Chapitre 6. Les collèges, les collegiati et la sphère publique
p. 295-369
Texte intégral
LES COLLEGIATI ET L’AUTORITÉ PUBLIQUE
M(arcum) Holconium / Priscum, (duo)uir(um) i(ure) d(icundo), / pomari uniuersi, / cum Heluio Vestale, rog(ant)1.
Genio / collegii cen/tona(riorum) / Vas(iensium), r(es) p(ublica) r(estituit)2.
1Provenant de Pompéi et de Vaison, ces inscriptions du ier siècle ap. J.-C. mettent en évidence deux types de contacts établis entre les municipalités et des groupes issus du monde des métiers. Les pomari uniuersi, les marchands de fruits, forment l’un des corps de métier qui a participé à l’ultime campagne électorale de la cité vésuvienne. Sur l’inscription peinte, un groupe professionnel apparaît comme un groupe de pression politique, partie prenante d’un système fondé, notamment, sur l’appui que des communautés clientes apportaient aux notables3. Dans le deuxième cas, dédiant un autel au Génie du collegium centonariorum local, la res publica de Vaison affirme avoir financé des travaux de restauration. L’affectation des deniers de la cité au bénéfice d’une association paraît révélatrice de l’intégration de celle-ci à une sphère officielle, publique au sens large du terme.
2Il est courant que les sources épigraphiques mettent en scène des collèges dans leurs rapports avec l’autorité publique et ses divers représentants. Les inscriptions donnent aux associations la possibilité de dire leur déférence à l’égard de l’empereur et de sa famille, ou de rendre hommage aux hommes qui agissent au nom du souverain. Grâce à elles, les collèges affirment aussi leur attachement à une petite patrie, et reconnaissent la supériorité sociale de notables municipaux. Sur certaines pierres, les noms de collegiati succèdent ainsi à la mention d’hommes investis du pouvoir. De fait, les formes épigraphiques modèlent, et finissent par refléter, la place que ces collegiati, et leurs confrères, occupent dans la société et les structures civiques du Haut-Empire romain. L’hommage épigraphique, découlant notamment d’un sentiment d’appartenance civique, permet de mieux saisir les contours d’un champ collégial qui tend à recevoir une reconnaissance officielle. En quoi les relations tissées par les collèges avec les autorités publiques et leurs représentants donnent-elles des collegiati l’image d’une catégorie civique ? Trois niveaux de relations avec la puissance publique, incarnée par l’empereur, l’administration impériale et les autorités municipales, peuvent être envisagés.
Les hommages de citoyens rendus au pouvoir impérial
3L’identité civique des collegiati est faite de plusieurs éléments solidaires, qui semblent emboîtés et complémentaires. Le collegiatus évolue dans une association qui lui permet de ressentir et d’affirmer une double appartenance, à sa cité et à l’Empire. Or, ces référents multiples de la conscience civique s’influencent mutuellement. Ainsi, les cérémonies liées à l’expression du loyalisme envers le pouvoir impérial fournissent aux communautés municipales l’occasion de se rassembler et d’entretenir leur propre cohésion4. De même, la participation des collèges aux fêtes civiques officielles donne aux collegiati une conscience d’eux-mêmes qui s’appuie sur une citoyenneté municipale, de ce fait plus profondément ressentie. J.-P. Waltzing a dressé la liste des inscriptions dédiées par des collèges aux empereurs, à la famille impériale et aux administrateurs municipaux5. Dans l’optique retenue pour cette étude, nous ne traiterons ici que des documents où des collegiati apparaissent en personne. Faire graver son nom sur une pierre dédiée à des détenteurs du pouvoir consiste, en fait, à souligner, par la mise en évidence d’une relation à l’autorité, le caractère public du collège. Et, de ce caractère, résulte la place civique des collegiati.
4Dans un assez grand nombre d’inscriptions, des collegiati apparaissent en qualité d’administrateurs, chargés de l’exécution d’un acte qui engage l’ensemble de leur association. Après la mention au datif de l’empereur, de ses proches, d’un génie ou d’un numen liés au pouvoir impérial, suivent le nom du collège et, enfin, ceux de dignitaires collégiaux, précédés d’expressions telles que « curam agentibus », « agente » ou encore « curante ». Le formulaire épigraphique porte l’empreinte d’une procédure collégiale qui a fait se succéder une prise de décision formelle, par le vote d’un décret, et l’exercice par des dirigeants d’un pouvoir de type exécutif. La finalité de l’acte collégial, exprimer une déférence politique, comme les modalités de cet acte, participent de la même volonté des collegiati de se placer sur un terrain lié, à des titres très divers, à l’exercice d’une forme de pouvoir.
5L’évergétisme représente, pour les collegiati les plus riches et les plus honorables, un autre moyen d’associer leur nom aux hommages rendus au pouvoir impérial. Ces personnages favorisent l’accès de leurs confrères à une forme d’expression politique. Les monuments offerts viennent rejoindre dans les scholae, ceux acquis par les collèges eux-mêmes. À Ostie, par exemple, Q. Fabius Honoratus donne aux dendrophores une statue de Lucius Verus, afin de remercier ses confrères du privilège que ceux-ci lui ont concédé9. Le monument est installé dans une schola qui abritait depuis 139 une statue d’Antonin le Pieux, et dont la restauration somptueuse a fourni au collège l’occasion d’une dédicace au nu-men de la domus augusta10. De même, le bienfait de l’immunis C. Caesius Eutychion11 doit être rapproché des hommages rendus à Septime Sévère et à Caracalla par son collège, le corpus cannophorum Ostiensium12. À Pouzzoles, l’inscription dédiée par C. Iulius Fortunatus « pequnia sua » prend place dans un édifice qui a accueilli deux autres tituli du même type13. Par ailleurs, dans bon nombre des cas répertoriés, plusieurs collegiati s’unissent pour accomplir ensemble une libéralité. Au moins une partie d’entre eux a dû se livrer à des donations exigées, statutairement ou presque, par les fonctions et les titres dont ils étaient investis. Ainsi, le dendrophore ostien Q. Fabius Honoratus s’acquitte d’un don « ob onorim immunitatatis » (sic).
6L’association d’une dédicace impériale à la rédaction d’une liste de collegiati procède de l’image que ces hommes aspirent à donner d’eux-mêmes. Les fouilles de la casa dei Triclini d’Ostie ont permis de mettre au jour la base d’une statue érigée en 198, en l’honneur de Septime Sévère. Sur la face latérale gauche de la pierre figure l’album du collegium fabrum tignuariorum Ostiensium. Sont recensés 328 charpentiers, répartis en seize décuries15. Rendant hommage à Septime Sévère, le collège tend à se présenter, comme dans d’autres documents, à la manière d’une unité militaire16. Il prend le nom de numerus caligatorum, tel un corps de soldats, ici répartis en sous-unités. Nombreux sont les historiens qui ont souligné l’influence du modèle militaire sur les collèges, sur les collegia fabrum et centonariorum au premier chef. La participation de ces collectivités à la lutte contre les incendies a souvent été invoquée pour expliquer ce mimétisme17.
7Cette explication fonctionnelle ne semble pas justifiée à Ostie où, à la fin du iie siècle, une cohorte de vigiles faisait office de corps de pompiers. Plusieurs éléments indiquent toutefois que le collegium fabrum tignuariorum avait pris pour modèle la cohorte détachée dans la ville portuaire. Installée par les soins de Claude, semble-t-il, celle-ci occupait une « caserne » dont les similitudes avec la schola des charpentiers ont été relevées18. Une pièce située à l’extrémité occidentale du bâtiment, abritait plusieurs statues d’empereurs19. Les vigiles dressaient aussi des listes qui ont été découvertes dans des états plus ou moins fragmentaires20. Les ressemblances entre l’expression épigraphique des fabri tignuarii et des uigiles apparaissent avec encore plus de netteté à la lumière des sources de la ville de Rome. Au cours des premières décennies du iiie siècle, des cohortes de vigiles ont gravé sur des bases de statues de Caracalla des listes d’effectifs qui, classées par centuries, rappellent fortement l’inscription ostienne21. À la même époque, le collegium fabrum tignuariorum de Rome recense ses honorati en dédiant une statue au même Caracalla. L’aspect matériel du titulus est très proche des documents émanant des uigiles de Rome et des fabri tignuarii d’Ostie22.
8Se présenter à l’image de soldats, sous le commandement d’un chef suprême, l’empereur, revient pour les collegiati à emprunter les traits d’une catégorie liée intrinsèquement à l’État et au peuple romain. Mêler en une même inscription une dédicace à l’empereur et la rédaction d’un album revient à placer le collège et chacun de ses membres en ordre de marche, derrière l’empereur. Cela contribue non seulement à l’expression d’un loyalisme de citoyens-sujets, mais aussi à la construction du caractère officiel que les collegiati souhaitent donner à leurs regroupements. Les documents envisagés ont été rédigés à une époque où les listes nominatives sont très courantes dans l’épigraphie romaine23. Les listes établies par les collèges laissent percevoir un caractère circonscrit et hiérarchique qui – nous le verrons – permet aux collegiati de se présenter comme les membres d’un ordo. L’évocation de la personne de l’empereur participe de cette volonté d’être assimilé à un corps officiel.
9De fait, si les hommages adressés aux empereurs par les collèges expriment, sous la forme du loyalisme politique, le sentiment d’appartenir à l’Empire, certains monuments remplissent cette même fonction tout en la dépassant. En 144, le corpus pistorum de la ville de Rome a élevé une statue à la gloire d’Antonin le Pieux24. Sur la face principale de la base, apparaît l’hommage lui-même. Sur la face gauche, sont mentionnés les dignitaires collégiaux responsables de son exécution. À droite, le nom de L. Valerius Proculus, préfet de l’annone semble-t-il, a été gravé. Un monument à la gloire de Lucius Verus, érigé en 166 par des naviculaires sans doute associés à des codicarii, paraît composé de manière voisine25. Ces individus exerçaient des métiers utiles au ravitaillement de la Ville, et bénéficiaient pour cette raison de bienfaits prodigués par l’autorité politique. En citant le préfet de l’annone sur des inscriptions dédiées à l’empereur, ils insistent sur le lien entre leur profession et les préoccupations annonaires des empereurs26. Ils tendent ainsi à se présenter comme des agents du préfet de l’annone et donc de l’administration impériale, bien que, dans les faits, cette qualité ne puisse pas leur être véritablement reconnue.
10L’hommage rendu à l’empereur faisait-il naître une relation d’échange, réellement bilatérale entre les collèges et le pouvoir impérial ? Les sources sont très silencieuses sur ce point. Une inscription, cependant, fait exception. En effet, une table de marbre, placée dans un espace public sur la décision des décurions de Préneste, présente une situation tout à fait unique. Elle révèle une forme d’intervention de la puissance publique dans la vie des collèges27. Bienfaiteur d’un collège avec son fils, M. Scurreius Fontinalis était un personnage en vue dans sa cité. Il y a exercé les fonctions de sacerdos Fortunae Primigeniae et de seuir Augustalis. Après la mention de ces honneurs sacerdotaux, la titulature de Fontinalis s’achève par la référence à sa qualité de quinq(uennalis) perp(etuus) datus ab imp(eratore) Hadriano Aug(usto) collegio fabr(um) tign(uariorum). J.-P. Waltzing explique le geste impérial à la lumière du profil et des attributions supposés des praefecti et autres repunctores collegii, c’est-à-dire de personnages incarnant l’encadrement de certains collèges par des instances municipales. Il conclut à la relative précocité des interventions des autorités publiques dans la vie des associations28. La difficulté de l’analyse tient à l’absence de véritable point de comparaison. Il n’existe aucune attestation de magistrats municipaux dati ab imperatore dans l’épigraphie de l’Occident romain. On ne peut s’étonner d’un silence qui s’explique par le respect manifesté par le pouvoir impérial à l’égard de cités réputées autonomes. En revanche, la formule s’applique aux curateurs de cité nommés par l’empereur29. Dès lors, est-il fondé d’imaginer, par analogie, que l’intervention d’Hadrien a été motivée par un désordre ou quelque dysfonctionnement au sein du collège ? Il faudrait alors expliquer pourquoi l’affaire aurait été traitée par le pouvoir impérial et non par la municipalité de Préneste. Il semble assez vraisemblable que la nomination effectuée par l’empereur n’ait eu d’autre dessein que d’honorer Fontinalis et ses confrères. En tout cas, il ne fait pas de doute que la mention sur le marbre du geste impérial présente une très grande valeur honorifique30. Le mot « datus » laisse entendre que Fontinalis n’a pas été désigné quinq(uennalis) perp(etuus) à la suite d’un vote. L’inscription peut néanmoins être rapprochée d’un document antérieur qui témoigne de l’intervention impériale dans des élections municipales. En 63, à Luna, un L. Titinius Glaucus Lucretianus se targue des titres de duouir IIII quinq(uennalis) primus creatus beneficio diui Claudi et de flamen Aug(usti) beneficio Caesaris creatus : la recommandation impériale souligne la faveur dont ce chevalier jouissait auprès de Claude et de Néron31. Le prestige municipal du magistrat et du collegiatus, de deux prêtres municipaux de rang très inégal, semble se nourrir d’une relation privilégiée avec la personne de l’empereur.
11Dans certains cas, la déférence des collèges avait sans doute pour but l’obtention ou la défense des privilèges. Le corpus pistorum d’Ostie et du Portus se conduit de manière somme toute banale, en saluant Antonin le Pieux32 et, sans doute, le jeune César Marc-Aurèle33. Or, un fragment d’Ulpien indique que les mêmes boulangers ont cherché, en vain, à être exemptés des tutelles. Leurs homologues de la Ville avaient obtenu ce privilège de Trajan34. L’expression du loyalisme politique n’est sans doute pas tout à fait désintéressée. De manière générale, les immunités concédées aux collegiati datent au plus tard de l’époque sévérienne, alors que les manifestations de loyalisme se multiplient pendant tout le deuxième siècle. Sans préjuger des motivations de chacun des hommages rendus au pouvoir impérial, on peut noter le caractère contemporain d’éléments qui concourent, de manière différenciée mais convergente, à l’intégration civique des collegiati. Ceux-ci se mettent en scène comme des citoyens de l’Empire et, à ce titre, espèrent recevoir les bienfaits de l’empereur. La proximité entre les collegiati et la puissance publique est très nette dans le contexte annonaire de la ville de Rome et de son avant-port.
Les collèges d’Ostie et de Rome, l’annone et la puissance publique
12Les inscriptions de collèges professionnels dédiées à des détenteurs de l’autorité semblent parfois sous-tendues par des relations nouées dans l’exercice du métier. Cette observation ne semble pas remettre pas en cause l’idée générale selon laquelle les associations professionnelles ne sont pas, dans le monde romain, des structures d’organisation de la vie économique. Au contraire, les inscriptions rédigées par des collèges donnent des contacts professionnels avec la puissance publique un point de vue distancié, décalé, d’une certaine manière indirecte. La vie professionnelle n’est pas présentée pour elle-même aux lecteurs des inscriptions. L’autonomie relative, dans l’existence des collegiati, de la vie collégiale par rapport à la vie professionnelle semble ainsi confirmée, même si l’un et l’autre de ces aspects existentiels ne sont pas sans lien.
13Les hommages rendus par les collèges de Rome et Ostie s’étendent, au-delà de la maison impériale, aux administrateurs de l’État romain35. Des membres de collèges liés, plus ou moins directement au ravitaillement de la capitale romaine, sont cités sur plusieurs inscriptions, en qualité de dirigeants exécutant les décisions collectives de leurs confrères.
14À Ostie, ce type d’inscriptions honorifiques s’enracine dans un contexte géographique défini, de la République à l’Antiquité tardive, par la présence très forte du pouvoir étatique romain, et par le contrôle de l’Vrbs sur son avant-port. La période du plus grand essor des collèges d’Ostie est contemporaine d’une affirmation toujours plus intense de cette volonté de contrôle, après la construction du port de Trajan, et à la suite des difficultés annonaires survenues pendant les principats de Marc-Aurèle et de Commode42. L’installation à Ostie, vers 112, d’un procurateur équestre ad annonam, entouré d’un personnel subalterne abondant, tient une place importante dans ce processus. Cette procuratèle tient une place intermédiaire dans la carrière de Q. Calpurnius Modestus. Le corpus mercatorum frumentariorum d’Ostie élève une statue à sa gloire, sur le piazzale delle corporazioni, l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum)43. La base du monument est inscrite selon un formulaire qui retrace encore la procédure collégiale. La dédicace a été réalisée per / M(arcum) Aemilium Saturum / et P(ublium) Aufidium Faustian(um), / q(uin)q(uennales), ex decreto corporat(orum), / q(uaestoribus) M(arco) Licinio Victore et / P(ublio) Aufidio Epicteto. Le texte révèle la relation double que les mercatores entretiennent avec l’autorité. Le corpus se place sous la tutelle des décurions d’Ostie, lorsqu’il honore un procurateur impérial avec qui les corporati devaient être en contact dans l’exercice de leur métier. De fait, ce double rapport à la puissance publique peut être rapproché de la situation éclairée par une inscription du corpus pistorum d’Ostie. Celui-ci s’est vu attribuer un locus par Papirius Dionysius, tunc praef(ectus) ann(onae), c’est-à-dire entre 189 et 190, avec l’aval de l’ordo decurionum d’Ostie44. La nature et l’emplacement de ce locus sont indéterminés. La pierre, découverte en réemploi dans la basilique de Pianabella, souligne néanmoins que les services de l’annone avaient tendance à empiéter sur les prérogatives des décurions, en matière de contrôle de l’espace civique.
15Si les relations nouées par les marchands de blé et les boulangers avec le haut personnel de l’annone se comprennent aisément, compte tenu de la profession de ces corporati, les charpentiers d’Ostie manifestent aussi de la déférence pour un préfet de l’annone. Au cours de son 22e lustre, entre 165 et 167, le collegium fabrum tignuariorum Ostiensium rend hommage au chevalier Q. Baienus Blassianus, en charge de la préfecture de l’annone, avant 167 et sa nomination à la préfecture d’Egypte45. Quelques décennies plus tard, les fabri tignuarii décernent la même distinction, l’érection d’une statue, à deux procuratores ad annonam46. Les attributions des services de l’annone à Ostie, dans la construction et l’entretien des horrea notamment47, étaient assez larges pour que les charpentiers côtoient ces derniers dans l’exercice de leur profession. Ainsi, les dédicaces adressées aux procurateurs sont contemporaines de travaux liés à des entrepôts, pour la première, ou légèrement postérieure à de telles réalisations, pour la seconde48. Les horrea Antoniniani ont probablement été édifiés sous le principat de Commode. Et les « Grandi Horrea », dont le caractère public paraît sûr, sont réaménagés à la même époque. Les louanges chantées par les charpentiers laissent entendre que leurs relations avec les procurateurs de l’annone étaient des relations suivies. Q. Petronius Melior est remercié de ses « plurima beneficia », tandis que Lollianus a fait preuve d’un « insignis amor » à l’égard du collège. Entre 220 et 224, la même collectivité s’unit à un dénommé C. Vettius Mercurius, cornicularius, dans l’hommage qu’il rend à P. Bassilius Crescens. Le jour de la dédicace de la statue, Mercurius distribue des sportules aux charpentiers. Ce cornicularius est un sous-officier détaché auprès du procurateur49. L’action menée de concert entre le collège et l’agent de l’administration, la libéralité de cet agent, soulignent l’intimité des liens noués entre les fabri tignuarii et les services de l’annone.
16Ces hommages rendus par les collèges paraissent bien laconiques. Toutefois, quelques dossiers épigraphiques permettent de mieux saisir l’articulation entre le métier, le collège et les rapports noués par les collegiati avec la puissance publique. Sur ce point, notre analyse se distingue d’une position historiographique qui tend à considérer les corpora d’hommes de métier, ou tout du moins une partie d’entre eux, comme des créations étatiques intrinsèquement liées au service de l’annone50.
17Deux inscriptions d’Ostie concernent les relations entre le corps de métier des saburrarii et le pouvoir impérial51. La profession de ces hommes consistait à lester les navires qui fréquentaient le port d’Ostie. Leur tâche était donc importante. Les navires, de cabotage notamment, ne disposaient pas toujours de fret de retour. Et ils ne pouvaient reprendre la mer à vide. En outre, face aux problèmes d’ensablement du port, les prélèvements effectués par les saburrarii devaient s’avérer salutaires. Les deux documents épigraphiques datent de 156 et de 210, le nom de deux quinquennales figurant sur le plus ancien. La pierre de 210 évoque la décision d’un préfet de l’annone, T. Messius Extricatus52, indiquant aux « lesteurs » où prendre le sable dont ils avaient besoin53. Selon M. Cébeillac-Gervasoni, le mot « coram », placé en tête de l’inscription, signale probablement que les saburrarii se sont présentés devant le préfet lors d’une audience officielle et publique. Ceux-ci avaient l’habitude de tels contacts, puisque le titulus fait allusion aux mesures prises par les prédécesseurs de T. Messius Extricatus. L’intervention du centurion frumentaire, probablement détaché auprès du préfet, procède aussi des liens noués par les saburrarii avec les représentants de l’autorité. Au total, cette première inscription montre que les préoccupations impériales en matière de ravitaillement amenaient des professionnels à traiter avec l’administration.
18La seconde inscription se place sur un autre registre, celui de l’hommage et de la déférence vis-à-vis du pouvoir impérial. En 156, le corpus saburrariorum utilise ses fonds propres pour ériger un monument à la gloire de Marc-Aurèle54. La référence à la notion de corpus, accompagnée de l’expression « s(ua) p(ecunia) », ainsi que de la mention d’un patron et de deux quinquennales, contraste avec l’énoncé de 210 qui ne comporte aucun élément proprement collégial. En 156 et en 210, apparaissent non pas les mêmes individus, mais les représentants du même métier. Pourtant, les saburrarii paraissent donner corps à deux entités de nature distincte. Le préfet de l’annone dicte des règles à un groupe strictement professionnel : il semble traiter non pas avec un corpus, mais avec des hommes de métiers, par ailleurs réunis en association. En 156, en revanche, le corpus s’exprime comme une communauté soudée par des liens conviviaux qui dépassent l’horizon strictement professionnel. Dans leur rapport avec un administrateur impérial de haut rang, les saburrarii apparaissent comme un groupe indistinct. Dans l’expression volontaire de son loyalisme politique, le collège forme une entité hiérarchisée qui permet à ses dignitaires, Claudius Eutychnus et Munnenius Gaianus, de mettre leur dignité en avant. La comparaison de deux documents, fondés sur deux types de relations avec la puissance publique, permet de porter au jour le mécanisme, la dynamique, qui donne naissance à une sphère proprement collégiale.
19Dans le cas des saburrarii, le corpus n’apparaît pas, semble-t-il, comme l’instance de médiation entre l’administration et le monde des métiers. Bien au contraire. Et, la mention du corpus saburrariorum étant antérieure à l’audience des saburrarii devant le préfet, il apparaît que la constitution du corpus ne s’inscrit pas dans un processus chronologique d’organisation collective du métier. De fait, l’identité des saburrarii semble double. Les mêmes individus, au même moment, se pensent à la fois comme des professionnels du port se livrant à une activité économique précise, et comme des corporati soudés par d’autres liens que l’exercice concret du même métier. Notre commentaire du dossier épigraphique nous amène, en conséquence, à ne pas accepter l’analyse proposée par B. Sirks. Ce dernier tient les propos suivants : « we are inclined to assume, in view of the dates of the inscriptions and of other measures taken, that the corpus as an organization for the annona was created by Trajan when he enlarged the Portus Claudii at the beginning of the second century »55. Au-delà de la thèse générale qui la sous-tend, cette hypothèse nous paraît fragile. Si la création du corpus saburrariorum résultait de l’initiative du pouvoir impérial, soucieux du ravitaillement de l’annone, pourquoi la préfecture de l’annone affirme-rait-elle traiter avec les saburrarii et non avec le corpus saburrariorum ?
20Certes en dehors des limites géographiques de notre étude, des inscriptions émanant des scapharii d’Hispalis offrent un parallèle qui permet de mieux comprendre le dossier des saburrarii. Sous le principat de Marc-Aurèle et de Lucius Verus, ces scapharii saluent l’innocentia et la iustitia d’un procurator Augg(ustorum) ad ripam Baetis56 et d’un p(rimi)p(ilaris)57. Les vertus célébrées sont de celles habituellement reconnues aux détenteurs de la puissance publique58. La taille respective des deux monuments inscrits souligne le rapport hiérarchique entre les deux personnages. Dans la vallée inférieure du Baetis, au iie siècle, les scapharii jouaient un rôle économique important, dans une région prospère et exportatrice. Or, les rives du fleuve, sujet à de grandes crues, nécessitaient un entretien dont se chargeaient à la fois les cités et les autorités romaines. Les rapports entre les bateliers et le primipilaire L. Castricius Honoratus sont probablement liés aux compétences en matière hydraulique de certains militaires. Honoratus devait être un expert détaché auprès du procurateur Sex. Iulius Possessor. Ainsi, sur le Baetis, l’exercice du métier de bateliers était en partie conditionné par l’intervention d’administrateurs romains. Il en découle, de la part des scapharii, une action de type collégial, qui procède d’une attitude générale d’expression du loyalisme envers le pouvoir romain. En 146, déjà, les scapharii avaient érigé des statues à l’effigie d’Antonin le Pieux59 et de Marc-Aurèle60. Les bases de ces monuments et les deux dédicaces précédentes ont été découvertes au même endroit, près de la cathédrale de Séville. Les bateliers devaient disposer d’une schola dans cette zone où l’existence d’un « forum marchand » a été envisagée61. À l’instar des saburrarii d’Ostie, les scapharii du Baetis sont, en tant qu’hommes de métier, soumis à l’action administrative d’un pouvoir romain à qui ils rendent hommage, en tant que collegiati, en tant que sujets loyaux du prince. Encore une fois, le cadre de l’association apparaît lié à l’activité professionnelle, tout en donnant accès à une vie sociale et à une expression qui n’est pas réductible au champ économique. Les scapharii, pas plus que les lyntrarii qui – issus de trois villes en amont de Séville – honorent leur patron, ne se définissent comme un collegium62. La pratique de l’hommage relève cependant d’un comportement de type collégial, d’un comportement qui participe de la construction du champ collégial.
