Chapitre III. Eaux
p. 55-123
Texte intégral
1Lacus Albanus, emissarium Albanum, aqua Ferentina, speculum Dianae : l’eau est une composante essentielle du paysage albain et elle est omniprésente dans la légende des primordia Albana ; elle requiert par conséquent une analyse détaillée.
LES LACS DISPARUS
2C’est par l’origine volcanique des monts Albains que s’explique le nombre relativement élevé de lacs qui parsèment la région : en effet, pour la plupart d’entre eux, il s’agit d’anciens cratères qui ont été occupés par les eaux. Cependant, le cours de l’histoire a considérablement modifié l’hydrographie qui devait être, aux époques protohistoriques, celle du Latium : le phénomène se vérifie particulièrement dans le cas des monts Albains, où le nombre des lacs était aux temps de la civilisation latiale beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui ; très tôt d’ailleurs, la plupart d’entre eux furent dotés de canalisations artificielles1. Si le Monte Cavo mire toujours sa cime dans les eaux du lac auquel tant de traditions légendaires et de faits d’histoire sont liés, il n’en va pas de même de bien d’autres lieux qui ont vu disparaître les eaux qui les ornaient et les vivifiaient.
LE LAC DE GABIES
3Un cas mérite qu’on s’y arrête plus particulièrement, en raison de l’abondance des documents le concernant. On y suit clairement les différentes étapes d’un processus qui se retrouve aussi ailleurs, mais souvent moins bien documenté. L’exemple le plus frappant, sans doute, pour notre propos, est en effet celui qu’offre le lac au bord duquel s’éleva jadis la ville de Gabies, dont le poids dans l’histoire du Latium archaïque et de la première Rome se laissait déjà entrevoir dans les nombreuses notices transmises à son sujet par l’érudition antique2, avant même les fouilles des années 1980. Pourtant, à voir aujourd’hui le morne horizon, sans eau et sans arbres, où les murs ruinés du temple dit de Junon dressent leur austère silhouette, on s’expliquerait mal comment des lieux si ingrats aient pu jamais accueillir une florissante communauté latine. Sans doute, les ondulations du terrain, bien que nivelées et écornées par les carrières que la recherche de la fameuse pierre de Gabies, saxum Gabinum3, avait multipliées dès l’Antiquité, dessinent-elles encore presque aux trois-quarts la circonférence d’un cercle qui rend présente l’absence du lac disparu ; sans doute les analyses stratigraphiques de pollens fossilisés et des restes organiques dans les sédiments lacustres, faites à la suite des fouilles récentes4, permettent-elles de comprendre les atouts évanouis d’un lieu maintenant banalisé. Mais on aimerait pouvoir se passer de ces médiations, et disposer au moins d’une description de ce « lago di Castiglione »5 dont les anciennes cartes attestent la permanence jusque vers le milieu du xixe siècle.
4Or une telle description existe, et nous l’avons trouvée dans le récit que fit de son voyage en Latium Miss Graham6, dans son Séjour de trois mois dans les montagnes de Rome pendant l’année 1819, publié d’abord à Londres, puis à Paris en 1822, dans une traduction que mentionne Stendhal7. En voici les passages essentiels : « Nous vîmes le lac de Pantana ou de Castiglione, jadis le lac de Gabie [sic]. Il a un peu plus d’un mille de circonférence ; ses rives sont un composé de substances volcaniques, sa forme et sa profondeur indiquent que c’est le cratère d’un volcan éteint [...]. Les bords du lac sont très boisés, et servent de retraite à des sangliers, des chevreuils et à toute espèce de gibier ; le lac est très abondant en oiseaux aquatiques [...]. Le lac, les petits bois qui l’environnent, et le château qui lui donne son nom moderne, sont, il est vrai, des objets assez intéressants ; et les beaux figuiers qui croissent jusqu’au bord de l’eau, justifient au moins en partie l’antique renommée de cette ville, car la campagne de Rome est encore fière des figues de Gabie »8. À peine douze ans plus tard, parlant du même lieu, le préfet Tournon pourra affirmer que « le lac de Gabie est remplacé par un autre marais de deux cents hectares de superficie »9. C’est que, pour parler comme Ampère, qui avait des divers paysages du Latium une connaissance directe, et rare à une époque où sévissait encore le brigandage10, « le resserrement ou la disparition des marais et des lacs est un fait général dans la campagne romaine ». « J’ai encore vu le lac de Gabies », ajoutait l’auteur de l’Histoire romaine à Rome, « il a été desséché de mon temps par le prince Borghèse, petit-neveu de Paul V, et à cette heure on travaille à diminuer le lac Fucin. On voit donc que la campagne romaine, elle aussi, a changé d’aspect. En contemplant le tableau que nous avons devant les yeux, et dont nos yeux ne se lassent pas d’admirer la grandeur, nous pouvons en évoquer un autre assez différent : une campagne couverte d’arbres, où il y a plus de lacs, traversée par des cours d’eau plus profonds et plus larges... »11.
5L’étude des cartes et descriptions anciennes permet de reconstituer les étapes d’un processus qui ne fut peut-être pas aussi simple qu’il semblerait à première vue. Car s’il est vrai qu’un bref de Paul V, daté de 1614, avait autorisé la prise de possession du site par le Cardinal Scipion Borghèse, pour qu’il puisse faire détourner les eaux du lac dans l’Osa12, on peut voir, par les géographes-historiens Abeken et Forbiger13 qui viennent corroborer les dires d’Ampère, que le lac de Gabies fit, de nouveau, l’objet de travaux d’assèchement en 1838. Si l’on se reporte aux cartes, on constatera de toute façon que, en 1666, celle d’Innocenzo Mattei14 indique l’existence du « Lago di Castillione già Regille », lieu décrit par le même quelques années plus tard, en 1674, comme « Lago di Santa Prassede ol(im) Regillus »15, et qu’en 1692, par exemple, la « Topografia geometrica dell’Agro Romano » de Giovanni B. Cingolani confirme très visiblement la présence du « Lago di Castiglione »16 : sans doute l’intention prêtée au Cardinal Borghèse d’assécher le lac qui fut longtemps appelé Burano17 ne fut-elle pas suivie d’effet, ou plutôt ne le fut-elle que très imparfaitement, une grande partie des eaux ne passant pas dans la dérivation et restant stagnantes, comme semblerait l’indiquer le nom de « Pantano » qui apparaît précisément vers la fin du siècle pour désigner le lac18. En fait, c’est seulement vers les années 1840-1850 que le lac de Gabies, dont l’étendue devait varier en fonction des époques – tantôt lac, tantôt grand marais –, disparaîtra définitivement19. N’est-ce pas dans cette hydrographie à géométrie variable, beaucoup plus fréquente dans l’ancien Latium qu’on ne le croit, qu’on peut trouver l’explication du silence des sources classiques sur un lac de Gabies, que l’entretien régulier des fossés d’irrigation et d’écoulement avait, à l’époque de la République et de l’Empire, réduit, voire éliminé, silence qui avait même fait penser à certains topographes du xixe siècle que ce lac n’avait qu’une origine médiévale20, ce que, de toute façon, le résultat des fouilles récentes de l’Osteria dell’Osa21 semble démentir ? Par ailleurs, les recherches de K. Grewe (o.c., p. 80 et s.) viennent de confirmer que le lac est doté d’un émissaire, de 425 m de longueur, où se laissent distinguer trois étapes de construction : si la troisième et la seconde datent respectivement, comme on pouvait s’y attendre, du xixe siècle d’une part, et de l’époque romaine d’autre part, la première est identifiable par les vestiges, coupés par le canal actuel, d’un cuniculus que sa typologie étrusque oblige, selon K. Grewe, à dater au moins du vie siècle av. J.-C., et donc à la période où Gabies est probablement une ville latine indépendante.
6Complétant les indications qui précèdent, une notice de Nibby décrit, au présent, dans un texte datant de 1837, l’ultime métamorphose du lac de Gabies : « E questo lago, come quelli di Albano, Nemi, ec. un cratere di vulcano spento, che aveva in origine un buon miglio di circonferenza, ma che si è successivamente ristretto a segno, che essendo sul punto di divenire una vera palude [souligné par nous], il principe Francesco Borghese lo fa disseccare per mezzo di una forma che farà scaricare le acque nel fiume Osa, onde così liberare da ogni esalazione pestilenziale i dintorni, e rendere alla coltivazione un terreno ubertoso »22. Le contraste est d’autant plus frappant avec ce que le même Nibby avait pu écrire à propos du même lac, un peu moins de vingt ans avant, c’est-à-dire à la date même où l’intrépide Miss Graham était venue errer sur ses bords : « Le sue rive sono vestite di arbusti molto densi, e danno la caccia de’cinghiali, come il lago stesso dà la pesca di anguille, ed altri pesci »23, avait-il noté alors, en parfaite conformité avec les observations de la voyageuse anglaise.
VALLERICCIA
7Il est un autre lac, asséché lui aussi, dont le cas n’est pas sans présenter avec celui du lac de Gabies certaines similitudes, mais qui, lui, a bien failli disparaître de la mémoire, non pas des géographes, qui en retrouvent l’empreinte dans la configuration du terrain, mais des historiens qui ont, trop souvent, oublié son existence. Il s’agit de l’étendue d’eau qui, au moins jusqu’aux époques protohistoriques, a dû occuper la dépression, ancien cratère volcanique, connue sous le nom de Vallericcia (anciennement Valle Riccia). On en chercherait en vain la trace, par exemple, dans les volumes des Tomassetti, si admirables par ailleurs. Quant aux cartes anciennes, la plupart du temps, elles ne le mentionnent pas : mais on prendra garde à ne pas tirer trop vite des conclusions négatives de ce silence, car vu l’incomplétude, par rapport à la réalité, et l’imprécision, par rapport à des changements éventuels, qui caractérisent ce type de documents, il va de soi qu’on ne saurait s’y fier sans précaution. Il est en effet trop fréquent que des lacs ou des cours d’eau qui existent indubitablement n’aient pas été notés24, pour que l’on puisse conclure avec certitude, d’une absence sur le papier, à l’inexistence sur le terrain.
8Heureusement, le récit d’un ancien voyageur vient fournir un témoignage qui ne laisse pas place au doute, au moins pour l’époque moderne. L’agronome Frédéric Jacob Lullin de Châteauvieux, dont les Lettres écrites d’Italie25 méritent encore aujourd’hui d’être relues avec soin26, bien qu’elles soient totalement oubliées, a en effet dépeint les lieux avec la précision du correspondant de l’Académie des Sciences qu’il était aussi27 : « Je remarquai au-dessous de moi, sur le premier plan du paysage, un vaste jardin enclos par la nature. Une enceinte de rochers le renfermait dans un cadre arrondi. Le sol de ce jardin était couleur de cendres et parfaitement uni. Le ruisseau en s’échappant du parc venait arroser ces terres, où végétait pêle-mêle une incroyable quantité de légumes et de fruits. Etonné de tant de fécondité, je questionnai mon compagnon de voyage, et j’appris de lui que cette terre fortunée était le cratère d’un ancien volcan. Dès les temps diluviens, il avait été rempli par les eaux. Elles formaient ce lac d’Aricie, sur les bords duquel Virgile raconte qu’on entendit les sons de la trompette guerrière de Turnus, lorsqu’il s’arma pour combattre les Troyens. Le Pape Alexandre VII fit ouvrir une issue aux eaux de ce lac, et il dota son neveu le prince Chigi de cet héritage. Il a continué dès lors à faire partie des domaines de cette famille »28.
9Lorsqu’on ne l’a pas oublié purement et simplement, on a voulu parfois réduire le rôle de ce lac à celui de déversoir du lac tout proche de Nemi, dont l’émissaire y aboutit effectivement ; mais comme le montre à l’évidence la géomorphologie des lieux29, il ne doit pas son existence à la simple présence d’une dérivation artificielle, et, avant elle, il accueillait les eaux d’écoulement provenant des hauteurs voisines. Une preuve supplémentaire en est qu’en 1819 encore, à peu près au même moment où Lullin de Châteauvieux le visitait, Nibby pouvait observer que « la situazione di questa valle abbisogna di molta diligenza nel conservare gli scoli, altrimenti le acque vi si fermano, e ristagnano, esponendola a divenire di nuovo un lago come ne’tempi bassi cominciavasi di nuovo a ridurre »30 ; avertissement qui éclaire encore une fois la vitalité tout comme la variabilité de l’hydrographie albaine, caractéristiques qu’on retrouverait d’ailleurs dans le reste du Latium.
10Cette variabilité où, bien entendu, l’action de l’homme a un effet déterminant, est illustrée par un texte antique, qu’on a longtemps rapporté au Vallericcia. Lorsque, dans le livre de son Histoire Naturelle qu’il consacre aux légumes, Pline en vient aux choux, il mentionne tout particulièrement la production d’Aricie, renommée moins par sa qualité que par son abondance : « On a depuis peu les Lacuturriens du val d’Aricie où il y eut autrefois un lac et où subsiste une tour... »31. On identifie désormais32 dans la conuallis Aricina en question l’ancien lac qui, au pied du Castel Savello, à côté d’Albano, portait dans la toponymie médiévale le nom de lacus Turni33. Que ce nom soit très probablement celui qu’il avait déjà dans l’Antiquité et que, par conséquent, il faille, avec C. Ampolo, y reconnaître le lieu de réunion des Latins, sur la base de l’équation lacus Turni = caput aquae Ferentinae établie jadis par Pais34, c’est ce dont nous ne doutons pas ; mais cela implique-t-il pour autant qu’on doive aussi retrouver ce lac derrière le nom des choux d’Aricie, dits Lacuturreses, selon le témoignage des manuscrits, appellation que le texte de Pline explique tout aussitôt après dans une ligne qui est généralement considérée comme une adjonction postérieure : ubi quondam fuit lacus turrisque quae remanet ? L’appellation et son explication sont si évidemment liées que les éditeurs qui, à la suite d’Ulrichs, ont corrigé le texte des manuscrits en Lacuturnenses, n’ont pu faire autrement que d’expulser l’éclaircissement qui la suit35. Et quant à trouver une confirmation documentaire, on pourrait aussi songer à un acte de cession fait, au xve s., par le Cardinal Giuliano della Rovere, abbé de Grottaferrata et, en tant que tel, propriétaire du site d’Aricie, à Mariano Savelli, lequel Savelli souhaitait l’acquérir en échange des ruines du château de Borghetto (sur la voie Latina), cédé en contrepartie au Cardinal. Dans cet acte, où il est question d’un castrum diruptum Ritiae domibus diruptis cum turre in eo et lacu (qui ne peut être ici, en aucune façon, le lac Savello), Tomassetti n’a reconnu le lac de Nemi qu’avec une certaine hésitation (marquée par un point d’interrogation)36 : à juste titre, car la contiguïté entre le site d’Aricie et celui du lac qu’implique la formule s’explique beaucoup mieux s’il s’agit du lac du Vallericcia plutôt que de celui de Nemi, quelque peu éloigné de la ville d’Aricie ; il est tentant de reconnaître dans la tour mentionnée par ce document, celle qui avait inspiré la remarque de Pline ou de son scholiaste37.
11Pour en revenir à l’auteur de l’Histoire Naturelle, peut-on penser que l’expression conuallis Aricina n’ait qu’une valeur indéfinie ? N’est-ce pas plutôt le vallon par excellence d’Aricie qui est désigné par cette formule, autrement dit la large et profonde dépression entourée de rochers qui s’offre à la vue de ceux qui passent sur l’Appia et que Strabon décrit peut-être, en disant du site que : Koῖλς δ’ ἐστιν ὁ τóπoς (5, 239, 12)38 ? Si l’analogie avec l’expression qui servait effectivement à désigner le lac de Nemi (cf. par exemple Ovide, Fast., 3, 263) révèle quelque chose, c’est précisément que les termes uallis ou conuallis s’appliquaient à un lieu nettement encaissé39, comme l’est « le miroir de Diane » et comme l’est aussi le val d’Aricie, à un moindre degré certes, mais plus en tout cas que le petit lac Savello, dont la superficie est par ailleurs beaucoup plus réduite40 que celle du val d’Aricie. À ce propos, on peut d’ailleurs se demander, suivant en cela une suggestion de De Rossi et de Tomassetti, si la toponymie médiévale ne restitue pas le nom du possible propriétaire antique du Vallericcia sous l’Empire, avec cette massa Ocrana qui aurait perpétué le souvenir d’un Ocra qu’on retrouve sur une inscription de la toute proche Lanuvium41.
12Quoi qu’il en soit du caractère ajouté ou non de la glose ubi quondam fuit lacus, l’adverbe nuper qui commence la phrase consacrée aux choux d’Aricie (et que personne, cette fois, ne songe à retirer à Pline) semble bien suggérer que le terrain où ils poussaient n’avait été rendu disponible que depuis peu, ce qui s’expliquerait fort bien par un assèchement récent du lac : de fait, l’émissaire du lacus Turni, aujourd’hui lac de Pavona, est daté de l’époque classique par K. Grewe (o.c., p. 90) ; à lui seul cependant, l’adverbe nuper ne constitue-t-il pas une forte présomption pour l’authenticité de la glose (ubi quondam fuit lacus...) et, partant, pour celle du toponyme tel qu’il est transmis par les manuscrits (Lacuturreses)42 ? À vrai dire, l’argument le plus net pour l’émondation du texte plinien est externe et se trouve dans les vers que Columelle43 a consacrés à l’éloge du chou et où l’on trouve effectivement mention du Turni lacus : mais ce rapprochement, quoique convaincant, n’efface pas toutes les difficultés évoquées précédemment.
13Plus probant sans doute que ces considérations philologiques, un examen récent de l’hydrographie des lieux a révélé qu’aux temps de la protohistoire, le niveau des eaux de la Vallericcia pouvait atteindre une dizaine de mètres44 ; puis les eaux stagnant dans le val d’Aricie se trouvèrent drainées, dans l’Antiquité, au moyen d’un conduit souterrain pour lequel fut utilisée une technique différente de celle mise en pratique lors de la construction de l’émissaire du lac de Nemi. Pourtant, au xve siècle, si on suit notre lecture de la convention Delle Rovere-Savelli, au xviiie siècle en tout cas, comme en témoigne Châteauvieux, un lac s’était reformé au Vallericcia, illustration des vicissitudes de l’hydrographie albaine et des successives transformations du paysage qu’elles impliquent : on remarquera donc une fois de plus combien il serait erroné d’imaginer que ces évolutions aient pu se faire de manière linéaire, de telle façon que chacune d’entre elles fût acquise une fois pour toutes. Dans le dialogue que, en Latium, l’homme entretient avec la nature, ou, pour le dire autrement, dans le rapport qui s’établit entre la géographie et l’histoire, on voit bien que les retours en arrière, les recommencements ne sont pas rares. Pour en rester à des considérations plus techniques, on notera que les observations qui précèdent réfutent l’hypothèse que le lac du val d’Aricie n’ait jamais été que le déversoir artificiel de l’émissaire du lac de Nemi, tout aussi bien que celle, plus séduisante, faite par Nissen (reprenant une suggestion d’Abeken), qui voyait dans l’assèchement du vallon d’Aricie la conséquence directe de l’ouverture de l’émissaire45.
14En réalité il faut supposer une évolution inverse, et la disposition des lieux permet ici une chronologie au moins relative, bien mise en lumière par K. Grewe46. L’émissaire du vallon d’Aricie est nécessairement antérieur à celui du lac de Nemi, qui aboutit dans le Vallericcia : le vallon n’a pu recevoir des eaux supplémentaires que préalablement asséché. De fait, la technique rudimentaire et l’irrégularité de son tracé suggèrent une datation archaïque de l’émissaire d’Aricie, dont la construction pourrait remonter avant 500 av. J.-C. En réalisant cet ouvrage, les Latins gagnaient, d’un seul coup, plus de dix km2 de terres cultivables et très fertiles.
LACUS TURNI
15Des anciens cratères d’abord occupés par les eaux, puis asséchés, qui se trouvent dans les monts Albains, celui du val d’Aricie était le plus grand ; non loin de là, il en est un autre beaucoup plus petit. C’est celui que dominèrent longtemps les ruines du château Savelli, dont le nom, qui devint celui d’une puissante famille de la Rome médiévale, provient sans doute d’un domaine antique dit Sabellum (la famille ayant en effet préexisté au fortin, l’évolution inverse est peu plausible)47. Sur cette hauteur, qui constitue le dernier contrefort des monts Albains en allant vers la mer, et par conséquent une position stratégique de première importance, les antiquaires et les topographes des âges « préniebuhriens » placèrent longtemps le site d’Albe48 ; il a été certes plus aisé de réfuter cette théorie, justement abandonnée depuis longtemps49, que de découvrir l’identité véritable d’un site qui, selon toute apparence, a dû être occupé très tôt. On a récemment proposé d’y reconnaître la ville d’Apiolae, ou encore celle de Corilla que mentionne Denys d’Halicarnasse, et qui n’est pas autrement connue50. Plus assurée, et c’est ce qui importe ici, est l’identification du lac qui, jusqu’à l’époque moderne, s’étendait au pied de la citadelle, devenue siège d’une prestigieuse villa à l’époque impériale, selon une évolution dont on retrouve souvent l’équivalent ailleurs : grâce à la toponymie médiévale, en effet, Nibby, Ashby et Nissen51 purent identifier le lac de Turnus qu’on avait avant eux placé par erreur sur la côte laurentine. Mentionné par le liber Pontificalis comme par une bulle d’Honorius III (1217), le lac de Turnus52 indique du même coup, comme l’avait déjà montré Pais, qui se trompait toutefois sur sa localisation53, le lieu où se réunissaient les Latins ad caput aquae Ferentinae. Voisin, et jumeau pourrait-on dire, du lac d’Albano comme le lac du val d’Aricie était voisin et jumeau de celui de Nemi, il était proche, comme c’était aussi le cas de son double, d’un émissaire, celui du lac albain, dont la résurgence se trouvait au lieu-dit La Mola54. C’est donc dans ce petit lac de cratère, sur un site placé en avant-poste du massif albain, et tourné vers la plaine laurentine, qu’il faut placer le lacus Turni des Anciens. Quant à reconnaître, comme on le voulait jadis55, dans ce nom de Turnus un suffixe qui, peut-être d’origine étrusque, se retrouverait dans des noms en relation avec des cours d’eau, tels Volturnus, Vaternus, Liternum, Minturnae et, bien sûr, Iuturna, cela n’est pas possible, car tous ces toponymes sont en réalité de formation très diverse. Iuturna, sœur de Turnus chez Virgile, avait près de Lavinium une source à son nom – Iuturna fons est in Italia saluberrimus iuxta Numicum fluuium (Serv., ad Aen., 12, 139)56 – et c’est de là, sans nul doute, que provient l’erreur des cartographes et antiquaires de la Renaissance plaçant à cet endroit le lacus Turni. Il reste que, à notre avis, l’appariement entre Turnus et Iuturna n’est probablement pas le fait du seul Virgile, contrairement à ce que l’on pense généralement, s’il est vrai qu’Arnobe faisait de la déesse la fille de Volturnus (3, 29) : c’est pourquoi, si la présence de Iuturna, déesse stagnis quae fluminibusque sonoris praesidet, aux côtés de Junon dans l’Énéide (12, 139-140) n’est pas, comme le suggère Servius, une allusion au lac de la plaine laurentine qu’on devait apercevoir du site de Savello, elle s’explique peut-être aussi par un toponyme, dont la carte de Volpaia, récusée sur ce point57, attesterait la survivance : près du lac de Turnus (Savello), une source y est appelée en effet fons Iuturnae. Invention née du texte de Virgile, ou toponyme authentique ? Nous inclinerions pour la seconde solution. On a trop longtemps raisonné, en effet, à partir du postulat erroné de l’unicité des toponymes, alors qu’en réalité, surtout lorsqu’il s’agit de noms sacrés, on les retrouve plusieurs fois dans le Latium, l’exemple de la toponymie chrétienne (pensons aux innombrables lieux qui se réfèrent tous au nom de la Vierge) renforçant la vraisemblance de ce type de supposition. Il y avait une Iuturna à Lavinium ; il y en avait une à Rome ; il a très bien pu y en avoir une dans les monts Albains, près du lac Savello, lacus Turni, autrement dit, sub monte Albano58, ce mont Albain où le poète place Juturne lorsqu’elle apprend de Junon la mort prochaine de son frère59. Asséché, sans doute à l’époque romaine, par un émissaire long d’environ 400 m, l’ancien lac, connu aujourd’hui sous le nom de Pavona, est occupé désormais par un terrain de golf...
AUTRES LACS
16Par ailleurs, nombreux sont les autres lacs ou étendues d’eau que l’analyse géographique restitue à l’histoire du Latium et des monts Albains aux époques protohistoriques et archaïques. En remontant vers le nord dans le sens antihoraire, mentionnons la dépression connue sous le nom de Valle Marciana, venu au moins du haut Moyen Âge et qui est probablement l’Albana uallis de Tite-Live60 : les vestiges archéologiques des premières périodes de la civilisation latiale qui furent ici mis au jour au xixe siècle par M. S. De Rossi appartenaient à un habitat disposé sur les bords d’un lac entouré par des collines et dominé au loin par la puissante silhouette du Monte Cavo61. Contrairement à ce qui se passe pour le vallon d’Aricie, on ne sait pas à quelle époque le lac fut asséché : très probablement, puisqu’il n’apparaît pas ensuite comme tel, dès l’époque romaine ; on peut supposer que cet aménagement se soit fait, au plus tard, lorsque la source dite Preziosa, qui est toute proche, fut utilisée pour devenir l’aqua Tepula62.
17On rencontre ensuite l’ancien cratère, dit Pantano Secco, au nom parlant, où Nibby et Ashby proposèrent de reconnaître le lac Régille63. Là aussi, l’assèchement a dû intervenir dès l’époque romaine, puisque dans sa partie méridionale, le cratère est traversé par les conduites de l’aqua Claudia et celles de l’Anio Nova et qu’il est connu dès le Moyen Âge (1195) comme Campus Pantani.
18Tout près, et pour ainsi dire mitoyen du précédent, se trouve le cratère dit de Prataporci dont le nom renvoie à des animaux longtemps très nombreux en ces lieux ; ce lac, lui aussi, dut être asséché, au plus tard par les Romains64 qui, aux premiers siècles de l’Empire, semble-til, y installèrent un important édifice thermal.
19Non loin de là, à quelques kilomètres vers l’est, en bordure de la via Labicana, la toponymie a conservé le souvenir d’un petit lac, dit « Laghetto di Montefalcone » ou plus simplement « Laghetto », que domine la hauteur où se trouve la bourgade de Colonna, et qui subsista sans doute jusqu’à la Renaissance65. Comme pour le précédent, son nom antique reste inconnu, indice peut-être d’un premier assèchement dès l’époque romaine.
20Un peu plus au nord se rencontre la dépression connue sous le nom de Pantano Borghese (du nom de la famille qui en fut longtemps propriétaire), alimentée jadis par le débord et la stagnance des eaux de l’Osa. C’est de là que prend naissance l’Acqua Felice, restaurée en 1767 par Vanvitelli. Là non plus, aucun nom antique n’est connu pour ce lieu, mi-lac mi-marais, ce qui pourrait s’expliquer par un assèchement opéré à l’époque romaine, sans doute lors de la création de l’aqua Virgo.
21En plein cœur du massif, sur le mont Albain lui-même, le lieu connu sous le nom de Campi di Annibale se présente sous la forme d’une vaste plaine en entonnoir où la géomorphologie reconnaît le site d’un ancien lac ; le nom du lieu ne lui vient pas, contrairement à ce qu’on a cru jadis, d’une halte faite par Hannibal marchant sur Rome, ni même par les troupes envoyées à la rencontre du Carthaginois, mais, selon Tomassetti66, de la domination exercée sur la contrée par la famille des Colonna, dont plusieurs membres, au Moyen Âge, portèrent ce prénom. C’est là, dans cette large prairie, dominée au nord par le puissant éperon de basalte appelé Pentima Stalla, que les habitants de Rocca di Papa trouvèrent longtemps l’eau qui leur faisait défaut, et c’est là aussi qu’étaient les puits que, bon gré mal gré, ils devaient remplir de neige pour l’usage de l’aristocratie romaine à la Renaissance.
22À l’endroit où la via Latina traverse la brèche de l’Algide, dont l’étroitesse contraste avec l’ampleur de l’échancrure qui ouvre le massif albain dans sa partie occidentale, vers Rome, un petit lac, dit Lago della Doganella67, subsista jusqu’à l’époque moderne ; les cartes anciennes68 indiquent clairement que dans une étape antérieure, un autre lac, situé de l’autre côté de la route, faisait face au précédent. Depuis quelques décennies, c’est d’ailleurs près de ces lieux que les prospections ont révélé certaines des traces d’occupation les plus anciennes dans la région69. Au débouché d’un axe naturel de communication, l’endroit, qui forme pour ainsi dire l’une des portes naturelles du massif albain, a évidemment de tout temps revêtu une grande importance stratégique70.
23Plus bas, en revenant vers le lac de Nemi, dans la plaine qui s’étend entre le cœur du massif albain et la base des murailles de l’Artemisio et qui porte, depuis le viiie siècle de notre ère au moins, le nom de Vivario (Uiuarium)71, les eaux occupèrent longtemps la grande dépression longiligne que marque le relief.
24Au chapitre des lacs secondaires du massif albain, il faudrait ajouter celui de Giulianello, situé à l’extérieur, mais tout près, juste sur le glacis de la grande place forte constituée par l’ensemble des collines albaines. Dominé par une hauteur dite « la Coedra », il accueillit dès l’âge du Fer, sur ses rives, des habitats dont on a retrouvé quelques traces éparses72 ; il fit l’objet, à l’époque romaine, d’une double régulation, un premier émissaire y recueillant les eaux venues d’une plaine voisine et surélevée, un second les évacuant. Il n’est certes plus ce qu’il était jadis, et on peut suivre sur les cartes anciennes son étrécissement progressif73 ; des dix lacs que nous venons de décrire, il est l’unique, néanmoins, qui subsiste, amoindri, aujourd’hui.
25Les seuls lacs dont l’aspect actuel corresponde à peu près à celui qu’ils présentaient aux yeux des Latins des âges archaïques sont finalement ceux de Nemi et de Castel Gandolfo : encore la construction de canaux d’écoulement, à une époque qu’il conviendra de préciser, a-telle changé leur configuration première, dans des proportions il est vrai assez difficiles à apprécier exactement.
