Sur les symboliques du refus de la « farce » papiste : la France des années 1530-1560
p. 403-430
Texte intégral
1Même si le champ de la symbolique qui s’attache à l’histoire complexe du refus de l’Église romaine repose sur un langage relativement invariant, il n’en est pas moins nécessaire de distinguer deux scansions chronologiques. La première est celle d’un temps où il s’agit, pour ceux qui sont en rupture avec Rome, de nommer ce pourquoi ils ne peuvent plus tolérer un mal qui depuis si longtemps ronge la chrétienté et sépare les croyants d’avec Dieu. Un temps d’expression linguistique, de production d’un langage. La seconde est celle d’un temps où il y a passage à une entreprise d’éradication de ce mal, une folie dont le monde humain doit être guéri pour que s’impose le règne de l’Évangile. Un temps de destruction d’un langage.
Un temps de nomination du mal : mots, gestes et rites des années 1530-1550
2Dans une première séquence, une fonction symbolique des expressions de la contestation religieuse semble primer : les interventions de ceux dont les textes parlent en tant que « leutheriens », « sacramentaires » et enfin huguenots ou religionnaires sont à comprendre comme des discours d’éveil à la vérité, des paroles de conversion adressées à tous ceux qui, par le fait de la puissance de l’Église de Rome, vivent dans l’ignorance de la vérité. Il s’agit, grâce à des usages spécifiques, de marquer le temps et l’espace de signes qui doivent agir comme des révélateurs de ce que la foi romaine n’est pas la vraie foi, il s’agit de montrer, à ceux qui n’en ont pas conscience, en recourant à des pratiques symboliques, ce qu’est le mal, de cerner un mal qui offense en tous les instants Dieu. Ceci par des mots, des gestes, des postures qui, tous, veulent stigmatiser la religion papiste pour cause de profanation de la gloire de Dieu. Des mots de désignation et d’accusation tout d’abord, qui ont le plus souvent pour objet de dire qu’une folie règne parmi les chrétiens. Le mal est une folie et c’est en qualifiant celle-ci qu’il peut être possible d’engager les hommes dans la voie d’une conversion qui sera la sortie d’un temps d’inversion. Ensuite, les acteurs disent qu’il y a eu inversion du vrai culte qui devrait être rendu à Dieu, parce que l’Église papistique a mis à l’envers à la fois les dogmes et le culte en occultant ce qui est la seule source de la connaissance de Dieu : l’Évangile. Et donc enfin, s’impose une durée de proclamation de l’Évangile seule source de foi et de vie chrétiennes.
Mots de désignation et d’accusation
3En premier lieu, dans ces tentatives d’éveil à la conversion par lesquelles le dissident de la foi dit aussi à Dieu sa fidélité transcendant les menaces et les peurs humaines, il y a des prises de parole qui sont autant d’évocation de cette inversion sur laquelle la fausse piété romaine repose ; elles émanent primordialement de prêtres ou de moines venus, à la demande des municipalités, prêcher le carême ou l’avent. Toutes les configurations sont possibles, de l’antagonisme entre le pouvoir municipal et l’évêque, entre les officiers royaux et la ville, entre les ordres mendiants et des frères devenus des promoteurs du changement religieux ; et le dimanche tend alors à devenir le jour où régulièrement la parole devient un enjeu : ainsi à Bourges, en 1547, le bénédictin Jean Michel semble être ouvertement passé à l’offensive, à l’occasion de ses prêches dominicaux dans la paroisse de la Fourchaut, « ce au grand regret des mendiens, pour ce que chacun y acourant, leur cuisine s’en refroidissoit ». Le récit de l’Histoire ecclésastique met en scène ici un conflit de langage, par les deux systèmes de parole qui s’affrontent dans une concurrence vocale puis sur des antagonismes gestuels. L’initiative du conflit, sans surprise dans cette trame, revient aux mendiants. Parce qu’elle gravite autour du culte marial, elle révèle qu’à Bourges les enjeux demeurent encore plutôt ceux des années 1525-1535 :
Ils feirent en sorte, qu’un jour les prestres suscités par eus, commencerent à la mesme heure à chanter leurs vigiles des morts, cuidans par ce moyen empescher le sermon. Cela esmeut tellement les auditeurs desia assemblés, qu’ils commencerent à crier au contraire, et à renverser leurs livres, les prestres voyans cela s’enfuirent hors du temple avec grand tumulte. Ce nonobstant le sermon fut commencé par Michel, qui dit l’oraison dominicale en François sans y adiouster l’Ave Maria, et lors un nommé Bomin, procureur general du Roy au grand conseil, mais au reste la plus ignorante personne qui fut oncques, se levant commença à prononcer l’Ave Maria mais il n’acheva pas. Car tout soudain il fut tellement pressé par les femmes mesmes, toutes prestes de l’assommer avec leurs petites selles, qu’à grand peine peut il eschapper de leurs mains, et ne laissa le sermon de se parachever1.
4Plus tard, on voit que la prise de parole hétérodoxe se fait contre les autorités de la ville. A Provins, c’est à l’occasion de la fête de la Madeleine de 1555 que le jacobin qui avait reçu la mission de prêcher, frère Charles Privé, fils du receveur des deniers communs de la ville, développe une argumentation hétérodoxe devant l’assemblée de la procession : parlant de la foi de Madeleine, il souligne que cette dernière fut justifiée par sa seule foi, sans le mérite de ses bonnes œuvres, et que « tout chrétien estoit justifié et agréable à Dieu, sans l’opération des bonnes œuvres [...] »2.
