérêt persistant à l’égard des realia géographiques. Car, malgré les apparences, d’importants gisements documentaires existent, qui à ce jour n’ont pas été exploités et qui, si rien n’est fait, disparaîtront en raison de l’urbanisation, fût-elle partielle, ou de la pollution. C’est ainsi que le constat dressé par Pierre Toubert en 1973 sonne aujourd’hui comme une promesse non tenue et un rendez-vous manqué : « Quant à l’analyse stratigraphique des pollens fossilisés dans les sédiments lacustres, elle représente dans le Latium où les lacs de cratère abondent un filon très prometteur », écrivait l’auteur des Structures du Latium médiéval21 dans des lignes qui, bien entendu, conviennent particulièrement bien au massif albain et à sa dizaine de lacs que nous avons recensés plus haut. Or, plus d’un tiers de siècle après cette déclaration, un seul de ces lacs, à notre connaissance, avait fait l’objet d’une enquête de ce genre : il s’agit du bassin de Gabies, où des examens de paléopédologie ont été opérés22 à la faveur de la fouille de la nécropole de l’Osteria dell’Osa. Il faudrait faire de même pour chacun des lacs du massif, pour ensuite pouvoir aboutir à une synthèse locale, à comparer alors avec les quelques résultats acquis sur d’autres sites d’Italie centrale (Monterosi, Vico). Le site albain désormais le plus prometteur de ce point de vue est celui, datant du Bronze moyen, du « Villaggio delle Macine » au lac d’Albano23.
6Une autre lacune, tout aussi gênante pour notre recherche, est l’absence de l’instrument de travail très utile que pourrait être un index locorum pour le Latium : il y a bien, comme chacun sait, des répertoires de sources pour la topographie de la ville de Rome, mais rien de tel n’existe à l’échelle de la région. Si, pour les cités elles-mêmes, le recours aux monographies spécialisées permet de remédier, au moins en partie, à ce manque, il en va différemment pour tous les autres toponymes ou précisions topographiques qu’on pourrait tirer des textes et qu’aucun recueil ne rassemble et ne compare. Ces conditions font que nous ne prétendons pas donner aux remarques qui suivent d’autre valeur que celle d’une esquisse, partielle et provisoire, des principales tendances que laisse apparaître l’analyse des indices tant archéologiques que philologiques pour l’étude de la composition et de l’évolution du couvert forestier albain dans l’Antiquité.
7Les textes, par le biais de ce qu’on pourrait appeler une phytotoponymie rétrospective, semblent confirmer, en correspondance avec les descriptions des anciens voyageurs qui se sont succédé sur les lieux depuis la Renaissance, l’importance du chêne dans cette végétation albaine. C’est ainsi qu’au treizième mille de la via Latina, une station portant le nom de Roboraria24 témoigne à première vue, si ce n’est de la prédominance de la végétation primitive, du moins de sa survivance localisée sous la forme d’un bois résiduel. L’interprétation de tels toponymes est toutefois toujours délicate pour l’historien, car ils peuvent s’expliquer aussi bien par une situation de rareté que par une abondance qui peut être due au développement d’espèces secondaires, dont l’expansion est due à l’intervention humaine25. Or, en l’occurrence, le grand nombre des différentes espèces de chênes rend l’interprétation de cette donnée toponymique délicate. On a pu constater pour le Moyen Âge, en effet, que l’existence de toponymes de discordance révèle la progression constante des chênes tempérés aux dépens du Quercetum ilicis26, c’est-à-dire, en d’autres termes, des chênes à feuilles caduques (soit le chêne pubescent, le chêne pédonculé, le chêne chevelu) au détriment des espèces xérophiles à feuilles persistantes, le chêne-vert étant considéré par nombre de spécialistes comme typique de la « forêt-climax primitive ». Si tant est que le toponyme Roboraria désigne donc bien des rouvres27, on ne saurait alors exclure que leur présence – qu’elle ait été massive ou résiduelle à l’époque classique importe peu – ne renvoie pas à une situation primitive et « originelle », mais résulte d’évolutions dues à des facteurs anthropiques et commencées très tôt : on peut penser en effet que, dès la protohistoire, « le chêne-vert a reculé au profit des autres, plus intéressants comme bois de chauffage et pour la feuille comme complément fourrager »28.
8Même s’il ne paraît guère possible sur cette question de la place relative des espèces d’arriver actuellement aux précisions qui seraient sans doute souhaitables, on peut cependant extraire des sources littéraires quelques informations. Les Querquetulani qui apparaissent dans la liste plinienne des populi Albenses (N.H., 3, 69) constituent à ce sujet un indice précieux, à comparer si ce n’est à identifier29 avec le nom qui, selon le témoignage bien connu de Tacite30, aurait été le premier nom du Caelius à Rome. Dans les deux cas, l’existence de ce phytotoponyme ne signifie pas, bien sûr, qu’il n’y ait eu de bois de chênes que sur les seuls deux territoires auxquels ils se rapportaient31 : comme on peut admettre, vu leur ancienneté, qu’ils ne s’expliquent pas par une situation de rareté, les bois de chênes étant alors sans aucun doute omniprésents en Latium, on pensera plutôt, sans pouvoir formuler dans ce cas précis autre chose que des hypothèses, à une présence particulièrement évocatrice ou esthétiquement frappante et, probablement, à des usages rituels32.
« BAUMKULTUS »
9Le chêne est, on le sait, un des arbres consacrés à Jupiter33 ; sans doute même fut-il un temps où il était à lui seul, non pas une divinité, mais le support d’une présence divine : selon un passage de Tite-Live, dont on ne saurait édulcorer la véritable portée, c’est un chêne que, en 456 avant notre ère, le consul romain prit directement et solennellement à témoin de la rupture d’un traité par les Èques : Et haec sacrata quercus et quidquid deorum est audiant foedus a uobis ruptum34 ; c’est aussi à un chêne s’élevant sur le Capitole, à l’emplacement du futur temple, que Romulus suspend35 les premières dépouilles opimes, et c’est à un chêne que doivent être pris les sarments qui fournissent au feu des Vestales son aliment36. Enfin, un témoignage de Pline, sur lequel Ampère avait déjà attiré l’attention37, vient attester lui aussi l’importance religieuse et, plus généralement, « socioculturelle » de ces chênes qui ne furent pas tous abattus : Uetustior autem urbe in Vaticano ilex, in qua titulus aereis litteris Etruscis38 religione arborem iam tum dignam fuisse significat. Par leur longévité, qui peut les faire parfois atteindre, voire dépasser le millénaire39, les chênes ont pu jouer le rôle de véritables supports de mémoire pour la collectivité tout entière. On notera qu’il s’agit ici d’ilex, c’est-à-dire vraisemblablement de chêne-vert40, et cette précision n’est pas indifférente par rapport aux conclusions d’études de paléobotanique voyant dans cette essence l’espèce dominante de la forêt primitive. Plus intéressante encore pour notre propos, la suite de ce même passage de Pline concerne directement la zone albaine : Tiburtes quoque originem multo ante urbem Romam habent. Apud eos extant ilices tres etiam Tiburno conditore eorum uetustiores, apud quas inauguratus traditur. Fuisse antem eum tradunt filium Amphiarai, qui apud Thebas obierit una aetate ante Iliacum bellum. Dans ce lieu délimité par trois arbres auprès desquels le mythique fondateur de la cité était dit avoir été inauguré (inauguratus), de la même manière qu’à Rome le roi Numa avait été inauguré sur l’arx capitoline, il est difficile de ne pas reconnaître, après S. Weinstock41, un auguraculum de fondation : et à Tibur comme à Rome, ce furent vraisemblablement les traditions véhiculées par les augures, qu’elles aient été orales ou écrites42, qui permirent de conserver le souvenir de ces plantations et de ces rites primitifs. À Rome, l’augure, dans sa prière, dont Varron nous a transmis l’obscure formulation qu’a éclairée l’exégèse mémorable de Norden, fait référence à des arbres comme points de repère dans sa délimitation du templum minus : Ollaner arbos quirquir est quam me sentio dixisse43. Mais, alors que sur le sol de l’Vrbs, on n’a affaire qu’à des arbres fictifs, « imaginés » par l’officiant en référence à une situation disparue, il est notable qu’à Tibur, l’état primitif des lieux avait été préservé : trois arbres réels, trois chênes44 (quatre à l’origine ?) pouvaient encore être vus par Pline et ses lecteurs (cf. le présent habent qu’il serait peu plausible de n’attribuer qu’à la source du Naturaliste, s’agissant d’un site si connu et si proche de Rome). Quant à la partie mythographique de la notice plinienne, qui concorde avec l’origine arcado-argienne attribuée par d’autres sources au fondateur éponyme de Tibur, il n’est plus sûr qu’on doive a priori lui attribuer une datation tardive45 : s’il n’est pas question, bien sûr, d’en donner une lecture événementielle au sens strict, de telles traditions pourraient être mises en rapport avec des contacts très anciens, dont l’archéologie révèle maintenant la possibilité.
10Quoi qu’il en soit, on n’hésitera pas à voir dans ces chênes tiburtins des vestiges, conservés pour des raisons religieuses et civiques, de la forêt-climax primitive.
11Autre essence reconnue comme typique de cette végétation, et parfois conservée jusqu’à l’époque romaine pour les mêmes motifs, le hêtre ou fagus46 ; on se souvient que le bois sacré cher à Passienus Cris-pus, sur le territoire tusculan, en était composé : coma fagei nemoris. Cette indication est peut-être révélatrice de l’évolution subie par l’espèce du fait de l’action de l’homme, et, nous le verrons, des changements climatiques : en effet, les limites altimétriques actuelles de la présence du hêtre vont de 900 à 1 80047. Or, le site du lucus tusculan est loin d’atteindre cette hauteur, puisqu’il se situe à une altitude qui ne dépassait pas, en tout état de cause, les 350 mètres48. En d’autres termes, il se pourrait à notre avis qu’on ait ici la trace, rare déjà pour les contemporains de Pline, de l’extension originelle du hêtre, avant que l’histoire ne vienne, sur ce point comme sur d’autres, modifier les données de la géographie. Il semble que vers le haut (l’arbre peut vivre jusqu’à plus de 1 800 m), l’espèce ait longtemps mieux résisté, puisque des toponymes, nés sans doute au Moyen Âge, attestent très clairement sa présence dans notre région : non seulement la forêt dite Faiola, mais aussi les monts Faete et Favo. Mais ces toponymes sont devenus aujourd’hui des toponymes de discordance et il n’y a plus de hêtres49, tant il est vrai que « la zone du fagetum s’est constamment amincie à l’époque historique [...] : sa limite inférieure a été repoussée vers le haut par la conquête agraire, tandis que sa limite supérieure a été écrasée vers le bas par l’extension des pâturages d’altitude »50.