LE LAC DE NEMI ET SON ÉMISSAIRE
26« Dans la vallée d’Aricie, il est un lac ceint d’une forêt touffue, consacré par une antique vénération », lacus antiqua religione sacer : c’est par ces mots qu’Ovide74 décrit un lac dont le nom actuel de Nemi garde encore, comme chacun sait, le souvenir du bois sacré (nemus)75 qui s’étendait tout autour de ses rives. L’immobilité de ses eaux, protégées du vent par la muraille que dressent tout autour d’elles les pentes du cratère dont elles occupent le fond, lui valut le nom de miroir de Diane, speculum Dianae, par référence à la déesse dont le sanctuaire s’élève tout près76 et dont l’astre (c’est-à-dire la déesse elle-même) vient s’y refléter de nuit. L’exploration archéologique du sanctuaire, entreprise depuis 1989 par la Surintendance du Latium, et menée depuis 2003 en coopération avec l’université de Pérouse (F. Coarelli), a d’ores et déjà apporté de très importants résultats, notamment en ce qui concerne les premières attestations du culte, datables, semble-t-il, du Bronze final. Quant au lac, il fut jusqu’au xxe siècle en partie alimenté par une abondante source (Fontan Tempesta), dédiée par les Anciens au culte de la nymphe Égérie77. Séparé par à peine deux kilomètres du lac de Castel Gandolfo, il est plus haut que lui de près de 23 m (28 avant 1927), ce qui interdit de penser à une communication entre leurs deux bassins, comme le voulait, semble-t-il, une tradition attestée peut-être par un vers de Properce78. L’orbe presque parfait que tracent ses bords sur un pourtour de 7,5 km, pour un diamètre de 1,2 km, est dominé par la puissante masse de l’Artemisio, dont l’appellation dans son extension actuelle est moderne, même si l’assimilation de la déesse latine avec Artemis remonte peut-être en ces lieux à l’époque archaïque79. Très poissonneuses, les eaux du lac, qui atteignaient auparavant la profondeur de 36 m, furent abaissées par une opération menée de 1927 à 1932 afin de permettre la récupération des navires romains, dont la présence était connue depuis la Renaissance ; ces derniers, exposés dans un musée construit sur place à leur intention, furent détruits durant la Seconde Guerre mondiale (le 31 mai 1944) : déjà avant 1928, les eaux laissaient à découvert sur la rive nord un important espace, appelé communément « il Giardino », qui est celui-là même au fond duquel s’élevait sans doute, adossé à la pente par le moyen de deux terrasses superposées, le temple fédéral de la Diane latine80. Écrivant au Marquis d’Este à Ferrare, F. Biondo admirait la fertilité de cette plaine en ces termes81 : Hic lacus, qui plus minus mille passuum ambitu continetur, campum suae amplitudini aequalem habet contiguum, frugiferis arboribus hominum industria consitis adeo plenum, ut omnia agri Ferrariensis uiridaria uel superet sua pulchritudine uel adaequet. Il est donc assuré que ce vaste espace découvert ne doit rien, ou presque, à l’assèchement partiel effectué en 1927.
27Mais quel était le niveau originel du lac ? On ne saurait répondre à cette question, sans tenir compte du canal de dérivation, dit émissaire, qui, jusqu’à il y a peu encore, évacuait une partie des eaux du lac vers ce vallon d’Aricie (Vallericcia) dont la configuration et l’histoire ont retenu précédemment notre attention. Creusé sous les collines sur une longueur de plus d’un kilomètre et demi (1650 m), ce canal apparaît comme un « ouvrage d’art » important. Pourtant, les Anciens n’en ont rien dit, et à leur discrétion a longtemps répondu celle des Modernes : aussi incroyable que cela puisse paraître, ce n’est qu’à la récupération des navires attribués à Caligula et aux études préalables qu’elle nécessita que l’on dut les premiers relevés exacts82 d’un dispositif qui, plus de vingt siècles après sa construction, continuait de fonctionner comme à l’origine. Le désintérêt des Modernes reflète assurément le dédain d’une Altertumswissenschaft qui fut longtemps à bases exclusivement philologiques ou épigraphiques ; mais cette interprétation ne saurait valoir, bien sûr, pour le silence des Anciens, que Lanciani83 expliquait par l’ancienneté du monument. Mais, puisque l’émissaire du lac albain, qui est de configuration à peu près identique, apparaît, lui, dans les textes anciens, le mutisme des textes de langue latine, aussi bien annalistiques qu’antiquaires, sur son jumeau du lac de Nemi, est un fait auquel il ne sera peut-être pas hasardeux, avant même d’aller plus loin dans l’interprétation, d’accorder une valeur historique. Notons toutefois que Strabon en fait une mention rapide, disant que « les émissaires sont invisibles. On ne les voit resurgir à la surface du sol que bien loin au dehors du creux »84. Ce pluriel (αἱ δ’ἀπορρυσεις) est à première vue surprenant : c’est que, à notre avis, Strabon aura considéré aussi le canal qui débouche dans le cratère d’Aricie (Vallericcia), ouvrage qui, en fait, n’appartient pas au même ensemble ; sans doute aussi prend-il en compte, dans un propos qui n’a de but que descriptif, un autre canal, d’époque impériale semble-t-il, et qui évacue les eaux du lac vers la vallée de Pozzobonelli, en direction de Lanuvium85. Quoi qu’il en soit, c’est aux travaux récents de V. Castellani, de W. Dragoni et de K. Grewe86 qu’il faut recourir pour connaître le détail de l’agencement d’un dispositif resté trop longtemps méconnu : au vu de ces analyses, que nous résumons dans les lignes qui suivent, il apparaît en effet que les anciennes descriptions étaient insuffisantes, quand elles n’étaient pas inexactes.
28Détournées vers le cratère d’Aricie, qu’elles traversent par un autre canal, d’abord à ciel ouvert puis souterrain, pour ressortir du côté sud, les eaux du lac se dirigent ensuite, sous le nom de Fosso dell’Incastro, vers Fontana di Papa puis vers Ardée, avant d’aller se jeter dans la mer. L’examen des traces d’excavation, encore visibles sur les parois du conduit, a révélé que le creusement fut entrepris simultanément à partir des deux extrémités du tunnel, un puits permettant le début des opérations côté lac ; mais rencontrant une couche de lave dure, les fouilleurs du côté de Vallericcia ne purent avancer que de 300 m, tandis que ceux venant de l’autre versant purent forer leur galerie sur près de 1 300 m : trahissant une faible erreur d’orientation, le point de jonction des deux tracés est marqué par un léger dénivelé, qui apporte une confirmation à l’identification de la méthode de travail adoptée. Il s’ensuit que le débouché de l’émissaire sur le lac peut être considéré comme situé juste au-dessus de la cote moyenne du lac avant sa construction, ce qui place l’étiage naturel moyen au niveau exact de 334,48 m au-dessus du niveau de la mer. L’émissaire débouche sur le lac par deux tunnels, situés à deux niveaux différents, et dont le plus haut situé, qui est aussi le plus ancien, semble, au vu de fouilles récentes (1998-2002), avoir été comblé à la fin du ive s. ou au début du iiie s. av. J.-C., moment où le tunnel inférieur dut entrer en usage. On notera que la technique d’exécution n’est plus du tout la même : « Non vi è alcuna evidenza diretta che suggerisca una spiegazione tecnica a tale variazione di progetto, che molto probabilmente si poté eseguire solo dopo un cospicuo abbassamento naturale del livello del lago », écrivent ainsi (p. 56) les experts à l’analyse desquels nous avons recours ici. De toute façon, il apparaît au total que le niveau originel des eaux ne devait pas être supérieur de plus d’une dizaine de mètres au niveau actuel87.
29Dans ces conditions, qu’en est-il de l’hypothèse de Lanciani, récemment reprise par F. Coarelli88, qui liait la construction de l’émissaire et celle du sanctuaire de Diane, établissant entre eux un rapport de cause à effet, et fournissant par là même un précieux moyen de datation ? À première vue, les conclusions des enquêtes récentes conduisent à nuancer fortement cette hypothèse, pourtant séduisante89 ; elles montrent cependant que si les eaux du lac, quand il était dépourvu d’émissaire, épargnaient l’emplacement supposé du temple archaïque, elles étaient alors à moins de deux cents mètres des murs de ce dernier90. Or, en s’en tenant aux chiffres actuels de la pluviométrie, les seuls, bien sûr, que l’on connaisse, on a pu établir qu’il suffirait d’une journée de très forte pluie pour rehausser le niveau du lac, en supposant l’absence d’émissaire, d’à peu près 80 cm91 : on peut donc admettre que toute période particulièrement pluvieuse, durant plus de quelques jours, pouvait aboutir à une inondation de l’aire sacrée située sur le bord septentrional du lac. Il reste que, si l’on s’en tient aux moyennes pluviométriques modernes, l’émissaire apparaît dépourvu de toute utilité à cet égard, les régulations naturelles du lac suffisant à en maintenir le niveau sans variation sensible92. De ce point de vue, l’émissaire n’a donc d’utilité, de sens, qu’en fonction de pluviosités exceptionnelles et des inondations qu’elles pouvaient provoquer : il est vrai qu’il pouvait éviter la formation d’un marécage sur la rive. On peut donc penser que sa construction a libéré d’une menace permanente une vaste aire devenue pleinement disponible pour la religion, et sans doute aussi pour les manifestations collectives auxquelles un culte de nature fédérale peut donner lieu. Mais, sans l’exclure du tout, il nous paraît toutefois difficile de réduire le rôle de l’emissarium à cette seule fonction sacrale : d’abord, parce qu’il ressort des observations précédentes que, contrairement à ce qu’on en a souvent dit, la corrélation temple/émissaire n’existait pas en temps normal. La seconde raison est fondée sur une comparaison qui, en l’occurrence, nous semble s’imposer. De l’avis de tous, en effet, l’émissaire de Nemi et celui, voisin, de Castel Gandolfo, sont si étroitement apparentés qu’ils répondent probablement, et ceci dans tous les sens de l’expression, au même dessein. Or, indubitablement, l’émissaire du lac de Castel Gandolfo n’a pu avoir pour rôle de dégager l’aire sacrée d’un temple qui, là-bas, n’existait pas, le sanctuaire de Jupiter Latial étant situé au sommet du Monte Cavo, à une altitude qui le mettait, on en conviendra aisément, à l’abri de toute inondation intempestive ! Il faut donc que l’emissarium Albanum, i. e. celui de Castel Gandolfo, qui offre avec celui de Nemi une si étroite ressemblance, ait eu un autre rôle, une autre fonction, fonction qui aura pu être aussi celle de son jumeau de Nemi, même si l’hypothèse d’une relation entre l’aire sacrée et l’émissaire doit être maintenue. À Nemi, les plus anciennes terres-cuites (antéfixes) trouvées lors des fouilles anciennes93 permettraient de placer à l’extrême fin du vie siècle la date du sanctuaire archaïque. Selon F. Coarelli, le sanctuaire et l’émissaire seraient dus aux Latins révoltés contre Rome après la chute des Tarquins : c’est donc entre 504 av. J.-C., date de la bataille d’Aricie qui vit les Latins triompher des troupes d’Arruns, fils de Porsenna, dont on pense aujourd’hui unanimement qu’il fut un temps le maître de Rome94, et 499/496, date de la défaite de la ligue au lac Régille, qu’on pourrait placer la réalisation conjointe du temple archaïque et de l’émissaire. Or c’est à la même époque, compte tenu du fait que Rome n’y apparaît pas, que la recherche actuelle place la dédicace du bois sacré de Diane par une coalition latine dont un fragment de Caton (Orig., 2, fg. 58 P2 = 28 Ch.) donne la composition. À la lumière de ces hypothèses, le silence des sources romaines sur le canal de Nemi devient, nous semble-t-il, éloquent95 : l’histoire de l’Vrbs et l’annalistique romaine ont gardé le silence – un silence qu’on ne peut plus ne pas considérer comme voulu – sur une réalisation monumentale, conçue et effectuée en opposition directe et frontale avec Rome ; 504-499, c’est bien court, pensera-t-on, et peut-être insuffisant pour conduire à terme des opérations de cette envergure, à cette date surtout. Nous verrons, à propos de l’émissaire albain, que l’examen de ses caractéristiques techniques a révélé une grande rapidité d’exécution. À Nemi, où la technique est en grande partie similaire, les délais ont aussi dû être brefs, même si la couche de lave a ici ralenti les travaux96. Doit-on interpréter dans un sens historique le changement de plan qui a affecté, comme nous l’avons vu, l’ouverture de l’émissaire ? Il pouvait être tentant de le penser, au vu des premières enquêtes menées dans les années 1980. Ainsi K. Grewe, dont le point de vue est technique, n’hésite-t-il pas, de son côté, pour expliquer ce changement de facture, à invoquer « einen politischen Hintergrund » (o.c., p. 85). En réalité, puisque la mise en service du débouché inférieur date des années 300 av. J.-C., on peut penser qu’il fut décidé en raison d’un abaissement du niveau des eaux du lac, et en liaison peut-être avec une phase importante de la vie du sanctuaire. Mais ce n’est pas seulement sa liaison avec le sanctuaire qui permet de dater l’émissaire de Nemi, c’est aussi, encore plus sûrement, le fait qu’il forme système avec celui du val d’Aricie, comme l’a fortement souligné le même K. Grewe (o.c., p. 82). Car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il fallait pouvoir irriguer le vallon d’Aricie que l’on venait d’assécher, et ce à une date à placer vers 500 av. J.-C. : sinon les sécheresses d’été allaient rendre très vite inutile le gain de terres réalisé au Vallericcia. Mais il y a plus : les recherches récentes ont permis également la découverte des vestiges d’une canalisation antérieure, située en profondeur, à 500 m du débouché vers la vallée. Comme l’écrit K. Grewe (o.c., n. 164, p. 199) : « Es ist aber unverständlich, warum tief im Berg ein solcher (i. e. cuniculus) vorhanden sein sollte, denn das würde die Existenz eines noch älteren Emissers möglich machen » . L’importance d’une telle conclusion n’a pas besoin d’être soulignée.
30Indépendamment de cette hypothèse, il n’est pas nécessaire d’ajouter que la datation du sanctuaire et de l’émissaire du lac ne saurait être confondue avec celle du culte et des rites célébrés dans le sanctuaire, rites dont la singularité bien connue, popularisée par James Georges Frazer qui y trouva la matière d’une œuvre cardinale de l’anthropologie religieuse97, atteste assez l’origine préhistorique.
LACUS ALBANUS
31De tous les lacs des monts Albains, il en est enfin un qui, par son étendue, sa profondeur, l’ampleur du cirque rocheux qui l’abrite, la hauteur de la montagne qui domine ses rives, est comme le lac par excellence du Volcan Latial, le seul à porter le nom d’« albain » : le lacus Albanus des Anciens98, appelé lacus Albanensis dans l’Antiquité tardive, et où nous trouvons rassemblées et portées à leur plus haut point les caractéristiques qui se rencontrent pour les autres lacs du massif.
32Plus que tout autre, c’est lui qui, à l’époque moderne, a été célébré, décrit, reproduit, recherché, aussi bien par les amateurs de « pittoresque » à partir de la fin du xviiie siècle, que par tous ceux qu’attiraient sur ses bords les charmes puissants de l’absente présence d’un passé mythique et mystérieux99. Il forme d’abord, avec le mont qui le surplombe, un seul et même ensemble, au point que, chez Strabon comme chez Denys d’Halicarnasse100 qui lui consacrent une description qu’ont dédaignée – hélas ! – les auteurs latins, plus familiers du site101, le lac se définit par sa montagne et la montagne par son lac.
33Avec son jumeau de Nemi, le lac d’Albano, jadis appelé « lago di Castello »102, eut, à bien des égards, une destinée comparable. Tous deux, à partir du premier siècle de notre ère, furent englobés dans les propriétés privées de l’Empereur, celle du lac albain étant désignée comme l’Albanum103 : de ce point de vue, les restes archéologiques trouvés dans l’un et l’autre lieux doivent être lus en chiasme ; en d’autres termes, la fonction des navires de Nemi s’éclaire d’autant mieux qu’on les rapproche de l’embarcadère de travertin qui, naguère encore, avant qu’il ne soit bien malencontreusement détruit en partie à l’occasion des « Olympiades » de 1960104, pouvait être observé sur les bords du lac d’Albano, qu’ornaient aussi diverses constructions comme le Nymphée dit Bergantino105. Le lac de Nemi était du reste lui aussi pourvu d’un quai. Situés à l’intérieur de villas impériales, les lacs étaient alors utilisés pour de véritables naumachies en grandeur nature. Dans les deux cas, il s’agissait de hauts-lieux de l’ancien Latium, dont la vocation fédérale se marquait par les réunions autour du sanctuaire de Diane à Nemi et par les rassemblements annuels des Féries Latines sur le mont Albain : dans les deux cas, la « privatisation » à laquelle on assiste alors s’explique assurément par les facilités qu’offrait la proximité de Rome, mais aussi, sans doute, par le désir des maîtres de l’Empire de s’assimiler les forces vitales de l’ancienne religion, comme le montrent, complémentairement, les exemples de Caligula à Nemi106 et de Domitien au lac albain107.
34Presque mitoyen, pour ainsi dire, du lac de Nemi, le lac albain a la même origine géomorphologique, étant lui aussi un lac de cratère. Cependant l’ovale que dessinent ses rives ne doit pas faire illusion puisque, comme le supposait déjà Ponzi au milieu du xixe siècle, ce cratère unique résulte de la subduction de deux cônes antérieurs : « Deux piliers qu’on observe au-dessous de Castel Gandolfo et sur la côte opposée, tendent à le rapprocher de la figure d’un 8, et font soupçonner la réunion de deux cratères qui se sont en partie démolis réciproquement »108, hypothèse que la science plus récente n’a fait que confirmer. Les similitudes qui s’observent ainsi entre les deux lacs ne sauraient donc faire oublier qu’ils présentent chacun un aspect sensiblement différent. De par son orientation, qui est nord-est/ sud-ouest, le lac de Nemi s’ouvre vers les plaines littorales, vers Lanuvium, Lavinium et Ardée ; orienté quant à lui selon un axe nord-ouest/sud-est, séparé de son voisin par une muraille compacte, c’est au contraire vers Rome et le Tibre109 que le lac albain dirige le regard et l’élan des populations qui habitaient ses versants. Or, c’est précisément de ce côté nord-ouest du massif que les laves, en s’écoulant du grand cône central, ont frayé une espèce de chaussée naturelle qui vient atteindre, avec une dénivellation progressive (de 180 m à Bovillae, jusqu’à 50 m au sortir de Rome), le lieu dit Capo di Bove110 : si donc la configuration géographique des lieux n’annonçait certes pas a priori que les peuples albains seraient un jour soumis au peuple romain, à tout le moins laisse-t-elle apparaître que les deux communautés devaient, d’une manière ou d’une autre, entrer en relations étroites et connaître une histoire qui serait bientôt partagée...
35Du lac albain, on peut dire aussi qu’il est plus « hospitalier » que celui de Nemi, en ce sens que, quelque rapides qu’elles soient, les pentes qui l’entourent sont cependant assez échancrées, assez irrégulières (380 m d’altitude au nord, 555 m en face) pour permettre, en plusieurs endroits, le développement de coteaux et de petits plateaux qui ont offert à l’implantation d’éventuels habitats des possibilités qui n’existaient pas autour des versants uniformément abrupts dans lesquels est enserré le lac de Nemi.
36Vaste de près de 602 hectares, pour un pourtour de près de 12 km, beaucoup plus profond que ses voisins (77 m en moyenne, avec un maximum de 175 m)111, le lac d’Albano constitue véritablement le centre du système albain, ou du moins le point le plus proche du centre géométrique que représente le Monte Cavo, et c’est autour de lui que gravitent, si l’on peut dire, les quelque dix lacs et plus qui, jusqu’à l’époque romaine, se rencontraient dans le massif albain : sur ses rives venaient converger des itinéraires de différentes provenances, et dans ses eaux très poissonneuses112, les petites peuplades de la fin de l’âge du Bronze étaient assurées de trouver une nourriture toujours disponible et jamais épuisée. À cet égard, on pensera, quelle qu’en doive être l’interprétation, à ce piscatorium aes qu’il était d’usage d’offrir sur le mont Albain, selon une notice du lexique de Verrius Flaccus transmis par Festus : Piscatorium aes vetusto more appellatur, quod in monte Albano datur pro piscibus113
LA CRUE PRODIGIEUSE DE 398 AV. J.-C.
37Le problème majeur posé par ce lac du point de vue de l’étude des légendes albaines est assurément celui que pose la tradition114 de la crue prodigieuse rapportée par l’annalistique pour l’année 398 (394). Comment doit-on l’interpréter, et doit-on même, à vrai dire, essayer d’en trouver une explication rationnelle ? L’érudition des xviie et xviiie siècles s’y était essayée, sans grand succès semble-t-il. Elle avait pensé notamment à un rehaussement du niveau des eaux, comme de très fortes pluies peuvent effectivement en produire, mais cela n’expliquerait ni l’insistance ni l’hyperbole de la tradition. Aussi Nibby avait-il tenté une autre exégèse, en mettant en cause les très importantes chutes de neige dont Tite-Live fait état pour l’année 400 : c’était certes quelque peu bousculer la chronologie, mais il est de fait que l’Ab Vrbe condita ne paraît pas très sûre pour ces années-là.
38Il reste que tout cela demandait beaucoup d’hypothèses et beaucoup d’approximations, et c’est sans doute ce qui explique le succès de l’autre exégèse explorée par la recherche moderne à la suite de J.Hubaux et G. Dumézil, qui parlait « d’un phénomène lacustre dont nous savons, nous, qu’il n’a jamais pu se produire » (Mythe et Épopée, 3, p. 88, dans un développement de plus de 60 pages sur le sujet) : dans cette perspective, la crue prodigieuse n’est plus qu’un pur mythe dépourvu de toute réalité, de toute possibilité, même, d’existence historique.
39Mais si séduisant que soit ce type d’approche, et si naïf, il faut bien le dire, que semble à première vue le principe d’une explication « réaliste », c’est à notre avis cette dernière qui est la bonne.
40Ce n’est pas qu’il faille reprendre les causes imaginées par l’ancienne érudition : elles peuvent être abandonnées. Mais des pièces nouvelles, et jamais prises en compte jusque-là, doivent selon nous être versées au dossier. C’est la vulcanologie la plus récente qui les fournit, illustration supplémentaire de l’utilité et de la nécessité de l’interdisciplinarité. Il nous faut mentionner ici la catastrophe naturelle qui, le 21 août 1986, s’est produite au Cameroun sur les rives du lac de Nyos, deux ans après un phénomène du même type au lac Monun, camerounais lui aussi. À chaque fois, une énorme vague est venue ravager les rives, tandis qu’un souffle méphitique provoquait la mort de tous les êtres vivants qu’il touchait. Des recherches intenses menées dans le monde depuis 1986 pour comprendre ce qui s’était passé, il appert que ce phénomène n’est autre qu’un dégazage naturel, suite à la très grande quantité de gaz carbonique dissous que contenaient ces lacs, tous deux d’origine volcanique115. Le lecteur aura évidemment compris où nous voulons en venir ; il l’aura encore mieux compris lorsque nous aurons ajouté qu’une enquête comparative menée à grande échelle a démontré que le lac d’Albano est, juste après ceux du Cameroun, le plus chargé en gaz carbonique...116 Les spécialistes, auteurs de ces mesures et des conclusions qu’elles autorisent, font eux-mêmes, en passant, allusion à la tradition livienne, qui les conduit à penser que ce qui s’est récemment produit au Cameroun a aussi eu lieu, plusieurs siècles avant notre ère, sur le lac albain. Nous autorisant de leurs travaux, nous pouvons dès lors admettre une possibilité d’historicité pour le prodigium de 398. Ce résultat s’appuie, on le voit, sur un fait externe à la tradition littéraire et totalement objectif. Il s’agit d’une conclusion nouvelle, qui n’est pas – mais ce n’est pas notre propos ici – sans conséquences sur la question de la valeur de la tradition annalistique. Le prodigium de 398 n’est pas un mythe, c’est un fait sans doute historique, dont la cause ultime est la présence souterraine d’une chambre magmatique chaude repérée depuis peu117. Ce qu’ont vu les Romains en cette année 398 (car même si on peut supposer que la date en ait été déplacée, c’est là une hypothèse peu vraisemblable), c’est la manifestation exceptionnelle, mais non irrationnelle, d’un dégazage naturel se traduisant par un soudain et spectaculaire rehaussement du niveau des eaux. Cette conclusion nous conduit donc à refuser la condamnation universellement formulée contre cet épisode si « incroyable » du récit des origines.
41Doit-on, pour autant, valider la liaison établie par l’annalistique entre cet événement – c’est à notre avis le terme adéquat – et la construction de l’émissaire ? À première vue, oui, mais il peut très bien s’agir d’une étiologie imaginée a posteriori, et seule une analyse précise des caractéristiques du canal peut donc permettre d’en juger.
EMISSARIUM ALBANUM ET CAPUT AQUAE FERENTINAE
42Pour cela, il faut se demander quel était le niveau des eaux du lac dans son état « naturel », c’est-à-dire avant la mise en service de cet émissaire. Pour répondre à cette question, il faut partir des caractéristiques de ce dernier. Car on ne peut, sur ce point, souscrire au schéma imaginé par Piranèse pour la construction du canal, et repris après lui presque unanimement118 : en supposant que le tunnel avait d’abord été creusé au-dessous du niveau de la nappe phréatique et de celui des eaux du lac dans leur situation originelle, on pourrait en effet alors dissocier entièrement l’examen de l’un et de l’autre. Mais des considérations d’ordre hydrologique119, tout comme l’analyse de la disposition de l’entrée du canal, entrée artificielle de blocs équarris, visiblement établie par raccord avec un premier puits d’excavation situé un peu en retrait, et par effondrement de la pente naturelle, font apparaître que la technique de fouille fut ici la même qu’à Nemi, et que le canal-émissaire du lac albain a été creusé en même temps à partir de ses deux extrémités : avec l’aide préalable, très probablement, d’un alignement de pieux joignant l’entrée et la sortie prévues pour le futur dispositif, deux autres puits, creusés en aval près du débouché prévu vinrent s’ajouter à celui (destiné à disparaître à l’achèvement des opérations) par où avait commencé l’excavation côté lac, et donnèrent à l’ensemble une direction parfaitement rectiligne, sans doute (Grewe, o.c., p. 89), contrôlée visuellement, puisque aujourd’hui encore la lumière pénètre à l’intérieur du tunnel sur près de 580 m, avant d’être arrêtée par une stalagmite. À propos des trois puits, dont seulement deux subsistent, on peut certes dauber120 sur l’inexactitude des descriptions de Piranèse, puis de Nibby qui s’en inspira, ces deux auteurs parlant, contre toute réalité, d’un grand nombre de puits. On ne saurait méconnaître cependant qu’ils ne l’ont fait que sur le mode hypothétique121, en restant prudents, et que cette supposition s’explique122 par la volonté de rendre compte de la rapidité d’exécution dont fait état Tite-Live : le seul moyen à leurs yeux de concilier l’affirmation livienne selon laquelle le canal aurait été achevé en moins d’un an, et la difficulté présumée de l’entreprise, était d’imaginer que le creusement s’était fait simultanément à partir d’une multitude de puits. Il demeure qu’au témoignage même des experts modernes sur la description desquels nous nous basons ici, il reste possible que d’autres puits, ou dérivations secondaires, aient existé avant d’être comblés et supprimés123, comme cela se constate d’ailleurs pour le canal de Nemi. Cependant, il est juste d’ajouter que les descriptions et relevés de Piranèse s’avèrent d’une grande précision : il a certes transfiguré ce qu’il voyait par un jeu sur les proportions, qui transforme le modeste débouché de l’émissaire albain en monument digne de la Vallée des Rois, mais il a été fidèle dans le rendu des détails de l’édifice124. Au total, l’émissaire, dont la largeur n’excède pas un mètre, la hauteur 1,80-2 m, et qui s’étend sur près de 1350 m, avec une pente très faible (293 m à l’entrée, 291 m au-dessus du niveau de la mer, à la sortie), n’atteint qu’un débit relativement modeste, qui n’excède pas celui d’une grosse source.
43D’autre part, le lac albain n’est pas, de toute façon, un bassin « fermé », car il est doté de plusieurs dérivations souterraines naturelles125 : l’une d’entre elles alimentait le lac de Turnus, dont il a été question précédemment ; les autres s’observent sous forme de résurgences : l’une, entre Castel Gandolfo et Marino, sous le Monte Cucco, est captée par le Rivo Albano, de même que celle qui donne naissance au « fosso de’ Monaci » (du nom des moines de Grottaferrata au domaine desquels elle appartint un temps), devenu en fin de course « fosso della Cornacchiola » ; enfin, d’une autre, sous Marino, sourd une eau qui vient se jeter dans la Crabra126. Dans ces conditions, les eaux du lac albain aux époques protohistoriques et archaïques, c’està-dire avant même la construction du canal, se situaient à un niveau qui, selon les études les plus récentes127, ne devait pas excéder de dix ou vingt mètres leur élévation actuelle. C’est pourquoi l’oracle véien rapporté par Tite-Live (5, 16, 9), selon lequel les Romains devaient éviter de laisser l’eau du lac prendre son cours vers la mer – caue in mare manare suo flumine sinas –, n’a de sens que par rapport à une catastrophe comme celle que nous supposons d’après le modèle récemment fourni par les lacs du Cameroun : la hauteur des berges autant que la différence de niveau finalement assez faible entre les deux états du lac, avant et après construction de l’émissaire, semblent exclure en effet que le lac albain ait jamais, en situation normale, débordé impétueusement vers la mer128. L’érudition moderne, il est vrai, a souvent accordé beaucoup d’importance au phénomène, effectivement attesté, des brusques variations de niveau des eaux, car elle ne voyait129 dans le thème légendaire des crues du lac albain qu’un motif purement mythique dépourvu de toute réalité. Dès 1691, Misson, dans son classique Nouveau Voyage en Italie, dont une caractéristique frappante est un net désintérêt à l’égard de l’Antiquité, qui ne peut en l’occurrence le faire soupçonner d’affectation littéraire et d’imitation livienne, observait non sans, il est vrai, quelque exagération, que « de temps en temps, on voit ses eaux s’enfler tout d’un coup et s’élever jusqu’aux bords de sa tasse ; ce qui vient sans doute de la communication qu’il a avec des réservoirs souterrains, dont les dégagements produisent cet effet » (3e éd. 1717, La Haye, p. 217), et, plus généralement, le phénomène est aujourd’hui bien connu des spécialistes des bassins lacustres130. Dans la mesure même, cependant, où il est relativement banal, on ne voit pas qu’il ait pu donner naissance à une tradition comme celle du prodigium de 398.