5Ce que les documents désignent comme « propos scandaleux » renvoie à un ensemble de possibilités discursives intentionnellement activées par ceux qui veulent témoigner de leur refus de la piété « papiste » et évoluant au fur et à mesure que la différence religieuse passe du refus du purgatoire, du culte des saints et du salut par les œuvres à la priorité donnée à la dénonciation de la transsubstantiation3. Et les mots alors peuvent avoir été prononcés dans des lieux de sociabilité aussi différents que le marché, la taverne, le seuil de la maison, la petite école ou le collège. Guillaume Néel, ancien augustin devenu sans doute un de ces prédicants errant de micro-cercle hétérodoxe en micro-cercle hétérodoxe, est arrêté à Nannaucourt, alors qu’il se rendait à Évreux, parce que, dans une taverne où il prenait un repas, il avait « repris [...] certains prestres » dont Théodore de Bèze affirme qu’ils étaient là « yvrongnans et blasphemans »4. Les faits peuvent alors relever de l’intervention soit d’un individu soit d’un petit groupe d’hommes, soit s’enclencher d’une initiative individuelle à des interventions collectives. Un exemple significatif, Agen, 1537 : le sieur Sarrasin est principal du collège depuis quelques années. Une enquête pour hérésie permet de définir ce que pouvait être la perception de l’hérésie dans une ville de province, avant la phase de fixation calvinienne : selon les accusations retenues durant l’enquête, Sarrasin aurait expliqué à un étudiant que les cierges n’étaient qu’une survivance du monde païen. Il aurait aussi soutenu que opera non sunt necessaria ad salutem. À ses côtés, est cité maître Allard qui, attablé en compagnie d’un notaire et d’un greffier dans la maison d’un couturier, aurait dit qu’il n’était pas nécessaire de se confesser aux prêtres5. À travers le cas de Sarrasin, on voit que le lieu scolaire, parce qu’il occasionne le contact entre générations, peut avoir été un lieu de déculturation religieuse. Parmi les autres inculpés en effet, on trouve des étudiants qui se sont moqués d’un prêtre en criant : « au travail, curés, il vous faudra aller bêcher les vignes ».
6Et la parole accusatrice semble donc glisser du cadre cérémoniel qu’est l’Église aux espaces ordinaires ou extraordinaires de la vie quotidienne. Le sortir même de la messe peut être l’occasion de ce surgissement quand en avril 1550 est interrogé un jeune homme d’Agen, surnommé Saint-Pé, pour un propos tenu cinq ans auparavant ; ce qui fait donc remonter le fait à 1545. Il est accusé d’avoir dit à des femmes, au sortir de la messe célébrée dans la cathédrale d’Agen, se tenant lui-même à la porte de l’édifice, qu’« elles venaient de recevoir ung Dieu de pâte ». Au fur et à mesure, bien sûr, que l’on progresse dans la chronologie, les paroles prononcées prennent une coloration sacramentaire, mais aussi enseignante. Parler c’est tenter de porter en accusation l’immondicité d’un culte agressant Dieu, de donner à l’interlocuteur une « semence » de l’Évangile qui pourra l’amener à rompre avec les prêtres et les moines. C’est désigner de plus en plus précisément un mal qui court par le monde et qui le mine de l’intérieur. Le recours au registre de la dérision carnavalesque peut surtout très significativement intervenir, et c’est la figure de la folie qui vient se fixer sur le prêtre. Le jour des morts 1552, à Rouen, au beau milieu d’un sermon, quelques hommes se rassemblent devant le portail de l’église et crient « au fol, au fol », tandis que des enfants, toujours pour se moquer du prédicateur, imitent le miaulement des chats, dont on sait qu’il est un des bruits d’identification du charivari ou de la fête des fous. Longtemps cristallisées sur les prêtres et moines et sur leurs actions rituelles, les paroles peuvent tardivement, juste avant le déclenchement des guerres de Religion, s’attacher à ceux qui demeurent fidèles aux pollutions de l’Antéchrist romain. Et, à partir de 1559, les catholiques, à Provins, sont interpellés à travers des sobriquets comme « tisons du purgatoire du pape », « cagots »...
7Mais les paroles de nomination du mal ne sont pas les seuls outils d’une contestation et d’une pédagogie de l’éveil religieux qui se fixent évolutivement sur les certitudes défendues par l’Église papiste. Le placard est constamment présent après 1534, d’autant plus présent qu’il peut être manuscrit et qu’il possède donc une très grande plasticité qui lui permet de répondre à un événement immédiat et d’ainsi participer de ces modes d’identification du mal. En 1542, c’est au lendemain de l’exécution du prédicant Aymon de la Voye que des écoliers sont arrêtés sur accusation d’avoir fabriqué un placard et de l’avoir attaché à un poteau proche du lieu où le prédicant avait été supplicié6. Le plus souvent ce sont les portes des sanctuaires qui sont visées et la recherche de publicité est patente, surtout quand l’affichage a clandestinement lieu la veille d’une fête religieuse devant rassembler les fidèles. Un unique placard fut affiché à Clermont, la nuit, sur la croix de la grande place, devant la cathédrale, contenant des attaques contre le Saint sacrement, et cet événement eut lieu significativement la veille du jeudi saint. À Rouen, les religionnaires utilisent le placardage afin de donner une pédagogie de l’iconoclasme auquel ils se sont précédemment livrés, comme s’il fallait expliquer la signification de leur intervention : ils « brouillèrent » une nuit une image qui venait d’être repeinte sur le grand portail de l’église Saint-Maclou, sur lequel « ils » attachèrent des placards diffamatoires contre l’honneur de l’Église catholique7. Et l’on retrouve ici cette composition textuelle qui fait souvent intervenir, comme outil de la désacralisation d’un culte profanant la gloire de Dieu, la dérision. Il s’agit toujours de faire surgir la conscience de ce que le culte papiste est une folie, parce qu’il est fou de croire en une efficacité du culte des saints, qui ne sert aux prêtres qu’à faire bouillir la marmite papale. À Bordeaux, un placard fut trouvé, le 8 août 1560, encloué devant l’église Sainte-Croix ; deux strophes, qui reposaient sur un simple jeu de mots, tournaient en dérision le clergé accusé de s’enrichir grâce aux reliques de saint Mammolin qui avaient la réputation de guérir les possédés, énergumènes et paralysés : « Pour faire aller l’eau au moulin/ On a trouvé maintes pratiques/ Et pour orner bien leurs boutiques/ Ils y ont mis saint Mammolin [...]8 ». La transition de 1561-1562 entraîne une véritable banalisation d’un ordre de défi rituel Les indices de mise en vente des estampes représentant la marmite renversée sont repérables9. À Laon, un lendemain de Fête-Dieu qui était jour de foire, l’image de la marmite romaine est exposée parmi « des livres et estampes injurieux au pape »10. Loïc de Perussiis observe que c’est de Genève qu’est importé en Provence en grande quantité un imagier sur lequel sont figurées « l’Église renversée et les croix des seigneurs cardinaulx et evesques »11.
8Simultanément à ce langage pluriel qui met comme en accusation l’Église romaine et la fausse piété, la « cuisine papale » qu’elle entretient pour mieux tromper les chrétiens, surgissent des gestes qui sont chargés d’une symbolique, ici encore, de la folie.
