Pour le lustre des seigneurs
Le recours aux hommes illustres dans les seigneuries urbaines (Italie, fin du Moyen Âge)
Résumés
La contribution se concentre sur les cycles monumentaux peints à l’intérieur des demeures seigneuriales du centre et du nord de l’Italie, à la fin du XIVe et au long du XVe siècle. Représentés sur les murs, souvent en pied, les hommes et les femmes illustres peuplaient les résidences privées comme les édifices publics des pouvoirs communaux ou princiers. Leurs images se déployaient au sein d’une culture où la liste était une façon d’appréhender le monde, où le catalogue de biographies devenait une manière de comprendre l’histoire et d’écrire le présent. Les cycles d’hommes illustres ornèrent les domus des seigneurs car la rigidité de leur structure sérielle associée à l’adaptabilité de leur matériau – le choix des figures du passé et du présent – permettait le développement des discours articulés. Les dimensions commémoratives, célébratives et généalogiques de tels ensembles furent utilisées par des régimes qui reposaient sur un groupe familial de plus en plus restreint. Ils les enrichirent encore de la profondeur temporelle qu’ils rêvaient d’acquérir.
The contribution focuses on monumental cycles painted at the end of the 14th and all along the 15th centuries, and decorating the rooms of seignorial residences in northern and central Italy. Figured full-length on walls, “donne e uomini famosi” peopled private abodes as well as public buildings where communal authorities or princely powers were housed. They flourished within a culture where drawing a list was a way of apprehending the world and cataloguing biographies became an attempt at both understanding History and writing the present. Representations of illustrious men adorned lordly domus because their rigid serial structuring combined with the adaptability of their subject matter – the borrowing of figures from both past and present – allowed for the unfolding of significant discourse. The commemorative, celebratory and genealogical dimensions of such groups were used by regimes relying on more and more restricted family groups. They even provided those families with the wealth of temporal depth they dreamt of acquiring.
Entrées d’index
Mots-clés : Italie de la Renaissance, seigneuries, commande artistique, peinture murale, hommes et femmes illustres, histoire, exemplum, généalogie, commémoration, gloire
Keywords : Renaissance Italy, signorie, art and patronage, wall painting, illustrious men and women, history, exemplum, genealogy, commemoration, glory
Texte intégral
1Dans l’Italie des deux derniers siècles du Moyen Âge, des régimes politiques et des groupes sociaux divers recoururent aux cycles peints d’hommes illustres. Vastes par leur étendue et leurs ambitions, ceux-ci furent réalisés en nombre. Il n’en subsiste aujourd’hui que quelques cas, spectaculaires, souvent fragmentaires comme celui que la commune d’Ancône fit réaliser, au milieu du Quattrocento, dans le palais des Anciens. De hautes figures armées, peintes en terra verde, s’y dressaient sous des arcades feintes d’un rouge éclatant1. D’autres cycles ne sont plus connus que par les inscriptions qui les accompagnaient et que l’on avait relevées. Notre contribution portera une attention particulière aux cycles monumentaux peints sur les murs et composés des grandes figures en pied. Il faut dès à présent souligner la grande lisibilité de ce dispositif visuel dont il fut fait usage dans des milieux variés : un seul est retenu ici, celui des seigneuries, urbaines avant tout, du centre et du nord de la péninsule. Pour réduit qu’il paraisse, ce corpus présente l’avantage d’une double cohérence formelle et contextuelle : les conclusions de l’analyse devraient en paraître plus claires.
2Bien des seigneurs constituèrent, donc, à l’intérieur de leurs résidences qui reçurent peu à peu, au fil du XVe siècle, le nom de palais, des panthéons2 d’hommes et de femmes, des assemblées d’individus singuliers qui étaient considérés non comme des saints mais comme des héros, des exemples à suivre, ou encore des figures d’une importance telle que la grandeur qui leur était attribuée était perçue comme celle de leur époque tout entière3. L’objet de notre étude est de proposer l’esquisse d’un paysage composé de grands cycles seigneuriaux, et de dénouer l’entrelacs des discours qu’ils construisirent. Deux fils permettront de tracer notre cheminement. Le premier est celui de la lisibilité d’un objet visuel fréquent, si ce n’est commun, s’offrant aisément à des lectures didactiques, commémoratives, célébratives ou élogieuses. Le deuxième fil est celui des significations plus spécifiques qui se déployèrent selon les perspectives seigneuriales, se surajoutant aux précédentes, les infléchissant ou cohabitant avec elles.
3L’étroitesse du corpus rend difficile – eût-elle été scientifiquement valable – la reconstitution d’une évolution en arborescence – eût-elle jamais existé – qui aurait vu les représentations d’une petite troupe d’hommes d’État et de guerriers de l’Antiquité étoffées, au fil d’une chronologie claire associée à des évolutions politiques marquées, par un renfort de reines combattantes du passé ou, encore, de contemporains, capitaines eux aussi, poètes, lettrés ou juristes. Il faut abandonner un tel projet. Sans renoncer pour autant à la chronologie, notre propos s’organisera selon trois pistes de réflexion dont aucune n’épuise à elle seule le sens de l’un ou de l’autre des cas considérés. La première piste sera celle de la structure sérielle de programmes picturaux désignant l’exceptionnalité des personnages. Elle fut investie par l’humanisme qui sut l’interpréter selon ses préoccupations propres, mais qui n’en eut jamais le monopole. Parcourir la deuxième piste permettra de souligner que des cycles construits sur la répétition permirent aux seigneurs de se projeter dans des temporalités multiples, celle du passé d’actions héroïques révolues ou celle de l’éternité de la gloire, celle de l’ancienneté continuée d’une lignée généalogique ou celle d’un présent exalté. La troisième piste, enfin, conduira à étudier la division des séries en des sous-ensembles se répondant, hommes et femmes, armes et lettres, et faisant entendre de nouveaux échos dans les situations de pouvoirs changeants.
Une représentation structurée selon un dispositif sériel rigoureux et signifiant
4Dans les arts visuels comme dans les écrits littéraires, le thème des hommes illustres se développa à partir du Trecento et connut un succès remarquable au siècle suivant. Il ne s’agit ici pas tant d’en retracer de supposées origines que d’associer sa mise en forme à un ensemble d’expériences auxquelles il se rattacha et dont il se distingua par endroits.