44En parallèle avec le lac de Nemi, on a supposé récemment qu’au lac albain aussi, la construction d’un émissaire aurait eu pour fonction de dégager un espace cultuel sur la rive. P. Chiarucci131 a cru pouvoir arriver à cette conclusion en observant, le long de la rive sud-orientale du lac, une espèce de margelle courant sur près de 800 m, qu’il a le mérite d’avoir découverte dans toute son extension (Lugli, qui l’avait vue, l’avait estimée à une dizaine de mètres). Sans reparler de cette hypothèse en ce qui concerne Nemi, il nous paraît difficile, ici, de considérer la surélévation de cette structure par rapport au niveau actuel des eaux comme une preuve de son antériorité par rapport à la construction de l’émissaire qui aurait, mais seulement plus tard, assuré l’abaissement définitif de la nappe liquide. Car ces eaux, la plate-forme ne les domine que de quatre mètres, alors que les spécialistes de l’hydrologie qui ont, depuis, analysé la situation albaine, pensent qu’avant l’émissaire, le lac pouvait être plus haut d’une dizaine de mètres, voire davantage. Or la construction de l’émissaire n’ayant pas supprimé du tout au tout la possibilité de variations de niveau de quelques mètres – phénomène effectivement observé –, on pensera plutôt que ce quai fut aménagé après, ou avec l’émissaire lui-même. Même si son ancienneté était confirmée, s’agissant d’une structure polygonale en silex, située au pied du mont Albain, l’hypothèse d’une fonction cultuelle, avancée par P. Chiarucci, bien que séduisante, demeure fragile.
45Si donc on nous accorde que le prodigium de 398 a été un événement réel, on pourra alors admettre que, comme le dit la tradition, l’émissaire albain ait été construit pour prévenir une nouvelle catastrophe. Il reste que, dans les faits, l’efficacité du canal était, de ce point de vue, négligeable. D’autres explications ont d’ailleurs été avancées par la recherche. Une hypothèse, classique depuis les travaux de R. de La Blanchère132, voudrait que l’émissaire du lac albain, de même que celui du lac de Nemi, ait été aménagé pour éviter aux terrains avoisinants d’être imprégnés des eaux des deux bassins133 : mais elle ne paraît pas recevable, pour la simple raison que ces terrains sont à une cote altimétrique plus élevée que les eaux du lac, et que, au-delà, un abaissement d’une dizaine de mètres du niveau de ce dernier s’avère de trop peu de conséquence pour avoir eu quelque effet sur la nappe phréatique des campagnes plus lointaines134.
46Si donc le canal n’a pour fonction première ni l’évacuation d’un supposé trop-plein ni le drainage des sols, ne serait-ce pas qu’il a été construit afin, surtout, de porter remède à cette difficulté bien connue qui veut qu’à Rome et dans le Latium, comme ailleurs en général autour de la Méditerranée, l’eau soit présente en hauteur alors qu’on en a besoin en plaine ? En d’autres termes, l’emissarium du lac albain était destiné à apporter aux campagnes tibérines, et donc romaines, l’eau qui leur manquait, et il est d’abord un canal d’irrigation. Pour le dire d’un mot, il n’a pas été construit avec l’intention d’annuler les effets de crues qu’on espérait faire disparaître, mais, au contraire, pour en profiter au mieux et tirer le meilleur bénéfice d’une ressource précieuse entre toutes, et dont la disponibilité régulière devenait ainsi assurée.
47Il n’est pas alors sans intérêt, nous semble-t-il, de suivre le parcours effectué par le surplus des eaux du lac albain, une fois qu’elles étaient évacuées par le tunnel creusé sous les hauteurs de Castel Gandolfo, à l’aplomb de la Villa Barberini. C’est, on l’a vu, au lieu-dit La Mola ou Quarto Mole, qu’elles ressurgissent, au nord-est du lac dit de Turnus : à partir de là, elles se dirigent vers Castelluccia, sur la route d’Anzio, sous le nom de Rivo (ou Rio) Albano, confluent avec l’Acqua Acetosa sur le territoire laurentin, près de Valca et Cornacchiola, et aboutissent finalement, après un parcours de vingt-deux kilomètres et, pour reprendre les termes de Nibby, « dopo aver servito all’ingoffiamento di molte terre », à Tor di Valle (sur la via Ostiensis), où elles se jettent dans le Tibre135. C’est dire que le souci qui a présidé à l’aménagement de leur parcours ne paraît pas avoir été, en premier lieu, celui de la plus grande rapidité : chemin faisant, d’autres sources, telle la résurgence du Monte Cucco, ou cours d’eau, tel celui de la Cornacchiola, ont été captés, de manière à accroître le débit et la portée des eaux, pour lesquelles plusieurs ramifications semblent avoir été aménagées, sans qu’il soit, il est vrai, possible de dater toutes ces interventions. Comme l’avait très bien vu Nissen136, en allant vers la mer, les eaux se fussent dirigées vers les territoires latins ; en allant vers le Tibre, ce sont des terres soumises à l’emprise de Rome qu’on faisait bénéficier du renouveau de vie qu’elles apportaient. C’est ainsi que l’oracle de Véies137 peut se lire, vraisemblablement, comme une prescription à lire a contrario, pour signifier un choix délibéré qui, autant que géographique, était d’abord d’ordre politique.
48Nous nous demandons s’il n’exprime pas également une opposition directe, bien qu’implicite, avec l’autre émissaire, celui du lac de Nemi, qui, lui, arrivait à la mer. Quant à ce dernier, son parcours ne vient-il pas, précisément, confirmer l’analyse que nous présentons ici pour l’identification de la fonction et des constructeurs de ce type de canal, si l’on songe que son point d’aboutissement n’est autre que la ville d’Ardée ?138 Autrement dit, cette même ville qui était représentée parmi les peuples latins dont un texte de Caton, aussi célèbre que discuté139, fixe les réunions sous l’autorité d’Egerius Baebius au lucum Dianium in nemore Aricino. De même, donc, que la mise en service de l’émissaire de Nemi n’a pu se faire qu’à l’initiative, ou du moins avec l’accord des populations dont il venait irriguer les terres, de même celle de l’émissaire du lac albain semble renvoyer à un temps où les peuples de ce versant des monts Albains et ceux de la plaine tibérine partageaient un sort commun. On doit néanmoins tempérer ces conclusions en observant qu’il n’est pas sûr que le parcours moderne des eaux albaines corresponde à la situation d’origine.
49Quant à la supposition, formulée parfois, que l’émissaire ait eu pour fonction de lutter contre la malaria140, elle ne nous paraît pas devoir être retenue : d’abord parce que, même s’il est clair que le « mauvais air » règne en certaines régions du Latium dès l’Antiquité141, il semble bien, à en juger du moins par les comparaisons que l’on peut faire avec les temps modernes, que le massif albain fut précisément l’une des régions les moins atteintes142 par un fléau dont on ne sait, en réalité, rien pour les périodes les plus anciennes de la civilisation latiale143 ; surtout, une telle hypothèse eût supposé, de la part des populations qui entreprirent la construction de ces ouvrages, une perception nette du mal qui les atteignait tout comme du remède qu’il convenait d’y apporter. Or, il suffit de se référer à l’histoire récente de l’éradication de la maladie en Latium pour voir combien une telle interprétation serait hautement anachronique : jusqu’à la fin du xixe siècle, le lien entre le paludisme et l’existence de marais ou d’eaux stagnantes n’a pas été décelé, fût-ce par les savants144.
50Dans les analyses qui précèdent, nous n’avons voulu nous fonder que sur l’examen de la géographie des lieux pour déterminer la fonction effective de l’émissaire albain : ni régulation des eaux dont il a peu modifié le niveau, ni drainage des eaux stagnantes de la plaine sur lesquelles il est à peu près sans effet, ni non plus moyen de lutte contre une maladie dont ceux qui en étaient les victimes ne connaissaient pas les causes, sa fonction fut, en réalité, d’apporter aux plaines situées en contrebas des pentes du massif latial l’eau qui leur manquait.
51Arrivés à ce point de l’analyse – mais à ce point seulement –, on ne peut plus ne pas remarquer combien ces conclusions se trouvent en conformité avec ce qu’affirment des sources littéraires auxquelles, par souci de bonne méthode, nous n’avions pas recouru jusqu’à présent. En effet, Cicéron et Denys d’Halicarnasse présentent très nettement l’émissaire albain comme un ouvrage destiné à l’irrigation : on peut lire dans le De Divinatione (2, 32, 69) que aqua Albana deducta ad utilitatem agri suburbani145, et, dans l’Archéologie de Denys (1, 66), à propos du lac Albain, que ses habitants en envoient les eaux dans la plaine ὁπóσον βούλονται τῶν ἀνθρώπων τò ὕδωρ146, ces indications se trouvant corroborées chez Tite-Live, aussi bien par la prescription de l’oracle de Delphes (5, 16, 9), emissam (aquam Albanam) per agros rigabis dissipatamque riuis exstingues, que par la constatation qui la suit : l’opération une fois réalisée, ex lacu Albano aqua emissa in agros (5, 19, 1). Dès lors, nous pouvons rassembler les conclusions partielles auxquelles nous sommes déjà parvenu : l’emissarium dont les eaux débouchent dans le lac Savello est un canal qui constitue la pièce maîtresse de tout un système hydraulique dont la fonction est l’irrigation. Or le lieu où il verse les eaux du lac Albain est très proche du lacus Turni, dont la tradition établit nettement la contiguïté avec le ca-put aquae Ferentinae. Ce dernier peut donc être identifié, comme l’a proposé F. Coarelli147, avec le débouché lui-même de l’emissarium Albanum. Indépendamment même de cette équivalence, la fonction reconnue au canal albain permet d’éclairer le nom même de Ferentina, ce nom étrange, singulier et inexpliqué, qui s’éclaire d’une lumière venue, pour ainsi dire, de l’intérieur : qui est en effet Ferentina sinon la déesse qui préside ici au transport, au transfert – ce que désigne le verbe ferre – de l’eau du lac albain vers le lacus Turni ? Et qu’est-ce que l’aqua Ferentina sinon l’aqueduc souterrain, comme le sera plus tard l’aqua Appia, qui permet cette dérivation ?
52Ainsi Ferentina est un « nom d’agent fonctionnel »148, une divinité née de l’hypostase d’une fonction, selon un schéma cher à l’ancienne religion latine. C’est un théonyme formé du radical d’un verbe très courant, d’un morphème agentif de participe présent (-ent), et d’un suffixe (-ina).
53Bien entendu, on ne saurait désormais plus confondre, comme on l’a longtemps fait, le lucus Ferentinae avec celui de Diane dont parlait Caton (Or., 1, 26 Ch.), même si on ne peut, au total, qu’être frappé par la ressemblance qui s’observe entre les deux lacs de Nemi et d’Albano : cette dernière tient d’abord à la disposition même des lieux. Ici comme là, un lac se trouve flanqué d’une dépression lacustre : il est vrai que l’émissaire du lac de Nemi aboutit au Vallericcia, qui semble avoir été asséché beaucoup plus tôt que le lac Pavona d’où se détournent, au contraire, les eaux apportées par l’emissarium Albanum. Du point de vue des paysages, on a néanmoins une espèce de symétrie géomorphologique, associant à chaque fois un vallon à un lac, ce qui a pu, aux époques les plus anciennes, contribuer à conférer à ces lieux une sacra-lité toute particulière. On peut ainsi penser que les ressemblances étroites qui s’observent dans l’agencement des deux émissaires sont voulues et conscientes.
54Lus, encore une fois, en chiasme, ces deux systèmes s’éclairent l’un par l’autre : si l’examen de l’ouvrage albain montre l’importance de l’irrigation, l’analyse faite précédemment sur le canal de Nemi autorise peut-être quelques considérations sur la date de construction de l’emissarium du lac d’Albano. À cet égard, la datation du tunnel de Ne-mi à l’ère archaïque, telle qu’elle ressort des enquêtes les plus récentes149, est une donnée nouvelle qu’il ne faut pas négliger. Il est vrai que, sur ce point, les sources littéraires situent unanimement la construction de l’émissaire albain au ive siècle, à l’époque, comme on sait, du siège de Véies ; mais pourquoi faudrait-il ici accepter a priori la chronologie proposée par la tradition littéraire, alors que la fonction qu’elle attribue au canal ne semble pas vérifiée dans les faits ? Il est vrai que notre historicisation du prodigium de 398 semble apporter la meilleure confirmation de la chronologie traditionnelle de l’emissarium, dans la mesure même où les textes antiques lient étroitement le second au premier. Même si, dans la réalité, le canal albain a servi à l’irrigation, ne peut-on pas penser que ce fut là le résultat d’aménagements postérieurs ? En ce sens, la tradition serait à prendre à la lettre et l’emissarium serait vraiment une construction de nature religieuse et propitiatoire. Plusieurs éléments laissent cependant la porte ouverte à d’autres possibilités, et à une datation plus haute du canal albain : en premier lieu, la relation du caput aquae Ferentinae avec le débouché de l’émissaire et la mention du sanctuaire de Ferentina pour l’époque royale, dans des sources littéraires, il est vrai sans valeur probante sur ce point ; sans parler de la réalité de la fonction d’irrigation exercée par le canal albain, alors que la tradition littéraire en fait un simple déversoir, c’est surtout l’existence d’un jumeau, au lac de Nemi, dont la datation archaïque paraît maintenant plausible qui peut laisser penser à la possibilité d’une datation archaïque pour un premier état de l’emissarium Albanum.
LES CUNICULI EN LATIUM
55En tout état de cause, on ne peut que donner raison à R. de La Blanchère150 lorsqu’il soulignait le lien étroit et nécessaire qui unit les émissaires albains avec tout un réseau de canaux qu’on trouve dans la partie sud-orientale de la Campagne romaine : là aussi, la fonction et, plus encore, la chronologie de ces fossés sont l’objet d’un vif débat. Jusqu’à une date très récente, on a généralement suivi l’interprétation de l’auteur du « drainage des terres Pontines » pour attribuer aux émissaires albains aussi bien qu’au réseau de cuniculi qui les prolongeaient une fonction de drainage ; en réalité, ce réseau reste très mal connu et, s’il est bien un risque en la matière, c’est d’aller sans précaution du particulier au général et d’étendre abusivement à tout un ensemble des conclusions qui ne seraient valables que pour tel ou tel cas particulier. Sans parler de la critique autorisée récemment émise, nous l’avons vu, à propos d’une éventuelle fonction de drainage des émissaires albains151, on observera que la méthode qui eût consisté, pour assécher des terres, par commencer à y envoyer de l’eau (celle des lacs albains), ne paraît pas d’une logique évidente et, si j’ose dire, limpide... Il est peu probable toutefois qu’un aussi bon connaisseur que l’était R. de La Blanchère152 se soit trompé du tout au tout sur ce qu’il observait avec tant de rigueur et de passion ; dans la zone albaine, il n’explorera d’ailleurs lui-même que l’aire d’une quinzaine de kilomètres située entre Velletri et La Cisterna, soit un espace qui n’est pas le même que celui que parcourent les émissaires albains et leurs prolongements, et qui obéit à une dynamique hydrographique différente, orientée franchement plus au sud ; le plus simple est donc d’admettre que sur le même territoire, ou plutôt sur des territoires voisins, peuvent coexister des réseaux différents, aussi bien par leurs fonctions que par leurs dates.
56Quant à ces dernières, le débat n’est pas moins vif : R. de La Blanchère, P. Fraccaro et, aujourd’hui, F. Coarelli et P. Attema153 plaident pour une chronologie haute des cuniculi du Latium, dont au moins le premier état remonterait, pour certains d’entre eux, à l’époque archaïque ; d’autres, et principalement S. Quilici-Gigli154, attribuent au iiie siècle, et même plus tard, l’implantation de ces structures, sur la base d’une nouvelle étude de l’ensemble relevé jadis par R. de La Blanchère.
57Quels sont les critères qui fondent l’une et l’autre thèse ? Il ne s’agit pas, pour ces « fossés » de la Campagne romaine, de données strictement techniques : l’usage de mêmes procédés dans la longue durée, l’absence, dans la grande majorité des cas, de stratigraphie, obligent à se tourner vers d’autres indices. Or, quel est le raisonnement sur lequel se fonde d’abord la datation récente du réseau des cuniculi situés au sud-est du massif albain ? L’argument essentiel155 est qu’au ve siècle et, pense-t-on, a fortiori, avant, Rome, livrée aux coups de boutoir de l’avance volsque, eût été incapable de mener à bien de telles entreprises de bonification agraire qui, tout le monde s’accorde là-dessus, nécessitent un immense et continu effort collectif, la sécurité et la paix dans les campagnes. Au ve siècle, certes, mais auparavant ? Doit-on penser à ce point que l’histoire du développement de la puissance romaine n’a pu se faire que sous la forme d’un progrès linéaire, pour exclure si catégoriquement une datation antérieure ? Il nous paraît que ce serait là trop concéder au schéma défendu naguère avec tant de brillant et d’opiniâtreté par Andreas Alföldi156. Faut-il vraiment exclure que Rome ait pu, avant le ve siècle, être puissante et rayonnante ? Et s’il est vrai que la conception, la construction et l’entretien d’ouvrages comme les émissaires albains, avec le réseau des cuniculi qui, dans la Campagne, vient les prolonger, n’ont pu être réalisés que grâce à la maîtrise du territoire latial tout entier et à une capacité « sociopolitique » d’unir, voire de soumettre à une volonté d’ensemble, les énergies des différentes communautés peuplant la région, cela n’implique pas pour autant qu’il faille placer ce processus à la fin du ive siècle, en relation avec la construction de la via Appia qui, en réalité, a ignoré ce réseau préexistant157. On peut, il est vrai, supposer que ces cuniculi datent de la paix consacrée par le foedus Cassianum : cependant, l’étroite coopération romano-latine qu’ils supposent nous paraît impossible entre 490 et 450, dans une période où le Latiar n’est même plus célébré158 ; après 450, la fréquence des dangers extérieurs pesant sur la région, aux dires des sources, la rendent-elle vraisemblable ? Quant à dater ces réalisations après la prise de Véies, entre 390 et 312, c’est contredire directement aux observations autoptiques de R. de La Blanchère. Il faut donc peut-être admettre que l’idée, chère à Giorgio Pasquali159, d’une « grande Rome des Tarquins », déjà puissante en Latium, soit autre chose qu’un simple mythe historiographique. Bien entendu, les modalités de l’influence romaine dans la région nous restent inconnues : on peut également imaginer ou le contrôle de larges portions de territoire, ou la simple occupation de quelques points d’appui établis au milieu de pays demeurant hostiles. On peut aussi supposer que ces travaux aient été, à date haute, le fait des Latins, sans que les Romains y aient pris part.
58Que penser, en tout cas, du lien qu’établissent, avec insistance, les textes160 entre la réalisation de l’émissaire albain et le siège, puis la prise de Véies ? Puisque nous avons montré la vraisemblance, voire la probabilité, de l’événement décrit par les textes comme une crue miraculeuse du lac Albain, le plus simple, assurément, est de continuer à prendre la tradition à la lettre et de voir dans le canal la réponse au phénomène survenu pendant le siège de Véies : la relation entre l’un et l’autre serait donc, tout simplement, chronologique. Parce qu’elle se fondait sur la certitude de l’impossibilité du prodigium de 398, la science a cherché d’autres relations : thématiques, en y retrouvant un schéma (le creusement d’un canal comme élément commun à Véies et à Albe) d’origine homérique, qui s’illustrerait chez Tite-Live, selon J. Bayet, pour Fidènes, Artena et Rome ; archéologique aussi, en insistant sur la compétence des Étrusques pour l’aménagement de cuniculi, ce qui a conduit souvent à une datation archaïque (fin vie s.) de l’emissarium Albanum. De fait, au moins un ouvrage de cette date a été reconnu à Véies161, même si la plupart des réalisations y datent du ve siècle, et une chronologie archaïque a été proposée pour des vestiges observés sur le site de bien des villes étrusques, à Orvieto, Pérouse et ailleurs encore162, mais aussi dans le Latium, à Ardée, Collatia, Nomentum, Tibur163, et à Rome même, sur le Palatin164. Cela pourrait contribuer à expliquer, pense-t-on, l’origine étrusque attribuée unanimement par la tradition à l’émissaire albain, pour la réalisation duquel on voit bien les sources littéraires, d’inspiration romaine sans doute, beaucoup plus qu’étrusque165, marquer une forte insistance sur le rôle d’un certain haruspice de Véies.
59Toutefois, l’importance accordée à l’etrusca disciplina dans l’épisode albain s’explique suffisamment166 par le contexte des relations romano-étrusques au ive s. Il reste que l’emissarium a une fonction d’irrigation et que son débouché est identifiable avec un sanctuaire que les textes167 réfèrent insistamment à l’époque royale : on peut admettre facilement, il est vrai, que l’irrigation n’ait été que la conséquence d’un ouvrage d’abord destiné à être un déversoir168, et il serait également très simple de considérer cette datation royale comme une anticipation falsifiée. Cependant, l’histoire récente de la recherche offre assez d’exemples169 de traditions longtemps jugées fausses et finalement validées par l’archéologie, pour que nous hésitions à rejeter sans autre forme de procès une chronologie archaïque pour le caput aquae Ferentinae et partant pour l’emissarium Albanum. On pourrait penser que, suite à la catastrophe de 398, on procéda au curetage ou à la réfection d’un canal déjà existant. De toute façon, même en datant l’emissarium du début du ive s., on n’aurait pas la satisfaction de donner raison à la tradition, puisqu’il faudrait alors lui donner tort du côté de Ferentina : d’une manière ou d’une autre, on aboutit donc à un jugement partagé. Ou peut-être pourrait-on supposer qu’il y aurait d’abord eu ou une dérivation naturelle des eaux albaines, du lac vers le vallon Savelli, que l’emissarium n’aurait fait qu’accentuer et monumentaliser, ou une première canalisation ? Ainsi seraient sauvegardées les deux traditions, celle d’une Ferentina archaïque, celle d’un emissarium républicain. Dans l’état actuel de la science, on ne dispose pas des données hydrologiques et archéologiques qui donneraient la réponse à ces interrogations. Sur un plan certes différent, l’influence des Tarquins dans la zone albaine semble bien être impliquée par la tradition170 qui leur attribuait la fondation des Féries Latines. En tout état de cause, si on peut discuter de la possibilité d’une première réalisation de l’emissarium Albanum à l’ère archaïque, l’historicisation de la crue de 398 ne permet plus guère de douter de la réalité de travaux entrepris en 397 ou 396. Le lien entre Véies et l’emissarium est ainsi d’abord d’ordre chronologique : le prodige et son expiation ont eu lieu au moment du siège de la métropole étrusque, et c’est sur cette concomitance que se sont greffées toutes sortes de traditions légendaires.
60Quant aux émissaires albains, les archéologues et les spécialistes d’ingénierie hydraulique ont constaté que les parois des tunnels, et notamment dans celui du lac Albain, laissent, aujourd’hui encore, clairement apparaître la trace des étapes successives qui furent nécessaires à leur réalisation171. Sur les murs du canal souterrain d’Albano, en effet, des décrochements visibles dans la paroi, et séparés par un intervalle régulier d’un mètre cinquante environ, gardent le souvenir et la preuve des différents tours de travail, des « journées » de labeur accomplies par les groupes d’ouvriers qui se suivaient sur le chantier, sans interruption si l’on en croit une tradition parallèle concernant les cuniculi du siège de Véies172. Or, il faut noter qu’avec un tel système, et grâce à la tendreur du tuf qu’avaient à excaver les fouilleurs, le rythme de leur progression, selon les observations récemment faites, a pu permettre d’achever un ouvrage comme l’émissaire albain dans un délai qui aura pu ne pas excéder les quatre mois173. Assurément, cette rapidité d’exécution, qui correspond à la tradition antique, est un argument en faveur de la chronologie qu’elle implique, soit le ive s. Travail pénible, on n’ose dire « travail de Romain », que celui accompli par ces anonymes fossores et que R. de La Blanchère décrivait en ces termes : « Ainsi, rampant, courbé, toujours dans une position incommode, il avançait ouvrant son chemin, et des enfants derrière lui déblayaient au fur et à mesure »174. Ailleurs, il ajoutait ces lignes destinées aux cuniculi de la plaine pontine, mais qu’on peut, presque telles quelles, appliquer aux émissaires albains : « Tout est fait avec une unité d’ensemble, une sûreté de conception, une justesse d’exécution qui font ressembler ce grand travail à l’œuvre instinctive et parfaite d’une colonie de castors ou d’une république de fourmis bien plus qu’aux produits de l’expérience humaine. Les peuples qui ont ainsi transformé la campagne volsque et latine avaient fait leur apprentissage ailleurs »175.
61Cette dernière remarque est à ce point justifiée qu’Andreas Alföldi, qui ignorait pourtant les travaux de R. de La Blanchère176, n’a pu, pour rendre compte des particularités de l’émissaire albain, trouver meilleur moyen que de le comparer avec le canal creusé à Samos, à l’initiative du tyran Polycrate, par Eupalinos de Mégare, et daté des années 540-524 avant n. è., parallèle177 repris et développé par F. Coarelli : selon lui, venus probablement de Cumes, non loin de laquelle les exilés de Samos fuyant la tyrannie de Polycrate avaient fondé la cité de Dicéarche, dont le nom à lui seul valait revendication, les techniciens samiens auraient mis leur compétence au service des maîtres des monts Albains pour aboutir à une réalisation qui présente avec l’Eupalineion178 certaines affinités. La présence aux côtés des Latins, pendant ces années-là, d’Aristodème, qui lui-même avait fait creuser un canal de bonification sur le territoire de sa propre cité, semble d’ailleurs un fait historique, attesté par des sources littéraires dont certaines seraient d’origine cumaine179. Cependant, puisque le tyran de Cumes y est représenté comme un adversaire des Tarquins et un allié des Latins, et que le canal pour lequel une datation archaïque semble maintenant acquise est celui de Nemi, nous nous demandons s’il ne conviendrait pas, en l’état actuel du dossier, et sans récuser le principe de l’hypothèse Fraccaro-Alföldi-Coarelli, de la transférer plutôt sur l’emissarium de Nemi, pour des motifs d’ordre aussi bien historique que chronologique. En ce qui concerne l’emissarium Albanum, seule l’archéologie pourra dire si, ici, la comparaison vaut raison. Tout au moins peut-on dire pour l’instant que sa ressemblance étroite avec l’emissarium de Nemi oblige à s’interroger sur la présence possible, probable même selon les spécialistes, d’un canal préexistant, daté, lui aussi, de l’époque archaïque. Au cas où cette hypothèse, avancée encore récemment par K. Grewe (o.c., p. 88), venait à être confirmée, elle permettrait peut-être de rendre compte d’une donnée toponymique jusqu’ici inobservée : puisque la topographie conduit, nous l’avons vu, à rapprocher, sinon à identifier, l’aqua Ferentina et l’emissarium Albanum, ne pourrait-on pas expliquer par la succession de deux étapes différentes cette dualité d’appellations pour le même lieu ? La canalisation archaïque aurait été désignée par le nom de Ferentina et la réalisation destinée à répondre au prodige de la crue aurait été appelée emissarium. Deux noms pour une même réalité, mais pour deux datations et sans doute deux fonctions différentes, ces deux noms semblant bien refléter comme un changement de point de vue. L’aqua Ferentina apporte l’eau vers la campagne, l’emissarium l’envoie à l’extérieur du lac : dans un cas, compte le point d’arrivée, dans l’autre, le point de départ. Si le but du premier canal avait été l’irrigation, celui du second était bien l’expiation d’un phénomène réel, et donc l’évacuation de l’eau du lac : de ce point de vue, peu importe que le résultat pratique ait été d’une amplitude limitée. Dès maintenant, la datation archaïque des émissaires de Nemi et d’Aricie, ainsi que la nette antériorité de bien des cuniculi par rapport à la via Appia sont des données importantes pour l’histoire du paysage albain180. Ainsi modifié par l’homme, ce paysage hydrographique va rester pourvu d’une forte sacralité : on le constate encore dans le prodige de l’eau albaine rougissante, relaté par l’annalistique en 209 av. J.-C., à un moment critique de la guerre punique. Le refus de douze colonies latines de participer à l’effort de guerre conduit par Rome se traduit logiquement par un miracle qui affecte les eaux du lac sacré de la ligue latine. Cruentam fluxisse aquam Albanam (Liv., 27, 11) : l’aqua Albana, c’est l’eau du lac s’écoulant par l’emissarium Albanum, et ce prodige a reçu son explication lorsque, en 1957, une prolifération de micro-organismes a coloré en écarlate les eaux du lac d’Albano181.
62Ces émissaires albains ne sont pas uniques. Certes, leur taille, l’apparition que fait celui du lac d’Albe dans les textes – apparition tout à fait momentanée et due, il convient de le souligner, à des motifs religieux et non techniques –, les distinguent tout particulièrement. Mais il ne faut pas oublier que d’autres lacs du massif albain ont, eux aussi, été dotés de canaux émissaires : on le voit, entre autres, pour le lac de Gabies182 ou celui de Giulianello183. C’est même, nous semble-t-il, cette géohistoire des lacs albains qui explique que, pour plusieurs d’entre eux, ils ne soient pas, ou très peu, mentionnés par les textes anciens : pourquoi le lac Régille n’accède-t-il ainsi à l’existence littéraire qu’à deux occasions, pour disparaître définitivement ensuite ? Il n’est cité par les historiens anciens qu’à propos de la bataille qui lui doit son nom184, puis, une seconde fois, à propos d’un épisode tout à fait secondaire du conflit contre les Eques (Liv., 3, 20). En reprenant une vieille hypothèse faite par Pareti pour le site, inadéquat quant à lui, de Prataporci185, et en l’appliquant au cratère de Pantano Secco qui, selon les analyses convergentes de Nibby, Gell, Ashby, Tomassetti, confirmées depuis par les observations de L. Quilici186, doit être reconnu comme l’antique lacus Regillus, nous supposerons que la raison de la disparition de ce lac des textes anciens est, tout simplement, sa disparition du terrain, effectuée par le biais d’un canal d’évacuation des eaux ayant permis son assèchement, canal dont des traces subsistent sur place187.