12On ne peut pas ne pas remarquer à ce propos que le site de Rome offre l’exact parallèle d’une pareille persistance sur l’Esquilin, avec le Fagutal et ce lucus e fago, unde etiam Iove Fagutalo décrit par Varron dans une notice du De Lingua Latina (5, 152) ainsi que par un lemme de Festus51, d’où l’on peut déduire que le hêtre était, lui aussi, consacré à Jupiter.
13Chêne ou hêtre ? On ne sait ce qu’était l’arbre que mentionne Tite-Live, dans son récit de l’année 209 av. J.-C., en disant seulement de lui qu’il se trouvait auprès du temple de Jupiter Latial : arbor templo propinqua52. On pourrait d’ailleurs songer à une relative indistinction entre les deux espèces du point de vue de leur appellation première, puisque le même mot, que les Grecs et les Latins ont, semble-t-il, emprunté au substrat méditerranéen, désigne le hêtre (fagus) pour les uns et le chêne (φηγóς) pour les autres. Quoi qu’il en soit, nous avons là, à notre avis – situé sur le mont Albain lui-même et appartenant non pas au domaine, toujours sujet à interprétation et discussion, du mythe, comme c’est le cas pour l’arbre sacré de Nemi, mais à celui de la réalité historique et cultuelle –, un indice53 en faveur de l’existence à date haute d’un culte de l’arbre sacré en Latium. On ne saurait, pensons-nous en effet, refuser à cet arbre un statut particulier, en n’y voyant comme le font toutes les traductions54 qu’un banal végétal non autrement défini : car il s’agit bien, nous semble-t-il, non point d’un arbre parmi d’autres, mais de l’arbre sacré, autour duquel, très probablement, avait été prévue une clôture monumentale comme celle que les fouilleurs de l’École espagnole ont reconnue sur le site du temple de Gabies55 pour lequel, inversement, on manque d’attestation textuelle.
14Ainsi protégés par la religion, de tels arbres devaient atteindre une taille énorme : on a vu que l’arbre de Pline valait une forêt coma fagei nemoris, et on se souvient de cet empereur qui aimait à recevoir ses invités à Velletri, dans une salle à manger agreste aménagée dans les frondaisons d’un seul et gigantesque arbre, un platane en l’occurrence56. Pareillement, l’époque moderne a gardé la mémoire, près de Genzano, d’un chêne dont le tronc pouvait abriter près de vingt-cinq personnes !57 Si des estimations de dendrochronologie rétrospective étaient possibles, elles aboutiraient sans doute à des datations dépassant le millénaire.
15Bien sûr, la sylve albaine n’était pas composée que de chênes et de hêtres, si importantes fussent ces deux essences : il ne faudrait pas ici interpréter les textes à la lettre. On l’a vu : n’apparaissent aux regards du philologue et de l’historien que les espèces qui ont eu un rôle éponymique ou religieux, ces deux aspects étant très souvent liés aux époques protohistorique et archaïque. Aussi bien doit-on penser que, sur les monts Albains, toutes les autres composantes de la forêt mixte méditerranéenne étaient présentes, même si elles ne sont pas mentionnées par les textes des Anciens ou ne le sont que dans les descriptions des Modernes58. Il est d’ailleurs des cas où les limites d’une utilisation trop restrictive des sources sont bien visibles. C’est ainsi que les médiévistes ont cru pouvoir déduire, de l’absence dans leurs documents de toute mention du pin, que cet arbre n’existait pas en Latium aux siècles de la Roma Christiana59. Une telle conclusion nous paraît peu vraisemblable, compte tenu des textes antiques qui, de Théophraste à Pline, font au contraire une explicite référence à ces arbres, si prisés dans la construction de navires, trirèmes, liburnes et autres60. C’est pourquoi, plutôt que de penser qu’ils aient, inexplicablement et totalement, disparu pendant le haut Moyen Âge, on pensera que le silence des chartes médiévales est dû tout simplement au manque d’intérêt de leurs rédacteurs vis-à-vis d’espèces qui ne leur étaient d’aucune utilité : car, sur le terrain, l’abandon presque total qui affecte à partir du vie siècle de notre ère l’ensemble de la zone littorale, un abandon qui ne cessera vraiment qu’avec l’époque moderne, a dû au contraire favoriser leur maintien et leur développement.
16Pareil exemple invite à la prudence dans la lecture des sources antiques : ainsi, des cornouillers aux micocouliers, des frênes aux ormes, des myrtes aux lauriers, tout le cortège habituel des végétaux d’association secondaire de la forêt mixte méditerranéenne a dû être présent, dès les premières phases de la civilisation latiale, sur les monts Albains. Parfois, au hasard d’un usage ou d’un rite conservé, s’entrevoit une lueur qui confirme l’existence à ce stade de telle ou telle de ces espèces. Des nombreux végétaux décrits par Théophraste à propos du Latium61 – dans un passage où l’on voit les Latins construire des bateaux pour les Étrusques, et qui, selon certains, remonte à l’ère archaïque62 –, l’un d’entre eux, le myrte, peut même être référé à un contexte albain, puisque, comme on le sait, c’est de cette plante que le bénéficiaire de l’ovation63 devait être couronné lorsqu’il montait au sanctuaire de Jupiter Latial64.
17Autre tradition sans doute révélatrice de la prédominance de la forêt albaine durant la première civilisation latiale : la lance dont Virgile fait l’attribut du roi Silvius lorsque Anchise le montre à Énée, est une hasta pura65. Malgré l’autorité d’Andreas Alföldi66, nous croyons que la véritable signification de ce terme est celle qu’indique Varron, id est sine ferro (cité par Servius, ad l.) : ce rite révèle une société qui ne connaît pas encore le travail du fer ou qui se souvient en tout cas d’un temps où elle n’y recourait pas. Comme toujours en pareil cas, on peut certes être tenté de se limiter à une interprétation de type anthropologique et synchronique : il s’agirait simplement alors d’une prescription rituelle destinée à éviter une souillure, toute lecture historique ou protohistorique étant exclue. C’est là opposer mécaniquement des catégories qui ne doivent pas l’être, en oubliant que le rite s’inscrit aussi dans la diachronie, la succession des temps, dont souvent il garde la trace fossilisée.
18Par ailleurs, de « l’usage qui », pour reprendre un texte de Tite-Live, « voulait que le fétial se présentât à la frontière ennemie portant une lance ferrée ou en cornouiller à la pointe durcie au feu »67, on peut déduire, nous semble-t-il, vu le parallélisme étroit existant à cet égard entre les collèges romain et albain des fétiaux (ceux-ci étant le modèle de ceux-là, et tous deux étant pareillement représentés par un pater patratus68), que cette particularité valait également aussi bien pour les délégués de la vieille ligue albaine, ce qui fournit une attestation de la présence de cette espèce arbustive typique de la forêt méditerranéenne dans la région albaine ; le laurier aurait, quant à lui, été plutôt présent en plaine69.
19Les données qu’on peut, de cette manière, tirer de l’examen minutieux des sources littéraires ne sont pas contredites par les résultats des fouilles récentes de l’Osteria dell’Osa et des analyses de paléobotanique auxquelles elles ont donné lieu : on y constate sans surprise la présence du chêne, du hêtre, ainsi que du roseau, ce qui n’a rien d’étonnant sur un site lacustre70 comme l’était celui du lac de Gabies et comme l’est resté celui des deux principaux lacs albains71. À bien y regarder, d’ailleurs, et même en laissant à l’écart les textes littéraires, on pouvait déjà, au moins dans un cas, saisir l’importance ancienne et la valeur religieuse du chêne : car c’est de chêne qu’est fait le sarcophage qui fut trouvé à la fin du xixe siècle, près de l’Osteria dell’Osa72, des découvertes du même genre sur le Forum attestant qu’il ne s’agissait pas là d’un rite isolé73. Plus tard, on voit deux tombes romaines de la nécropole de l’Esquilin reproduire, mais avec un tronc de terre-cuite, ce modèle de sépulture, par une imitation qui atteste de façon évidente la forte valence symbolique accordée à ce type d’ensevelissement74 : par sa fécondité exemplaire aussi bien que par sa longévité « plus qu’humaine », l’arbre vaut comme un arbre de vie, comme un arbre sacré, promesse de régénération et de survie pour le défunt dont il contient et protège la dépouille.
20On voit que nous sommes passé, presque insensiblement, tant un aspect est lié à l’autre, du problème de la composition de la forêt albaine « primitive » à celui des usages75 qu’en firent les populi du Latium.
21Nous évoquerons d’abord, mais sans donner à cette antécédence un sens chronologique, une pratique bien connue, certes, mais qu’on a sans doute trop réservée à la zone littorale. Le Latium – et sa côte au premier plan – est, nous l’avons vu, riche en sources ; Théophraste le disait et Pline le Jeune, bien des siècles après, décrivant sa propriété laurentine, s’émerveillait en ces termes : Quocumque loco moueris humum, obuius et paratus umor occurit, isque sincerus ac ne leuiter quidem tanta maris uicinitate corruptus76. Pour des navigateurs, qu’ils fussent mycéniens, phéniciens, carthaginois, étrusques ou grecs, il y avait assurément eu là une première raison d’atterrir sur les rivages latins, voire d’y conquérir quelques points d’appui. Mais il y en avait aussi une autre, que mentionnent, là encore, aussi bien Théophraste que le neveu du Naturaliste : Suggerunt adfatim ligna proximae siluae77, écrit le second, tandis que le premier indiquait, dans l’une de ses compilations, que les forêts de la terre latine pouvaient fournir pour la construction des navires étrusques des poutres d’un seul tenant78. On a, en général, interprété79 ce dernier texte comme le témoin des relations privilégiées que la Rome du ive siècle entretenait avec sa voisine Caere qui, lors de la catastrophe gallique, avait accueilli sur son sol les objets sacrés de l’Vrbs. Mais pourquoi, dans ce cas, le disciple d’Aristote n’aurait-il mentionné ni Rome ni Caere, choisissant de parler sans plus de précisions de Latins et d’Étrusques, alors qu’à cette période, les Latins ne sauraient être assimilés aux Romains dont, après 390, ils s’efforcent au contraire de contrecarrer la renaissante suprématie ? C’est pourquoi, compte tenu notamment de la nature du texte de Théophraste, qui apparaît comme une encyclopédie dont les éléments furent recueillis par plusieurs centaines, voire milliers d’informateurs, accumulant dans un seul moule des matériaux de provenances très diverses80, il ne nous paraît nullement exclu de donner une datation archaïque – vie ou ve siècle – à une notice qui pouvait du reste se voir revêtue d’une nouvelle actualité à la faveur d’une histoire plus récente.