5Peintes ou sculptées, les théories de grandes figures exemplaires évoquaient la représentation des saints, tels qu’ils apparaissaient sous les arcs brisés en bois doré des polyptyques, ou encore celle des vices et des vertus. Autour de 1425, Ottaviano Nelli dressa douze de ces personnifications féminines dans la salle d’une riche demeure de Gubbio, exécutées à fresque à l’intérieur d’édicules en trompe-l’œil voûtés sur croisée d’ogives4. Les vertus étaient devenues, depuis le XIVe siècle, des éléments « incontournables de l’univers visuel et intellectuel aussi bien des laïcs que des clercs » italiens5. Comme les saints et les vertus, les hommes illustres furent fréquemment représentés en buste ou à mi-corps, dans des médaillons ou des formes polylobées, ou encore en pied, sous des arcades. Leur alignement sur un registre unique d’une même surface favorisait la mise en valeur de combinaisons thématiques tout en autorisant le jeu délicat des variations formelles. Sur la façade de la chapelle funéraire du seigneur-condottière Bartolomeo Colleoni, achevée par Giovanni Antonio Amadeo à Bergame en 1476, les éléments sculptés de différents répertoires, apôtres et héros antiques couronnés, furent disposés sur les mêmes pilastres, inscrits tantôt dans des cercles tantôt dans des losanges régulièrement alternés6. Une première lecture s’imposait, favorisée par la proximité des portraits en des compartiments verticaux, en dialogue avec les vertus disposées sur des registres horizontaux de part et d’autre des ouvertures. Avant toute identification, les grands personnages apparaissaient comme des modèles de comportement, des personnifications de très hautes qualités. Une telle expérience visuelle était courante. Elle encourageait les associations mentales autour d’un thème simple, par delà ou en deçà des interprétations érudites.
6Les représentations composant ces dispositifs sériels fonctionnaient sur le mode de l’accumulation. Au cours des années 1450-1470, Colleoni fit orner les plafonds de l’une de ses demeures, à Brescia cette fois, de près de neuf cents closoirs où avaient été peints des animaux d’un riche bestiaire, des armoiries, des figures allégoriques ainsi que des personnages de haut rang et des guerriers. Les plus de trois cents tavolette du grand salon et de son vestibule, à l’étage noble, réservaient une large place aux portraits peints à mi-corps et vêtus à l’antique de héros et d’héroïnes du passé. Des inscriptions permettaient d’identifier les membres de cette assemblée, elles désignaient Lucrèce, Guenièvre, Poppée ou Penthésilée, Claude, Priam ou encore Tibère7. Pour sa forteresse de Malpaga, le condottière eut recours à un dispositif similaire où apparurent cette fois, parmi tant de héros, Castor et Diomède. De telles mises en série, impressionnants catalogues visuels8, établissaient un rapport dialectique entre chacun des membres du groupe, et le groupe lui-même. Si des attributs, des noms sur des phylactères, voire des strophes versifiées et érudites, telles celles écrites par Francesco Filelfo à Milan dans les années 14509, identifiaient chaque héros pour lui conférer individualité et singularité, le personnage n’en était pas moins, au même moment, perçu comme membre d’une foule dont il tirait ses caractéristiques premières.
7Le fonctionnement du dispositif visuel présentait des analogies avec celui de la liste dont la littérature faisait alors un usage abondant10. L’énumération, parce qu’elle se déploie à travers une forme qui n’est pas nécessairement fermée, est une des modalités d’appréhension d’un monde qui déborde les capacités finies du sujet11 : utilisée avec des hommes illustres, elle suscite un vertige car elle souligne que, par leur nature ou par leur nombre, ils dépassent ceux qui se tiennent devant eux. Pétrarque recourut fréquemment au procédé et fit de la liste de personnages l’élément constitutif de ses Triomphes dont la postérité fut immense12. Dans le poème comme dans les œuvres composées sur un principe similaire, la sélection des noms reposait certes sur la pertinence des figures à l’intérieur d’un réseau de significations érudites, mais elle obéissait également aux impératifs de la métrique et de la sonorité, et le défilé de grandes figures agissait, pour une part, par évocation. À l’intérieur des systèmes persuasifs médiévaux, les références étaient en effet choisies « plutôt pour leur teneur que pour leur éventuelle perfection formelle et/ou conformité intrinsèque13 ». Leur succession rapide permettait la concrétion du prestige dont elles étaient porteuses, sans que les causes précises de ces associations aient toutes eu à être clairement remémorées. Comme l’écrit Jacqueline Cerquiglini-Toulet, ces « listes de noms […] [étaient] des cristallisations de renom14 » à une époque où se développait, précisément, la réflexion sur une gloire liée à l’exercice des vertus15.
8Les grands hommes étaient figurés pour des raisons variées qui pouvaient être complémentaires. Il s’agissait de commémorer ces personnages et la virtus qui les avait animés, de magnifier les héros comme les époques qui les avaient vu vivre, de célébrer le dirigeant qui se posait comme l’égal de ces derniers, leur continuateur ou leur descendant, de proposer des modèles pour l’actuel et l’à venir. Exaltant son seigneur, le dominicain Galvano Fiamma rapporta au milieu du Trecento qu’Azzone Visconti aurait été représenté dans la grande salle de ses demeures, peint parmi un aréopage de preux de toutes les époques illuminés par la Gloire. Au milieu des Gentils qui comptaient Énée, Attila, Hector ou Hercule, il y aurait été, avec Charlemagne, le seul chrétien16. Le rôle dévolu aux images de personnages exceptionnels était ancien mais il connut une revalorisation au sein du mouvement humaniste qui, en pleine structuration à la fin du XIVe et au début du XVe siècle17, donna aux cycles des héros une nouvelle portée en raison de la capacité de ces formes visuelles à accueillir certains aspects structurants de son projet. Parmi ceux-ci vint, en premier lieu, l’exemplarité des grands hommes de l’Antiquité, romaine en particulier sur laquelle les programmes humanistes tendirent à se focaliser ; ensuite, le concept de virtus lié à l’idée d’une dignité humaine supérieure manifestée par des actions individuelles dans le cours de l’histoire ; enfin, la capacité du présent à se laisser revivifier par le passé pour que renaisse un âge de lumière18. Ces éléments nourrirent une nouvelle écriture historique centrée sur les biographies où le héros était le moteur de l’histoire humaine. Composer la biographie d’un homme d’État ou d’un grand capitaine devenait la meilleure façon d’écrire l’histoire de son temps19. Comme les récits consacrés à leur vie, la représentation des uomini illustri devait encore permettre de « célébrer les acteurs politiques du présent en modelant leur physionomie sur celle des héros antiques »20. Nombre de ces biographies furent composées au sein de recueils, dans le cadre de véritables biographies collectives21 construites selon les principes prisés par les humanistes de mise en série et de parallélisme historique – entre des figures d’époques différentes et révolues, comme entre celles du présent et du passé22. Dans cette évolution de l’écrit historiographique, le De uiris illustribus de Pétrarque constitua une étape intellectuelle importante bien que les manuscrits du texte, en latin ou en italien, ne connurent qu’une diffusion modérée23. Une seconde séquence-clef fut celle des traductions ambitieuses des œuvres anciennes comme celles des Vies parallèles de Plutarque, initiées, par partie, dès le début du XVe siècle à Florence, par Jacopo d’Angelo da Scarperia, Leonardo Bruni et Guarino de Vérone24.