63Cette disparition, à supposer qu’elle ait été effectuée après la prise de contrôle du territoire de Tusculum par Rome (381 av. J.-C.), fut-elle dépourvue de toute signification ? On se souviendra en effet que, selon une interprétation déjà suggérée au siècle dernier par Pais188, le lac Ré-gille n’était pas seulement l’un des nombreux lacs du massif albain, mais aussi l’un des probables lieux de réunion de la ligue latine, vu sa proximité avec un vieux lucus fédéral qui, aux temps de Pline, se trouva faire partie de la villa de Passienus et d’Agrippine189. Comment ne pas remarquer, à ce propos, que le lac, quand il se reforma, portait le nom de « Cornufelle »190, qu’on retrouve aussi sur une hauteur voisine, offrant ainsi l’exemple frappant d’une continuité toponymique probable dont il existe ailleurs bien d’autres témoignages ? On assiste donc à une transformation du paysage qui passe par ce que l’on pourrait appeler (mais le mot est sans grâce) sa « délatinisation », c’est-à-dire la neutralisation d’un espace fédéral, religieux et politique, opérée grâce à l’élimination de sa caractéristique principale (l’eau), selon un processus qui aboutit à la banalisation de lieux soumis désormais à une autre logique et aux impératifs de la production agricole (une villa est aménagée sur le site dès l’époque médio-républicaine)191. Il fut un temps, pas si lointain après tout, où des événements comme la bataille du lac Régille pouvaient apparaître comme aussi dénués de réalité, à peu de choses près, que les légendes les plus invraisemblables du récit des primordia : aujourd’hui, comme on l’a remarqué192, la confirmation par l’archéologie de la chronologie livienne du temple romain des Castores donne à la bataille entre Latins et Romains, à laquelle la tradition lie la construction du sanctuaire de l’Vrbs, une historicité difficilement réfutable. Des vestiges in loco furent interprétés par Tomassetti193 comme les restes d’un autel de consécration de la bataille, mais l’hypothèse est très peu plausible.
64Gigantesques citernes naturelles d’eau douce, recherchées tant par les hommes que par les animaux, viviers inépuisables (au regard, du moins, des possibilités d’alors...), les lacs, dans le massif albain comme ailleurs, se prêtaient éminemment au rôle de pôles de rassemblement que nous leur voyons jouer encore dans la période historique. À cet égard, ce n’est sans doute pas un hasard si les grands lieux de la fédération latine sont tous trois situés en bordure d’un lac : le Latiar, bien sûr, près du lac albain ; le lucus Dianae au bord du lac de Nemi ; le lucus de la déesse Ferentina, sur les rives, nous l’avons vu, du lac Savello ; enfin, ce sanctuaire de Tusculum à proximité du lac Régille194.
65La dimension, somme toute modeste, de ces lacs du Latium ne pouvait que favoriser ce que j’appellerais leur valeur fédérative : à la différence des grands lacs étrusques, celui de Bracciano, mais surtout ceux de Bolsena et de Trasimène, qui, en comparaison, apparaissent comme de véritables « mers intérieures »195, ils ont pu servir à l’union des petites peuplades qui les fréquentaient ; au lieu de diviser, ils rassemblaient ; au lieu de favoriser l’éparpillement humain, ils facilitaient ici sa concentration. Concentration au demeurant toute relative, surtout dans les âges encore anciens du Bronze moyen et final, puisque l’on serait tenté de dire que les choses se jouaient ici lac contre lac, ou en d’autres termes ligue contre ligue. N’est-ce pas ce qui apparaît, par exemple, avec l’opposition des cités latines, groupées autour du sanctuaire de Diane, à l’égard de Rome et de la ligue albaine du Latiar ? Du point de vue qui est le nôtre ici, ce conflit, en effet, vaudrait un peu comme celui du lac d’Albe avec le lac de Nemi...
SOURCES
66« On peut voir les sources qui alimentent le lac » : l’observation formulée par Strabon196 à propos du lac de Nemi pourrait valoir, au moins partiellement, pour son voisin de Castel Gandolfo197. À n’en pas douter, cette abondance du massif albain en sources, c’est-à-dire en eau potable, n’a pu que favoriser, quand elle ne l’aurait pas provoqué, l’établissement d’habitats à des époques où les populations n’avaient pas encore la possibilité d’atténuer, d’une façon qui devait rester toute relative, la rigueur d’une dépendance naturelle par la construction de citernes en maçonnerie destinées à recueillir les eaux de pluie. Au flanc même des coteaux qui entourent les lacs albains, les sources sont en effet nombreuses : celle de Secciano, par exemple, près de Castel Savelli198, peut, comme à Nemi, expliquer la précocité de l’occupation humaine du site ; autour du lac d’Albe, alimentées par le puissant collecteur que constitue, de ce point de vue, la lourde masse du Monte Cavo, plusieurs sources, pérennes et d’un bon débit, se remarquent. C’est ainsi qu’à Palazzolo, une source, décrite par nombre d’anciens voyageurs, fournissait à ceux199 qui entreprenaient l’ascension de l’antique montagne du Latiar un rafraîchissement apprécié, et... un encouragement à une localisation d’Albe à cet endroit, qui, pour répandue qu’elle fût alors, n’en est pas moins une des erreurs les plus notables de l’ancienne érudition dans l’étude des primordia Albana. C’est qu’il faut en effet se méfier, en l’occurrence, de la trompeuse facilité d’un truisme trop séduisant : on se gardera, en réalité, d’établir une relation mécanique entre la présence de l’eau et celle des hommes. Cette question, classique dans toute étude de géohistoire portant sur un paysage méditerranéen, appelle ici une réponse nuancée : d’un mot, on pourrait dire, en schématisant, qu’autour du lac albain, l’eau se trouve sur le versant oriental, tandis que les habitats sont à l’ouest. Aussi voit-on les constructeurs de la villa de Domitien venir chercher, au moyen de conduites savamment aménagées dans le tuf, l’eau qui manque au site de Castel Gandolfo200, jusqu’à Palazzolo et Pentimastalla, sur les pentes mêmes du Monte Cavo201 ; à l’époque moderne encore, aussi bien Castel Gandolfo qu’Albano et Marino continuent de dépendre de ces sources, qui leur fournissent une eau d’une grande qualité, filtrée par les terrains volcaniques du massif202. Certains sites sont en effet très peu pourvus, voire dépourvus d’eau, comme, par exemple, celui de Frascati203, ou même celui de Tusculum : manque qui, dans ce dernier cas, n’empêchera pas l’installation d’un habitat très tôt204, l’occupation d’un lieu aux époques protohistorique et archaïque résultant toujours d’un équilibre délicat entre les exigences de la sécurité et celles de la subsistance. Tusculum occupe un éperon rocheux qui en lui-même constitue déjà une magnifique forteresse naturelle : sa transformation en site urbain impliquera alors l’installation de citernes, dont l’une, en particulier, a longtemps constitué l’un des monuments les plus intéressants du suburbium romain205. Inversement, les sites naturellement bien pourvus en eau ne seront pas nécessairement les plus précocement et densément occupés : il est facile de suivre206, par la toponymie, la ligne circulaire de résurgence des sources aux marges du massif albain : sur les dernières pentes du Volcan Latial, et en allant de l’ouest vers l’est, on rencontre ainsi des noms qui parlent d’euxmêmes, tels Fontana di Papa, Fontana Tegola, Fontana di S. Antonio, etc. Pourtant, ces lieux ne correspondent pas, sauf exception, aux habitats les plus anciens de la région : trop avancés dans la plaine, ils n’offraient pas assez de possibilités de refuge et de défense aux petites communautés humaines, souvent en guerre les unes contre les autres, qui peuplent la contrée à l’aube des temps historiques. Aussi, ces dernières leur auront préféré des sites plus en altitude et bénéficiant non seulement du voisinage immédiat des deux lacs majeurs du massif, mais souvent, même, de sources bien pourvues. Tout près de Marino, dans le Parc Colonna, il est ainsi une source, jadis particulièrement abondante207, au point même d’avoir été longtemps identifiée à tort comme le caput aquae Ferentinae. Le sol de Marino est en effet riche en sources et Tomassetti en énumère ainsi près d’une dizaine : parmi celles-ci, l’acqua di Preziosa, qui alimentait dans l’Antiquité l’aqueduc dit Tepula208, et qu’on placera plutôt dans le territoire de Grottaferrata, dont elle n’est éloignée que de deux kilomètres, territoire où sourdent aussi, près du Ponte di Squarciarelli, les eaux que recueillait l’aqua Iulia209, sans parler de plusieurs autres points d’eau dont certains, à la Renaissance, furent captés pour les besoins de Frascati. Plus loin, le site de Rocca Priora était approvisionné par les eaux du Monte Fiore tout proche210, et plus loin encore, ce sont les monts de l’Algide, eux aussi exploités pour l’approvisionnement de Frascati, qui constituent un des grands réservoirs d’eau de la chaîne albaine211. Enfin, à Nemi, les eaux collectées par la lourde masse des reliefs du mont Artemisio212 donnaient naissance à une source, qui est à l’origine de la remarque de Strabon citée précédemment213.
67Une place particulière doit être faite, dans cette description qui n’est, bien entendu, nullement exhaustive, aux sources auxquelles la nature volcanique du sol albain confère une notable teneur en soufre, et qui sont ailleurs nombreuses en Latium : dans les monts Albains et leurs environs immédiats, outre la Fonte dell’Acquacetosa214 (à ne pas confondre avec l’Acqua Acetosa Laurentina), près de Centroni, sous Frascati, qui donne naissance à un rio rejoint par les eaux en provenance de l’émissaire du lac d’Albano215, on trouve l’abondante source située aux Frattocchie, dans le jardin du Palais Colonna, appelé aussi, probablement en raison de cette présence, « della Sirena »216 ; sur le territoire de Marino, un lieu dit Acquasottera révèle l’existence d’une source qui est, elle aussi, de nature « acidulée » . On notera aussi que, selon le témoignage d’un ancien voyageur217, qui en parlait déjà au passé, le sommet de la colline de Monte Porzio, dite Monte Porzio Catone à partir de 1872 en fonction d’une identification des plus douteuses218, recelait une soufrière qui n’apparaît pas dans les descriptions modernes219. Une autre transparaît encore aujourd’hui dans le toponyme de Solforata220, qui s’applique à un lieu situé sur le territoire de l’abbaye de Grottaferrata et dominé par l’ancienne place forte médiévale de Borghetto, dont l’abandon aurait été provoqué, précisément, par les exhalaisons méphitiques produites par cette « Solfatare »221, qui ne doit donc pas être confondue avec celle, beaucoup plus connue, située du côté de Lavinium222 et qui est le lieu où Virgile (Aen., 7, 81 et s.) place la consultation de l’oracle de Faunus par Latinus, comme le reconnut, le premier, Bonstetten, suivi et confirmé par Nibby, Ashby et Carcopino223
68On ne saurait oublier, en effet, que de tels lieux qui « sentaient le soufre » étaient pourvus, pour la sensibilité antique, d’une forte valeur sacrée et, plus exactement, oraculaire224. À vrai dire, il est bien établi qu’aux yeux des Anciens, les sources étaient des lieux sacrés, ce qui se traduit souvent, archéologiquement, par la présence d’un dépôt votif, de même que leur importance religieuse peut se refléter dans la mythologie, comme c’est le cas pour la soufrière qu’est l’Albunea225. À cet égard, le texte de Virgile fournit une illustration particulièrement nette de la perdurance de sentiments qui remontaient au plus lointain du passé romain et latial226.
69Pour en revenir à la question plus concrète de la répartition zonale des sources, on notera qu’au total, si l’eau est assez abondante et assez fréquemment disponible sur les monts Albains pour n’avoir pas constitué à elle seule le facteur unique dans l’implantation des habitats, c’est elle qui déterminera, même si elle n’en est pas la cause exclusive, la dynamique et, si je puis dire, la définition des petites communautés qui se partagent, à haute époque, la montagne : Pagi dicti a fontibus, quod eadem aqua uterentur, dit ainsi le lexique de Paul Diacre, dans une trop brève formule227 dont la densité ne doit pas prêter à contresens. Elle n’implique pas, en effet, qu’il n’y a d’habitat que là où il y a des sources, mais plutôt que ces dernières sont nécessairement le centre d’attraction d’habitats qui peuvent être établis ailleurs, sur une hauteur voisine, pour des raisons de sécurité ou de salubrité. Ainsi voit-on, si on veut lire la légende sous l’angle topographique, la Vestale Rhea Silvia, qui deviendra malgré elle la mère des jumeaux fondateurs, aller chercher l’eau à une source qui semble à l’écart, même si elle n’en est pas très éloignée, du lieu où elle et les siens demeurent228.
COURS D’EAU
70Enjeu de vie et de pouvoir, l’eau modèle donc la physionomie du territoire albain, dans ses aspects tant religieux que politiques229. Cette importance, aussi bien du point de vue réel que symbolique, apparaît également dans le cas des cours d’eau, dont le nombre, sur les pentes des Colli Albani, était primitivement très grand. À cet égard, l’image qui ressort de la configuration actuelle des lieux230 doit être fortement corrigée, au moyen notamment de la cartographie ancienne : nés des sources qui abondent, nous venons de le voir, sur le massif, maintenus, grâce à la pression constante assurée par les lacs et grâce à la composition particulière des sols231, à un débit régulier, qui les fait échapper en partie au régime hydrographique très contrasté qui caractérise habituellement les contrées méditerranéennes, innombrables furent, aux hautes époques, les cours d’eau, ruisseaux, minces filets, torrents, parfois véritables petites rivières, qui descendaient les pentes des monts Albains. Beaucoup d’entre eux ont disparu, parfois sous l’effet de causes naturelles, selon un processus que les Romains de l’Empire pouvaient même percevoir dans certains cas en se référant aux souvenirs et traditions des époques archaïques : c’est ainsi que Servius (ad Aen., 7, 150) note que le Numicius, de rivière qu’il était du temps des Laurentes, s’était réduit à n’être plus qu’une simple source. Dans ce domaine, les changements de noms, ou la multiplicité des noms pour un même cours d’eau, suivant un phénomène dont le Tibre (Tiberis, Thybris, Albula) offre un classique exemple, ou encore, cas fréquent en Latium, la récurrence d’un même hydronyme pour des cours d’eau différents, les changements de cours, aussi, lorsque certaines de ces voies d’eau furent captées par le réseau des aqueducs, tout cela rend l’étude particulièrement délicate. L’évolution est même loin de se faire toujours dans le sens que l’on attendrait : c’est ainsi qu’un cours d’eau, aussi important pour la région que la Marrana, n’est peut-être, dans la seconde partie de son parcours (à partir de Centroni), que le résultat, artificiel et tardif, de la cessation définitive d’activité de l’aqua Iulia à partir de l’époque médiévale232. Alors, l’artifice devient naturel. On constate maintes fois, d’autre part, que plusieurs de ces « fossi » ou « incastri » confluent pour n’en plus former qu’un seul ; inversement, un « fosso » initial donnera souvent naissance à plusieurs dérivations, prenant alors chacune un nom spécifique. On aimerait savoir, par exemple, à quoi correspond exactement le riuus aquae albanae mentionné à deux reprises par une inscription trouvée en 1631 à Marino : puisque l’identification avec l’aqua Ferentina, à laquelle avait pensé Nissen, sur la base d’une localisation erronée de cette dernière, doit être rejetée, s’agit-il de l’un des versants du lac d’Albano comme le voulait Lanciani, ou plutôt, selon l’avis d’Ashby, de l’aqua Augusta, qui prenait son départ en captant les sources du Monte Cavo ?233 Malheureusement, il n’y a pour ainsi dire pas de cas où l’on puisse établir une corrélation sûre entre la réalité du terrain et les indications fournies par les « sources », qu’elles soient épigraphiques ou littéraires. La plupart du temps, les multiples cours d’eau, grands et petits, qui sillonnent et ravinent les pentes des monts Albains n’ont pas transmis leur nom à l’histoire : la seule exception – hormis, bien entendu, le canal, artificiel quant à lui, qui sort du lac d’Albano, et qui était, on l’a vu, appelé emissarium Albanum – est celle de la Crabra, que mentionnent Cicéron et Frontin234, et que tous les commentateurs, depuis Holstein, s’accordent à identifier avec le cours d’eau qui prend naissance dans la Valle della Molara, dans les contreforts du Monte Cavo235.
71Quelle est, au total, l’architecture du réseau hydrographique albain ? De ce point de vue, la carte dressée par Canina236 en 1845 offre une illustration particulièrement suggestive. Dans le dense réseau que dessinent sur le papier les ramifications successives des véritables vaisseaux capillaires que forment les « fossi », avec leurs divisions sans nombre, nous voyons apparaître cependant trois arborescences distinctes : la première, dirigée vers le nord, comprend les cours d’eau qui, à l’instar de la Crabra dans son cours originel représenté par le Fosso dell’Incastro237, vont se jeter dans l’Anio ; la seconde, d’orientation nord-ouest, dirige vers le Tibre, autour du Fosso Malafede, les eaux du massif albain ; enfin, c’est vers les plaines du littoral, dans la direction du sud-ouest, que sont orientées les branches du troisième ensemble dont le fleuve Astura constitue pour ainsi dire le tronc. Ainsi, au côté de l’Anio, comme du Tibre ou de celui de la mer, les monts Albains jouent-ils le rôle de véritable « château d’eau », puisque tous les cours d’eau parcourant les contrées limitrophes y prennent naissance. Il y a plus : on sait aujourd’hui que le massif albain contribue même, par des connexions souterraines, à la richesse en sources des collines romaines.
72Un point doit être fortement souligné : on ne saurait évaluer le rôle éventuel de ces multiples petites rivières en faisant référence à la situation actuelle, où la plupart d’entre elles se trouvent réduites à n’être plus que de minces filets d’eau, souvent recouverts et occultés, sur une grande partie de leur tracé238, par l’urbanisation de ces dernières décennies qui a vu l’ancienne Campagne de Rome se transformer en une banlieue immense et uniforme. Des études récentes sont venues rappeler que l’Anio239 et le Tibre240, dès les époques protohistoriques et archaïques, étaient utilisés par des embarcations qui devaient être aussi nombreuses qu’elles étaient légères. Or, ces conclusions doivent être étendues au réseau albain qui, pour une grande part, était lui aussi, au regard des faibles tonnages d’alors et du régime des eaux beaucoup plus fourni qu’aujourd’hui, navigable241. Méritant leur nom, ces voies d’eau furent bien les premières routes naturelles de la région, autant d’ailleurs par les vallées qu’elles ouvraient que par leur cours proprement dit. C’est par là, lorsqu’il s’agit des cours d’eau les plus importants, que pouvaient toujours arriver ceux qui venaient d’ailleurs : éventualité menaçante dans les temps obscurs du néolithique, ce qui explique sans doute l’éloignement par rapport aux grandes rivières, trop constant pour n’avoir pas été voulu, qui caractérise alors les sites d’habitat242. Puis, à partir du milieu et surtout de la fin de l’âge du Bronze, ce qui était menace devient une chance et un atout que l’on recherche243 : on voit très clairement, sur les suggestives cartes de répartition dressées par les archéologues de la Surintendance de Rome, les habitants du Latium chercher désormais à s’installer auprès de ces cours d’eau qui, par les trafics qu’ils permettent, tant terrestres que fluviaux, peuvent leur apporter richesses et prospérité244. C’est ainsi que trois séries de sites mettront à profit les avantages créés par les trois arborescences hydrographiques, que nous avons précédemment distinguées : Gabies pour l’ensemble situé au nord, tandis que, vers le Tibre, les habitats de l’Acqua Acetosa Laurentina sur le cours d’eau du même nom, d’une part, et de Castel di Decima sur le Fosso Malafede, d’autre part, correspondent aux deux ramifications du second système, le troisième étant contrôlé par le site de Satricum, en bordure de l’Astura. On ne peut pas ne pas remarquer à ce propos, autour de Rome même, en amont comme en aval, un certain vacuum dans la documentation, qui semble correspondre à l’absence, dans cette direction, d’une ramification hydrographique importante en provenance des Colli Albani. Au total, donc, loin d’être fermé sur lui-même et séparé du reste de la région, le massif albain s’ouvre largement vers les plaines qui l’entourent au nord, à l’est et au sud, et avec lesquelles les rivières qui sourdent de ses dernières pentes établissent de faciles moyens de communication.
73À n’en pas douter non plus, ces cours d’eau, comme c’est le cas partout ailleurs, ont dû fournir, aux communautés qui en peuplaient les abords, les premières occasions pour l’organisation de leur vie sociale : très tôt, l’accès à l’eau a dû faire l’objet de ce que l’on n’ose appeler des conventions collectives. Il est normal que le souvenir, pour les hautes époques, en ait presque toujours disparu. Pour les époques classiques, l’épigraphie apporte quelques rares compléments aux commentaires de Frontin : c’est ainsi que Mommsen suggérait de rapporter à la Crabra les prescriptions de répartition énoncées par l’épigraphe245 CIL, 6, 1261. Dans le même sens, on a pu proposer de rapporter aussi à un cours d’eau près de Torre Nova un cippe républicain trouvé il y a un bon demi-siècle non loin de la via Casilina, et portant une inscription rappelant que riuei a[quam corrump]ere non licet, quoique, selon d’autres, la pierre soit plutôt à mettre en relation avec une installation artificielle246.
74Plus sûrement que ces inscriptions d’attribution toujours incertaine, un document dont le caractère « albain » est hors de doute, puis-qu’il s’agit de la fameuse liste des populi Albenses donnée par Pline (N.H., 3, 69) – document qui est du reste probablement lui-même d’origine épigraphique247 –, garde à notre avis la trace de cette importance du rôle joué par les cours d’eau dans l’organisation de l’espace et dans l’histoire du premier Latium : sur les trente noms que compte la liste, deux au moins, et peut-être trois, paraissent provenir du nom d’un cours d’eau connu par ailleurs. Malgré les doutes auxquels elle a donné lieu248, la vieille hypothèse249 qui corrige le Numinienses des manuscrits de l’Histoire Naturelle en Numicienses nous paraît pouvoir être retenue, d’autant plus, nous semble-t-il, qu’elle expliquerait alors très logiquement l’absence, à première vue surprenante, du peuple des Laurentes de ce texte célèbre. D’autre part, si vraiment on peut substituer, avec Nib-by, au Tόληρος, inconnu par ailleurs, mentionné par les manuscrits de Strabon à propos de Frégelles, un Tόληρος qui serait le nom antique du fleuve Sacco, dit aussi Tolero250, nom qui correspondrait aux Tolerienses présents dans la liste plinienne, on aurait là une seconde attestation du même ordre. Autre nom ethnique albain qui paraît provenir d’un hydronyme : celui des Tutienses en qui, au début de ce siècle, A. Rosenberg251, suivi ensuite par la plupart des commentateurs252, proposa de reconnaître le Tutiam fluvium253 au bord duquel Hannibal marchant sur Rome établit son camp avant de se détourner vers le sanctuaire de Feronia, et pour lequel plusieurs hypothèses d’identification sont en concurrence, mais sans que cela remette en cause le principe d’une identification au nord-est de Rome. L’un des candidats les meilleurs, le cours d’eau appelé Fosso di Settebagni, a d’ailleurs porté, antérieurement à l’appellation actuelle, un autre nom, celui de Fosso di Malpasso : cela illustre bien le véritable obstacle naturel que pouvaient représenter pour ceux qui parcouraient la plaine latine, en réalité une fausse plaine – « montuée et bossue » dira Montaigne254 –, les entailles profondes creusées dans le tuf par l’incessant travail des eaux.
75On peut penser que les lits de ces petites rivières fournissaient, aux peuplades qui en habitaient les abords, des frontières naturelles : les franchir était un acte qui, outre sa difficulté matérielle (quand il s’agissait par exemple de faire passer un troupeau), pouvait revêtir également une forte charge symbolique. La religion semble en avoir gardé le souvenir, notamment dans cet auspicium peremne255 et dans d’autres prescriptions sacrales256 conservées par le droit augural : si, par exemple, le passage d’un cours d’eau annulait normalement, à moins que les augures n’y prissent garde, un signe auspicial257, c’est bien, nous semble-t-il, parce que dans les temps où ce droit sacré avait été codifié, le franchissement d’une aqua pouvait impliquer un changement de territoire258. Il reste qu’à la phase latiale III B, on voit un habitat comme celui d’Acqua Acetosa Laurentina, exploré par A. Bedini (cf. Arch. Laz., 2, 1979, p. 21-28), s’étendre de part et d’autre d’un cours d’eau : cela pourrait signifier que les prescriptions augurales dont nous faisons état ici sont postérieures au viiie siècle, et ce changement est peut-être à mettre en rapport avec une évolution climatique. C’est dire que les cours d’eau ont sans doute été des traits d’union avant de devenir des lignes de démarcation naturelles entre les territoires des différentes cités. Délimiter exactement ceux-ci devrait être aujourd’hui l’une des tâches les plus urgentes de la topographie historique du Latium ; pour les monts Albains proprement dits, l’existence, notamment pour la zone occidentale259, de monographies locales du genre de celles qui ont vu le jour ailleurs dans le cadre de l’établissement de la collection « Forma Italiae », donne à l’entreprise des possibilités nouvelles : contentons-nous ici de noter, avec Beloch, qui fut l’un des seuls historiens à s’intéresser vraiment à cette question – qui, encore une fois, mériterait maintenant d’être reprise en tenant compte de tous les acquis intervenus depuis lors260 –, que le Fosso di Grottaferrata a, par exemple, marqué probablement la limite entre l’ager de Tusculum et celui de Rome261 ; que le lieu-dit Ponte di Nona peut aussi être considéré comme un « poste frontière » entre l’ager Romanus et l’ager Gabinus262 ; que l’Anio traçait sans doute la frontière entre le territoire de Rome, à l’époque archaïque, et celui de Fidènes263, tandis qu’au sud, le Fiume di Muratelle séparait Lanuvium et Aricie264 ; quant à la limite entre Castrimoenium et Bovillae, elle a dû, si c’est bien à Marino qu’on doit reconnaître le site de la première de ces cités, être représentée par le cours d’eau né du Capo d’Acqua évoqué plus haut (n. 207), à moins que ce ne fût par les sources récupérées plus tard par l’aqua Iulia, près du moderne Ponte degli Squarciarelli265.
76On remarquera qu’au total, ce rôle de frontière joué par les cours d’eau n’a pas été sans influence sur le destin des populi qui habitaient leurs vallées : à l’exception de Tolerium, en effet, petit oppidum vite disparu (on n’en entend plus parler après le ve siècle), ni les Numicienses ni les Tutienses ne connaîtront une évolution qui les eût conduits à former une communauté urbaine. Au moment où commencèrent à surgir en Latium les cités, ces cours d’eau servirent donc moins de pôles de regroupement, dans un paysage désormais pourvu de nouveaux points de repère et d’identification, que de lignes de partage. Pris, si l’on peut dire, entre deux feux, les Numicienses établis entre Lavinium et Ardée, de même que les Tutienses, sis entre des lieux qui devinrent ceux de Crustumerium et Fidènes, ne donnèrent pas naissance à une organisation civique et disparurent de la carte du Latium266. Il resterait à s’interroger sur la période à laquelle on peut placer cette évolution, cette non-évolution plutôt : on peut hésiter entre la fin de l’âge du Bronze, moment où l’on constate267, sur les sites de Lavinium et d’Ardée notamment, les premières formes d’habitat stable, et le milieu du viiie siècle, moment d’un incastellamento aussi général que souvent minoré268 ; de toute façon, cela n’autorise pas à placer après le ixe siècle avant notre ère l’existence d’au moins trois des populi de la liste plinienne.
77On voit donc que le poids du facteur hydrographique dans la région albaine est loin de se réduire au Tibre et à l’Anio, et qu’on ne saurait oublier l’importance d’un réseau qui n’est secondaire qu’au regard de nos modernes critères d’appréciation. Alors qu’à première vue, la « montagne » albaine pouvait apparaître comme le type même d’un paysage terrestre, nous pouvons donc constater qu’elle est tout autant un paysage d’eaux, qu’elles soient stagnantes, jaillissantes ou courantes : lacs, dont à peine le dixième subsiste aujourd’hui, sources, dont beaucoup se sont tues, ruisseaux et rivières qui, pour la plupart, ne sont désormais plus visibles, tout cela constituait, notamment aux débuts de l’histoire du Latium, la trame vivante d’un territoire dont c’était une des principales richesses. On n’oubliera pas, bien entendu, que du point de vue religieux et symbolique, ces eaux ne sauraient être toutes mises sur le même plan269 : à l’eau morte des lacs et des marais s’oppose l’eau vive des sources et des rivières, comme la nuit au jour, les valences funéraires aux valences de vie et de survie. C’est ainsi qu’on aura d’un côté un roi impie s’abîmant avec son palais dans le lac albain (Amulius Silvius), tandis que de l’autre, on voit Énée accéder, suivant en cela aussi un vieux thème légendaire latin, au statut de divinité par le biais de sa disparition dans les eaux du Numicius : noyade-condamnation, donc, contre noyade-assomption, suivant deux processus qu’on ne saurait confondre270.
78D’un point de vue plus général, deux points nous paraissent devoir être soulignés au terme de cette étude de la place de l’eau dans la géohistoire du massif albain : le premier, surtout sensible grâce aux descriptions des anciens voyageurs, concerne les grandes variations qui, même à l’intérieur d’une unique séquence chronologique, affectent le système hydrographique albain ; on a trop souvent oublié que cette géographie de l’eau a une histoire et que cette histoire, malgré les apparences, n’est pas immuable : les causes en peuvent être naturelles, telles les crues, ou artificielles, lorsque à l’inverse, les lacs ont été diminués, voire asséchés par l’action de l’homme ; d’une saison à l’autre, on peut d’autre part voir le même espace devenir lac ou marais, comme nous l’avons vérifié, à l’époque moderne, pour les lacs de Castiglione, de Colonna, de Prataporci et d’autres encore. Sans doute faudrait-il prendre cette variabilité hydrographique davantage en considération qu’on ne le fait ordinairement, lorsqu’on étudie l’histoire d’un espace comme le Forum romain, à propos duquel les spécialistes s’opposent sur la question de savoir s’il était occupé par des nécropoles, des habitats, ou recouvert par les eaux271.
