César hors de sa litière : le prince parmi les citoyens
p. 339-368
Résumés
Lorsqu’il était à Rome ou en Italie, l’empereur devait, en théorie, être visible et accessible à l’ensemble d’un populus dont il était le mandataire : il devait marcher parmi les citoyens, interagir avec eux ou garder sa maison ouverte. Dans les faits, sa présence fut variable et peut être interprétée à l’aune de l’ambiguïté intrinsèque qui fait de l’empereur à la fois un monarque et un citoyen. Considérer la position ambivalente d’un primus inter pares qui devait demeurer un aristocrate « comme les autres » autant qu’un civilis princeps – c’est-à-dire le premier de tous les citoyens – conduit à distinguer des cercles de l’accès à l’empereur (amici, sénateurs, plébéiens). Cela attire aussi l’attention sur l’« inaccessible accessibilité » quotidienne d’un monarque qui devait se comporter comme un privatus républicain dans un régime qui ne l’était plus. Témoin des recompositions de la politique et du politique à l’époque impériale, la présence ambivalente du prince pouvait alimenter son charisme.
When in Rome or in Italy, the emperor could theoretically be seen or approached by every member of the populus that he represented: for him, it meant walking among Roman citizens, interacting with them, or keeping his house open. In reality, his presence was adaptable and can be understood as a consequence of the ambiguity linked to his double status as both monarch and citizen. Indeed, if we consider the ambiguous position of a primus inter pares that had to remain an aristocrat “like the others” as well as a civilis princeps (i.e. the first of every citizen), we can distinguish several degrees of proximity with the emperor (amici, senators, plebeians). This also leads to focus on the daily “inapproachable approachability” of a monarch who had to behave as if he were a republican privatus in a regime that was no longer republican. Revealing some transformations of the political power and practices under the Principate, the ambiguous presence of the emperor sometimes reinforced his charisma.
Entrées d’index
Mots-clés : Empereur romain, civilitas, civilis princeps, présence physique, accessibilité, charisme
Keywords : Roman emperor, civilitas, civilis princeps, physical presence, approachability, charisma
Texte intégral
1La présente contribution s’inscrit dans un projet de recherche consacré au « prince citoyen » (civilis princeps) et à son charisme, fondé sur l’entretien de sa condition de premier des citoyens1. En prenant soin d’ajuster le concept wébérien de « charisme » aux réalités et aux pratiques romaines, ce travail cherche à éclairer la singularité d’un système politique situé entre le respect des normes républicaines et la construction d’une monarchie liée au charisme du prince. L’analyse d’un paradoxal monarque républicain, conduite entre les époques d’Auguste et de Septime Sevère2, permet de mettre en exergue les pratiques politiques du civilis princeps et du primus inter pares (« premier entre ses pairs »), cette double focale favorisant la compréhension d’un charisme adaptable selon que l’empereur se présentait devant le collectif du populus ou interagissait personnellement avec les premiers citoyens. Cette réflexion mobilise la notion d’« effet primus inter pares », outil d’analyse emprunté à la psychologie sociale qui suppose que, dans un système régi par des normes (politiques ou sociales), le personnage le plus conforme auxdites normes se voyait placé au-dessus des autres membres du groupe3. L’analyse de ce « principe de conformité supérieure de soi » permet de considérer l’attitude de princes qui construisaient parfois leur charisme de monarque en adoptant ostensiblement certains comportements hérités de la République : c’est aussi en se faisant périodiquement un citoyen (donc en galvaudant la mission héroïque du charisme selon Weber) que l’empereur réactivait la dynamique charismatique autour de sa personne, dans une cité rétive à toute forme affichée de royauté.
2Souligner les pratiques « quotidiennes » à l’origine de la position ambivalente de l’empereur citoyen et rappeler que cette ambiguïté, périodiquement réactivée, constituait l’un des fondements politiques du Principat des deux premiers siècles ap. J.-C. mène à aborder, entre autres thèmes, la question de l’accessibilité personnelle du princeps. Dans un article intitulé « Auguste dans la litière », M. Jehne a souligné les relations ambivalentes qui lient la visibilité physique du premier empereur à son rôle public4. Cette étude considère l’accessibilité du prince comme l’un des marqueurs d’une civilitas ambiguë5, au sens où la tension entre la théorie d’un pouvoir égalitaire hérité d’une res publica fondée sur l’interaction entre citoyens6 – très hiérarchisée dans les faits – et la réalité d’une monarchie dont la verticalité s’affirma dès l’époque d’Auguste pouvait aboutir à des mises en scène révélant le caractère intenable du comportement d’un empereur qui devait affecter d’être aussi accessible qu’un privatus, sans jamais pouvoir l’être7. L’idéal d’accessibilité d’un souverain qui faisait, par ce biais, étalage de sa civilitas (I) entra à de multiples reprises en contradiction avec les réalités d’un pouvoir monarchique propice à des interactions nécessairement modulables entre le princeps et la cité (II). L’étude de ces contradictions, ici centrée sur la présence du prince dans la Ville ou en Italie et sur les manifestations extra-institutionnelles du politique, dessine le portrait d’un empereur tout autant monarque que citoyen et permet de considérer certaines pratiques au fondement de ce que l’on qualifiera ici d’« inaccessible accessibilité » (III)8.
L’idéal d’accessibilité, du roi à l’empereur : civilis princeps
Un accessible souverain ? Du monarque hellénistique au « corps sans monarchie » du prince
3La distance du souverain fut parfois, dans la Perse d’époque classique, un pilier du charisme politique9. Toutefois, peut-être parce qu’il écrivait à l’époque impériale, Plutarque blâme la distance de Démétrios Poliorcète, présenté comme corrompu par un pouvoir monarchique dévoyé depuis la mort de Philippe II10. Cette critique rencontre d’autres témoignages allant dans le sens d’une accessibilité des souverains grecs : dans l’Agésilas, Xénophon vante l’accessibilité de celui qui « se félicitait d’être accessible à tous11 » et Plutarque loue le comportement « démocratique » de Cléomène III, dont l’accessibilité alimentait la χάρις, forme de séduction aux dimensions charismatiques qui suscitait l’attachement affectif au chef12. Dans cette optique, des recherches récentes rappellent que la tradition civique grecque encouragea toujours l’horizontalité théorique des pouvoirs, même dans le cas des monarques grecs13. Cela étant, à la différence de ces souverains qui, détenteurs d’un pouvoir royal, affectaient de parfois se montrer accessibles, les dirigeants de Rome, cité où le pouvoir était collégial, temporaire et délégué par le Sénat et le peuple, étaient des chefs qui devaient à tout prix fuir la superbia et préserver leur accessibilité de citoyen.
4Aussi la littérature latine du Ier siècle av. J.-C. offre-t-elle au moins deux exemples de dirigeants élevés au rang de premiers des citoyens en raison même de leur accessibilité. Au moment d’énumérer les qualités personnelles de Pompée dans le discours qu’il prononça en 66 av. J.-C. en faveur de la Lex Manilia, Cicéron souligne ainsi l’accessibilité affable du général14. La dignitas sans précédent de Pompée le rendait paradoxalement accessible à tous et sa facilitas devint un argument brandi par Cicéron afin de convaincre la cité de confier à ce premier civilis princeps un pouvoir encore inédit15. C’est peut-être dans les années 30 av. J.-C. que Cornelius Nepos composa son De Excellentibus Ducibus Externarum Gentium, ensemble de biographies politiques où l’auteur loue les vertus et les exploits des grands généraux. Le premier homme à y être vanté pour son accessibilité personnelle est Miltiade, tyran de Chersonèse et stratège athénien vainqueur des Perses à la bataille de Marathon16. A. La Penna a souligné l’importance de ce passage dans la distinction entre Principat et tyrannie : le prestige de Miltiade était tel que ses adversaires craignaient qu’il soumette Athènes à la tyrannie, mais son comportement accessible en fit un « civis fra i cives » et son exemplum peut ainsi être compris comme une préfiguration des relations entre empereurs, sénateurs et citoyens17.