9À la cour de Francesco il Vecchio da Carrara, à Padoue, Pétrarque fut un de ceux qui œuvrèrent à la conception d’un important cycle peint de héros romains. Il avait dédié au seigneur son recueil inachevé de biographies d’hommes illustres. Lui aussi engagé dans la réalisation du décor padouan au cours des années 1370, Jacopo Avanzi perfectionna peut-être là un savoir-faire qu’il avait déployé quelques années auparavant pour les Malatesta, au château de Montefiore Conca25. Dans la salle aujourd’hui dite de l’Imperator, il avait peint des scènes de batailles au-dessus d’hommes en pied, drapés à l’antique, qu’il avait logés dans des niches feintes en forme d’édicules. Au plafond, dans huit quadrilobes disposés symétriquement, il avait figuré en buste d’autres héros parmi lesquels se reconnaît encore Silvius, fils ou petit-fils d’Énée et fondateur d’Alba. Pour la grande salle de la domus des da Carrara, le dispositif visuel en trompe-l’œil fut pensé comme une évocation plus explicite encore de l’Antiquité. Les héros furent représentés sous une forme que l’on pensait être caractéristique de la statuaire par laquelle les Anciens avaient honoré leurs grands hommes. Les personnages peints s’inscrivaient dans une perspective identique à celle de leurs prédécesseurs sculptés : la commémoration et la célébration26. Pétrarque ne faisait-il pas dire à la Ratio de son De remediis utriusque fortunae, qu’il arrivait que les sculptures « pouss[ass]ent et élèv[ass]ent à la vertu en réchauffant les âmes tièdes par le souvenir des nobles exploits »27 ? Suivant une composition tripartite, les personnages peints à Padoue apparaissaient en pied, isolés grâce aux arcades évoquant des niches, accompagnés de scènes narratives imitant les bas-reliefs et de tituli réinterprétant les inscriptions épigraphiques. Sérielle et monumentale, la structure des galeries d’hommes illustres était adaptable au discours humaniste. Il s’en saisit. Des figures de proue du mouvement, au service de régimes seigneuriaux comme de systèmes communaux, contribuèrent à l’élaboration de cycles muraux ambitieux mettant en avant des hommes d’une virtus hors du commun, héroïques dans leur action en faveur de la chose publique. Coluccio Salutati rédigea vers 1390 les vers latins qui accompagnaient, dans l’aula minor du Palazzo Vecchio de Florence, une série de vingt-deux hommes illustres en armes ou en toge incarnant les vertus civiques. Il contribua vraisemblablement à la conception du programme28. Dans les seigneuries où la confiscation du pouvoir au profit d’une seule famille était en partie justifiée par les qualités supposées de ses membres et l’ancienneté prétendue de leur lignée, le dispositif pouvait être utilement déployé. Vers 1410, Ugolino III Trinci fit peupler de vingt Romains gigantesques la salle d’apparat aux murs rythmés d’arcades feintes, de la demeure qu’il venait d’ériger à Foligno29. La pièce en tira très rapidement son nom de salle des Imperatores. Le seigneur avait confié à Francesco da Fiano, humaniste de la curie pontificale auquel il était lié, le soin de composer dans un latin cicéronien érudit les hexamètres dactyliques qui étoffèrent le cycle peint30.
10Pour savants qu’aient été les hommes ayant contribué à la création de ces ensembles d’images, ceux-ci ne furent jamais la simple illustration de programmes intellectuels dont ils auraient eu la charge de transmettre les conceptions par des moyens visuels. L’humanisme ne monopolisa jamais le genre qui ne se réduisit pas à lui. Il n’épuisa le sens d’aucune de ces réalisations. Il voyait ses propres idéaux réélaborés à travers les images, et ce d’autant plus profondément que les répertoires de celles-ci se diversifiaient en intégrant des périodes historiques, des origines géographiques et des types de personnages nouveaux.
La représentation des hommes illustres, un concentré de temporalités
11Illustres, les grands hommes et les grandes femmes du passé l’étaient en raison de l’éclat de leurs actions qui, gardées en mémoire, ne sombraient pas dans la nuit de l’oubli mais éclairaient le présent et indiquaient l’avenir. Les cycles permettaient que des temporalités multiples se nouassent dans l’instant de leur contemplation, dans l’actuel du spectateur.
12À la fin du Moyen Âge, le thème de la gloire quitta le domaine du divin qui lui avait été réservé pour être l’objet de nombreuses utilisations dans le siècle. Des formes de domination variées en furent bénéficiaires et s’en trouvèrent exaltées. Dans le latin cicéronien triomphant du XVe siècle comme dans la langue vernaculaire, des écrivains de tous ordres firent de la gloire l’attribut de puissants dont ils attendaient les faveurs et qui, par leurs actions, devaient tenter de la conquérir31. Mais puisque leurs écrits étaient impérissables, dirent des auteurs qui le croyaient peut-être, ils étaient, eux, les véritables artisans de l’immortalité des héros glorieux qu’ils chantaient. Le procédé de la liste de grands personnages, de l’énumération de lieux ou d’actions, avec leurs protagonistes – que l’on pense aux nombreux récits organisés, après la Commedia de Dante, selon le principe d’une peregrinatio –, mais encore, le genre même du recueil, de nouvelles comme de biographies, laissaient la possibilité d’un ajout. Ils constituaient une concaténation non refermée, ils appelaient l’addition d’un nouveau maillon. Capitaines et dirigeants du présent furent additionnés sans difficulté à la chaîne des héros de jadis. Ils purent prétendre jouir d’une même gloire. Le dédicataire d’une œuvre ne devait pas nécessairement être intégré comme personnage au catalogue qui était la matière de celle-ci. En recevant le texte comme objet, il se trouvait apparenté aux figures qui en étaient les sujets, et, dès lors, placé dans leur lignée. Une logique similaire semble avoir œuvré à travers les galeries peintes d’individus héroïques. Le corpus conservé laisse penser que le commanditaire n’était le plus souvent pas lui-même représenté dans de tels ensembles32. Il ne se tenait pas moins présent, physiquement, au milieu des prédécesseurs glorieux qu’il avait convoqués sur ses murs. Il n’en recevait pas moins leur gloire, au risque que l’éclat de la sienne allât ensuite occulter celle de ses devanciers.