21À une époque proche de la rédaction des tituli des saburrarii, les fabri nauales d’Ostie se font les auteurs d’inscriptions honorifiques qui définissent en filigrane la nature et la fonction sociale de leur corpus. P. Martius Philippus a reçu le titre de tribunus fabrum naualium Portens(ium) à la fin du iie siècle. Le corpus fabrum naualium Ostiens(ium) l’honore en 195 par une statue dédiée « patrono optimo »63. Une autre base lui a été dédiée par la plèbe du collège64. J.-P. Waltzing rapproche ce tribun des préfets de collegia fabrum et de collegia centonariorum65. Ces préfets étaient, semble-t-il, des magistrats municipaux à qui les municipalités confiaient la tutelle des associations qui tenaient lieu de corps de pompiers. Aussi J.-P. Waltzing imagine-t-il que le tribun veillait peut-être à la sécurité, contre le feu, des immenses chantiers où travaillaient les fabri nauales. J.-P. Waltzing avance une seconde hypothèse : le tribun a peut-être dirigé les charpentiers de marine dans l’exécution de quelque corvée. Le mot « tribunus » revêt une nette connotation militaire, qui s’accorde bien avec l’idée d’un commandement exercé sur les fabri nauales. Ce n’est là qu’un faisceau de conjectures inspirées par un hapax. Les éléments sur lesquels s’appuyer sont très minces. En tout cas, le titre de tribunus ne correspond probablement pas à un titre collégial. Aucun collège du Haut-Empire ne désigne ainsi ses dirigeants66. Le tribunat de P. Martius Philippus trouve place dans une titulature d’administrateur. La curatèle de la Via Praenestina, et les curatèles des routes proches de Rome en général, sont considérées comme des charges équestres67. La référence à l’édilité curule pose problème. En réalité, la nature des titres de P. Martius Philip-pus est très discutée ; nous nous garderons, pour l’heure, de prendre part au débat68.
22De fait, il paraît vraisemblable que le tribunat des charpentiers de marine relève de l’administration du Portus, et donc des services étatiques installés au Portus, à moins qu’il ne s’agisse d’une fonction municipale. Or, de manière sans doute significative, au-delà ses attributions précises, P. Martius Philippus porte le titre de tribunus fabrum naualium Portensium, et non celui de tribunus corporis fabrum naualium Ostiensium. Le contexte solennel de l’érection d’une statue en l’honneur d’un patron suppose que le corpus fabrum naualium utilise une terminologie précise, officielle. Certes, le tribunat de Philippus indique probablement que, selon des modalités qui échappent aux modernes, l’autorité administrative surveillait, encadrait, certaines activités et donc certains groupes professionnels. Mais le corpus ne correspond pas, semble-t-il, au cadre dans lequel s’exerçaient la surveillance et l’encadrement. Le collège sert de cadre au patronat, et non au tribunat. Cités à la fin de l’inscription, C. Vettius Optatus et M. Clodius Minervalis arborent le titre de q(uin)q(uennalis) per(petuus)69. Leur dignité collégiale les place dans une relation hiérarchique par rapport au patronus corporis, et non par rapport au tribun. Le procédé met en valeur la dignité individuelle des deux corporati. En somme, la base honorifique porte au jour l’identité double de fabri nauales, hommes de métier et corporati, et la reproduction de cette même dualité dans la relation nouée avec un administrateur élevé au rang de patron du collège.
23Reste à expliquer une autre distinction, entre fabri nauales Ostiensium et fabri nauales Portensium. À la suite de H. Dessau, les commentateurs postulent l’existence de deux collèges distincts, mais en contact étroit l’un avec l’autre70. Or, cette position ne s’appuie que sur les deux textes dédiés au tribunus fabrum naualium Portensium71. L’expression « corpus fabrum naualium Portensium » n’est jamais attestée. Et les fabri nauales d’Ostie mettent systématiquement leur qualité d’Ostienses en avant72. H. Bloch a restitué le mot « Portensium » dans la lacune d’un album porté au jour à Portus73. L’épigraphiste souligne ce lieu de découverte et s’appuie, en outre, sur une liste fragmentaire découverte à Ostie, devant le temple des fabri nauales. Les noms de corporati inscrits sur les deux listes diffèrent. H. Bloch en conclut qu’il s’agit de documents émanant de deux collèges différents. L’argument est recevable, mais l’on peut noter, néanmoins, qu’aucune des deux listes n’est datée avec grande précision74. Il ne paraît pas totalement exclu que les deux documents puissent refléter l’effectif du même collège, à deux moments assez éloignés l’un de l’autre. Un écart potentiel d’une trentaine d’années est envisageable, si l’on suppose que la liste d’Ostie peut être contemporaine de la construction du temple collégial, sous le principat de Commode, et que l’inscription du Portus peut dater d’une époque proche de l’édit de Caracalla. Les fragments d’Ostie, livrant 98 noms, ne donnent qu’une vision partielle de l’effectif collégial, tandis que l’album découvert à Portus recense plus de 300 collegiati. Cela rend plus difficile la comparaison des deux albums. « Non esiste alcun rapporto con l’album dei Fabri navales CIL, XIV, 256 » affirme H. Bloch. Toutefois, plusieurs gentilices, certes courants, apparaissent sur les deux documents, qui présentent une même particularité : les deux effectifs collégiaux comportent quelques pérégrins, ce qui est rarissime à Ostie et ailleurs. L’existence de deux corpora distincts nous semble donc moins certaine qu’il n’y paraît. Dans l’attente d’analyses plus approfondies, nous posons l’hypothèse suivante, sous forme interrogative. Est-il tout à fait impossible que les fabri nauales Portenses et les membres du corpus fabrum naualium Ostiensium soient les mêmes individus ? La distinction topographique ne peut-elle pas résulter d’une distinction établie entre le lieu d’exercice du métier et l’enracinement du collège dans un autre espace urbain et civique, défini – comme le collège – par son appartenance à la cité ? Nous laissons ces deux questions ouvertes.
24Même s’il s’avérait préférable d’admettre l’existence de deux collèges distincts, il nous paraît sûr que le titre de tribunus fabrum naualium ne renvoie pas à une fonction exercée auprès d’un corpus, d’Ostie ou de Portus. Le profil de P. Martius Philippus semble donc révélateur de l’autonomie d’une sphère collégiale, fondée sur une pratique professionnelle suscitant, indépendamment de la constitution de corpora, des contacts avec des représentants de l’autorité publique. L’hommage rendu à l’administrateur prend la forme d’une cérémonie à la date, bien choisie, du 11 avril. Il s’agit du dies natalis de Septime Sévère, l’empereur régnant. Le corpus semble chercher à multiplier des gestes qui procèdent des relations diverses de ses membres avec la puissance publique.
25La défense des intérêts professionnels, la convivialité collégiale et la déférence à l’égard du pouvoir impérial se trouvent associés dans l’hommage rendu à Ti. Claudius Severus par son corpus. À travers lui, le corpus piscatorum et urinatorum des rives du Tibre honore un dirigeant qui a fait en sorte que la « nauigatio scapharum » soit acquise et confirmée75. Selon J.-P. Waltzing, cette « nauigatio » correspondrait au droit de transporter des hommes et des marchandises sur le Tibre76. N’est-il pas plus simple, toutefois, d’envisager que les pêcheurs et les plongeurs aient reçu le droit d’exercer leur propre métier, et non celui de transporteurs, en utilisant des scaphae ? Quoi qu’il en soit, l’éloge de la diligentia semble renvoyer à une intervention de Severus auprès de l’administration, auprès des services du curator aluei Tiberis et riparum et cloacorum Vrbis, sans doute. Severus, appariteur et père d’un chevalier romain, semble avoir noué plusieurs liens différents avec la puissance publique. Son rang et celui de son fils laissent présumer qu’il avait l’appui de personnages proches du pouvoir. Il est probable que Severus a mis ces soutiens au service de ses confrères. Mais rien ne prouve que la nauigatio scapharum a été accordée au corpus, et non aux piscatores et urinatores à titre individuel, c’est-à-dire à un groupe professionnel informel. L’inscription, elle-même, nous paraît apporter bien trop peu d’informations, pour servir de façon efficace la thèse d’un contrôle étatique des trafics fluviaux, par le biais des corpora77.
26En outre, Severus affirme son attachement à la maison impériale par un geste qui révèle que l’ensemble de ses confrères était animé d’un même sentiment. Il fait cadeau de statues de Caracalla et de Julia Domna, destinées à décorer le local du collège. L’attirance vers l’univers civique, perceptible chez Severus, est partagée par l’ensemble des corporati. L’association, constituant le « corpus piscatorum et urinatorum totius alu(ei) Tiber(is) quibus ex s(enatus)c(onsulto) coire licet », met en avant l’autorisation qu’elle a reçue de l’État romain. Or, un monument découvert sur le Quirinal porte une dédicace à un empereur dont le corpus des pêcheurs et les plongeurs semblent les auteurs78. Analysant l’éloge emphatique gravé sur ce monument, J. Gagé affirme que l’empereur honoré est Elagabal, et non pas Caracalla79. Alors que les commentateurs modernes étaient restés hésitants, doutant parfois de l’authenticité de l’inscription, J. Gagé adopte une position tranchée. Selon lui, les références surnaturelles et cosmiques du texte, dans leur caractère ampoulé, s’accordent bien avec la personnalité d’Élagabal. Le prêtre d’Émèse accéda à l’empire le 8 juin 218. Or, tous les 7 juin, des ludi piscatorii étaient célébrés sur la rive droite du Tibre. Ce hasard du calendrier pourrait expliquer l’allusion du collège au « sanctus dies natiuitatis tuae ». Les pêcheurs et les plongeurs célébraient cette fête annuelle présidée par le préteur urbain. Celle-ci avait lieu au Champ de Mars sous l’invocation du Tibre80. Il est possible que les ludi, eux-mêmes, soient à l’origine de l’autorisation délivrée au corpus par sénatusconsulte, à l’origine d’une reconnaissance par les autorités de l’utilité publique de ce collège81. Les seuls collegiati romains quibus ex SC coire licet, expliquant les raisons d’une telle faveur, mettent en avant leur participation à des ludi : au ier siècle de notre ère, leur collegium symphoniacorum a reçu une autorisation officielle « ludorum causa »82.
27Il ne s’agit pas d’écarter a priori l’idée selon laquelle les autorités romaines, animées de préoccupations économiques, pouvaient regarder les piscatores et urinatores comme des professionnels utiles à la collectivité. Néanmoins, ces personnages, parce qu’ils forment un collège, justement, recruté sur un critère professionnel, paradoxalement, ne peuvent pas être abordés sous l’angle exclusif de leur activité économique. Au total un faisceau d’éléments, les uns concernant un collegiatus, les autres l’ensemble de la confrérie, montre que la construction du champ collégial se nourrit à la fois d’un sentiment de cohésion dans l’exercice du métier, et de l’attirance vers l’univers civique. Les environnements économique, collégial et civique sont distincts tout en communiquant entre eux. Et chacun suscite des relations de nature différente avec la puissance publique.
28Le document qui montre de la manière la plus explicite l’attachement de corporati à défendre leurs intérêts professionnels concerne les quinque corpora nauiculariorum marinorum d’Arles83. Il s’agit d’un plateau de bronze découvert en 1899, à Beyrouth84. Le document ne cite pas de collegiati nommément, mais, compte tenu de son importance pour le thème traité dans cette section, il nous semble impossible de ne pas en dire quelques mots. Les liens entre les naviculaires gaulois et la côte levantine sont obscurs, et il ne semble pas que l’on puisse déduire du document l’existence certaine d’échanges commerciaux au long cours entre l’Occident et l’Orient. L’inscription transcrit la correspondance entre les naviculaires et Claudius Iulianus, préfet de l’annone en 201. Celui-ci répond à une supplique des naviculaires, en les avertissant qu’il a alerté à ce propos un procurateur placé sous ses ordres. La nature des difficultés rencontrées par les naviculaires apparaît dans la reproduction de la lettre envoyée à l’adjoint du préfet. Les naviculaires se disent victimes de mesures de denrées, et sans doute de comptes financiers, malhonnêtes. Ils s’en sont plaints auprès du préfet par le biais d’une délégation chargée de soumettre à celui-ci un décret pris par les quinque corpora. Une alternative claire a été présentée au préfet : faire cesser les abus ou voir les naviculaires arlésiens interrompre leur activité au service de l’annone. La dernière partie de l’inscription est illisible : elle devait correspondre aux recommandations données par le préfet au procurateur. Le document revêt un caractère exceptionnel et présente une démarche qui paraît inhabituelle de la part de corporati. Si les associations de métier du Haut-Empire n’étaient pas des structures d’organisation de la vie économique, le décret des corpora arlésiens paraît fournir une notable exception à cette règle générale.
29Les naviculaires, d’Arles et d’ailleurs, étaient habitués à traiter avec les services de l’annone. Il ne s’agit pas d’une nouveauté propre à l’époque des Sévères85. Le fait d’utiliser le collège et ses procédures à cette fin paraît certes inhabituel, mais s’inscrit sans doute dans une logique qui sous-tend des actes plus courants. Les mêmes corpora de naviculaires arlésiens ont fait graver un cippe de marbre en l’honneur d’un procurator Auggustorum ad annonam prouinciae Narbonensis et Liguriae, très probablement investi d’une mission extraordinaire86. L’inscription a souvent été datée de l’époque de Marc-Aurèle, mais M. Christol et S. Demougin ont montré qu’il fallait abaisser cette datation jusqu’au début du iiie siècle87. L’hommage adressé par les naviculaires à un homme qu’ils ont choisi comme patron, ne laisse de prime abord rien transparaître des relations professionnelles nouées entre les deux parties. Cependant, il paraît probable que l’innocentia du procurateur, louée par les corpora, renvoie à une honnêteté éprouvée dans la vie économique88. Chargé de faire acheminer vers Rome les denrées frumentaires dont la Ville manquait, le procurateur a dû se montrer large et ponctuel dans le paiement des naviculaires. On imagine le procurateur pour la Narbonnaise et la Ligurie chargé d’une mission comparable à celle de Sex. Iulius Possessor, adjoint du préfet de l’annone « ad (...) uecturas nauiculariis exsoluendas »89. L’hommage des naviculaires arlésiens découle sans doute de l’exercice du métier, mais, en tant qu’hommage collégial, il laisse dans l’ombre cette dimension des choses.
30Le décret de 201 s’explique mieux à la lumière de cette inscription honorifique, en admettant que le procurateur de 201 était installé en Narbonnaise, et que ses services étaient impliqués au moins indirectement dans les abus subis par les naviculaires90. Les deux documents ne relèvent sans doute pas de deux rapports radicalement différents entre les naviculaires et les services de l’annone. Habitués à faire l’éloge du bon administrateur, comme le montre l’inscription rédigée par les corpora en l’honneur de leur patron, les naviculaires étaient enclins à se plaindre du mauvais administrateur auprès de son supérieur. De tels actes étaient, somme toute, coutumiers des provinciaux dont les délégués s’exprimaient dans le cadre du concilium de la province, afin notamment de louer les bons gouverneurs ou de se plaindre des mauvais. La datation de l’inscription honorifique, établie par M. Christol et S. Demougin, écarte l’idée d’une évolution vers un encadrement plus « corporatiste » des activités annonaires entre l’époque antonine et la période sévérienne. L’action collégiale de 201 s’inscrit dans une situation de crise, qui peut expliquer son caractère exceptionnel. De fait, le texte ne permet pas d’établir que les corpora nauiculariorum ont changé de nature entre le ier siècle et le début du iiie. Rien ne prouve que les liens économiques entre les naviculaires et l’annone ont cessé d’être contractuels et individuels. Les naviculaires arlésiens de 201 peuvent être considérés, non pas comme des « agents » d’une administration tentaculaire, menaçant de faire grève, mais comme des entrepreneurs privés menaçant de rompre des contrats. Contrairement à ce que J. Rougé laisse entendre, dans la lettre de 201, rien n’indique très clairement que les cinq corpora de naviculaires arlésiens forment autant de sociétés commerciales d’armement maritime91. En revanche, utiliser les structures collégiales dans cette affaire peut s’expliquer par la nature administrative du litige, par son caractère « politique », alors que le corpus constitue une structure de nature civique donnant à ses membres un accès à des formes d’expression politique. Un tel point de vue s’accorde mieux, nous semble-t-il, avec la manière dont les corpora de naviculaires arlésiens, mais aussi les corpora des saburrarii d’Ostie et des piscatores et urinatores romains, présentent leurs relations à la puissance publique.
31À Rome, des foulons de l’Esquilin ont été en contact avec l’autorité publique à l’occasion d’une procédure judiciaire célèbre, qui s’est étalée de l’année 226 à l’année 244. Ouvrir maintenant ce dossier permet de mieux comprendre les interactions entre la vie économique et les structures collégiales92. Le document principal date de 244. Il correspond à un autel dédié à Hercule par le q(uin)q(uennalis) perpetuus P. Clodius Fortunatus. Le monument sert de support à un texte épigraphique qui présente trois décisions prises par trois préfets des vigiles, en faveur de fullones aussi appelés fontani93. En 226, dans le même lieu, P. Clodius Fortunatus avait déjà installé un petit autel. Alors simple q(uin)q(uennalis), il célébrait ainsi la victoire obtenue lors d’une première audience94. De nombreuses décennies auparavant, en 57, six magistri avaient dédié un cippe de marbre à Minerva Augusta. Le caractère religieux de ces dédicaces est lié à l’objet même du litige95. En 244, et ceci depuis le principat d’Auguste, les foulons occupent gratuitement un lieu public96. Ils en font un usage religieux qui justifie, selon eux, qu’ils ne paient aucune redevance à l’État romain97. La partie adverse agit au nom de celui-ci, sans doute pour le compte du fiscus. Selon le ou les plaignant(s), les foulons doivent s’acquitter d’une pensio dont ils ne sauraient être dispensés. Le juge chargé de l’affaire est le préfet des vigiles, ce dont les juristes modernes se sont beaucoup étonnés. Le texte de 244 transcrit les sentences successives des perfectissimes Aelius Florianus, Herennius Modestinus et Faltonius Restitutianus. Les préfets se sont prononcés après l’inspection du locus incriminé et l’examen des décisions précédentes98.
32Le « procès des foulons » a suscité une bibliographie abondante ; les articles de F. M. De Robertis constituent la dernière contribution globale à l’étude du dossier99. L’historien et juriste italien rejette plusieurs propositions de ses prédécesseurs. Il refuse l’idée, énoncée par Th. Mommsen, selon laquelle le litige aurait été lié à la jouissance de l’eau d’un aqueduc, et donc à l’exercice du métier de foulons. J.-P. Waltzing, quant à lui, suit Th. Mommsen en conjecturant que les foulons utilisaient sans doute les ressources de l’Aqua Claudia100. Il n’est certes jamais question d’aqueduc dans les textes. Et le préfet Restitutianus qualifie la sententia de son prédécesseur Florianus en laissant entendre que les actiones ont été intentées de loco. Sans doute les juges auraient-ils été plus explicites si la jouissance d’une dérivation d’un aqueduc avait constitué le cœur du « procès ». La position de Th. Mommsen semble déterminée par la volonté d’expliquer pourquoi l’affaire était du ressort de la préfecture des vigiles. Th. Mommsen imagine que le locus des foulons abritait un point d’eau utile à la lutte contre le feu. Par ailleurs, F. M. De Robertis récuse l’idée, qui apparaît sous la plume de Mommsen, Waltzing et Liebenam, selon laquelle la dispense de pensio découlerait du caractère de res sacra du locus. Pour être sacer, un locus doit avoir été consacré au sens technique du terme, par le Grand Pontife, ce qui n’est pas le cas, loin s’en faut, de tous les espaces de culte romains. De plus, les préfets ne s’intéressent pas à la nature intrinsèque du locus, mais à son usage au moment où ils rendent leur jugement. Ainsi peut s’expliquer le fait que le même contentieux aboutisse, devant la même juridiction, à trois sentences identiques, prononcées dans les mêmes termes, au mépris seulement apparent de l’autorité de la chose jugée101. Au total, F. M. De Robertis propose la reconstruction suivante. Auguste a donné aux foulons la jouissance gratuite d’un locus publicus, à la condition qu’ils s’en servent à des fins religieuses. Deux siècles plus tard, les mêmes foulons sont accusés à trois reprises de ne plus remplir la dite condition, de s’être rendus coupables d’une « deviazione » des « fini di culto » qui avaient motivé le beneficium augustéen.
33L’argumentation de F. M. De Robertis est fort cohérente, mais celui-ci s’arrête en chemin, sans définir la nature de la « deviazione » qui aurait été reprochée aux foulons. Le point de vue du plaignant est bien difficile à saisir : les sources émanent des seuls accusés. En écartant l’idée de la jouissance de la dérivation d’un aqueduc, F. M. De Robertis se refuse à envisager qu’un usage professionnel du locus ait pu être en cause. Au-delà de cette controverse, les sources laissent observer un point admis de tous depuis Th. Mommsen : les fullones de l’Esquilin formaient une communauté cultuelle de fontani102. Vénérant Hercule et Minerve, exerçant un métier nécessitant beaucoup d’eau, les foulons se présentent en tant que fontani comme des adeptes de Fons, la très ancienne divinité romaine des sources. Varron, à propos de la fête annuelle du 13 octobre célébrée en l’honneur de Fons, tient les propos suivants : « Fontinalia a Fonte, quod is dies feriae eius ; ideo tum et in fontes coronas iaciunt et puteos coronant »103. Ce lien entre la fête et les fontaines de Rome apparaît aussi sous la plume de Paul-Diacre : l’abréviateur de Festus évoque les « fontinalia fontium sacra »104. Dès lors, est-il très audacieux d’imaginer qu’un point d’eau devait être présent, et tenir une place importante au sein de l’aire cultuelle occupée par un collège voué à Fons ? Que cette eau soit acheminée par dérivation d’un aqueduc ou non constitue, somme toute, un autre problème.
34Si, à titre d’hypothèse, on admet que le litige portait sur un locus à vocation cultuelle comportant une fontaine, de quelle « deviazione dai fini di culto » les foulons auraient-ils pu se rendre coupables, si ce n’est d’une « deviazione » de nature professionnelle ? L’argument selon lequel Auguste n’aurait pas accordé la gratuité si les foulons avaient fait un usage à la fois religieux et professionnel du locus, n’est pas décisif. Le raisonnement se place sur le terrain d’une vraisemblance subjective. Les motivations de la partie adverse, la volonté insistante de faire payer une pensio, se comprennent plus aisément si l’on envisage qu’au-delà de la gratuité, les foulons tiraient des avantages lucratifs de l’occupation du locus. Que les mêmes foulons ne laissent rien percevoir de cette dimension des choses se comprend encore plus aisément. Comme nous l’avons vu, le caractère contigu des espaces professionnels et collégiaux apparaît à Ostie à travers le cas des mensores frumentarii et des negotiatores fori uinarii. Le lis fullonum résulte sans doute de l’imbrication d’activités professionnelles et collégiales sur un même locus. Sur l’autel d’Hercule, de manière sans doute significative, P. Clodius Fortunatus arbore le titre de q(uin)q(uennalis) perpetuus huius loci. La formule permet sans doute aux foulons de l’Esquilin de se distinguer d’autres communautés de foulons de la Ville : l’une d’elles est attestée sur le Quirinal105. Cependant, si l’affaire était liée à la présence d’activités professionnelles et collégiales sur un même lieu, le fait de définir la quinquennalitas des foulons en référence non pas au collège lui-même, mais au locus, ne serait pas anodin. Ne serait-ce pas le reflet d’un système de défense consistant à définir ce locus comme collégial donc religieux, religieux donc collégial ? L’ambiguïté, parce qu’elle servirait les intérêts judiciaires du collège, pourrait être volontaire. Or, la façon dont les foulons sont nommés dans l’ensemble du dossier est ambiguë.
35F. M. De Robertis cherche dans la transcription des interlocutiones des indices permettant de déterminer si les foulons ont été jugés en tant que collegium ou « uti singuli », soulignant que « nostra iscrizione sembra considerare i fullones sotto un profilo unitario ». Toutefois, force est de constater que les préfets des vigiles ne parlent jamais de collegium, alors que l’autel d’Hercule porte la transcription de sentences judiciaires. Il est légitime de croire en la précision de tels propos. En revanche, lorsque les foulons sont les seuls rédacteurs des mots inscrits, ils sont prompts à se définir comme un collegium. La dédicace de 226 est adressée à la Victoire par le collegium fon[tanorum] ; et les fontani de 57 mettent en avant des titres de magistri typiquement collégiaux. Une seconde ambiguïté terminologique réside dans l’emploi des mots « fullones » et « fontani ». Seuls responsables des formulaires épigraphiques, les foulons se disent « fontani » de manière systématique, tandis que les préfets utilisent les deux dénominations. Ces éléments, même s’ils ne représentent que des indices ténus, peuvent être intégrés à l’hypothèse générale. Les occupants du locus se présenteraient comme un collegium fontanorum pour asseoir la légitimité religieuse de leur occupation gratuite. Leurs adversaires s’en prendraient aux fullones, à des artisans utilisant un locus publicus à des fins professionnelles. Les propos des préfets porteraient l’empreinte des deux argumentaires. La longueur de la procédure et ses rebondissements pourraient s’expliquer par le fait que chacune des parties s’appuyait sur une part de vérité.
36De manière générale, l’hypothèse tend à révéler que la distinction entre les champs professionnel et collégial est fondée, et perçue par les anciens. Au cours du « procès », défendeur et plaignant s’appuieraient sur l’une et l’autre des deux réalités, tandis que, dans leurs jugements, les préfets auraient accordé une prééminence à la seconde sur la première. Néanmoins, cette même distinction est relative. Les environnements professionnel et collégial procèdent l’un de l’autre, si bien que, dans le cas des foulons, aurait vu le jour une situation assez inextricable, mais aussi assez exceptionnelle, pour aboutir à un conflit judiciaire long de presque vingt ans. Or, le compte-rendu de ce conflit laisse percevoir des formes multiples et différenciées de relations entre les fullones / fontani, des artisans collegiati, et la puissance publique. Un représentant de la puissance publique réclame à des artisans d’un même voisinage le paiement d’une redevance fiscale. Le groupe comparaît devant un administrateur impérial, institué en tant que juge. Bien auparavant, Auguste avait donné à un groupe de dévots exerçant la même profession la jouissance d’un lieu public, afin d’y célébrer un culte privé : la gratuité concédée est un bienfait princier qui fait des fontani / fullones une catégorie privilégiée. Parallèlement, la mansuétude impériale s’explique sans doute par le rôle d’utilité publique que les fontani / fullones ont pu jouer. Il n’est pas impossible, en effet, qu’incombaient aux artisans la surveillance et l’entretien d’une fontaine dont profitait l’ensemble d’un quartier106.