79Le deuxième point, qui mérite lui aussi d’autant plus d’être souligné qu’il ne paraît pas, à notre connaissance, l’avoir été jusqu’ici, c’est que ce paysage albain, fait de terre et d’eau, alliant à bien des exemplaires une étendue lacustre et une hauteur, se trouvait promu, nous semble-t-il, aux yeux des Anciens, au rang d’un véritable paradigme, de par la répétition même des deux principaux éléments qui le constituent : c’est en effet, nous l’avons vu, non seulement près de Castel Gandolfo, mais aussi près de Castel Savelli, à Nemi, à Aricie, à Giulianello, et encore à la Valle Marciana au pied de Grottaferrata, au Pantano Secco et à Prataporci près de Frascati, au site de Colonna, sans parler d’autres lieux comme le petit lac de La Cava, près du passage de l’Algide, que se retrouve cette présence simultanée et, pour ainsi dire, consubstantielle, d’un lac et d’une montagne. Parce qu’il est le plus grand de tous ceux du massif, et qu’il est surmonté par la montagne la plus haute (ceci expliquant naturellement cela, les lacs jouant la fonction de déversoirs des véritables collecteurs d’eau que représentent les reliefs), le lac d’Albano apparaît ainsi comme le modèle le plus représentatif d’un véritable schème géographique, destiné à jouer dans la mythe-histoire des primordia Romana le rôle de ce que nous appellerons volontiers un mythème paysager. Que ces considérations ne soient pas seulement des déductions gratuites, la preuve en est – mais preuve qui, à notre connaissance, reste méconnue –, la nature du lieu où, au ive siècle, fut fondée, à l’instigation des Romains, une autre Albe : Alba Fucens est en effet établie, comme chacun sait, sur une colline haute de près de trois cents mètres, dominant un lac272 que Strabon comparait par sa grandeur à une mer, ἵδρυται (ἡ Ἄλβα) δ’ἐφ’ ὑψηλοῦ πάγου λίµνης φουκίνας πλησίον, πελαγίας τò µέγεθος; ainsi, à notre avis, l’analogie géomorphologique entre le site de la nouvelle colonie latine et celui de l’antique métropole mythique du Latium a été pleinement et consciemment exploitée par les fondateurs de 303 : car même si le toponyme Alba était, ce qui n’est que pure hypothèse, déjà celui d’un oppidum èque dont on n’a d’ailleurs pas retrouvé la trace sûre273, son maintien pour la nouvelle ville relevait assurément d’un choix volontaire, les exemples ne manquant assurément pas de créations coloniales s’accompagnant d’un nouveau nom. En réalité, le nom, peut-être nouveau274, de la colonie latine est d’autant plus significatif que la nouvelle Albe avait pour fonction de barrer l’accès au Latium dont elle devenait le poste avancé, à telle enseigne qu’elle est mentionnée, sans doute par erreur, par Strabon dans sa description de cette région (5, 3, 13) ; et si ce nom, et nul autre, a été donné ici et non ailleurs, c’est précisément parce que, aux yeux des conquérants de 303, la présence d’un lac et d’une montagne semblait prédestiner le site, et avec lui toute la région qu’il permettait de contrôler (Alba Fucens commande un très important carrefour de communication) à devenir latins. C’est pourquoi aussi, même si on peut admettre, au vu d’une inscription découverte en 1963, que le patronage que César (c’est-à-dire un patricien membre d’une gens « albaine » dont les liens, proclamés à plusieurs reprises par l’intéressé, avec la métropole mythique du Latium n’ont pas besoin d’être soulignés) accorda à Alba Fucens ait été dû à des motifs uniquement conjoncturels et anecdotiques275 (à savoir l’avancée de ses armées à la poursuite de Pompée et la reddition des troupes de Domitius en 49), il nous semble que, à une autre période, le grand projet tenté par Claude d’assécher le lac Fucin était pourvu de tout un arrière-plan symbolique et, si l’on veut, culturel, qui, pour avoir été ignoré des commentateurs, ne nous en paraît pas moins frappant, et d’autant plus significatif qu’il s’agissait là de la reprise d’un projet de César276 : comment en effet, après les considérations qui précèdent, ne pas mettre en rapport la construction d’un emissarium pour le lac d’une ville nommée Albe avec l’existence de cet autre emissarium qui écoulait depuis si longtemps les eaux du lac où l’on plaçait la ville des premiers Latins ? Quelle que soit sa date exacte, le précédent albain n’est pas, nous semble-t-il, sans signification pour la compréhension de l’initiative de Claude : comme pour l’affaire de l’élargissement du Sénat qu’il avait placé sous le patronage de Servius Tullius277, nous pouvons supposer que sa tentative d’assèchement du lac Fucin, si novatrice par bien des aspects278, avait été voulue par l’empereur féru d’antiquités comme le renouvellement d’une entreprise analogue, ancienne et depuis longtemps bien acceptée par les dieux : c’est que, peut-être point si bête que les Modernes, sur la trace de Sénèque, l’ont longtemps décrit, l’empereur érudit savait, pour mieux faire accepter ses projets, présenter le nouveau sous les habits de l’ancien279. On comprend alors d’autant mieux la datation claudienne que révèle, à l’analyse archéologique, l’aménagement monumental de l’embouchure du vieil émissaire du lacus Albanus.
80À l’instar, donc, du processus mythographique mis en lumière par Domenico Musti, qui a montré comment la similitude entre les caractéristiques géomorphologiques d’un certain nombre de sites de la côte italienne – au premier rang desquels on trouve bien sûr Lavinium280 – et celles attribuées par l’épopée homérique à la ville de Troie, avaient favorisé, si elles ne l’avaient pas provoquée, l’implantation du mythe énéen sur le littoral tyrrhénien, nous pensons que la fondation d’Alba Fucens illustre la valeur d’archétype géographico-mythique du site d’Alba Longa.
81Enfin, cette étude des eaux albaines nous a permis d’apporter des éléments de réponse à deux questions qui sont parmi les plus importantes de celles que pose la légende latine : la crue prodigieuse de 398 est éclairée par des causes géophysiques qui en font désormais un événement bien réel, tandis que Ferentina prend une identité qui fait d’elle la déesse Pourvoyeuse, illustrant l’imbrication des thèmes de l’eau et du pouvoir dans le Latium archaïque.
Notes de bas de page
1 Cf. T. Fischer, Penisola..., p. 275 : « Il numero dei laghi nei Colli Albani era in origine maggiore : sono stati prosciugati da tempo più o meno lungo quelli di Ariccia, di Spada, due piccoli bacini a Nord di Frascati ed il padule di Castiglione (Lago Gabino), cratere situato fra due potenti colate di lava che giungono sino all’Aniene ; il ‘Pantano’ a mezzo-giorno del Gabino, vuolsi sia il famoso lago Regillo ; un altro piccolo lago, quello di Giulianello, esiste ancora nelle colline tufacee a levante di Velletri ». En réalité, cette description est encore incomplète, comme le montrera la suite de cette étude. La première carte à noter l’origine volcanique des lacs albains (« Lacus et Vulcanus » ) est celle de Frédéric Sickler, qui date de 1811 : cf. A. P. Frutaz, Carte..., 2, tav. 230. Sur les canalisations dont sont pourvus les lacs albains, Klaus Grewe, Licht am Ende des Tunnels. Plannung und Trassierung im antiken Tunnelbau, Mainz, 1998, bien qu’ignorant les recherches de R. de La Blanchère et celles de P. Fraccaro, fournit des indications précieuses.
2 Cf. surtout les traditions y plaçant l’éducation de Romulus et de Rémus : D.H., 4, 53 et Plut., Rom., 6 ; celles concernant un traité avec Rome, D.H., 4, 58 ; Hor., ep., 2, 1, 25 ; et celles faisant état de la place particulière du territoire de Gabies dans le droit augural de Rome, Varro, LL, 5, 33.
3 Cf. Strab., 5, 238 et Tac., Ann., 15, 43.
4 Cf. A. M. Bietti Sestieri, in Preistoria e Protostoria..., p. 162, faisant état de vestiges de tortues et de castor. On peut d’ailleurs remarquer que la permanence d’un tel milieu lacustre jusqu’à l’époque moderne (cf. infra) implique que des restes de ce genre n’appartiennent pas nécessairement à la protohistoire : seule la stratigraphie peut permettre d’éviter tout risque de confusion.
5 C’est son nom aux xviie-xixe siècles ; au Moyen Âge, au moins depuis 1060, le lac s’appelle « lago di Burano » : cf. R.E., 7, 1912, s.v. Gabinus lacus, col. 432 (Weiss) et Tomassetti, C.R., 4, 1926, p. 299 et infra n. 13 et s.
6 Sur Maria Lydy Graham (1785-1842), épouse de A. W. Callcott à partir de 1827, voyageuse et polygraphe, voir le Dictionary of National Biography, 3, Londres, 1908, p. 710. Ses Voyages, dont l’un aux Indes qui eut son heure de gloire, se caractérisent par une grande attention portée à la description de la flore.
7 O.c. supra chap. I, n. 1.
8 O.c., p. 10 et p. 13.
9 Etudes statistiques..., p. 95. Sur Tournon, cf. supra p. 27.
10 On a déjà vu (supra chap. I, n. 6) qu’il avait été recenseur du Voyage de Bonstetten. Mais il ne s’était pas contenté d’une connaissance livresque, comme on l’apprend de l’auteur des Voyageurs français en Italie depuis le seizième siècle (Paris, 1865), J. Dumesnil : « En 1850, j’ai fait moi-même une partie de cette excursion avec le regrettable M. Ampère, et j’ai pu m’assurer de l’exactitude des observations de M. Bonstetten » (p. 218, n. 1 ; à noter que les p. 215 à 243 fournissent un agréable portrait de Bonstetten). Ampère lui-même indique à l’occasion qu’il a parcouru telle partie de la Campagne romaine avec Noël Des-vergers (Hist. r., p. 135), ou qu’il tient telle information topographique de Rosa (ib., p. 343, n. 2 et p. 471, n. 2). Son œuvre se distingue ainsi de la production contemporaine par une exceptionnelle attention portée à l’étude du cadre naturel et topographique de la Ville et de sa Campagne : « Histoire romaine à Rome », elle l’est véritablement « à double titre », parce que se limitant aux événements survenus dans la Ville, mais implicitement aussi, parce que rédigée dans cette Ville, selon une amphibologie suggérée par l’auteur lui-même : « Je suis venu écrire l’histoire de Rome, à Rome » (p. II). Sur Ampère (1800-1864), cf. le Dictionnaire de Biographie française (Balteau, Barroux, Prevost), t. 2, 1936, p. 720-725 (L. Lemoine) : en 1823, il accompagna Mme de Récamier en Italie ; en 1826-1827 il fit en Allemagne un voyage qui l’amena à rencontrer Niebuhr, lequel le convertit à la science allemande ; à partir de 1853 et jusqu’à sa mort, il résida à Rome. Sur la « polymathie » d’Ampère, nous nous permettons de renvoyer à nos réflexions in La Règle du Jeu, 12, 1994, p. 135 et s.
11 O.c., 1, 1862, p. 54.
12 Cf. Tomassetti, C.R., 3, 1912, p. 502. Après en être sorti dès le xviie s., le lac rentrera, pour assez peu de temps, dans le patrimoine des Borghèse en 1822 (ib.).
13 Cf. Abeken, Mittelitalien, Stuttgart, 1843, p. 169 ; Forbiger, Handb. d. alt. Geogr...., 3, Leipzig, 1848, p. 523, n. 65 et, maintenant, Necropoli Osa, p. 18. Les deux premières de ces références permettent de préciser la datation supposée par K. Grewe, Licht..., p. 81.
14 Voir A. P. Frutaz, Carte..., 2, tav. 47 : « Patrimonio di S. Pietro, Sabina, Campagna, e Maritimma ».
15 A. P. Frutaz, ib., tav. 156. L’identification avec le lac Régille est fausse.
16 Ib., t. 161.
17 Cf. Tomassetti, C.R., 3, p. 497 et s. : à partir du xe s., il apparaît dans les documents médiévaux comme lacus Buranus, puis « lago di Burano » ; la tour antique, transformée en castel, qui orne un de ses bords, lui fait donner aussi le nom de Castiglione ; il est également appelé, plus tard semble-t-il, « lago di Pantano », puis « Pantano Secco » ; au total, le nom le plus usité à l’époque « moderne » est, au témoignage de la cartographie, « Lago (di) Castiglione ».
18 Cf. A. P. Frutaz, o.c., 2, tav. 174, carte de Giacomo Filippo Amati, 1693 : « Lacus Gabinus nunc di Castiglione o di Pantano ».
19 Il figure, en conformité avec la description de Miss Graham, sur la carte de Frédéric-Charles-Louis Sickler, qui date de 1811 et qui était, alors, la plus utilisée par les voyageurs : cf. A. P. Frutaz, o.c., 3, tav. 236 ; il est décrit, dans la carte (dont la précision est traditionnellement reconnue) que W. Gell adjoint à la 3e éd. de son Rome and its Environs, en 1834, comme « Lacus partim exsiccatus » (A. P. Frutaz, 3, tav. 240), ce qui correspond à l’observation de Tournon rapportée précédemment ; il figure encore dans les cartes de Westphal, 1827 (A. P. Frutaz, tav. 243), de Prosseda, même date (ib., t. 249), de G. Spinetti, en 1837 (t. 251), d’A. Zuccagni-Orlandini en 1844 (t. 252) et, à la même date, dans celle de la « Comarca di Roma » (t. 255) ; mais voici qu’en 1845, Luigi Canina, dans son remarquable relevé de la « Zona : Roma-Colli Albani » (ib., t. 268), le note « Campi Gabivi già lago » ; et l’on ne comprend guère qu’en 1851, l’Institut Géographique Militaire de Vienne se contente d’inscrire « Lago Castiglione » (ib., t. 297), lorsqu’on voit qu’à peine trois ans plus tard, en 1854, les Officiers de la Brigade Topographique française prennent soin de préciser : « Lago Seccato » (feuille 4, o.c., t. 305). Terme de cette évolution, en 1863, la « Sezione Topografica del Censo » supprime tout graphisme indiquant un point d’eau, le lac effacé ayant cédé la place à un simple lieu, dit « Castiglione ».
20 Cf. Tomassetti, C.R., 3, p. 497, n. 2.
21 Cf. supra n. 4.
22 Analisi..., o.c., 2, p. 89.
23 Viaggio antiquario..., 1, p. 229.
24 Cela arrive fréquemment, par ex. pour le lac situé près de Colonna, qui n’apparaît pas dans des cartes pourtant de bonne qualité comme celle d’Innocenzo Mattei, datée de 1674 (A. P. Frutaz, 2, t. 256), ou celle de Cingolani (ib., t. 164), de 1692.
25 Lettres écrites d’Italie en 1812 et 1813 à M. Chr. Pictet, 2e éd., Paris/Genève, 1820. Sur F. Lullin de Chateauvieux (1772-1842), cf. Nouvelle Biographie générale (Hoefer), Paris, 1862, t. 31-32, col. 245, et le Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, 4, 1928, p. 606, n. 35. Son nom reste lié à l’anonyme Manuscrit venu de Sainte-Hélène d’une manière inconnue, publié à Londres en mars 1817 et dont il fut par la suite reconnu l’auteur ; on a pensé d’ailleurs qu’il n’était en l’occurrence que le porte-parole de Mme de Staël, qui y défendait par son intermédiaire une interprétation favorable à l’Empereur auquel elle s’était si longtemps opposée : cf. Dictionnaire Napoléon, sous la dir. de J. Tulard, Paris, 1989, p. 1131 (J. Jourquin).
26 L’auteur, qui avait été soldat à Rome dans les armées napoléoniennes en 1791 (o.c., p. 150), se réfère à son compatriote Bonstetten (publié quelques années auparavant chez le même éditeur) pour mieux s’en démarquer : « J’ai parcouru une partie du chemin que M. de Bonstetten a décrit dans son Voyage au Latium, et il y a une sorte de témérité à parler après lui de cette nature solennelle qu’il a dépeinte avec tant de charme et de vérité [...] » (p. 173) ; « je peux hasarder de vous tracer l’image de la même contrée parce que je n’y verrai pas les mêmes objets que lui » (p. 174). L’œuvre, qui a pour sujet l’étude des problèmes liés à l’agriculture et à l’élevage, se caractérise par un sens aigu de l’observation et contient une foule de données concrètes, même si la prose en est quelquefois ampoulée ; il y a cependant de vraies réussites, comme cette notation, digne de Chateaubriand, à propos du Campo Santo de Pise : « Des chevaux pâturaient l’herbe qui croît autour de ces tombes. On aurait dit qu’ils avaient été laissés sur ce gazon par les chevaliers dont il couvre les restes et que ces animaux fidèles y attendaient leur retour » (p. 117).
27 La rareté d’une pareille description nous avait fait penser un moment qu’elle pouvait se rapporter, non au Vallericcia, mais au lac situé au pied de la butte qui porte le Castel Savello. Mais le contexte dissipe toute équivoque : peu avant, en effet, le voyageur, qui suit « la grande route de Naples » (p. 175), i.e. l’Appia, est sorti d’Albano et a traversé « un vallon resserré » qui sépare Albano d’Aricie : c’est en remontant « la route qui conduit du vallon au village » (de La Riccia), juste « avant d’entrer dans le bourg », qu’il s’est arrêté à un endroit où « le chemin s’avance sur un précipice dont un mur préserve les pavements » (p. 180-181) ; et, reprenant sa route, il prend soin d’ajouter : « Je quittai enfin ce lieu, où tant de voyageurs ont passé, où si peu se sont arrêtés. Je crois devoir leur en indiquer la place. Ils la remarqueront au sommet de la montée de la Riccia, au-dessus des bois, devant la porte du bourg. De là ils verront d’un seul regard tout ce que la nature a de silencieux, d’antique et d’infini » (p. 182).
28 O.c., p. 181-182. Quelques années auparavant (à la date du 22 février 1787), Goethe s’était arrêté au même lieu : « Nous traversâmes Albano, après nous être arrêtés devant Genzano à l’entrée d’un parc, que son maître, le prince Chigi, tient (je ne dis pas entretient) d’une singulière façon. Aussi ne veut-il pas que personne y promène ses regards. C’est un véritable fouillis. Les arbres et les buissons, les herbes et les branches, croissent comme il leur plaît, sèchent, tombent, pourrissent. Tout cela est bien et même pour le mieux. La place devant l’entrée est d’une beauté inexprimable. Un haut mur ferme la vallée ; une porte grillée laisse pénétrer le regard, puis la colline s’élève sur laquelle est situé le château. Cela offrirait un tableau du plus grand caractère sous le pinceau d’un bon peintre » (Voyage en Italie, trad. J. Porchat, Paris, 1862, p. 227-228). C’est sans doute grâce à l’abandon volontaire auquel il fut longtemps laissé que l’endroit doit encore la qualité toute particulière de sa végétation : cf. A.M. Duranti, « Il bosco di Villa Chigi in Ariccia : una testimonianza di vegetazione originaria dei Colli Albani », in Doc. Alb., 1, 3, 1975, p. 29-45.
29 La dépression que dessine le terrain est par ex. bien visible dans la carte publiée in Gierow, IAL 2, p. 355.
30 Viaggio antiquario..., 2, p. 162-163 ; voici le texte complet de la notice : « Avanti a questa porta si gode la veduta deliziosa della valle Aricina, volgarmente detta Vallericcia. Questa come dall’apparenza ancora si distingue fu ne’tempi più remoti un lago di forma ellittica, prodotto dalle acque, che vi si scaricavano dai monti adjacenti. Che fosse un lago si rileva ancora da Plinio [...]. Questa stessa opinione erasi per tradizione conservata ai tempi di Pio II, che n’ Commentarj lib. 2 p. 305 asserisce parlando del Lago di Nemi : « Caruit et hic lacus exitu : Romani emisarium effoso monte magno labore, et longo itinere perfecerunt, unde acqua in Lacum Aricinum decurrit ». Ed in questo passo merita osservazione il nome di Lago Aricino, che questo dotto Pontefice gli da, distinguendolo dal Lago di Nemi, che anticamente fu sempre col nome di Lacus Nemorensis riconosciuto, e che solo i moderni antiquarj impropriamente appellano Lago Aricino. La situazione... ». Ce dernier argument est faux, l’expression vallis Aricina pouvant très bien s’appliquer au lac de Nemi (ex. Ov., Fast., 3, 263) ; on trouvera le texte de Pie II dans l’édition de ses Commentaires par A. Van Heck, 2, Rome, 1984, p. 706.
31 Nat. hist., 19, 141 : Nuper subiere Lacuturreses ex conualle Aricina, ubi quondam fuit lacus turris quaeque remanet...
32 Cf. H. Nissen, It. Land., 2, 2, p. 590, suivi par C. Ampolo, PP, 36, 1981, p. 229.
33 Voir le texte des documents in Tomassetti, C.R., 2, 1910, p. 239.
34 Sur le lac Savello et l’aqua Ferentina, cf. infra p. 67.
35 C. L. Ulrichs (1866), suivi notamment par D. Detlefsen (1868), C. Mayhoff (1892), J. André (1964) qui en donne un texte erroné. En bonne logique, on ne saurait conséquemment amender la leçon des manuscrits en Lacuturnenses (comme c’est le cas in PP, 1981, p. 228, qui donne par erreur Lucuturnenses) et tenter en même temps de garder les mots qui la suivent. La seule démarche cohérente, et certes tout à fait plausible, est de supposer que la leçon des manuscrits est fautive, et résulte de la déformation d’un Lacuturnenses perdu (et non attesté), la proposition qui vient après n’étant qu’une glose médiévale destinée précisément à expliquer ce qui était le résultat d’une erreur (Lacuturreses). De deux choses l’une donc : si la glose est plinienne, elle est un argument pour la forme Lacuturreses des manuscrits ; si elle est médiévale, il faut supposer que son rédacteur ait eu conscience que le site était celui d’un ancien lac, et que le hasard de la présence d’une tour lui ait permis un jeu étymologique.
36 O.c., p. 243.
37 Voir, pour un exemple analogue, le cas de la tour d’Ostie analysé par J. Carcopino, Ostie, Paris, 1927, p. 16. On aurait ainsi dans l’appellation plinienne la trace d’un toponyme équivalent aux noms modernes, fréquemment attestés, de « Lago della Torre » (qui fut, par ex., l’un des noms, fugitifs, du lac de Giulianello, cf. infra n. 73) ou « Torre del La-go » : nous empruntons cette remarque à un article d’A. Barzanò (« La morte di Turno Erdonio e il problema della localizzazione del ‘lucus’ e del ‘Caput Aquae Ferentinae’ », in Aevum, 65, 1991, p. 39-63, ici p. 47, n. 30), dont, par ailleurs, nous ne partageons pas les conclusions (cf. C. Ampolo, in Bois Sacrés, p. 164, n. 15).
38 Il est vrai que la distance que Strabon indique, 160 stades, soit 29,6 km, correspond, non à celle qui sépare Rome d’Aricie, mais à celle séparant Rome du nemus Dianae ; cette indication, qui vient peut-être d’Artémidore (cf. Strabon, éd.-trad. du l. 5 par F. Las-serre, 1967, p. 211, n. ad loc.), impliquerait alors que la description d’un « endroit encaissé » s’applique au cratère du speculum Dianae et non à celui de Vallericcia : cf. aussi N. Biffi, L’Italia di Strabone. Testo, traduzione e commento dei libri v e vi della Geografia, Gênes, 1988, p. 280, n. 363 ; contre cette interprétation plaide toutefois le fait que Strabon parle explicitement de la ville et de l’acropole d’Aricie, dont la Vallericcia est toute proche, et non du lac, plus éloigné. Du reste, les Itinéraires, à propos des mêmes lieux, indiquent justement une distance plus réduite (réf. in éd. Lasserre).
39 Cf. Thes. Ling. Lat., 4, 1906-1909, col. 813, s.v. conuallis, avec notamment réf. à Isid., Diff., 1, 596 et Orig., 14, 8, 22 et Fest., 42L : Conuallis est planities ex omni parte comprehensa montibus collisbusue – ualles duobus lateribus inclusa planities. À noter que la symétrie des appellations (uallis Aricina pour le lac de Nemi in Ov., Met., 15, 488 et Fast., 3, 263 ; conuallis Aricina pour le vallon d’Aricie) correspondrait bien à la symétrie topographique des deux lacs, situés de part et d’autre de la via Appia : contra, cf. Nissen, It. Land., 2, p. 590, n. 5.
40 Le chemin qui fait le tour de l’ancien lac a quatre kilomètres de long : Nissen, It. Land., p. 590.
41 C.R., 2, p. 239 et CIL, 14, 2119, avec la restitution aedilis ou dictatoris que Tomassetti propose de remplacer par un « praefecti ». Une inscription naguère découverte en Asie Mineure, contenant la dédicace d’un aqueduc, et donnant la copie d’un texte déjà connu (IGRR, 3, 466), attribue la construction du monument à un certain Lucius Luscius Ocra en qui R. Syme proposait (in Historia, 13, 1964, p. 119) de reconnaître le Luci Ocr[ae] de l’inscription de Lanuvium, en supposant une erreur du lapicide tout à fait explicable vu la similitude entre le praenomen et le nomen du personnage. Il s’agirait alors du gouverneur de Lycie-Pamphilie vers les années 75-76, qui fut probablement consul vers 76/77 : cf. PIR (L. Petersen), ed. alt., 1970, 5, n. 431, W. Eck in R.E., S. 14, 1974, col. 265 et AE, 1978, n. 804. Cette chronologie conviendrait tout à fait à la notice plinienne (supra), et le silence de l’inscription de Lanuvium sur ces titres pourrait s’expliquer tout simplement parce que le personnage qu’elle honore n’est alors qu’au début de sa carrière. Si cette hypothèse est juste, elle aurait l’intérêt de donner l’identité du ou de l’un des propriétaires du vallon d’Aricie, en jetant aussi quelque lumière sur l’emploi d’un patrimoine sénatorial, engagé dans la production maraîchère de masse aux abords de la capitale de l’Empire. À noter que, au témoignage même de W. Eck commentant l’inscription lycienne, mais sans référence à la pierre de Lanuvium : « seine Tribus Maecia weist ebenfalls auf eine Herkunft an Italien », suggestion qu’il est permis de préciser avec R. Syme, puisque « Maecia is the tribe of Lanuvium ». Bien sûr, on ne peut pas non plus, avec ce dernier auteur, ne pas référer la famille des Luscii à l’adversaire de Térence, ce Luscius Lanuvinus, sur lequel on verra P. Grimal, « L’ennemi de Térence, Luscius de Lanuvium », in CRAI, 1970, p. 281-288 = Rome, la littérature et l’histoire, 2, Rome, 1986, p. 739-746.
42 Poussant sur l’emplacement d’un lac dont les eaux venaient d’être drainées et sur les bords duquel s’élevait une tour, les choux d’Aricie auraient reçu ainsi un nom dicté par la configuration des lieux (lacus, turris).
43 Col., RR, 10, vv. 138-139 : et Turni lacus et pomosi Tiburis arua / Bruttia quae tellus et mater Aricia porri. Si vraiment le Turni lacus doit ici être référé au territoire d’Aricie, la forte disjonction d’avec cette dernière qui se remarque dans ces vers et l’insertion entre ces deux noms de ceux de Tibur et du Bruttium sont un peu surprenantes. Il est vrai que la productivité du lacus Turni qu’atteste encore le Liber Pontificalis, et qu’a étudiée D. De Francesco (« S. Eufemia e il lacus Turni presso Albano dall’età tardoantica al Basso Medioevo », in MEFRM, 103, 1991, p. 83-108, partic. p. 88 et p. 103), est un argument de plus pour le vallon Savello.
44 Voir à ce sujet l’importante contribution de V. Castellani et W. Dragoni au colloque Gli Etruschi maestri di idraulica, Pérouse, 1991, sous la dir. de M. Bergamini, sous le titre : « Opere arcaiche per il controllo del territorio : gli emissari sotterranei artificiali dei laghi albani », p. 43-60 (partic. p. 45).
45 O.c., p. 590.
46 Voir Licht..., p. 81-82 : le canal, pourvu de douze puits, est long de 650 m. En 1991, V. Castellani et W. Dragoni le dataient de l’époque classique (cf. Etruschi maestri..., p. 57).
47 Argumentation esquissée par ex. in Nibby, Analisi..., 3, 1837, p. 65, développée par Tomassetti, C.R., 2, p. 138-159, selon qui l’appellation fundus Sabelli viendrait du nom de la famille propriétaire dans l’Antiquité (ib., p. 134) ; cf. S. Del Lungo, Top. Arch., 1, p. 126.
48 Qu’il nous suffise de citer ici les noms de Lalande, Voyage en Italie, 1769, du Président de Brosses, parlant dans ses Lettres familières (éd. G. Cafasso, Naples, 1991, p. 952) de « l’ancienne forteresse des Albains, aujourd’hui Monte Savelli », théorie qui est déjà celle de Flavio Biondo dans l’Italia illustrata, 1453.
49 Sur toute cette question, voir infra p. 476.
50 Apiolae : cf. le volume qui porte ce titre dans la collection Forma Italiae, par G. M. De Rossi, 1970, p. 64-65 ; Corilla (D.H., 4, 48) : G. Colonna, in Arch. Laz., 7, 1985, p. 41. La constatation de Tomassetti : « Non ho trovato memoria di monumenti di tipo arcaico rinvenuti sul colle di Castel Savello » (o.c., p. 138), n’est plus valable ; cf. infra p. 318 et s.
51 Nibby, in Analisi..., 1, p. 104 ; T. Ashby, La Campagna romana al tempo di Paolo III. Mappa della Campagna romana del 1547 di Eufrosino della Volpaia, Rome, 1914, p. 37 ; Nissen, It. Land., 2, 2, p. 590. Au xviie s. encore, une inscription placée à Castel Gandolfo pour commémorer l’assèchement du Laghetto atteste la survivance du toponyme lacus Turni : cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 188, pour le texte de la pierre où l’on apprend (cf. aussi ib., p. 175) que l’entreprise fut menée à bien dans le but d’assainir l’air de la résidence papale de Castel Gandolfo. À noter qu’en 1854 encore, le lac est indiqué comme « Laghetto di Turno » par les officiers de la Brigade Topographique : Cf. A. P. Frutaz, Carte..., 3, tav. 305.
52 Liber Pontificalis : cf. éd. Duchesne, Paris, p. 185 et p. 200 ; Tomassetti, C.R., 2, p. 139-140 pour les autres documents ; voir aussi n. préc.
53 Pais, Storia di Roma, 1, 2, Turin, 1899, p. 202, n. 2, corrigé par C. Ampolo, o.c., 1981, p. 219-233 ; G. Colonna, « Il lucus Ferentinae ritrovato ? » (avec réponse positive), in Arch. Laz., 7, 1985, p. 40-44, et id., in Doc. Alb., s. II, 4-5, 1982-1983, p. 35-44 ; F. Coarelli, « Gli emissari dei laghi laziali : tra mito e storia », in Etruschi maestri..., p. 35-41, partic. p. 37 ; A. Grandazzi, « Ferentina », CRAI, 1996, p. 273 et s.
54 Cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 176. Les différents noms attestés du débouché de l’emissarium sont, outre « La Mola », « Le Mole » ou « Quarto Le Mole ». Pour l’explication de ce toponyme, voir par ex. ce qu’écrit, vers 1777, Sade, dans son Voyage d’Italie (édité par M. Lever, Paris, 1995, p. 162), à propos de l’émissaire albain : « Cette saignée ou espèce d’aqueduc a environ deux milles. À sa sortie, elle est d’une si grande force qu’elle fait tourner deux moulins situés à son embouchure ».
55 Cf. P. Kretschmer, « Turnus u. die Mehrdeutigkeit italischer Eigennamen », in Glotta, 20, 1920, p. 196-202, et K. Latte, Röm. Religionsgesch., p. 77.
56 On rajoutera à ce texte, Min. Fel., Oct., 7, 3. Quant à faire de ce toponyme, comme le voudrait Latte (o.c., p. 78, n. 1), le produit de la fantaisie virgilienne, une telle démarche semblerait à vrai dire peu conforme à l’esprit général qui inspire l’Enéide.