22Que ces forêts latines – non seulement celles du littoral, mais aussi celles de l’intérieur des terres – aient pu être recherchées pour la construction navale, c’est bien ce que semble suggérer Denys d’Halicarnasse dans le véritable « éloge de l’Italie » qu’avec la scrupuleuse méthode et l’exacte érudition qui le caractérisent, il a fait figurer au seuil des Antiquités Romaines ; ce n’est peut-être pas un hasard si, quelques lignes seulement après avoir évoqué « la Tyrrhénie, les régions d’Albe » et leurs vignobles, il ajoute : « Mais le plus étonnant de tout ce sont les forêts, qui poussent dans des lieux escarpés, dans les vallons et sur les collines incultes, d’où l’on tire un bois qui est aussi abondant et beau pour les constructions navales qu’il se prête facilement aux autres utilisations »81. Description qui, on en conviendra, se prête beaucoup mieux à l’arrière-pays qu’à sa bordure littorale et qui vient confirmer et préciser une fiche de Théophraste82 : « Ce sont des régions de peu d’étendue qui fournissent aussi, généralement parlant, le bois de constructions navales (τὴν ναυπηγήσιµον ὕλην) : en Europe, semble-t-il, les montagnes de Macédoine, celles de Thrace et d’Italie ».
23Or il se trouve que, dans la suite des temps, cet usage du bois latial allait connaître, par-delà les changements de régimes et de civilisations, une extraordinaire perdurance qu’il vaut la peine de relever.
24C’est ainsi que le rivage latin devait longtemps s’offrir, aux yeux des navigateurs venus d’ailleurs, tel que le décrit, en 1820, l’agronome Châteauvieux dans une suggestive image83 : « Cette forêt continue, presque sans interruption, tout le long du rivage, de la Toscane jus-qu’au mont de Circé. Elle est peuplée d’immenses chênes blancs, que le voisinage de la mer permet d’exporter » ; et plus loin : « Il existe une arête légèrement élevée, d’une lieue à peu près de largeur, dont le sol, formé de décombres, défend l’écoulement des eaux. Cette zone plantée de forêts, semble à l’œil des marins former sur toute cette côte d’Italie comme une ceinture mystérieuse qui en dérobe la vue aux yeux profanes » (p. 228). De cette « forêt sauvage », à laquelle on est tenté d’appliquer le vers de Rilke, « terre au bateau, navire pour la côte »84, de ces bois du Latium, l’ancien préfet Tournon notait pour sa part, avec une orgueilleuse satisfaction, que « c’est de leur sein que de 1809 à 1813 l’administration française a tiré ceux qui étaient nécessaires à l’approvisionnement de Toulon et de Gênes, reconnus par les constructeurs de ces deux ports de la meilleure qualité »85.
25Mais c’est sous la plume du célèbre abbé Richard, en 1766, qu’on trouvera l’indication la plus précisément référée à un contexte albain : « Au sortir de Marino le terrain s’élève insensiblement ; on voit à droite Castel Gandolpho et son lac, la ville d’Albano, et toujours des ruines antiques. On entre ensuite dans la forêt de la Fayole, qui a fourni d’excellents bois de construction pour la marine ; mais elle est fort dépeuplée à présent ; on y trouvait surtout beaucoup de courbes naturelles, ce que je crois que l’on doit attribuer à l’abondance de la sève et à l’action du soleil »86. Cette citation montre donc clairement qu’on aurait tort de n’appliquer qu’à la seule zone littorale, riche en conifères mais plus pauvre pour les autres essences, les indications anciennes concernant l’utilisation des forêts latiales pour la construction de navires.
26Le bois était aussi – est-il besoin de le dire ? – le matériau dont étaient faites (au moins pour les pieux de soutènement et les poutres de faîtage) les cabanes des Anciens Latins, et, très probablement, les enclos à bestiaux y attenant. Comme on le sait, on trouve dans les urnes découvertes par Visconti et ses successeurs une image fidèle de ces cabanes, dont on met aujourd’hui au jour des traces de plus en plus nombreuses. Une cabane de la période III, fouillée sur le site de Fidènes et reconstituée in situ, en offre aujourd’hui le meilleur témoignage87.
27Moins spectaculaires assurément, mais plus directement présents dans la vie quotidienne, celle des temps archaïques comme celle de l’époque médiévale pour partie d’entre eux, sont les multiples usages pratiques auxquels se prête par ailleurs la forêt et dont on trouve chez Pline l’Ancien, au hasard de ses fiches, un précieux inventaire88 : car du bois des forêts albaines furent fabriqués non seulement armes, bateaux, cabanes, mais aussi les instruments et les outils dont avaient besoin les paysans pour travailler une terre qui pouvait produire beaucoup. De ce qu’on n’a guère retrouvé de tels outils dans les nécropoles, on a parfois conclu, par un primitivisme sans doute excessif, à l’absence d’agriculture développée en Latium avant l’époque archaïque : mais outre que de tels objets, faits d’un matériau périssable comme le bois, n’ont souvent pas laissé de traces archéologiques89, on peut penser aussi qu’ils étaient conservés par les vivants et utilisés jusqu’à usure complète. Sans doute n’étaient-ils pas considérés comme assez exceptionnels et assez précieux pour servir d’ornements à des sépultures ; peut-être aussi n’appartenaient-ils pas en propre au défunt, dans les premières phases de la civilisation latiale, ce qui pourrait expliquer une absence qui, de toute façon, ne saurait être interprétée comme une inexistence.
28La forêt fournissait aussi la matière première pour les travaux de vannerie et de sparterie, comme en témoigne Pline90, dans une description de valeur générale qu’il est permis d’appliquer aux monts Albains : en effet, si, bien entendu, aucun vestige ne subsiste des objets ainsi réalisés, il nous paraît (comme à L. Quilici, o.c., p. 168) que les innombrables vases « à filet »91, dont la surface porte en relief l’image d’un maillage tressé permettant le port du récipient, se réfèrent, en le pérennisant, à un usage qui devait être fort répandu. C’est aussi la forêt qui fournissait le combustible nécessaire à la fabrication de ces vases, aussi bien qu’aux traditionnels usages domestiques que sont l’alimentation et le chauffage. La forêt vaut également comme une inépuisable réserve de nourriture : pour les terres, par le fumier que les cendres résultant du brûlis de ses feuilles mortes produisent92 ; pour les bêtes, par la pâture qu’elle offre aux troupeaux de sangliers, de porcs et de chevreuils ; pour les hommes, par les fruits et baies de ses arbres. Là encore, nous demanderons à Lullin de Châteauvieux un témoignage, que son absence d’élaboration littéraire rend particulièrement éclairant ; interrogé par l’agronome, un fermier de la Campagne romaine lui répond : « La meilleure de toutes nos branches d’économie est celle des porcs, attendu qu’ils ne coûtent presque aucun entretien. Ils ne vivent que dans les forêts et les sols marécageux93 ». Auparavant, l’auteur a parcouru à cheval une région alors plus déserte et plus délaissée qu’elle ne l’avait jamais été du temps des Latins et des Romains de l’âge classique : « Arrivés près des bois, on nous fit remarquer une immense quantité de porcs dont une partie se cachaient [sic] sous l’ombrage, tandis qu’une autre pâturait dans la plaine. Ces animaux étaient au nombre de 2 000, appartenant à la ferme de Campomorto. Ils errent toute l’année dans l’immense territoire qui avoisine la mer. Ils pourraient passer pour des sangliers, tant ils sont sauvages et farouches. Ce sont cependant des cochons domestiques, de la race noire, dont la chair, engraissée par les glands de la forêt, est d’une grande perfection »94.
29Longtemps presque sans limites, accueillante, nourricière, la forêt albaine est aussi un lieu de refuge pour tous ceux qui ne veulent pas être retrouvés, que ce soit pour de bons ou de moins bons motifs : « Se faire brigand, dans ce pays, observe ironiquement Stendhal, s’appelle prendre le bois (prendere la macchia) ; être brigand, esser alla macchia »95, et le mythe se plaît à évoquer Lavinia in siluis latens, qui timens insidias, grauida confugit ad siluas. Quant à la valeur de la sylve comme lieu d’éducation et d’initiation, elle est trop connue pour qu’il soit besoin d’y insister ici96.
BOIS SACRÉS
30Espace originel, antérieur à la cité et sans doute soumis pour son exploitation à de fortes contraintes collectives, la forêt, à partir du moment qui voit l’émergence des premières communautés organisées, a pu servir à délimiter les territoires respectifs de ces dernières, les marches forestières jouant alors la fonction de frontières97 ; ainsi, la silua Malitiosa98 semble bien avoir été d’abord une marche entre les territoires romain et sabin.