37Au total, le collège n’apparaît pas, et surtout les collegiati ne cherchent pas à faire apparaître leur collège, comme une structure d’organisation de la vie économique et des relations à l’autorité publique que celle-ci impliquait parfois. Certains hommes de métiers entretenaient bien des contacts professionnels avec la puissance publique qui peuvent expliquer l’attitude de certains collèges. Mais l’action collégiale, si elle n’est pas indépendante de la vie économique, se situe sur un autre plan. Quel que soit le statut privilégié obtenu par des corporati, à titre individuel ou en tant qu’entité collective, il nous semble que les collèges du Haut-Empire, désignés comme corpora, ne sont pas des structures professionnelles au sens strict ayant pour vocation première de traiter avec les autorités publiques.
Les collèges et les autorités municipales
38L’intensité des relations entre les hommes de métier et les collèges professionnels, d’une part, la puissance publique et ses représentants, d’autre part, sont-elles une spécificité propre à la ville de Rome, à son antenne ostienne et aux milieux économiques liés à l’annone ? La grande masse de la documentation disponible peut donner cette impression. En effet, l’épigraphie des collèges des cités d’Italie et des provinces occidentales ne conserve pas l’attestation explicite de relations économiques entre des administrateurs municipaux et des milieux négociants formant des collèges. Tout juste peut-on évoquer la personnalité de L. Marculeius Saturninus d’Alba Fucens, curator operum publicorum et quinquennalis collegii fabrum tignuariorum107. De manière plus générale, les patronats noués avec des administrateurs municipaux pouvaient-ils être sous-tendus par des relations dans la vie économique ? L’adjudication des travaux publics mettait les magistrats en contact avec des professionnels qui appartenaient parfois à des collèges de fabri ou de fabri tignuarii. Dans quelle mesure l’éloge des merita, des beneficia, de tels magistrats pouvait-il être lié à l’exercice, par les collegiati, de leur métier ? On ne peut pas le dire. Et si des arrangements peu honnêtes étaient conclus, par nature, ils n’avaient pas vocation à être affichés sur la place publique. Pour expliquer le silence des sources, peut-on présumer que, par les inscriptions rédigées en tant que collegiati, les hommes de métier cherchaient à s’extraire de leur environnement professionnel pour s’exprimer en tant que citoyens ? Cette question procède d’une démarche a silentio fragile par nature.
39De fait, en dehors de Rome et d’Ostie, les relations attestées des collèges avec les autorités publiques se situent en dehors du terrain économique. Les honneurs décernés aux détenteurs du pouvoir municipal représentent autant de gestes d’affirmation par les collegiati de leur ancrage dans les cités, d’affirmation d’une citoyenneté qui constitue un élément essentiel de leur identité108. L’action des collegiati s’enracine dans les cités, si bien que les collèges entretenaient des contacts suivis avec les gouvernements municipaux. De fait, les collegiati forment une catégorie bien identifiée, et officiellement reconnue, au sein des sociétés municipales.
40L’hommage rendu apparaît encore comme un moyen d’intégration civique. Des noms de collegiati sont inscrits sur des tabulae patronatus, sur les tables de bronze offertes à des patrons de collèges au moment de leur cooptatio. Les tables conservées proviennent de cités italiennes d’Ombrie et d’Émilie. Elles ont été gravées entre 166 et 261109. Leur formulaire contient l’éloge du nouveau patron, et par-fois l’éloge de parents ayant précédé celui-ci dans sa dignité, ainsi que la description de la procédure de cooptatio. Des collegiati sont cités nommément en tant que rapporteurs ou présidents de l’assemblée, et en tant que délégués chargés d’apporter au patron la tabula attestant son nouveau statut110. De tels documents, révélateurs des liens sociaux tissés entre les associations et des notables municipaux, mêlent des éléments privés et publics et font ainsi apparaître un mécanisme spécifique de construction de l’appartenance civique et de la conscience de celle-ci.
41La clientèle, le fait d’établir avec un individu socialement supérieur une relation de réciprocité de devoirs et d’attentes, correspond à une appartenance d’ordre privé. À l’issue de l’assemblée réunie pour la cooptatio, les collegiati vont saluer leur patron dans sa demeure. Ils traversent l’espace public, mais leur procession se dirige vers une maison privée et non un édifice public. Les collèges prêtent aux notables des vertus et des qualités aussi bien privées que publiques. Ils peuvent chanter les louanges de la domus du patron, autant que le poids de celui-ci dans la ciuitas. La domus de Petronius Victorinus, de son épouse Setina Iusta et de son fils Petronius Aufidius Victorinus iunior, brille ainsi par sa claritas111. L’éloge sied à une vieille et prestigieuse famille sénatoriale. Petronius Victorinus est en effet le petit-fils d’un consul de l’année 200112, et l’arrière-petitfils de C. Aufidius Victorinus, consul bis en 183 et gendre de Fronton113. De leur côté, les centonarii de Sentinum regardent Coretius Fuscus à la fois comme le splendidus decurio de leur patrie et comme le chef d’une famille qui leur a manifesté amor et beneuolentia114. Lorsqu’une femme a été désignée comme patrona, l’éloge se porte systématiquement sur le terrain privé et moral. Les fabri de Pi-saurum vantent la pudicitas de Setina Iusta. Ceux de Volsinii insistent sur la castitas et la sanctitas d’Ancharia Luperca, mais ne manquent pas d’évoquer tous les honneurs civiques remplis par son époux et ses enfants115. La relation de clientèle, en général, fait une place très grande aux sentiments, d’amor et d’affectio notamment116.
42Toutefois, au-delà des aspects privés du patronat et de la clientèle les tables mettent en scène des collegiati œuvrant pour donner à leur action un aspect officiel, public. Dans les textes gravés sur le bronze, les mots « ciuitas » et « patria » sont employés avec des adjectifs possessifs qui traduisent l’attachement des collegiati à leur communauté civique, à leur « spl(endida) ciuitas » écrivent les centonarii de Luna117. L’élaboration des décrets de cooptation répond à un modèle fourni par les délibérations du sénat du Peuple romain, et adopté avec un même soin par les décurions municipaux118. Les collèges, réunis dans leur schola ou dans un templum, à une date précisée au début du décret, sont dits « frequentes » : les participants sont nombreux. L’évocation des exposés des dirigeants précède la formulation ritualisée de l’interrogation sur ce qu’il faut faire et de la réponse apportée par la collectivité. De fait, en offrant le patronat à des notables de leur cité, les collegiati se mettent en scène comme une assemblée délibérative, amenée à décerner un titre supplémentaire à des personnages dont le rang se confond avec la détention du pouvoir municipal. Et lorsque les notables présentent leur carrière, ils intègrent la qualité de patron de collège dans leur titulature, bien qu’il ne s’agisse pas d’un honos municipalis au sens strict du terme. Une distinction conférée par un collège ne peut pas être mise sur le même plan qu’une magistrature briguée auprès du peuple, mais, dans l’esprit des notables et de leurs concitoyens, les patronats trouvent place dans un ensemble de titres honorifiques qui englobe et dépasse les seules magistratures.
43Dans leurs décrets, au-delà de la procédure suivie lors des cooptationes, les collegiati affirment expressément le caractère public de leurs gestes et de leurs communautés. En choisissant Ancharia Luperca pour patronne, le collegium fabrum Volsinii, décide d’élever une statue à son effigie. « Statuamque ei aeream / in schola collegi n(ostri) iuxta eundem Laberium Gallum maritum / suum ponamus, ut eius erg[a] nos pietas et nostra erga eam uol/untas publica etiam uision[e] / conspiciatur » ; « nous lui élevons une statue de bronze dans la salle de réunion de notre collège, juste à côté du même Laberius Gallus, son époux, afin que sa piété envers nous et notre assentiment public envers elle soient contemplés d’un seul regard. » Cette référence à la notion de uoluntas est intelligible si l’attention se porte sur l’usage de ce mot dans le vocabulaire politique. Dans le vocabulaire politique, la uoluntas désigne l’approbation mais aussi, plus largement, le soutien d’une collectivité cliente à l’égard d’un grand personnage119. En choisissant leur patronne, les collegiati expriment la volonté d’entrer dans un groupe d’obligés. En affichant le caractère « public » de sa uoluntas, le collegium se définit lui-même comme un groupe constitutif de la sphère publique. La uoluntas du collegium est publica, car les collegiati se considèrent, au sein de la plèbe urbaine, comme une fraction du populus. De la même manière, le collegium centonariorum de Sentinum définit l’octroi du patronat, dans les formes choisies, comme une « publica testificatio » de sa gratitude envers Coretius Victorinus120. La forme de la cooptatio institutionnalise le collegium, lorsque celui-ci adopte des décrets qui ont l’apparence de ceux que prennent les ordines decurionum pour l’ensemble de la cité. À Volsinii et à Sentinum comme ailleurs, l’association construit une part de son caractère public par l’affiliation à des personnes privées, dans un contexte social et civique caractérisé par la mainmise d’un groupe social, les notables, sur le politique.
44Dans cet environnement social et civique, agir en tant que collegiatus consiste à agir en tant que ciuis. Aussi bien, dans certains cas, les entreprises des collèges sont-elles soumises à un encadrement municipal, qui souligne l’intégration des collegiati et de leurs collectivités à leurs cités. Plusieurs documents émanant de collèges de dendrophores de la seconde moitié du iie siècle illustrent bien ce phénomène.
45À Lyon, deux autels métroaques, datés l’un de 160 et l’autre du 16 juin 190, portent des inscriptions qui mentionnent des membres du collège des dendrophores. Le dendrophorus L. Aemilius Carpus121 et le perpetuus quinquennalis Claudius Sabinus122 ont participé à des tauroboles, avant de faire construire, à leurs frais, les autels commémorant ces cérémonies. Celles-ci ont été effectuées, à Rome même pour la première, dans un esprit qui associe loyalisme envers l’empereur et patriotisme local. La salus de l’empereur et de la maison impériale, leur numen en 190, ainsi que le status et le situs de la colonie lyonnaise, devaient tirer profit de ces tauroboles. En 190, les dendrophori Luguduni consistentes se présentent comme les auteurs du taurobole et de l’inscription commémorative. Parallèlement, les deux monuments conservent la trace du rôle tenu par la municipalité lyonnaise. Le sacerdoce de Q. Sammius Secundus, qui officie en 160, est de nature municipale. Le sanctissimus ordo de la colonie lui confère l’honneur de la perpétuité dans cette prêtrise. En outre, les deux autels sont installés dans un espace public, l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum). Les dendrophores forment une association en relation étroite avec des autorités qui favorisent l’épanouissement de pratiques cultuelles à la fois collégiales et municipales, dont la cité dans son ensemble doit tirer bénéfice. Les dendrophores sont en contact, non seulement avec les autorités de la colonie, mais aussi avec le clergé métroaque de Rome123. Aussi le collège est-il bien plus qu’un cocon donnant accès à la convivialité chaleureuse d’un ensemble humain de taille réduite. Il apporte à ses membres une ouverture sur le monde, un monde qui s’organise autour de structures civiques et romaines.
46L’autel de 160 assurément, l’ensemble du dossier lyonnais plus implicitement, supposent une collaboration étroite entre la municipalité de Lyon et le collège des dendrophores. Quelles formes cette action conjointe a-t-elle pu prendre ? Un document d’époque voisine, mais découvert fort loin de la capitale des Gaules, apporte un éclairage précieux. Le 9 janvier 196, l’ordo de Pouzzoles s’est réuni dans la curia basilicae aug(ustae) Annian(ae) afin de traiter d’une question afférant au collège des dendrophores de la cité124. Ceux-ci avaient décidé par décret d’élever une statue en l’honneur de M. Octavius Agatha, un patron de la cité. Les dendrophores interrogent alors le conseil des décurions, à propos de la forme épigraphique qu’ils doivent donner à cet hommage. Et le conseil leur répond en adoptant, lui aussi, un décret officiel. Sans doute la procédure suivie s’explique-t-elle par l’attribution au collège d’un lieu public. Une telle démarche ne se justifierait guère, s’il s’était agi d’un monument installé dans la schola collégiale. La demande des dendrophores est avancée de manière officielle, par un dénommé Cn. Haius Pudens dont la qualité d’o(rnatus) u(ir), ou peut-être d’o(ptimus) u(ir), semble indiquer le statut de notable. On imagine les dignitaires des dendrophores prenant contact avec lui, afin de lui soumettre leur cas. Sans doute les lettres LDDD des inscriptions de Lyon et d’ailleurs recouvrent-elles la même procédure, sans que les inscriptions le disent.
47Agissant en tant que « honestissimus corpus », écrivent les décurions de Pouzzoles, les dendrophores tendent à être présentés comme une partie constituante de la cité, presque au même titre que l’ordre supérieur formé par les décurions. Les deux collectivités distinctes et inégales adoptent, par des procédures calquées l’une sur l’autre, des décrets qui épousent les mêmes formes et qui concourent à l’exécution d’un seul et même geste. Les collegiati forment, comme ailleurs, une assemblée délibérative dans une cité soumise aux délibérations de l’ordo. La représentation qu’ils se font de leur être social et civique se nourrit de la démarche d’imitation dans laquelle ils s’inscrivent. Traiter et collaborer avec les décurions renforce encore chez les dendrophores le sentiment, éprouvé et donné à éprouver aux citoyens de Pouzzoles, que le collège et l’ordo sont par essence proches l’un de l’autre. Alors que la part la plus notable de la cité décide en conseil pour l’ensemble de la communauté, l’assemblée collégiale est le lieu où une fraction du corps civique détermine son action. En l’espèce, les dendrophores de Pouzzoles, comme beaucoup d’autres collèges, rendent hommage à un patron de toute la cité. Sans disposer du titre de patronus collegii, M. Octavius Agatha est leur patron, puisque les dendrophores sont des citoyens de Pouzzoles. Les dendrophores apparaissent comme une fraction du corps civique dont certaines décisions, prises de concert avec les autorités, concernent la cité dans son ensemble. Il s’agit pour eux d’honorer, dans l’espace public, le protecteur de tous les citoyens. Célébrer un taurobole et dédier un autel taurobolique pour le bien de la cité procède du même discours sur l’identité et l’appartenance civiques, sur une forme spécifique d’identité et d’appartenance civiques.
48À l’instar des documents tauroboliques de Lyon, une inscription rédigée par les dendrophores de Bovillae met en scène, en 147, un collège dans ses relations avec la puissance publique125. Là encore, l’action collégiale, encadrée par les autorités civiques, est liée à l’expression du loyalisme politique. Le collège a décidé d’édifier un monument pour la sauvegarde d’Antonin le Pieux, de Marc-Aurèle et de la domus diuina. Le collège semble avoir saisi les services impériaux de son intention126. Le titulus évoque en effet une lettre de l’empereur. Sans doute, Antonin a-t-il demandé aux autorités de Bovilles de satisfaire la volonté des dendrophores : exprimer leur déférence à l’égard du pouvoir impérial, dans l’espace public. En conséquence, le collège reçoit un locus du curateur de la cité et des décurions. La pierre ne permet pas de connaître précisément la raison de cette assignation. Toutefois, la mention de pins semble renvoyer à un rite effectué par les dévots dendrophores de Cybèle et d’Attis. L’expression « pinus ponendas » a été gravée en petit, entre les lignes 6 et 7, juste en dessous de « faciendum curauerunt ». Le dernier personnage cité, pour avoir veillé à la bonne exécution de l’acte collégial, est probablement un responsable des dendrophores. Il est vraisemblable que les lettres « QQ » ou « MAG QQ » étaient gravées dans la lacune suivant les trois premières lettres de son cognomen. Or, le nom de ce C. Albius Cep[– – –] est inscrit juste après la mention d’un édile sans doute éponyme. De fait, honneur collégial et magistrature municipale tendent à apparaître dans un rapport hiérarchique et donc, d’une certaine manière, comme des éléments de nature semblable. Par la publicité donnée au nom du dendrophore, le collège semble construire, par son intégration aux structures municipales, le prestige civique et la dignité individuelle de l’un de ses dirigeants.
49Au total, en manifestant du respect à l’égard des détenteurs du pouvoir, les collegiati tiennent un discours qui contribue à construire leur relation à la sphère publique, leur citoyenneté. Cette citoyenneté est fondée sur de multiples appartenances : à l’Empire, à des cités, à un collège. L’affirmation par les collegiati de leur citoyenneté prend la forme d’une reconnaissance de l’ordre civique établi. Elle contribue à les inscrire dans celui-ci, à les insérer dans des hiérarchies à la fois civique et sociale qui ordonnent des groupes, plus que des individus, en fonction de leur relation au pouvoir, notamment. Dans le contexte annonaire des villes de Rome et d’Ostie, dont proviennent beaucoup des documents examinés, les collèges professionnels nouent des relations très particulières avec l’autorité publique. Toutefois, l’attirance des collèges pour la sphère publique est générale. Les collèges participent du domaine public.
LES COLLÈGES : COMMUNAUTÉS CIVIQUES ET DOMAINE PUBLIC
50Sous le Haut-Empire, l’ensemble des collèges adopte une terminologie et une organisation inspirées de l’État romain et des petites républiques que constituaient les cités italiennes et provinciales. Dans la ville de Rome, les mensores machinarii, les dendrophores et les centonarii se réfèrent explicitement à la notion de res publica127. En outre, une table de marbre découverte dans l’ager Albanus a été gravée par un corpus scaenicorum latinorum en l’honneur d’un magister perpetuus, ainsi remercié pour sa gestion incomparable de la res publica corporis128. L’attitude de ces collèges et des associations romaines en général procède-t-elle d’un mimétisme de langage sans rapport direct avec le statut réel de ces collectivités, ou bien doit-elle conduire à regarder ces structures comme des institutions « publiques » ?
51Le statut des collèges et des collegiati dans les cités de l’Occident romain ne se laisse pas définir aisément. Le caractère volontaire des associations romaines, au cœur même de la définition moderne de la notion d’association129, ainsi que l’autonomie interne des collèges du Haut-Empire à l’égard des gouvernements municipaux, sont sources de complexité. Les collèges ont été considérés comme distincts des structures et cadres civiques véritables, parce qu’ils n’avaient pas vocation à encadrer le populus tout entier, ordonné et subdivisé. Telle est la vision de J.-M. Flambard, lorsqu’il remarque, d’une part, que les collegia compitalicia, ancrés dans des uici, n’accueillaient pas tous les habitants de ces circonscriptions, et, d’autre part, que le choix d’appartenir ou non à un collège tranchait avec l’attribution à tous les citoyens de la Rome républicaine d’une tribu et d’une centurie130. Cependant, la volonté des collegiati de s’inscrire, et d’inscrire leurs collectivités, dans le cadre le plus officiel possible est forte et constante. Aussi les collèges ont-ils pu être définis comme des entités « semi-publiques ». Le qualificatif rend compte du problème sans vraiment le résoudre131. L’incertitude, quant au statut du collège et à la perception que les collegiati en avaient, ne peut être levée sans s’efforcer de déterminer la limite de ce qui, aux yeux des anciens, relevait du domaine public, de l’univers civique. Définir le collegium dans ses relations avec la notion d’ordo, puis avec la notion d’uniuersitas, permet de s’inscrire dans cette démarche.
Les collegiati dans une société d’ordines
52L’étude des collèges professionnels de l’Orient romain a mené O. van Nijf à mettre au jour un processus qu’il nomme « ordo-making », reprenant ainsi une formule de S.E. Ostrow132. Voici les définitions qu’O. van Nijf donne dans son ouvrage. L’ordo-making résulte, selon lui, d’une « hierarchical conception of society within which identity was derived from membership of a status group constructed along the lines of a Roman ordo », pour s’apparenter à une « form of collective self presentation as a respected status group in society, that adopted the forms of self representation of the Roman élites »133. Sous la plume d’O. van Nijf, l’ordo-making est lié à la façon dont des individus conçoivent ce qu’ils sont, perçoivent l’organisation de la société et s’expriment dans le champ civique. L’ordo-making procède donc de la psychologie des individus, de « l’identity », et des appartenances collectives, de l’appartenance à des « status groups ». L’analyse s’appuie sur les contours des « Roman ordines », tels que ceux-ci apparaissent à travers les ordres sénatorial et équestre, et à travers les ordres municipaux de décurions. Dans les chapitres précédents, la place de la notion d’ordo dans la formation de l’identité civique des collegiati a été brièvement abordée. Ces quelques lignes permettront d’approfondir quelque peu cette réflexion en explorant les implications du concept établi par O. van Nijf.
53C’est à propos des fêtes et des banquets publics, qu’O. van Nijf livre sa vision des sociétés municipales de l’Empire romain. « Participation in public commensality appears to have been determined not by citizenship alone, but also by membership of a variety of status groups, which determined the ways in which individuals took part ; banquets came to reflect an image of society as a hierarchy of status groups rather than a community of equals », avance-t-il, pour définir ce qu’il appelle « the corporate order of urban society »134. J.-P. Waltzing constatait déjà l’ancrage de presque tous les collèges dans une ville particulière. Prêtant attention aux noms des collèges, il voyait dans la mention des cités au génitif une manière de signifier une relation d’appartenance légale et de subordination des premiers vis-à-vis des secondes135. L’étude tend à montrer que les collegiati se pensent comme une catégorie spécifique de la population civique, comme les détenteurs d’une dignité supérieure à celle des simples citoyens. L’épigraphie permet aux membres d’association d’afficher aux yeux de leurs concitoyens des honneurs que les cités ou des communautés de taille inférieure à celles-ci leur ont délivrés, parfois en remerciement de leurs dons. Ces marques de gloire s’ajoutent à celles obtenues au sein du collège pour donner forme à de véritables titulatures civiques. Les collèges apparaissent comme des structures collectives qui contribuent à ancrer dans les consciences individuelles le sentiment d’appartenance à une cité. La conscience de l’enracinement civique est si profonde qu’elle s’étend aux résidents dépourvus de la citoyenneté locale, mais parties prenantes de communautés civiques conçues de la façon la plus large, et organisées de manière concentrique. Les collegiati prennent place dans les espaces civiques, par des édifices qui font apparaître leurs collectivités comme des cercles de convivialité prestigieux, et par des inscriptions honorifiques qui donnent aux plus éminents d’entre eux l’envergure de quasi notables. Le collège fournit enfin un accès à des formes d’expression politique à des individus placés, de ce fait, au contact des instances officielles, et clairement reconnus par celles-ci.
54À l’appui des théories d’O. Van Nijf, il est remarquable que des collèges se posent comme ordines de la manière la plus explicite, ou recourent à la notion d’ordo pour décrire certains aspects de leur organisation interne.
55Dans quatre inscriptions d’Ostie, émanant de trois corpora différents, l’expression « ordo corporatorum » s’applique expressément à l’ensemble d’une collectivité de bateliers136. Elle correspond à une dénomination officielle, qui tend à définir le rang de près de 500 collegiati. Sans doute faut-il ajouter à ces individus, les douze corporati dont une partie des nomenclatures apparaît sur un fragment d’album ostien137. Il en va de même pour soixante artistes scéniques de Bo-villes, répertoriés sur la face latérale d’un monument qu’ils dédient à leur pater, et très probablement pour deux associations de la ville de Rome : les negotiatores eborarii et citriarii et les cultores d’Esculape et d’Hygie. Si la loi des ivoiriers et ébénistes, compte tenu de son état de conservation notamment, ne livre aucun nom, celle des dévots d’Esculape et d’Hygie mentionne un quinquennalis et deux curateurs.
56Sans entrer pleinement dans le cadre de notre étude, certaines collectivités, en faisant usage de la notion d’ordo, confirment que celle-ci n’était pas réservée aux seuls ordres supérieurs de la société romaine. Une grande obscurité entoure l’ordo Baulanorum. Le mot « Baulani » renvoie à la localité campanienne de Bauli. B. Cohen juge possible que cet ordo soit constitué de décurions municipaux, quoi qu’en ait dit Th. Mommsen. Selon ce dernier, Bauli n’a jamais été une cité. L’éditeur du CIL, X pense que l’ordo Baulanorum de l’inscription no 1746 devait plutôt se confondre avec le collegium Baulanorum de l’inscription no 1747 qu’il identifie comme un collège de la familia impériale. Les nomenclatures et les titres des personnages apparaissant dans les deux inscriptions plaident en faveur de la position de Th. Mommsen138. L’ordo proretarum de Misène, lui aussi, paraît lié à la puissance publique. Il s’agit d’un collège de militaires qui se comporte comme une confrérie funéraire, en rendant un dernier hommage à un collega sanctissimus, L. Fulvius Datius, proreta cl(assis) pr(aetoriae) Mis(enatium)139.
57La nature de l’ordo regalium demeure, quant à elle, une énigme totale140. Th. Mommen envisage une hypothèse qui ferait de l’ordo regalium un collège de clients141. Les clients pouvaient en effet désigner leur patron sous le nom de « rex », et une communauté de cultores des statues d’un particulier est attestée142. La restitution « [decretum ordi]nis n(ostri) », dans un texte lacunaire de Pola, est peu sûre ; et le collegium qui se serait exprimé ainsi, de nature incertaine. Enfin, le caractère hypothétique de la restitution « [decreto ?] ordi[nis] » s’ajoute au fait qu’il n’est pas avéré que l’inscription nîmoise concernée s’attache à un quelconque contexte collégial. En revanche, un fragment d’album d’Ostie se rapporte indéniablement à un groupe de corporati, mais la restitution « o[rdo] » n’est pas certaine.
58Quelques collèges désignent leur équipe dirigeante par le terme « ordo », reproduisant ainsi le clivage entre populus et notables qui caractérise les sociétés municipales. Une inscription découverte à Tusculum retrace une « carrière » collégiale menée parmi les charpentiers romains ; nous l’avons déjà évoquée. À l’issue de cette carrière, l’affranchi T. Flavius Hilario a été iudexs inter elect(os) XII ab ordine lust(ro) XXII143. Ce titre recouvre probablement une fonction d’arbitrage confiée à notre homme par le comité formé par les décurions et sans doute les honorati de ce grand collège144. Le fils d’un magister quinquennalis de l’association est en effet qualifié « d’allectus in ordinem decurion(um) »145. Un dénommé Lixus Lucil(ianus), habitant de la ville de Rome lui aussi, a eu l’honneur d’être admis « sine suffragis, ex omnium sententia » dans l’ordo decurionum du collegium incertum dont il avait été l’administrateur146.