Gestes d’identification
9Ces années de transition qui précèdent la guerre civile sont des années de violence contenue, certainement, du fait de l’arsenal répressif mis en œuvre par l’État et aussi grâce aux possibilités de divulgation des voies de la Vérité qu’offrent, de manière directe ou contournée, les espaces publics et privés à ceux qui sont porteurs du message de l’Évangile. Mais il n’empêche que la violence surgit de temps à autre et qu’elle tend à être de plus en plus non seulement l’instrument d’expression du désir d’un monde purifié des abus et des pollutions de l’Église romaine, mais aussi un discours d’appel à la prise de conscience de ce que chacun doit entamer un travail sur lui-même. Elle participe du même jeu symbolique qui a pour fin de produire la conversion en mettant en représentation une Église romaine ayant inversé l’honneur qui devrait être rendu à l’infinie grandeur de Dieu en une souillure infinie de cette gloire de Dieu.
10La violence choisit tout d’abord ses cibles dans les espaces de sacralités périphériques, les espaces ouverts et elle se déroule le plus souvent dans la clandestinité nocturne, hors des regards, perpétrée par des individus qui semblent toujours intervenir en petit nombre. Elle est toujours une pédagogie destinée à dire la corruption de la piété qu’est la religion papiste, avant tout en ce que Rome contredit le commandement divin de ne point faire d’images à la ressemblance de Dieu. Elle dit que les catholiques romains sont des idolâtres et des criminels qui offensent, dans les représentations de bois et de pierre qu’ils fabriquent et font vénérer, la majesté incommensurable d’un Dieu jaloux qui est pure spiritualité et ne peut être honoré que spirituellement. L’iconoclasme est en conséquence à appréhender comme une forme de prise de parole qui a sa grammaire propre et son réseau spécifique de significations. Globalement, durant ces années, il cherche primordialement à dénoncer à la fois la mise en image du Dieu fait homme et le culte marial. Et le choix de la nuit pour la perpétuation de l’acte, s’il renvoie aux nécessités de la clandestinité, n’en est pas moins stratégique : lorsqu’au petit matin, les images sont retrouvées souillées ou brisées, la symbolique se veut celle d’une révélation, du passage d’un ordre d’enténèbrement à celui d’une lumière retrouvée, d’une folie cachée à une vérité restituée, d’une illusion à son identification : la vérité d’un culte qui trompe le chrétien en lui faisant vénérer ce qui est le plus loin de Dieu, ce qui ne peut enclore Dieu, la matière. Un des premiers traits de cette violence qui se veut la mise en œuvre d’une « révolution symbolique », pour reprendre une formule d’Olivier Christin, est d’avoir pour champs d’expression les espaces des cimetières, espaces ouverts certainement plus faciles à approcher que les espaces clos des églises, mais aussi espaces d’essor ou de proximité de la sociabilité ancienne parce que, le dimanche, ils deviennent un lieu de promenade, voire de jeu. Par le ciblage iconoclaste sur les cimetières, il est redit avec force que se situer hors de l’Église romaine, la nier en tant qu’institution de salut, c’est refuser une image de la mort au cœur de laquelle il y a les saints intercesseurs et le purgatoire, c’est rendre public le fait que saints intercesseurs et purgatoire sont les inventions de la folie humaine. Le cimetière, terre présumée consacrée, est ainsi le lieu même de la puissance de « superstition » des papistes dont il faut proclamer les illusions. À Noyon, dans la nuit du 20 août 1547, les iconoclastes s’attardent sur l’objet de leur violence, dénotant l’évolution de la gestuelle de désacralisation en une séquence rituelle plus complexe. Le crucifix du petit cimetière de l’église Saint-Martin est arraché, traîné dans la boue, foulé aux pieds, puis enfin attaché comme un criminel au pilori qui se trouvait sur la place du marché12. Il s’agit de signifier que l’idolâtrie est à traiter comme un crime contre Dieu, que ceux qui rendent honneur aux images participent d’un crime abominable par lequel ils se séparent de Dieu. Un crime qui est une folie.
11Autres cibles de ces iconoclastes qui veulent éveiller, par le langage des gestes, à la conversion un monde humain aveugle et aveuglé par l’effet même de choc que la désignation est censée produire : ce sont les images qui balisent l’espace des cités, placées aux carrefours ou dans des niches sur certaines maisons. Là encore, le choix semble fait de donner une publicité à l’événement de la destruction de l’idole afin de faire savoir qu’il y a crime contre la Toute-puissance divine. À La Rochefoucauld, au cours de la nuit du premier janvier 1544 (1545 ?), sont rompues plusieurs images « qui estoient devant quelques maisons »13. S’ajoute une autre cible, en l’occurrence les croix qui jalonnent les grands axes de circulation. Près de Rouen, l’année 1541 ( ?) voit une démonstration spectaculaire. L’acte iconoclaste vise une grande croix de bois, haute de cinquante pieds – le « crucifix, qui estoit attaché au bois, avoit pour le moins la grandeur d’un hault homme ». Un riche changeur l’avait récemment fait ériger hors la ville sur la route de Paris, et « maintes devotes personnes, en revenant de peregrination », s’agenouillaient devant le Christ et faisaient leurs prières. Une nuit, un groupe de « mal sen-tans » de la foi va scier la croix à la base, avant d’aller rompre à proximité quelques images dans l’église de Notre-Dame de Bonsecours14. Le temps devait encore être à des effectifs réduits, car, au Puy, en 1553, c’est un blanchier, nommé Tempère, et un cordonnier, appelé Aulanher, qui la nuit du lundi saint s’en vont briser l’« oratoire et saint crucifix qu’est hors la porte Sainct-Gilles audevant le Breulh »15. Durant le temps où la première Chambre ardente siège, Jacques Belon, pour avoir sans doute agressé une image de la Vierge placée dans la nef même dans Notre-Dame de Paris, et pour avoir proféré des blasphèmes contre l’honneur de Dieu et de la Vierge, est condamné à être mené dans un tombereau de la Conciergerie jusque devant le grand portail de Notre-Dame. Là, en marque d’amende honorable, il aura le poing coupé avant d’être pendu et d’être brûlé sur le parvis. Une sorte de défi symbolique peut intervenir : à Lyon, les attentats sont commis contre des images à Saint-Bonaventure et aux Célestins, comme en réponse, d’ailleurs, à l’érection de piliers munis de colliers de fer destinés à avertir les blasphémateurs du châtiment qui les attendait. Désignation alors de ces saints qui sont les véritables criminels puisque les âmes des chrétiens se perdent en espérant pouvoir profiter de leur puissance d’intercession, en vivant dans la folie de croire que des idoles de pierre peuvent être à l’écoute des hommes. Désignation qui implique une condamnation.