5Ce « Miltiade romanisé » ferait alors écho au parcours d’Octavien : après des années de guerre (civile), on souhaitait que la superbia du tyran soit annihilée par la civilitas d’un aequalis civis qui, accessible, devenait, pour cette raison, le premier des citoyens de la cité. L’instauration d’une res publica monarchique dès le principat d’Auguste impliqua certaines adaptations, conséquences de la tension entre l’émergence d’un ambivalent « corps du roi » et la pérennité de ces pratiques d’accessibilité directe héritées du monde grec comme de l’époque républicaine. La dimension politique du corps du prince a fait l’objet d’une étude récente de J. Meister, qui entend tester la théorie des « deux corps du roi » au cas de l’empereur (parfois pour mieux s’en écarter)18 et tente notamment de résoudre le paradoxe entre la progressive sacralisation du corps naturel du prince et la nécessité pour le Principat de maintenir, au moins aux deux premiers siècles, la vitalité du corps politique de la res publica19. À l’inverse de J. Béranger, qui soutenait que les métaphores corporelles associant le corps du prince à celui de la République contribuaient avant tout à asseoir le système monarchique, Meister suggère d’y voir une forme de continuité avec l’époque républicaine et rappelle que si, au Moyen Âge, le « corps politique » dépendait directement du corps des rois, l’empereur romain se superposait, quant à lui, au corps, déjà constitué et précédemment pensé comme tel, de la res publica. Aussi, bien que la République éternelle soit parfois associée à la personne du monarque, les deux corps ne se confondaient pas et la res publica perdurait indépendamment de la disparition du corps physique de l’empereur. Considérer la situation singulière d’un empereur dont le corps fut « un corps monarchique sans monarchie20 » permet peut-être de saisir le substrat idéologique qui, hérité de l’époque républicaine, fondait l’idéal d’accessibilité à la personne du princeps : assimilé à une sorte de bien public mais différent par nature du corps éternel de la res publica, l’empereur pouvait, en théorie, être vu, apostrophé voire touché par tous les citoyens.
L’idéal d’accessibilité de l’empereur romain : la civilitas en action(s)
Une femme lui ayant adressé une demande dans une rue où il passait, [Hadrien] répondit d’abord : « Je n’ai pas le temps. » Celle-ci ayant réparti d’un ton élevé : « Alors ne règne pas », il se retourna et lui donna audience21.
6Du De Clementia à l’Histoire Auguste, la documentation littéraire forge l’idéal d’un empereur accessible à tous les citoyens : l’épisode topique que rapporte ici Cassius Dion, où l’identité des protagonistes s’efface devant leur statut d’idéal-type du populus et du monarque22, illustre que « le premier devoir d’un empereur était son accessibilité23 ». Ainsi Pline le Jeune expose, lorsqu’il théorise le comportement du civilis princeps charismatique dans son Panégyrique de Trajan24 et décrit la liesse qui accompagna l’adventus du prince en 99, la possibilité pour les citoyens de marcher et de s’entretenir avec celui qui ne craignait pas l’égalité civique :
On est libre, quand le prince s’avance dans la foule, de s’arrêter, d’aller à sa rencontre, de l’accompagner, de passer outre. Tu te promènes parmi nous sans penser que ce soit pour nous une aubaine et laisses jouir de toi sans nous le porter en compte. Quiconque t’a abordé peut rester près de toi ; sa discrétion marque le terme de l’entretien et non ta morgue […]. Avant toi les princes, par mépris de nous et par je ne sais quelle crainte de l’égalité (aequilitatis metu), avaient perdu l’usage de leurs jambes. Eux, des épaules et des cous d’esclaves les portaient au-dessus de nos têtes ; toi, la renommée, la gloire, l’amour des citoyens, la liberté te portent au-dessus des princes même, toi tu es élevé jusqu’aux cieux par cette humble terre commune à tous et où les traces du prince se mêlent aux nôtres25.
7Marcher parmi les citoyens et refuser, à l’inverse de Domitien26, de circuler en litière, c’est-à-dire d’être effectivement et symboliquement élevé au-dessus de ses « pairs » et soustrait à leur regard, était un signe de la moderatio du civilis princeps qui rejetait toute superbia distante et demeurait membre de la communauté des citoyens. Dans ce passage comme ailleurs, Pline rapporte donc qu’en dépit (il faudrait écrire « en raison ») d’une victoire qui le couvrait de gloire et à l’occasion de son adventus – cérémonie confisquée par l’empereur à partir de Trajan et qui permettait des honneurs similaires à ceux du triomphe27 –, le princeps affectait de demeurer un homme et un citoyen accessible :
C’était une satisfaction plus grande encore quand tu avançais d’un pas lent et calme et dans la mesure seulement où le permettait la foule des spectateurs ; quand on voyait le peuple des assistants te serrer de près toi aussi, que dis-je ? Toi surtout ; quand dès le premier jour tu te faisais, avec confiance, accessible à tous. Tu n’étais pas en effet escorté d’une troupe de satellites, mais de toutes parts se répandait autour de toi la fleur tantôt des sénateurs, tantôt des chevaliers, selon que croissait l’affluence des uns ou des autres, et tu suivais tes licteurs silencieux et tranquilles tandis que les soldats imitaient du peuple la tenue, le calme et la discipline28.
8Louée par Pline, lui-même membre d’une aristocratie que le prince réintégrait après sa campagne, l’accessibilité de Trajan repose notamment sur l’absence de gardes autour de sa personne et on retrouve à plusieurs reprises ce critère utilisé par les auteurs anciens afin d’estimer la qualité d’un principat : même si le précédent de César (qui avait refusé toute garde rapprochée et avait été assassiné) rappelait l’impératif pour l’empereur d’être protégé, la présence de gardes entrait en contradiction avec le comportement accessible du civilis princeps et la mise en exergue de cet élément vint alimenter la distinction politique entre les bons princes et les tyrans29. Hors du contexte spécifique de mise en scène propre à l’entrée du prince en Ville, Cassius Dion dépeint Trajan comme un empereur qui, « chéri de tous et redoutable seulement aux ennemis, prenait part aux chasses des citoyens, à leurs festins, à leurs travaux et à leurs projets, comme aussi à leurs distractions ; souvent même il occupait la quatrième place dans leur litière, et il ne craignait pas d’entrer sans garde dans leur maison30 ». Antonin aurait adopté un comportement similaire, partageant ses repas ou faisant les vendanges avec ses amis « à la manière d’un particulier31 ». Enfin, un extrait des Pensées du civil Marc Aurèle, qui refusait à tout prix de se « césariser », rappelle qu’il souhaita se passer de gardes32. La cohérence de ces éléments, issus de textes contemporains ou postérieurs au principat considéré, encourage à conclure que l’accessibilité directe était un signe (en tout cas littéraire) de la civilitas impériale, qui pouvait également s’incarner dans la manière dont le prince habitait Rome.
Habiter Rome comme le premier des citoyens
9Les recherches conduites depuis plusieurs années sur la signification politique des domus urbaines ont rappelé que la manière d’habiter l’Vrbs était un prolongement du rapport entretenu par les citoyens au monde de la cité33. Dès l’époque républicaine, le thème politique des domus sert à souligner l’emprise de certains aristocrates sur la cité et à pointer l’ambition de ceux qui se faisaient construire ou achetaient des édifices démesurés par leur emplacement, leur emprise au sol ou leur décor luxueux34. Si sa modestie devait prolonger l’idéal d’égalité partagée entre les citoyens, la demeure de l’aristocrate devait aussi se caractériser par son ouverture, afin que son propriétaire puisse « demeurer sous les regards » et accueillir quiconque souhaitait s’entretenir avec lui35. Le thème de l’accessibilité et de la visibilité domestiques de l’homme qui détenait une charge publique (et notamment le tribunat de la plèbe) souligne l’importance des interactions directes sous forme de discussions, de banquets ou d’hommages rendus par les clients à leurs patrons, et il est peu surprenant de voir ces attendus transférés vers le princeps, résidant dès l’époque d’Auguste sur le Palatin. Lorsqu’il aborde l’amour des citoyens pour le princeps, Sénèque rappelle ainsi :
Point n’est besoin de dresser des citadelles élevées, de fortifier des collines difficiles à escalader, de tailler les flancs des montagnes, de se faire une barrière de murs et de tours multiples : la clémence assurera son salut au roi à découvert (saluum regem clementia in aperto praestabit). Une seule fortification est imprenable : l’amour de ses concitoyens (Unum est inexpugnabile munimentum amor civium)36.