59L’organisation des plongeurs et pêcheurs des rives du Tibre n’apparaît pas de façon si explicite, ce qui laisse place au débat. B. Cohen affirme que l’expression « ex decreto ordinis corporis piscatorum et urinatorum » est sans doute le reflet d’une distinction entre la plèbe de l’association et ses dirigeants. À l’inverse, J.-P. Waltzing classe cette attestation « d’ordo » parmi celles qui se rapporteraient à l’ensemble d’un collège147. Les fabri tignuarii romains étaient sans doute quelques 1300, ce qui explique que les décisions de leur collège, ou une partie d’entre elles, étaient prises par un comité restreint, et non par une assemblée générale. Sans doute le fleuve romain était-il le théâtre d’une vie fourmillante, mais le métier des pêcheurs et plongeurs suggère que l’effectif du corpus du Tibre ait été bien moins abondant. Certes, « ex decreto ordinis corporis » rappelle la formule « decreto decurionum » si courante dans l’épigraphie municipale, mais la validité de ce rapprochement intuitif n’apparaît pas inébranlable. À la fin du règlement du collegium Aesculapi et Hygiae, il est question d’un decretum adopté par l’ordo, in conuentu pleno148. Ce conuentus plenus correspond à l’assemblée des soixante personnes qui formaient l’effectif du collège. Aussi bien, dans la lex collegii, est-il possible de juger équivalentes les expressions « hoc decretum ordini n(ostro) placuit » et « ex decreto uniuersorum », ces derniers mots figurant à la ligne 8 du document. Il nous paraît donc vraisemblable que l’expression « ex decreto ordinis corporis piscatorum et urinatorum » renvoie à ce mode simple de prise de décision, et que l’ordo corporis désigne l’ensemble du collège des pêcheurs et plongeurs.
60Les collèges, en général, peuvent-ils être considérés comme de véritables ordines ? Un réexamen rapide du contenu de la notion d’ordo permet de mieux saisir la représentation que les collegiati avaient d’eux-mêmes, tout en précisant, à la lumière des réalités et des mentalités anciennes, les termes modernes de « status group » ou de « corporate body ». À la question qui vient d’être posée, B. Cohen répond négativement, sans hésiter. Selon lui, l’appartenance à un ordo suppose une position spécifique dans le « Staatsrecht » romain149 dont les collegiati, membres d’associations privées, sont dépourvus150. Sous le Haut-Empire, comme nous l’avons admis, le collegium est un regroupement volontaire, libre de recruter qui il veut et de s’administrer comme il l’entend. Ses contours ne sont définis ni par l’État ni par les instances des cités, mais seulement par et pour lui-même. Néanmoins, le point de vue sans appel de B. Cohen peut étonner au regard de la recension qui précède. Faut-il nier aux collegiati une qualité dont certains se réclament sans restriction, en définissant leur communauté comme un ordo corporatorum ? B. Cohen finit par juger l’emploi d’ordo par des collèges trop exceptionnel pour remettre en cause la portée générale de son analyse. Sans doute peut-on remarquer que le phénomène, rare, n’en est pas moins significatif.
61Les anciens n’expliquent dans aucun texte ce qu’ils entendent par un mot, « ordo », qui n’appartient pas seulement au vocabulaire de l’organisation civique. Il peut s’appliquer à des réalités fort matérielles, telles un banc de rameurs dans un navire ou une rangée de spectateurs au théâtre151. Les modernes, par conséquent, ont défini la notion d’ordo par eux-mêmes, en référence – avant toute autre chose – au statut civique des sénateurs et des chevaliers. Ce sont les modes de recrutement et les fonctions propres aux deux maximi ordines de l’État romain, ainsi qu’un parallèle établi avec la société française d’Ancien Régime, qui ont conduit C. Nicolet à présenter l’appartenance à un ordre comme « une dignité avec aptitude à la puissance publique »152. De manière générale, l’ordo est compris comme une entité juridique, une division du corps civique délimitée strictement par l’autorité politique153. Toutefois, au-delà de ces fermes éléments de définitions, la « non-technicité » ou « l’élasticité » de certaines attestations « d’ordo » ont été soulignées154. B. Cohen a relevé jusqu’à 27 ou 28 acceptions différentes de ce même terme. « Si j’ose dire, tous les ordines ne sont pas des ordines : il est des emplois trompeurs ou abusifs de ce mot », écrit C. Nicolet, expliquant les écarts sémantiques des anciens par des « usages métaphoriques ». B. Cohen insiste lui aussi sur ce caractère jugé métaphorique et marginal.
62Or, les emplois censés impropres « d’ordo » concernent la plèbe, des groupes sociaux inférieurs à l’élite et, parfois même, des groupes définis par leur activité économique. Cela atténue l’impression d’étrangeté qui se dégage des noms que certains collèges se sont donnés. Les « ceteri ordines », « infimi et medii » s’ajoutent aux sénateurs et aux chevaliers, aux « summi ordines », pour former les « omnes » ou « cuncti ordines » dont la concordia représente l’idéal politique cicéronien. La définition du Peuple romain comme la somme des « omnes ordines » apparaît aussi dans les écrits de Cornelius Nepos, Tite-Live, Velleius Paterculus, Tacite, Suétone ou encore Ateius Capito155. Tite-Live et Suétone parlent « d’ordo libertinus », alors que Cicéron applique le mot « ordo » aux affranchis compromis dans la conjuration de Catilina. Bien plus tard, en tant que juriste et non en tant qu’auteur littéraire, Ulpien utilise l’expression « ordo et dignitas mancipiorum » à propos des esclaves, non pas pour désigner le groupe servile lui-même, mais pour distinguer des rangs de dignité différente parmi les esclaves156. D’après Cicéron, les « ordines siue aratorum siue pecuariorum siue mercatorum » sont animés de la rancœur que Verrès a fait naître en tout homme de Sicile157. Enfin, dans le contexte décrit dans le discours Sur les pouvoirs de Pompée, « ipsi in Asia negotiantur » figurent parmi les « ex ceteris ordinibus ho-mines » que l’orateur mentionne à la suite de l’ordo formé par les publicains de la ferme d’Asie158. « L’épaisseur conceptuelle » de la notion d’ordo, évoquée par B. Cohen, résulte avant tout de la réflexion des modernes. Parce que les anciens l’ignoraient, des collegiati ont pu faire usage de cette même notion, sans grand mal.
63Les collegiati se présentent comme membres d’ordines dans des documents épigraphiques dont il faut prendre en compte la nature et le contexte. À Ostie, les lenuncularii tabularii auxiliarii, pleromarii et traiectus Luculli, ainsi que les membres d’un corpus indéterminé, semble-t-il, se qualifient d’ordines au moment de dresser leur album. Dans une liste nominale soulignant la supériorité des dignitaires sur les simples corporati, l’ordo, le collège, apparaît comme un groupe clos et hiérarchisé, dont la stricte délimitation est issue d’un acte solennel159. Répertoriés dans une liste de soixante individus, les artistes de Bovillae se définissent comme des adlecti scaenici et comme un ordo adlectorum. La notion d’adlectio, qui implique l’idée d’un choix prononcé par le groupe dans le cadre de son recrutement, renforce encore le caractère circonscrit et officiel du collège, sous-tendu par la notion d’ordo. Selon B. Cohen, dans ce contexte, le mot ne signifierait sans doute que « registre » : il serait donc dénué de toute connotation « juridico-sociale ». Mais les albums sénatorial et équestre, eux-mêmes, ne sont-ils pas des registres jouant un rôle crucial dans la délimitation des ordines concernés ?
64Les eborarii et citriarii romains évoquent la notion d’ordo dans leur lex. Sont passibles d’exclusion, les curateurs qui auraient favorisé une adlectio frauduleuse au sein du collège. « Ex albo ra[d]e[r]entur ab ordine », « qu’ils soient rayés de l’album et retranchés de l’ordo par-là même », interprète J.-P. Waltzing à la suite de Th. Mommsen160. L’expression « [curatores quaterni omnibus] annis fierent [ex al]bo per ordinem » figure dans un autre article de la loi. L’idée de hiérarchie, induite par la nomination d’administrateurs, s’ajoute à celle de fermeture de l’effectif collégial, ces deux dimensions étant affirmées dans un texte normatif. La lex était peut-être sans valeur juridique au-delà de l’association. Il n’empêche que la notion « d’ordo » apparaît ici dans un document lié à la définition de statuts qui ont vocation à encadrer le groupe de manière stricte. Ces statuts font du collège une entité structurée par une forme de droit. Établies par des priuati liés entre eux par une pactio, les leges collegiorum sont de véritables lois, même si elles ne peuvent prévaloir, face à une lex publica161. L’association crée un lien social qui suppose l’élaboration de règles régissant les rapports entre les membres, de règles qui donnent à l’association une « dimension institutionnelle »162. Parallèlement, en se qualifiant d’ordines dans des inscriptions qui rapportent un decretum, les collèges se réfèrent à une procédure officielle, pensée comme civique par nature. Une fois encore, le contexte de la rédaction épigraphique paraît propice à l’assimilation du collège à un ordo.
65L’usage que les collegiati font du mot « ordo » est-il, au total, « métaphorique » ou conforme à la nature de leurs groupements ? La frontière entre l’imaginaire et le réel semble moins nette qu’il n’y paraît de prime abord. Certes, les collèges se mettent en scène à la manière d’ordres supérieurs dont le statut juridique, le rapport à la puissance publique et le mode de recrutement sont tout à fait différents. Cependant, le mimétisme des collèges à l’égard des institutions des cités et de l’État romain est si accompli que l’attitude consistant à prendre le nom « d’ordo » peut se justifier, en partie, par des formes bien réelles d’organisation et de fonctionnement. Par ailleurs, l’application de la notion d’ordo à des groupes non-statutaires est-elle si impropre, qu’il convienne de renoncer à y voir toute signification véritable ? Le mot « ordo » a-t-il vocation à désigner un groupe, quel qu’il soit, ou seulement une catégorie juridique ? Le cadre de cette étude est trop étroit pour prétendre formuler une réponse définitive. Néanmoins, l’attention prêtée aux collegiati fournit un éclairage enrichissant sur ce problème. Le collège est un groupement volontaire et indépendant du gouvernement municipal, mais il confère à ses membres une place reconnue dans la vie collective et dans la hiérarchie sociale de la cité dans laquelle il s’enracine. Le collège, dans sa relation à la cité, semble dans une position dont l’ambiguïté a quelque parenté avec l’impropriété apparente de certaines occurrences « d’ordo ». Il peut apparaître comme une sorte de maillon intermédiaire entre des groupes informels et des cadres civiques stricto sensu.
66Lorsque la documentation peut être datée, l’emploi du mot « ordo » par des collèges apparaît comme une tendance propre au iie et au début du iiie siècles. Ce mode d’expression semble donc immédiatement postérieur à l’émergence des ordines Augustalium, et contemporain de l’affirmation de ces derniers dans la vie municipale. Depuis les travaux de R. Duthoy et d’A. Abramenko, il est admis que l’augustalité recouvre, dans les cités du Haut-Empire, une double réalité que nous avons déjà rappelée. Les titres de seuiri Augustales et d’Augustales désignent à la fois des fonctions sacerdotales annuelles et l’appartenance à des collectivités d’anciens prêtres définies comme des ordines Augustalium ou des ordines seuirum Augustalium163. Les structures de l’augustalité, constituées de prêtrises municipales et de communautés d’Augustales, se distinguent des structures collégiales. Les conseils de décurions ont un pouvoir de nomination à une dignité d’Augustalis soumise, de ce fait, à un contrôle qui ne s’exerce pas sur les collèges. Le sévirat correspond à un honneur municipal à part entière164. L’expression « ordines decurionum et seuirum Augustalium » repose sur une homologie révélatrice d’un lien organique entre les organisations de l’augustalité et les municipalités. Ce lien fait défaut aux collegiati, alors que la reconnaissance des Augustales comme « second ordre » de la cité paraît revêtir un caractère officiel165.
67Toutefois, au-delà de ces différences structurelles, l’étude a montré que l’augustalité et les collèges s’inscrivent dans des milieux sociaux très proches. Il est difficile de concevoir que les membres d’associations dites « privées » n’aient pas été influencés par un processus qui s’accomplissaient sous leurs yeux, dans le contexte civique et social qui était le leur. De nombreux collegiati ont été Augustales. Et, compte tenu des similitudes d’organisation des deux types de communautés, ces personnages tendent à mettre sur un même plan ces deux qualités et les honneurs qui leur sont liés. Les Augustales semblent avoir désigné les dignitaires de leurs ordines eux-mêmes, indépendamment des gouvernements municipaux, ce qui a dû faciliter cette assimilation166. En dehors du cadre géographique de notre étude mais de façon très significative, la dédicace d’un monument d’Aquincum au numen et au Génie de l’empereur est, en 138, l’œuvre d’un collegium Augustalium167. Les Augustales de Corinthe se définissent de la même manière168. Comme nous le verrons par la suite, sur certains documents, les seuiri Augustales de Brescia se présentent aussi comme un collegium. Les emplois du terme « corpus » pour désigner un groupe d’Augustales, et de son dérivé « corporatus », sont beaucoup plus courants, dans l’épigraphie des provinces gauloises et de Campanie notamment169. Des collegiati investis de la dignité d’Augustalis, déjà mentionnés à ce titre, y ont recouru170. Ainsi, l’organisation de l’augustalité révèle la possible imbrication de l’ordo et du collegium, au-delà de clivages juridiques qui paraissent plus nets sous la plume des modernes que dans l’esprit des anciens.
68Le collège, notamment dans ses rapports avec le concept d’ordo, met en lumière deux dimensions essentielles de l’intégration des individus dans la société romaine. Analysant la notion d’ordre, et évoquant en particulier l’organisation du Peuple romain en centuries et en tribus, C. Nicolet tient les propos suivants. « Ce n’est pas l’individu, abstrait et atomisé, qui est l’élément insécable du tout, mais le ‘groupe’ corporativement organisé – ce que Mommsen appelait le ‘corporatisme’, reprenant la notion contenue dans le latin corpus »171. En définitive, les collèges sont révélateurs du caractère à la fois civique et collectif de l’intégration dans la société romaine. Cependant, les groupes constitués par les collegiati, leur position vis-à-vis de la cité et des sphères officielles en particulier, font apparaître une réelle complexité. Sans doute la pertinence du concept d’ordo-making réside-t-elle non seulement dans la référence à la notion d’ordo, mais encore dans l’emploi d’une forme verbale imperfective. « Making » rend compte d’une tendance à l’œuvre à un moment donné, mais qui ne s’accomplit pas tout à fait dans le cadre chronologique étudié. Les collèges semblent s’approcher d’un statut civique conforme au concept d’ordre défini par les modernes, sans l’atteindre pleinement. Le statut juridique des collèges, et l’évolution qu’il a connue au iie siècle ap. J.-C., laissent percevoir des dynamiques convergentes.
Les collèges et le régime de l’uniuersitas
69La situation juridique des collèges a suscité des débats contradictoires et complexes. Le dossier, de très grande ampleur, a fait l’objet d’une bibliographie foisonnante, depuis la jeunesse de Th. Mommsen jusqu’à nos jours172. Il pourrait donc paraître vain d’en faire état de manière trop brève, dans une étude qui, par sa nature et son sujet même, ne peut lui consacrer qu’un traitement marginal. Néanmoins, si la place des collegiati dans leurs cités est liée à la nature spécifique des associations romaines, le statut que le droit romain réserve à celles-ci permet de mieux saisir l’idée que les collegiati se faisaient d’eux-mêmes et de leurs collèges. Les acquis – parfois les points d’accord a minima entre théories opposées – de l’histoire juridique des collèges, d’une part, et les résultats de l’enquête menée sur la place civique des collegiati, d’autre part, font apparaître quelques convergences fondamentales.
70Dans le Digeste, seuls quatre textes traitent directement des collèges, en envisageant les rapports que ceux-ci entretenaient avec l’État romain. Ainsi, des fragments de Gaius, de Marcien et d’Ulpien donnent corps au titre XXII du livre XLVII de la compilation réalisée à la demande de Justinien. Les caractères licite ou au contraire illicite des collèges et des appartenances collégiales, définis par les princes et le sénat, donnent sa cohérence au passage. En revanche, la participation des collèges au commerce juridique est fixée par des dispositions qui transcendent ces groupes, et qui incluent certains d’entre eux dans un ensemble de collectivités définies comme uniuersitates173. De fait, parmi les sujets de droit, existe une catégorie plus large que le collège, mais dont les contours contribuent à faire mieux comprendre la nature de celui-ci. Une uniuersitas est un groupement distinct des éléments qui la composent, si bien qu’elle a vocation à survivre au décès de membres dont l’effectif est censé se renouveler sans interruption174. Le concept d’uniuersitas, le fait, pour reprendre les mots de Gaius, qu’il existe des groupes « quibus autem permissum est corpus habere »175, sont révélateurs de la reconnaissance, par le droit romain, d’une certaine individualité aux entités collectives. Un petit nombre de collèges, « pauci » dit Gaius, ont accédé à une telle reconnaissance.
71La notion d’uniuersitas tient donc une place cruciale dans l’émergence très progressive de la personnalité juridique, dans un processus qui n’atteint son plein accomplissement qu’aux époques médiévale et moderne. Certes, le concept de « personne » est resté étranger à la pensée juridique romaine, mais les uniuersitates se sont vu reconnaître des droits qu’elles partageaient avec les personnes physiques176. Elles jouissaient du droit d’exister par elles-mêmes, de se gouverner par elles-mêmes et de se perpétuer en recrutant de nouveaux membres. Dans leurs relations avec autrui, les cités, et les autres uniuersitates avec elles, ont acquis un statut de parité avec les particuliers. Néanmoins, « instituée comme unité, la cité n’était pas imaginée comme une personne » et « l’équiparation » entre municipes et personnes physiques « était beaucoup plus vécue que pensée »177.
72De fait, les collèges reconnus comme des uniuersitates se trouvent placés dans une catégorie qui englobe les cités. Déterminer la portée générale de cette classification juridique rend plus intelligible l’essence et l’histoire des collèges. La situation des collèges a été établie par analogie, « ad exemplum rei publicae » écrit Gaius. Les diverses manifestations de l’individualité des municipes et des collèges – le droit de posséder, d’acquérir et d’aliéner des biens conservés dans une caisse commune, ainsi que les modalités de leur représentation – découlent de ce principe178. Dans quelle mesure la notion d’uniuersitas et son évolution aident-elles à penser le collège comme une communauté constitutive de la cité ? Certes, ce n’est qu’au regard de la capacité juridique, que cité et collège peuvent se trouver inclus dans une même catégorie. Le raisonnement qui consisterait à conclure a priori, à partir de la définition de la cité comme uniuersitas et du collège comme uniuersitas plus petite, que le collège est nécessairement une partie organique du tout civique paraîtra trop simple et trop rapide. Les juristes modernes ont établi des clivages nets entre les différents types de personnes juridiques179. Toutes les personnes juridiques ne peuvent pas être mises sur un même plan. Néanmoins, la catégorie hétérogène des uniuersitates semble rapprocher, sur certains points et selon des modalités spécifiques, les entités distinctes que représentent le collège et la cité180.
73Lorsque, au iie siècle, les collèges reconnus comme uniuersitates reçoivent des droits nouveaux, ils bénéficient avec quelques décennies de décalage d’avantages préalablement consentis aux cités. Le principat de Marc Aurèle marque à ce titre une étape importante dans le renforcement de la capacité juridique des collèges. Ceux-ci se voient accorder alors le droit d’affranchir leurs esclaves, ce qui implique le bénéfice de tous les droits inhérents au patronat181. Le droit de faire et de recevoir des legs est aussi concédé aux collèges autorisés182. Il est possible que certains collèges aient profité de privilèges spéciaux, avant ces mesures générales. Ainsi s’expliqueraient les attestations de legs effectués avant Marc Aurèle183. Or, les cités avaient reçu de Nerva le droit d’être instituées légataires. Confirmant cette disposition en 123, Hadrien les autorisa officiellement à affranchir leurs esclaves184. Au milieu du deuxième siècle, à l’instar des cités, les collèges considérés par les Prudents semblent passer du statut d’incertae personae à celui de certae personae185.
74L’évolution juridique confirme la chronologie qui se dégage de l’étude du profil social des collegiati et de l’étude des collèges en général. Le deuxième siècle semble se caractériser par l’intégration accrue des hommes de métiers, par le biais d’instances collectives plus nombreuses et plus visibles dans les cités. Les dispositions légales concernant les collèges, indices d’une attention accrue à leur égard, accompagnent l’essor de telles communautés aux époques antonines et sévériennes. L’antériorité des mesures prises en faveur des cités montre que les collèges ne sont pas traités et donc envisagés de la même manière, en dépit de leur statut éventuel d’uniuersitas186. L’acquisition décalée des avantages concédés aux cités pouvait cependant donner l’image de collectivités qui participaient de l’univers civique au sens large. Or, parce qu’affranchir et recueillir des legs supposaient la reconnaissance d’une certaine individualité, ces droits nouveaux ne pouvaient échoir qu’à des uniuersitates. Une inscription gauloise de Divodurum, chef-lieu des Mediomatriques, met en scène un affranchi des nautes de la Moselle, dont la nomenclature – M. Poblicius Sec[un]danus – retient l’attention187. Les caractéristiques onomastiques de cet homme sont certes exceptionnelles, le gentilice des affranchis de collège dérivant d’ordinaire de la dénomination précise des collectivités. Des Fabricii Centonii, dont un Cresimus collegiorum lib(ertus), apparaissent par exemple dans l’épigraphie de Brescia188. Il est fréquent, en revanche, que d’anciens esclaves municipaux s’appellent « Publicius »189. La dédicace faite à Secundanus semble indiquer que les nautes de la Moselle sont clairement perçus comme une communauté qui participe de la sphère publique au sens large. Et il n’est pas anodin que cette donnée soit liée à un acte d’affranchissement, c’est-àdire à un droit exercé par le collège en tant qu’uniuersitas.
75Lorsqu’il est reconnu comme uniuersitas, un collège se définit négativement, par opposition aux groupes exclus de cette catégorie. Les collèges se distinguent des societates qui présentent un caractère éphémère : la societas ne peut perdurer en cas de départ, de changement de statut ou de décès d’un membre. La responsabilité des socii n’est en rien limitée, comme elle l’est au sein d’une uniuersitas. Le statut d’uniuersitas suppose, à l’inverse, une « reconnaissance officielle s’exprimant par voie législative, la décision émanant d’une assemblée, du sénat ou des empereurs, à titre général ou particulier »190. Le collège reconnu en tant qu’uniuersitas n’est pas un groupement informel.
76Tous les collèges, cependant, disposaient-ils du statut d’uniuersitas ? La réponse est négative. Les propos de Gaius ne laissent pas de doute : « paucis admodum in causis concessa sunt huiusmodi corpora », affirme le juriste191. Les exemples de corpora évoqués par ce-lui-ci, des groupes de pistores et de naviculaires, montrent sans doute que l’État romain, dans l’octroi parcimonieux du statut d’uniuersitas, jugeait prioritaires les collèges professionnels, et les associations en rapport avec l’annone en particulier192. En s’appuyant non seulement sur le texte de Gaius mais aussi sur des fragments de Callistrate et d’Ulpien, B. Eliachevitch arrive à la conclusion que la personnalité juridique n’était accessible qu’aux collèges reconnus par sénatus-consultes spéciaux et à ceux reconnus par le sénatusconsulte général relatif au collegia tenuiorum193. Le statut juridique des collèges et le droit romain d’association sont liés l’un à l’autre.
77Sous le Haut-Empire, le droit d’association était régi par un texte fondamental, la lex Iulia de collegiis. Celle-ci fut probablement promulguée par César entre 49 et 44 av. J.-C. et confirmée par Auguste en 7 av. J.-C., si l’on suit la chronologie proposée par F. M. De Robertis contre Th. Mommsen et J.-P. Waltzing. Cette loi pose de grands problèmes d’interprétation qui ne peuvent faire l’objet d’une analyse détaillée dans le cadre restreint de cette étude. L’énoncé de la loi n’est pas conservé, si bien que des hypothèses tout à fait opposées peuvent être avancées194. L’action de César et d’Auguste, en tout cas, s’est placée au terme des décennies troublées de l’agonie républicaine. Alors que la législation sur les collèges avait constitué l’un des paramètres des luttes entre factions, la lex Iulia participe du retour au calme et à la stabilité, ainsi que de la volonté du nouveau pouvoir d’exercer un contrôle politique plus ferme. Un seul document épigraphique, la stèle du monument funéraire d’un collège de musiciens de la ville de Rome195, renvoie explicitement à la lex Iulia196. Le contenu précis de la lex est tout aussi énigmatique et controversé. La thèse admise par le plus grand nombre consiste à affirmer que la loi césarienne, appliquée durant l’Empire, subordonnait la création des collèges à la délivrance d’une autorisation par le sénat197. L’épigraphie des collèges conserve la trace des sénatusconsultes rendus, semble-t-il, en vertu de la lex Iulia.
78La lex Iulia de collegiis est regardée comme « la charte du droit d’association pendant trois siècles »200. Et la mesure originelle permettant l’application à des collèges du régime d’uniuersitas est inconnue. Grande est donc la tentation d’imaginer que cette dernière disposition est le produit de la lex. B. Eliachevitch va plus loin encore201. Selon lui, le contenu de la loi se résumait à la possibilité offerte à certains collèges d’accéder à la personnalité juridique. Les sénatus-consultes rendus au bénéfice des collèges ne se seraient donc pas apparentés à des actes d’autorisation préalable. Il ne faudrait pas confondre les collèges non-reconnus par l’État et les collèges illicites. Les premiers auraient été tolérés à condition qu’ils ne perturbent pas l’ordre public. B. Eliachevitch considère donc le Haut-Empire comme une période de liberté d’association presque totale. Selon lui, le foisonnement des associations reflété par l’épigraphie contredit la thèse d’une législation sévère et prohibitive202. Le clivage essentiel entre les différentes associations romaines serait donc fondé, non pas sur le critère de la licité, mais sur l’étendue de la capacité juridique. Les collèges, peu nombreux, qui se disent « quibus ex SC coire licet » semblent mettre en avant une particularité qui les distingue des autres associations, une sorte de privilège prestigieux issu d’une relation nouée avec la puissance publique.