13En cette proximité rêvée, donc, différents temps s’entrelaçaient. Selon l’ordre du premier d’entre eux, le seigneur et les siens étaient l’aboutissement d’une longue histoire, sa continuation et son couronnement. Dans la loggia de leur résidence de Tagliacozzo, durant les années 1470, Roberto et Napoleone Orsini firent réaliser un cycle de vingt-deux personnages, tous dotés de tituli et disposés dans des niches feintes à l’architecture classicisante. Comme pour l’ensemble encyclopédique – d’une tout autre ampleur, il est vrai – qu’un cardinal de leurs parents avait commandé à Monte Giordano vers 143033, les frères Orsini récemment investis du comté de Tagliacozzo mirent en scène des hommes et des femmes illustres, consuls et empereurs romains, personnages bibliques, poètes latins et rois grecs, en des groupes correspondant aux âges successifs de l’humanité34. En associant le commanditaire à une longue chaîne de personnages, l’organisation d’un tel ensemble permettait de plonger les racines imaginées d’un lignage dans les périodes les plus reculées, comme le faisaient alors les mythes des origines des grandes familles35.
14Les galeries de grands hommes offraient l’image d’une continuité généalogique construite tantôt sur la transmission du sang, tantôt sur la parenté idéale des vertus. Certaines purent se faire l’écho de l’un des textes de référence de la période : l’Énéide. Au livre VI du poème, Énée est conduit par son père sur un tertre des Champs-Élysées d’où il contemple une assemblée composée d’âmes de héros. Un à un désignés par Anchise, ceux-ci attendent de s’incarner pour pouvoir écrire l’histoire de Rome dont le Troyen est une des origines36. Le motif fut repris dans une épopée, l’Hesperis, composée par l’humaniste Basinio de Parme en 1455 afin de louer l’action de Sigismondo Pandolfo Maltatesta contre un envahisseur aragonais qualifié de barbare37. Dans le poème, l’ombre du père du seigneur de Rimini annonce à celui-ci qu’il rencontrera aux Enfers les grands hommes de l’Antiquité. L’intertextualité virgilienne ouvrait l’espace de la généalogie. Basinio l’utilisa. Il inversa l’orientation du temps et rétablit la succession chronologique pour mieux servir son projet célébratif, transformant les descendants d’Énée en ascendants de Sigismondo. De façon suggestive, Roberto Guerrini avance que les strophes composées quarante-cinq ans auparavant par Francesco da Fiano au bénéfice des Trinci seraient, elles aussi, travaillées par un intertexte virgilien38. La reprise sur le mode de l’allusion et de la variation de thèmes, d’éléments de syntaxe et lexique, aurait accentué, pour un lecteur-spectateur humaniste dont il faut tout de même noter qu’il aurait été remarquablement érudit, la nature double d’ancêtres et d’exempla des Romains logés dans la sala Imperatorum de Foligno. La référence littéraire aurait redoublé le dispositif pictural pour faire des Imperatores les ancêtres véritables qu’Ugolino III aurait choisis.
15Une autre temporalité put se déployer entre le seigneur et les hommes illustres. Dans le Liber de Regnis (ou Quadriregio) qu’il dédia à Ugolino III Trinci au début des années 1400, le dominicain Federico Frezzi fit le récit d’une peregrinatio allégorique à travers les domaines des Vertus39. Dans un des premiers moments de son voyage, le narrateur-personnage rencontre le dieu Mars entouré des dix-sept plus grands guerriers que la terre ait connus. Ils lui sont présentés dans l’ordre de la chronologie du Salut, les chevaliers païens précédant les chrétiens, et de telle sorte que se dégagent parmi eux deux des trois triades constituant la série des Neuf Preux40. La forme canonique de cette dernière avait été définie un siècle plus tôt et sa représentation figurée contribua à la formalisation de celles des hommes illustres41. Les cycles des Preux et des Imperatores furent d’ailleurs peints au même étage de la demeure des Trinci à Foligno, non loin l’un de l’autre. L’épisode des baroni assemblés autour de la divinité de la guerre, nimbés de sa lumière, est conclu par Frezzi avec l’apparition de Trincia Trinci. Accompagné des Preux chrétiens auxquels il est intégré sans façon, le père d’Ugolino, qui perdit la vie lors d’une révolte, est porté aux cieux dans une clarté aveuglante. Cette apothéose ouvre deux durées. La première est celle du retour cyclique d’une fortezza immuable dans sa perfection, transmise dans sa complétude à chacun des héros depuis l’ère ante legem des « barons » païens jusqu’à celle sub gratia des chevaliers chrétiens. La deuxième durée n’est autre que celle de la marche vers le Salut et l’avènement de la Rédemption. Préoccupées par leur stabilité tout autant que par leur perpétuation à travers des successions qu’elles tentaient de maîtriser, les familles seigneuriales s’efforcèrent de contrôler ces différentes formes de temps. Les galeries d’hommes illustres qui les contenaient toutes deux constituaient un moyen supplémentaire pour persuader leurs contemporains que les case dirigeantes y étaient parvenues.
16À l’autre extrémité du Quattrocento, Giovanni Santi ouvrit ses Vita e gesta di Federico di Montefeltro par une scène voisine de celle composée par Frezzi42. L’œuvre achevée en 1482, année de la mort du duc, fut dédiée au fils de celui-ci. Dans le prologue, le narrateur pénètre dans le Temple de Mars guidé par Plutarque. Interlocuteur idéal en matière d’histoire antique et d’écrit biographique, celui-ci identifie les héros présents, depuis Alexandre et Romulus jusqu’à Filippo Maria Visconti et Sigismondo Pandolfo Malatesta. À peine les deux hommes concluent-ils leur énumération que la foule s’écarte pour laisser entrer Frédéric de Montefeltre que Mars fait asseoir à sa droite. Comme forme de l’écriture historique de l’actualité – ce que n’était certes pas le poème de Frezzi –, la biographie des hommes illustres contemporains favorisa l’assimilation de ces derniers aux grands hommes auxquels les prestigieux textes biographiques de l’Antiquité avaient été consacrés. Objets de récits centrés sur leur personne, les seigneurs devinrent dans la diégèse des sujets dotés d’une dignité égale voire supérieure à celle des Anciens, et leur dignité devenait celle de toute leur époque. Comme les héros de jadis, leur était-il encore promis, ils survivraient à leur propre mort et au passage du temps.