10Cet idéal d’ouverture de la demeure impériale est repris dans le Panégyrique de Trajan :
Combien plus sûre, combien plus tranquille est cette même demeure maintenant que le maître de maison est défendu non pas par la cruauté en faction, mais par l’amour, non par la solitude et les barrières, mais par l’affluence des citoyens ! […] Ce qui est une citadelle inaccessible, ce qui est un rempart inexpugnable, c’est de n’avoir pas besoin de rempart (Haec arx inaccessa, hoc inexpugnabile munimentum munimento non egere)37.
11L’absence de remparts justifiait autant qu’elle alimentait la joie et l’amour des citoyens sur lesquels se fondait le charisme du civilis princeps, charisme qui pouvait revêtir une dimension « tribunicienne », au sens où il était en partie fondé sur l’ouverture du domicile de l’homme public. Cet idéal d’un prince apertus38 fut parfois combiné avec la volonté de permettre l’accès de citoyens aux installations habituellement réservées à l’empereur : Titus aurait admis des plébéiens dans ses thermes alors qu’il s’y trouvait et Antonin aurait, à en croire l’Histoire Auguste, ouvert au public les bains qu’il avait l’habitude de fréquenter avant son accession à l’Empire39.
12Puisque sa manière d’habiter Rome illustrait la capacité du prince accessible à faire partie du collectif de la cité, la littérature aristocratique usa du thème de l’ouverture de la maison impériale afin de développer l’opposition entre les civils Auguste, Vespasien, Titus ou Trajan et les tyrans Tibère, Caligula, Néron et Domitien. Pline le Jeune oppose ainsi à l’attitude ouverte de Trajan le comportement de Domitien, bête féroce enfermée et se construisant « un rempart de mille terreurs40 ». Cet isolement, marque littéraire d’une tyrannie cruelle, est à nouveau évoqué par Suétone dans le cas de Domitien, qui aurait profité de sa solitude pour torturer des mouches41. La lecture de ce type de notices a attiré l’attention des historiens sur le thème crucial du princeps clausus, étudié par A. Chastagnol42. L’auteur souligne notamment le poids de ce thème dans l’Histoire Auguste et attire l’attention sur le cas de Sévère Alexandre rejetant la présence néfaste des eunuques en son conseil43, ou sur celui d’Aurélien qui, comme Caligula, Néron et Vitellius avant lui, fut isolé par un entourage composé de mauvais conseillers et distribua les charges publiques à mauvais escient44. Selon cette grille de lecture, l’empereur isolé était condamné à être trompé par les manigances de flatteurs à l’identité stéréotypée qui, vivant en vase clos dans le palais du prince, le maintenaient éloigné de la cité45.
13L’identification de cet élément d’idéologie permet de comprendre pourquoi le choix par l’empereur d’une villégiature extra-urbaine permanente fut présenté par les textes comme un signe de rejet de la civilitas. En quittant la Ville de manière permanente et sans prendre soin de gouverner Rome46, Tibère (à Capri), Caligula (Nemi), Néron (Naples) ou Hadrien (Tivoli) rompaient avec l’idéal d’une civilitasfondée sur l’accessibilité directe et sur le suivi des affaires politiques à Rome47 :
Quelques jours après avoir atteint Capri, [Tibère] s’était retiré à l’écart quand un pêcheur surgit à l’improviste et lui offrit un énorme mulet. Il donna l’ordre de lui racler le visage avec ce même poisson, car il était terrifié de constater que cet homme s’était glissé jusqu’à lui en passant par l’arrière de l’île, à travers des rochers accidentés et impraticables ; or comme le pêcheur se félicitait, pendant son châtiment, de ne pas lui avoir aussi offert la très belle langouste qu’il avait prise, Tibère commanda de lui déchirer la figure également au moyen de cette langouste48.
14Dans cet épisode bien connu, la rupture géographique avec la cité se traduit par un comportement cruel et démesuré qui tranche avec l’affabilité citoyenne du début du règne tibérien, relevée par Suétone et Tacite afin de pointer les évolutions autocratiques du régime après la mort du vertueux Auguste. Sous le principat de ce dernier, la consultation régulière et directe des grands par le prince fondait son statut de premier citoyen et c’est en ce domaine que le princeps clausus Tibère, dont le choix résidentiel transformait la res publica en res privata, modifiait la manière républicaine puis augustéenne de gouverner collectivement la cité49. Durant son absence, Tibère renonçait à la présidence du Sénat et des assemblées civiques, c’est-à-dire à l’activité concrète et par nature localisée à Rome qui était celle des magistrats républicains. Cette détérioration de la vie politique était d’autant plus grave qu’elle ouvrait une brêche pour d’autres acteurs, tel Séjan, dont le pouvoir était dangereux. De même, chez Suétone, Néron, retiré à Naples à partir de la mort d’Agrippine en 59 (soit à la fin du « quinquennium »)50, laissa quelques années plus tard son Empire sans solution face à Vindex. C’est ainsi lorsque l’installation pérenne du prince hors de Rome sanctionnait la mise à l’écart des aristocrates que le régime monarchique prenait, dans les sources, une tonalité autocratique dépourvue de civilitas. Plus que la présence du prince en Ville, comptait surtout le maintien des pratiques de gouvernement collectives et transparentes du princeps apertus, même lorsque l’empereur résidait hors de Rome : la distance géographique ne devait jamais signifier l’éloignement politique vis-à-vis des (premiers) citoyens51.
15La dichotomie stéréotypée entre princeps apertus et tyrannus clausus rappelle que le prince devait habiter la Ville d’une manière conforme au comportement modéré et accessible que les grands, et sans doute le reste du populus, attendaient de lui. Pour autant, certains de ces attendus comportementaux, surtout théoriques, entrèrent dès l’époque d’Auguste en contradiction avec les réalités quotidiennes de la construction du pouvoir monarchique : même s’il affectait parfois de se (dé)montrer accessible, l’empereur n’était pas visible ni accessible à tous les citoyens, en tout lieu et en toute circonstance. Des critères concrets, tels que l’âge52, l’importance de certaines relations interpersonnelles, la réalité d’un gouvernement qui encourageait la collaboration journalière avec les aristocrates plutôt qu’avec le reste du populus, conditionnaient les modalités de la présence impériale dans la cité. De même, contrairement à ce qu’une littérature focalisée sur les apparitions publiques de l’empereur pourrait parfois laisser croire, les princes furent constamment entourés de gardes53. Quels furent alors les citoyens qui pouvaient effectivement côtoyer l’empereur et selon quelles modalités ? Chaque cercle politico-social était soumis à divers codes, modalités ou fréquences d’interaction avec le prince, depuis les amici principum qui côtoyaient le princeps au quotidien jusqu’à la plèbe urbaine, interagissant avec le souverain lors d’occasions collectives, ritualisées et moins fréquentes.
Les cercles du primus inter pares
Le prince des amici : face-à-face avec les aristocrates
16Les princes passaient une partie de leur temps en compagnie d’amici : Tibère est loué pour l’accessibilité amicale des débuts de son principat54, tout comme Vespasien55 et Hadrien, qui « visitait ses amis quand ils étaient atteints de maladies graves, prenait part à leurs fêtes, et usait avec plaisir de leurs campagnes et de leurs maisons56 ». Cette proximité se retrouve chez Sévère Alexandre, qui, « avec ses amis, vécut dans une familiarité si grande qu’il avait l’habitude de s’asseoir à leurs côtés, qu’il fréquentait leurs banquets et recevait en retour certains d’entre eux tous les jours, même sans invitation » ou « faisait montre à l’égard de ses concitoyens d’une bienveillance si grande qu’il n’éloignait jamais personne de sa présence, se montrait charmant et aimable envers tous, rendant visite à ses amis malades57 ». Ces exemples, qui relèvent en partie de topoi destinés à tracer le portrait de princes vertueux, mettent en exergue trois modalités de la relation directe entre le prince et ses amis.