12Les églises, si elles sont relativement à l’écart de cette gestuelle de révélation d’une folie criminelle qui opère dans des espaces avant tout de passages ou de rencontres, peuvent être concernées. La statuaire qui orne les portails est attaquée, par exemple lorsque, durant la nuit du dimanche 17 septembre 1554, c’est du portail de l’église du couvent des frères prêcheurs du Puy qu’une image de saint Martin est descendue pour être jetée ensuite dans un ruisseau symbolique de la fange et de l’ordure qu’il y a à rendre un culte à un autre qu’à Dieu tout puissant16. À l’intérieur des sanctuaires, le geste prend une connotation sacramentaire. Dans la décennie 1540, des religionnaires volent dans l’église Saint-Godard la custode où reposait le corps du Christ17. En 1554, c’est à l’issue de la nuit du 20 au 21 mars, qu’est découvert le vol de la custode qui était suspendue au milieu du maître-autel de la cathédrale du Puy-en-Velay. Les hosties, qui étaient conservées pour que le viatique puisse être porté aux malades et aux mourants, ont été jetées à terre.
13Si donc la symbolique est avant tout spatiale, visant à inscrire dans l’espace les signes mêmes du châtiment nécessaire des folles pollutions par lesquelles l’Église romaine fourvoie les chrétiens loin de la vérité divine et s’efforce de les maintenir dans leur aveuglement, la violence n’en est donc pas moins un langage, qui tend de plus en plus, au fil des années et de manière discontinue, à distribuer les rudiments d’une institution de la religion chrétienne. En se fixant sur des enjeux symboliques de la religion papiste, elle veut faire comprendre que Dieu est offensé par les rites, les dogmes, les superstitions imposés au fil des temps par l’Église romaine, que ces rites, ces dogmes, ces superstitions n’ont aucune efficace sur lui si ce n’est de l’irriter. Elle est un outil de révélation qui procède par le mode de théâtralisation qu’est l’identification de la folie. Et elle s’attache aussi, parce qu’elle cherche à toucher le plus de chrétiens possible, à agir dans des temps particularisés.
14L’iconoclasme d’avant 1560 ne survient en effet pas au hasard, il culmine, avant le début des guerres de Religion, durant la période du calendrier liturgique qui s’écoule de décembre à avril, comme Natalie Zemon Davis l’avait relevé dans son article pionnier tout en posant que les protestants agissaient dans le champ de rites de purification ou de profanation, les rites huguenots étant « destinés à prévenir la souillure en renvoyant au monde profane d’où ils viennent des objets comme le chrême et l’eau bénite »18. Les espaces ouverts continuent alors à être les espaces de prédilection d’interventions qui se veulent des devoirs de justice qu’il est nécessaire de rendre à Dieu. Il s’agit donc de gestes qui visent à proclamer l’honneur restitué d’un Dieu qui interdit que soient fabriquées des images à son image. À La Rochefoucauld, la nuit du 7 avril 1551, en plein cycle pascal, le crucifix qui était érigé près de l’église Saint-Pierre est retrouvé fixé ignominieusement au beffroi de la ville. La symbolique est toujours celle du châtiment du crime de désobéissance au commandement divin, car, selon les mots de Pierre Viret, « porter la croix, n’est pas porter l’image d’une Croix fichée au bout d’un baston ou d’une perche, comme qui porteroit une picque, ou d’une hallebarde : mais souffrir et endurer patiemment toutes adversitez et tribulations, qu’il plait à Dieu nous envoyer : et principalement les persecutions que les meschans suscitent contre les enfans de Dieu, à cause de son Évangile. Or ceste croix n’est pas d’or ny d’argent, et ne la faut pas porter entre ses mains [...] »19. Au Puy, le lundi saint 1553, de nuit, « l’oratoire et sainct crucifix », qui était situé hors la ville près de la porte Saint-Gilles, est brisé. Tout indique que les violents ont agi dans la précipitation et peut-être dans l’émotion d’un acte premier de profanation. Ils n’ont que cassé le bras gauche et la jambe droite du Christ, dans une manière de violence inachevée20. L’image de pierre ou de bois du Dieu de la Passion est le plus grand des scandales, la plus grande des pollutions de l’honneur divin, et la pédagogie de l’offense à Dieu doit commencer par la dénonciation du crucifix. Il y a ainsi la profanation, dans le couvent de Saint-Bonaventure de Lyon, d’un crucifix qui, pour le temps des fêtes de Noël, avait été placé « à l’eau benestier près du grand portail » ; on le retrouve, au petit matin, abandonné honteusement au pied de l’estrapade disposée sur la place de la Grenette21. Et, dans ce calendrier de la profanation, à partir de 1560, la Fête-Dieu tend aussi à occuper une place de plus en plus importante, parce qu’elle est l’instant d’une exhibition du dieu de pâte que les huguenots dénoncent comme la plus grande des injures à Dieu. Les agressions peuvent avoir lieu dans les sanctuaires, mais elles s’étendent, de manière spectaculaire, aux espaces ouverts que les processions parcourent. C’est ainsi que, le 5 juin 1561, un ouvrier peintre lyonnais, appelé Louis de Vallois, se précipite sur le Saint sacrement et tente de le jeter à terre. La symbolique est toujours celle d’un acte de justice, que l’on voit remis très théâtralement en scène à Limoges, où, le 4 juillet 1560, la tête d’une Vierge sculptée est portée nuitamment au pilori22. À Blois, la nuit du dimanche gras de 1559 (1560 ?), c’est une statue de la Vierge Marie, placée devant la maison de ville, qui est décapitée23. Cette volonté de parodie judiciaire est inséparable d’une conscience de ce que c’est dans un monde d’inversion que l’Église romaine fait vivre ceux qu’elle aveugle et qu’il est plus urgent que jamais de proclamer qu’il y a folie. Les vêpres sont un de ces instants privilégiés : à Paris, c’est le 7 décembre 1550 que dans Notre-Dame, durant les vêpres, que Jean Thuret tente de porter un coup d’épée au visage d’une Vierge24. Et Olivier Christin d’écrire : « il reconnaît notamment avoir prémédité son sacrilège et choisi délibérément l’office qu’il devait perturber. Il n’a pas frappé au hasard, mais a décidé de témoigner de ses convictions en s’attaquant à une représentation précise (une Vierge) dans une occasion choisie à l’avance (la veille de la fête de la Vierge, à l’heure des vêpres)25 ». Témoigner certes, mais aussi nommer.
