Introduction à la troisième partie
p. 372-375
Texte intégral
Item / eadem Marcellina collegio s(upra) s(cripto) dedit donauitque HS L m(ilia) n(ummum) hominibus n(umero) LX sub ea condicione, ut ne plures adlegantur, quam numerus s(upra) s(criptus) et ut in locum / defunctorum loca ueniant et liberi adlegantur, uel si quis locum suum legare uolet filio uel fratri uel liberto dumtaxat, ut inferat arkae n(ostrae) partem / dimidiam funeratici1.
1Selon la volonté de sa bienfaitrice, Salvia Marcellina, le collège romain d’Esculape et d’Hygie regroupait soixante confrères qui se réunissaient dans un petit sanctuaire situé sur la Via Appia. Le règlement de la communauté souligne la grande influence des liens familiaux sur la composition du collège. Celui-ci a vocation à accueillir dans ses rangs des fils, mais aussi des frères ou des affranchis de confrères2. La lex révèle expressément que l’appartenance à une famille, englobant des dépendants issus de l’esclavage, et l’appartenance à une association pouvaient se recouper. Or, l’épigraphie des collèges permet très souvent de présumer, voire de démontrer, l’existence de tels recoupements. Dans le cas des associations professionnelles, le phénomène s’explique par le fait qu’il est très courant que les pères et les patrons transmettent leur métier à leurs fils et à leurs affranchis3. Les inscriptions donnent parfois des informations précises sur l’univers familial des collegiati, mais de telles sources sont rares, au regard du nombre de personnages recensés. À l’inverse, des listes épigraphiques livrent par dizaines, voire par centaines, des noms d’individus admis au sein de mêmes collèges. Confrontés à cette masse documentaire à la fois très volumineuse et très aride, les modernes sont tentés par des analyses onomastiques dont les fondements et les résultats paraissent parfois fragiles par nature. Celles-ci doivent être menées en ayant bien conscience de la difficulté de l’entreprise.
2L’attention portée aux relations familiales des collegiati procède de l’étude nécessaire des réseaux tissés par ces personnages4. Ces réseaux résultent de l’ensemble des liens interpersonnels que chaque collegiatus est susceptible de nouer, dans son collège mais aussi à l’extérieur de celui-ci. Ni les réunions associatives, ni la famille, n’englobent à elles seules l’ensemble de la vie en société des collegiati. Avec l’intégration des collegiati dans les structures civiques, elles correspondent néanmoins aux aspects de l’existence sociale que les sources éclairent le moins mal. L’étude des relations de parenté et d’affranchissement permet ainsi d’aborder les interactions entre deux éléments à la fois distincts et complémentaires. L’enchevêtrement des réalités collégiales et familiales peut d’abord faire l’objet d’un constat. Son étude permet, en outre, de mieux saisir l’influence du collège sur la position sociale et, plus précisément, sur le rang des collegiati. En quoi la position des collegiati dans des réseaux de parenté et d’affranchissement, et la manière dont cette position est présentée, reflètent-elles la place occupée par les collegiati dans les sociétés de l’Occident romain ?
3Deux dimensions distinctes semblent à prendre en compte. Le profil individuel d’un collegiatus, tout d’abord, peut être précisé à la lumière de la position personnelle de celui-ci au sein d’un réseau de relations sociales. Ces relations sont multiples et diverses ; et le concours de chacune à la définition d’un rang spécifique paraît relatif. La position dans les rapports sociaux d’un affranchi qui possède des esclaves, par exemple, n’est pas univoque. Elle n’est pas appréciée de la même manière suivant que l’on considère la dépendance de l’affranchi par rapport au patron, ou la dépendance des esclaves par rapport au maître. Il faut donc essayer de déterminer la part des diverses solidarités personnelles dans la définition du rang social. Par ailleurs, les réseaux de relations donnent forme à des entités collectives qui s’inscrivent dans les hiérarchies sociales du Haut-Empire romain. Ces entités prennent place verticalement dans la hiérarchie sociale. Il faut tenter d’en mesurer « l’étendue », le long de cette hiérarchie. De fait, l’examen de la personnalité sociale des individus à qui les collegiati sont liés mérite d’être entrepris. Cette démarche doit conduire, en particulier, à s’interroger sur le degré d’autonomie ou, au contraire, de dépendance des milieux sociaux représentés dans les collèges vis-à-vis des groupes sociaux supérieurs. En dépit de la pauvreté de la documentation, l’on souhaiterait pouvoir évaluer l’importance relative des relations « horizontales », nouées à un niveau comparable de la hiérarchie sociale, et des relations « verticales », entretenues avec des membres de l’élite. Dans la mesure où ces relations « verticales » peuvent être attestées, il convient d’en déterminer l’origine, et l’influence sur les structures des sociétés de l’Occident romain.
4Ainsi, des cas, parfois supposés mais rarement attestés de manière indiscutable, où des collegiati peuvent paraître insérés dans les réseaux de relations des élites sociales, peuvent être abordés et discutés. Le rôle des relations interpersonnelles dans l’ascension sociale de certains collegiati et de leur famille peut être mis en évidence. L’appartenance à un collège et l’appartenance à des réseaux fondés sur l’affranchissement et la parenté se combinaient, et parfois s’équilibraient, pour contribuer à la définition du rang social des collegiati et de leurs descendants.
Notes de bas de page
1 CIL, VI, 10234. J.-M. Flambard, Mort, p. 236, traduit : « Item, la même Marcellina a fait don au susdit collège de la somme de 50 000 HS pour 60 hommes, à la condition qu’ils n’en admettent jamais en leur sein plus que le nombre susdit ; qu’ils puissent vendre l’emplacement des défunts et admettre leurs enfants ; ou bien si quelqu’un veut léguer son emplacement à son fils, à son frère ou même à son affranchi, qu’il verse dans notre caisse la moitié du montant de sa prime funéraire ».
2 De même, la lex familiae Siluani de Trebula Mutuesca (AE, 1929, 161) envisage l’entrée des fils dans la confrérie paternelle.
3 H. Gummerus, RE, s.v. « Industrie und Handel » ; J. Andreau, Vie, p. 373374, évoque un cas très révélateur de transmission du métier d’affranchi en affranchi.
4 Se reporter à l’Introduction générale.
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