17Le thème du partage de litière revient ainsi à plusieurs reprises dans ces notices, qui font de ce moyen de transport un clair symbole de la proximité entre le princeps et ses amici. L’autre motif redondant est celui des fêtes et banquets, c’est-à-dire de rencontres qui, sous la République, étaient l’occasion d’interactions directes entre les puissants58. Lors du banquet se dessinait le personnage du prince citoyen qui, à la différence du tyran répressif, affectait d’accepter la libre parole59 et le contexte du convivium était l’occasion pour le prince de déployer son urbanitas ou sa frugalitas de bon citoyen60. L’atmosphère d’égalité théorique des convives n’empêchait pourtant pas la réaffirmation de la supériorité du princeps, détenteur d’une auctoritas inégalable qui affleure dans les sources61. Ainsi, bien qu’il puisse accepter d’être accueilli sans trop de solennités, l’empereur ne pouvait jamais être réduit à son statut d’ami. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’épisode suivant, rapporté par Macrobe :
Quelqu’un avait invité [Auguste] à dîner et lui avait servi un repas assez maigre, presque l’ordinaire de tous les jours ; en effet, Auguste ne refusait pratiquement jamais une invitation. Donc, après ce repas frugal et sans aucune recherche, prenant congé de son hôte qui le saluait, il se contenta de murmurer : « Je ne pensais pas être à ce point de tes intimes (Non putabam me tibi tam familiarem)62 ».
18On remarque enfin l’évocation redondante de maladies conduisant le prince à se déplacer auprès de ses amis. Ce point spécifique fait l’objet d’un passage du livre 8 du Bréviaire d’Eutrope :
[Trajan] surpassa cependant sa gloire militaire par une attitude pleine de civilité et de modération, se comportant à Rome et dans les provinces comme l’égal de tous, rendant visite pour les saluer à ses amis, même/ou malades, les recevant à sa table lors de leurs jours de fête ou participant à la leur indistinctement, prenant souvent place dans leurs litières (amicos salutandi causa frequentans vel aegrotantes vel cum festos dies habuissent, convivia cum isdem indiscreta vicissim habens, saepe in vehiculis eorum sedens)63.
19Bien que le « vel » logé dans ce texte soit souvent rendu par un « même » intensificateur, A. Suspène propose d’y lire un distributif qui conduirait à comprendre : « Il visitait souvent ses amis, ou malades, ou célébrant quelques fêtes. » Ce retour à une traduction plus ancienne, anodin en apparence, rappelle que la maladie, au lieu d’être un frein à la visite du prince, était au contraire un moment où ses amis avaient besoin de sa présence rassurante. Cette notice souligne alors l’importance des devoirs mutuels dans le cercle des amici principum et confirme que la « sociabilité constitutive de la civilitas de Trajan repose en fait sur un certain nombre de moments symboliques somme toute peu nombreux (maladie, solennités privées, commensalité et transport), plus que sur une véritable familiarité64 ». Fort de ces remarques, A. Suspène peut lire dans la civilitas amicale des empereurs « un comportement très codifié, symbolique et reposant probablement sur un petit nombre de gestes sélectionnés qui ne donnent l’impression d’une attitude générale que par un effet de loupe65 ». Pour que le prince soit présenté par les sources comme un civilis princeps, comptait surtout la mise en scène de son accès direct auprès des premiers citoyens66 et/ou de ses amici, dont le statut « semi-technical »67 devint une distinction majeure sous l’Empire68.
20Les motifs topiques de la litière, du banquet ou de la maladie attirent alors l’attention sur des rituels politiques marquant l’acceptation par le prince d’un principe de « face-to-face politics » interpersonnelles directement hérité de la République, et auquel les aristocrates étaient sensibles69. L’accès des premiers citoyens au princeps révélait la propension de ce dernier à gouverner avec eux (au moins de manière indirecte), alors que la distance de l’empereur signifiait le relâchement de ces formes théoriques de contrôle du collectif aristocratique sur le premier de ses membres. Cette dernière remarque s’applique tout autant à l’aula Caesaris, lieu propice aux rivalités entre aristocrates et à la mise en scène d’un accès au princeps souvent modulable70, et au cas des audiences impériales.
Approcher l’empereur « au travail » lors des audiences
21En des occasions certes plus rares, les Romains qui ne faisaient pas partie des premiers citoyens de Rome ou de la cour pouvaient interagir directement avec le prince, notamment à l’occasion des audiences, dont l’importance a été soulignée par F. Millar puis par Chr. Badel71. Consignant un épisode particulièrement révélateur de l’ambivalence de l’accès au prince dans ce cadre, le rhéteur Quintilien, repris ensuite par Suétone puis Macrobe, rapporte qu’Auguste railla un pétitionnaire en raison même de sa déférence envers lui :
Tel est le mot célèbre d’Auguste, qui, voyant un soldat lui présenter une pétition en tremblant : « Ne fais pas comme si tu donnais un as à un éléphant »72.
22Par ce bon mot, Auguste rappelait que ses sujets devaient pouvoir dialoguer sereinement avec le dépositaire suprême de l’imperium, en se comportant de manière respectueuse, mais sans excès de solennité, envers sa personne. Les versions successives de cet épisode, qui offrent de suivre la valorisation croissante du portrait d’Auguste entre les Ier et IVe siècles, révèlent un élargissement de l’identité sociale de la personne présente à l’audience : Quintilien fait du pétitionnaire un soldat, Suétone met en scène un plébéien et Macrobe reste imprécis sur l’identité de l’interlocuteur, comme si celle-ci était désormais d’une importance secondaire, ce qui correspond à l’image d’un prince accessible, apte à plaisanter et à dialoguer avec n’importe quel habitant de l’Vrbs73. Par un contraste saisissant, la célèbre entrevue de 40 ap. J.-C. entre Caligula, une ambassade de Grecs d’Alexandrie et une ambassade juive dont faisait partie Philon d’Alexandrie (qui rapporte l’épisode), peut-être tenue dans les horti impériaux, illustre ce que pouvait être l’attitude « incivile » du princeps dans le cadre particulier de l’audience :
Dès qu’à notre premier mot pour le lui apprendre, il eut goûté de notre justification et compris qu’elle n’était pas tellement négligeable, avant que nous ne présentions les points essentiels, n’inspectant que sommairement et en courant les premières pièces, il bondit dans la grande salle, et après en avoir fait le tour, il ordonne de relever les fenêtres de tous côtés de pierres transparentes […]. Ensuite, s’avançant sans hâte, il demande d’un ton plus modéré : « Vous dites ? » Alors, comme nous commencions de reprendre le fil du sujet, il s’introduisit de nouveau en courant dans une autre pièce, où il donna des ordres pour qu’on y plaçât des tableaux originaux74.
23Les disparitions du prince et les variations de distances qu’elles impliquent montrent le peu d’intérêt que Caligula accorde à cette entrevue. On trouve trace de l’attitude imprévisible adoptée par Caligula afin de déstabiliser ses adversaires75, mais le texte révèle aussi, en négatif, que le travail du prince, qui ne pouvait pas répondre de manière directe à chaque sollicitation, était de se montrer accessible et concerné par la parole de ses administrés, Romains ou non76. Ressurgit le thème sous-jacent du prince apertus, duquel le populus était en droit d’attendre un dialogue direct77.
La mise en scène de l’accessibilité du prince auprès de la plèbe urbaine
24Groupe socio-culturel qui représente de loin la part la plus nombreuse du populus romanus présent dans la Ville, la plèbe avait aussi l’occasion de voir et de communiquer directement avec le princeps selon des modalités récemment réétudiées par C. Courrier78. Sans entrer dans le détail d’une longue démonstration, rappelons que ces interactions entre la plèbe, le prince et sa famille se déployèrent avant tout dans les lieux de spectacle, lors de triomphes ou à l’occasion des funérailles impériales. Ces occasions de rencontres collectives reposaient sur la présence d’un empereur qui, protecteur de la cité devant répondre aux besoins (notamment frumentaires) de la plèbe, usait de paroles et de gestes afin de mettre en scène un dialogue « égalitaire » avec la plèbe, par exemple lors de jeux où il devait être présent et qu’il devait affecter de suivre avec attention, comme un bon citoyen79. Ainsi peut-on lire cette notice de Suétone comme renvoyant au comportement civil de Claude :
Il n’était sorte de spectacle où il se montrât plus familier ni plus badin, car il allait jusqu’à compter tout haut sur ses doigts, en tendant la main gauche, avec le peuple, les pièces d’or offertes au vainqueur, et souvent jusqu’à stimuler par ses exhortations et ses prières la gaîté des spectateurs, les appelant sans cesse des « maîtres »80.