17Frezzi offrait un bel exemple, dès le début du Quattrocento, du thème de l’assemblée d’anciens accueillant en son sein un moderne pour lui reconnaître, en une saisissante condensation des temporalités, la place de primus inter pares. Au-delà des compositions littéraires, l’argument put être adopté dans les miniatures, comme celle que Giovan Pietro Birago réalisa dans la première moitié des années 1490, pour le frontispice d’un incunable de la Sforziade de Giovanni Simonetta possiblement destiné à la bibliothèque ducale de Pavie43. Ludovico, fils du Francesco Sforza héros de l’épopée, s’assura après la mort de son père de la diffusion d’une œuvre dont il commanda plusieurs éditions imprimées44. Sur l’image peinte par Birago, Francesco est assis au milieu de huit héros antiques avec lesquels il forme une nouvelle assemblée de neuf preux. Outre une position centrale, il est le seul à jouir d’un fond d’or, qui évoque un drap d’honneur, et d’un marchepied, qui rehausse encore une grande estrade. Flanqué de Jules César et d’Hannibal, il sert la main aux deux hommes. Dans la contemporanéité idéale qu’il partage avec ces capitaines, hors du flux des évènements inessentiels ou chaotiques, le seigneur révèle sa nature. Le sens de son action devient lisible, il fixe la direction de l’époque. À ce futur proche, cependant, un avenir dynastique s’ajoutait. L’immortalité de la mémoire du seigneur, assurée par la gloire immortelle de ses hauts faits, illuminait une descendance à laquelle le pouvoir pouvait être transmis. La coexistence avec les héros de jadis ouvrait, enfin, un intervalle. Elle créait un vide chronologique qu’une durée aussi incertaine qu’étendue venait remplir, pour constituer l’ancienneté imaginaire légitimant des positions hégémoniques récentes, et souvent fragiles.
Élargissement des répertoires et mutations politiques
18Si les hommes d’État et les chefs de guerre ont été favorisés par l’analyse jusqu’ici, d’autres catégories servirent à composer les cycles peints. Elles dialoguèrent le plus souvent avec le type du capitaine selon des logiques binaires, voire ternaires, de contraste, d’opposition ou de complémentarité. L’élaboration de ces catalogues eut lieu au moment où se développait l’écriture de recueils biographiques thématiques, où des séquences entières de l’histoire de l’humanité étaient écrites au prisme d’un ordre spécifique d’acteurs. Il n’est que de penser, pour ce qui concerne la création d’œuvres nouvelles, aux ouvrages consacrés aux vies de femmes illustres, tel le De claris mulieribus de Boccace45, ou encore, pour la lecture de textes anciens, au De viris illustribus de Suétone redécouvert au XVe siècle, regroupant de brèves notices consacrées aux seuls grammairiens, poètes et orateurs46. Ces écrits étoffèrent les répertoires catégoriels qui s’élargissaient sans cesse du fait de l’intégration des protagonistes contemporains. À Pérouse, le cycle peint dans la demeure de Braccio Baglioni au milieu du Quattrocento réunissait autour d’Euliste, fondateur mythique de la ville, deux groupes de citoyens illustres modernes : des condottières et des juristes, tel Baldo degli Ubaldi47. Les premiers n’étaient autres que de proches ascendants du seigneur qui pouvait, dès lors, associer l’origine de la ville avec celle de sa lignée, et, comme deux faces d’une même pièce, le prestige de Pérouse brillant grâce au droit avec la gloire offerte par les armes de Braccio da Montone et de ses successeurs.
19C’est une autre association de catégories de personnages que nous développons pourtant, celle des armes et des lettres qui offre plus de matière à notre propos. La Florence républicaine en donna un exemple précoce avec le cycle du Palazzo Vecchio et ses épigrammes composées par Salutati48. L’intégration de Dante, Pétrarque, Zanobi da Strada et Boccace à la cohorte des personnages antiques49 distingués par leur maîtrise du combat, de la conduite des affaires publiques et des lettres témoignait de la grandeur actuelle de la cité du lys. Tous les quatre étaient les hommes illustres du présent de Florence. Ils étaient ceux par qui Florence brillait, ce par quoi, le domaine de la littérature, elle faisait advenir un présent à la hauteur de celui que Rome avait vécu grâce, principalement, à ses hommes d’État et de guerre50. Quelques-uns de ces éléments se retrouvent à Legnaia, dans l’actuelle villa Carducci où, vers 1449, Andrea del Castagno peignit un cycle ambitieux. Sur un mur de la loggia il disposa trois triades illustres, à l’intérieur de niches en trompe-l’œil. Deux d’entre elles sont constituées d’hommes contemporains, condottières et poètes, la troisième d’héroïnes bibliques ou mythiques51. Sur un mur perpendiculaire, de part et d’autre d’une lunette hébergeant une Vierge à l’Enfant, se tiennent Adam et Ève. Eux aussi trouvent place dans des niches, couverts des vêtements que la Chute leur a imposés. Sans entrer dans le détail d’un ensemble traversé de références humanistes et de conceptions théologiques, il faut souligner la place qui y fut faite au présent. La virtus incarnée par les six Florentins se déploie dans la vita activa, elle permet de construire un nouvel âge, une avancée sur le chemin de la Rédemption52. Il faut insister, en outre, sur le rôle reconnu aux femmes dans l’économie du cycle, un rôle tel qu’il a pu conduire à chercher un des concepteurs du programme en l’humaniste Alamanno Rinuccini, auteur d’une traduction latine du De mulierum virtutibus de Plutarque achevée autour de 146553. On le voit, la structure ternaire principale est animée par plusieurs contrastes binaires qui la réarticulent pour offrir de nouvelles appréhensions du présent : ainsi des couples ancien-actuel, armes-lettres ou homme-femme.