31Il ne faut toutefois pas imaginer ces limites comme des frontières précisément délimitées, et A. Ziolkowski99 vient de montrer toute la fragilité de la notion moderne de « sanctuaire de confins » appliquée à un ager Romanus antiquus qui, pour bonne part, n’est sans doute qu’une recréation de l’érudition, tant ancienne que moderne. Ni le lucus de la déesse Robigo100 ni celui de Dea Dia n’ont donc de valeur probante de ce point de vue, même si l’ancienneté de ce type de bois apparaît dans les prescriptions épigraphiques concernant l’entretien du bois sacré des arvales : les inscriptions gravées sur ordre du collège font état de l’ilex et du laurus101 qui le composent, détaillant minutieusement les prescriptions d’un entretien qui devait impérativement se limiter à l’élimination des pousses mortes et au nettoyage du sous-bois102, mais dans le plus grand respect de l’intégrité du lieu saint. Citant le commentaire de Marini à ces inscriptions, Ampère concluait déjà : « Les bois sacrés peuvent donc servir comme autant de jalons pour retrouver la forêt primitive »103
32Sans doute, de telles obligations existaient sur le Monte Cavo lui-même, dont le sommet, au témoignage de Tite-Live (1, 31, 3), était occupé par un bois sacré : summi cacuminis luco104. Le texte ici est sûr (il n’y a pas la confusion, si fréquente ailleurs, lucus/locus) et, quoique unique, l’attestation est indiscutable. Elle permet de voir qu’en invoquant, dans la péroraison du Pro Milone, les arae atque luci albani, Cicéron se réfère directement, entre autres, au bois consacré à ce Jupiter Latial qu’il prend, au même moment, à témoin des déprédations commises sur le territoire albain par Clodius105, sanctissimis lucis. L’Orateur désigne aussi par ce pluriel d’autres bois sacrés, notamment celui de Ferentina, assurément le second en importance dans toute la région. Dans le premier de ces lieux, divers vestiges, répertoriés par M. S. De Rossi106, sont sans doute à référer à un important dépôt votif. Très probablement, il y avait, épars sur tous les Colli Albani, d’autres luci, dont la tradition écrite n’a pas toujours gardé de souvenir précis. La logique du mythe voudrait par exemple qu’il y ait eu sur le site albain un lucus Martis107, puisque c’est en allant chercher de l’eau dans un bois sacré que la Vestale Rhea Silvia rencontre le dieu, futur père des jumeaux fondateurs ; cependant, ce lucus n’est pas autrement connu que par Denys (1, 77), quoique l’existence de prêtres saliens arcis Albanae (CIL, 14, 2947) plaide indirectement (Mars étant le dieu des saliens) en faveur de sa réalité, faisant du même coup de la légende un probable aition du sacerdoce en question.
33Citons aussi à ce propos un autre lucus Martis, attesté par Tite-Live pour le territoire de Crustumerium108 et sans doute pourvu, lui aussi, d’un dépôt votif109. À l’époque classique, le souvenir et le culte de ces luci devait être entretenu sous la forme de chapelles et de jardins à terrasses aménagées, à l’instar de ce site, malheureusement anonyme, de Tibur, où fut trouvée au début des années 1940 une inscription mentionnant un lucu sanctu110 : c’est à l’image de ce lieu qu’on imaginera le bois sacré vénéré avec trop d’enthousiasme par Passienus Crispus. La religion avait conservé ce qui, sous d’autres cieux et en d’autres temps, devra sa survivance à des motifs plus laïques, d’ordre esthétique ou « écologique » ; citant un témoignage du même genre, Ampère pourra écrire, en une comparaison éclairante : « Ainsi j’ai vu aux États-Unis, près de la ville de Chicago, dans un jardin, des arbres qui avaient fait partie de la forêt vierge avant le défrichement »111. Pour en revenir au mont Albain, l’intérêt du texte livien est aussi, outre la preuve qu’il apporte de la présence d’un lucus comme trace de la forêt originelle sur la montagne même du Jupiter Latial, de témoigner de la valeur oraculaire forte qui s’attachait à la sylve albaine, comme, d’un point de vue plus général, à celle de l’ancien Latium112.
34Quant à l’étymologie même de ce terme lucus, qu’on ne traduit que bien improprement par « bois sacré », elle constitue une preuve de plus de l’importance de la forêt dans le Latium primitif : car s’il est vrai, ce qu’il faudrait vérifier au moyen d’une recherche appropriée, qu’on puisse, avec les grammairiens antiques et Varron113, la mettre en rapport avec le mot lux, elle renvoie à un monde où la forêt est l’élément normal et la clairière, espace d’habitat, de culture et, de toute façon, de culte, encore l’exception. Ce n’est que lorsque l’exception est devenue la règle, tandis que la forêt originelle cédait partout du terrain jusqu’à ne survivre qu’en de rares lambeaux, que, par métonymie, le contenant a été assimilé, si l’on peut dire, au contenu, et les arbres, qui d’abord entouraient la clairière consacrée, pris pour le symbole même de ces lieux saints primitifs. Ainsi la véritable inversion sémantique à laquelle on assiste dans l’emploi du mot, qui indubitablement finit chez les glossateurs tardifs par désigner le contraire de ce qu’il signifiait au départ (le bois et non plus la clairière dans ce bois)114, n’est que l’illustration de la transformation radicale opérée au fil des siècles dans le paysage latial par suite de défrichements sans cesse poursuivis. On retrouvera cependant, avec G. Dumézil115, le sens premier du mot et la situation à laquelle il s’appliquait, dans la prière, transmise par Caton, de l’agriculteur qui entreprend d’« ouvrir une clairière dans un bois », lucum conlucare Romano more (de agr., 139) ; il apparaît aussi sauvegardé, comme il est normal, dans le formulaire religieux (exempt, en tant que tel, de toute « contamination » littéraire), de la dédicace du sanctuaire de la ligue latine, dédicace dont le texte, s’il est transmis par le grammairien Priscien, n’est sans doute pas autre chose que la transcription exacte d’une inscription : lucum Dianium in nemore Aricino116. Comme l’a souligné F. Coarelli, on voit clairement ici que le mot lucum ne saurait être traduit par « bois sacré », réalité qui est, elle, rendue par le mot nemus117.
35Tite-Live, parlant du lacus in nemore Albano, fait donc probablement allusion à une formulation rituelle ; le jeu de mots implicite qu’il est alors permis d’y lire – lacus pour lucus – est-il le fait de l’auteur de l’Ab Vrbe condita lui-même ou de ses sources ? Il n’est nullement exclu qu’il l’ait déjà trouvé dans des documents officiels, car la vieille religion romaine – et latine, peut-on supposer – se plaisait à ces jeux d’assonance : qu’il nous suffise de citer ici le hic lucus locusue de la prière des arvales118. Par conséquent, nous pensons que la formule dont use Tite-Live pour décrire le lac Albain est très exactement celle qui se trouvait employée dans les prières et rites concernant ce lieu. Ainsi, sur le territoire albain, comme sur celui d’Aricie, elle renvoie, dans un cas comme dans l’autre, à l’omniprésence d’une sylve originelle.
Notes de bas de page
1 Cf. P. Toubert, Les Structures du Latium médiéval... (BEFAR 221), 1, Rome, 1974, p. 177, repris in DdA, 1980, p. 9. Voir aussi, bien que fondé sur des études de cas français et espagnols, à partir de restes de charbons de bois (anthracologie) : J. L. Vernet, L’Homme et la forêt méditerranéenne, de la préhistoire à nos jours, Paris, 1997.
2 Analisi..., 1, p. 101.
3 13, 19, 1 ; cf. aussi Stace, Silv., 3, 1, 61 : Aricinum [...] nemus.
4 Descrittione di tutta l’Italia, Venise, 1581, p. 144a.
5 Remarques sur divers endroits d’Italie par Mr. Addison pour servir de supplément au Voyage de Mr. Misson, 4, Paris, 1722, p. 267.
6 On les trouvera dans le recueil publié à Paris, an V (1796), sous le titre, Mémoires de Gibbon suivis de quelques ouvrages posthumes et de quelques lettres du même auteur recueillis et publiés par Lord Sheffield, traduit de l’anglais (par Marignée) ; voir dans le t. 2 les notes de lecture, intitulées « Extraits raisonnés », en partic. p. 71 : « Tous les écrivains parlent du bois d’Égérie, de la porte Capena, et du bois d’Aricie ; mais aucun n’y suppose la moindre liaison. [...] Encore si je hasardais une supposition des plus naturelles, c’est que tout le pays entre Rome et Aricie n’était anciennement qu’une forêt, où l’on voyait deux chapelles consacrées à la nymphe ; et que lorsqu’on défricha ces bois, on en laissa toujours subsister les deux extrémités par respect pour elles » (p. 72). « Ces traditions sont fabuleuses, j’en suis persuadé ; mais les fables ne sont pas l’ouvrage d’un jour. Crues pieusement de tout le canton, elles y sont anciennes ; le bois sacré auquel elles sont liées l’est encore davantage ; et ces fables mêmes renversent la fable encore moins vraisemblable qui ne rapporte sa consécration qu’au temps de la grandeur de Rome et de l’agrandissement de la ville, c’est-à-dire, à celui d’Auguste, ou du moins des derniers consuls » (p. 73). Sur Gibbon et Rome, nous nous contenterons ici de renvoyer à l’ouvrage fondamental de M. Baridon, Gibbon et le mythe de Rome, Paris, 1977.
7 Promenades dans Rome, in Voyages en Italie, Paris, 1973, p. 633 (à la date – fictive – du 28 août 1827).
8 Lettres écrites d’Italie en 1812 et 1813 à M. Chr. Pictet, 2e éd., Paris-Genève, 1820, p. 182. Sur cet auteur, cf. supra p. 60.
9 Voyage en Italie, 1865, éd. 1907, p. 374.
10 Voir, dans la série Storia d’Italia. Le regioni dell’Unità a oggi, le volume Il Lazio, sous la dir. d’A. Caracciolo, Rome, 1991, p. 95.
11 Le fait est souligné par Ampère (Hist. r., p. 213, à propos des forêts de pins de Castel Fusano), qui, par ailleurs, commentant la description livienne du site albain, remarque (p. 47) : « Aujourd’hui, on ne trouve un bout de forêt que plus haut, en gravissant le mont Albain (Monte Cavi)... ». Bonstetten, lui aussi, témoigne, un demi-siècle plus tôt, de l’intensité du déboisement qui affecta d’abord la zone littorale : « Maintenant non seulement l’âme de ces forêts, la douce illusion, a disparu, mais les forêts abattues, et tous les arbres coupés ne laissent plus apercevoir que d’informes collines et de fétides vallées. » (Voyage..., p. 215).
12 Cf. Études statistiques..., 1831, p. 84 et p. 230.
13 Voyage en Italie et en Sicile, 1, Paris, 1828, p. 389 ; p. 387, il évoque les « sombres bosquets de chênes verts » qu’il aperçoit sur le « Monte Albano ».