25Cette attitude ostentatoire rappelait que Claude était un princeps aux ressources importantes, qu’il mettait au service du plaisir de ses administrés. Par ses facéties calculées, Claude réduisait la distance symbolique entre lui et les citoyens, réunis dans l’amphithéâtre et qualifiés, par un procédé d’inversion flatteuse et plaisante, de domini. On retrouve ce type d’échange entre le prince et la plèbe dans le cas de Titus, prompt à plaisanter ouvertement avec le peuple réuni lors des jeux et instaurant, par ce biais, une relation d’égalité conforme au comportement du premier des citoyens :
Souvent même, comme il ne cachait pas ses sympathies pour les gladiateurs thraces, il échangea avec le peuple, qui lui reprochait de les favoriser, des ripostes plaisantes accompagnées de gestes, mais sa dignité n’y perdait rien, non plus que la justice (uerum maiestate salua nec minus aequitate)81.
26Le comportement impérial fait ici écho au concept de Jovialität développé par M. Jehne afin de décrire les modalités d’interactions codifiées entre élites et populus à l’époque républicaine, au sens où cette attitude bienveillante avait pour fonction première d’adoucir la violence symbolique impliquée par les rapports de pouvoir verticaux : le princeps était « jovial » parce qu’il mettait en scène une réduction des distances entre sa personne et la cité devant lui assemblée82. L’affichage de cette civilitas devant la plèbe définissait le rôle politique tenu par chacune des parties et permettait de réactiver la légitimité du prince citoyen, confirmée par les réactions collectives de la plèbe qui, satisfaite de son interaction directe avec le prince et/ou de l’action de ce dernier en faveur de la cité, l’acclamait à chacune de ses apparitions. Ainsi, « si aucun système politique ne peut se passer de légitimité, dans un régime officiellement républicain mais pratiquement monarchique, autrement dit, un État où la place du souverain n’était pas reconnue en tant que telle, un éventuel déficit de légitimité posait de vrais problèmes concrets. Les acclamations avaient alors pour rôle de les prévenir. C’est la raison pour laquelle elles revêtaient une importance particulière. Chaque empereur devait assurer son propre pouvoir, puis ensuite le faire renouveler tout au long de son règne. À ce prix était aussi le fondement de son auctoritas83 ».
27Aborder certains mécanismes d’un « Akzeptanz-System »84 fondé sur l’adhésion à la personne du prince fait surgir un charisme résultant d’interactions modulables entre le souverain, un noyau d’acteurs issus de l’élite et un « espace élargi de domination85 ». L’analyse concentrique ici proposée favorise la prise en compte de comportements qui révèlent la présence d’un civilis princeps accessible à tous autant que celle d’un primus inter pares respectueux des attentes des grands. La confrontation entre l’idéal d’accessibilité forgé par les sources littéraires et les pratiques journalières du pouvoir monarchique ne conduit pas, pour autant, à conclure que les secondes chassèrent le premier : considérer le princeps des premiers siècles de notre ère comme un souverain de l’entre-deux, tout à la fois monarque et citoyen, encourage plutôt à porter l’attention vers certains signes révélateurs d’une « inaccessible accessibilité » impériale.
« L’inaccessible accessibilité » de l’empereur romain
Auguste hors de sa litière ? Sur les ambiguïtés de la présence impériale dans la Ville
28La présence parfois ambivalente du prince dans la cité affleure au paragraphe 53 de la Vie du Divin Auguste, où Suétone recense nombre de signes de la civilitas du princeps :
Le plus souvent, il ne quittait la capitale ou un bourg quelconque, il n’entrait quelque part que dans la soirée ou dans la nuit, afin que personne n’eut à changer son programme pour venir le saluer comme il se devait. Pendant la durée de ses consulats, il circulait en règle générale à pied quand il était à l’extérieur ; en dehors de ces périodes il recourait souvent à une litière fermée/ouverte (In consulatu pedibus fere, extra consulatum saepe adoperta/adaperta sella per publicum incessit)86.
29Ces quelques lignes constituent la base de l’étude dans laquelle M. Jehne a démontré que, lorsqu’il ne revêtait aucune magistrature, Auguste se retirait de la vue des citoyens et refusait d’être approché par les pétitionnaires afin de ne pas être l’objet de marques d’honneurs qui entreraient en contradiction avec son statut de privatus théorique, fondement de sa condition de civilis princeps87. La première partie du passage suétonien, qui fait écho à ce que rapporte Cassius Dion à propos du refus d’Octavien de voir la population se déplacer à l’occasion de son adventus en 29 av. J.-C.88, doit être comprise en ce sens et la distance du prince, qu’il serait a priori tentant d’interpréter comme une marque de superbia, avait ici pour but de ne pas obliger les citoyens à venir rendre les honneurs au princeps : l’entrée discrète et/ou nocturne de l’empereur devenait donc une marque, paradoxale, de sa civilitas. La deuxième partie de la notice confirme l’ambivalence des apparitions d’Auguste puisque, si ce dernier affectait de se déplacer à pied lorsqu’il était magistrat et se montrait ainsi conforme au modèle d’accessibilité citoyenne, il circulait dans une litière fermée lorsqu’il ne revêtait aucune charge publique, sans doute afin de ne pas faire l’objet de trop de sollicitations89. Toutefois, dans une récente traduction des Vies des Césars (editio minor, 2016, p. 400), G. Flamerie de Lachapelle propose de revenir à la version du manuscrit de Bologne daté de 1506, stipulant que la litière d’Auguste était « adaperta » (« ouverte ») et non pas « adoperta » (« voilée »), comme le proposait H. Ailloud (qui traduit par « fermée ») dans l’édition de la CUF. Cette correction, si elle est exacte, complexifierait le dossier de la présence publique d’un empereur qui marchait à pied lorsqu’il était magistrat, mais qui, quand il n’était « que » prince, rentrait de nuit afin de ne pas faire l’objet d’honneurs et affectait, lorsqu’il se trouvait à Rome, d’être seulement en partie visible.
30Cette « présence absente » du prince se retrouve dans le cas d’Hadrien :
En rentrant [d’être allé assister aux jugements rendus par les consuls], il se faisait porter en litière, afin de ne fatiguer personne à le suivre. Les jours qui n’étaient consacrés ni à des sacrifices ni à des fêtes publiques, il se tenait chez lui et n’admettait personne même à le saluer, à moins d’un cas de nécessité, afin de ne pas causer une grave incommodité au peuple. Sans cesse, tant à Rome qu’au dehors, il avait à ses côtés les citoyens les plus distingués ; il assistait même à leurs festins, et, pour cela, il arrivait souvent, porté en quatrième dans une litière90.
31Comme pour Auguste, la volonté de ne pas déranger les citoyens et de ne pas recevoir de marques d’honneurs expliquait le retrait d’Hadrien dans une litière (topos dont l’importance a été signalée plus haut). Cet intenable emboîtement de paradoxes, reposant sur l’idéal d’accessibilité autant que sur le refus concret de sollicitations trop nombreuses, puis sur la volonté de séparer le statut de privatus de la condition d’un princeps élevé au-dessus des autres citoyens par des comportements obséquieux, impliquait de l’empereur qu’il se retire parfois de la vue de la cité, afin de respecter l’équilibre subtil de la présence du civilis princeps. Sans doute faut-il comprendre le détail de cet équilibre en distinguant les apparitions publiques, lors desquelles l’empereur, jouant son rôle de citoyen et/ou de magistrat, devait s’efforcer d’être vu et accessible au plus grand nombre, de l’exercice quotidien du pouvoir monarchique, où le prince était surtout proche d’amis et d’aristocrates dont il partageait la litière : chez Auguste – qui conditionnait ses déplacements à pied à l’exercice du consulat – comme chez Hadrien – qui n’aurait accepté d’être salué qu’au moment des sacrifices et des fêtes publiques –, le critère de la participation à la vie civique déterminait l’accessibilité au prince dans la Ville et, partant, le caractère plus ou moins direct de ses interactions avec le populus91.