20Ce dernier binôme mérite une attention particulière car il organisa un ensemble d’images commandé par un des seigneurs les plus puissants de la péninsule du milieu du XVe siècle, le duc de Milan. Vers 1460, Bonifacio Bembo exécuta pour Francesco Sforza et Bianca Maria Visconti, dans le palais ducal ancien – la Corte del Arengo –, un cycle monumental de grandes femmes et de grands hommes de l’Antiquité. Douze noms des premières et six des seconds en sont aujourd’hui connus54. Francesco Filelfo composa les prosopopées qui furent peintes à leurs côtés et s’ajoutèrent aux œuvres qu’il écrivit pour son maître. Parmi celles-ci se trouvait une Sforziade à laquelle il travailla plus de vingt ans55. Si ce cycle s’inscrit pleinement dans le processus que nous avons évoqué – Antonio Cornazzano travailla par exemple, pour Bianca Maria, à un De mulieribus admirandis, recueil de vies de femmes illustres imitant la structure des Vies de Plutarque56 –, il doit aussi être lu à la lumière du rôle politique considérable que prenait alors, et ce depuis la fin du Trecento, le consortium conjugal seigneurial57. La souveraineté était partagée au sein du couple dirigeant. La femme du seigneur occupait une place toujours plus importante dans la vie publique, à mesure que s’accentuait la dynastisation du pouvoir. La pratique se développa et gagna en intensité. À Milan, Filippo Maria Visconti fit néanmoins exécuter sa femme Beatrice sous prétexte d’adultère, en 1418, car celle-ci avait oublié qu’elle ne pouvait exercer seule ses prérogatives politiques accrues58. Bianca Maria était, elle, la fille de ce dernier duc Visconti. Si son mariage avec le condottière Francesco Sforza avait offert à celui-ci la légitimité de la continuité dynastique après qu’il s’était emparé de la couronne ducale, elle entendait bien employer la part du pouvoir qui lui revenait. Les femmes de l’Antiquité peintes dans la Corte, femmes fortes ou véritables reines telles Penthésilée, Sémiramis ou Tomyris, devinrent, si ce n’était son reflet, du moins celui de sa position à l’intérieur du couple princier. L’image du miroir comme lien inversé entre passé et présent était d’ailleurs un lieu commun de la poésie de cour. Alberto Orlando y recourut dans la canzone qu’il dédia à Bianca Maria, vraisemblablement dans les années 144059. Il y inclut des listes de femmes illustres antiques qui permettaient de faire de l’épouse de Francesco Sforza une nouvelle figure exemplaire, la mesure même des vertus offertes à l’imitation sans espoir des héroïnes de jadis. En elle Diane se mire (« si spechia »)60 : la déesse de la chasteté n’est plus que l’image imparfaite de la Chasteté incarnée en la dédicataire. C’est encore dans un contexte où des femmes jouèrent un rôle politique déterminant que l’on trouve, sous la plume d’un érudit du XVIIe siècle, la mention d’autres peintures de femmes valeureuses. Dans la Marche d’Ancône Giovanna Malatesta, épouse du seigneur de Camerino Giulio Cesare da Varano, aurait fait réaliser d’importants travaux à l’intérieur du château de Lanciano, où se serait trouvée une « grande salle ornée de peintures ainsi que de portraits des Femmes illustres ». On ignore hélas tout autant les identités des modèles que la disposition des images61. L’indication n’en est pas moins évocatrice car Giulio Cesare devait sa seigneurie à sa tante Elisabetta di Galeazzo Malatesta. Celle-ci avait reconquis, en 1443, alors qu’il était enfant, la cité et les terres d’où une révolte avait chassé sa famille62.
21Revenons au type des écrivains ou, plus largement, des penseurs. Là encore, les cycles réalisés pour les seigneurs dirent quelque chose de la nature d’un pouvoir changeant qu’ils contribuaient à façonner en le rendant visible. À Urbino, Frédéric de Montefeltre s’attacha à redéfinir son pouvoir, il voulut que le savoir parût en être l’un des fondements. Dans les appartements della Jole, Giovanni Boccati peignit pour lui, vers 1460-1465, une série continue d’une vingtaine d’hommes d’armes en pied. L’état actuel du décor ne permet d’identifier que quelques Romains63. Frédéric fit aménager son studiolo une dizaine d’années plus tard. Les éléments les plus remarquables de son décor étaient les panneaux de marqueterie et les vingt-huit portraits de penseurs peints à mi-corps sur panneau64. Ils se prêtaient notamment, eux aussi, à un discours généalogique qui s’avérait de première importance pour le prince désireux de fonder une dynastie nouvelle65. La complexité du programme dépassant le cadre de notre contribution, il nous faut nous borner à deux observations. Le palais, tout d’abord, contenait deux grands ensembles d’hommes illustres qui constituaient deux facettes, distinctes mais nécessaires l’une à l’autre, du prince condottière lettré66. Cette identité double était constitutive de l’image de lui-même que Frédéric façonnait, elle était celle des généraux de l’Antiquité qu’il disait prendre en exemple67. Souvent condensée à l’intérieur d’une œuvre, elle se manifestait aussi à travers la juxtaposition de deux catalogues limités chacun à un unique type de personnage. Le studiolo, par ailleurs, était un lieu de mise en scène. Le pouvoir princier s’y donnait à voir dans son retrait, il s’y manifestait dans son énigme et son incommensurabilité68. En deçà des associations érudites discriminantes goûtées par un petit nombre de savants, une interprétation simple devait être accessible. La série des grands penseurs peints par Juste de Gand et Pedro Berruguete – laïcs au registre supérieur, clercs au registre inférieur – exaltait l’activité intellectuelle69. Elle indiquait que la culture moderne, présente à travers des hommes comme Dante, Pétrarque, Vittorino da Feltre, Sixte IV ou Bessarion, nourrie de la culture antique et médiévale, créait un temps nouveau dont ces penseurs étaient la mesure. Lié à une forme spécifique de savoir, chaque portrait était accompagné d’un éloge présentant la raison pour laquelle Frédéric l’avait inclus dans la série70. Le texte accentuait le dialogue idéal établi par le seigneur, dans l’otium, avec les grands esprits qu’il avait choisis et dont il était plus que l’égal. Les savants illustres n’étaient plus un modèle à atteindre ou à dépasser. Convoqués, ils étaient le savoir unifié et réorganisé par Frédéric grâce auquel le monde extérieur était maîtrisé. Le présent éclairé par le seigneur illustre, façonné par son action, devenait grand, et intelligible.
Conclusion
22Ainsi s’achève notre parcours. La monumentalité et la répétitivité des cycles d’hommes illustres désignaient les figures d’un passé plus ou moins lointain comme des héros ou des exemples. Les seigneurs qui les avaient choisies pour vivre au milieu d’elles ne se contentaient pas de prétendre les imiter. Devenus eux-mêmes des exemples pour les contemporains – voire des exemples pour les héros antiques – ils les dépassaient. La coïncidence du développement des listes, écrites ou figurées, et de la personnalisation du pouvoir seigneurial offrit à ce dernier un instrument de promotion. Les galeries de héros et d’héroïnes constituèrent un moyen de faire jouer la densité des temporalités. Par là, les régimes seigneuriaux tentaient de s’arracher à la succession chaotique des événements.
23La structure de ces images monumentales permettait que se déployassent plusieurs lectures et leur succès auprès des commanditaires s’explique par les possibilités de variation qu’elles offraient, dans l’association des figures comme dans la répartition de celles-ci en sous-groupes. Au gré des évolutions politiques, les seigneurs, leurs femmes et leurs thuriféraires utilisèrent ces ressources. S’il est difficile d’apprécier l’efficacité de leurs discours à court terme, il est aisé de constater qu’ils atteignirent une part de leurs objectifs bien longtemps après que ceux-ci eurent été visés. Comme la lumière des étoiles mortes parvient à l’astronome, le lustre des seigneurs médiévaux touche l’historien. La fabrication de la gloire par les poètes et les peintres de cour n’a pas toujours suffi à transformer les seigneurs en héros pour leurs contemporains, mais elle en a fait, aux yeux du chercheur, des objets d’études dotés d’un éclat certain.