79La capacité juridique, pour B. Eliachevitch, et l’autorisation préalable, pour les tenants de la thèse alternative, seraient fonction de la reconnaissance par l’État romain de l’intérêt public de certains collèges203. Il est question d’utilité dans l’inscription des symphoniaci, à travers les mots « ludorum causa ». Selon J. Linderski, partisan de la thèse traditionnelle de l’autorisation, la lex Iulia devait comporter une liste de telles causae204. En outre, un passage d’Asconius tend à établir que la prise en compte de l’utilité publique serait apparue, dans le droit des associations, dès 64 av. J.-C. et les premières mesures prises à l’encontre des groupements factieux205. Toutefois, J. Linderski pense qu’Asconius plaque sur l’époque républicaine une réalité impériale issue de la lex Iulia. Le même historien remarque que Callistrate, dans des fragments relatifs aux immunités accordées aux membres de collèges, recourt à la notion d’utilité dans des termes identiques, ce qui laisse présumer que Callistrate et Asconius se sont référés à une même source : la lex Iulia206. Mais sur quels critères l’intérêt public éventuel d’un collège était-il énoncé ? Dans de nombreuses villes, les tria collegia – les collèges de fabri, de centonarii et de dendrophores – prenaient part à la lutte contre les incendies. Leur présence dans la liste des associations « quibus ex SC coire licet » n’étonne donc pas207. De même, les fonctions annonaires des mensores machinarii frumenti publici suffisent à justifier une bienveillance du pouvoir à leur égard. L’intérêt public des autres collèges répertoriés est moins évident, moins direct en tout cas, ce qui pose des problèmes difficiles à résoudre. Nous avons vu que le corpus piscatorum et urinatorum totius aluei Tiberis célébrait les ludi piscatorii sous la présidence du préteur urbain, ce qui peut expliquer qu’il se présente comme le bénéficiaire d’une autorisation par sénatus-consulte.
80Deux thèses sont ainsi en présence. L’idée que l’État romain était appelé à examiner l’utilité publique des collèges leur est commune. Or, bien qu’opposés, les deux points de vue apportent des éléments susceptibles d’enrichir notre réflexion sur la nature du collège. Si une autorisation préalable était requise pour créer un nouveau collège, cette reconnaissance accordée par la puissance publique romaine aurait donné un caractère officiel aux communautés collégiales. On comprendrait mieux, dès lors, que les collegiati tendent à se présenter, dans leurs cités, comme une catégorie civique. Si l’on se fie au contraire aux analyses de B. Eliachevitch, on aboutit à l’idée que le tissu associatif romain était constitué d’un éventail de groupements, plus ou moins officiels, plus ou moins reconnus par les autorités. La typologie, qui découlerait de la théorie de B. Eliachevitch, se serait étendue du groupe informel à l’entité civique, en laissant place à une sorte d’entre-deux. La conséquence tirée de la première hypothèse vaudrait, surtout, pour les membres des communautés les plus officielles. Et parallèlement, la seconde hypothèse s’accorde bien avec le constat général que l’assimilation des collegiati à une catégorie civique n’est que tendancielle. Qu’elle résulte ou non de la lex Iulia, l’étendue de la capacité juridique apparaît, en tout cas, comme un critère de différenciation entre les collèges. Les propos de Gaius prouvent qu’un petit nombre de collectivités jouissait d’une situation privilégiée, ce qui donne du crédit à l’idée d’une hétérogénéité juridique du tissu associatif romain.
81Au-delà de la lex Iulia, un autre texte relatif au droit d’association accroît encore la difficulté de l’analyse, tout en permettant d’étayer la perspective diachronique nécessaire à l’étude des collèges. Deux documents de nature différente, rapprochés pour la première fois par Th. Mommsen, font écho d’un sénatus-consulte sur les collegia tenuiorum. L’expression désigne, de façon assez vague, des collèges de « petites gens ». Gravée sur une table de marbre découverte à Lanuvium, la lex du collegium salutare Dianae et Antinoi reproduit un article du sénatus-consulte autorisant ses membres à se réunir et à verser des cotisations mensuelles en vue du culte funéraire. L’extrait fait aussi allusion aux restrictions s’imposant au droit de réunion. Les collegiati ne pouvaient pas se rassembler plus d’une fois par mois pour mettre en commun la stips menstrua208. Les mêmes formules apparaissent sous la plume de Marcien lorsque, au début du iiie siècle, le juriste évoque les tenuiores. Toutefois, à lire le fragment conservé au Digeste, les limites imposées au droit de réunion semblent beaucoup moins restrictives : au-delà du versement des cotisations, les tenuiores semblent avoir pu se rencontrer à leur guise, « religionis causa »209. La grande majorité des commentateurs ont jugé fort probable que le collegium et le juriste se réfèrent à une seule et même source : un sénatus-consulte général précisant le statut juridique de l’ensemble des associations funéraires, pense-t-on à la suite de Th. Mommsen210. Son adoption est forcément antérieure à 133, année de la fondation de la confrérie de Lanuvium. F. M. De Robertis, constatant l’augmentation du nombre de collèges funéraires pendant le principat de Claude, pense que le sénatus-consulte date de cette époque, de la seconde moitié du ier siècle en tout cas211. B. Eliachevitch, quant à lui, penche pour une date un peu plus tardive, au début du iie siècle, présumant un décalage entre le premier essor des collèges funéraires et une mesure visant à faciliter leur développement212.
82La législation sur les collegia tenuiorum pose d’épineux problèmes. L’identité même de ces collectivités est incertaine, si bien qu’un pan important de la perception moderne du droit d’association à Rome repose sur des bases qui sont tout aussi incertaine. Th. Mommsen a défini les collegia tenuiorum en créant l’expression et la notion, aussi modernes l’une que l’autre, de collegia funeraticia. Forte de l’autorité du très grand savant, l’équivalence entre collegia tenuiorum et collèges funéraires était établie pour longtemps213. Néanmoins, la pertinence d’une typologie fonctionnelle des associations romaines a fini par être contestée214. Les réserves apportées aux théories de Th. Mommsen sur les collèges funéraires peuvent-elles s’étendre à l’analyse du sénatus-consulte sur les tenuiores ? Certains collèges professionnels, régis jusqu’alors par la lex Iulia, si l’on suit la thèse de l’autorisation préalable, ont-ils pu bénéficier des dispositions du sénatus-consulte ? Une autorisation générale de tous les collèges, religionis causa, aurait mené à une abrogation de fait de la lex Iulia. Or, les sources postérieures au sénatus-consulte sur les collegia tenuiorum rendent cette hypothèse impossible. Si toutes les associations de métier avaient été autorisées dès la deuxième moitié du ier ou au début du iie siècle, on comprendrait mal pourquoi, bien plus tard, certains collèges se disent « quibus ex SC coire licet », et d’autres non. À moins que la formule ne se rapporte pas à une mesure simple d’autorisation. Ici rejaillissent les idées de B. Eliachevitch, l’idée d’une variété des situations juridiques propre aux collèges, en particulier. Les limites demeurent incertaines entre les différentes catégories individualisées, mais celles-ci semblent soumises à des évolutions concomitantes.
83Par leurs activités funéraires, les collegia tenuiorum se placent dans la continuité des socii monumenti. À la fin de la République et au début du ier siècle de notre ère, des hommes et des femmes se regroupaient déjà, afin d’acquérir des concessions funéraires dans les columbaria de la ville de Rome. Ils se donnaient le nom de socii, qui a été compris, par Th. Mommsen notamment, comme l’indication de la nature juridique de leur regroupement215. Dans la deuxième moitié du ier siècle, le collegium semble supplanter la societas, ce qui correspondrait, dans la perspective de l’émergence de la personnalité juridique, au passage de la pluralité totale à l’individualité relative. B. Eliachevitch considère l’apparition de collèges à vocation funéraire comme le résultat des « avantages comparatifs » du collegium sur la societas. Le premier, par sa pérennité, est mieux adapté que la seconde au culte funéraire, au souci du souvenir perpétuel des défunts. Cette transition serait, selon le juriste, révélatrice du fait que, dans la deuxième moitié du ier siècle, la personnalité juridique commençait à être accordée aux collèges en général, et aux associations funéraires en particulier. Le sénatus-consulte général, que B. Eliachevitch date du début du iie siècle, aurait donné le régime de l’uniuersitas à l’ensemble des collegia tenuiorum216. Ainsi, au-delà des doutes concernant la nature exacte de ces organisations, l’évolution mise au jour montrerait que l’essor des collegia tenuiorum, dans le courant du iie siècle, s’accompagne d’une reconnaissance officielle accrue du phénomène collégial.
84Si l’intégration plus forte des collèges aux sphères officielles, en tant que communautés constitutives de la cité, s’est construite en partie par la diffusion et l’extension progressive du régime de l’uniuersitas, les autres collectivités contenues dans la cité ont-elles pu connaître des évolutions comparables ? Une fois encore, le cadre de cette étude ne permet pas d’apporter la réponse approfondie que mériterait une telle question. Émanant d’un environnement institutionnel et social proche des collèges professionnels, un document permettra néanmoins de prendre conscience des enjeux du problème. À Brescia, la pietas d’Hostilia Hostiliana est célébrée par les seuiri Augustales locaux217. Or, à cette occasion, ceux-ci prennent soin de se présenter comme des « soci(i) quib(us) ex permiss(u) diui Pii arcam habere permiss(um) », comme des associés qui ont reçu officiellement le droit de disposer d’une caisse. La pierre a donc été gravée après la mort et la consécration d’Antonin le Pieux.
85A. Abramenko est le dernier chercheur à avoir commenté cette inscription en détail218. Son interprétation mérite sans doute d’être révisée. L’historien commence par s’étonner de l’évocation, par les seuiri, de leur caisse et de l’autorisation impériale dont elle a fait l’objet. La possession d’une arca par des organisations de l’augustalité est tout à fait ordinaire et attestée dès le début du iie siècle, plusieurs décennies avant l’inscription de Brescia. Néanmoins, lorsque A. Abramenko juge que les seuiri Augustales n’avaient aucune raison de mentionner leur caisse dans le contexte précis d’un hommage rendu à une pietas individuelle, il ne tient pas compte de l’analyse que Th. Mommsen fait des mots « primae benemerenti ». Pour ce dernier, l’expression soulignerait que Hostilia Hostiliana, après l’autorisation d’Antonin, a été la première bienfaitrice à verser de l’argent dans l’arca des socii. Les relations possibles entre le don, la piété et une communauté liée au culte impérial se conçoivent sans mal. Ce point relève, toutefois, du détail. Les relations des seuiri avec la puissance publique présentent plus d’intérêt. A. Abramenko se fonde sur l’idée que l’intervention de l’empereur dans le domaine municipal était très rare. Selon lui, les affaires concernant l’augustalité ne devaient relever que des seuls décurions et magistrats. Pour la cité de Brescia, deux inscriptions mettent en évidence la tutelle exercée par le gouvernement municipal sur le sévirat. Un Ti. Claudius Auctus est qualifié de (se)uir Aug(ustalis) et iter(um) d(ecreto) d(ecurionum), un L. Vettius Pinna, de (se)uir Aug(ustalis) d(ecreto) d(ecurionum) gr(atuitus)219. A. Abramenko postule que le pouvoir impérial n’a pu intervenir que pour porter remède à une situation de blocage, en l’occurrence un probable conflit entre les décurions et les seuiri. Il s’agirait là d’un « exemple direct » des tensions suscitées par la formation des ordines Augustalium. Les décurions des cités d’Italie septentrionale auraient estimé que ces ordres, inférieurs mais potentiellement concurrents, pouvaient porter une atteinte relative à leur suprématie politique et sociale. A. Abramenko imagine donc que les décurions de Brescia ont dû refuser aux seuiri Augustales leur autonomie financière. Ceux-ci auraient porté l’affaire devant le prince et obtenu gain de cause220.
86L’interprétation ne manque pas de logique, mais elle ne s’appuie sur aucun élément certain. Surtout, elle néglige l’apport des sources juridiques. Les seuiri Augustales de Brescia se présentent d’une manière qui rappelle les mots de Gaius, celui-ci affirmant que le propre des collectivités « quibus autem permissum est corpus habere » est précisément de disposer d’une « arca communis »221. De fait, les seuiri Augustales perpétuent le souvenir d’un acte impérial qui leur a donné un droit dont disposaient les collèges et les sociétés reconnues comme uniuersitates. Ce droit pouvait-il leur être accordé – et donc refusé, si l’on suit l’hypothèse d’A. Abramenko – par les décurions de leur cité ? Lorsqu’il évoque un decretum decurionum s’appliquant à un seuir Augustalis de Brescia, le même A. Abramenko suppose que le pouvoir de nomination exercé par les décurions, d’une part, et la situation juridique des organisations formées par les prêtres municipaux après leur sortie de charge ou en tout cas indépendamment de celle-ci, d’autre part, étaient en étroite corrélation. Cela ne va pas de soi et aucun argument véritable n’est formulé à l’appui de cette supposition.
87De leur côté, les historiens du droit ne se sont pas préoccupés de la position des seuiri Augustales dans la cité de Brescia. L’inscription a retenu leur attention pour les problèmes qu’elle soulève quant à l’application de la lex Iulia. F. M. De Robertis et J.-P. Waltzing ne doutent pas, en effet, que les seuiri Augustales de Brescia aient obtenu le bénéfice de la lex Iulia de collegiis d’Antonin le Pieux222. Selon Th. Mommsen, en revanche, le document tendrait à prouver que les seuiri Augustales n’étaient pas soumis à la même législation que les collèges : l’intervention impériale, à Brescia, tranche avec les autorisations délivrées à des collèges ex s(enatus) c(onsulto). J.-P. Waltzing avance une explication sans doute un peu courte, en jugeant fautive la formule employée à Brescia. F. M. De Robertis préfère voir dans ce contraste un changement de procédure sous les principats d’Hadrien ou d’Antonin, les autorisations venant à être accordées soit par le sénat, soit par l’empereur. L’historien italien rapproche le texte de Brescia des propos de Gaius et de Marcien sur les uniuersitates et les collegia illicita : les deux Prudents laisseraient entendre qu’il appartenait soit au sénat, soit à l’empereur d’interdire ou de dissoudre les collectivités contraires au droit. Ces questions de délimitation de compétences entre le sénat et le pouvoir impérial sont à la fois ardues et éloignées des problématiques de ce chapitre. Pour l’heure, constatons seulement qu’il est indéniable que le privilège reçu par les seuiri Augustales est en rapport avec le régime de l’uniuersitas, régime dont les collèges pouvaient bénéficier, grâce à une mesure de reconnaissance adoptée, sans doute, en application de la lex Iulia.
88Ces considérations rapides peuvent mener à une hypothèse d’interprétation différente de celle d’A. Abramenko. Il n’y a probablement pas lieu de voir dans le texte de Brescia la trace de tensions entre un ordo seuirum Augustalium naissant et un conseil de décurions. L’émergence progressive d’un tel ordo, à côté d’une institution sacerdotale contrôlée par la cité, semble toutefois bel et bien en jeu223. L’inscription permet d’imaginer quelles furent les modalités juridiques de ce processus. Dans un premier temps, les détenteurs du titre de seuir Augustalis semblent s’être réunis, au-delà de l’exercice de leur sacerdoce, au sein d’un groupe au caractère informel. Engageaient-ils déjà des dépenses en commun, ce qui aurait impliqué l’existence – de facto – d’une sorte de caisse officieuse ? Cela ne paraît pas impossible, mais somme toute accessoire. La permission accordée par Antonin le Pieux a valeur de reconnaissance du groupe formé par les seuiri. Elle permet aux socii d’accéder officiellement à un droit lié à la condition d’uniuersitas. Quelle portée attribuer à l’usage du terme « socii » dans l’expression de Brescia ? Est-il possible que le mot apparaisse ici dans son acceptation technique ? Ailleurs, seuls les seuiri cultores domus diuinae de Verceil font état de leur qualité de socii224. Nous laissons ces questions ouvertes, pour l’instant, en proposant la conjecture suivante. Les seuiri Augustales de Brescia ont peut-être dépassé le stade de la simple societas, stade qui aurait représenté une étape dans la constitution progressive de leur ordo.
89Le schéma imaginé rappelle le passage de la societas monumenti au collegium funeraticium et permet d’envisager un trait de convergence supplémentaire entre l’augustalité, les collèges et la notion d’ordo. Or, ces trois éléments se trouvent mêlés dans deux autres inscriptions des seuiri Augustales de Brescia. Une pierre portant en exergue les mots « Bonum euentum / (se)uir(orum) so[ci]orum » commémore une fondation de 1000 sesterces créée par deux (se)uir(i) Augg(ustales), curatores ordin(is)225. En outre, un dénommé L. Vettius Ursinianus déclare avoir donné la même somme au coll(egium) (se)uir(orum) soccior(um), pour que des sacrifices annuels soient célébrés sur la tombe de son épouse226. À l’occasion de fondations exigeant par nature la permanence du groupe prestataire, les seuiri Augustales se définissent aussi bien comme une collectivité de socii, un collegium et un ordo. L’absence de distinctions entre les trois types d’entités est révélatrice d’une manière de penser. Des habitants d’une cité de l’Italie du Haut-Empire font un usage semble-t-il indifférencié de termes que les modernes opposent. Les frontières conceptuelles des seconds semblent, au moins en partie, absentes de l’esprit des premiers.
90Une quatrième inscription des seuiri Augustales de Brescia, d’époque sévérienne selon S. Mollo, permet de mieux comprendre pourquoi, en éclairant encore l’organisation en ordo dans ses relations avec le fait collégial. Il s’agit d’une petite colonne dédiée au Genius et à l’Honos de dignitaires de l’ordo des seuiri Augustales. Ceux-ci portent des titres de d’officialis, de quinquennalis et de magister utilisés par les collegiati de la manière la plus courante. Et l’un d’eux, M. Vettidius Aquileiensis a été le magister – justement – des fabri, centonarii et dendrophori locaux227. Les similitudes propres au recrutement social et aux formes d’organisation des collèges professionnels et de l’augustalité expliquent en partie l’assimilation du collège à un ordo. Au total, les seuiri Augustales de Brescia, devenant un véritable ordo, semblent s’être dirigés vers le statut d’uniuersitas, alors que, de manière générale, les collèges – reconnus le cas échéant comme uniuersitates – tendent à se présenter à la manière d’ordines municipaux.
91De fait, il est tentant de rapprocher le dossier de Brescia du fragment d’album ostien évoqué plus haut228. L’inscription est hélas très lacunaire. Sa datation repose sur la restitution de la date consulaire « [Pro]bo cos » qui pourrait placer la rédaction du texte en 228. Suivent, sur la pierre, la lettre « O » et la base d’une barre verticale qui pourrait correspondre à celle d’un « R ». Les éditeurs proposent donc de restituer « o[rdo] ». G. Calza lit à la ligne inférieure « [q]uib(us) ex s(enatus) c(onsulto) », L. Wickert décelant la courbe d’un possible second « c », pour c[oire licet] ». Sur une troisième ligne, apparaît le mot « corporatorum », un génitif pluriel qui, peut-être, complétait et suivait « [nomina] ». Le collège, dressant la liste de ses membres sur cette pierre, semble réunir en une seule dénomination les signes d’intégration civique mis en avant par les ordines corporatorum et par les collegia ex SC coire licet, comme si la reconnaissance délivrée par l’autorité étatique favorisait l’assimilation à un ordo, et réciproquement.
92Dans le cas des seuiri Augustales de Brescia comme dans celui des corporati ostiens, des individus issus d’entités municipales, apparaissent comme les bénéficiaires d’une régulation juridique qui fait de l’État romain un des acteurs de leur intégration civique. Ce point précis, procédant d’une réflexion sur le statut des collèges devant le droit, peut mener à une interrogation sur la délimitation de la sphère publique dans les cités de l’Occident romain.
L’associatif et le politique : appartenance collective et citoyenneté
93Dans ses relations avec les notions d’ordo et d’uniuersitas, le collège apparaît comme une entité définie, par ses membres et par les anciens en général, en référence à la cité et aux structures civiques. Aussi l’étude des associations romaines ne peut-elle faire l’économie d’interrogations sur la manière dont est construite et s’organise une cité antique. Les problèmes soulevés par la sociologie contemporaine, le problème de l’articulation du social et du politique en particulier, se posent à l’historien de l’Antiquité, avec encore plus d’acuité, lorsque celui-ci se penche sur la relation entre la sociabilité et la cité. L’anthropologie historique de la cité grecque ouvre des perspectives comparatistes très stimulantes, bien que la prudence s’impose dans toute démarche analogique de ce type. P. Schmitt-Pantel, elle-même, insère ses travaux sur la relation entre le politique et les pratiques collectives grecques dans une réflexion chronologique approfondie et minutieuse. Ses travaux, et ceux d’autres spécialistes du monde grec, fournissent néanmoins une grille d’analyse qui permet de mettre en évidence certaines constantes inhérentes à la vie en cité.
94Les sociétés anciennes se caractérisent par un enchâssement très poussé du politique dans le social et du social dans le politique. Dans les mondes municipaux du Haut-Empire, la hiérarchie sociale se confond pour l’essentiel avec la hiérarchie civique. Les collegiati sont des hommes en quête d’une reconnaissance sociale dont l’aboutissement est, pour les plus honorables d’entre eux, l’intégration à l’élite civique des notables. D’où leur attachement à faire « entrer » l’associatif dans le civique. De manière générale, les anciens ne pensent pas la politique comme une sphère tout à fait autonome229. Certes, en définissant le citoyen comme celui qui prend part à la gestion des affaires communes, Aristote – et les Grecs du ive siècle avec lui – semblent « inventer la politique ». Le philosophe nuance cependant son propos, en soulignant qu’il ne peut s’appliquer vraiment qu’aux démocraties. Surtout, dans un passage célèbre de l’Éthique à Nicomaque, Aristote présente les communautés de taille inférieure à la cité, soudées par la philia de leurs membres, comme des parties de la communauté politique et comme des composantes indispensables de la vie en cité. « L’invention de la politique » réside plutôt dans l’idée de subordination à la communauté politique de communautés qui étaient, pour certaines, antérieures à celle-ci. Les collèges du Haut-Empire semblent s’apparenter à de telles communautés constitutives du lien civique et de la cité.
95Les associations des cités grecques, aux époques hellénistique et romaine, insistent sur leur intégration au domaine du κoινόν, de ce qui relève de la vie collective. Nombreuses sont celles qui ont pris le nom même de κoινόν ou de κoινoνία, tandis que les termes « σύνoδoς » et « σύλλoγή » recèlent en eux la notion de partage. L’association est une « communauté de partage » d’installations collectives, de revenus, de pratiques festives, de responsabilités et d’honneurs230. Les collegiati occidentaux n’envisagent pas leurs collectivités d’une autre manière. L. Acilius Eutyches affirme son appartenance à un commune mimorum, dans une inscription – déjà évoquée – qui tend à assimiler un collegium à un ordo231. La confrérie funéraire dont un dénommé Epaphroditus a été le curator primus honore des Dei Manes Communes232. L’idée « d’être ensemble » transparaît dans la dénomination précise de certains groupes. Les marbriers de Catane se définissent comme des conuiuae au moment d’enterrer un de leurs confrères233. Les conuictores, de Firmum Picenum234 et de Fanum Fortunae235, évoluent dans des communautés de « vivre ensemble », comparables à celles des συμβίωσεις que l’on trouve à Apamée et à Sigeion de Mysie236. Au sein de la maison des Statilii, le conlegium commorientium est la confrérie funéraire de ceux qui, littéralement, « meurent ensemble »237.
96Or, dans les sociétés anciennes, le civique semble se confondre avec le domaine du κoινόν. La πόλις est née de l’importance prise par le domaine commun dans la vie sociale, et les pratiques collectives sont créatrices de liens sociaux et civiques à la fois238. La cité et les collectivités qui lui sont inférieures, en taille et en rang, sont unies par leur qualité de « communautés de partage »239. Agir en commun dans l’espace civique est le fait de citoyens. Certes en dehors du cadre géographique de notre étude, dans la péninsule ibérique, les conuiuae de Calecula affirment leur condition de ciues, alors qu’ils honorent la mémoire d’un confrère défunt240. L’association favorise l’émergence d’un sentiment d’appartenance à la communauté humaine et territoriale que représente la cité. L’appartenance associative participe ainsi de la forme de citoyenneté propre à la cité. L’expression « de pecunia communei », gravée sur la stèle d’une sunhodus romaine de cantores graeci241, officiant sous la République, recouvre la même réalité que les mots « ex ratione publik(a) » figurant sur l’épitaphe d’un collega d’Ossigi242. Ce constat mène à s’interroger sur ce qui relevait, aux yeux des Latins, du domaine public.
97Le collège tend à se définir comme collectivité « publica ». Aussi, dans les chapitres précédents, avons nous signalé des emplois de l’adjectif « publicus » ou de l’adverbe « publice » dans l’épigraphie collégiale. « Publice posierunt » lit-on sur le célèbre pilier des nautes parisiens243. Mentionnés pour introduire ce chapitre, quelques collèges se réfèrent à la notion de res publica dans un contexte financier, si bien qu’il est difficile de déterminer si le terme désigne ces collectivités tout entières ou leur patrimoine commun. Tout en donnant une statue et deux candélabres aux centonarii de la ville de Rome, L. Sextilius Seleucus crée une fondation qui doit permettre la célébration du dies natalis d’Auguste. Il verse pour cela 5 000 deniers dans l’ark(a) rei p(ublicae) collegii244. C’est encore dans le cadre d’une fondation, qu’agit C. Turius Lollianus à l’égard du corpus mensorum machinariorum romain. Les cotisations versées de son vivant par le corporatus obligeaient le collège à dépenser pour ses funérailles une certaine somme. Lollianus renonce à cette « prime funéraire », la laissant « penes r(em) p(ublicam) s(upra) s(cripta) », parmi les biens possédés par son collège245. L’argent confié par le défunt, une fois placé, devait financer des cérémonies funéraires, dont le coût était fixé à 42,5 deniers. Sur la base d’un taux d’intérêt de 5 % par an, le montant de la fondation se serait élevé à 850 deniers, soit 3 400 sesterces246. En 107, les dendrophores romains reçoivent la somme 1 000 sesterces dont les intérêts doivent financer un sacrifice annuel, « cum rep(ublica) colleg(ii) dendroph(orum) »247. Enfin, la fides incomparabilis, rem publicam gerens, de M. Aurelius Plebeius, magister perpetuus d’un corpus scaenicorum Latinorum de l’ager Albanus, s’est sans doute manifestée dans le cadre des attributions financières qui lui étaient dévolues248.