15À Troyes, c’est aux lendemains de la fête de l’Assomption, au cours de la nuit du 18 août, que des inconnus souillent une « petite vierge » en collant sur elle un papier couvert d’ordure et en pendant à son cou un chat crevé26. Le rituel réfléchit la thématique de l’ordure, de la pourriture qui est en l’Église romaine lorsqu’elle fait vénérer des images qui ne sont que matière et donc ordure, pourriture. Il est évident que la symbolique rituelle est comme une transcription des images auxquelles les imprimés genevois recourent alors pour stigmatiser l’église papiste. Revient en effet fréquemment dans les textes calvinistes l’image de la « puanteur » du culte romain. Cette fois-ci, la symbolique n’est pas que judiciaire, bien qu’il soit ordinaire que le condamné à mort soit exécuté avec un objet symbolisant son crime, placé devant lui ou pendu à son cou. Elle renvoie directement au contenu du discours calvinien qui pense la matière en tant qu’ordure, fiente, et qui souligne que l’idolâtrie est, parce qu’elle donne à voir matériellement ce qui ne peut être honoré que spirituellement, d’autant plus criminelle qu’elle ravale l’incommensurable pureté qu’est le divin au niveau de la fange, de l’abomination. Pierre Viret parle de « troncz de pierre et de bois » et la finalité symbolique du rituel de conversion qu’est l’iconoclasme est de figurer la religion papiste comme un religion de folie, qui repose sur une inversion première des valeurs. La cuisine papale fait vivre les croyants dans l’illusion et donc dans la profanation, inconsciemment puisqu’elle les fait vivre dans le culte d’un objet dont ils ne se rendent pas compte qu’il est spirituellement puant puisque contraire à la volonté divine. Le registre gestuel emprunte sa symbolique, dans ce dernier cas, à celui des fêtes des fous et des séquences annuelles de la dérision. L’homme manifeste qu’il est « fol » dans son mépris de Dieu qui lui fait, comme les païens de l’antiquité, rendre honneur à une idole, oubliant que la vraie représentation de Dieu ne peut être que son Église invisible, qui est le théâtre de sa gloire dans la mesure où elle met toute sa confiance dans son infinie miséricorde. Les images sont des créations des plus fous des hommes, les prêtres qui par avarice et cupidité les ont, après les temps heureux de la primitive Église, inventées pour soutirer de l’argent aux croyants. Et, sous prétexte, disent les textes calviniens, de rendre un plus grand honneur à ces morceaux de pierre ou de bois, la « prestraille » pousse la folie jusqu’à les orner d’or et d’argent, les couvrir de ce que la chair fait imaginer être la beauté, mais qui n’est qu’apparence, et folie27. Dans les dernières années de la décennie 1550, les iconoclastes commencent à se faire moins discrets, et les paroles, publiquement, semblent comme précéder ou suivre les gestes. À Bordeaux, les mots sont précisément venus avant l’agression. Certes, dans la nuit de Noël 1558, les pieds d’un crucifix étant simultanément barbouillés avec de la « fiente humaine », des ordures ont été jetées dans le bénitier de l’église Saint-Pierre, afin de signifier que l’eau bénite, par laquelle les prêtres trompent les chrétiens en leur faisant croire qu’elle les purifie du péché, est impure ; mais on peut relever que, peu auparavant, des « laquais » avaient fait scandale en ville en traitant publiquement des religieux de « renards cagots ». À Agen, c’est après l’acte de profanation que les hommes parlent, et la violence contre les images s’intercale entre des rituels de dérision orale. Le 13 avril 1559, des figurations de la Passion sont brisées en diverses églises de la ville ; au cours des jours et des semaines qui suivent, des hommes vont par la ville, surtout la nuit, en faisant sonner une petite cloche et en lançant des paroles hostiles aux sacralités romaines. Surtout ils sollicitent que le viatique soit apporté à un animal malade. Ils stationnent devant la porte d’un vicaire nommé Garat en criant : « Moussu lou bicary, lèbe-te, y a un chibaou [chevreau], qui es malau dens l’estable, ben ly pourto Noste Seigné ». Et des images sont, quelque temps après, profanées28.
16On peut donc suivre Olivier Christin soulignant que l’iconoclasme fut aussi une « théologie pratique », une action pieuse se traduisant par des rites d’humiliation et de souillure proclamant l’imposture d’une foi prétendant que le sacré réside dans la matière : « l’application concrète d’un programme théologique développé et justifié par les ministres »29. La destruction est alors toujours raisonnée, avec des dates choisies pour leur valeur symbolique, avec un ciblage sur les sculptures et les images peintes, avec des frappes préférentielles visant Dieu le Père, la Trinité, la Croix, le crucifix, la Vierge, les saints... « La volonté d’abolition des images [...] révèle une volonté de séparer radicalement les domaines respectifs du sacré et du profane, d’interdire à ce dernier de prétendre donner à connaître ou même à entrevoir Dieu [...] »30. Mais à ce concept de théologie pratique, il faudrait ajouter la volonté de nommer le mal en tant que folie à Dieu, la certitude que le langage des gestes et des signes est nécessaire. La sagesse, dans le discours calvinien, débute seulement avec la crainte du Seigneur enseignée par la Parole, qui est déjà connaissance de Dieu. La folie, au contraire, ignore la crainte au point de faire prendre possession, par l’homme, de la grandeur de Dieu, de faire assimiler l’infiniment corrompu, qu’il demeure du fait du péché arrimé en lui, à l’infiniment Pur, l’infiniment impuissant à l’infiniment Puissant, et de laisser se projeter cette assimilation dans le champ cultuel. Pour Calvin, les reliques sont à mettre sur le même plan que la prétendue « majesté » des idoles qui vient « du plaisir et appétit des hommes »31. Elles ôtent la crainte de Dieu, l’amoindrissent, elles relèvent des méfaits d’une imagination folle qui fait aux hommes « enclore Dieu où ils ont imaginé sa présence ». Une imagination qui les a fait glisser vers une religion dans laquelle tout se vend alors que le salut est gratuit et dépend de la seule grâce divine.