Quelques ambivalences du palais impérial
32La prise en compte des tensions entre l’idéal d’ouverture de la demeure impériale et la progressive « fermeture du Palatin92 » éclaire aussi certaines ambiguïtés relatives à l’accessibilité du princeps. Aussi « privé » que « public »93, le complexe palatial élaboré par Auguste intégrait par exemple le temple d’Apollon et sa bibliothèque, mais ceux-ci demeuraient accessibles au populus et pouvaient également servir de lieu de réunion du Sénat. De ce point de vue, le complexe augustéen n’isolait pas l’empereur, mais favorisait, au contraire, l’émergence d’un « véritable forum intégré au domaine du Palatin94 ». Le cas le plus connu de remise en cause de cette ouverture du palais impérial aux premiers citoyens est, s’il faut en croire une littérature assez largement hostile, celui de Néron. En grignotant le sol public et en confisquant les demeures palatines des aristocrates, la Domus Aurea favorisait l’isolement de l’empereur au cœur même de la Ville. Y. Perrin a toutefois rappelé que la légende noire de Néron a contribué à fausser l’analyse historique du dossier et il a souligné la complexité du processus de confiscations, relativisant, après d’autres, le degré d’extension et de fermeture du palais néronien95. Pour autant, en éloignant les élites du Palatin et du Forum, la stérilisation néronienne du cœur politique et symbolique de Rome96, peut-être intervenue entre 65 et 68 plutôt qu’en 6497, sanctionnait, notamment dans les sources littéraires, la rupture de l’accessibilité héritée de la République.
33À l’inverse, les auteurs louent l’action de restitution du sol public menée par Vespasien, que les sources présentent comme un civilis princeps souhaitant rompre avec l’époque de Néron et restituant au populus le terrain prétendument confisqué par la Domus Aurea. Alors même qu’une partie seulement du palais néronien fut rendue aux citoyens et que les « civils » Vespasien et Titus posèrent de facto certaines bases de la Domus Augustana du futur « tyran » Domitien98, la construction du Temple de la Paix et du Colisée suscita les louanges des Romains, dont celle de Martial : Reddita Roma sibi est et sunt te preside, Caesar, deliciae populi, quae fuerant domini99. Les tensions entre l’idéal d’un prince accessible et les réalités d’un pouvoir propice à l’isolement du souverain (qui relève sans doute en partie, dans le cas de Néron, de la propagande anti-néronienne) comme à l’élargissement de son palais illustrent donc certaines ambivalences inhérentes à la position du princeps : « le problème que soulève l’apparition d’une résidence destinée à devenir le centre d’un pouvoir unique reflète toute l’ambiguïté de la définition institutionnelle de celui-ci, qu’il traduit de façon à la fois géographique et symbolique100. » Sans que la demeure impériale soit toujours accessible, la manière impériale d’habiter Rome pouvait être « citoyenne », à condition que le princeps accepte le voisinage des grands et qu’il consente à quitter les hauteurs de son palais.
Descendre du Palatin pour rester membre de la cité
34Le thème de la « descente palatine » renvoie surtout à la présence du prince auprès des aristocrates, mais la documentation postérieure aux deux premiers siècles (notamment Cassius Dion et Macrobe) permet aussi de considérer, dans ce cadre, certaines interactions entre le princeps et une plus large frange du populus. Ainsi, dès l’époque de Sénèque, Auguste fut présenté comme un bonus princeps parce qu’il acceptait de quitter sa demeure et de prendre part à un conseil de crise dans la demeure d’un dénommé Tarius101. De son côté, Macrobe rapporte un épisode évocateur des liens entretenus entre l’accessibilité directe du prince quittant son palais et le charisme dont il jouissait auprès des habitants de l’Vrbs :
Lorsque César descendait du Palatin (Solebat descendenti a Palatio Caesari), quelque rimailleur grec lui tendait toujours quelque épigramme composée en son honneur. Il l’avait déjà fait plusieurs fois sans résultat et Auguste, voyant qu’il allait recommencer, traça de sa main sur un feuillet une courte épigramme en grec et, comme l’autre allait l’aborder, il la lui envoya. L’individu, à la lecture, le loue et exprime son admiration par la voix et la physionomie ; puis il s’approcha du siège d’Auguste, mit la main dans sa maigre bourse pour en tirer quelques deniers à l’intention du prince, avec ces mots : « Par ta fortune, Auguste, si j’avais plus je te donnerais plus. » Tous éclatèrent de rire : Auguste manda son intendant et fit compter cent mille sesterces au petit Grec102.
35Tout en témoignant du consensus laudatif instauré autour d’Auguste à la fin de l’Antiquité103, cette anecdote décrit le comportement d’Auguste comme celui d’un pater qui, proche de ses sujets, affectait de quitter le Palatin et de se montrer, lors de ses interactions avec les habitants de Rome, étranger à la distance des tyrans retirés dans leurs palais, voire hors de Rome. Cette capacité du civilis princeps à se mêler aux citoyens se retrouve chez Tibère, Vespasien et Hadrien. Différent de son attitude jugée distante après son départ à Capri en 27, le comportement affable de Tibère au début de son principat s’incarna dans sa volonté de participer aux jeux de la plèbe urbaine et de se montrer accessible au plus grand nombre, en logeant chez certains privati104. De son côté, Cassius Dion rapporte que Vespasien prenait non seulement soin d’être accessible lorsqu’il était en sa demeure, mais qu’il pouvait quitter le Palatin et se mêler aux sénateurs comme au reste du populus :
[Vespasien] habitait peu le Palatin et passait la plus grande partie du temps dans ce qu’on appelait les Jardins de Salluste, où il recevait qui le voulait non seulement des sénateurs, mais encore des personnes d’autre condition ; il s’entretenait, le matin, encore dans son lit, avec ses plus intimes amis, les autres le saluaient dans les rues. Les portes de la demeure impériale étaient ouvertes tout le jour, et aucun garde n’était placé à l’entrée. Il allait assidûment au Sénat et communiquait à ce corps toutes les affaires ; souvent même il rendait la justice sur le Forum105.
36Cette notice trahit une conception de la civilitas liée à la présence directe du prince dans la cité : non seulement la demeure du Palatin, ouverte et peu gardée, n’était pas la seule demeure de Vespasien, mais ce dernier interagissait avec les citoyens dans les rues et se rendait auprès des sénateurs, afin de régler les affaires politiques, et/ou sur le Forum pour sacrifier à ses devoirs de « prince-magistrat106 ». Une telle attitude transparaît dans les pratiques d’Hadrien qui, lorsqu’il résidait à Rome, rendait également la justice « tantôt dans le palais, tantôt sur le Forum, dans le Panthéon ou dans un autre endroit, assis sur son tribunal, afin que ce qui s’y passait fût public107 ». La descente palatine était donc le signe d’une accessibilité fondée sur un « abaissement topographico-symbolique » consenti par le prince et sur l’entretien de sociabilités politiques et judiciaires directes qui, héritées de la République, permettaient l’exercice d’un pouvoir collectif et transparent. Cette capacité à évoluer au sein de la cité révélait le dévouement du prince au collectif, conformément à son statut de mandataire du sénat et du peuple, dont l’importance a été soulignée par P. Veyne108. Ou comment l’anthropologie du politique offre de revenir, sous un angle original, à l’histoire de la politique.
37Considérer l’accessibilité ambivalente de l’empereur au miroir d’une civilitas contribuant à fonder son charisme de premier des citoyens permet une lecture nuancée qui, à mi-chemin entre la théorie et les pratiques quotidiennes relevant du politique, éclaire certains biais idéologiques de la littérature aristocratique, sans pour autant conduire à écarter complètement l’outillage mental qui mena parfois l’empereur à effectivement se comporter comme un citoyen accessible. La relativisation de la dichotomie, littéraire et idéologique, entre des bons princes toujours disponibles et des tyrans nécessairement distants met en lumière l’accessibilité modulable de la personne impériale : ce furent surtout (seulement ?) les premiers citoyens qui côtoyaient le monarque au quotidien, le reste du populus interagissant avec lui lors d’apparitions collectives et ritualisées où le pouvoir du prince citoyen était périodiquement réactivé. La présence de ce pouvoir concentrique contribue à expliquer pourquoi l’empereur était perçu comme un civilis princeps avant tout lorsque son accessibilité prolongeait l’idéal de moderatio que les grands (sénateurs, chevaliers ou membres de la cour par exemple) attendaient de lui : cela signifiait qu’il restait personnellement disponible (et donc théoriquement influençable) pour gouverner la cité avec les autres membres de l’aristocratie, conformément à sa condition irréductible de primus inter pares. Cela étant, l’empereur se situait souvent dans un entre-deux inconfortable et son statut d’impossible privatus pouvait impliquer une « inaccessible accessibilité » révélatrice d’une civilitas faisant pleinement partie du « costume de prince » et s’incarnant dans les pratiques quotidiennes, mais non moins charismatiques, de l’empereur romain109.