14 Lettres écrites d’Italie..., p. 177. L’auteur remarque par ailleurs, à propos du Viterbois, que « les forêts couvrent les deux-tiers du territoire. Ces forêts majestueuses, laissées aux soins de la nature, ont une végétation trop riche pour servir comme en Toscane au parcours des troupeaux. L’œil n’en peut percer la profondeur » (p. 143). Par contre, il note qu’autour de Rome, « les pâturages aux environs de Monte Rosi sont encore entourés de superbes chênes blancs ; mais de là jusqu’aux monts d’Albane on ne voit plus dans la campagne que des chênes verts isolés, battus par les vents et que le hasard seul a préservés » (p. 147). Dans une lettre qu’il envoie à Mme de Staël en juin 1807 (in Italiam !, p. 272), après avoir passé une nuit « chez les moines de Monte Caro » (sic), Bonstetten évoque « la vaste forêt qui entoure le couvent ».
15 O.c., p. 92 ; on évoquera à ce propos Aulu-Gelle, NA, 19, 5, 4, et une proposition récente d’identification de l’une des pièces de la villa tiburtine dite de Capiton, comme glacière : cf. Z. Mari, Tibur. Pars Quarta, p. 44, p. 154, fig. 228, et p. 156. Il s’agirait du premier exemple d’un tel dispositif antique reconnu à ce jour.
16 Cf. Journal d’un compagnon d’exil de Lucien Bonaparte, 1804, rééd. par H. Vallet, 1986, p. 183 : « Infine arrivati alle sue radici, comminciamo a salire ed entriamo in una bella sel-va di castagni alti e densi, che impediscono ai raggi del sole di penetrarvi ». On peut se demander du reste si, aussitôt après l’époque de cette description, la situation n’avait pas commencé à changer, car en 1828, L. Simond, décrivant les pentes du « bassin » du lac d’Albano, ne parle plus que des « magnifiques châtaigniers qui croissent çà et là sur la montagne, respectés par la cognée du bûcheron, à cause de leurs fruits » (o.c., p. 387).
17 P. Toubert, Structures, 1, p. 191 ; il s’agit de A. Ferrantini, « I limiti altimetrici della vegetazione nel Vulcano Laziale », in Riv. Geogr. It., 49, 1942, p. 18-34, et id., « Osservazioni sulle modificazioni della vegetazione nei Colli Albani », in Bollett. d. Soc. Geogr. It., série III, 11, 1946, p. 16-30 ; P. Toubert (p. 168, n. 2) cite aussi L. Senni, « La vegetazione dei Monti Albani », in Riv. Forestale It., 5, 1943. On notera toutefois que le châtaignier a sa place dans l’encyclopédie de Pline, qui lui consacre une description qui convient particulièrement bien au milieu albain ; et puisque, même si elles sont la plupart du temps anonymes, les notices de l’Histoire Naturelle, quand elles concernent des plantes « occidentales », proviennent d’un contexte non seulement italien mais, souvent, spécifiquement latin (par le biais de sources comme Caton ou Varron), on peut se demander si l’exclusion totale prononcée par Ferrantini ne doit pas être au moins un peu nuancée. Le Naturaliste n’écrit-il pas en effet que le châtaignier (castanea) quaerit [...] uel tofi etiam farinam, quamlibet opaco septentrionalique et praefrigido situ, uel etiam decliui (N.H., 17, 147 (34)) ?
18 Nous empruntons l’expression à P. Toubert, Structures, p. 181.
19 Cf. par ex. DdA, 1980, p. 15.
20 Ainsi A. Billamboz à propos d’un site du lac de Constance (Federsee) montre combien les coupes d’arbres effectuées par les habitants des villages néolithiques successifs affectent en profondeur l’évolution de la forêt : cf. Annales ESC, 1993, p. 17-41. Autre exemple, pris dans un contexte topographique et chronologique différent, celui de la forêt gauloise de la Gaule Belgique, pour laquelle des études récentes ont montré que la déforestation ne datait pas, comme on l’avait longtemps pensé, des Romains, mais de l’âge du Fer, et remontait au VIIe s. av. n. è. : cf. A. V. Munaut, « La forêt gauloise dans le Nord de la Gaule Belgique. Enquête palynologique préliminaire », in Rev. du Nord, 70, 1988, p. 5-21 ; d’une manière générale, on sait aujourd’hui que la forêt méditerranéenne commence à être profondément modifiée par l’homme à partir du Bronze moyen (vers 2500 av. J.-C.) : cf. J. L. Vernet, L’Homme et la forêt..., o.c., p. 94, et p. 110 et s. Bien entendu, il faudrait pouvoir disposer des résultats d’études de palynologie, de dendrochronologie, de phytosociologie, de pédologie, voire d’anthracologie, qui font encore défaut, sauf rare exception, pour les sites du Latium et des Colli Albani.
21 1, p. 168. Quant au constat qu’il dressait une page plus haut, « toute recherche poussée dans le domaine de la paléobotanique locale fait encore défaut » (p. 167), s’il mérite d’être nuancé aujourd’hui, cela n’est dû qu’à deux exceptions, celles du lac de Gabies et du lac d’Albano.
22 Voir la note d’A. G. Segre sur la base d’un carottage réalisé en 1974 : ap. A.M.B.S., Necropoli Osa, p. 19-21.
23 Pour Monterosi, voir les réf. indiquées par M. A. Fugazzola Delpino, « Le acque interne : appunti di archeologia preistorica », in Etruria Meridionale, Rome, 1988, p. 17-25 (p. 20). Pour le lac d’Albano, cf. L. Cattani, in Roma città del Lazio, Rome, 2002, p. 52 : outre des fragments de centaines de pieux de bois, y ont été retrouvés sous l’eau, donc particulièrement bien conservés : coquilles de noix, restes d’épis d’orge et d’autres céréales, pépins de raisins sauvages, graines de sureau, baies de cornouillers, glands de chênes. Le village est abandonné au xvie s. av. J.-C.
24 Itin. Ant., 305 ; cf. Nissen, It. Land., 2, 2, p. 597, n. 3 ; le sens de « palissade » attesté par Aulu-Gelle (NA, 2, 205, 5, a tabulis roboreis), qui ne cite pas le toponyme, ne saurait être que dérivé. Le nom moderne de Molara proviendrait d’une déformation du toponyme antique selon Tomassetti, C.R., 4, p. 515-516, mais c’est peu probable : cf. Top. Arch., 1, p. 125.
25 Cf. P. Toubert, Structures, 1, p. 171.
26 Ib., p. 178.
27 Voir Jacques André, Lexique des termes de botanique en latin, Paris, 1956, s.v. robur, p. 273.
28 E. Dalmasso, P. Gabert, L’Italie, Paris, 1984, p. 29.
29 Rappelons que le terme quercus renvoie normalement à toute espèce de chêne, sans spécification de l’espèce : cf. J. André, o.c., s.v. p. 267.
30 Ann., 4, 65.
31 Comme semblaient le croire les Anciens à propos de ce phénomène toponymique qu’ils avaient bien remarqué : cf. par ex. Pline, N.H., 16, 15, 37 : Siluarum certe distinguebatur insignibus. En réalité, ce genre de toponymes ne signifie pas non plus que la végétation de la colline n’ait été composée exclusivement que de chênes : cf. sur ce type de problème les justes observations de P. Toubert, Structures, p. 170 (partic. n. 4) et p. 171, rappelant que les espèces « pivots d’association » (expression qu’il faut préférer à celle d’« espèce dominante ») ne sont que rarement éponymes : « L’arbre, le bel arbre rare et isolé, a toujours servi, surtout dans le monde méditerranéen, à former beaucoup plus de toponymes végétaux que les espèces-pivot d’association non arbustives, pourtant plus caractéristiques du paysage réel ». Ces réflexions peuvent valoir vis-à-vis de toponymes comme le Viminal, le Fagutal ou le Lauretum (sur l’Aventin) de Rome.
32 Cf. le lemme de Festus, 314L : Querquetulanae uirae putantur significari nymphae praesidentes querqueto uirescenti, quod genus siluae iudicant fuisse intra portam, quae ab eo dicta sit Querquetularia (cf. aussi ib., 315L, et Pline, N.H., 16, 15, 37) ; cf. aussi le Larum Querquetulanum sacellum mentionné par Varron (LL, 5, 49) à propos de l’Esquilin.
33 Le chêne jupitérien se trouve invoqué dans la mesure où le dieu est le garant de la foi jurée : sur Jupiter comme « Schwurgott », cf. Wissowa, RKR2, p. 118.
34 Liv., 3, 25. Même si l’arbre n’est pas un dieu, il nous semble qu’on doit parler de « Baumkultus », malgré ce qu’on a pu en dire, pour les phases les plus anciennes de la civilisation latiale. Contra, cf. par ex. J. Scheid in Bois Sacrés, p. 13-20, partic. p. 16. Voir les justes remarques d’A. Carandini, Nascita..., p. 537.
35 Liv., 1, 10, 5 : ibique ea (i.e. spolia opima) cum ad quercum pastoribus sacram deposuisset... : on remarquera qu’il s’agit bien là non pas d’un bois sacré, mais d’un arbre unique.
36 Rappelons que c’est aussi de chêne que se composait la couronne civique dont Virgile fait un attribut des rois Albains qui défilent devant Énée : Aen., 6, 772 : Atque umbrata gerunt civili tempora quercu.
37 Hist. r., p. 26. Il s’agit de N.H., 16, 242.
38 Cette expression peut renvoyer à une inscription rédigée aussi bien en latin archaïque qu’en étrusque.
39 Voir J. Brosse, Mythologie des arbres, Paris, 1988, p. 88, citant H. de Witt, qui fixe à deux mille ans la durée naturelle du Quercus Robur.
40 Cf. J. André, o.c., s.v. p. 168. Évoquant ce passage de Pline, le voyageur A. L. Castellan, dans ses Lettres sur l’Italie faisant suite aux lettres sur la Morée, l’Hellespont et Constantinople, Paris, 1819, 1, p. 113, mentionne les grands chênes-verts qu’il voit sur le site de Tivoli.
41 Liv., 1, 18 ; cf. Weinstock, in R.E., 6A, 1, 1935, col. 835, et M. Torelli, Lavinio e Roma, Rome, 1984, p. 184-185, pour la localisation sur l’arx de Tibur.