17Le motif de l’inversion est capital pour rendre compte de la ritualisation de la violence. Il conditionne le temps de la violence comme le temps au cours duquel, pour qu’un vrai sens des mots et des choses soit restitué, il faut comme faire éclore cette inversion en la jouant, la faire se révéler rationnellement par elle-même dans une absurdité qui est une monstruosité.
18Mais ce combat entamé par ceux qui ne veulent plus entretenir l’abominable cuisine papale peut aussi, par delà les mots d’accusation, les gestes de désacralisation, se théâtraliser dans l’adoption de postures de révélation de ce que Dieu veut le triomphe de la vérité évangélique.
Proclamation de la bonne nouvelle
19Il n’y a pas que l’action violente, sous ses différentes formes linguistiques, qui traduit la volonté de contestation ou de destruction d’un monde pollué par Rome. Le martyre est pensé comme un signe de l’impureté même de la religion romaine. La mort subie fait partie des instruments de révélation auxquels recourent les dissidents religieux depuis la décennie 1530, luthériens, sacramentaires, anabaptistes, calvinistes pour proclamer leur foi dans un Dieu de miséricorde. C’est-à-dire que, de manière discontinue, à chaque lieu et temps correspond un argumentaire précis. À Rouen, dès 1542, quatre hommes sont condamnés au supplice du feu. L’un d’eux, « montant au tombereau accoustumé à mettre les immondices selon leur façon de faire à l’endroit de ceux de la Religion qu’on mène au supplice, prononça ces mots fort notables, Vraiment comme dit l’Apostre, nous sommes la ballieure du monde, et puons maintenant aux hommes de ce monde : mais resiouissons nous. Car l’odeur de nostre mort sera plaisante à Dieu, et servira à nos frères ». La mort est joie et cette joie se clame parce qu’elle est en attente d’être partagée par ceux qui assistent au supplice. C’est ce condamné à mort d’Albi encourageant son compagnon au cri de « courage, frère en Jesus-Christ, nous irons souper cette nuit avec Dieu32 ». C’est aussi ce portefaix, fustigé par les carrefours de la ville de Romans, hurlant qu’il est un témoin du Rédempteur et encourageant le bourreau : « frappe, mon amy, frappe bien fort, chastie ceste chair qui a esté tant rebelle à son Dieu33 ». Être disciple du Christ, c’est porter sa croix, vivre en pénitence parce que dans les afflictions l’homme apprend à vivre en Christ. Et la mort, parce qu’elle aurait, bien souvent, éveillé à la conversion, devient « l’arme de la construction confessionnelle », si l’on suit ainsi le mémorialiste Jacques Gaches. Dans sa ville de Castres, ce fut précisément l’exécution du jacobin Martini qui se serait avérée déterminante dans le processus d’avancement de la nouvelle religion. Monté sur le bûcher, tous les assistants l’entendirent se donner à lui-même consolation, montrant publiquement que rien ne doit effrayer en ce monde celui qui sait que sa persévérance dans la Vérité le mène inexorablement au « royaume de Dieu ». Le supplicié, tel un des premiers martyrs de l’Église primitive, est décrit invoquant dans les tourments de la mort la grâce et la miséricorde de Dieu, conservant les yeux fichés vers le ciel et criant litaniquement jusqu’au dernier soupir de sa vie terrestre : « Père celeste, ayez pitié de moy ». Cette mort d’un homme, qui conserve, jusqu’au bout de son supplice, les yeux tournés vers le ciel et qui est dépeint ainsi dans l’acceptation active de sa souffrance comme un disciple du Christ, remue la foule et, parce qu’elle étonne, introduit certains à la « curiosité » de savoir pourquoi le jacobin avait enduré le supplice, « d’où vint la curiosité d’avoir des bibles et nouveaux Testaments qui estoient fort rares et qu’on n’osoit tenir [...] ». Et Calvin, David El Kenz le note, cherche à sensibiliser les disciples du Christ à l’idée selon laquelle le devenir sacrificiel du martyr est un choix divin qui théâtralise, face à « la pluralité cultuelle romaine », une « unicité christocentrique »34. L’annonce d’une bonne nouvelle, l’annonce du règne de l’Évangile.
20C’est cependant dès les mois de mai-juin-juillet que cette tension de basculement symbolique est perceptible dans le sud de la France. Il ne s’agit pas ici d’en présenter une chronologie, mais d’évoquer le fait que des espaces à la fois urbains et ruraux sont purifiés de l’idolâtrie. Désormais il semble ne plus s’agir de seulement désigner le mal, le nommer et le révéler, et par là-même d’annoncer la bonne nouvelle, il s’agit de le détruire, et ce ne sont plus des hommes qui se cachent qui interviennent, mais des disciples du Christ ayant le sentiment de participer d’une durée providentielle qui doit voir, immédiatement, toutes leurs forces se mettre au service de l’Évangile et de son triomphe. Dans ces ruées qui ont pour cibles les images, faut-il voir comme le pensent Solange Deyon et Alain Lottin et comme certaines réactions genevoises le laisseraient entendre, « l’écart entre l’élaboration doctrinale et sa prise en charge par les fidèles » ? C’est une question qu’il faut poser. Sur la fin juin, ou au tout début de juillet, le ministre de Sauve, Tartas, à la tête de fidèles armés, s’empare de l’église du bourg, brisant les images, autels et une croix. L’événement est grave, peut-être moins en raison de la fureur iconoclaste que de la présence du ministre s’étant approprié de perpétrer avec ses fidèles ce qu’il revient au seul Magistrat d’exécuter. Tartas encourt la réprobation de Calvin. Il est déposé de son ministère par un colloque tenu à Nîmes sur la fin de juillet. « Nous pensons bien que Daniel et ses compagnons et Ezechiel et beaucoup d’autres estoient aussi zélatriâtres que ce povre homme qui se glorifie en son outrecuidance ; tant y a qu’estant captifs en Babylone, ils se sont contentés de despiter les idoles, sans usurper la puissance qui ne leur appartenoit point35 ». Et l’iconoclasme fut bien un fait collectif, car, si les notables et anciens de l’église de Sauve prennent la défense de Tartas en soutenant que ce sont seulement « quelques foulastres » qui ont abattu les images, n’est-ce pas parce qu’ils sont en réalité pleinement solidaires de leur ministre ? Il apparaît en conséquence que l’on est passé d’une stratégie de révélation de la Vérité évangélique à une stratégie d’éradication qui est vécue comme une nécessité, un devoir d’obéissance à un Dieu jaloux qui ne tolère aucune pollution de sa gloire.