98« Res publica collegii, en parlant des biens des collèges est fréquent, et ce mot est presque synonyme d’arca collegii », affirme J.-P. Waltzing249. À la lumière de cette affirmation, la formule « ark(a) r(ei) p(ublicae) » employée par L. Sextilius Seleucus paraît, toutefois, fort redondante. En outre, dans le cas des mensores machinarii, « r(es) p(ublica) s(upra) s(cripta) » renvoie au corpus dans son ensemble. Surtout, il est très improbable que des collegiati puissent recourir à de telles formules en ne pensant qu’à des réalités financières. Il s’agit aussi de se présenter, à l’imitation d’une cité, comme une collectivité reconnue. Les deux dimensions se mêlent. Dans les inscriptions rédigées par les cités, « res publica » s’applique aussi bien à des communautés municipales, autonomes financièrement, qu’aux biens propres détenus par ces mêmes communautés250. De fait, l’identification des collèges à des entités publiques, identification établie par les collegiati eux-mêmes, résulte de deux pensées complémentaires. La communauté de patrimoine, sur laquelle se fonde une vie collective organisée de façon autonome, apparaît comme une donnée bien tangible, qui permet de penser le collège par analogie civique. Une fois encore, comme l’examen spécifique de la notion d’ordo l’a révélé, le réel et le métaphorique, loin de s’opposer, se nourrissent l’un l’autre. Or, dans les sources littéraires, les mots « publice », « publicum » et « publicus » ne s’inscrivent pas seulement dans le champ lexical de l’État et du Peuple romains. Ils peuvent aussi s’appliquer à une communauté qui agit en tant que corps, et parfois même à une action qui se déroule « en public » ou à un fait qui concerne « un public »251. La notion de publicum mériterait une analyse plus approfondie qui permettrait sans doute de faire apparaître l’élasticité de ce qui, pour les Romains et pour les collegiati en particulier, relève du domaine civique, politique au sens littéral du terme.
99Or, le politique, l’étendue de ce qui est politique, correspond à une réalité sociologique dont les limites ont été discutées. L’approche minimaliste, qui présente la politique comme l’affaire des structures gouvernementales et de l’État, est insuffisante. Elle l’est tout particulièrement lorsque l’on aborde des sociétés antérieures à la construction des États modernes252. Une approche maximaliste, qui regarderait toute relation de pouvoir comme procédant du politique, prêterait aussi le flanc à la critique. Elle risquerait de faire du politique une réalité diluée, car toute relation sociale peut contenir du pouvoir. Un fait social peut être défini comme politique à partir du moment où les acteurs le pensent comme tel. Or, les collegiati se réfèrent sans cesse au politique non seulement quand ils se mettent en scène et présentent leurs communautés par l’épigraphie, mais aussi quand ils organisent et font fonctionner leurs structures communautaires. Les collegiati pensent le collège comme partie prenante d’une sphère publique, d’un « espace public »253, qui semble se confondre avec la sphère civique.
100L’objet sociologique que constitue l’association brouille encore la perception du politique et de ses limites. L’association met à mal le clivage entre privé et public, entre social et politique254. L’adhésion à une association procède du désir d’agir en commun, de participer à l’action collective et à son organisation. Dans les sociétés modernes, la participation associative a été appréhendée comme un para-engagement, un engagement « distancié » dans la vie publique, répondant au discrédit relatif des formes traditionnelles d’engagement politique. Dès Tocqueville, l’étude des associations s’est trouvée insérée dans une réflexion générale sur la vie et les régimes politiques. Dans les sociétés municipales du Haut-Empire romain, pour reprendre une expression d’H. Arendt, « l’agir en commun » associatif et « l’agir en commun » civique semblent consubstantiels, la fusion de l’associatif dans le politique s’opérant à deux niveaux distincts et complémentaires. D’une part, l’association – dans son organisation, son fonctionnement et la manière de les présenter – épouse les formes, les normes et les valeurs de la cité en général, et de ses instances de gouvernement en particulier. D’autre part, l’association donne à ses membres, pris en tant que corps, un accès privilégié à des pratiques sociales qui concernent l’ensemble du corps civique et donnent à celui-ci conscience de lui-même. C’est ainsi que la participation des collèges aux fêtes religieuses et funéraires, aux processions urbaines et aux spectacles doit être interprétée. C’est en cela que le collège apporte sa pierre à la construction de l’identité civique.
101L’association apparaît comme un cercle d’appartenance, alors même que des sociologues contemporains s’interrogent sur la relation entre citoyenneté et appartenance255. Le fondement de la citoyenneté peut être regardé soit comme la résultante d’un accord conclu par des individus autonomes organisant la part collective de leurs existences, soit comme une appartenance communautaire256. Or, les sociétés laissent percevoir des individus qui tissent entre eux des liens communautaires multiples. Les collegiati, dont l’existence ne se réduit pas à l’appartenance à un collège, évoluent dans des sphères sociales distinctes qui concourent à la construction d’identités personnelles composites, à multiples facettes257. Quelles sont les places respectives de la citoyenneté et de l’association dans la somme des appartenances communautaires qui forme l’environnement social d’un individu ? Dans les cités du Haut-Empire, appartenance collégiale et appartenance civique communiquent l’une avec l’autre, au point de laisser apparaître une sorte d’emboîtement, d’enchevêtrement. Le rang social des collegiati correspond à une appartenance collective, à une appartenance civique.
102De fait, nous avons tendance à percevoir les associations comme incluses dans un entre-deux dont les anciens n’avaient sans doute pas conscience ou pleine conscience. Les modernes regardent l’association comme une composante de la « société civile », ce terme recouvrant des réalités et des concepts étrangers à l’Antiquité258. Au xxe siècle, la réflexion sur la « société civile » s’est inscrite dans un contexte historique de croissance des appareils étatiques, dans un contexte intellectuel marqué par une réflexion sur les rapports antagonistes entre l’État et les individus dans les sociétés modernes259. Or, les collegiati ne se pensent pas par opposition aux structures politiques. Au contraire, ils conçoivent leurs communautés comme pleinement intégrées à la cité. En définitive, si les collegiati « singent » la vie et les institutions civiques, leur démarche d’imitation ne semble pas réductible à un simple mimétisme fait de faux-semblants et de métaphores sans rapport avec le réel. Cela supposerait, dans leur relation à l’univers civique, la conscience première d’une « extériorité » à effacer ou à taire, qui paraît étrangère aux anciens. Le fait que certains collegiati se définissent comme les membres d’un ordo témoigne de cela. Les formes de reconnaissance délivrées par l’État romain, à travers des avantages légaux liés au régime de l’uniuersitas, confortent les collegiati dans des sentiments mûris dans des sociétés municipales. Ces individus vivent dans un très vaste territoire, l’Empire, où la cité demeure un cadre fondamental pour la construction des identités sociales, sans qu’elle constitue pour autant un point de repère exclusif.
Notes de bas de page
1 CIL, IV, 202.
2 CIL, XII, 1282.
3 H. Schultz-Falkenthal, Die Magistratswahlen in Pompeji und die Kollegien, Altertum, 17, 1971, p. 24-32, relève la participation à la campagne électorale de 79 des pistores, des aurifices, des lignarii, des plaustrarii, des piscicapi, des pomarii, des gallinarii, des caupones, des tonsores, des uguentarii, des fullones, ainsi que des offectores.
4 F. Hurlet, Le consensus et la concordia en Occident (ier-iiie siècles apr. J.-C.) : réflexions sur la diffusion de l’idéologie impériale, in Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain. Hommage à Claude Lepelley, Paris, 2002, p. 163-178.
5 J.-P. Waltzing, Étude, I, p. 494-508, IV, p. 585-608.
6 Le fait qu’agissent ensemble tous les magistri quinquennales du lustrum – y compris Herma, décédé pendant sa présidence – laisse présumer que l’inscription a été gravée en exécution d’un décret collégial ; le même raisonnement peut s’appliquer pour les cultores Siluani de CIL, VI, 950 (D., 7317).
7 F. Zevi, Miscellanea, p. 472-478.
8 Cf. H. L. Royden, Magistrates, p. 71. La face latérale de la pierre porte les nomina de magistri quinquennales des premières années du iiie siècle. En revanche, sur la face principale, le collège a fait graver, en 285, une dédicace en l’honneur de Dioclétien. Les fabri tignuarii ont-ils réemployé la pierre, dans un même dessein d’honorer l’empereur régnant ? La chose est possible mais il n’est pas sûr que l’inscription initiale était dédiée à l’empereur.
9 CIL, XIV, 107.
10 CIL, XIV, 97 : « Imp(eratori) Caesari, [diui] / Hadriani filio, [diui] / Traiani Parth[ici nepoti], / diui Neruae pr[onepoti], / T(ito) Aelio Had[riano]/ Antonino Au-g(usto) [Pio, p(atri) p(atriae)], / pontif(ici) max(imo), tr[ib(unicia) pot(estate) II], / co(n)s(uli) II, / dendro[phori] / Ostien[ses] » ; CIL, XIV, 45 : « Numini domus Au-g(ustae), d[endrophori Ostien]ses scolam (sic), / quam sua pecunia constit[uerant, nouis sum]ptibus / a solo [restituerunt] ».
11 CIL, XIV, 119.
12 CIL, XIV, 116 : « Imp(eratori) Caes(ari) / L(ucio) Septimio Seuero / Pio Pertinaci Aug(usto), / corpus / cannophorum Ost(iensium) ; / arg(enti) p(ondo) I. » ; CIL, XIV, 117 : « Imp(eratori) Caes(ari) / M(arco) Aurelio / Antonino Aug(usto), / corpus / cannophorum / Ost(iensium) ; arg(enti) p(ondo) I ».
13 CIL, X, 1647 et 1643 ; CIL, X, 1642 (D., 335).
14 Pour la datation de cette inscription, cf. H. L. Royden, Magistrates, p. 172. Les Augusti cités sont soit Marc-Aurèle et Lucius Verus, soit Marc-Aurèle et Commode. L’invocation d’Esculape pourrait être liée à la maladie qui toucha Lucius Verus en 162, ou bien à l’épidémie de peste qui s’abattit sur Rome en 168-169.
15 CIL, XIV, 4569.
16 Les fabri tignuarii d’Ostie sont présentés comme un numerus caligatorum sur plusieurs inscriptions : cf. CIL, XIV, 128 (D., 615), 160 (D., 1428) et 374 (D., 6165). Th. Mommsen restitue « mil[es caligatus] » sur une épitaphe (CIL, XIV, 419).
17 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 207, 349-356.
18 R. Meiggs, Ostia, p. 75 et 305-307 ; B. Bollmann, Vereinshäuser, p. 58-72.
19 CIL, XIV, 4376, 4380, 4381 (D., 2155), 4386, 4387, 4388 et 4397 (D., 2158).
20 CIL, XIV, 4499 à 4509.
21 CIL, VI, 1056, 1057, 1058 (D., 2157) et 1059 ; R. Sablayrolles, Libertinus miles. Les cohortes des vigiles, Rome, 1996, p. 175-178.
22 CIL, VI, 33858 = 1060 (D., 7225).
23 M. Corbier, L’écriture dans l’espace public romain, in L’Urbs, espace urbain et histoire. Actes du colloque international organisé par le CNRS et l’École française de Rome (Rome, 8-12 mai, 1985), Rome, 1987, p. 27-60.
24 CIL, VI, 1002 (D., 7269).
25 CIL, VI, 1022 = XIV, 106 : « [Imp(eratori) Ca]es(ari), diui An[tonini Pii / fi-l(io), diu]i Hadrian[i nep(oti), diui / Traia]ni Parth[ici pronep(oti), / diui] Neruae a[bnepoti, / L(ucio) Aurel]io Vero Au[g(usto), Armen(iaco), / Parthi]co max(imo), Me[dico, tr(ibunicia) pot(estate) / VI, imp(eratori) I]V, co(n)s(uli) II, des(ignato) [III, proco(n)s(uli), / p(atri) p(atriae), pro]pagatori [imperi(i) ; / codica]ri(i) nauicula[ri(i) – – – / – – –] M(arci) f(ilio) Palatin[a – – – / – – – p]raef(ecto) ann[onae, / curam] agentibus [– – – / – – –] Q(uinto) Atinio Q(uinti) f(ilio) I[– – – / – – –]iorio M(arci) f(ilio) Arn(ensi) [– – – /– – – an]n(i) IIII, C(aio) Mess[io /---]o L(uci) f(ilio) Heliod[oro] ».
26 L. Japellà Contardi, Propaganda, p. 138.
27 CIL, XIV, 3003 (D., 6265).
28 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 356.
29 F. Jacques, Privilège, p. 259-261.
30 Fontinalis se présente comme un homme à qui l’empereur a bien voulu accorder un bienfait. Il agit de la même manière que L. Apuleius Brasidas, patron et quinquennalis des fabri de Pisaurum, « habens IIII lib(erorum) ius dat(um) ab imp(eratore) » : cf. CIL, XI, 6358 (D., 6654).
31 CIL, XI, 6955 (D., 8902) ; AE, 1904, 227.
32 CIL, XIV, 4359 (en 140) : « [I]mp(eratori) Cae[sari] / diui Had[riani / filio] diui Tra[iani Parthi]ci nepo[ti diui / Ner]uae prone[poti / T(ito) Aeli]o Hadri[ano / An]tonino Au[g(usto) Pio, / p(atri) p(atriae), p(ontifici) ] m(aximo), tr(ibunicia) p(otestate) III, c[o(n)s(uli) III, / c]orp(us) pist(orum). »
33 CIL, XIV, 101 (D., 6176a) : « [M(arco) Aelio Aurelio / Caesari, / Imp(eratoris) Caesaris T(iti) Aeli] / Hadriani An[tonini] / Aug(usti) Pii p(atris) p(atriae) [filio], / corpus pisto[rum] / coloniae O[stiensis et] / Portus utriu[sque]. »
34 Frag. Vat., 234 : « Sed Ostienses pistores non excusantur, ut Philumeniano imperator noster cum patre rescripsit. » « Mais les boulangers d’Ostie ne sont pas excusés, ainsi que Philumenianus, notre empereur, avec son père, l’a décidé par rescrit ». Cf. L. Japellà Contardi, Propaganda, p. 25 et 40-41 ; B. Sirks, On the Emperor’s service. The corpus pistorum of Ostia and Portus uterque from juridical perspective, in J. T. Bakker (éd.), The mills-bakeries of Ostia, Amsterdam, 1999, p. 102-109.
35 L. Japellà Contardi, Propaganda, p. 123-198.
36 H.-G. Pflaum, CP, no 117.
37 Ibid., no 208.
38 F. Zevi, La sistemazione della collezione epigrafica ostiense e la carriera di Q. Baieno Blassiano, Acta of the fifth international epigraphic congress (Cambridge, 1967), Oxford, 1971, p. 193-199 ; A. Licordari, Un’ iscrizione inedita di Ostia, RAL, 29, 1974, p. 253-257 ; H.-G. Pflaum, CP, no 126.
39 PIR2, P, 291 ; H.-G. Pflaum, CP, no 201.
40 Ibid., II, no 240.
41 Ibid., II, no 317.
42 G. W. Houston, The administration of Italian seaports during the first three centuries of the Roman Empire, in J. H. D’Arms, E. C. Kopff (éd.), The seaborne commerce : studies in archeology and history (MAAR, 36), Rome, 1980, p. 157-171 ; M. Cébeillac-Gervasoni, Les rapports institutionnels et politiques d’Ostie et de Rome de la République au iiie siècle ap. J.-C., MEFRA, 114, 1, 2002, p. 72-74 ; E. Lo Cascio, Ostia, p. 87-109.
43 CIL, XIV, 161 (D., 1427).
44 AE, 1996, 309 : « Corpus pistorum ; / locus adsignatus ab Papirio Dionysio, tunc praef(ecto) ann(onae), decurionumque [permis]su. »
45 AE, 1974, 123 : « [Q(uinto) Baieno] P(ublii) fil(io) Pup(inia tribu) / Blas[s]ian[o], / praef(ecto) Aeg(ypti), praef(ecto) ann(onae), p[raef(ecto) uig(ilum)], / proc(uratori) prouinciar(um) Lu[gdunens(is)] et Aqu[itanicae, / praef(ecto)] classis praetor(iae) Raue[n]nat(is), pro[c(uratori) prouin/ciae Rae]t(iae), proc(uratori) Mauret(aniae) Tingitan(ae), [– – – / – – –, p]raef(ecto) class(is) Brittann[icae, proc(uratori) ad cen/sus accip(iendos)] Cappadoc(iae), Armen(iae) min[oris, pro-c(uratori) / ludi matuti]ni, functo tribus m[ilitiis equestrib(us) /, sacer]dot[i] Caeninensium [– – – / c]olleg(ium) fabr(um) t[ign(uariorum) Ost(iensium) / opti]mo e[t s]anctissimo p[iissimoque patrono, / c]ura(m) agent[ibus / – – – ] Maximo, C(aio) [Iulio Tyranno, / Iulio] Com[mune, magistris q(uin)q(uennalibus) lustri XXII] ».
46 CIL, XIV, 5344 ; CIL, XIV, 5345 : « Q(uinto) Pet[ronio Q(uinti) f(ilio)] / Mel[iori], / proc(uratori) ann(onae), [adiu]t(ori) c[u]ratori[s] / aluei Tiberi[s et cloac]arum, curatori / [r]ei p(ublicae) Saene[sium], pra[e]tori Etrur(iae) XV / [p]opulorum [bis, t]rib(uno) mil(itum) leg(ionis) III Gallic(ae), / [s]cr(ibae) q(uaestorio) VI [primo] principi, pr(aetori) Laur(entium) Lauin(atium), / [I]IIIu(iro) q(uin)[q(uennali) Faesul]is, pontifici Faesulis et / Florentiae, / colleg(ium) fabr(um) ti[gn(uariorum) Ost(is ?), / o]b plurima beneficia [eius], / cura(m) agentibus / Ti(berio) Claudio Germullian[o], / C(aio) Licinio Apolausto, / L(ucio) Antonio Peculiare, / [m]ag(istris) quinquennalib(us) lustr[i XXV] » a. 180-184.
47 E. Lo Cascio, Ostia, p. 92-102.
48 G. E. Rickman, Roman granaries and store buildings, Cambridge, 1971, p. 41-54.
49 M. Cébeillac-Gervasoni, Pouvoir local et pouvoir central à Ostie, in M. Cébeillac-Gervasoni (éd.), Les élites municipales de l’Italie péninsulaire de la mort de César à la mort de Domitien. Classes dirigeantes et pouvoir central. Actes du colloque de Naples (6-8 février 1997), Rome, 2000, p. 83-84.
50 B. Sirks, Food. La thèse générale de l’ouvrage postule l’existence de plusieurs types de corpora, de statuts juridiques différents. Les corpora constitués d’hommes exerçant des métiers liés à l’annone seraient, selon B. Sirks, des créations étatiques. Les corpora de naviculaires, mais aussi de negotiatores établis à Rome et à Ostie, de boulangers, de mesureurs, de bateliers, de débardeurs ou encore de « lesteurs », « had been initiated and established by the autorities » (p. 405). Le contrôle étatique exercé sur les corpora liés à l’annone ne serait pas une nouveauté de l’époque tardive : les principats de Septime Sévère et de Caracalla sont regardés comme décisifs, mais la création de plusieurs corpora est attribuée à Trajan lui-même. La thèse de B. Sirks se présente donc comme une très large remise en cause de toute l’historiographie des collèges. Prenant le contre-pied des thèses de Waltzing, Groag et De Robertis, B. Sirks finit par affirmer : « such collegia were not associations in the present-day sense of private law ‘Ve-reine’ or ‘associations’ but associations of a public law nature » (p. 406). Dans un article récent, E. Lo Cascio a critiqué certains aspects du livre de B. Sirks. Cf. E. Lo Cascio, Ostia, p. 87-109. Sans rouvrir le dossier, E. Lo Cascio accepte, cependant, les conclusions générales de B. Sirks relatives aux collèges. E. Lo Cascio commence par émettre des réserves générales sur l’idée du « dirigisme » supposé de l’Etat romain à l’époque tardive ; celles-ci valent d’autant plus pour les périodes antérieures. À l’inverse de ce que B. Sirks laisse entendre, E. Lo Cascio ne pense pas que les membres des corpora annonaires ne se sont occupés que de trafics contrôlés par un Etat s’assurant, avant tout autre chose, de disposer de denrées à distribuer gratuitement. Il insiste sur l’importance probable du « marché libre », et ne croit pas que les mêmes métiers étaient exercés par des corporati au service de l’Etat, d’une part, et par d’autres professionnels étrangers à ces corpora d’autre part.
51 Nous nous appuyons sur les analyses de M. Cébeillac-Gervasoni, Apostilles à une inscription de Portus. T. Messius Extricatus et les saborrarii, PP, 34, 1979, p. 267-277. Outre les deux inscriptions étudiées, un fragment se rapporte sans doute à un patron du collège (CIL, XIV, 448 : « – – –] pont(ifici ?) [– – – /– – – ho]noratu[s – – – / – – –]M patron[us – – – / – – – corporis sab]urrarior[um – – –/– – –]rius [––– »).
52 PIR2, M, 518 ; H.-G. Pflaum, CP, no 293.
53 AE, 1977, 171 : « Sicut coram praecepit / u(ir) p(erfectissimus) Messius Extricatus, / praef(ectus) ann(onae), titulus ponetur / qui demonstret ex quo loci, / in quem locum, saborrariis / saborram tollere liceat ; factum / autem opus est, ut idem titulo / retro omnium praefectorum / litterae instruantur, quibus / de podismo est statutum, quibusque / suam auctoritatem idem u(ir) p(erfectissimus) / manere praecipit titulus ; / scribtus per / Iulium Maternum, / (centurionem) fr(umentarium), (ante diem) XV Kal(endas) Octobr(es), / Faustino et Rufino co(n)s(ulibus), / cura(m) agente M(arco) Vargunteio / Victore ». Traduit par M. Cébeillac-Gervasoni, Apostilles à une inscription de Portus. T. Messius Extricatus et les saborrarii, PP, 34, 1979, p. 267-277 : « Selon les instructions personnelles de Messius Extricatus, vir perfectissimus, préfet de l’annone, a été placée une inscription qui indique de quel endroit et jusqu’où les saborrarii ont l’autorisation de prendre du sable ; en même temps, dans la même inscription ont été indiqués les documents de tous les préfets précédents qui concernent des décisions sur la mesure en pied et pour lesquels le vir perfectissimus lui-même confirme la validité. L’inscription a été écrite par Iulius Marternus, centurion frumentaire, le quinzième jour des kalendes d’octobre (17 septembre) sous le consulat de Faustinus et de Rufinus (210), à charge d’exécution de Marcus Vargunteius Victor ».
54 CIL, XIV, 102 (D., 6177) : « Imp(eratori) [Caesari] / M(arco) Aur[elio Antonino] / Aug(usto), p[ontifici maximo, trib(unicia)] / pot(estate) X, [imperatori III, co(n)s(uli) III, p(atri) p(atriae), diui] / Ant[onini Pii filio], / diui [Hadriani nepoti], / diui Tr[aiani P]arthic(i) / pronepot(i), diui / Neruae abnepot(i), / corpus saburra riorum / s(ua) p(ecunia) p(osuit), / cura(m) agentibus / patrono Claudio Blastiano, / q(uin)q(uennalibus) Claudio Eutychn(o), / Munnenio Gaiano » a. 156.
55 B. Sirks, Food, p. 265.
56 CIL, II, 1180 : « Sex(to) Iulio Sex(ti) f(ilio) Quir(ina) Possessori, / praef(ecto) coh(ortis) III Gallor(um), praeposito nume/ri Syror(um) sagittarior(um), item alae primae Hispa/norum, curatori ciuitatis Romulensium Mal/uensium, tribuno mi[l(itum) leg(ionis)] XII Fulminat[ae], / curatori coloniae Arcensium, adlecto / in decurias ab Optimis Maximisque / Imp(eratoribus) Antonino et Vero Augg(ustis duobus), adiu/tori Ulpii Saturnini praef(ecto) annon(ae) / ad oleum Afrum et Hispanum recen/sendum, item solamina transfe/renda, item uecturas nauicula/riis exsoluendas, proc(uratori) Augg(ustorum duorum) ad / ripam Baetis ; scapharii Hispalen/ses, ob innocentiam iustitiam/que eius singularem. » ; H.-G. Pflaum, CP, no 185.
57 CIL, II, 1183 : « L(ucio) Castricio Q(uinti) f(ilio) / Honorato, p(rimo)p(ilari), / homini bono, / scapharii / Romul(ae) consist(entes), / ob innocentiam / et singularem / iustitiam eius, / d(e) s(ua) p(ecunia) p(osuerunt) ».
58 S. Dardaine, H. Pavis D’Escurac, Le Baetis et son aménagement, Ktèma, 8, 1983, p. 309-315.
59 CIL, II, 1168 (D., 7270) : « Imp(eratore) Caesar(i), diui Hadriani f(ilio), / diui Traiani parthici nepoti, / diui Neruae pronepoti, / T(ito) Aelio Hadriano Antonino / Aug(usto), Pont(ifici) Max(imo), trib(unicia) pot(estate) VIIII, / imp(eratore) II, co(n)s(uli) IIII, p(atri) p(atriae), / scaphari qui Romulae / negotiantur / d(e) s(ua) p(ecunia) d(onum) d(ederunt) » a. 146.
60 CIL, II, 1169 (D., 355) : « M(arco) Aurelio Vero / Caesari, Imp(eratoris) Cae/ saris Titi Aelii Ha/driani Antoni/ni Aug(usti) Pii p(atris) p(atriae) filio, / co(n)s(uli) II, / scaphari qui Romulae / negotiantur / d(e) s(ua) p(ecunia) d(onum) d(ederunt) ».
61 J. M. Santero Santurino, Asociaciones populares en Hispania romana, Séville, 1978, p. 138.
62 CIL, II, 1182 : « C(aio) Aelio C(aii) f(ilio) C(aii) n(epoti) Quir(ina tribu) Auito, / lyntrariorum / omnium patro/no, lyntrari Ca/namenses, Oduci/enses, Naeuenses ».