42 Cf. A. Giovannini, « Les livres auguraux », in La Mémoire perdue, C. Moatti et J. Scheid éd., Rome, 1998, p. 103-122.
43 Varr., LL, 7, 8 ; cf. E. Norden, Aus altrömischen Priesterbüchern, Lund, 1939, p. 3-166 et p. 281-286 ; id., Die antike Kunstprosa, 2, rééd. 1958, p. 820 ; A. Magdelain, Jus Imperium Auctoritas. Et. de droit romain, Rome, 1990, p. 38-39 et p. 198 et s. ; J. Linderski, « The Augural Law », in ANRW, 2, 16, 3, 1986, p. 2256-2296 et partic. p. 2269 pour le texte transmis par Varron, qui, comme le note justement ce savant, en fut le premier commentateur. Si l’augure sur l’arx n’invoque aucune divinité (cf. Magdelain, o.c., p. 38) pour tracer le templum, l’« inauguration » du roi se termine à Rome par une invocation à Jupiter (Iuppiter pater), qui, à Tibur, devait être nommé en tant que Iuppiter Praestes (ou Territor ?) : sur ces épiclèses spécifiques au dieu de Tibur, cf. Wissowa, RKR2, p. 119, n. 8, p. 124 et p. 273, et Giuliani, Tibur. Pars Prima, p. 29-30. Contre l’idée si répandue d’une absence de mythologie dans la religion romaine, C. Koch mettait en relief la dédicace de l’autel de Iup. Praestes (CIL, 16, 3555) : Ioui Praestiti Hercules Victor dicauit ; voir Der römische Jupiter, 1937, trad. ital. Giove Romano, Rome, 1986, p. 87.
44 S’agit-il de la même chose que le Tiburni lucus dont parle Horace (Carm., 1, 7, 12), comme on le pense généralement (cf. C. F. Giuliani, o.c., p. 24) ? Cf. aussi Vita Horat., 8 : Uixit plurimum in secessu ruris sui Sabini, aut Tiburtini : domusque eius ostenditur circa Tiburni luculum. Utile exposé de la légende de Tiburnus in Giuliani, o.c., p. 8-11, et M. Torelli, o.c. supra n. 41 ; voir aussi les remarques de D. Briquel, in Bois Sacrés, p. 89, et son article « La légende de fondation de Tibur », ACD, 33, 1997, p. 63-81.
45 Les récentes découvertes d’Astura (cf. M. Angle et alii, in PP, 48, 1993, p. 190 et s.) relancent le problème de l’influence égéenne en Latium.
46 Voir J. André, o.c., s.v. fagus.
47 Voir par ex. dans la carte au 1/25 000e de l’IGM, le feuillet Velletri 150 II SO (= infra pl. 11), au point 12-24 avec, au n.-e. de Nemi, les toponymes Monti delle Faete, Maschio delle Faete et Macchie della Fajola, ce dernier toponyme se retrouvant au point 11-19. Nombreuses autres occurrences dans toute la région des Colli.
48 Le point le plus haut de Frascati est à 322 m au-dessus du niveau de la mer ; cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 346. Voir B. Anzalone, « Sul limite inferiore del faggio nella regione laziale », in Ann. di Botanica, 27, 1961, p. 80-109. Cette altimétrie basse suppose des températures moyennes un peu inférieures aux actuelles et une pluviosité un peu supérieure : cf. infra p. 162.
49 Voir R. Amalgià, Il Lazio, Rome, 1948, p. 184 et s.
50 P. Toubert, Structures, 1, p. 180.
51 Fest., 77L : Fagutal sacellum Iouis, in quo fuit fagus arbor, quae Iouis sacra habebatur ; commentaire par De Sanctis, St. dei Rom., 1, 19802, p. 268.
52 Liv., 27, 11 : In Albano monte tacta de caelo erant signum Iouis arborque templo propinqua.
53 Il est absent des références données par E. Saglio dans l’article « Arbores sacrae » du DAGR, 1, 1877, p. 356-362, et il n’apparaît pas non plus dans le volume consacré aux Bois Sacrés signalé supra n. 44.
54 « Un arbre voisin du temple » est la traduction proposée aussi bien par la collection Panckoucke (1833) que par Dureau de Lamalle et Noël (1840), ou par la collection Nisard (1844). Comme l’a bien vu B. Mac Bain, in Prodigy and Expiation : a Study in Religion and Politics in Republican Rome, Bruxelles, 1982, p. 35, ce prodige, ainsi que ceux survenant au même moment sur le site albain, est en relation directe avec le refus précédemment exprimé par douze des colonies latines de continuer à contribuer à l’effort de guerre romain dans la lutte contre Carthage : l’épisode est ainsi un nouveau témoignage de la « récupération » romaine de la religion latine : cf. supra p. 102.
55 Voir Almagro Gorbea (éd.), El Santuario de Juno en Gabii, Rome, 1985, p. 587 et s. ; voir aussi F. Coarelli, Santuari..., p. 19.
56 Pline, N.H., 12, 1, 5 : c’est le souvenir d’Auguste, à qui avait appartenu la villa, qui avait dû protéger l’arbre en question.
57 Mentionné par Kircher (Vetus Latium, p. 50), l’arbre ne fut abattu qu’à la fin du xviiie siècle : cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 257.
58 Cf. Tournon, cité supra p. 27 ; Châteauvieux évoque (o.c. supra p. 60) les ormeaux sur le chemin entre Albano et « La Riccia » (p. 178).
59 Voir P. Toubert, Structures, 1, p. 180, n. 2 : « Les conifères sont les grands absents de la phytotoponymie médiévale. [...] Pour la campagne romaine elle-même, il serait bien erroné de croire que le pin maritime est un élément très ancien du paysage. [...] Avant le xive s., nous ne pouvons avancer que deux mentions sûres ».
60 Voir n. suiv. Des puits de Pyrgi, comblés au iiie s. av. J.-C., contenaient beaucoup de fragments de bois de pin : cf. G. Colonna in L’Etruria Mineraria, XIIe Congrès Studi Etruschi, Florence, 1981, p. 23.
61 Hist. Plant., 5, 8, 1(= F. Gr. Hist., 840 F 23) cité infra p. 164, n. 45.
62 Cf. ib., 5, 8, 3. Pour le commentaire de ce texte, cf. infra n. 79.
63 Pline, N.H., 15, 125 ; sur le myrte comme symbole de victoire, cf. R. Schilling, La Religion romaine de Vénus, Paris, 1954, 19822, p. 217 et s. ; A. Alföldi, Die zwei Lorbeerbaüme des Augustus, Bonn, 1973, p. 3. Sur la riche symbolique de cette plante, cf. G. Guillaume-Coirier, « Les couronnes militaires végétales à Rome : vestiges indo-européens et croyances archaïques », in RHR, 210, 1993, p. 387-411 (p. 409). Rappelons par ailleurs que le myrte apparaît dans les rites des fétiaux (cf. infra n. 67), ainsi que dans le culte de Faunus et de Bona Dea, c’est-à-dire dans trois domaines religieux marqués par une forte coloration albaine. Il est vrai aussi que le premier nom de la vallée Murcia à Rome aurait été Myrtea...
64 Sur ce dernier, cf. infra p. 267 et s.
65 Aen., 6, 760 : Ille, uides, pura iuuenis qui nititur hasta...
66 In AJA, 63, 1959, p. 1-27, « Hasta summa imperii », pour qui purus renvoie à un matériau précieux, or ou argent, juste conclusion, conciliable en réalité avec l’indication de Varron et retrouvée par Y. Le Bohec in REL, 76, 1998, p. 27-34 (qui ne cite pas l’art. d’Alföldi), montrant, par le recours à des documents épigraphiques et figurés, que l’hasta pura ne saurait être, comme l’ont dit souvent les spécialistes d’histoire militaire, une lance sans pointe. Virgile faisait allusion à un usage latial, qu’il pouvait connaître par l’armement des Saliens.
67 Liv., 1, 32, 12 : Fieri solitum ut fetialis hastam ferratam aut sanguineam praeustam ad fines eorum ferret. Rappelons que c’est J. Bayet qui a, dans un article classique, définitivement prouvé que sanguineam désignait le bois de cornouiller : voir « Le rite du fécial et le cornouiller magique », in MEFR, 52, 1935, p. 29-76 = Croyances et rites dans la Rome antique, Paris, 1971, p. 9-43 ; les fétiaux employaient aussi le myrte (o.c., p. 34) ; on notera qu’à la n. 1, p. 35 de cet article, J. Bayet fait état d’indications qui lui « ont été obligeamment transmises par M. Caillois, élève de l’École normale supérieure ». Du point de vue de l’archéologie, on a jadis pensé que les armes étaient absentes des nécropoles des premières phases de la civilisation latiale, ce qui semblait autoriser quelques iréniques conclusions sur le climat idyllique censé régner alors dans la région (cf. Gierow, IAL 1, p. 424, qui réfute justement cette thèse). Vu la rareté de la métallurgie à cette époque, les lances réelles étaient sans doute en bois, seule la pointe étant en métal, bronze d’abord puis fer ; à la phase IV, on trouve cependant des lances entièrement en fer : cf. Necropoli Osa, p. 506 et 511. Par ailleurs, les découvertes de l’Osteria dell’Osa ont confirmé l’évolution suivante : pendant les deux premières périodes latiales, les lances sont présentes en format miniature dans les tombes d’hommes jeunes ; dans la troisième période, il s’agit d’armes réelles, qu’on trouve dans les tombes d’hommes plus âgés, ce qui semble indiquer que ces lances prennent une signification symbolique (de maîtrise), du type de celle qui s’illustre dans différentes pratiques du droit classique, où l’on employait une lance ou un substitut de cette arme : vente, mariage, affranchissement. Voir V. Scarano Ussani, « Il significato simbolico dell’hasta nel III periodo della cultura laziale », in Ostraka, 5, 1996, p. 321-332.
68 Comparer Liv., 1, 24, 4 (patre patrato populi Albani) et ib., 7 (pater patrate populi Alba-ni) avec 1, 32, 11 : pater patratus populi Romani Quiritium patri patrato Priscorum Latinorum hominibusque Priscis Latinis. Sur le sens de p. patratus, qui, selon J. Heurgon, « demeure inexpliqué, sinon comme une tautologie » (Ab. U. cond., Lib. Primus, 1963, 2e éd. 1970, p. 88, n. 6), cf. A. Magdelain, in Jus Imperium Auctoritas, o.c., p. 484, pour qui patratus serait un substantif désignant la communauté des patres, alors que B. Albanese vient d’apporter des arguments en faveur de l’interprétation qui y voit un participe adjectivé signifiant à peu près « investi » : cf. Mél. A. Magdelain, Paris, 1998, p. 1-7 ; pour l’antériorité du rituel des fétiaux par rapport à l’organisation romaine du collège, cf. J. Bayet, o.c., p. 43, n. 2.