21Des signes surgissent donc, entre 1530 et 1560, de manière discontinue pour éveiller les chrétiens à la conversion en leur montrant et en leur désignant l’immondicité du culte romain. C’est-à-dire qu’en arrière-plan de la symbolique de cette folie qui n’est plus dissimulée puisqu’elle devient lisible grâce à des mots lancés, des gestes accomplis, le langage ouvre sur une annonce : une bonne nouvelle : est en œuvre la restitution de l’Évangile qui ne peut qu’être sous peu accomplie. Un providentialisme explique ces mots et ces gestes de défi symbolique. Le temps vient, inexorablement, d’un monde renouvelé. Et il ne faut plus se contenter de dire que la maladie est présente dans le monde humain.
Un temps de guérison du mal : la grande espérance des années 1560-70
22Il ne suffit plus donc de dire que la folie est identifiée, il faut désormais l’éradiquer pour que la volonté de Dieu s’accomplisse. L’histoire doit passer par le temps d’une guérison et trois motifs sont valorisés pour signifier que cette guérison est en œuvre : le motif d’une libération providentielle tout d’abord, celui d’une réappropriation du monde humain à un Dieu parlant désormais par l’Évangile, celui enfin d’une violence qui apparaît comme le seul remède possible...
Une libération providentielle ou le départ de la Messe papale
23Sur le plan de la symbolique, la montée en force des violences n’est pas sans traduire une tension renouvelée de participation à une histoire providentielle qui doit voir le mal de l’infidélité romaine disparaître. Cette disparition doit être mise en œuvre par les fidèles de l’Évangile selon des agencements rituels signifiant le passage vers un monde nouveau. L’urgence d’une conversion.
24Les violences huguenotes peuvent s’interpréter comme des violences ritualisées, imposées ou planifiées méthodiquement afin d’assurer, pour la plus grande glorification du Dieu de l’Évangile, un mouvement de l’histoire vers une durée de réconciliation des chrétiens avec Dieu. Elles visent à faire participer enfin le monde humain de l’irrépressible puissance d’une Vérité redécouverte qui ne peut que l’emporter irrésistiblement sur les illusions et les tromperies papistiques. La violence est donc agie rationnellement parce qu’elle participe de l’imaginaire optimiste d’un temps durant lequel se reconstituera un âge d’Alliance. Elle épargne dans une première phase les corps : le sang catholique, même celui des prêtres auxquels l’exil est proposé dans les premières villes conquises en 1562, ne coule d’abord que peu, le temps doit faire son œuvre, c’est dans son cours ouvert que sera parachevée la conquête des âmes égarées. Si l’Évangile peut être donné à connaître à chacun sans que subsiste désormais le potentiel de tromperie et de séduction diaboliques de l’Église romaine et de ses prêtres et moines, il ne pourra que s’imposer à eux triomphalement. C’est pour cette raison qu’il faut, comme l’exprime un libelle lyonnais de 1562, faire un « monde nouveau ».
25Pour donner une plus grande visibilité à la violence par laquelle l’ordre des hommes est enfin réapproprié à Dieu par l’effet de l’élimination de la souillure romaine, la violence déborde hors des lieux saints qui sont purifiés des idoles, autels, vitraux, jubés, tapisseries, dans une sorte de théâtre ouvert qui n’est pas sans rappeler les Mystères de la fin du xve siècle et du début du xvie siècle. Des rituels de libération, ayant pour sphère de mise en représentation l’espace de vie même des hommes, sont théâtralisés : tel celui consistant à faire monter un prêtre à l’envers sur une mule, à lui mettre la queue de la bête dans la main, à le promener aux côtés d’hommes en armes qui portent au bout de leurs piques l’un un missel, l’autre une hostie consacrée, le dernier des ornements liturgiques, les signes de l’adultère avec Dieu. Puis la parodie de procession ou de charivari s’achève sur la place publique où le prêtre, descendu de sa monture, doit se déshabiller, jeter dans un bûcher ses vêtements sacerdotaux et les autres objets qui l’ont accompagné, avant de quitter l’espace de la ville ou du village36. C’est ici le départ de la messe, hors de l’espace rendu à la vérité évangélique, qui est symboliquement représenté dans le croisement avec la culture carnavalesque. La symbolique carnavalesque de l’expulsion du mal de l’année passée est ici mise en scène pour précisément faire savoir que le mal s’en va du monde, que le monde est en instance d’être guéri et donc libéré de cette terrible maladie qui lui a fait durant des siècles ignorer ou mépriser ou encore haïr, sans le savoir, Dieu. Il ne s’agit plus de tracer dans l’espace des signes de la folie papiste et de les montrer, mais au contraire de faire disparaître les signes de l’offense à Dieu. Et de montrer publiquement cette disparition, ce qui nécessite une sortie de la violence hors des lieux saints dans lesquelles elle s’est souvent tout d’abord activée.
26À Rouen, collectif est le rite de travestissement dans le cours duquel la rupture avec la maladie est dramatisée. C’est la ville militante de Christ qui s’habille en messe et qui va comme faire mourir la messe ; car après une sortie dans la campagne qui avait pour objet de purger de l’idolâtrie les églises environnantes, les militants huguenots font leur rentrée en ville comme si la messe rentrait avec eux, dans un drame liturgique qui a le sens de parodie d’un enterrement : « les uns avoient de chasubles vestues, et tenoient des calices qu’ils avoient pris aux dites Églises ». D’autres, revêtus d’aubes, portent des encensoirs, des custodes, des clochettes, des croix. D’autres enfin ont à la main du « pain, de la sorte qu’on le sacre dans les esglises ». Un long cadavre animé méandre par la ville comme dirigé vers un tombeau imaginaire. Il signifie le néant de la messe, dans une avancée rythmée par des blasphèmes que le narrateur catholique rapporte « si enormes que j’aurois horreur de les reciter ». Les cris toutefois prouvent qu’il s’agit bien d’une parodie de cortège funèbre : « [...] Voicy le trespassement de la messe [...] Voicy l’abollition de la messe ». La messe qui rentre et défile en ville est la messe vaincue, elle annonce la victoire de la Vérité sur l’erreur et l’apparence. Elle est aussi la figure d’un temps passé et désormais trépassé. C’est toute la ville ainsi qui semble devenue un espace saint, dans la parodie, pour sortir précisément d’une illusion de sainteté quand les hommes viennent jusqu’à la place de la cathédrale et jettent à terre objets liturgiques et hosties et les brûlent publiquement37.