63 CIL, XIV, 169 = ILMN, 562 (D., 6172).
64 H. Bloch, Ostia, p. 267-269, no 31 (AE, 1955, 177).
65 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 350-356.
66 L’album des fabri nauales (CIL, XIV, 256) ne mentionne pas de tribuns.
67 O. Hirschfeld, KVW2, p. 208 ; H.-G. PFLAUM, CP, p. 553.
68 Les termes de ce débat sont présentés dans la PIR2, M, 345.
69 Le troisième personnage cité est probablement un affranchi du collège.
70 H. Dessau, CIL, XIV, p. 8.
71 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 77-78 : « en 195, Ostie et le Portus avaient chacun sa corporation de fabri nauales ». On peut relever ici toute l’ambiguïté du terme moderne et vague de « corporation » pour désigner les corpora ou collèges antiques. De même, voir R. Meiggs, Ostia, p. 324 : « It was inevitable that, sooner or later, independent guilds should be established by the new harbours ; the process had begun long before the independence of Portus from Ostia made explicite by Constantine. The shipbuilders of Portus had their own guild, corpus fabrum naualium Portensium ». À l’issue de ce commentaire, R. Meiggs ne se réfère qu’aux deux inscriptions honorifiques ; H. L. Royden, Magistrates, p. 30-33 : « There were two separate corporations of shipbuilders : one in Ostia (corpus fabrum naualium Ostiensium) and one in Portus (corpus fabrum naualium Portensium) ».
72 CIL, XIV, 292 (D., 6137) et 372 (D., 6158).
73 CIL, XIV, 256 ; H. Bloch, Ostia, p. 285.
74 L’inscription du Portus est datée de la fin du iie siècle ou du iiie siècle, parce que le gentilice « Aurelius » est très représenté dans la liste.
75 CIL, VI, 1872 (D., 7266).
76 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 77 ; dans un autre passage (Étude, I, p. 439), J.-P. Waltzing s’avance moins nettement, en n’évoquant que « le droit de naviguer avec leur barque sur le fleuve » ; B. Sirks, Food, p. 280, à propos de la scapha : « we find nothing about its use as a ferry boat ».
77 Selon nous, B. Sirks sur-interprète largement la portée du document, lors-qu’il tient les propos suivants. « At the beginning of the third century nauigatio was an obligation undertaken in the name of the whole corpus (see CIL 6.1872), nauigatio subsequently being imposed on the whole corpus as such » (p. 287). B. Sirks affirme encore, sans plus de précisions : « the Prefect of the Annona will have entered into locationes conductiones with the Tiber shippers, as they did with overseas carriers ; also suggested by an inscription, CIL 6. 1872, dating from 206 A.D. » (p. 267).
78 CIL, VI, 1080 (AE, 1966, 15 ; AE, 1996, 90) : « [Pro salute et u]i[cto]ria ! deo Imp(eratori) Caes(ari) M(arco) Aurel[io diui] / [Septimi Seueri f(ilio) O]ptimo Antonino Pio, sideribu[s in / terram delapso, t]onitratori Aug(usto), orbis terrarum [pro/pagatori, domino] maximo. Prouidens imperi sui mai[esta/tem finesque eius] ampliauit, largam gloriam pac[e data / auxit ; coronauit la]urea dextra manu signum Victor[iae / quae loco ueneratu]r curiae sacro urbis, ut in aeternum [illi / laus esset. Alia f]elicia tempora quatt(u)or in[se/quantur ex hoc s]ancto die natiuitatis tuae ! Ga[udi/um omnium in locis s]uscipias sanctis, manibusque suis o[mnes / exornent aras ! L]anugin(e)i flores digna sunt uota ! [Fecit / uerba numinis s]ui : ‘nox dea fit lux ! Sic dic mea u[ota !’ / corpus piscatorum] et urinatorum sua p(ecunia) p(osuit) primiceri[o... / – – – hoc loco] urbis, qui Nymphas accipit omnes e[t est / sacerrimus corpo]ri toto octie(n)s denis circundatus annis, / grate m[erito] » [« Pour le salut et la victoire ! Au dieu-empereur César Marcus Aurelius, fils du divin Septime Sévère, le meilleur de tous, Antoninus Pius, descendu des astres sur la terre, Auguste Tonnant, qui a agrandi le monde, au plus grand des maîtres ! Dans sa prévoyance il a augmenté la majesté de l’Empire et son territoire, il a accru sa grande gloire en lui donnant la paix. De sa dextre il a couronné d’un laurier la statue de la Victoire que l’on vénère dans le lieu saint de la curie de Rome, pour gagner une louange éternelle. Puissent quatre autres espaces de temps pleins de bonheur suivre (celui qui s’est écoulé) depuis ce jour sacré de ta naissance ! Puisses-tu recevoir la preuve d’une joie universelle dans les sanctuaires, et que tous ornent de leurs mains les autels ! Des fleurs duveteuses sont les présents votifs appropriés. Voici les paroles qu’a émises sa volonté divine : ‘‘la déesse nuit se fait lumière’. Tels sont les vœux que tu dois prononcer pour moi’. La corporation des pêcheurs et des plongeurs a élevé (ce monument) à ses frais, avec reconnaissance et à juste titre, (– – –) étant son chef, en ce lieu de la Ville qui accueille toutes les nymphes et est pour la corporation tout entière le plus sacré de tous depuis quatre-vingts ans » (Traduction des rédacteurs de l’AE, 1996, 90)].
79 J. Gage, Élagabal et les pêcheurs du Tibre, Mélanges d’archéologie, d’épigraphie et d’histoire offerts à J. Carcopino, Paris, 1966, p. 403-418.
80 C. Daremberg, E. Saglio, DA, s.v. « Piscatio et Piscatus » ; G. Wissowa, Religion und Kultus der Römer, Munich, 19122, p. 225.
81 Cf. infra p. 354.
82 CIL, VI, 4416 : « Dis Manibus, / collegio symphonia/corum qui sacris publi/ cis praestu sunt, quibus / senatus c(oire) c(onuocari) c(ogi) permisit e / lege Iulia, ex auctoritate / Aug(usti), ludorum causa ».
83 CIL, III, 141658.
84 L’ensemble du dossier a été réexaminé par C. Virlouvet, Les naviculaires d’Arles. À propos de l’inscription provenant de Beyrouth, 116, 1, 2004, p. 327-370. Pour l’organisation en corpora des naviculaires arlésiens, voir supra p. 265.
85 Dès l’époque julio-claudienne, les préoccupations du pouvoir impérial pour le ravitaillement de Rome supposent que des contacts aient été établis entre les naviculaires, provinciaux notamment, et les services de l’annone : cf. Suet., Cl., 18-19 ; et D.C., 60, 11.
86 CIL, XII, 672 (D., 1432).
87 Cf. supra p. 265 ; M. Christol, Les naviculaires d’Arles et les structures du grand commerce maritime sous l’Empire romain, PH, 32, 1982, p. 5-14 ; et M. Christol, S. Demougin, Notes de prosopographie équestre, ZPE, 57, 1984, p. 163-178.
88 J. Hellegouarc’h, Vocabulaire, p. 283.
89 CIL, II, 1180.
90 Sans doute ces services étaient-ils responsables de ces abus ou n’ont-ils rien fait pour empêcher les méfaits de mensores privés indélicats.
91 J. Rougé, Recherches sur l’organisation du commerce maritime en Méditerranée sous l’Empire romain, Paris, 1966, p. 465-474 ; Id., Prêt et société maritimes dans le monde romain, in J. H. D’Arms, E. C. Kopff (éd.), The seaborne commerce : studies in archeology and history (MAAR, 36), Rome, 1980, p. 291-303.
92 Cette dimension n’a pas été véritablement explorée par les commentateurs du dossier. Leurs analyses concernent, en priorité, des questions de procédures judiciaires et de compétences juridictionnelles.
93 CIL, VI, 266 : « Herculi sacrum. Posuit / P(ublius) Clodius Fortunatus, q(uin)q(uennalis) perpetuus huius loci. / Interlocutiones / Aeli Floriani, Herenni Modestini et Faltoni / Restutiani, praef(ectorum) uigil(um), p(erfectissimorum) u(irorum). / Florianus d(ixit) : ‘ quantum ad formam a me datam pertinet, quoniam me conuenis, de hoc inprimis tractandum / est. Ita interlocutum me scio esse hesterna / die : docere partem diuersam oportere hoc ex sacra auctoritate descendere, ut pensiones / non dependerentur. Et respondit se quibus/cumque rationibus posse ostendere hoc / ex sacra auctoritate obseruari’. Et hodie, hoc / dicit : ‘ex eo tempore, inquit, ex quo Augustus rem publicam obtinere cœpit, usque in hodier/ num, [num]quam haec loca pensiones pensitasse. / Et infra Florianus d(ixit) : ‘uidi locum dedicatum imaginibus sacris. Et alio capite, / Modestinus d(ixit) : ‘si quid est iudicatum, habet suam auctoritatem, si est ut dixi, iudicatum, / interim aput me nullae probationes exhi/[be]ntur, quibus doceantur fullones in pen/[sione]m iu[r]e conueniri’. Et alio capite, / R[est]it[utia]nus c(um) c(onsilio) c(ollocutus) d(ixit) : ‘manifestum est, quid / iudicau[erint] p(erfectissimi) u(iri). Nam Florianus partibus / suis diligentissime functus est, qui, cum in / rem praesentem uenisset, locum inspexit / et uniuersis indiciis examinatis senten/tiam de eo loco, de quo cum maxime / qu[a]eritur, protulit ; a qua prouoca[tum] / non est’. Et infra, Restitutianus d(ixit) : / ‘Modestinus quoque secutus res / a Floriano iudicatas pensiones / exigi prohibuit’. Et infra, Restitutianus d(ixit) : ‘illut seruabitur / fontanis, quod obtinuerunt / aput suos iudices et quod habue/runt in hodiernum sine pensione’. / Ex Alexandro Aug(usto) II et Marcello II co(n)s(ulibus) litigatum est in / Peregrino et Aemiliano co(n)s(ulibus) dies [– – – » a. 226-244 [« Consacré à Hercule. Publius Clodius Fortunatus, quinquennal perpétuel de ce lieu a élevé (ce monument). Sentences interlocutoires d’Aelius Florianus, d’Herennius Modestinus et de Faltonius Restitutianus, préfets des vigiles, perfectissimes. Florianus a dit : « en ce qui concerne la procédure donnée par moi, puisque tu te présentes devant moi, voici ce qu’il faut traiter en premier lieu. Ainsi je sais avoir affirmé, par voie interlocutoire, hier : ‘il faut que la partie adverse démontre qu’il découle de l’autorité sacrée que des paiements ne doivent pas être versés’. Et cette partie a répondu qu’elle pouvait démontrer par tous les moyens que cela était observé du fait de l’autorité sacrée ». Et aujourd’hui, il dit ceci : « depuis l’époque, dit-il, où Auguste a commencé à gouverner l’État jusqu’à aujourd’hui, aucun paiement n’a jamais pesé sur ces lieux ». Et, plus loin, Florianus dit : « j’ai vu ce lieu dédicacé, comportant des images sacrées ». Et, dans un autre paragraphe, Modestinus dit : « tout ce qui a été jugé possède son autorité, si cela a été, comme je l’ai dit, jugé ; au reste, aucune preuve ne m’a été présentée, démontrant que les foulons ont été poursuivis à juste titre pour un paiement ». Et, à un autre paragraphe, Restitutianus a dit après en avoir débattu avec son conseil : « ce que les perfectissimes ont jugé est manifeste. En effet, Florianus a rempli son rôle très diligemment. Alors qu’il s’était saisi de l’affaire présente, il inspecta le lieu et, après l’examen de tous les indices, présenta une sentence relative à ce lieu, à propos duquel on réclamait plus que jamais. De cette sentence, il n’y eut pas d’appel ». Et, plus loin, Restitutianus a dit : « Modestinus aussi, suivant le jugement de Florianus, a interdit que des pensions soient exigées ». Et, plus loin, Restitutianus a dit : « ceci sera conservé par les fontani sans paiement, c’est ce qu’ils ont obtenu auprès de leurs juges et ce qu’ils ont eu aujourd’hui ». Il y a eu litige des seconds consulats d’Alexandre Auguste et de Marcellus aux consulats de Peregrinus et d’Aemilianus »].
94 CIL, VI, 267 : « M(arco) Alexandro Aug(usto) et Mar/cello co(n)s(ulibus), Vic/toriae sacru/m, P(ublius) Clo(dius) For/tunatus, q(uin)q(uennalis) / collegio fon/[tanorum, d(onum) d(edit)] » a. 226.
95 CIL, VI, 268. Une quatrième inscription, AE, 1975, 21, datée de l’année 85, semble à verser au dossier.
96 Cf. lignes 16-17 : « ex eo tempore, inquit, ex quo Augustus rem publicam obtinere cœpit, usque in hodier/num, [num]quam haec loca pensiones pensitasse ».
97 Cf. ligne 18 : « Et infra Florianus d(ixit) : ‘uidi locum dedicatum imaginibus sacris’ ».
98 Cf. lignes 26-31 : « Nam Florianus partibus / suis diligentissime functus est, qui, cum in / rem praesentem uenisset, locum inspexit / et uniuersis indiciis examinatis senten/tiam de eo loco, de quo cum maxime / qu[a]eritur, protulit ».
99 F. M. De Robertis, CIL, VI, 266 (lis fullonum). Sul testo del documento, in Sein und Werden im Recht. Festgabe für Ulrich von Lübtow, Berlin, 1970, p. 247254 ; Id., Lis fullonum (CIL, VI, 266). Notizie critiche e ricostruttive, SDHI, 1977, 43, p. 113-166 ; Id., Lis fullonum (CIL, VI, 266). Ogetto della lite e causa petendi, ANRW, 1982, II, 14, p. 791-814.
100 J.-P. Waltzing, DE, s.v. « collegium », p. 405.
101 Restitutianus évoque l’absence d’appel aux lignes 31-32 : « a qua prouoca[tum] / non est ».
102 Th. Mommsen, Römische Urkunden II : Die interlocutiones im Prozess der fontani und das Bittschreiben des Adrastus, in Gesammelte Schriften, III, Berlin, 1907, p. 97-108.
103 Varr., L., VI, 22 : « Les Fontinalia dérivent de Fons, parce que ce jour-là est sa fête ; c’est pourquoi on jette alors des couronnes dans les sources et on couronne les puits » (trad. P. Flobert, CUF, 1985).
104 Paul-Diac., Fest., p. 85 M.
105 CIL, VI, 9428.
106 L. Pernier, DE, s.v. « Fullones ».
107 CIL, IX, 3923 (D., 6536).
108 M. D. Saavedrà Guerrero, La cooptatio patroni o el elogio de la virtus en el patronato colegial, Athenaeum, 83, 1995, p. 497-507.
109 AE, 1987, 464 : collegium centonariorum de Laus Pompeia en 166 ; CIL, XI, 970, collegia fabrum et centonariorum de Regium Lepidum en 190 ; AE, 1991, 713 : collegium fabrum de Fidentia en 206 ; CIL, XI, 2702 (D., 7217) : collegium fabrum de Volsinii en 224 ; CIL, XI, 1354 : collegium centonariorum de Luna en 254 ; CIL, XI, 6335 (D., 7218) : collegium fabrum de Pisaurum en 256 ; CIL, XI, 5748 (D., 7220) : collegium fabrum de Sentinum en 260 ; CIL, XI, 5749 (D., 7221) et 5750 : collegium centonariorum de Sentinum en 260 et 261.
110 AE, 1987, 464 : [– – –C]arinus, quaestor, [– – –]inus, quinquennalis, Q. Minicius Eva[ristus], quinquennalis ; CIL, XI, 970 (D.7216) : C. Aufidius Dialogus, quaestor, P. Saenius Marcellinus, quaestor ; AE, 1991, 713 : G. Antonius Primitivus, curator, Q. Sertorius Felicissimus, curator ; CIL, XI, 2702 (D., 7217) : Caetennius Onesimus, quinquennalis, T. Sossius Hilarus, quinquennalis ; CIL, XI, 1354 : Flavius Festus iun., magister, [– – –] Miro, magister ; CIL, XI, 5748 (D., 7220) : 16 délégués, dont C. Iulius Martialis, quinquennalis et C. Casidius Rufinus, quinquennalis ; CIL, XI, 5749 (D., 7221) : 16 délégués dont Heldius Peregrinus, parens, Casidius Severus, pater ; CIL, XI, 5750, 14 délégués dont Cornelius Tertius, quinquennalis, et T. Vessidius Fortunatus, quinquennalis.
111 CIL, XI, 6335 (D., 7218).
112 PIR2, A, 1394 (C. Aufidius Victorinus iunior).
113 PIR2, A, 1393 ; voir le stemma présenté par le CIL, XI, s.n..
114 CIL, XI, 5749 (D., 7221).
115 CIL, XI, 2702 (D., 7217).
116 J.-F. Médard, Le rapport de clientèle, du phénomène social à l’analyse politique, Revue française de science politique, 26, 1976, p. 105 ; S. N. Eisenstadt, L. Roniger, Patrons, p. 61 (notamment).
117 CIL, XI, 1354 et 5749 (D., 7221).
118 J.-P. Waltzing, Étude, I, p. 374, 425-430 ; R. K. Sherk, The municipal decrees of the Roman West, Buffalo, 1970, p. 59-72 ; les fabri de Pisaurum insistent sur la forme prise par la cooptatio (« patronum n(umeri) n(ostri) cooptasse nos per decre/tum ») : cf. CIL, XI, 6335, l. 19-20 (D., 7218). De même, les centonarii de Luna évoquent leur « decretum uotiu(u)m consens(us) n(ostri) » : cf. CIL, XI, 1354.
119 J. Hellegouarc’h, Vocabulaire, p. 181-185.
120 CIL, XI, 5750, l. 12-13.
121 CIL, XIII, 1751 (D., 4131).
122 CIL, XIII, 1752 (D., 4132).
123 Ce clergé était installé dans le sanctuaire phrygien du Vatican auquel font allusion les textes lyonnais.
124 CIL, X, 1786. P. Le Roux, L’amor patriae dans les cités sous l’Empire romain, in Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain. Hommage à Claude Lepelley, Paris, 2002, p. 143-161 ; R. K. Sherk n’a pas inclu ce texte dans son corpus. À la ligne 12, J.-P. Waltzing (Étude, III, p. 137-138) développe « p(atrono) c(ollegii) n(ostri) ». R. K. Sherk et J.-P. Waltzing considèrent, semble-t-il, que la procédure décrite émane du collège et non de l’ordo. Il est pourtant question de duouiri, à la ligne 14 ; la curie de la basilica augusta Anniana apparaît comme lieu de réunion des décurions de Pouzzoles dans une autre inscription (CIL, X, 1782).
125 AE, 1927, 115 : « L(ucio) Annio Largo, // pro salute Im[p(eratoris) Caes(aris) T(iti) Aeli Ha]/driani Antonin[i Aug(usti) Pii et M(arci) Ae]/li Aureli Caes(aris) totius[q(ue) domus diuinae], / col(l)egium salutar(e) den[drophororum] / sanctum Matri Deum M[agnae Ideae] / faciend(um) curauerunt, locus adsign[atus – – –] / pi-nus ponendas / ab C(aio) Dissenio Fusco curatore munici[pi Bou(illae)], / secus epistula Imp(eratoris) Antonini Aug(usti), a d[ecurio]/nibus, decreto eor(um), C(aio) Tatinio Gemellino [– – –] / Soteriano, aed(ili), cur(am) agent(e) C(aio) Albio Cep[– – –] ; / act(um) Nonis Aprilib(us), // [C(aio) Prastina Messalino co(n)s(ulibus)] ». Les noms des consuls étaient inscrits verticalement, en marge du texte. Cf. R. Paribeni, Marino. Rinvenimenti nell’area dell’antica Bovillae, NSA, 1926, p. 206-208.
126 F. Jacques, Privilège, 1984, p. 260, commente ainsi l’inscription : « Comme l’a noté R. Paribeni (NdS, 1926, p. 207), l’epistula pouvait être la lettre nommant le curateur, ou une missive impériale concernant le culte de Magna mater. La deuxième hypothèse nous semble plus probable puisque la précision de la nomination impériale ne s’impose pas dans un texte qui n’est pas dédié au curateur ; mais la mention d’une epistula impériale dans une inscription de Saturnia interdit de trancher ».
127 CIL, VI, 9626 (D., 7267) ; CIL, VI, 9254 (D., 7244) ; J.-P. Waltzing, Étude, III, no 1377.
128 CIL, XIV, 2299 (D., 5206).
129 J.-L. Laville, R. Sainsaulieu (dir.), Associations, p. 16-17 et 39 notamment.
130 Th. Mommsen, RS, III, p. 145-146 = DP, V, p. 164 ; J.-M. Flambard, Compitalicia, p. 154.
131 W. J. Slater, The scholae of Roman collegia, JRA, 13, 2000, p. 493-497, critique l’utilisation de cette épithète dans un compte-rendu de la thèse de B. Bollmann, Vereinshäuser, p. 12 ; voir aussi L. De Ligt, D. 47, 22, 1, pr-1 and the formation of semi-public « collegia », Latomus, 2001, p. 345-358.
132 S. E. Ostrow, The Augustales in the Augustan scheme, in K. A. Raaflaub, M. Toher (éd.), Between Republic and Empire, Berkeley-Los Angeles-Oxford, 1990, p. 370.
133 O. Van Nijf, Civic, p. 245.
134 Ibid., p. 133 et 187. Cette analyse s’accorde parfaitement avec la réflexion sociologique sur la relation entre citoyenneté et appartenance ; nous en ferons état par la suite : cf. infra p. 362-369.
135 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 175-176.
136 Sur les liens entre la batellerie et l’ordo corporatorum qui pecuniam ad ampliandum templum contulerunt, cf. p. 116.
137 Nous aborderons par la suite la restitution de CIL, XIV, 4572.
138 CIL, X, 1746 (D., 6337) : « Herodes Aphrodisi f(ilius), / Ascalonit(anus), uixit an/nis XXXXII, / locum emit ad ordine / Baulanorum / Demetrius, uilicus. » CIL, X, 1747 : « Eunea / uixit ann(is) XX / ex collegio Baula(norum), / permissu Corinthi, / proc(uratoris), Artichnus f(ecit) ».
139 CIL, X, 3483 (D., 2864) : « D(is) M(anibus), / L(ucius) Fuluius Datius, / proreta cl(assis) pr(aetoriae) Mis(enatium), / (triere) Vesta, uixit an(nis) XL, / ordo proretarum, / heredes collegae / sanctissimo b(ene) m(erenti) ff(ecerunt ?) ».
140 CIL, X, 6094 (D., 6283) : « L(ucio) Varronio L(ucii) f(ilio) / Pal(atina tribu) Capitoni, / scribae aedilic(io), / accenso uelato, / (duum)uiro quinquen(nali), / curatori aquarum, / patrono coloniae, / ordo regalium / quorum honore / contentus sua pecun(ia) / posuit, l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum) ».
141 Th. Mommsen, CIL, X, p. 607.
142 M. Gusso, Sul presunto interrex del collegium incertum di CIL X 6071, Prometheus, 17, 2, 1991, p. 164-167.
143 CIL, XIV, 2630 (D., 7237) ; J.-P. Waltzing, Étude, I, p. 420, pensait que T. Flavius Hilario appartenait à un collegium fabrum de Tusculum ou d’Ostie ; cependant, H. L. Royden, Magistrates, p. 158, montre que le personnage était inscrit parmi les fabri tignuarii romains.
144 Une inscription du collège (CIL, VI, 30872) évoque un « decret(um) honorat[orum] et decurionum ».
145 H. L. Royden, Magistrates, p. 127, 130.
146 CIL, VI, 10333 (D., 7351).
147 J.-P. Waltzing, Étude, IV, p. 287 ; B. Cohen, Apparitorial, p. 28-29.
148 T. Schiess, Die römischen collegia funeraticia nach den inschriften, Munich, 1888, p. 166.
149 B. Cohen, Apparitorial, p. 25-29, suivi par C. G. Paulus, NP, s.v. « ordo ».
150 E. Kornemann, RE, s.v. « collegium ».
151 F. Lammert, in RE, s.v. « ordo » ; J. Hellegouarc’h, Vocabulaire, p. 427 ; OLD, p. 1266-1267.
152 C. Nicolet, L’ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), I, Paris, 1974, p. 163-176 ; Id. (éd.), Des ordres à Rome, Paris, 1984, p. 7-21.
153 J. Hellegouarc’h, Vocabulaire, p. 428, reprend la définition énoncée par J.-B. Mispoulet qui regardait l’ordo comme « une classe spéciale de citoyens jouissant d’une condition juridique uniforme » ; B. Cohen, Apparitorial, p. 23, parle de « normative status groups ».
154 J. Beranger, Ordres et classes d’après Cicéron, in Recherches sur les structures sociales dans l’Antiquité classique, Paris, 1970, p. 231, 236 et 241 ; B. Cohen, La notion « d’ordo » dans la Rome antique, BAGB, 1975, p. 267.
155 B. Cohen, Apparitorial, p. 23-24 (n. 3), recense tous les passages concernés.
156 Dig., 7, 1, 15, 2, à propos de l’usufruitier.
157 Cic., Verr., II, 2, 17 : « les ordres de cultivateurs de terres arables, d’éle veurs de bétail ou de marchands ». Les aratores sont encore désignés comme un ordo au paragraphe 149.
158 Cic., Pomp., 17-18 « (...) Nam et publicani, homines honestissimi atque ornatissimi, suas rationes et copias in illam prouinciam contulerunt, quorum ipsorum per se res et fortunae uobis curae debent. Et enim si uectigalia neruos esse rei publicae semper duximus, eum certe ordinem qui exercet illa firmamentum ceterorum ordinum recte esse dicemus. Deinde ex ceteris ordinibus homines gnaui atque industrii partim ipsi in Asia negotiantur, quibus uos absentibus consulere debetis, partim eorum in ea prouincia pecunias magnas conlocatas habent » [« Tout d’abord, en effet, les publicains, personnages d’une haute honorabilité et fort considérables, ont transporté leurs affaires et leurs fortunes dans cette province. Or, à eux seuls, leurs intérêts particuliers méritent votre vigilance. Car, si nous avons toujours regardé les revenus publics comme le nerf de l’État, nous pouvons bien dire à juste titre que l’ordre qui a la charge de les recouvrer est le soutien des autres ordres. Joignez-y des hommes appartenant aux autres ordres, actifs et industrieux ; les uns trafiquent eux-mêmes en Asie, et vous leur devez votre protection au loin ; les autres possèdent des capitaux considérables placés dans la province » (trad. A. Boulanger, CUF, 1929)].