57 C. Ampolo, in PP, 1981, p. 230. Contra, pour la qualité et la fiabilité des indications fournies par les cartes de Della Volpaia : cf. L. Quilici et S. Quilici-Gigli, Ficulea, Rome (CNR), 1993, p. 38.
58 C’est en effet la localisation du caput Ferentinae, autrement dit du lacus Turni, chez Fest., 276L, s.v. praetor ad portam. Sur ce sanctuaire fédéral, voir notre communication « Ferentina », o.c., p. 273 et s.
59 Enéide, 12, 134. Dans le même sens, la situation de Junon au sommet du mont Albain, e summo, qui nunc Albanus habetur, [...] tumulo, est, de la part de Virgile, une allusion à l’existence en ce lieu d’un temple de Junon Moneta : cf. notre article in MEFRA, 1986, p. 52. Sur le lac Pavona, voir K. Grewe, Licht..., p. 90 (avec photographie).
60 Liv., 3, 7 : cf. Nissen, It. Land., 2, 2, p. 584, et déjà Niebuhr, Hist. Rom., trad. Golbéry, 1, Paris, 1830, p. 285.
61 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 283 et p. 330. Le nom, plus tardif, de Valle Marciana, lui viendrait de Marciana Augusta, sœur de Trajan : différents vestiges attestant sa présence dans les parages furent en effet retrouvés (p. 283). Le cours d’eau de la Marrana est l’aqua Crabra antique (supra n. 12 p. 18) : cf. S. Del Lungo, Top. Arch., 1, p. 213.
62 L’hypothèse, formulée par Ashby, d’un assèchement au Moyen Âge seulement, se heurte au silence des sources médiévales.
63 Références anciennes et modernes in R.E., 1A, 1914, s.v. Regillus lacus, col. 472 (Weiss), et in Kl. Pauly, 4, 1972, col. 1365 (G. Radke). On sait par Tite-Live (2, 19, 3) qu’il était in agro Tusculano. Voir Tomassetti, C.R., 4, p. 364-365 et p. 442 pour la documentation médiévale, et K. Grewe, Licht..., p. 89, pour un émissaire « vermutlich in klassischer Zeit », long de 400 m ; cf. infra n. 188.
64 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 366, p. 396 et p. 443-445 ; Top. Arch., 2, p. 126 : le nom actuel, « Lago Regina », est dû à la découverte de fragments de statues féminines.
65 Cf. Tomassetti, C.R., 3, p. 412. Sur ce lac, voir aussi infra p. 201.
66 Tomassetti, C.R., 4, p. 503 et s., réfutant les opinions antérieures de Chaupy, Nibby, etc. On le rapporte aussi à la famille des Annibaldi : cf. Top. Arch., 2, p. 133.
67 Ib., 4, p. 539, avec photo à la fig. 78.
68 Voir notamment celle de l’Istituto Geografico Militare di Vienna (1851) : cf. A.P. Frutaz, o.c., 1, tav. 297 et ib., 2, tav. 174 pour la carte d’Amati (1693).
69 Au Colle della Mola : cf. infra p. 266.
70 Sur l’Algidum, cf. réf. in R.E., 1, 1894, s.v. Algidus mons (Hülsen), col. 1476. La brèche porte le nom de la Cava ou Cava d’Aglio ou dell’Allio. L’identification n’est cependant pas assurée : cf. F. Arietti et B. Martellotta in Arch. Laz., 8, 1987, p. 211.
71 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 542, et Top. Arch., 1, p. 50 : le nom décrit le caractère marécageux et poissonneux des lieux.
72 Cf. P. Brandizzi Vittucci, Cora (Forma Italiae, 1, 5), Rome, 1968, p. 158-159 ; A. Gianni et M. Angle in Riv. di Scienze preistoriche (Notiziario), 25, 1980, p. 388 ; L. Quilici, La civita di Artena, Rome (CNR), 1982, p. 116.
73 Comparer par ex. les cartes de B. Olivieri (in A.P. Frutaz, o.c., 2, tav. 222) de 1802, de Sickler en 1811 (ib., t. 230), de W. Gell en 1834 (ib., 3, t. 240), où le lac apparaît comme « lago di (S.) Giuliano », à celles de L. Piale, dans son éd. de 1855 (ib., t. 242), où il passe au statut de « laghetto » (dans celle de l’Institut Militaire de Vienne, en 1851, le diminutif affecte le toponyme, devenu Giulianello, cf. ib., t. 297) ; on assiste, avec la carte de J. Digby Beste, datée de 1858 (ib., t. 307), à un fractionnement en trois de l’étendue originelle (avec un « Lago della Torre », un « laghetto », et un « lago » ), prélude à la réduction à un seul élément résiduel. Sur les émissaires romains, cf. K. Grewe, Licht..., p. 90-91.
74 Fast., 3, 263-264 : Uallis Aricinae silua praecinctus opaca / est lacus, antiqua religione sacer ; trad. H. Le Bonniec, Paris, 1990, p. 83.
75 Le processus qui a conduit à l’appellation actuelle se voit déjà chez Servius, ad Aen., 7, 515 : Nemus locus haud longe ab Aricia, in quo lacus est, qui speculum Dianae dicitur ; cf. aussi Strab., 5, 3, 12 : τὸ δ’ Ἀρτεμίσιoν, ὃ καλoῦσι Nέμoς. Sur ce sens de nemus, cf. infra p. 149.
76 Pour l’histoire, républicaine et impériale, du sanctuaire, voir F. Coarelli, I santuari del Lazio in età repubblicana, Rome, 1987, p. 165-185 (avec bibliographie antérieure) ; pour un premier bilan des fouilles, cf. G. Ghini, « Ricerche al santuario di Diana, risultati e progetti », in Nemi. Status Quo, R. Brandt éd., Rome, 2000, p. 53-64 ; sur les aspects religieux, cf. C. M. C. Green, Roman religion and the cult of Diana at Aricia, Cambridge 2007.
77 Cf. Ov., Fast., 3, 265 ; Met., 15, 487 ; Virg., Aen., 7, 763. Sur cette source située au-dessus du sanctuaire, cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 263. Voici ce qu’en disait Flavio Biondo : Scaturit autem sub Nemo fons perennis, tantam euomens aquam, ut quinas senasque uoluat molas, collectaque piscosissimam profundissimamque in altitudinem aqua defluit emissario (Lettre du 13 nov. 1444, in Scritti inediti e rari di Biondo Flavio, sous la dir. de B. Nogara, Città del Vaticano, 1927, rééd. 1973, p. 157). Sur la description géographique chez Biondo, voir J. Clemens Husslein, Fl. Biondo als Geograph des Frühhumanismus, Würzburg, 1901.
78 Il s’agit de 3, 22, 25 que R. Hanslik (1979) comme P. Fedeli (1984) lisent : Albanus lacus et socia Nemorensis ab unda. L’érudition des xviie et xviiie s. a beaucoup glosé sur ce vers.
79 Pour un temple sur la cime de l’Artemisio, dite Maschio di Velletri, puis Lariano, ou Maschio d’Ariano (dont le nom viendrait de la gens Arria) qui serait l’Algidus mons d’Horace (Od., 1, 21 ; c.s. 69, etc.), cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 263 et ib., 4, p. 541 et p. 546-547, et Top. Arch., 1, p. 123 ; pour l’hellénisation de la figure de Diane, cf. A. Alföldi, in AJA, 64, 1960, p. 137-144 ; F. H. Pairault, in MEFRA, 81, 1969, p. 425-471 ; F. Coarelli, o.c., p. 99, 169 et 179. Cette hellénisation était déjà clairement perçue par les Anciens : cf. Strabon, 5, 3, 12 : (Tὴν) δ’ Ἀρικίνην < Ἀρτέμιδά τε και> τὸ ἱερὸν λέγoνσιν αϕιδρύματα τῆς Tανρoπóλoν, dans un passage qui vient peut-être d’Artémidore (in éd. Lasserre, p. 211 et p. 15, n. 1 pour le problème des rapports entre les deux auteurs). La chaîne de l’Artemisio est l’Algidum antique selon aussi L. Drago Troccoli, in RPAA, 75, 2002-3, p. 86-92.
80 Cf. F. Coarelli, Santuari..., p. 165-185. Le premier état monumental du sanctuaire, attesté par des antéfixes, daterait de la toute fin du sixième siècle ; vers 100 av. n. è., une reconstruction de grande ampleur donne au lieu sacré une aire de près de 45 000 m2 (300 m × 150 m), avec une disposition en terrasse, le temple proprement dit étant à l’étage supérieur : ce temple, prostyle, est décrit par Vitruve, 4, 8, 4, et Pline, 35, 52. À noter que, jadis, on localisait le temple à l’emplacement du village de Nemi : cf. Nibby, Analisi..., 2, p. 393 ; c’est ce qui explique que Renan, dans Le Prêtre de Nemi, paru l’année même où sir Savile Lumley commençait ses fouilles, en 1885, situe la scène « au temple de Nemi, bâti sur un rocher surplombant le lac » (voir l’Acte II).
81 O.c. supra n. 78.
82 Publiés in G. Ucelli, Le Nave di Nemi, Rome, 19502.
83 Cf. New Tales of old Rome, 1901, trad. ital. : Fascino di Roma Antica, Rome, 1986, p. 144.
84 5, 3, 12, éd. Lasserre, p. 98.
85 Cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 262-263 (qui considère à tort cette dérivation comme la plus ancienne).
86 Des deux premiers, voir : Etruschi maestri..., p. 43-60, et du troisième, Licht..., p. 82-87. C’est l’assèchement, récent et définitif, du dispositif qui en a permis l’étude ; cf. aussi P. Guldager Bilde, « Gli scavi nordici della Villa di S. Maria sul lago di Nemi (1998-2002) », in Lazio e Sabina, 3, 2006, p. 203-206.
87 O.c., p. 45 : « ...all’epoca dei lavori il livello medio dei laghi non pare possa aver superato una quota di circa 10-15 m superiore al livello attuale. Sulla base di tale conclusione, si può notare che il guadagno di terre nei due crateri di Albano e Nemi fu, a causa della scoscesità delle sponde, certamente limitato ».
88 New Tales of old Rome, o.c., p. 144 ; F. Coarelli, in Santuari..., p. 167 ; id., in Etruschi maestri..., p. 38.
89 La position du sanctuaire tout au fond de la plaine littorale paraît témoigner cependant de la volonté de le mettre à l’abri des éventuelles variations de niveau des eaux du lac (si elle ne s’explique pas par la volonté d’utiliser l’effet scénographique permis par la pente où s’adosse l’édifice, selon un schéma cher aux architectes républicains et qui a des antécédents hellénistiques).
90 Voir la carte in Etruschi maestri..., fig. 15, p. 53, sous le titre « Lago di Nemi. Probabile estensione dello specchio d’acqua in situazione pre emissario » : ici pl. 4b.
91 En prenant pour référence la période 1921-1974, il apparaît que le maximum pluviométrique journalier constaté à Nemi est de 0,2 m ; il faut tenir compte d’autre part du fait que les eaux du lac, même à l’état naturel, subissent une évacuation souterraine de l’ordre de 110 litres/seconde.
92 Cela dit, l’émissaire, dont le débit moyen était de 0,5 m3/s, n’était pas en mesure de « controllare efficacemente gli effetti di piogge giornaliere particolarmente intense ». Pour cela, il lui aurait fallu une capacité et une ampleur inaccessibles à la technologie antique, comme le montre l’échec du canal du lac Fucin.
93 Cf. F. Poulsen, « Nemi Studies », in Acta Archaeol., 12, Copenhague, p. 1-52 (partic. p. 9) ; F. Coarelli, Santuari..., p. 168.
94 C’est là, comme on sait, l’un des acquis du livre d’Alföldi, Early Rome and the Latins, Ann Arbor, 1965, p. 72 et s.
95 Bien qu’il y rapporte à tort l’aqua Ferentina, Nissen avait cependant vu juste sur ce point : « Die römische Überlieferung hat für dies Werk der alten Latiner keine Worte ». (It. Land., 2, 2, p. 588.)
96 Selon V. Castellani et W. Dragoni (in Etruschi maestri..., p. 57), le forage du canal aurait été exécuté grâce à un appareillage déjà mécanique, ce que prouveraient des traces régulières sur les parois du canal du côté du lac ; mais K. Grewe montre qu’elles s’expliquent très bien par l’action de pioches utilisées manuellement.
97 Il s’agit bien entendu du Rameau d’Or, publié d’abord en 1890, et sans cesse remanié par son auteur sous la forme de rééditions successives, monumental cycle de recherches qui, au témoignage maintes fois répété de Frazer lui-même, trouve son origine dans l’analyse du cas du « Roi du Bois à Nemi » ; cf. par ex. ce qu’il en dit dans Les Origines magiques de la royauté, trad. par P. H. Loyson, Paris, 1920, p. 5 : « Le cas particulier de royauté sacerdotale qui m’a servi de point de départ pour mes recherches fut celui du prêtre de Diane à Nemi ». Une réédition de la traduction française de The Golden Bough, par les soins de N. Belmont et M. Izard, a paru à Paris en 1983-1984, en quatre volumes. La question de l’influence de Frazer dans l’histoire de l’anthropologie est à elle seule un vaste champ de recherches ; nous nous contenterons ici de renvoyer, au sujet des circonstances de sa rédaction et des rééditions, à la biographie de R. Ackerman, J.G. Frazer. His Life and Work, Cambridge, 1987 (p. 95-110, 164-188 et 236-257).
98 Cf. Cic., Div., 1, 44 ; Liv., 5, 15 et D.H., A.R., 12, 11.
99 Sur cet aspect, voir A. Brilli, Le Voyage d’Italie, Paris, 1989, p. 197, 246 et 249, mentionnant quelques-uns des artistes qui ont fait du lac et des Colli Albani leur thème de prédilection, entre autres : T. Jones, Cozens, Vernet et Turner ; à noter que le lac d’Albano est devenu, à l’époque romantique, un populaire sujet de gravure : il est ainsi présent (p. 121) dans le célèbre recueil d’E. F. Batty, Italian Scenary from Drawnings, Made in 1817 (l’année même de la découverte des urnes-cabanes...), Londres, 1820. Du point de vue de la description littéraire, l’image qui revient le plus souvent est celle de la « coupe » à laquelle on compare le cratère du lac : elle trouve son origine, à notre connaissance, dans une remarque de Kircher (au chap. 4 de son Latium...) qu’appréciait déjà Piranèse, qui la cite (in Descrizione e disegno dell’emissario del lago Albano, Rome, 1762, p. 3). C’est ainsi que Taine, dans son Voyage en Italie (1865, cité ici in éd. 1907), décrit « le lac d’Albano, grande coupe d’eau bleuâtre comme celui de Nemi, mais plus large et d’une plus belle bordure », dans une évocation qui vaut la peine d’être citée : « Tout en bas le lac dans son cratère avec sa couleur d’étain, immobile et luisant comme une plaque d’acier poli, hérissé çà et là par la brise d’imperceptibles écailles, étrangement tranquille, endormi d’une vie mystérieuse et profonde sous les frissons silencieux qui le traversent, et réfléchissant sa bordure dentelée, la riche couronne de chênes qui se nourrissent éternellement de sa fraîcheur » (p. 375-376). Il est vrai que d’autres voyageurs ont choisi de reprendre cette image, que la réalité des lieux impose, sur le mode de la dérision : Bonstetten, par ex., après avoir parlé d’« un lac de la plus belle eau, qui comme une glace de miroir, se trouve dans le fond d’un cratère, entouré d’un immense amphithéâtre de la plus belle verdure » (Voyage sur la scène de l’Énéide, p. 187), désigne plus prosaïquement le site comme « une jatte » (p. 365) et ailleurs (Italiam !, p. 268) comme « une tasse à thé où il n’y aurait de l’eau que dans le fond de la tasse » ; quelques années plus tard, un autre voyageur, L. Simond, parlera, lui, d’un « entonnoir » (dans son Voyage en Italie, Paris, 1828, p. 394). Dans une page de ses Italian Hours (1909) où l’influence de Taine se fait nettement sentir, Henry James opère une manière de synthèse entre le lyrisme romantique et l’ironie des Lumières : voir la traduction de J. Pavans, L’Automne à Florence, Paris, 1985, 19922, p. 16, où le lac est défini à la fois comme « magnifique mare » et comme « coupe parfaite », ayant « une sorte d’allure naturellement artificielle ».
100 Cf. Strabon, 5, 3, 13 : Ἕχει δὲ καὶ τοῦτο (= τò Ἀλβανòν ὄρος) λίμνην πολὐ μείζω τῆς κατὰ τò Ἀρτεμίσιον; Denys dit ainsi d'Albe qu'« elle fut construite pres d'une montagne et d'un lac », ᾠκίζετο πρòς ὄρει καὶ λίμνῃ κατεσκευάσθη, ajoutant que « la montagne constitue en effet une position forte, d'altitude elevee, le lac est profond et etendu », τó τε γὰρ ὄρος ἐν τοῖς πάνυ ὀχυρόν τι καὶ ὑψηλóν ἐστιν ἥ τε λίμνη βαθεῖα καὶ μεγάλη (1, 66, traduction V. Fromentin et J. Schnäbele, 1990, p. 96).
101 Par ex. Cicéron et Tite-Live.
102 Voir les légendes des anciennes cartes in A. P. Frutaz, Carte..., par ex. celle de Westphal, datée de 1827 (in vol. 3, n° 246-247).
103 Références in R.E., 1, 1894, s.v. Albanus ager, col. 1308 (Hülsen).
104 Kircher est le premier, semble-t-il, à avoir décrit cette margelle, parlant du lac intra quem margine undequaque protuberante conditus est (Latium, ch. 4) ; cf. aussi Piranèse, o.c. supra n. 100 ; cf. aussi Tomassetti, C.R., 2, p. 176 ; en réalité, tous les restes observés n’ont pas la même datation : pour ceux situés à l’aplomb de la villa impériale, cf. Lugli, in BCAR, 47, 1919, p. 166-171. Sur les navires de Nemi, cf. A. A. Barrett, Caligula. The Corruption of Power, Londres, 1989, p. 201-202. Sur le quai de pierre et la palissade de bois, vus autour du lac de Nemi, cf. G. Lenzi, in Nemi. Status Quo, 2000, o.c., p. 167.
105 Sur lequel on verra A. Balland, « Une transposition de la grotte de Tibère à Sperlonga ; le ninfeo Bergantino de Castelgandolfo », in MEFRA, 79, 1967, p. 421-502, et H. Lavagne, Operosa Antra. Recherches sur la grotte à Rome de Sylla à Hadrien, Rome, 1988, p. 589-594. Cette grotte ne doit pas être confondue avec celle qu’on appelle « le nymphée dorique », située à un kilomètre au nord, sur le même côté (ouest) du lac et datable du « milieu du 1er siècle avant notre ère » (Lavagne, p. 385, avec bibl.). Pour le nymphée Berg., le fait qu’il « s’ouvre au n./n.e. en direction du Monte Cavo, par une large ouverture », avec « une vue sur le lac, libre et étendue à l’origine » (Balland), ne nous paraît pas indifférent. Enfin, si, depuis Lugli, on a bien étudié la parenté de cet ensemble avec le modèle de Sperlonga, on a relevé aussi combien leur aménagement intérieur différait : la roche a été laissée brute à Sperlonga, alors qu’à Castel Gandolfo, « les parois de la cavité creusée dans le banc de tuf furent doublées de solides murs d’opus mixtum robuste et soigné, mais non d’une exceptionnelle finesse » (Balland, p. 428) et que « les voûtes sont recouvertes de caementicium, renforcé par endroits de bipedales, parfois même entièrement traitées en chaînages de briques. La maçonnerie est également très apparente à l’emplacement des ouvertures de chacune des grottes annexes, qui sont soutenues par des arcs de briques solidement assemblées » (Lavagne, p. 591). Pourquoi cette différence entre deux grottes qu’on voulait pourtant identiques ? La réponse n’est pas à chercher, comme on le fait d’ordinaire, dans quelque préoccupation esthétique, mais tout simplement, à notre avis, par le désir d’éviter la répétition d’un éboulement, comme celui qui, à Sperlonga précisément, avait failli coûter la vie à Tibère et marqué le début de la résistible ascension de Séjan : cf. bien sûr Tacite, Ann., 4, 59, 1-2.
106 Suscitant un successeur au prêtre de Nemi, qui, selon la tradition, ne pouvait accéder à cette charge que par le meurtre de son prédécesseur : cf. Liv., 31, 50, 7 ; Ov., Fast., 3, 271 ; Plut., QR, 44 ; Gell., 10, 15, 6 ; Cass. Dio, 49, 26 et 59, 13, 1 ; Suét., Cal., 35, 6. Voir aussi A. Bernardi, « L’interesse di Caligola per la successione del rex Nemorensis e l’arcaica regalità nel Lazio », in Athenaeum, 31, 1953, p. 279 et s. On peut penser, avec G. Ghini (in Arch. Laz., 11, 2, 1993, p. 282), que le combat rituel avait eu lieu dans le petit théâtre attenant au sanctuaire, lui-même incorporé dans la villa impériale. D’autre part, l’intérêt d’un autre empereur comme Claude pour les rites de Nemi est attesté par Tacite, Ann., 12, 8. Pour une autre marque de la politique archaïsante de Caligula, cf. J.P. Néraudau, « Sur un rituel archaïque d’expulsion redécouvert par Caligula », in Homm. à H. Le Bonniec. Res Sacrae, Bruxelles, 1988, p. 324-341.
107 Cf. Tac., Ann., 15, 37 et Pline, Paneg., 82, 1-3. Sur Domitien et sa villa albaine, cf. S. Gsell, Essai sur le règne de l’empereur Domitien, Paris, 1893, p. 118-119 ; R. Darwall-Smith, « Albanum and the villas of Domitian », Pallas, 40, 1994, p. 145-165, partic. p. 157, sur le texte de Pline, qui prouve l’habitude de Domitien de faire du bateau sur le lac Albain.
108 In Bull. Soc. Géol. de France, 2 s., 7, 1850, p. 7 du tiré à part ; du même auteur, cf. aussi « Storia naturale del Lazio », in Giornale Arcadico, n.s., 12, 1859, p. 104 et s. Sur la découverte de la nature volcanique du massif albain, cf. supra p. 19 et s.
109 La remarque est de H. Nissen, It. Land., 2, 2, p. 588.
110 Qui tire son nom, comme on le sait, des bucranes ornant la frise supérieure du tombeau de Caecilia Metella. Selon une hypothèse séduisante, le toponyme romain Capita Bubula, nom du quartier où naquit Auguste (Suét., Aug., 5), ne serait pas autre chose, suivant un schéma identique à celui évoqué ici, qu’une appellation populaire pour le siège des Curiae Veteres, monument qui devait donc s’orner d’une frise de bucranes : cf. M. Torelli, in L.T.U.R., 1, p. 226, et déjà, Tomassetti, C.R., 2, p. 63. Sur les émissions de lave du Volcan Latial, qui ont pu aller très loin, on verra C. Chiarabba, G. Giordano, « Genesi e modalità deposizionali delle piroclastiti della media valle dell’Aniene (Necks di Vicovaro’ Auct.) », in Rend. Soc. Geol. Ital., 13, 1990, p. 129-132, et ib., p. 143-146, l’étude de D. de Rita et C. Rosa, « Definizione della stratigrafia e della geocronologia di alcune effusioni laviche nell’area dei Colli Albani (Lava dell’Acqua Acetosa e Lava di Vallerano, Roma) ».
111 Dès 1807, Bonstetten (cf. Italiam !, p. 269) écrit qu’il est, en son milieu, « d’une imperscrutable profondeur ». Une recherche récente a montré que le lit du lac d’Albano a la forme d’un cône renversé dont la pointe est à -175 m : cf. M. Martini et alii, in Geochemical Journal, 28, 1994, p. 182, fig. 10.
112 On notera l’observation curieuse rapportée par Elisée Reclus dans le tome 1 de sa Nouvelle Géographie Universelle, Paris, 1876, p. 441 : « Le grand réservoir [il s’agit du lac] est fameux parmi les zoologistes à cause d’une espèce de crabe qui s’y trouve en grande abondance et que l’on expédie à Rome en temps de carême. Ce crabe, le seul animal de ce genre qui vive dans les eaux douces, fait supposer que le cratère lacustre était jadis en communication avec la mer et qu’il s’en est séparé peu à peu, en sorte que les crabes auront eu le temps de s’accoutumer au changement graduel opéré dans la composition du liquide ». En 1444, Biondo (p. 158 de l’o.c. supra n. 78) fait l’éloge des anguilles « stupendae magnitudinis » qu’on trouve alors dans l’embouchure de l’émissaire du lac, et un voyageur du xviiie s., Michel Guyot de Merville, dans un Voyage historique d’Italie, publié à Paris en 1729, dit du lac de Castel Gandolfo : « Il n’est pas fort considérable par sa grandeur, mais il est singulier à cause de ses poissons. On y trouve des tanches d’une grandeur extraordinaire, et on n’en trouve ailleurs ni de plus grandes, ni de plus délicates ». (Vol. 1, p. 143.) Dans une lettre de 1807 (in Italiam !, p. 270), Bonstetten évoque lui aussi la faune du lac : « beaucoup de serpents d’eau » ; « une espèce de chevrette ou petite écrevisse de mer [...] qui dans le lac d’Albano ne sont pas plus grandes qu’une épingle, qui sont bonnes à manger » ; « des cancres plus gros qu’un centimètre neuf que les paysans mangent vivants » ; « des anguilles d’une taille énorme ». En mai 1955, un spéléologue, M. Dolci, explorant l’émissaire albain notait : « Nell’interno abbiamo rinvenuto numerosi capitoni (Anguilla vulgaris) di mole impressionante, un granchio di acqua dolce e numerosi pesci che non abbiamo potuto determinare » ; rapport publié en 1958 et republié in Piranese nei luoghi di Piranese (cat. d’exp.), Rome, 1979, p. 24.
113 Nous n’entrons pas ici dans la question de savoir si cette substitution était, si l’on peut dire, une substitution simple ou « au carré », les poissons étant alors offerts en remplacement de victimes humaines, selon le schéma qui apparaît dans le lemme Piscatori ludi, Fest., 274-276L. Voir infra p. 650 et s.
114 Liv., 5, 15 : lacus in Albano nemore [...] in altitudinem insolitam creuit ; D.H., A.R., 10, 1 ; Cic., div., 1, 100 ; Plut., Cam., 3 ; Val. Max., 1, 6, 3 ; Zon., 7, 21. Pour le détail de la démonstration résumée ici, voir notre article « Une nouvelle hypothèse sur le miracle du lac Albain », in BAGB, 2003, p. 96-106 et maintenant, R. Funiciello, G. Giordano in Atti XL Riunione sc. I.P.P., 2, 2007, p. 479.
115 Voir l’étude de M. Kusakabe, « Hazardous Crater Lakes », in Monitoring a. Mitigation of Volcano Hazards, R. Scarpa, R. Tilling éd., Berlin/Heidelberg/New York, 1996, p. 573-598.
116 M. Martini et alii, «Chemical characters of crater lakes in the Azores a. Italy: the anomaly of Lake Albano», Geochemical Journal, 28, 1994, p. 173-184.
117 Cf. C. Chiarabba, A. Amato, P. T. Delaney, « Crustal structure, evolution, a. volcanic unrest of the Alban Hills, Central Italy », in Bull. Volcanol., 59, 1997, p. 161-170.
118 Cf. Descrizione e disegno dell’emissario del lago Albano, di Gio Batista Piranesi, Rome, 1762, p. 5 et s. Ce recueil correspond au n° 485 in H. Focillon, G. B. Piranesi : essai de catalogue raisonné de son œuvre, Paris, 1918. Nibby (cf. infra n. 122) et Abeken, Mittelitalien, p. 178-180, les deux topographes longtemps les plus précis sur l’émissaire, partent des relevés de Piranèse ; c’est encore le cas de La Blanchère, in DAGR, 2, 1, 1892, s.v. emissarium, p. 598-601, et il faudra attendre 1955 pour l’établissement d’un nouveau relevé, exécuté par les ingénieurs M. Chimenti et F. Consolini et que nous avons retrouvé à l’Archivio di Stato à Rome (AABBAA, 1952-1960, div. 2, B65) ; il établit que la longueur de l’émissaire est de 1350 m, sa pente moyenne de 2,25 %, son débit moyen de 7,8 l/sec. La consultation de la rubrique Castel Gandolfo (due à S. Quilici-Gigli) de la BTCGI, vol. 5, 1987, p. 92-93, révèle que ce rapport fut publié en 1958 et 1959 dans une revue locale de spéléologie. Certaines de ses données furent utilisées par G. Baffioni in SE, 27, 1959, p. 307. Il a été republié in Piranese nei luoghi di Piranese... cit., p. 25 s.
119 Sur tout ceci, voir V. Castellani et W. Dragoni, in Etruschi maestri..., partic. p. 4553, et K. Grewe, Licht..., p. 87-89, qui indique que l’état actuel du tunnel n’a pas permis d’en dresser le relevé.
120 Cf. V. Castellani et W. Dragoni, in Etruschi maestri..., p. 46.
121 Que dit en effet exactement Piranèse, sinon ceci (Descrizione..., p. 5-6) : « De’ pozzi non rimane scoperto che il solo dinotato nella tav. I fig. II. Molti altri pozzi e cuzzi e cuniculi sono coperti affatto ed incogniti, e di alcuni abbiamo piuttosto la tradizione che le vestigie... », invoquant ensuite le témoignage explicite d’un vieil habitant qui lui aurait certifié avoir assisté lui-même au comblement de plusieurs de ces puits. Nibby ne fait également qu’émettre une hypothèse (dans le Viaggio antiquario..., il écrit : « può dedursi » ) qui prendra, il est vrai, en 1837, un tour nettement plus affirmatif lorsqu’il parlera de 62 puits (dans Analisi... 1, p. 103), chiffre repris, semble-t-il, de Niebuhr, mais qu’Abeken, dès 1843, n’hésite pas à qualifier nettement d’exagéré, « übertrieben » (o.c., p. 180, n. 1).
122 Comme le disent très bien V. Castellani et W. Dragoni, in Etruschi maestri..., p. 46.
123 Cf. ib., p. 48. En ce sens, le texte de Piranèse, que nous versons au dossier, fournit une indication précieuse.
124 Que l’on compare ainsi sa « Veduta della Spelonca, detta il Bergantino, presso l’inbocco dell’Emissario del Lago Albano », qui appartient au recueil « Di Due Spelonche ornate dagli Antichi alla riva del Lago Albano », publié à Rome en août 1762, avec la photographie que reproduit A. Balland dans son article cité supra n. 106 (p. 435). À cet égard, le parti pris proétrusque de Piranèse s’est trouvé particulièrement bien adapté à l’étude d’une structure où, effectivement, les Modernes reconnaissent une forte empreinte étrusque ou étruscisante. Sur cette « etruscheria » de Piranèse, on verra la communication de M. Cristofani dans les Actes du Congrès publiés par lui, Piranesi e la cultura antiquaria, Rome, 1985, p. 211-220 ; à noter qu’à la page 267 de cet ouvrage, H. Lavagne souligne le fait que, pour la villa d’Hadrien à Tivoli, les relevés établis par Piranèse restèrent utilisés par les archéologues jusqu’en 1906.