69 Qu’il nous suffise de citer ici un toponyme comme le Lauretum de l’Aventin, ou le témoignage d’Hérodien, I, 12, 2 qui, avec Théophraste cité supra n. 61, montre l’abondance de la plante dans les plaines littorales du Latium, que pourrait bien refléter, après tout, le nom du peuple des Laurentes (sous réserve des observations faites supra n. 31). Pour le cornouiller, cf. supra n. 67.
70 Voir, dans le catalogue de l’exposition Ricerca su una comunità del Lazio protostorico, Turin, 1980, p. 14-16, la note d’A. G. Segre et, surtout, du même, la section 1b (« Geologia tardo olocenica ») in Necropoli Osa, p. 19-21, à partir d’un sondage en profondeur dans le lit de l’ancien lac, accompagné de multiples datations au C 14, le tout corrélé avec la stratigraphie archéologique.
71 Aulnes et roseaux se développent surtout, bien sûr, au cours de ce qu’on appelle les phases de régression lacustre, lorsque la surface des lacs diminue ; c’est ainsi qu’en 1828, L. Simond le souligne (après Bonstetten) à propos du lac de Castel Gandolfo : cf. supra n. 142, p. 92. Or, quelques années plus tard, on peut observer, au témoignage de Francesco Giorni, le phénomène suivant : « E` cosa invero sorprendente l’avvenuto del 1834, allorchè cioè per la siccità degli anni anteriori scemò in guisa il lago, che per sei mesi circa, dalla primavera all’autumno, non giunse a bagnare il labbro dell’emissario ; finchè dalle dirotte pioggie autumnali e del verno ingrossato di nuovo tornò a scorrere come prima pell’aperto suo foro » (in Storia di Albano, Rome, 1842, p. 39, n. 1). La conjonction de ces deux témoignages nous fait penser que le début du xixe siècle fut marqué dans les Colli Albani par une phase de régression lacustre : il est probable que, pour faire leurs travaux, les constructeurs de l’émissaire avaient mis à profit (même s’ils n’en avaient pas absolument besoin, cf. supra p. 85) une évolution de ce genre.
72 Découverte en 1889, la tombe eut son matériel publié par Pinza, mais ses abords ne furent fouillés que récemment, ce qui a permis de constater sa situation isolée par rapport au reste de la nécropole, indice sans doute d’une particulière prééminence du défunt. Voir in L. Quilici, Collatia, 1974, p. 441, une photographie du tronc de chêne, qu’il faudrait soumettre à une analyse dendrochronologique. On en trouvera la description sous le n° 601, in Necropoli Osa, p. 25 et p. 851-853. Datation : IV A 2 (soit 650-600 av. J.-C.).
73 Cf. Gjerstad, Early Rome, 2, tombes M (p. 89), D, G, I, K (p. 117-137), AA (p. 141) et peut-être L (p. 153). En outre, le rite n’est perceptible que lorsque le bois a subsisté, au moins en partie : il s’agit donc d’un rite funéraire beaucoup plus répandu qu’il ne semble (cf. Ricerca..., cité supra n. 70, p. 110). Voir, in Necropoli Osa, p. 556, n. 156, l’exemple d’une tombe où les traces de bois sont peu lisibles (« tracce di feretro o bara di legno » : le bois n’est pas précisé), mais dont on soulignera la nette antériorité par rapport à celle de Pinza, puisqu’elle appartient à la période II A 2 (= 860-830). Autres ex., entre autres : ib., n. 150, 163, 119, 133, etc.
74 Pour une photographie, cf. G. Colonna, « I Latini e gli altri popoli del Lazio », in Italia omnium terrarum alumna, sous la dir. de G. Pugliese-Carratelli, Milan, 1988, p. 420, fig. 366 : il s’agit de la tombe 2 de la nécropole du Quirinal (= Gjerstad, o.c., p. 276 ; un sarcophage similaire fut trouvé dans la tombe 1). Quant à donner à cet usage une simple fonction pratique ou esthétique, cela ne nous paraît guère plausible. À noter que le site de la Vigna Caracci au Prato della Corte près de Marino semble avoir lui aussi livré des restes de sarcophages en bois : cf. IAL 1, p. 247. Pour les valences symboliques liées au bois, on verra aussi J. Gagé, « Les superstitions de l’écorce et le rôle rituel des fûts ou des troncs d’arbre dans l’Italie primitive », in MEFRA, 91, 1979, p. 547 et s, et G. Guillaume-Coirier, « Arbres et herbe. Croyances et usages rattachés aux origines de Rome », in MEFRA, 104, 1992, p. 339-371.
75 Sur lesquels on lira L. Quilici, Roma primitiva..., p.46 et s.
76 Ep., 2, 17, 25 : « En quelque endroit qu’on creuse la terre, l’eau vient toute prête à votre rencontre, et s’offre pure et nullement altérée par le voisinage si rapproché de la mer ». (Trad. A. Guillemin, 1957). Pour Théophraste, cf. infra n. 79.
77 Ib., 2, 17, 26 : « On trouve le bois en abondance dans les forêts voisines ».
78 Hist. Plant., 5,8,1= F. Gr. Hist., 840F23.
79 Voir J. Heurgon, Rome et la Médit. occ., p. 301. Dès 1965, S. Mazzarino avait proposé de reconnaître dans le texte de Théophraste certaines notices venues du vie s. : cf. Il Pensiero storico classico, Rome/Bari, 1, 1983, p. 584, et p. 193 et s. pour le thème d’un Latium nemorense, développé depuis par A. Carandini, Nascita..., p. 181 et s.
80 Voir sur ce point l’introduction de l’éd. de l’Hist. Plant., Recherches sur les plantes, par S. Amigues, Paris, 1989, t. 1.
81 1, 32, trad. V. Fromentin et J. Schnäbelé, 1990, p. 63.
82 Ib., 4, 5 : trad. S. Amigues, o.c., t. 2, p. 78.
83 O.c. (supra p. 60), p. 192.
84 « Oui, tu es l’avenir » (1904), in Poètes d’aujourd’hui, 14, éd. P. Desgraupes, 1949, p. 94.
85 Tournon, Études statistiques..., t. 1, p. 344.
86 Description historique et critique de l’Italie ou Nouveaux Mémoires sur l’état actuel de son gouvernement, des sciences, des arts, du commerce, de la population et de l’histoire naturelle, Paris, 1766, t. 4, p. 4.
87 Cf. A. De Santis et alii, Fidene. Una casa dell’età del ferro, Rome, 1998.
88 Pour s’orienter dans le maquis des références pliniennes sur le sujet, on utilisera : R. Chevallier, « Le bois, l’arbre et la forêt chez Pline », in Pline l’Ancien témoin de son temps, Actes du Congrès de Nantes, 1985, J. Pigeaud et J. Oroz éd., Salamanque, 1987, p. 147-172.
89 Cf. C. Ampolo in DdA, 1980, 1, p. 34.
90 Réf. in R. Chevallier, o.c. supra n. 88, p. 158-159.
91 Voir IAL 1, p. 218 et s. ; et, in IAL 2, par ex., les n° 31 à 40 (Grottaferrata), fig. 34, p. 73 ; 11et 12(id.), fig. 45, p. 91 ; 2 et 3 (id.), fig. 51, p. 104 ; 1 et 2 (Marino), fig. 58, p. 116 ; 6 à 9 (id.), fig. 138, p. 242 ; 1 (Monte Cavo), fig. 171, p. 282 ; 1 et 2 (Castel Gandolfo), fig.175, p.288 ; 5 à 8 (id.), fig. 176, p. 291 ; 8 à 10 (découvertes Visconti de 1816-1817), fig. 193, p. 323 ; 15 à 23 (id.), fig. 201, p. 335 ; 47 et 48, fig. 203, p. 339 ; 8 à 12 (id.), fig. 205, p. 345 ; 2 (Lanuvium), fig. 221, p. 371 ; 6, fig. 234, p. 395. Nombreux autres ex. dans les fouilles plus récentes de l’Osteria dell’Osa, Decima, etc.
92 Cf. Pline, N.H., 17, 49 et 55 (= Cato, Agr., 37, 2) : Cato : stercus unde facias [...] frondis iligneam, querneam ; cf. aussi N.H., 17, 261 ; 19, 156 et 178. Sur le problème des lucaria, cf. infra n. 109.
93 Il s’agit d’un certain M. Trucci ; cf. o.c., p. 215.
94 Cf. o.c., p. 193 ; la ferme de Campomorto, l’une des plus grandes de l’Agro Romano, était située près de Conca. On notera que le site, daté du Bronze, du « Villaggio delle Macine » vient de révéler des restes de bœufs, chiens, moutons et porcs, mais aussi de cerfs et de chevreuils, ce qui implique l’existence d’un dense couvert forestier : cf. A. Tagliacozzo, in Roma città del Lazio, o.c., p. 53. Enfin, selon les spécialistes, le fameux bœuf de la Maremme est une espèce d’origine préhistorique et typiquement latiale : cf. C. Ceretti, « Il quadro geografico del Lazio come base dell’antropizzazione », in Atlante del Lazio antico, P. Sommella éd., Rome, 2003, p. 1-26 (p. 23).
95 Ed. V. Del Litto des Voyages en Italie, 1973, p. 627 ; du reste, Stendhal se trompe, car le terme macchia désigne plutôt le maquis, autrement dit une association végétale dégradée, que la végétation forestière elle-même : sur l’origine de ce terme et sur ce qu’il recouvre, cf. P. Toubert, Structures, 1, p. 183 et s.