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Annexe
Cycles peints d’hommes ou de femmes illustres utilisés pour la contribution
En raison de la très grande hétérogénéité de la conservation actuelle des cycles mentionnés (beaucoup sont totalement perdus), voire de la connaissance de leur composition même, leur description analytique comparée nous semble hasardeuse. Nous proposons une liste indiquant la localisation d’images pour le détail desquelles le lecteur est invité à se reporter à la bibliographie. Sauf mention contraire, les œuvres sont des peintures murales.
Ancône, palais des Anciens (aujourd’hui palais du gouvernement – préfecture), hommes illustres en pied sous arcades (ensemble fragmentaire), milieu du XVe siècle.
Brescia, résidence de Bartolomeo Colleoni (aujourd’hui Palazzo Colleoni alla Pace), hommes et femmes illustres du passé en buste sur planchettes (in situ et à Brescia, palazzo Berardi), années 1450- 1470.
Covernago, château de Malpaga, ayant appartenu à Bartolomeo Colleoni, hommes et femmes illustres du passé en buste sur planchettes, vers 1470 (?).
Florence, Palazzo Vecchio de la commune, hommes illustres romains (perdus), Coluccio Salutati (épigrammes), années 1390.
Foligno, résidence d’Ugolino III Trinci (aujourd’hui Museo di Palazzo Trinci), hommes illustres romains en pied sous arcades, atelier de Gentile da Fabriano et Francesco da Fiano (épigrammes), vers 1410.
Foligno, résidence d’Ugolino III Trinci (aujourd’hui Museo di Palazzo Trinci), deux héros romains et les Neuf Preux en pied sous arcades, vers 1410.
Gubbio, anciennement demeure devenue Palazzo Beni (aujourd’hui à Gazzada Schianno, villa Cagnola), vices et vertus personnifiés en pied sous arcades (ensemble incomplet), Ottaviano Nelli, vers 1425.
Lanciano, château de Giulio Cesare da Varano et Giovanna Malatesta, femmes illustres (?), deuxième moitié du XVe siècle.
Legnaia, villa (aujourd’hui villa Carducci), hommes et femmes illustres antiques et contemporains en pied sous arcades (in situ et à Florence, musée des Offices), Andrea del Castagno, vers 1449.
Milan, palais ducal de Francesco Sforza et Bianca Maria Visconti (Corte del Arengo, aujourd’hui Palazzo Reale), hommes et femmes illustres du passé (perdus), Bonifacio Bembo et Francesco Filelfo (épigrammes), vers 1460.
Milan, résidence d’Azzone Visconti (corte del Arengo, aujourd’hui Palazzo Reale), personnification de la Gloire terrestre et preux (perdus), Giotto (?), 1335 (?).
Montefiore Conca, forteresse Malatesta, scènes de batailles, hommes illustres romains en pied et en médaillons, Jacopo Avanzi, années 1360.
Padoue, résidence de Francesco il Vecchio da Carrara (reggia, aujourd’hui en partie intégrée au Palazzo Liviano), hommes illustres romains en pied sous arcades (?) (perdus), Jacopo Avanzi, années 1370.
Pérouse, résidence de Braccio Baglioni, allégorie de Pérouse, Euliste et hommes illustres contemporains en pied (?) (perdus mais fragment à la Galleria Nazionale dell’Umbria ?), Francesco Maturanzio (épigrammes), milieu du XVe siècle.
Rome, résidence du cardinal Giordano Orsini à Monte Giordano (aujourd’hui Palazzo Taverna), héros et héroïnes en pied (?) (perdus), Masolino da Panicale (?), vers 1430.
Tagliacozzo, résidence de Roberto et Napoleone Orsini (aujourd’hui Palazzo Ducale), hommes et femmes illustres du passé en pied sous arcades (ensemble incomplet, aujourd’hui à Celano, castello Piccolomini, Museo di Arte Sacra), vers 1470.
Urbino, palais ducal de Frédéric de Montefeltre (aujourd’hui Galleria Nazionale delle Marche - Palazzo Ducale di Urbino), hommes illustres du passé en pied (fragments), Giovanni Boccati, première moitié des années 1470.
Urbino, palais ducal de Frédéric de Montefeltre (aujourd’hui Galleria Nazionale delle Marche - Palazzo Ducale di Urbino), studiolo, hommes illustres antiques et contemporains en buste sur panneau (in situ et à Paris, musée du Louvre), Juste de Gand et Pedro Berruguete, et anonyme (épigrammes), première moitié des années 1470.
À cet ensemble, il convient d’ajouter – à part en raison de sa technique et de son format – l’enluminure également utilisée dans la contribution :
Giovan Pietro Birago, Francesco Sforza siègeant parmi de grands capitaines de l’Antiquité, frontispice (fragment, Florence, musée des Offices, inv. 1890, n. 4425) d’un incunable de la Sforziade de Giovanni Simonetta traduite par Cristoforo Landino, première moitié des années 1490.
Notes de bas de page
1 De Marchi – Mazzalupi 2008, cat. 3, p. 184-185. Nous adressons nos remerciements sincères à don Francesco Gregori qui, nous offrant cet ouvrage, nous a fait découvrir des œuvres splendides.
2 Sur l’emploi de ce mot, nous nous permettons de renvoyer à l’introduction du volume.
3 L’étude pionnière de Maria Monica Donato reste nécessaire à la compréhension du phénomène : Donato 1985.
4 Rossi 1966.
5 Cosnet 2011, p. 125. Sur ce thème, plus généralement, Cosnet 2015.
6 Pour Amadeo, l’ouvrage de référence reste le collectif Shell – Castelfranchi 1993.
7 Joost-Gaugier 1988 ; Bonfadini 2005, p. 42-49, qui recense 874 tavolette issues du palazzo Colleoni (dont 204 pour le salone). Sur ce type de plafond dans l’Europe médiévale : Bourin – May 2019
8 Les personnages peints pour Colleoni à Brescia constituent, selon C. Joost-Gaugier, the most extensive series of personaggi illustri to be identified from Renaissance times (Ibid., p. 64).
9 Caglioti 1994, p. 183.
10 Cerquiligni-Toulet 1993, p. 136-137 ; Jeay 2006.
11 Eco 2009, p. 15-18.
12 Feo 2003, p. 175
13 Gosman 1988, p. 161. L’auteur poursuit : « Elles sont puisées dans la mémoire collective censée être la gardienne d’une authenticité ou sont forgées pour le besoin de la cause tout en tenant compte de la plausibilité requise dans le processus de communication où s’intègrent émetteur et récepteur. »
14 Cerquiglini-Toulet 2001, p. 636-637.
15 Varotti 1998 ; Agamben 2008.
16 Fiamma 1936, chap. XVII, p. 17.
17 Sur l’humanisme comme mouvement culturel, social et politique, Revest 2013.
18 Crouzet-Pavan 2007, p. 42.
19 That was history in the guise of biography écrivait Eric Cochrane à propos de l’historiographie humaniste de la curie pontificale (Cochrane 1985, p. 52). La formule nous paraît pouvoir concerner bien d’autres lieux de la péninsule au Quattrocento.