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Notes de bas de page
1 Sur le prince citoyen, Wallace-Hadrill 1982 et Montlahuc en préparation. Pour une présentation synthétique des thèmes analysés dans la seconde étude (l’inclusion de la personne du prince citoyen dans la cité, son refus périodiquement réaffirmé d’une puissance politique et religieuse excessive, son attitude ambivalente face à la libre parole), Montlahuc 2017.
2 Sur les évolutions de la présence du prince dans la Ville à partir du IIIe siècle, voir le dossier « La présence impériale dans la Rome tardo-antique » publié par la revue Antiquité Tardive (25, 2017, p. 15-262).
3 Codol 1975.
4 Jehne 2005.
5 Pour l’analyse juridique ou lexicale de la civilitas, que nous proposons ici d’éclairer sous l’angle des pratiques : Lana 1971-1972, Palma 1983-1984, Pisapia 1997 et Benedetti 2012, 2014, 2016.
6 Moatti 2018, p. 410.
7 Béranger 1973 sur l’« idéologie du privatus » dans le cas d’Auguste : si (ou parce que) le prince ne pouvait être un citoyen parmi les autres, sa civilitas résidait dans sa capacité à se comporter d’une manière modérée et accessible, proche de celle qu’aurait adopté un privatus idéal.
8 Tous mes remerciements vont à J.-P. Guilhembet, M. Jehne, Ph. Le Doze et A. Suspène pour leur aide dans la mise au point de ce texte. Toute erreur qui subsiste m’est strictement imputable.
9 Ainsi la stratégie distante de séduction du Grand roi Cyrus (Xen., Cyr., 7, 5, 37 et 8, 1, 40-42).
10 Plut., Demetr., 18 et 42, 1.
11 Xen., Ages., 9, 1-2. Sauf mention contraire, les traductions utilisées sont celles de la CUF.
12 Plut., Cleom., 13, 3 : « Au lieu de régler les affaires de mauvaise grâce et à grand-peine, en s’entourant d’une foule de messagers et d’huissiers ou par l’intermédiaire de secrétaires, il s’avançait en personne, vêtu du premier manteau venu, à la rencontre des visiteurs, leur tendait la main, s’entretenait avec eux et prenait tout son temps, écoutant leurs demandes avec enjouement et humanité. Tous étaient charmés et conquis par ses manières populaires : on disait qu’il était le seul à descendre véritablement d’Héraclès. » Trad. A.M. Ozanam (éd. Gallimard, Quarto, 2002), modifiée afin de souligner la signification de « κατεδημαγωγοῦντο ». Azoulay 2004 sur la χάρις (p. 25-34 sur ses liens conceptuels avec le charisme).
13 Notamment Azoulay 2013 et Cournarie 2018.
14 Cic., Manil., 41 : « Il est si facile aux particuliers de trouver accès auprès de lui, ils peuvent si librement lui exposer leurs plaintes contre les injustices des autres que, bien que sa dignité l’élève au dessus des plus puissants, son affabilité semble le mettre au niveau des plus humbles. »
15 Marcone 1990, p. 477 y voit « il nuovo tipo di comandante, di capo, che fa dimenticare la sua posizione senza uguali con la propria disponibilità verso gli inferiori : siamo agli albori del concetto di princeps civilis ».
16 Nep., Milt., 8, 4 : « En Miltiade, on rencontrait d’une part une si grande affabilité, d’autre part une si étonnante condescendance qu’il n’était personne, si humble fût-il, qui ne pouvait avoir accès à lui. Grande était son influence dans toutes les cités, illustre son nom, très grande sa gloire militaire » (trad. CUF revue).
17 La Penna 1981, p. 189.
18 Meister 2012 (résumé dans Meister 2015).
19 Meister 2012, p. 122-130. Pour une analyse récente de l’idée de res publica, Moatti 2018.
20 Meister 2015, p. 120 : cette formule reprend le titre du livre de 2012.
21 DC 69, 6, 3. Voir M. Aur. Med., 1, 12 sur sa disponibilité envers ses familiers.
22 Cette notice reprend deux textes où Plutarque met en scène Philippe de Macédoine, afin d’opposer l’accessible père d’Alexandre au distant Démétrios Poliorcète (Plut., Demetr., 42, 7 et Apopht. Reg. et Imp., 179 C). De son côté, la femme incarne la foule anonyme des sujets impériaux.
23 Tarel 2016, p. 250, à propos de Titus. Millar 1967, p. 9 commente le passage de Cassius Dion en ce même sens : « The point is clear ; the ideology – and the practice – of the Empire was that the Emperor was personally accessible to his subjects in a way which now seems incredible, and which most books on the Empire tend to ignore, or regard as trivial. »
24 Voir ainsi Plin., Pan., 71, 4 : « Cette conduite [accessible], avec quelle sincère admiration elle a été acclamée par le Sénat tout entier : “il n’en est que plus grand, plus auguste.” »
25 Plin., Pan., 24, 3 puis 24, 5.
26 Plin., Pan., 71, 2-3 et Suet., Dom., 19, 1.
27 Sur cette cérémonie, la bibliographie est abondante : renvoyons aux références données par Benoist 2005, p. 25-101, Badel 2009 et Courrier 2014, p. 653 n. 195.
28 Plin., Pan., 23, 2-3.
29 Plat., Rep., 567d souligne déjà que la présence de gardes nombreux autour du souverain révèle la tyrannie. Sur César, voir Suet., Iul., 86 ou Plut., Caes., 57, 7-8. Afin de souligner la démesure de Caligula, Suétone loue l’absence de licteurs autour de Germanicus, général qui se comportait d’une manière civilis lorsqu’il se déplaçait hors de Rome (Suet., Cal., 3, 5). Lorsqu’il vante la civilitas de Vespasien au paragraphe 12 de sa Vie, Suétone rappelle que le premier Flavien avait aboli l’usage qui consistait à faire fouiller quiconque l’approchait, bien que son intégrité physique soit menacée par la guerre civile (Suet., Vesp., 12, 5). À l’inverse, Claude, « bien qu’il affectât les manières d’un citoyen ordinaire, n’osa paraître à des banquets sans être entouré de gardes du corps armés de lances » (Suet., Claud., 35, 1 : trad. G. Flamerie de Lachapelle, editio minor, Les Belles Lettres, 2016, comme toutes les autres notices de Suétone, sauf mention contraire).
30 DC 68, 7.
31 SHA, Pius, 11, 2 et 11, 4.
32 M. Aur. Med., 1, 17, 5. Voir aussi 6, 30, 1-3 (Ὅρα, μὴ ἀποκαισαρωθῇς, μὴ βαφῇς…).
33 Dans un souci de synthèse, retenons Guilhembet 1995 sur la République et Royo 1999 sur l’Empire. Sur l’empereur, Millar 1977, p. 18-24, Wallace-Hadrill 2001 et Hollard 2014. Dans le cas ciblé du « républicanisme » du prince, Wilkinson 2012, p. 158-160.
34 Plin., HN, 17, 1, 1-6 sur L. Crassus, le censeur de 92 av. J.-C. Sur Lucullus : Vell. 2, 33, 4, Plin., HN, 9, 80, 170 et Plut., Luc., 44 (5).
35 Selon l’expression de Cic., Planc., 66 (puis Cic., Att., 6, 2, 5 et Plut., Cic., 36, 4). M. Livius Drusus, tribun de la plèbe en 91 av. J.-C., vanta aussi cet idéal d’ouverture (Vell. 2, 14, 3).
36 Sen., Clem., 1, 19, 6. Le texte vise sans doute Tibère, retranché à Capri (voir infra). Fertik 2015 sur l’ouverture de la demeure impériale dans le texte sénéquien.
37 Plin., Pan., 49, 2-3.
38 Cette expression est forgée par opposition au princeps clausus évoqué par A. Chastagnol (infra).
39 Suet., Tit., 8, 6 et SHA, Pius, 7, 6.
40 Plin., Pan., 48, 3.
41 Suet., Dom., 3, 1 ; DC 66, 9.
42 Chastagnol 1985.
43 SHA, Sev. Alex., 66, 3.
44 SHA, Aurel., 43, 4 : Imperator, qui domi clausus est, vera non novit.
45 Pour Chastagnol 1985, p. 155-160, le thème du princeps clausus trouva ainsi un nouveau souffle au moment où l’introduction d’un cérémonial de type « perse » devint le point focal de la critique sénatoriale contre les empereurs distants, peut-être dès le règne d’Élagabal puis plus nettement à partir de l’époque de Constantin. Sur cette visibilité décroissante du prince, Benoist 2001.