159 Dans la lex du collège funéraire de Lanuvium, l’album est aussi regardé comme le reflet d’un ordre : cf. CIL, XIV, 2112 (D., 7212). Chaque année, quatre confrères étaient appelés à organiser des banquets ; ces magistri cenae étaient désignés à tour de rôle « ex ordine albi ».
160 J.-P. Waltzing, Étude, I, p. 358.
161 A. Magdelain, La loi à Rome. Histoire d’un concept, Paris, 1978, p. 46-49 ; J.-M. Flambard, Mort, p. 213-214.
162 A. Touraine, Production de la société, Paris, 1973 ; J.-L. Laville, R. Sainsaulieu (dir.), Associations, p. 70.
163 R. Duthoy, Augustales, p. 1254-1309 ; A. Abramenko, Organisation, p. 1337 ; Id., Mittelschicht, p. 76-82 et 166-189.
164 Une inscription de Côme (CIL, V, 5600) cite un seuir gratuitus suffragio populi. La procédure évoquée, une élection comparable à celle d’un magistrat, est très révélatrice même si elle paraît inhabituelle au regard des nominations decreto decurionum.
165 CIL, IX, 4891, Trebula Mutuesca ; CIL, XIV, 2795 (D., 272), Gabii ; CIL, IX, 3838, Antinum : « consensus decurionum et seuirum ».
166 Voir notamment, pour Ostie, CIL, XIV, 316 (D., 6161) et 4561 ; A. Abramenko, Mittelschicht, p. 231.
167 CIL, III, 3487.
168 CIL, III, 7268.
169 Pour la Narbonnaise, se reporter au commentaire des ILN, II, p. 56.
170 Se reporter aux notes de R. Duthoy, Augustales, p. 1274-1276 et 1285-1286.
171 C. Nicolet (éd.), Des ordres à Rome, Paris, 1984, p. 11.
172 Nous ne présenterons pas ici, même sommairement, la bibliographie sur le droit d’association et le statut juridique des collèges à l’époque impériale. La somme de F. M. De Robertis demeure fondamentale. Trois articles récents ou relativement récents fournissent un point de vue très synthétique et renvoient aux principaux éléments bibliographiques : W. Cotter, The collegia and the Roman Law. State restrictions on voluntary associations, 64 BCE – 200 CE, in J. S. Kloppenborg, S. G. Wilson (éd.), Voluntary associations in the Graeco-Roman world, Londres-New York, 1996, p. 74-89 ; L. De Ligt, Governemental attitudes towards markets and collegia, in E. Lo Cascio (éd.), Mercati permanenti e mercati periodici nel mondo romano. Atti degli incontri capresi di storia dell’economia antica (Capri 13-15 ottobre 1997), Bari, 2000, p. 237-252 ; Id., D. 47, 22, 1, pr-1 and the formation of semi-public « collegia », Latomus, 2001, p. 345-358.
173 J.-J. Aubert, Gestion, p. 49-69.
174 Dig., 3, 4, 1, pr.-2 (Gaius) : « Neque societas, neque collegium, neque huiusmodi corpus passim omnibus habere conceditur : nam et legibus, et senatusconsultis, et principalibus constitutionibus ea res cœrcetur. Paucis admodum in causis concessa sunt huius modi corpora, ut ecce vectigalium publicorum sociis permissum est corpus habere, uel auri fodinarum, uel argentifodinarum, et salinarum. Item collegia Romae certa sunt, quorum corpus senatusconsultis atque constitutionibus principalibus confirmatum est, ueluti pistorum et quorumdam aliorum, et nauiculariorum qui et in provinciis sunt. Quibus autem permissum est corpus habere collegii, societatis, siue cuius que alterius eorum nomine, proprium est ad exemplum rei publicae habere res communes, arcam communem et actorem siue syndicum, per quem tanquam in re publica, quod communiter agi fierique oporteat, agatur, fiat » [« Il n’est pas permis à tous, indistinctement de constituer une société, un collège et un corps de ce genre. En effet, ce droit est limité par les lois, les sénatus-consultes et les constitutions impériales. Les corps de ce genre sont autorisés dans un très petit nombre de cas ; ainsi, par exemple, il a été permis aux associés des impôts publics, des mines d’or ou d’argent et des salines de constituer des corps. De même, il y a, à Rome, certains collèges dont le statut de corps a été ratifié par sénatus-consultes et par constitutions impériales, comme les collèges des boulangers et de quelques autres métiers, et les collèges de naviculaires qui sont aussi présents dans les provinces. À ceux à qui il est permis de constituer un corps, sous le nom de collège ou de société, sous le nom de l’un ou l’autre, il appartient en propre, suivant le modèle de la cité, d’avoir des biens communs, une caisse commune et un agent ou syndic à travers qui, comme dans une cité, ce qu’il convient de régler et de réaliser en commun, est réglé, réalisé »]. Cf. Y. Thomas, L’institution civile de la cité, Le débat. Histoire, politique, société, 74, 1993, p. 29 : « Il s’agissait de penser l’immutabilité des ensembles humains, malgré le renouvellement des êtres qui les composaient ». Il s’agissait d’une « permutation continue qui maintenait en l’état un arrangement prorogé selon le mode pleinement fictif de la subrogation » ; voir aussi Id., Les juristes de l’empire et les cités, in Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain. Hommage à Claude Lepelley, Paris, 2002, p. 189-214.
175 Dans le fragment 3, 4, 1 du Digeste, « corpus habere » a suscité de nombreux débats. C. von Savigny (cité par C. Nicolet) considérait comme équivalents le régime de l’universitas et le fait de « corpus habere » : cf. C. Nicolet, Deux remarques sur l’organisation des sociétés de publicains à la fin de la république romaine, in Censeurs et publicains. Economie et fiscalité dans la Rome antique, Paris, 2000, p. 300. Pour J. Andreau, Fondations, p. 158, il s’agit d’un « privilège autorisant [les collèges] à administrer et à gérer le patrimoine commun à la façon d’une unité indivise ». L. Cracco Ruggini, Collegium e corpus : la politica economica nella legislazione e nella prassi, in G. Archi, G. Milano (éd.), Istituzioni giuridiche e realtà politiche nel tardo impero (III-V sec. d.C.). Atti di un incontro tra storici e giuristi : Firenze 2-4 maggio 1974, Florence, 1976, p. 63-94. Selon F. de Visscher, Notion de corpus, in Scritti Ferrini, 1949, p. 43, le mot corpus désigne une « entité », patrimoine ou collège. Contra K. Olivercrona, « Corpus » and « collegium » in D.3.4., Iura, 5, 1954, p. 182-185.
176 B. Eliachevicth, Personnalité, p. 288-289.
177 A. Lefebvre-Teillard, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, 1996, p. 88 ; Y. Thomas, L’institution civile de la cité, Le débat. Histoire, politique, société, 74, 1993, p. 34.
178 Dig., 3, 4, 1, 1 ; cf. B. Eliachevitch, Personnalité, p. 199-202 ; J.-J. Aubert, Gestion, p. 53, s’appuie sur un fragment d’Ulpien (Dig., 37, 1, 3-4) relatif à la représentation par un actor et à la possessio : le document évoque un dispositif qui concerne à la fois les municipia, les societates, les decuriae et les corpora.
179 J. Plescia, The development of the juristic personality in Roman Law, Studi in onore di Cesare Sanfilippo, I, 1982, p. 488-489.
180 J.-J. Aubert, Gestion, p. 54-55.
181 Dig., 40, 3, 1 : « Diuus Marcus omnibus collegiis, quibus cœundi ius est, manumittendi potestatem dedit » [« Le divin Marc a donné la capacité de manumission à tous les collèges jouissant du droit de s’assembler »].
182 Dig., 34, 5, 20 : « Cum senatus temporibus diui Marci permiserit collegiis le-gare (...) » [« Étant donné qu’à l’époque du divin Marc, le sénat a autorisé les collèges à léguer (...) »].
183 B. Eliachevitch, Personnalité, p. 284-286.
184 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 455-458.
185 J. Plescia, The development of the juristic personality in Roman Law, Studi in onore di Cesare Sanfilippo, I, 1982, p. 508-512 et 514-515 ; J.-J. Aubert, Gestion, p. 59.
186 B. Eliachevitch, Personnalité, p. 280.
187 CIL, XIII, 4335 : « M(arco) Poblicio Sec[un]/dano, nautarum / Mosallicor(um) libe[rto], / tabulario, (se)ui[ro] / Augustali ».
188 CIL, V, 4422 (D., 7257) = Inscr. Brixiae, 216.
189 L. Halkin, Les esclaves publics chez les Romains, Paris, 1897, p. 146-152.
190 J.-J. Aubert, Gestion, p. 53.
191 C. Nicolet, Deux remarques sur l’organisation des sociétés de publicains à la fin de la république romaine, in Censeurs et publicains. Economie et fiscalité dans la Rome antique, Paris, 2000, p. 300.
192 J.-J. Aubert, Gestion, p. 53.
193 B. Eliachevitch, Personnalité, p. 266 ; Dig., 50, 6, 6, 12et 40, 3, 1.
194 Au sein d’une bibliographie foisonnante, on peut se reporter notamment à J.-P. Waltzing, Étude, I, p. 115-132 ; F. M. De Robertis, Fenomeno, p. 36-37 ; Id., Corporazioni, p. 195-272 ; J. Linderski, Suetons Bericht über die Vereinsgesetzgebung unter Caesar und Augustus, ZRG, 79, 1962, p. 322-328, p. 324-328 ; la datation de 7 av. J.-C. paraît presque certaine depuis la publication de S. Panciera, Fasti, p. 271-280.
195 CIL, VI, 4416.
196 Suétone consacre deux courts passages aux mesures de César et d’Auguste. « Cuncta collegia praeter antiquitus constituta distraxit » [« il fit dissoudre tous les collèges, à l’exception de ceux établis de toute antiquité »] (Suet., Caes., 42). « Collegia praeter antiqua et legitima dissoluit » [« il dissout tous les collèges qui n’étaient pas anciens et légalement constitués »] (Aug., 32, trad. H. Ailloud, CUF, 1931). La relation entre ces mesures de dissolution – dont la portée est très discutée – et la lex Iulia n’est pas claire : l’idée, exprimée par F. M. De Robertis, selon laquelle « legitimus » doit être abordé dans l’acceptation littérale et technique de « conforme à la lex » a été critiquée par J. Linderski. De l’avis de J. Linderski, la thèse selon laquelle César a établi le droit d’association sur de nouvelles bases, avant qu’Auguste ne poursuive son œuvre, n’est pas prouvée par les passages de Suétone, bien que ceux-ci rendent ce point de vue très vraisemblable.
197 Voir notamment Th. Mommsen, Collegiis, p. 80 ; Id., RS, III, p. 1180-1181 et 1235 = DP, VII, p. 402-403 et 464-465.
198 La prudence paraît de mise face à l’ampleur de la restitution. La mention de M. Aurelius Lamprocles, Aug(usti) lib(ertus), constitue l’élément de datation de l’inscription.
199 J.-P. Waltzing, Étude, III, p. 314, no 1333.
200 J. Gaudemet, Droit privé romain, Paris, 20002, p. 32.
201 B. Eliachevitch, Personnalité, p. 256-259 ; J.-J. Aubert suit la thèse de B. Eliachevitch lorsqu’il affirme : « cette loi (...) aurait eu pour effet de conférer une personnalité juridique à des associations professionnelles d’intérêt public sous la forme d’une reconnaissance postérieure octroyée par décret sénatorial ».
202 À propos des débats suscités par la lex Iulia de collegiis, J.-M. Flambard souligne l’opposition de deux courants historiographiques, l’un « réglementariste » et l’autre « non-réglementariste » : « l’enjeu était sérieux, car il opposait les tenants d’un contrôle étroit de l’Etat sur le phénomène associatif (perçu comme une menace potentielle) et ceux qui pensaient que l’Etat ne s’en préoccupait guère, les collèges ne présentant aucune menace sérieuse (surtout ceux à vocation essentiellement funéraire) » : J.-M. Flambard, Mort, p. 214-215.
203 F. M. De Robertis, Corporazioni, I, p. 228-234.
204 J. Linderski, Der Senat und die Vereine, in M. Andreev, J. Irmscher, E. Polay, W. Warkallo (éd.), Gesellschaft und Recht im griechisch-römischen Altertum, I, Berlin, 1968, p. 94-132.
205 Asc., in Corn., p. 75 C ; J.-M. Flambard, Clodius, p. 118 ; Id., Compitalicia, p. 161-165.
206 Dig., 50, 6, 6, 12 (Callistrate) : « Quibusdam collegiis uel corporibus quibus ius cœundi lege permissum est, immunitas tribuitur ; scilicet eis collegiis uel corporibus, in quibus artificii sui causa unusquisque adsumitur, ut fabrorum corpus est et si qua eandem rationem originis habent, id est idcirco instituta sunt, ut necessariam operam publicis utilitatibus exhiberent. Nec omnibus promiscue, qui adsumpti sunt in his collegiis, immunitas datur : sed artificibus duntaxat. Nec ab omni aetate allegi possunt, ut diuo Pio placuit, qui reprobauit prolixae uel imbecillae admodum aetatis homines. Sed ne quidem eos qui augeant facultates, et munera ciuitatum sustinere possunt, priuilegiis quae tenuioribus per collegia distributis concessa sunt, uti posse, plurifariam constitutum est » [« L’immunité est attribuée à certains collèges ou corps à qui le droit de s’assembler est donné ; à savoir à ces collèges ou corps dans lesquels chacun est admis en raison de son métier, tel le corps des artisans et ceux qui ont la même raison d’être, c’est-à-dire ceux institués pour effectuer des tâches nécessaires à l’utilité publique. Et l’immunité ne peut être donnée indistinctement à tous ceux qui sont admis dans ces collèges, mais seulement aux hommes de métier. Et ils ne peuvent être choisis dans tous les âges, comme le divin Pius l’a décidé, lui qui rejeta des hommes d’âge avancé ou tout à fait faible. Mais il a été décidé de plusieurs manières que ceux, qui ont augmenté leurs richesses et qui peuvent supporter les charges des cités, ne peuvent pas non plus profiter des privilèges qui ont été accordés aux petites gens reçus dans les collèges »].
207 L’explication, toutefois, ne peut être évoquée de manière systématique : elle ne vaut pas pour les dendrophores romains, par exemple.
208 CIL, XIV, 2112, I, 10-13 (D., 7212), éditée, traduite et commentée par J.-M. Flambard, Mort, p. 225-234 : « Kaput ex s(enatus) c(onsulto) p(opuli) R(omani). / Quib[us coire co]nuenire collegiumq(ue) habere liceat. Qui stipem menstruam conferre uo/len[t in fune]ra, in it collegium cœant, neq(ue) sub specie eius collegi(i) nisi semel in men/se c[œant co]nferendi causa, unde defuncti sepeliantur » [« Article du sénatus-consulte du peuple romain. Concerne ceux auxquels il sera permis de se rassembler, de se réunir et de se constituer en collège. Ce droit est accordé à ceux qui voudront cotiser mensuellement pour faire exécuter leurs funérailles, à la condition qu’ils ne se réuniront qu’une fois par mois pour payer la contribution nécessaire à la sépulture de leurs morts »].
209 Dig., 47, 22, 1, 1.
210 Th. Mommsen, Collegiis, p. 87-106 ; F. M. De Robertis, Corporazioni, I, p. 279 ; J.-M. Flambard, Mort, p. 228-229.
211 F. M. De Robertis, Corporazioni, I, p. 290-293. Tous les arguments de Robertis, néanmoins, ne sont pas pleinement décisifs : il évoque, de la part de Claude, « uno spirito altissimo e profondamente sincero di umanità e di comprensione verso gli umili e i derelitti ».
212 B. Eliachevitch, Personnalité, p. 261.
213 Ibid., p. 260, relève la difficulté sans s’y attaquer de front : « la question a été soulevée par la question de savoir si les collèges funéraires n’étaient que la catégorie la plus importante de collegia tenuiorum qui étaient destinés en général aux classes indigentes, ou si ces deux notions sont identiques ».
214 J.-M. Flambard, Mort, p. 210.
215 J.-P. Waltzing, Étude, I, p. 258-265.
216 B. Eliachevitch, Personnalité, p. 249-250 et 266.
217 CIL, V, 4428 (D., 6720) = Inscr. Brixiae, 223 : « Pietati / Hostiliae / Hostilianae, / (se)uir(i) Augustales soci(i) / quib(us) ex permiss(u) diui Pii / arcam habere permiss(um), / primae benemerenti t(itulo) u(sa) ».
218 A. Abramenko, Mittelschicht, p. 168-171 ; L. De Ligt, D. 47, 22, 1, pr-1 and the formation of semi-public « collegia », Latomus, 2001, p. 348-350, a récemment prêté attention à l’inscription, en insérant l’hypothèse d’A. Abramenko dans un cadre plus général, sans reprendre sur le fond l’analyse du dossier.
219 CIL, V, 4405 (D., 6721).
220 A. Abramenko, Mittelschicht, p. 171 : « Offenkundig wollten die Dekurionen von Brixia den dortigen Seviri Augustales keine Selbstverwaltung ihrer Finanzen zubilligen, obwohl dies andernorts schon langst üblich war. Diese führten daraufhin vor dem Kaiser Klage und erhielten Recht ».
221 Dig., 3, 4, 1, 1.
222 F. M. De Robertis, Corporazioni, I, p. 253-258.
223 S. Mollo, Augustalità, p. 274.
224 CIL, V, 6657 (D., 6741a).
225 CIL, V, 4203 (D., 6718) = Inscr. Brixiae, 9 : la datation de l’inscription est fixée, sans plus de précision, au iie ou iiie siècles par S. Mollo, Augustalità, p. 304 et 333.
226 CIL, V, 4410 (D., 6719) = Inscr. Brixiae, 985.
227 CIL, V, 4449 = Inscr. Brixiae, 238. Dans ce texte, « omnia collegia » signifie tria collegia, selon Th. Mommsen (CIL, V, p. 1198). S. Mollo, Augustalità, p. 272. Si l’on admettait, avec Th. Mommsen, qu’il faut comprendre « perfunctorum » aux lignes 13-14, il faudrait considérer que la magistrature des collegia concerne non seulement M. Vettidius Aquileiensis, mais aussi les deux premiers personnages cités. Mais ne peut-on pas comprendre, tout aussi bien, « perfuncti » ?
228 CIL, XIV, 4572. Si l’on accepte toutes les restitutions avancées on obtient alors le texte suivant : « – – –Pro]bo co(n)s(ulibus) o[rdo – – – / – – – q]uib(us) ex s(enatus) c(onsulto) c[oire licet – – – / nomina ?] corporatorum / [– – – S]aturninus, / [– – –] Panfilus / [– – –] gaius, / [– – –] Protus, / [– – – Euh]emer, / [– – –]cus, // Lartidius Magn[us],/ Aemilius Saturni[nus], / Quetus Feli[x], / Q(uintus) Plotius Petru[s], / Aurelius Iustin[– – –], / Varius Pri[– – – ».
229 Arist., Nic., 8, 11,1160a. ; P. Gauthier, La citoyenneté en Grèce et à Rome, Ktèma, 6, 1981, p. 167-179 ; P. Schmitt-Pantel, Les pratiques collectives et le politique dans la cité grecque, in F. Thélamon (éd.), Sociabilité, pouvoirs et société. Actes du colloque de Rouen (24 – 26 novembre 1983), Rouen, 1987, p. 279-289.
230 M.-F. Baslez, Associations, p. 431-440.
231 CIL, XIV, 2408 (D., 5196).
232 CIL, VI, 10328 (D., 7872).
233 CIL, X, 7039 (D., 7288a) : « D(is) M(anibus) s(acrum), / L(ucius) Arrius / Secundus, / uix(it) an(nis) XVII, / marmorari / conuiue fecer(unt) ».
234 CIL, XI, 6244 (D., 7312a).
235 CIL, IX, 5383.
236 J.-P. Waltzing, Étude, III, p. 34-35 et 46.
237 CIL, VI, 6215, 6216 (D., 7360).
238 P. Schmitt-Pantel, La cité au banquet : histoire des repas publics dans les cités grecques, Paris, 1992, p. 108-111 et 251-252 ; Ead., Entre public et privé : le politique ?, in « Public et Privé en Grèce ancienne : Lieux, conduites, pratiques », actes du colloque organisé à Paris les 15-17 mars 1995 par le centre Louis Gernet, Ktèma, 23, 1998, p. 407-413.
239 Cette idée de partage apparaît dans les pratiques grecques de commensalité. P. Schmitt-Pantel, La cité au banquet : histoire des repas publics dans les cités grecques, Paris, 1992, p. 49-51 et 109, notamment.
240 CIL, II, 5500 : « C(aius) Iunius Seu[e]rus, / Caleculensis, / an(norum) LXXX, / amici et [c]onuict/ores ciu[e]s posu/erunt / h(ic) s(itus) e(st) ; s(it) t(erra) l(euis) ».
241 CIL, VI, 33968.
242 CIL, II, 2102 : « D(is) M(anibus) s(acrum), / Septimia Septimi(i) / Sabiniani mil(itis) cohor(tis) / VIII pr(aetoriae) et Aemiliae Ius/tae filia Aduenta, / benemerens a suis ; // propter quam rogamus / parentes pientissumi collegas / suc[c]edentes deincepsq(ue) succes/sores sic, ne quis uestrum tal/em dolorem experiscatur ut / huiius (sic) manib(us) lucerna quotidi/ana ex ratione publik(a) uestra / poni [placeat ––– ».
243 CIL, XIII, 3026 (D., 4613) : « Tib(erio) Caesare / Aug(usto), Ioui Optumo / Maxsumo, / nautae Parisiac[i] / publice posierun[t] ».
244 CIL, VI, 9254 (D., 7244) : « Collegio / centonariorum / [– – –] / cum basi marmorea et ceriolarib(us) / duobus aereis habentibus effigi/em Cupidinis tenentis calathos, / L(ucius) Sextilius Seleucus, decurio, d(onum) d(edit) ; / hoc amplius ark(ae) rei p(ublicae) collegii s(upra) s(cripta) / donum dedit (denarios) (quinque millia), ut ex usuris / centesimis eius quantitatis / quae efficit annuos (denarios) DC, die / VIIII kal(endas) octobr(es), natali diui / Augusti, erogentur ex ark(a) ».
245 CIL, VI, 9626 (D., 7267) : « D(is) M(anibus), / C(aius) Turius C(aii) f(ilius) Lollianus, / quitquit ex corpore mensorum / machinariorum funeratici nomi/ne sequetur, reliqu(u)m penes r(em) p(ublicam) s(upra) s(criptam) / remanere uolo ; ex cuius usuris / peto a uobis, colleg[a]e, uti susci/pere dignemini ut diebus sol[l]em/ nibus sacrificium mi[h]i faciatis, / id est IIII id(us) Martias, die natalis / mei, usque ad (denarios) XXV, parentalis / (denarios) XIIS, flos rosa (denarios) V ; si facta non / fuerint, tunc fisco sta[t]ionis / annonae duplum funeraticium / dare debebitis ».
246 Le taux de 6 % est certes plus fréquemment attesté. Dans ce cas précis, l’hypothèse d’un taux de 5 %, avancée par J.-P. Waltzing, Étude, III, p. 261, permet de parvenir à un chiffre « rond », ce qui renforce sa probabilité.
247 J.-P. Waltzing, Étude, III, no 1377 : « Dis Manibus, / Eutycheti Caes(aris) n(ostri) / liberto qui reliquit / collegio suo dendroph(orum) / (sestertium mille) n(ummum), ut ex reditu / omnibus annis ei parentent, / cum re p(ublica) colleg(ii) dendroph(orum) / aere collato bene / merenti, / Sura et Senec(ione) co(n)s(ulibus) » a. 107.
248 CIL, XIV, 2299 (D., 5206).
249 J.-P. Waltzing, Étude, II, p. 446.
250 Th. Mommsen, CIL, IX, p. 787 ; J. Gascou, Res publica, p. 383-398.
251 Une étude bien plus approfondie mériterait d’être entreprise ; on sait que « publice », « publicum » et « publicus » dépassent très largement le champ lexical de la puissance publique : cf. OLD, p. 1512-1513.
252 G. Balandier, Anthropologie politique, Paris, 19992, p. 29-31 ; B. Denni, P. Lecomte, Sociologie du politique, I, Grenoble, 1992, p. 12-28.
253 J. Habermas, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, 1990, p. 30-35 ; F. De Polignac, P. Schmitt-Pantel (éd.), « Public et Privé en Grèce ancienne : Lieux, conduites, pratiques », actes du colloque organisé à Paris les 15-17 mars 1995 par le centre Louis Gernet, Ktèma, 23, 1998, p. 6.
254 S. Pasquier, Les associations ou l’expression politique d’une socialité urbaine, in Une seule solution : l’association ? Socio-économie du fait associatif, Revue du M.A.U.S.S., 11, 1, 1998, p. 250-262 ; J.-L. Laville, R. Sainsaulieu (dir.), Associations, p. 56-58 et 67.
255 S. Pasquier, loc. cit., p. 260.
256 J.-L. Laville, R. Sainsaulieu (dir.), Associations, p. 49. Les propos d’O. Van Nijf, cités plus haut, font penser à ce débat : O. van Nijf présente la citoyenneté propre aux cités de l’Orient romain non pas comme un attribut partagé entre « equals », mais comme une insertion dans une hiérarchie de « statusgroups ».
257 P. Watier, Formes de socialisation et éthique de la socialité, in Une seule solution : l’association ? Socio-économie du fait associatif, Revue du M.A.U.S.S., 11, 1, 1998, p. 263-279 : l’auteur se fonde notamment sur le concept de socialisation forgé par G. Simmel et sur l’interactionnisme d’E. Goffman.
258 F. De Polignac, P. Schmitt-Pantel (éd.), « Public et Privé en Grèce ancienne : Lieux, conduites, pratiques », actes du colloque organisé à Paris les 15-17 mars 1995 par le centre Louis Gernet, Ktèma, 23, 1998, p. 7.
259 D. Colas, Sociologie politique, Paris, 20022, p. 381-423.
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