20 Irace 2003, p. 50 : celebrare i protagonisti politici dell’età presente modellandone le fisionomie su quelle degli eroi antichi. Voir également Joost-Gaugier 1982a, p. 99.
21 Baker 2017, p. 7-9.
22 Pade 2007, p. 89-177.
23 Armstrong 2016.
24 Sur la postérité et la traduction des Vies de Plutarque au XVe siècle, Pade 2007. Humble propose un tableau chronologique synthétique des traductions des Vies au Quattrocento, faisant apparaître le ou les personnages concernés, les traducteurs et les dédicataires (Humble 2010, p. 255-257).
25 Benati 1992, p. 23-40. Auparavant, Pasini 1986.
26 Donato 1985, p. 120-123.
27 Pétrarque, De remediis utriusque fortunae, dialogue XLI. Nous empruntons la citation à Baxandall 1989, p. 79-80.
28 Les quatrains sont publiés par Hankey 1959, p. 364-365. Sur le cycle, Donato 1985, p. 125-142.
29 Des vingt figures réalisées, tirées de l’histoire de la Rome républicaine et impériale, quinze sont aujourd’hui conservées. Elles mesurent chacune près de 3,5 mètres de haut. Benazzi 2001, p. 474-477 et p. 483-485 ; Galassi 2001, p. 272-276.
30 Pour l’édition la plus récente, Guerrini 2001. Précédemment, Messini 1942.
31 Delzant 2018.
32 Le cas d’Azzone Visconti serait une exception. On ignore la structure de l’image décrite par Galvano Fiamma en dépit de l’hypothèse ancienne formulée par Creighton Gilbert. Celui-ci voyait dans l’enluminure réalisée par Altichiero au premier folio d’un manuscrit du De uiris illustribus de Pétrarque ayant appartenu à Francesco il Vecchio da Carrara (enluminure voisine d’images peintes dans deux exemplaires de la même œuvre), la reprise de la fresque que Giotto aurait réalisée à Milan en 1335 pour Azzone et que Fiamma aurait décrite (Gilbert 1977). Les héros couronnés de laurier y sont représentés en un groupe compact de cavaliers. Le manuscrit est conservé à la Bibliothèque nationale de France (ms. Lat. 6069I), il est consultable en version numérique sur www.gallica.fr.
33 Pour la très longue liste des personnages représentés, Simpson 1966, p. 151-159. Pour le cycle prenant la forme d’une chronique universelle, attribué à Masolino da Panicale, Scalabroni 1988.
34 Grassi 1995, p. 25-35 et, pour une liste des personnages identifiables, p. 40 ; Cavallaro 2010, p. 367-370.
35 Bizzocchi 1995.
36 Virgile 1991, VI, p. 207-213.
37 L’œuvre doit prochainement faire l’objet d’une édition scientifique digitale au sein du Ludwig Boltzmann Institute for Neo-Latin Studies. Pour sa présentation, Schaffenrath – Chisena – Petolicchio – Smets 2018, en complément de Campana 1970.
38 Guerrini 2009.
39 Sur l’œuvre et son auteur, en dernier lieu, Laureti – Piccini 2020.
40 Frezzi 1914, IV, chap. 7, p. 305-310. Sont cités Jules César, Hector et Alexandre, puis, après un ensemble de neuf Romains, Charlemagne, Godefroy de Bouillon et Arthur. Il ne manque que les Preux de l’âge de la Loi, Josué, David et Judas Macchabée. Sur ce passage, Delzant 2013, p. 242-246.
41 Donato 1985, p. 109-112.
42 Santi 1985, 1, p. 5-58 pour le passage évoqué.
43 Conservée au musée des Offices, l’enluminure est aujourd’hui fréquemment reproduite. Par exemple, Caglioti 1994, p. 195.
44 Mulas 1996.
45 Madeleine Jeay souligne qu’« il [a fallu] attendre les XIIe-XIIIe siècles pour voir une floraison de catalogues de mauvaises femmes dont la Dissuasio Valerii ad Rufinum philosophum ne uxorem ducat de Walter Map est l’exemple le plus connu. » Vinrent ensuite, à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, les listes de Boccace, Christine de Pizan, Chaucer, Martin Le Franc... Jeay 2006, p. 54.
46 Baker 2017, p. 10.
47 Teza 2008, p. 77-90.
48 Hankey 1959, p. 364-365 ; Donato 1985.
49 À l’exception de Charlemagne, le seul des Anciens à ne pas appartenir à l’Antiquité.
50 Irace 2003, p. 24-26.
51 Il s’agit de la sibylle de Cumes, de Tomyris, reine des Massagètes vainqueur de Cyrus, et d’Esther.
52 Nous reprenons ici les analyses de Martina Hansmann et Creighton Gilbert telles qu’elles sont présentées par Roettgen 2001, p. 276-277.
53 Selon l’hypothèse ancienne et non confirmée de Joost-Gaugier 1982b.
54 Caglioti 1994, p. 190 et p. 196-200.
55 Viti 1997.
56 Caglioti 1994, p. 192-193.
57 L’importance de ce phénomène a été récemment révélée par Crouzet-Pavan – Maire Vigueur 2018.
58 Ibid., p. 256-264.
59 Le texte est publié dans Frati 1913, p. 103-111 ; voir Delzant 2013, p. 237-238.
60 Frati 1913, p. 111.
61 Lili 1835, II, p. 241 : una gran sala ornata di pitture, e de’ ritratti delle Donne illustri.
62 Sur cet épisode, Guerra Medici 2002, p. 27-35 ; Falaschi 2003, p. 33-38.
63 Marcelli 2002, p. 259-261 pour Caius Mucius Scaevola et, peut-être, Lucius Junius Brutus, dit l’Ancien.
64 Parmi une bibliographie très fournie : Cheles 1986 ; Arasse 2009 ; Marchi 2015.
65 Ainsi que le montre clairement Arasse 2009.
66 C’est ainsi qu’il apparaît dans le portrait fait par Vespasiano da Bisticci, cité dans ibid., p. 166.
67 Crouzet-Pavan 2007, p. 207-211.
68 Arasse 2009, p. 169-180.
69 Marchi 2015, p. 110-117 pour une reconstitution de la disposition des panneaux.
70 Bernardini 2015, pour une nouvelle publication des éloges.
Auteur
Aix-Marseille Université – LA3M (UMR 7298) – jean-baptiste.delzant@univ-amu.fr
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