46 Il en alla sans doute autrement des voyages impériaux ou des séjours ponctuels de l’empereur en Italie ou en province : voir Hurlet dans ce volume.
47 Gascou 1984, p. 362-364 ; Devillers 2014, p. 292.
48 Suet., Tib., 60.
49 Béranger 1953, p. 159, Brunt 1984, p. 444 et Wilkinson 2012, p. 148. Le pouvoir du Sénat et du peuple serait passé, après Capri, aux mains du princeps et de son entourage débauché, peu soucieux de gouverner Rome (Tac., Ann., 1, 77, 3 et 3, 65, Suet., Tib., 41 ; Hollard 2014, p. 234-235, 238-239).
50 Suet., Ner., 40.
51 Hollard 2014, p. 231-234 et 237 sur « l’otium républicain » de princes qui, temporairement éloignés de Rome tels Auguste ou Vespasien, prirent soin de gérer les affaires de concert avec les premiers citoyens et de rencontrer leurs sujets, trouvant ainsi crédit aux yeux des auteurs anciens.
52 Par exemple Suet., Aug., 53, 7.
53 Millar 1977, p. 61-66. Sur les dispositifs sécuritaires déployés autour des empereurs à Rome et en Italie aux deux premiers siècles de notre ère, voir Ricci 2018 (qui n’accorde toutefois que peu d’attention à la question de l’accès physique des citoyens au prince).
54 DC 57, 11.
55 Suet., Vesp., 21, 2-3.
56 DC 69, 7, 4.
57 SHA, Sev. Alex., 4, 3 et 20, 1.
58 Sur le banquet comme lieu du politique, voir les pages synthétiques de Schnurbusch 2011, p. 244-250. Sur le banquet du prince, Roller 2001, p. 135-173 et Wilkinson 2012, p. 170-171.
59 Roller 2001, p. 146-154.
60 Par exemple Suet., Vesp., 22, 1 et Tit., 7, 3.
61 DC 54, 23, 1-4 sur l’hôte qui voulait donner son esclave maladroit à manger à des murènes et auquel Auguste s’opposa. Sen., Ir., 2, 33, 3-5 et Suet., Cal., 32, 7 sur les mises à mort ou menaces de Caligula envers les sénateurs lors de banquets. Sur Domitien et son banquet macabre destiné à effrayer les sénateurs en 89 : DC 67, 9 (bien analysé dans Royo 2013).
62 Macr., Sat., 2, 4, 13.
63 Eutrop. 8, 4.
64 Suspène 2005, p. 364.
65 Suspène 2005, p. 366.
66 Suet., Aug., 53, 8 : « Quoique le sénateur Gallus Cerrinius ne fût pas de ses intimes, quand il devint subitement aveugle et résolut pour ce motif de se laisser mourir de faim, Auguste alla en personne le consoler et lui rendit goût à la vie. »
67 Wallace-Hadrill 1982, p. 40-41 sur les sociabilités amicales du prince citoyen.
68 Suspène 2016 (ici, particulièrement p. 52).
69 Wilkinson 2012, p. 148-150. On remarquera en ce sens que les mêmes topoi sont utilisés par Suétone pour blâmer la tyrannie de Caligula, tyran assumé qui remettait en question l’égalité aristocratique (Suet., Cal., 27, 6).
70 Voir Wallace-Hadrill 2011 et le bilan historiographique de Michel 2015, p. 12-19.
71 Notamment dans Millar 1967 et 1977, p. 228-240, puis par Badel 2007.
72 Quint. 6, 3, 59, Suet., Aug., 53, 5 et Macr., Sat., 2, 4, 3.
73 Sur ce point, Montlahuc 2019, p. 283-333.
74 Philo, Leg., 364-365 (avec le commentaire de Smallwood 1970 ad loc.).
75 Winterling 2011.
76 Millar 1967, p. 9.
77 Voir, en ce sens, Plin., Pan., 19, 4 ; SHA, Pius, 6, 4 ; Sev. Alex., 4, 3.
78 Courrier 2014, p. 605-735 sur la plèbe et le prince (p. 650-682 sur le « face-à-face direct »).
79 Le refus du dialogue avec la plèbe sur un pied d’égalité symbolique pendant les jeux était mal perçu par les habitants de la cité : Courrier 2014, p. 677-679 puis Hawkins 2017, p. 140-148. Voir aussi S. Forichon dans le présent volume.
80 Suet., Claud., 21, 9 (trad. CUF très légèrement modifiée).
81 Suet., Tit., 8, 5.
82 Jehne 2000 : ce concept renvoie à l’attitude « joviale » que les magistrats républicains devaient adopter lors de leurs interactions directes avec le populus romanus, afin de préserver en toute circonstance la libertas des citoyens et de contrebalancer des inégalités socio-politiques objectives, notamment dans le but de maintenir l’obéissance des citoyens.
83 Courrier 2014, p. 664. Pour une critique des analyses opposant régime républicain et régime monarchique à Rome (qui évoquent, de fait, le Principat comme « une monarchie à façade républicaine »), voir Le Doze 2015 et 2017, ainsi que l’étude du même auteur dans le présent volume.
84 Flaig 1992, p. 174-207 et 2011, p. 76-78.
85 Pour reprendre l’expression d’Elias 1985 (ici p. 12).
86 Suet., Aug., 53, 3-4. Pour un récit proche, sans mention de la litière : DC 54, 25, 3-4.
87 Jehne 2005, par exemple p. 285 : « Der Kontext bei Sueton, der in diesem Teil seiner Biographie schon von der chronologischen Darstellung abgerückt und zur Zusammenfassung sachlich zusammengehöriger Punkte und Episoden übergegangen ist, ist tatsächlich der des civilis princeps, d.h. Sueton stellt hier Informationen zusammen, aus denen hervorgeht, das sich Augustus im Umgang mit Bürgen aller Art als freundlicher, jovialer Senator gerierte, der keinen Sonderstatus in Anspruch nahm und Wert darauf legte, nicht als Herrscher hingestellt zu werden. »
88 DC 51, 20, 1-4. Les deux auteurs puisent sans doute dans une source commune.
89 Meister 2012, p. 239-241.
90 DC 69, 7, 2-3.
91 Comme le rappelle Cicéron à plusieurs reprises (par exemple dans Pis., 51-55), les bons magistrats de l’époque républicaine rentraient à Rome à pied, de jour et sous les vivats des citoyens.
92 Royo 1999. Sur cette évolution, voir aussi Coarelli 2012, p. 347-538 et Gros 2017, p. 231-262.
93 Sur la porosité des catégories de « privé » et « public » dans le cas des maisons romaines (dont celle du prince), voir la bibliographie récente réunie par Tuori – Nissin 2015.
94 Gros 2009, p. 183-184.
95 Perrin 2016.
96 Guilhembet – Royo 2008 (notamment p. 223).
97 Perrin 2016, p. 235 et 241.
98 Gros 2017, p. 252-253.
99 Mart., Spect., 2, 11-12, qui contraste avec ce que rapporte Tac., Ann., 15, 41-42 au sujet de Néron et l’incendie de 64.
100 Royo 1999, p. 119 puis Gros 2017, p. 231.
101 Sen., Clem., 1, 15, 3 : « Il vint en ce foyer privé (venit in privatos penates), s’assit, prit part à un conseil qui n’était pas le sien, au lieu de dire : “mais non, qu’il vienne en ma maison”… »
102 Macr., Sat., 2, 4, 31.
103 Sur ce consensus mémoriel autour d’Auguste et de son bilan, voir Hurlet 2015, p. 159-266.
104 DC 57, 11, 4-5.
105 DC 66, 10, 4-5.
106 Pour reprendre l’expression de Benoist 2001, p. 250-253.
107 DC 69, 7, 1.
108 Veyne 2002 et 2005.
109 Pour une étude plus systématique qui tente de lever les potentielles contradictions caractérisant les liens entre la civilitas et le charisme impérial, voir Montlahuc à paraître.
Auteur
Université de Paris - pascal.montlahuc@hotmail.fr
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