96 Sur ces aspects, voir par ex. G. Capdeville, « De la forêt initiatique au bois sacré », in Bois Sacrés, p. 127-143.
97 Ce qui sera aussi le cas au Moyen Âge, cf. P. Toubert, Structures, 1, p. 182.
98 À notre sens, on a tort d’inférer, comme on le fait, de Liv., 1, 30 (occupat Tullus in agrum Sabinum transire. Pugna atrox ad siluam Malitiosam fuit), que la silua Malitiosa se trouvait en territoire sabin, en traduisant, avec G. Baillet (CUF, 1940), « Tullus prend l’offensive et envahit le territoire sabin » ; cf. aussi éd. Weissenborn-Müller, ad loc., « im Sabinerlande », et L. Quilici et S. Quilici-Gigli, Crustumerium, Rome (CNR), 1980, p. 176, situant ladite silva « al di là dei confini Romani, nel territorio di quella popolazione ». Car la formule livienne nous paraît décrire une intention, non une réalité déjà acquise ; cela ressort clairement de la notation de Denys qui y correspond exactement : ὁ Tύλλος […]ἑπὶ τούτους ἔγνω στρατòν ἐξάγειν (A.R., 3, 33). Si donc la pugna que Romains et Sabins se livrent dans la silva Malitiosa est atrox, c’est parce que, précisément, elle a lieu dans ce qui est l’espace frontière, le no man’s land entre les deux états, et dont le franchissement par l’une des deux armées signifiera pour l’autre l’invasion et la défaite.
99 « The aggeres... », in Archeologia, 56, 2005, p. 43.
100 Selon L. Quilici et S. Quilici-Gigli, Fidenae, Rome (CNR), 1986, p. 296-297, le bois aurait pu se trouver près de Tor Lupara (n. 658, p. 297).
101 Cf. CIL, 6, 2165 (87 ap. J.-C.), l. 55/56 : quod ramus ex arbore ilicina ob uetustatem deciderit ; ib., 2075 (a. 105), 1, l. 31-32 : de arboribus lauribus in luco deae Diae ; l. 38-39 : ob arbores laurus caedendas.
102 Avec, à chaque fois, un sacrifice expiatoire (piaculum) ; la lecture des Actes montre bien que les seules causes de disparition des arbres, à l’exclusion de toute intervention humaine, sont : la vieillesse, la tempête, la neige, la foudre et le feu. Voir CIL, 6, 2023, cum arbor uetustate in luco d. D. cecidisset ; 2028, ob ramum uetustate dilapsum ; 2044, piaculum factum in luco d. D. ob arborem quae a tempestate deciderat ; cf. aussi ib., 2059 (l. 18-19) ; 2060, l. 6-7 : ob arbores quae a tempestate niuis deciderant (29 mars 81 ap. J.-C.) ; 2067, l. 44 ; 2068, l. 28 ; 2074, l. 74 (101 ap. J.-C.), in luco d. D. arbores expiatae, quod uetustate uel ui maiori deciderant (noter la précision – précaution rituelle de l’alternative indéfinie qui se retrouve en 2078, l. 41-42) ; ib., id., 2, l. 2-3 ; 2086, l. 59-60 ; 2107 (en 224), l. 5-6, quod ui tempestatis ictu fulminis arbores sacri luci d. D. attactae arduerint, et id., l. 15-16. Le lucus doit, le plus possible, demeurer à l’abri de l’action de l’homme et de la civilisation : c’est le sens de l’exclusion du fer, dont l’emploi, lorsqu’il est nécessité par les opérations d’entretien, doit être aussitôt « expié » : cf. par ex. 2107, l. 5-6. Sur ces sacrifices expiatoires, voir J. Scheid, Romulus et ses frères..., Rome, 1990, p. 554-558, ainsi que ses Commentarii Fratrum Arvalium qui supersunt, Rome, 1998 : sans changement (sauf un, p. 80) pour le texte des ex. donnés ci-dessus.
103 Cf. Marini, Frat. Arval., p. 2, cité in Hist. r., p. 40.
104 Selon C. Ampolo, « Boschi sacri e culti federali : l’esempio del Lazio », in Bois Sacrés, p. 159-167, partic. p. 160, « il santuario di Iuppiter Latiaris sul mons Albanus [...] non è mai chiamato lucus » ; contra, cf. A. Carandini, Nascita..., p. 188.
105 Pr. Mil., 85.
106 Cf. infra, p. 278.
107 Voir Den. Hal., A.R., 1, 77, 1 : τὴν Ἰλίαν ἐλθοῦαν εἰς ἱερòν ἄλσος Ἄρεος ὕδατος ἁγνοῦ κοµιδῆς ἕνεκα, ῷ πρòς τὰς θυσίας ἕµελλε χρήσασθαι, βιάζεταί τις ἐν τῷ τεµένει. On identifie ici le schéma spatial et rituel qui se retrouvera à Lavinium (cf. supra n. 228, p. 229) : présence d’une source, utilisée comme eau lustrale, dans un bois sacré, à l’extérieur de l’habitat, le bois et sa source constituant un lieu saint (remarquer le mot τέµενος qui est vraisemblablement la traduction du latin templum). Tite-Live, beaucoup plus succinct comme à son habitude, passe sous silence la scène, et focalise le récit sur Rome : cf. 1, 4.
108 Liv., 41, 9, 5 : lapidem in agro Crustumino in lucum Martis de caelo cecidisse. Lucum est une correction de Cluvier (Klüwer) en place du lacum de l’édition princeps (aux presses de Froben, 1531), lecture suivie par C. Hülsen, in R.E., 4, 2, c. 1728. Cependant, non seulement aucun vrai lac n’est attesté à Crustumerium, sinon des marais, mais surtout, une telle onomastique pour un lac serait exceptionnelle, alors qu’elle est très fréquente pour les bois sacrés. C’est pourquoi, malgré la perte de l’unique manuscrit, dit Vindobonensis Latinus 15, pour ce passage, et l’impossibilité de vérification qui en découle (est perdu, entre autres, tout le quaternion, qui allait de 41, 1, 1 à 41, 9, 10), la leçon lucum s’impose : c’est elle qu’ont adoptée les éditions les plus récentes, tant celle de P. Jal (Paris, 1971, p. 13 ; voir aussi l’intr., p. LXXXIV-LXXXV pour l’histoire du texte), que celle de J. Briscoe (Stuttgart, 1986, p. 12). Sur la chute du météorite rapportée par Liv. et d’autres phénomènes analogues, cf. L. Quilici, o.c. n. suiv., p. 36, n. 72 et p. 39 pour la démonstration de Cluvier et sa proposition de localisation du lucus.
109 C’est ce qui pourrait bien résulter de la trouvaille faite, à la suite de fouilles clandestines et sur un lieu non autrement précisé, de deux statuettes de bronze trouvées dans la première moitié du xxe s., dans la zone de Crustumerium (i.e. Marciglianci Vecchia), représentant deux jeunes guerriers armés, type Mars italique : cf., pour cette hypothèse et pour la description de ces bronzes archaïques, L. et S. Quilici, Crustumerium, p. 155-158, et tables LVII et LVIII ; ib., p. 295 pour une localisation du lucus au n.-o. de la cité, près du lieu même, ce qui n’est peut-être pas fortuit, reconnu comme celui de la bataille de l’Allia (sur la question, cf. ib., p. 290-293). En ce cas, nous nous demandons si ce n’est pas précisément à ce lucus que doit être référée, en dernier ressort, la notice de Paul Diacre sur les Lucaria : Lucaria festa in luco colebant Romani, qui permagnus inter uiam Salariam et Tiberim fuit pro eo quod uicti a Gallis fugientes e proelio ibi se occultauerint (Fest., 106L).
110 Le site est celui de la colline S. Stefano, dans les parages de la Villa Adriana. L’inscription porte le n° 72 dans le recueil de G. Mancini, Inscriptiones Italiae, IV, reg. IV, fasc. 1, Tibur, Rome, 19522 ; cf. Z. Mari, Tibur. Pars Quarta, p. 241, pour le plan, relevé par l’Anglais W. St. Clair Baddeley au cours d’une excursion sur place faite en 1899 en compagnie d’Ashby et de Lanciani, de l’édifice où fut trouvée la pierre : interprété par Canina, qui pensait avoir affaire à une dépendance de la villa impériale, comme une imitation de la tour de Timon qui s’élevait près de l’Académie à Athènes, l’édifice, puisque le site n’appartient pas à la résidence impériale, doit être identifié comme un sacellum : il s’agit d’une plate-forme carrée en terrasse, munie de trois niches pour statues et d’un petit escalier d’accès. Même si l’inscription date du iiie siècle ap. J.C., c’est sur ce modèle d’un lucus ainsi monumentalisé et aménagé qu’on imaginera la plupart des luci albains, dont beaucoup, comme Cicéron dans ses accusations contre Clodius en témoigne, furent par la suite englobés dans des constructions privées (uillae). On ajoutera cette inscription aux références citées dans le vol. Bois Sacrés, passim (voir notamment CIL, 5, 8970a pour l’ex. d’un lucus pourvu d’aras).
111 O.c., p. 39.
112 Sur ces aspects, cf. D. Briquel, « Les voix oraculaires », in Les Bois sacrés, o.c., p. 77 et s.
113 La notule, souvent citée à ce propos, d’I. Cazzaniga, « Lucus a non lucendo », in SCO, 21, 1972, p. 27-29, n’a en réalité pour objet que de démontrer l’ascendance homérique de l’expression varronienne (dont la référence n’est pas donnée...) : il s’agit de comparer Varr. in August., dial. 32 (= Frag. Funaioli, 265, p. 273), lucus eo dictus putatur, quod minime luceat ; très nombreux échos, par ex. Serv., ad Aen., 1, 441, lucus autem dicitur quod non luceat, Quint., 1, 6, 34 ; Isid., 1, 37, 44 et 14, 8, 30 ; Mart. Cap., 4, 360, les glossateurs, etc. Une enquête systématique, lexicale et linguistique, reste à faire. Voir pour l’instant Th. L.L., s.v., 7, 2, 2 (Plepelits).
114 Voir P. Grimal, Les Jardins romains, 3e éd., Paris, 1984, p. 170.
115 Fêtes romaines d’été et d’automne, Paris, 1975, p. 42-55, partic. p. 50. Voir la traduction de R. Goujard, 1975, p. 89 (et commentaire p. 286). Le rapport posé par Varron avec lux serait donc juste, l’erreur résidant dans son application à ce qui n’est qu’un sens second du mot.
116 Cato, Orig., f. 58 P = 26 Ch. Pour la datation de la dédicace du lucus Dianius, placée par la majorité des savants à la fin du vie siècle, cf. C. Ampolo, « La dedica di Egerius Baebius (Cato fr. 58 Peter) », in PP, 38, 1983, p. 321-326.
117 Cf. Santuari..., p. 174, et « I luci del Lazio », in Bois Sacrés, p. 47-48.
118 Cf. Commentarii fratrum arvalium, J. Scheid éd., Rome, 1998, fig. 94. p. 264, col. II, l. 3 et 12.
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