125 Sur ces dernières, cf. Nibby, Analisi..., 1, p. 108 et p. 522-523, et Tomassetti, C.R., 2, p. 175. La réfutation, un peu confuse, de Nibby à propos du Monte Cucco (p. 103) ne s’applique qu’à une interprétation de l’oracle rapporté par Tite-Live à propos de l’émissaire, et non à l’existence même d’une dérivation naturelle.
126 Cf. infra n. 238.
127 V. Castellani et W. Dragoni, in Etruschi maestri..., p. 45, et « Gli emissari dei laghi Albani. Aggiornamenti e prospettive », Lazio e Sabina, 2, 2004, p. 215-220, où ils indiquent que le niveau actuel des eaux est passé en 1993 sous celui de l’émissaire, et qu’il a en dix ans (jusqu’en 2003) encore baissé de 4 ou 5 m : la cause en est dans des prélèvements excessifs réalisés en vue de l’irrigation.
128 Comme l’imaginait par ex. Bonstetten : « Les propriétaires de la plaine de Rome, c’est-à-dire une grande partie des plus riches citoyens de cette ville, devaient craindre que le bassin du lac venant à se rompre, l’immense masse des eaux ne détruisît leurs possessions. Ils se servirent du prétexte du siège de Véies pour engager le peuple ou une partie de l’armée, à percer ce qu’on appelle l’émissaire ou canal de décharge, tel qu’on le voit aujourd’hui ». (Voyage..., p. 365-366, n. 1). Dans le même sens, voir aussi T. Ashby, in PBSR, 5, 1910, p. 277, qui place le débord naturel du lac dans sa situation pré-émissaire au lieu dit La Madonnella (près du Monte Crescenzo, sur la route Marino-Castel Gandolfo) – opinion qui est aussi celle de Tomassetti, C.R., 4, p. 189, et de Pinza qui, dans son Introduzione geomorfologica alla storia della civiltà latina dalle origini al secolo v a.c. (Città del Vaticano, s.d. mais 1924), p. 35, suggère un itinéraire Val Liccia-Pantanelle-Marrana, ce qui, de toute façon, fait aboutir les eaux, non pas à la mer, mais au Tibre.
129 Comme le faisait par exemple J. Hubaux, en écrivant que « s’il y a un lac dont on peut être assuré qu’il n’a jamais débordé, c’est le lac Albain », in Rome et Véies. Recherches sur la chronologie légendaire du moyen âge romain, Paris, 1958, p. 134, dans un chapitre sur « L’émissaire magique » où abondent les inexactitudes de toutes sortes : on s’étonnera ainsi, en fonction de ce qui a été dit précédemment des prétendus puits, sinon inexistants, du moins invisibles, de lire la description suivante, présentée comme le résultat d’une observation personnelle : « De distance en distance, à environ 35 mètres l’un de l’autre, on a creusé, à 45 degrés, depuis la surface du sol, des puits d’aérage, qui ont dû être effectués à mesure que le percement avançait, afin de permettre aux ouvriers de respirer, à une si grande distance – horizontalement et verticalement – de l’air libre » (p. 135). D’autre part, l’émissaire ne fait pas 2500 m (p. 134), c’est plus de 1 000 m de trop... De même, les indications chiffrées sur la hauteur, la largeur de l’émissaire, sur l’altitude du Monte Cavo, etc., sont toutes fausses. Comme le dit l’auteur, mais assurément dans un autre sens, « ceci donne à réfléchir »... (p. 135). T.P. Wiseman donne à l’émissaire albain 2234 m : The Myths of Rome, Exeter, 2004, p. 88. Si R. Ogilvie, commentant le récit de Tite-Live, déclare que « the flooding of the Alban Lake was an ancient myth », il ajoute que « the tunnelling of an outflow for the Alban Lake is a matter of history » (in A Commentary on Livy Books 1-5, 1965, p. 658-660).
130 Cf. P. Caloi et M. Giorgi, « Sulle oscillazioni libere del lago di Albano », in Annali di fisica, 4, 1951, p. 247-256 ; E. Stella, in Boll. Soc. Geog. Ital., 1954, p. 275-283. Rappelons à ce propos que la limnologie ou étude des lacs a été marquée par l’helléniste A. Delebecque, qui en fut l’un des pionniers : cf. B. Dussart et L. Touchart, « A.D. et le centenaire de la limnologie française », in Ann. Géo., 107, 1998, p. 446-453 (où l’on trouvera aussi une bibl. générale). Il ne faut pas confondre, bien sûr, une crue, qui est un phénomène d’ordre événementiel, limité dans le temps, avec une variation d’amplitude, résultant d’une tendance progressive, et qui ne se manifeste que dans la longue durée. La montée des eaux du lac Albain de 398 semblerait, au témoignage unanime des textes, s’inscrire dans la première catégorie : cf. Liv., 5, 14, 16, 19 et 21 ; Plut., Cam., 5 et 6 ; Diod., 14, 93 ; Cass. Dio, 6 et Zon., 7, 20 ; Cic., Div., 1, 100 et 2, 69 ; D.H., 12, fg. 11 à 17 ; Val. Max., 1, 6, 3. Il reste que si ces descriptions correspondent à un épisode réel, il s’agit d’un événement hors normes : cf. notre étude « Une nouvelle hypothèse... », o.c. et supra, p. 83 s.
131 Primo Seminario nazionale di studi sulle mura poligonali, Alatri, 1988, « Nuove considerazioni su alcune sostruzioni in opera poligonale sui Colli Albani e sulle opere di fortificazione di Anzio e Lanuvio », p. 61-69. Cette structure semble antérieure à celle décrite supra n. 105, avec laquelle elle a été souvent confondue. Elle n’avait pas échappé à l’attention de Bonstetten (Italiam !, p. 269) qui, dans une lettre de juillet 1807, après avoir noté que « le batelier prétend que le lac a été entouré d’une muraille », relève que « de l’autre côté du lac, vis-à-vis de l’émissaire, il y a dans le lac les restes d’une muraille très épaisse, bâtie en grosses pierres de taille, qui borde une petite plaine, la seule qui se trouve entre le lac et le bord escarpé ».
132 Voir le DAGR, s.v. cuniculus (1, 2, 1887, col. 1589-1594) et ib., 2, 1, 1892, s.v. emissarium, col. 598-601 ; cf. aussi MEFRA, 2, 1882, p. 207-221, « Le drainage profond des campagnes latines », partic. p. 218, qui réfute l’interprétation des émissaires albains comme déversoirs d’un trop-plein : « On n’a pas non plus trop bien expliqué à quoi servaient les émissaires des lacs d’Albano, de Nemi. Le récit de Tite-Live sur le premier est une fable. Leurs bords presque à pic étaient sans doute bien cultivés aux temps antiques ; mais on ne peut vraiment supposer une population assez dense pour qu’il lui ait été nécessaire de conquérir au prix de tels travaux quelques hectares de précipice. Elle n’a pas songé à dessécher le bassin : une pierre mise au bout d’une corde aurait suffi pour en ôter l’idée ».
133 Les émissaires albains auraient ainsi été construits afin d’assécher l’eau du « second sous-sol » des campagnes avoisinantes. Outre le fait qu’une telle corrélation ne paraît pas vérifiée au regard des analyses les plus récentes, elle supposerait, de la part des constructeurs des émissaires, une capacité d’abstraction technologique bien peu vraisemblable. Il convient de préciser que, malgré le caractère tranché des affirmations qu’il confiait à une œuvre de vulgarisation comme le Daremberg et Saglio, le raisonnement de La Blanchère s’avère dans le détail beaucoup plus nuancé : dans son article des MEFRA de 1882, il prend soin de déclarer que « la région Tibérine et le versant Pontin présentent, au point de vue des eaux, des différences assez sensibles » (p. 208), ajoutant : « Je ne connais pas le système des cuniculi dans le bassin du Tibre » (p. 211) et « hors des terres Pontines, je n’ai pas d’opinion » (p. 221).
134 V. Castellani et W. Dragoni, in Etruschi maestri..., p. 45, réfutent nettement cette hypothèse de La Blanchère.
135 Pour la description du parcours des eaux de l’emissarium du lac d’Albano, cf. J. H. Westphal, Röm. Kampagne..., p. 25, et surtout A. Nibby, in Analisi..., 1, p. 108 ; cf aussi Abeken, Mittelitalien, p. 180. Le dispositif s’est aujourd’hui tari.
136 It. Land., 2, 2, 1902, p. 585.
137 Voir la description, d’une rhétorique apocalyptique, de Denys d’Halicarnasse, in A.R., 12, 10, 11. Sur les oracles concernant la crue, cf. C. Guittard, « Rome et Véies : les trois oracles concernant le prodige du lac d’Albe », in Sec. Congr. intern. etrusco (1985), 3, Florence, 1989, p. 1237 et s. Pour la réalité de la crue, cf. supra p. 84 et notre article, « Une nouvelle hypothèse... », o.c.
138 Sous le nom de « Fosso dell’Incastro » : cf. V. Castellani, W. Dragoni, in Etruschi maestri..., p. 43 ; Nissen, It. Land., 2, 2, p. 588.
139 Caton, fg. 58 P2 = 28 Ch. ; cf. C. Ampolo, « La dedica di Egerius Baebius (Cato fg. 58 P2) », in PP, 38, 1983, p. 321-326 pour la présentation des différentes interprétations des Modernes.
140 Cf. Ogilvie, Commentary..., p. 659 (reprenant une hypothèse d’A. Celli).
141 Cf. Strabon, 5, 3, 5, pour le littoral entre Antium et Lanuvium et du côté d’Ardée et de Terracine : le choix de cette dernière ville comme lieu d’exil pour Lépide de la part d’Auguste n’était, de ce point de vue, peut-être pas innocent (cf. F. Coarelli, Roma Sepolta, Rome, 1984, p. 137) ; cf. aussi Vitruve, 1, 4, et Sil. It., 8, 381. Voir aussi Kind, in R.E., 14, 1928, s.v., col. 830-846 ; G. Traina, Paludi e bonifiche del mondo antico : saggio di archeologia geografica, Rome, 1988 ; R. Sallares, « Malattie e demografia nel Lazio e in Toscana nell’Antichità », Demografia, sistemi agrari, regimi alimentari nel mondo antico, D. Vera éd., Bari, 1999, p. 131-188.
142 Il est vrai qu’une inscription, placée à Castel Gandolfo pour commémorer l’assèchement du lac de Turnus, effectué en 1611, fait état de l’insalubrité antérieure du lieu, provoquée par « noxia e Turni lacu aspiratione » : cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 188. Encore au début du xixe s., le voyageur Louis Simond pouvait noter : « Les bords du lac sont marécageux, malsains, et dans quelques endroits, couverts de roseaux, qui ont 20 à 30 pieds de hauteur, et servent d’asile aux serpents » (Voyage en Italie, 1828, p. 394).
143 Le lien, affirmé par certains, entre la consommation de fèves, attestée dans la Rome archaïque, et la lutte contre le paludisme, est encore à démontrer : cf. M. Grmek, Les Maladies à l’aube de la civilisation occidentale, Paris, 19942, p. 352.
144 Ainsi, dans ses Lettres écrites d’Italie en 1812 et 1813..., Lullin de Châteauvieux croit-il pouvoir, à partir du cas des Maremmes de Toscane, rejeter tout lien entre marais et « mauvais air » : « Il est difficile de ne pas croire que cette corruption de l’air provient de la constitution chimique du sol lui-même » (2e éd., 1820, p. 139). Voir aussi les références indiquées par B. Hemmerdinger dans sa réédition de la Climatologie de Dureau de La Malle, Naples, 1988, p. 25.
145 Cf. aussi ib., 1, 100 : quelle pouvait être ici la source de Cicéron pour cette tradition ? D’abord, bien évidemment, l’observation directe d’un monument situé tout près de Rome, dans une contrée où Pompée et tant d’autres avaient leur villa ; pour l’aspect antiquaire, on peut penser à Varron, dont les Académiques font un si magnifique éloge (Ac. Post., 1).
146 « La plaine en reçoit les eaux [ = du lac] grâce à un système d’écluses dont l’ouverture permet aux habitants de mettre en réserve autant d’eau qu’ils le désirent », trad. V. Fromentin et J. Schnäbelé, 1990, p. 96. De ce que Denys parle ici au présent (ὑποδέχεται), ce qui semble attester une observation personnelle, on a voulu parfois (Abeken, Mittelitalien, p. 180) tirer argument pour récuser toute valeur à ce texte du point de vue de la détermination de la fonction originelle de l’émissaire.
147 In Etruschi maestri..., p. 37-38.
148 Voir notre étude « Ferentina », p. 282, n. 45. On comparera avec Potina, Statina, Tutelina, etc.
149 Cf. supra p. 77.
150 Voir, par ex., l’art. « Emissarium » (cité supra n. 133) : « Les deux systèmes se complétaient, et s’aboutaient pour ainsi dire » (p. 599) et (ib., p. 598) : « L’aménagement des monts Albains n’a pu se faire beaucoup plus tard que celui des campagnes latines ; l’hygrométrie des deux régions n’est nullement indépendante ; et l’on n’a pu toucher à l’un sans s’obliger à embrasser l’autre aussi dans le même effort ». On attend sur ces sujets la publication de l’ouvrage (cité par K. Grewe) de V. Caloi, G. Cappa, V. Castellani : Antichi emissari nei Colli Albani.
151 Cf. supra n. 135. Voir aussi, de Plinio Fraccaro, l’étude fondamentale : « Di alcuni antichissimi lavori idraulici di Roma e della campagna », in BSGI, ser. V, 8, 1919, p. 186 et s. = id., Opuscula. Scritti di topografia e di epigrafia, 3, 1, Pavie, 1957, p. 1-49 (réédition qu’il faut préférer, car munie de quatre mises à jour), dont la démonstration confirma, de façon indépendante, les conclusions présentées quelques années auparavant par G. de Angelis d’Ossat (reproduites dans l’« Aggiunta III » de l’art. de Fraccaro) ; cf., aussi, F. Ravelli, P. J. Howarth, « I cunicoli etrusco-latini : tunnel per la captazione di acqua pura », Irrigazione e drenaggio, 35, 1, 1988, p. 57-70. Dans ses études sur la région de Tibur, Z. Mari a rencontré un très grand nombre de cuniculi dont la fonction était clairement la collecte des eaux pluviales en vue de leur consommation ; seuls trois cas lui ont semblé destinés à une fonction de drainage ; cf. Tibur. Pars Quarta (Forma Italiae, 35), Florence, 1991, p. 39.
152 On notera toutefois, avec P. Fraccaro (p. 9 de l’o.c., n. préc.), que les théories de La Blanchère correspondaient aux interprétations d’abord formulées par Di Tucci et Tommasi-Crudeli (ce dernier, médecin de formation), et qu’elles s’inscrivent dans les débats nés, au cours de la seconde moitié du xixe siècle, autour des projets d’assainissement de l’Agro Romano, territoire alors déserté et dévasté par la malaria. On peut donc sérieusement se demander si les hypothèses attribuant aux émissaires albains et aux cuniculi latiaux une fonction de drainage ne sont pas d’abord le reflet des préoccupations de l’époque où elles ont été émises.
153 Cf. F. Coarelli, « Roma, i Volsci e il Lazio antico », in Crises et transformations des sociétés archaïques de l’Italie antique au ve siècle av. J.-C., Rome, 1990 (Actes d’un colloque tenu à l’EFR en 1987), p. 135-154 (partic. p. 143-148), où est reprise la thèse du drainage « nonostante i dubbi periodicamente avanzati », il est vrai à propos essentiellement du territoire pontin : la théorie, toutefois, est utilisée aussi pour le cas des émissaires albains (p. 146) ; P. Attema, An Archaeological Survey in the Pontine Region, 1, Gröningen, 1995, p. 70-76.
154 Cf. MEFRA, 90, 1978, p. 568, n. 8, et in Arch. Laz., 5, 1983, p. 112-123 : « Sistemi di cunicoli nel territorio tra Velletri e Cisterna », qui reprend, d’autre part, la théorie du drainage. Voir aussi ead., « L’irreggimentazione delle acque nella trasformazione del paesaggio agrario dell’Italia centro-tirrenica », in Uomo, acqua e paesaggio, A. Coen éd., Rome, 1997, p. 193-212.
155 Cf. S. Quilici-Gigli, in Arch. Laz., 5, 1983, p. 118.
156 Cf. bien sûr ERL, à comparer avec la recension d’A. Momigliano in Historia, 16, 1967, p. 370-377. Les thèses d’Alföldi ont toutefois été remises à l’ordre du jour par W. Kuhoff, « La Grande Roma dei Tarquini » : die früheste Expansion des römischen Staates im Widerstreit zwischen literarischer Überlieferung u. historischer Wahrscheinlichkeit, Augsburg, 1995.
157 Affirme le lien des cuniculi avec la via Appia : S. Quilici-Gigli, o.c., p. 118 ; pourtant, les observations de La Blanchère à propos d’« un coin du territoire Veliterne où passe la Via Appia » contredisent formellement une telle lecture : « Cette voie [l’Appia] coupe le tracé d’un nombre de cuniculi considérable, et il est facile de voir qu’ils lui sont fort antérieurs. Plusieurs ont passé inaperçus des ouvriers qui l’ont construite ; d’autres étaient assez vieux pour que leur voûte ne fût plus solide, et l’on voit à quelles précautions cette de-mi-ruine a donné lieu ; quelques-uns enfin étaient déjà tombés. Le bel âge de ces campagnes était déjà loin en 312. » (in MEFRA, 2, 1882, p. 102-103). Cf. aussi F. Coarelli, o.c., p. 145, et P. Attema, o.c.
158 Voir infra p. 598 et s.
159 C’est le titre d’un mémorable article paru en 1936 (août) dans la Nuova Antologia (p. 405-416) et réédité ensuite in Terze pagine stravaganti, Florence, 1942, p. 1-24, puis in Pagine stravaganti, 2, Florence, 1968, p. 3-21. Sans doute le contexte culturel de ces années 1930 ne fut-il pas totalement étranger au choix, sinon du thème, du moins du titre de cette étude... Sur la place de G. Pasquali dans le paysage intellectuel italien de l’entredeux-guerres, cf. M. Cagnetta, Antichità classiche nell’Enciclopedia italiana, Rome/Bari, 1990, p. 29-89. En 1990, ce titre a été donné à une importante exposition qui s’est tenue à Rome (au Palais des Expositions) et dont le catalogue a été publié la même année sous la direction de M. Cristofani : on y chercherait en vain toute notice concernant les cuniculi, non mentionnés sans doute en raison de l’hypothèse d’une chronologie basse.
160 Réf. in J. Hubaux, Rome et Véies..., Paris, 1958, p. 122.
161 Il s’agit du Ponte Sodo, tel que l’a analysé Ward-Perkins in PBSR, 29, 1961, p. 4757 ; cf. aussi S. Judson et A. Krahane, ib., 31, 1963, p. 88 (et p. 82, fig. 5 pour la carte des cuniculi encore observables au s.-o. du massif albain). Cf. aussi F. Ravelli, P. J. Howarth, o.c. supra n. 152, et n. suiv.
162 Voir in Etruschi maestri..., l’exemple d’Orvieto (probablement la Volsinii étrusque), particulièrement clair, puisque là, une fois n’est pas coutume, l’analyse stratigraphique a été possible et a conduit à une datation des plus anciens cuniculi au vie s. av. J.-C. (cf. p. 63, 163 et surtout p. 169) ; cf. aussi les exemples de la plaine padane (p. 71 et p. 87 pour Adria), de Forcello (p. 75), de Pérouse (p. 97, 105 et 113) et de Véies (M. Torelli, p. 28, n. 64), pour lequel on verra aussi E. Stefani, NSA, 1953, p. 87.
163 Pour Ardée, cf. A. Andrèn in O. Rom., 1, 1954, p. 1-20, et C. Morselli-E. Tortorici, Ardea (Forma Italiae, 1, 16), Florence, 1982, passim et partic. p. 64, p. 67-69, et surtout p. 80 (datation assurée au vie s.), p. 88, etc. ; pour Collatia, cf. l’ouvrage du même nom dans la collection Forma Italiae (1, 10) par L. Quilici, p. 51, selon lequel les cuniculi ne sont pas établis à des fins de bonification agricole, mais n’existent toujours qu’en fonction d’édifices ou d’installations précises : même s’il en était ainsi, il reste que les édifices de la période archaïque sont nombreux sur le sol de la Campagne romaine (voir par ex., dans le vol. en question, le n° 855, p. 914). Le site du Ponte Terra, près de Tivoli, serait d’époque archaïque selon V. Castellani et W. Dragoni (in Etruschi maestri..., p. 43), ce qui aurait l’intérêt d’apporter un témoignage d’un ouvrage d’art de chronologie haute près des monts Albains. Il est cependant daté de l’époque romaine par Z. Mari (Tibur. Pars Quarta, p. 247), L. Quilici (Arch. Laz., 7, 1, p. 165), et du second siècle par V. Galliazzo, I Ponti Romani, Trévise, 2, 1996, p. 62-63. K. Grewe le date, lui, du ve ou du vie s. av. J.-C. : Licht..., p. 71-74.
164 En relation avec des puits et des citernes, elles-mêmes souvent aménagées dans des cavités nées d’abord du creusement de carrières : cf. P. Pensabene, S. Falzone éd., Scavi del Palatino I, Rome, 2001, p. 3 et s., et p. 7-10 (P. Pensabene) pour une synthèse des trouvailles en Italie centrale, montrant que ces ouvrages hydrauliques d’époque archaïque paraissent avoir été souvent utilisés ensuite pour des fins religieuses, notamment comme dépôts votifs. On a donc sans doute eu tort, à propos d’exemples comme ceux de Bolsena ou d’Artena, de concevoir ces différentes utilisations comme exclusives l’une de l’autre : elles l’étaient bien sûr en synchronie, mais pas en diachronie. Au total, il apparaît que la présence de l’eau est tendantiellement sacralisante.
165 L’opinion de J. Bayet : cf. son éd. du l. 5, Paris, 1954, p. 131, selon lequel le récit livien serait d’origine étrusque, est à corriger par D. Briquel, « A proposito della profezia dell’aruspice veiente », in La profezia nel mondo antico, sous la dir. de M. Sordi, Milan, 1993, p. 169-185, qui montre, à travers la présence de thèmes troyens, le caractère anti-étrusque dans le cadre des conflits qui opposent alors l’Vrbs aux cités toscanes. Reste que l’épisode a une nette coloration étrusque ; c’est la seule fois où Tite-Live mentionne l’etrusca disciplina : s’agit-il d’un simple pastiche, dû à ses sources, ou peut-on admettre qu’il y ait la trace d’un recours réel au savoir étrusque ?
166 En ce sens, cf. D. Briquel, o.c.
167 Cf. par ex. Liv., 1, 50-51, et D.H., 3, 51.
168 Ainsi K. Grewe, o.c., p. 89.
169 On pensera aux traditions sur l’aménagement archaïque du Forum et à celles sur le Capitolium.
170 Schol. ad Cic. Planc., 23 ; A. Vict., de vir. ill., 8, 2 et D.H., 4, 49 ; cf. infra, p. 601.
171 Cf. la contribution de V. Castellani et W. Dragoni in Etruschi maestri..., partic. p. 52.
172 Cf. Liv., 5, 19, 10-11.
173 Cf. V. Castellani et W. Dragoni, in Etruschi maestri..., p. 52.
174 « Un chapitre d’histoire pontine. Etat ancien et décadence d’une partie du La tium », in Mémoires présentés par divers savants à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut de France, 1ère série, 10, 1893, p. 33-191, partic. p. 116.
175 MAH, 2, 1882, p. 100.
176 Carcopino, qui admirait pourtant l’ERL, lui en fait discrètement le reproche dans ses Souvenirs romains, Paris, 1968, p. 110, n. 1 (même si p. 152, n. 1, il parle du livre de son « confrère et ami Andreas Alföldi » comme d’un « récent et magistral ouvrage » ).
177 À vrai dire, le premier auteur de la comparaison est P. Fraccaro, o.c. supra n. 152 (= Opuscula, 3, 1957, p. 31), qui cite aussi les exemples de Palmyre et de Syracuse, développant dans son étude l’idée d’une origine orientale dont l’Asie Mineure aurait été l’intermédiaire (p. 27-32, partic. p. 30).
178 Cf. H. J. Kienast, Die Wasserleitung des Eupalinos auf Samos, Bonn, 1995 : la longueur de ce tunnel est de 1036 m, sa hauteur de 2,10 m et le canal qui le traverse a une largeur moyenne de 0,80 m (p. 173) ; la construction de l’ensemble se fixe vers 540-530 (p. 180 et 187).
179 Nous faisons ici allusion, bien sûr, à la fameuse découverte de ce qu’Alföldi a appelé la « chronique de Cumes » dont il a retrouvé les traces notamment chez Denys d’Halicarnasse, découverte qui reste l’un des acquis les plus sûrs de son ERL ; sur ce sujet, voir aussi les considérations d’A. Mele, in Etruria e Lazio arcaico (congrès 1986), M. Cristofani éd., Rome, 1987, p. 155 et s. (partic. p. 171 et s.).
180 On notera que, même si leurs interprétations sur la fonction des cuniculi diffèrent radicalement, La Blanchère (par exemple, in MAH, 1882, p. 214) et Fraccaro (o.c., p. 7 et p. 34) s’accordent sur cette chronologie relative.
181 Voir C. Gualdi, I Monti Albani, Rome, 1962, p. 196.
182 Cf. supra p. 59. Voir aussi Necropoli Osa, p. 21 (avec une datation au ive s. av. J.-C) et K. Grewe, Licht..., p. 80 ets.
183 Cf. supra p. 71. Voir aussi le schéma in La Blanchère, art. « Emissarium », t. 2, du DAGR, 1892, p. 601, fig. 2660, et P. Brandizzi Vittucci, Cora, Rome, 1968, p. 158, n. 165 (avec photographies).
184 Sources in L. Quilici, Collatia, n. 2 p. 81. Le verdict de G. Radke dans le Kleine Pauly, 4, 1972, col. 1365, « Lokalisierung nicht möglich », n’est pas justifié.
185 Pour une réfutation détaillée de cette localisation, cf. L. Quilici, Collatia, n. 2 p. 89.
186 Collatia, p. 879-881, avec les réf. à la bibl. antérieure.
187 D’orientation o.-s.o., avec une hauteur de 150 cm et une largeur de 125 cm, il est décrit par Ashby, in RAL, 7, 1898, p. 103-126 ; cf. aussi Quilici, Collatia, p. 879, et supra n. 63.
188 St. di R., 1, 2, 1899, p. 345 ; contra, G. De Sanctis, St. dei Rom., 19602, p. 90, n. 18. L’interprétation de Pais a été récemment reprise par C. Ampolo, in Bois Sacrés, p. 163.
189 Cf. Pline, N.H., 16, 91, 242 : Est in suburbano Tusculani agri colle, qui Corne appellatur, lucus antiqua religione Dianae sacratus a Latio, velut arte tonsili coma fagei nemoris. Vicina luco est ilex, et ipsa nobilis XXXIX pedum ambitu caudicis, decem arbores emittens singulas magnitudinis visendae silvamque sola faciens. À partir de ce texte, on a, bien sûr, tenté depuis longtemps, par le biais de l’identification du site de la villa de Passienus, de localiser le bois sacré en question : le principe de ce rapprochement se trouvait déjà chez les antiquaires d’ancien régime, par exemple Volpi qui, dans son Latium Vetus, t. 8, p. 172 (cité par Ashby, in PBSR, 5, p. 320), proposait, pour la villa comme pour le lucus, l’emplacement connu sous le nom de « Cornufelle », sur la base précisément de la ressemblance entre ce toponyme et celui transmis par Pline ; mais dans la mesure où le site de la villa de Passienus avait été reconnu ensuite par un érudit local, F. Grossi Gondi, suivi par Lanciani et Ashby (o.c., p. 302 et s.), comme devant être placé là même où s’élève la ville de Frascati (attribution qui n’est du reste sans doute pas exclusive de l’identification traditionnelle du site avec la villa de Lucullus, cf. F. Coarelli, Dintorni di R., p. 119), on crut devoir abandonner totalement l’hypothèse de Volpi et dissocier l’emplacement du lucus (placé alors, par exemple, à la Villa Cavalletti de Grottaferrata, cf. Ashby, o.c., p. 252, et Tomassetti, C.R., 4, p. 287) de celui de la villa. En réalité, il convient de concilier le principe de méthode tracé par Volpi (situation du lucus sur le territoire de la villa) et la localisation de la villa sur les hauteurs de Frascati établie par Grossi Gondi : l’aire couverte par ces grandes propriétés impériales était en effet souvent fort étendue, et le site de Pantano Secco – alias lago di Cornufelle – n’est qu’à deux kilomètres à peine de Frascati : cf. C. Ampolo, in Bois Sacrés, p. 164.
190 Cf. Niebuhr, Analisi..., 3, p. 9, qui mettait en rapport ce nom avec celui de la gens Cornificia ; cf. aussi Tomassetti, C.R., 4, p. 355 et p. 364. C’est précisément cette ressemblance entre les toponymes antique et moderne qui avait conduit Volpi (cf. n. préc.) à situer à cet endroit et la villa de Passienus et le lucus de Diane.
191 Cf. L. Quilici, Collatia, p. 881.
192 Par ex. notre Fondation de Rome, p. 265 ; cf. aussi T.J. Cornell, The Beginnings of Rome, Italy and Rome from the Bronze Age to the Punic Wars (c. 1000-264 BC), Londres-New York, 1995, p. 68.
193 C.R., 4, p. 365 ; Ashby, très sceptique in PBSR, 5, p. 30 ; Quilici, Collatia, p. 881 (avec photographie, fig. 1984).
194 Ces considérations permettent de répondre, croyons-nous, à la question posée par C. Ampolo dans ces termes : « Bisogna chiedersi per quali motivi alcuni luci sono stati scelti [...] come sedi ‘federali’, comuni... » (« Boschi sacri e culti federali : l’esempio del Lazio », in Bois Sacrés, p. 159-167, ici p. 160).
195 À titre de comparaison, rappelons que la superficie du lac de Bracciano est de 58 km2 ; celle du lac de Bolsena de 108 km2 et celle du lac de Trasimène de 112 km2. Les plus grands lacs albains, ceux de Nemi et d’Albano, font, eux, respectivement 1,67 et 6km2.
196 5, 3, 12 = C 239.
197 Cf. D.H., A.R., 12, 11, 2 et 12, 12, 2, pour une allusion aux sources du lac Albain.
198 Malgré ce qui a pu en être dit (Ampolo, in PP, 1981, p. 230), il n’est pas sûr que le toponyme « Fonte Ioturna » attesté auprès du lac de Turnus par la carte d’Eufrosino della Volpaia, ne soit qu’une fiction érudite ; c’est ainsi qu’E. Desjardins, dans son Essai sur la topographie du Latium, daté il est vrai de 1854, témoigne qu’« une autre appellation populaire s’est conservée jusqu’à nos jours, c’est celle de Lago di Giuturna, donnée à l’emplacement d’un lac desséché par Paul V et qui était situé près de Monte Savelli à l’ouest d’Albano » ; déjà, en 1829, Westphal rappelait que le lac portait indifféremment le nom de Turnus ou celui de Giuturna (Röm. Kampagne..., p. 26). Ce report du toponyme Giuturna sur le lac, loin de prouver, comme on le veut généralement, son artificialité, pourrait au contraire s’expliquer par son enracinement sur les pentes du Monte Savello : dans la toponymie, comme dans la mythologie, les deux noms formaient, si l’on peut dire, système. Bien entendu, si cette lecture est juste, elle aboutirait à redoubler la densité du texte de Virgile (Aen., 12, 134), mettant en scène, dans un lieu qu’on a identifié comme étant le lucus Ferentinae, et Turnus et Juturna.
199 Voir par ex. Friedrich Johann Lorenz Meyer, notant dans ses Tableaux d’Italie (Darstellungen aus Italien, 1792) : « Ici à l’ombre de grands chênes, une source claire comme le cristal coule avec un doux murmure. » (rééd. E. Chevallier, Naples, 1980, p. 152). C’est à ce point d’eau et à ce versant que Bonstetten fait allusion dans une de ses lettres en 1807 (in Italiam !, p. 269) : « Trois sources abondantes visibles nourrissent le lac. Deux viennent de l’emplacement de l’ancienne Albe et pourraient servir à prouver la position de la ville ».
200 En 1729, Michel Guyot de Merville, dans son Voyage hist. d’Italie, note la présence à Castel Gandolfo, à l’entrée du Palais des Papes, d’un puits « fort grand et fort profond » (vol. 1, p. 142), quoique dépourvu d’eau.
201 Cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 164, p. 184-185 et p. 209-212 : à l’époque moderne, ce réseau, cédé par les Savelli à la commune d’Albano, sera restauré et remis partiellement en fonction en 1607. À noter l’inscription CIL, 14, 2466 que Lanciani, comme Desjardins (o.c., p. 71), rapportent à l’emissarium (réf. infra n. 233) ; l’inscription, trouvée près de Bovillae, fait état d’un riuus aquae Albanae.
202 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 502 pour l’approvisionnement de Rocca di Papa ; sur celui d’Albano (avec l’eau de Pentimastalla), ib., 2, p. 194, p. 208 et 4, p. 471 ; pour Marino, ib., 4, p. 190 ; sur la qualité de l’eau, ib., 2, p. 208-209. Le site des Campi d’Annibale, sur le Monte Cavo, est pourvu de deux grosses sources : l’une au lieu-dit Sotto Pozzo Lanello (ou Sanello), cf. ib., 4, p. 504 ; l’autre, découverte (ou redécouverte) et exploitée à partir de 1610 (ib., p. 449). Pour le lac, cf. aussi la carte dressée par P. Chiarucci, p. 66 de l’o.c. supra n. 132. Plus généralement, sur le problème de la limite altimétrique supérieure des sources dans le massif albain, cf. C. Romero, Il Lazio, Rome, 1931, p. 26.
203 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 409 : « L’acqua di cui in Frascati era gran penuria ». À la Renaissance, les villas et la ville furent approvisionnées par des eaux venues du territoire de Grottaferrata ou de celui du mont Algide, avec l’acqua Algidosia, captée à l’initiative de Siste IV (o.c., p. 424).
204 Voir, pour un inventaire de traces d’occupation dès les premières phases de la civilisation latiale, M. Angle et A. Guidi, in Doc. Alb., s. II, 1, 1979, p. 43-66 ; tessons du viiie s. av. J.-C. mentionnés in Arch. Laz., 10, p. 209 (L. Quilici).
205 Il s’agit de la citerne, généralement considérée comme archaïque, mise au jour suite aux fouilles ordonnées en 1825 par Lucien Bonaparte (sur lesquelles on verra, in Xenia antiqua, 1, 1992, l’art. d’A. Pasqualini, p. 161-186), et qui alimentait la fontaine dite des édiles, en raison de l’inscription (CIL, 14, 2626) qui l’ornait ; fontaine encore visible jusque dans les années 1950 (dessin in Tomassetti, C.R., 4, p. 380, fig. 51), aujourd’hui presque enterrée. On peut voir dans la très intéressante « Ricerca topografica a Tusculum », publiée par L. et S. Quilici dans le vol. 10 d’Arch. Laz., 1990, p. 205-225, que le sous-sol de la colline de Tusculum est littéralement truffé de citernes (cette étude en mentionne plus d’une par page). Même si beaucoup d’entre elles sont sans doute d’époque classique, et peut-être aussi celle de la fontaine des édiles, comme semblent le suggérer les auteurs lorsqu’ils parlent de « cosiddetta cisterna arcaica » (p. 212), il est pour ainsi dire inévitable que plusieurs d’entre elles soient, au moins dans leur premier état, de date archaïque, puisque des vestiges de fortifications remontant à cette époque et la présence de tessons du viiie s. sont attestés sur le site (ib., p. 210), impliquant l’existence d’un centre habité et donc la nécessité d’une autosuffisance, fût-elle temporaire, de l’alimentation en eau. Il y a aussi, à l’est de l’acropole, tout un système de cuniculi destinés au captage des eaux, pour lequel on verra : A. Sasso, L. di Blasi, « Un cunicolo per la captazione di acque a Tuscolo », in Boll. Un. St. Art., 23, 1989, p. 15-19.
206 Sur la carte IGM : cf. IAL 2, p. 25.
207 Encore au xixe siècle, et réduite ensuite à un mince filet d’eau, comme l’observait, non sans ironie, Beloch cité in C. Ampolo, PP, 36, 1981, p. 221. Il s’agit de la source dite « Capodacqua », dont on trouvera une ancienne description (1566) in Tomassetti, C.R., 4, p. 255.
208 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 284 ; T. Ashby, The Aqueducts of Ancient Rome, Oxford, 1935, p. 159 ; P. Grimal, éd./trad. de Frontin, Les aqueducs de la Ville de Rome, Paris, 1944, p. 71, n. 20 (à propos de Front., 8, 2).
209 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 292 ; le site se trouve à 1,5 km au s.-e. de Grottaferrata : cf. Ashby, o.c., p. 162-164, et Grimal, p. 72, n. 23.
210 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 4.
211 Source captée à l’époque moderne pour les besoins d’Albano : cf. Tomassetti, C.R., 2, p. 263. Le versant de l’Artemisio du côté du Monte dei Ferrari est également riche en petites sources, souvent saisonnières : cf. A. Molinaro, Lazio e Sabina, 1, 2003, p. 147.
212 Pour un temple sur l’Artemisio, cf. supra n. 79. Après les relevés un peu vagues faits au xixe s., une fouille serait nécessaire : cf., en ce sens, L. Drago Troccoli, Lazio e Sabina, 1, 2003, p. 153. C’est là qu’il faudrait, selon Tomassetti, localiser l’Algidus mons consacré à Diane (Hr, Od., 1, 21 ; 3, 23 ; 4, 4 ; Carm. saec., 69 ; Stac., Silv., 4, 4), en le distinguant du passage de l’Algide, au débouché de la via Latina dans le territoire des Eques, dont le nom antique subsisterait sous la forme Aglio (Tomassetti, C.R., 4, p. 540-541, et Top. Arch., 1, p. 141). Cf. aussi supra n. 70.
213 Cf. supra p. 72 et p. 105.
214 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 140-141 ; la source portait aussi le nom, parlant, d’Acqua Bollicante (ib., p. 260).
215 Sur cette confluence, cf. Bonstetten, Voyage..., p. 222, et Nibby, Analisi..., 1, p. 103 et p. 108. L’émissaire est aujourd’hui à sec.
216 Cf. Tomassetti, C.R., 1, p. 8 et 2, p. 125. Sur cette soufrière, cf. aussi Capmartin de Chaupy, Découverte de la maison de campagne d’Horace, 3, Rome, 1769, p. 305 : « La campagne de Rome est celle qui en a un plus grand nombre. Outre celles de Tivoli et d’Altieri dont il a été parlé, j’en ai observé deux sur le chemin d’Albano avant les Fratochie ». C’est peut-être à un lieu de ce genre que fait allusion Pline (N.H., 2, 111, 240) : Reperitur apud auctores subiectis Ariciae aruis, si carbo deciderit, ardere terram : « On trouve chez les auteurs que dans la campagne située sous Aricie la terre prend feu si un charbon y tombe » (trad. J. Beaujeu, Paris, 1950, p. 107).
217 Michel Guyot de Merville, Voyage hist. d’Italie, 1, p. 141 : « Monte Portio n’est pas loin de Frascati. Cet endroit est situé sur le penchant d’une petite montagne, au sommet de laquelle il y a une ouverture, d’où on tirait autrefois une grande quantité de soufre. On dit qu’il y avait alors en cet endroit une certaine eau, qui bouillait d’une manière si extraordinaire, qu’elle s’élevait quelquefois à la hauteur de quinze à vingt pieds. On ajoute qu’on y voit plusieurs trous d’où sortait une fumée si violente, que si on y jettait [sic] une pierre tant soit peu grande, la force de cette fumée la repoussait dehors. À présent on n’y voit que certaines eaux brunes, qui sont si corrosives que dans un instant elles mangent jusqu’aux os la chair des hommes et des animaux qui y tombent ou qu’on y jette ».
218 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 459.
219 Tomassetti (cf. n. préc.) n’en souffle mot : le toponyme Fontana Candida qui est attesté sur le site (ib., p. 462-463) ne s’y rapporterait-il pas ?
220 Il s’agirait donc là aussi de ce que le voyageur Louis Simond, dont le Voyage en Italie et en Sicile parut en 1828, décrit comme « ces endroits stériles et blanchâtres qui exhalent une forte odeur hépatique » (1, p. 386).
221 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 337.
222 Sur laquelle on verra G. M. De Rossi, Apiolae, Rome, 1970, p. 96-97 : on notera avec l’auteur que la position de la soufrière le long de la route reliant Lavinium aux Colli Albani revêt une particulière importance. Le site, que Carcopino, après Bonstetten, avait pu voir intact, est aujourd’hui complètement dévasté : cf. Preistoria e Protostoria..., p. 65.
223 Bonstetten, o.c., p. 209 et s. ; Carcopino, Virgile et les origines d’Ostie, Paris, 1919, p. 338 et s. ; autres réf. in Lavinium, 1, Topografia generale, fonti e storia delle ricerche, sous la dir. de F. Castagnoli, 1972, p. 93-94. À cette identification déjà acquise du site de la Solfatare lavinate comme étant le siège de l’oracle virgilien, M. Guarducci a ajouté le riche enseignement apporté par les cippes à inscriptions, trouvés sur place et publiés par elle : cf. ses articles in BCAR, 72, 1946-1948, p. 3 et s. ; ib., 76, 1956-1958, p. 3 et s. ; MDAI(R), 78, 1971, p. 87 et s. ; « Albunea », in Studi Funaioli, Rome, 1955, p. 120 et s.
224 Cf., outre les inscriptions de la Solfatare déjà mentionnées, et dont la signification mantique nous paraît difficilement niable, Prob., ad Georg., 1, 10 et Claud. Donat., ad Aen., 7, 80, cités par F. Castagnoli, o.c., p. 59. Sur le sanctuaire de Tor Tignosa, cf. aussi M. G. Granino Cecere, in MEFRA, 104, 1, 1992, p. 125-143, « Epigrafia dei santuari rurali del Latium Vetus » (partic. p. 127-129), qui souscrit à l’interprétation (Guarducci) oraculaire (S. Weinstock, lui, in Fest. A. Rumpf, Cologne, 1952, p. 151-160 et in JRS, 50, 1960, p. 115, n. 38, pensait à un sanctuaire lié à la célébration de la fécondité, à tort nous semble-t-il). Tout ceci fait penser à la déesse Méfitis, sur laquelle on verra : Méfitis d’après les dédicaces lucaniennes de Rossano di Vaglio, par M. Lejeune, Louvain-La-Neuve, 1990, qui cite l’Albunea (p. 49), mais avec une localisation inexacte à Tibur.
225 Cf. supra n. 223.
226 Sur cette présence du sacré dans la nature telle que l’expriment les poètes, cf. P. Grimal, « La vie des sources », in Corps écrit, 16, 1991, p. 49-55.
227 Fest., 247 L. Comme on le sait, pour cette partie du lexique de Verrius Flaccus, l’abrégé de Festus est malheureusement perdu. Un écho de cette définition (modernisée dans la mesure où elle est appliquée au cas des villae) s’entend (comme le note Lindsay dans son éd. des Gloss. Lat., 4, 1933, ad loc.) dans le commentaire de Servius, Georg., 2, 381 : Pagani dicti sunt quasi ex uno fonte potantes.
228 Sources in Schwegler, Röm. Gesch., 1, 1867, p. 384. De même, les Vestales de Lavinium devaient-elles, au témoignage de Servius (ad Aen., 7, 150), aller chercher l’eau nécessaire à leurs rites dans le Numicius, qui coulait au pied de la citadelle. Pour l’identification du Numicius avec le Rio Torto (Nibby, Nissen, Rehm, etc.) plutôt qu’avec le Fosso di Pratica (Cluver, Holstein), cf. F. Castagnoli, Lavinium, 1, 1972, p. 91-92. On évoquera aussi le cas de la mère de Caeculus.
229 Nous renvoyons, pour ces aspects, à la suggestive communication de M. Torelli in Etruschi maestri..., « L’acqua degli Etruschi, dalle forme ideologiche alle pratiche sociali » (p. 19-28), qui, malgré son titre, traite plus du Latium que de l’Etrurie.
230 Consulter U. Ventriglia, Idrogeologia della Provincia di Roma, Rome, 1988 à 1990, 4 vol.
231 Sur ces aspects, voir en particulier La Blanchère, in MEFRA, 2, 1882, p. 209-210.
232 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 155-160.
233 CIL, 14, 2466 (cf. aussi ib., 2467). Il s’agit d’une inscription rapportant un décret pris par les décurions de Castrimoenium accordant un lieu pour la sépulture d’un certain M. Iunius Monimus, affranchi de Silanus, le riuus aquae albanae (mentionné à deux reprises) formant l’une des délimitations du lieu choisi. La pierre, datée de 31 ap. n. è., et maintenant conservée au Musée du Capitole, fut trouvée en 1632 dans les jardins de la Villa Colonna, près de Colle Cimino, sur le site de la vigna Bevilacqua qui est peut-être, si elle doit être identifiée avec celui de la vigna Settimi (de localisation inconnue), le lieu du forum de Castrimoenium : cf. Ashby, « Class. Top. Rom. Camp. III », in PBSR, 5, 1910, p. 265 et s. ; cf. aussi Mommsen, eph. ep., 1, p. 60 et s. ; Nissen, It. Land., 2, p. 582 ; Tomassetti, C.R., 4, p. 181 ; Lanciani, I Commentarii di Frontino intorno le acque e gli acquedotti, Rome, 1880, p. 120. On doit en tout cas rejeter, nous semble-t-il, l’interprétation de Desjardins, qui voyait dans le riuus aq. albanae une désignation de l’emissarium du lac, car elle était fondée sur une localisation inexacte de la pierre à Bovillae, et ne conviendrait pas avec la mention de Castrimoenium (Essai sur la topographie du Latium, Paris, 1854, p. 71). Pour d’autres (B. Rehm, Das geographische Bild des alten Italiens in Vergils Aeneis, Leipzig, 1932, p. 54 ; F. Castagnoli, Lavinium, 1, 1972, p. 90, n. 11), il s’agirait plutôt du Fosso di Malefede, prolongement du rivo Albano. Autre exemple épigraphique (trouvé au kilomètre 11 de la voie Prénestine, au casale dell’Olmo) où un cours d’eau sert de délimitation, l’inscription funéraire fragmentaire publiée pour la première fois par L. Quilici, in Collatia, p. 310.
234 Cic., leg. agr., 3, 2, 9 ; Front., aq., 9 : l’allusion de Cicéron comme la description de Frontin, qui rapportent tous deux la Crabra au territoire tusculan, ne s’appliquent qu’à son parcours dans la zone du Ponte Squarciarelli : cf. Front., 9, 4, Praeter caput Iuliae transfluit aqua quae uocatur Crabra.
235 Voir la démonstration d’Ashby, in PBSR, 5, p. 232 et p. 386-388 : il s’agit d’un lieu situé sous le Colle Bartolucci, au nord du 18e mille de la Voie Latine.
236 Voir in A.P. Frutaz, Carte..., 3, cartes n° 261 et n° 268, où le rapport entre la viabilité et l’hydrographie apparaît clairement.
237 Cf. Tomassetti, C.R., 4, p. 156 et Top. Arch., 1, p. 213 : la Crabra est devenue au Moyen Âge l’aqua Capra et est dite aujourd’hui Marrana dell’Acqua Mariana.
238 Beaucoup étant transformés en égouts souterrains : cf. Preistoria e Protostoria..., p. 47 et p. 54.
239 Cf. C. F. Giuliani, Tibur. Pars Prima (Forma Italiae, 1, 7), Rome, 1970, p. 13 : l’Anio était navigable au moins jusqu’à Ponte Lucano, ce qui expliquerait l’importance du site de Tibur. Sur cette navigabilité de l’Anio, cf. Strab., 5, 3, 10, C 239.
240 Voir notamment l’important colloque Il Tevere e le altre vie d’acqua del Lazio antico, Rome, 1986 ( = Arch. Laz., 7, 2), sous la dir. de S. Quilici-Gigli, et plus particulièrement l’article de cette dernière (p. 71-81), « Scali e traghetti sul Tevere in epoca arcaica ». Le territoire de la Surintendance de Rome ne comprenant pas les Colli Albani, ces derniers restent exclus des études rassemblées dans ce volume.
241 À Colonna, dans la partie septentrionale des monts Albains, sur un site qui, jusqu’à l’époque classique, était un site lacustre (cf. le toponyme « Laghetto »), on a retrouvé dans une tombe d’enfant un modèle réduit de barque qui, bien évidemment, implique l’existence d’embarcations réelles : cf. G. Ghini, A. Guidi, in Arch. Laz., 6, 1984, p. 72. Du point de vue de l’étude du terrain, d’autre part, cf. les conclusions élaborées pour toute la zone du s.-e. de Rome par G. Carboni et E. Ragni dans le cadre du bilan Preistoria e Protostoria..., p. 47. On peut songer aussi au cas de l’Astura qui, descendant du massif albain jusqu’à la mer, était encore navigable au xviiie s. : cf. M. Maaskant-Kleibrink, Settlement Excavations at Borgo Le Ferriere (Satricum), 2, Groningen, 1992, p. 108, n. 3.
242 Voir in Il Tevere..., l’important bilan collectif présenté sous le titre « Preistoria e Protostoria nel territorio di Roma. Modelli di insediamento e vie di comunicazione » (p. 30-70) ; il s’agit, jusqu’au néolithique, d’habitats établis seulement pour une durée limitée : cf. p. 66 ; seuls sont recherchés alors les petits cours d’eau, c’est-à-dire ceux qui ne risquent pas de faciliter les mauvaises suprises : cf. p. 49-50 et p. 54.
243 Ib., n. préc., p. 55 et p. 58. Bien entendu, il y a un lien direct entre la stabilité d’occupation des sites d’habitat et l’utilisation des voies d’eau et de leurs vallées comme moyens de communication : ce double processus commence à se manifester au Bronze moyen (cf. p. 68). Au Bronze final, la tendance est désormais systématique (cf. p. 63).
244 Ib., p. 59, fig. 12 ; p. 61, fig. 13 ; p. 64, fig. 14.
245 Inscription indiquant le nombre de fistulae adjugé à chaque propriétaire, l’horaire autorisé pour les prises d’eau, et comprenant un schéma topographique : cf. Mommsen, in Zeitschr. f. geschichtl. Rechtswiss., 15, p. 307 et s. ; mais l’attribution « n’est pas absolument certaine » : cf. P. Grimal, o.c., p. 72, n. 26.
246 Cippe, datable à la fin du iie s. av. n. è., trouvé vers 1941-1943, publié in NSA, 1970, p. 364-371 ; cf. aussi L. Quilici, in Collatia, p. 574.
247 Cf. infra p. 693.
248 Cf. F. Castagnoli, in Lavinium, 1, 1972, p. 92.
249 Cf. G. Sergi, Da Alba Longa a Roma, Turin, 1934, p. 162, et R. Werner, Der Beginn der römischen Republik, Munich, 1962, p. 426 et p. 440.
250 Cf. Strab., 5, 3, 9, C. 237, p. 93 (éd. Lasserre) ; Nibby, Analisi..., 32, p. 369.
251 In Hermes, 54, 1919, p. 132-133.
252 Bibl. in L. Quilici et S. Quilici-Gigli, Crustumerium, Rome, 1982, p. 209, n. 222.
253 Liv., 26, 11 ; cf. aussi Sil. Ital., 12, v. 536-540 ; 13, v. 1-6 et 82-85 ; voir une présentation des différentes hypothèses modernes sur ce point in F.W. Walbank, A Historical Commentary on Polybius II, Oxford, 1967, p. 121-124 ; cf. aussi L. Quilici et S. Quilici-Gigli, Crustumerium, p. 207-210 et p. 273-275, et infra p. 704 et s.
254 Cité par Ampère, Hist. r., 1, p. 50.
255 Fest., 284 L : Peremne dicitur auspicari, qui amnem, aut aquam, quae ex sacro oritur, auspicato transit ; la relative quae... oritur est là pour exclure les flux temporaires, et signifie que l’auspice concerne tout cours d’eau issu d’une source permanente : on sait en effet par Servius (ad Aen., 7, 84) que nullus enim fons non sacer. Sur le vocabulaire augural dans le De verborum significatu, on nous permettra de renvoyer à nos études publiées dans R.Ph., 67, 1993, p. 57-73 et 263-285, sous le titre « Intermortua iam et sepulta uerba, Fest. 244 L : le vocabulaire de la divination chez Verrius Flaccus ».
256 Cf., pour tous ces aspects, L. A. Holland, Janus and the Bridge, Rome, 1961, partic. p. 9-20.
257 Cf. le texte de Servius, ad Aen., 9, 24, cité par L. A. Holland (p. 20, n. 48).
258 Les efforts de L. Holland pour référer cet usage à un contexte strictement romain peuvent maintenant être reconsidérés à la lumière des fouilles récentes montrant la réalité de la coupure hydrographique traversant le Forum. Par contre, la liaison proposée par cet auteur avec Ianus est erronée. Enfin, le fait que l’amnis Petronia du Champ de Mars ne constituait pas une limite topographique, selon ce qu’a montré F. Coarelli (Il Campo Marzio, Rome, 1997, p. 150 et s.), n’est pas contradictoire avec les observations présentées ici, dans la mesure où le geste de l’augure attesté par Servius (cf. n. préc.) était nécessaire pour assurer la continuité de l’auspicium lors du franchissement de ce ru.
259 Aux deux monographies, dues toutes deux à G. M. De Rossi, celle sur Apiolae (c’est-à-dire la zone de Castel Savello), parue en 1970 comme vol. 9 de la Forma It. (Reg. I), et celle sur Bovillae (I, vol. 15), de 1979, ajouter M. Lilli, Ariccia. Carta archeologica, Rome, 2002, et M. Valenti, Ager Tusculanus, Florence, 2003.
260 La recherche s’est focalisée sur le thème, du reste fort important mais différent, de la délimitation de l’ager Romanus antiquus : bibl. et état de la question in The Cambridge Anc. Hist., 2e éd., 7, 2, 1989, p. 245 et s., par T. J. Cornell. Dans sa Römische Geschichte bis zum Beginn der zweiten punischen Kriege, Rome, 1926, Beloch souligne lui-même que le panorama qu’il dresse n’est à considérer que comme un bilan provisoire et incomplet. On sait que la notice sur la vie et l’œuvre de G. Beloch, Allemand professant à Rome, dans le Dizionario biografico degli Italiani, fut rédigée par cet autre exilé illustre que fut A. Momigliano (vol. 8, Rome, 1966).
261 Cf. Röm. Gesch., p. 172.
262 Ib. Pour l’une de ces « stipes votives », en fait décharge constituée au ve siècle après n. è., voir l’inventaire de T. W. Potter, Una stipe votiva di Ponte di Nona, Rome, 1989. Pour une description détaillée du site et de sa localisation exacte sur la colline, aujourd’hui complètement détruite, cf. L. Quilici, Collatia, p. 363-383.
263 Cf. L. Quilici, Fidenae, p. 387.
264 Cf. Beloch, o.c., p. 176.
265 Indiquant, en 1926, o.c., p. 183, qu’il renonce à sa localisation précédente du caput aquae Ferentinae près d’Aricie, localisation qui avait été suivie par Pais et Nissen, Beloch, peut-être effrayé par les audacieuses déductions que n’avait pas manqué d’en tirer Pais (qui a droit à une verte réprimande...), choisit alors, non pas le site traditionnel de Capo d’Acqua, mais celui du Ponte degli Squarciarelli, en supposant que le nom de caput aquae Ferentinae aurait ensuite été remplacé par celui de caput aquae Iuliae au moment de la construction de l’aqueduc d’Agrippa.
266 C’est l’explication, à laquelle nous souscrivons, que présente L. Quilici à propos des Tutienses, in Crustumerium, p. 209 et s.
267 Voir, entre autres, le travail collectif cité supra n. 242.
268 À quelques exceptions notables, dont celle de M. Guaitoli, « Urbanistica », dans le vol. 6 d’Arch. Laz., 1984, p. 364-381 (partic. p. 365-373). Il faut bien voir, de toute façon, que le manque, dans la plupart des cas, d’indicateurs chronologiques fait que le nombre des systèmes de fortification que l’on peut aujourd’hui dater sûrement du viiie siècle est très inférieur au nombre de défenses érigées effectivement à cette période. Il reste que l’on dispose déjà d’exemples datés, à Decima, Acquacetosa, Ficana, La Rustica, et à Rome ; enfin, à Ardée et Lavinium, le terminus ante quem pour la première phase des vestiges ne peut être fixé au-delà du viie s. Voir L. Quilici, « Le fortificazioni ad aggere del Lazio antico », in Ocnus, 2, 1994, p. 147 et s., et A. Ziolkowski, « The aggeres a. the rise of urban communities in early iron age Latium », in Archeologia, 56, 2005, p. 31-51.
269 Cf. l’étude de M. Torelli indiquée supra n. 229.
270 Reste le cas de Romulus, dont une version de la légende place la mort au palus Caprae (cf. F. Coarelli, Il Campo Marzio, o.c., p. 57) ; c’est que, précisément, contrairement aux deux exemples cités ci-dessus, la figure de Romulus est, comme chacun sait, loin d’être univoque. Pour Amulius, on peut se demander si la légende n’est pas le reflet édulcoré d’anciennes croyances – et pratiques – du type de celles qu’avait étudiées G. Glotz dans L’Ordalie dans la Grèce primitive, Paris, 1904, partic. chap. 3 et 4.
271 Voir notamment l’étude d’A.J. Ammermann, « On the Origins of the Forum Romanum », in AJA, 94, 1990, p. 627-645, notamment à propos des vestiges trouvés près de l’Equus Domitiani.
272 Cf. J. Mertens, Alba Fucens, 1, Bruxelles/Rome, 1969, p. 40 : le lac, long d’à peu près 19 km dans l’Antiquité, avait une surface de 155 km2 et une profondeur moyenne de 22 m.
273 Cf. J. Mertens, o.c., p. 33 et p. 54, et aussi, « Alba Fucens. À l’aube d’une colonie romaine », in R. Top. Ant., 1, 1991, p. 93-112. Les indications d’Appien (BC, 3, 45 et 47 ; 5, 30) qu’on cite à ce propos ne sont pas très précises. L’existence d’autres Albes, dont le site ne présente pas toujours les caractéristiques ici décrites, ne contredit pas l’interprétation que nous proposons, dans la mesure où il s’agit alors d’un toponyme fréquent et bien antérieur à la conquête romaine : c’est par exemple le cas d’Alba Augusta (Aupt sur la Du-rance) et d’Alba Helvorum (Aps) en Gaule Narbonnaise, d’Alba Docilia (Albissila ?) et d’Alba Pompeia (Cuneo) en Ligurie.
274 Cf. en ce sens, déjà, Hülsen, in R.E., 1, 1894, col. 1300 ; contra, J. Mertens, o.c., p. 38.
275 Cf. F. de Visscher, « Jules César patron d’Alba Fucens », in Ant. Class., 33, 1964, p. 98-107, et id., in RPAA, 26, 1963, p. 145 et s. L’inscription a été complétée par M. Buonocore grâce à un nouveau fragment confirmant pour César le titre de patronus municipi : « Sul frammento cesariano di Alba Fucens : CIL, 12, 2966 », in Ostraka, 3, 1994, p. 245-247.
276 Cf. Suétone, Caes., 44, 5, et Plut., Caes., 58.
277 Cf. Tac., An., 11, 24, et CIL, 13, 1668.
278 Cf. Suét., Cl., 20 ; Cass. Dio, 60, 1-5 ; Tac., An., 12, 56 et 57 ; cf. R.E., 7 A, 1910, s.v. Fucinus lacus, col. 192-193. Voir aussi l’article de Ph. Leveau, « Le drainage du lac Fucin », in Annales ESC, 48, 1993, p. 3-16 (avec bibl.), et K. Grewe, Licht..., p. 91-98.
279 Ce rapprochement entre l’initiative de Claude et le précédent albain nous avait été suggéré par P. Grimal à l’occasion de notre étude « Ferentina », p. 294.
280 Cf. D. Musti, « Una città simile a Troia : da Siri a Lavinio », in Arch. Class., 33, 1981, p. 1-26. La démonstration reste valable, même tenu compte des modifications géomorphologiques intervenues depuis l’Antiquité, sur lesquelles on verra E. C. F. Bird, P. Fabbri, « Archaeological evidence of coastline changes illustrated with reference to Latium, Italy », in Déplacements des lignes de rivage en Méditerranée d’après les données de l’archéologie, P. Trousset éd., Paris, 1987, p. 107-113.
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