27La messe, loin de promouvoir une adoration spirituelle de la gloire incommensurable de Dieu, excite les passions de l’homme, elle est dite la « macquerelle » de « dame Venus » dont le prêtre est le serviteur zélé38. Comme dans un charivari ou dans un simulacre d’exécution carnavalesque, les preuves de l’adultère et du vice sont exhibées sur le prêtre qui chevauche l’âne à l’envers. Parce qu’il est adultère avec la messe qui lui fait vénérer un dieu de pâte, Jehan le Blanc, une hostie est collée sur son front ; parce qu’il est adultère avec l’Antéchrist romain et avec un pouvoir qui est usurpé, des bulles sont attachées sur ses épaules, et parce qu’il est adultère avec une liturgie fausse l’empêchant de suivre le vrai témoignage de la miséricorde divine qu’est la Parole de Dieu, un fidèle de l’Évangile marche rituellement à côté de l’âne en tenant une hallebarde sur la pointe de laquelle un missel a été fiché. Le cortège poursuit dans sa progression symbolique. Il va jusqu’à la place publique de Montauban, lieu de la sanction où le prêtre, descendu de son âne, quitte le monde à l’envers et sort de son univers de farce et de paillardise en brûlant lui-même ses vêtements liturgiques, en foulant aux pieds le calice et l’hostie, « et de là sans qu’on lui eust fait autre mal quelconque s’en alla de son gré ouïr le sermon » – selon Théodore de Bèze qui dénie toute vérité à une tradition catholique avançant qu’il fut éventré et que ses boyaux furent vendus publiquement39.
28Quand la guerre a commencé et quand les réformés en viennent à assumer de non plus seulement exterminer la messe mais aussi ceux qui en assurent la pérennité malgré la volonté providentielle de Dieu, les « razés », le rire peut exiger une issue rituelle dramatique. À Caylus, dès le mois d’avril 1562, le prêtre maître Guilhem Laché se voit entraîné par des arquebusiers et des hallebardiers dans une ronde qui lui fait suivre l’itinéraire des criminels condamnés à mort, revêtu de ses habits sacerdotaux, « et entr’autres d’une belle chape en velours rouge toute neuve ». Enfin, il est ramené dans le sanctuaire, comme s’il s’agissait, selon le rituel de la justice royale, de le punir là où exactement il a accompli un crime à l’égard de Dieu. L’église devient, ici, un lieu d’exécution capitale, témoignage de sa désacralisation, mais surtout en parodie des rituels qui voulaient que le condamné subisse sur le lieu même de la profanation accomplie l’ablation de la langue ou le sectionnement du bras ; il est mis à mort de plusieurs coups d’arquebuse, alors qu’il avait été emmené jusqu’au grand autel de la grande église et qu’on lui avait fait commencer de dire la messe40. La messe, comme carême-prenant qui finissait brûlé pour signifier qu’il en était fini des péchés de l’année achevée et qu’un nouveau cycle annuelle recommençait, meurt au moment où le rire a fait tomber le masque qui cachait sa nature impure et criminelle ; et peut s’ouvrir en conséquence un temps neuf et pur. La dérision apparaît donc conditionnelle de l’agencement symbolique du basculement dans le temps purifié du règne de l’Évangile.
29Dans d’autres exemples dans lesquels on retrouve le motif de la sortie de l’abomination hors du sanctuaire et de sa fin, c’est enfin le Dieu même de la messe que la violence pourfend directement, entrant dans la représentation enchantée des catholiques pour mieux signifier qu’un Dieu qui est corporel est un Dieu que les hommes doivent détruire : parodie d’exécution à Angers, où un pâtissier transperce Jehan le blanc, le Dieu de pâte, de la partie affutée de sa pertuisane, et à La Rochefoucauld où, le vendredi saint 1568, les huguenots enclouent une hostie à une potence située au grand carrefour de la ville41. Symbole de ce que le Dieu de pâte, pour avoir jusqu’alors agif comme un criminel en détournant la ville de la vraie foi devait, au cœur de cette même ville, doit subir le châtiment de son crime. Cette ritualisation toutefois relève de multiples cas de figure qui sont étroitement liés aux conditions historiques même qui président à l’action des violents et qui toutefois font des lieux saints les centres de la tension violente.
30En conséquence, lorsqu’une ville est conquise à l’Évangile par une armée protestante, soit par assaut, soit par ouverture des portes à l’initiative d’un groupe militant sympathisant, soit encore par subversion interne, les soldats ou les fidèles de l’Évangile procèdent à une avancée à travers les rues jusqu’au sanctuaire principal qui aussitôt subit l’iconoclasme. La violence est symbolique, alors, d’une réconciliation : les images sont brûlées, brisées, maculées d’ordures, parfois après avoir subi des rituels de dérision invitant le saint à faire sur lui-même le miracle que l’imaginaire catholique lui attribue. Mais, primordialement, il s’agit de mettre en scène la thématique d’une impuissance naturelle de ce qui n’est que matière et a été fabriqué par les mains pécheresses d’homme. Il s’agit de proclamer qu’à la folie des hommes succède enfin la seule gloire d’un Dieu miséricordieux. Et, comme Olivier Christin l’a noté, il n’est pas indifférent de constater que les iconoclastes s’attaquent avec prédilection aux jugements derniers et à l’imaginaire eschatologique qu’ils mettent en scène. L’accomplissement du règne de l’Évangile passe par la négation d’une angoisse eschatologique dont Calvin avait dit qu’elle relevait de la présomption humaine. Le règne de l’Évangile, dans le rire libérateur de ceux qui mettent à bas l’ordre ancien de l’Antéchrist romain, est un règne de foi sereine.
Une réappropriation à Dieu ne parlant que par l’Évangile
31Des modalités diverses jouent dans ce basculement vers une restitution du monde humain à Dieu. À Montpellier, le Magistrat donne, en quelque sorte, son aval à l’appropriation réformée d’un lieu cultuel, parce que le premier consul est présent parmi les huguenots qui, le 24 septembre 1561 au matin, se ruent lors de l’ouverture des portes de Notre-Dame pour réclamer qu’on leur laisse faire le prêche à l’intérieur pendant une heure. Les prêtres refusent d’obtempérer, mais toute résistance leur est interdite par la puissance même de l’attroupement qui regroupe jusqu’à trois mille personnes. Le sanctuaire est investi et le premier consul met aussitôt sous séquestre le mobilier et les reliquaires42. On ne sait pas comment il est ensuite procédé : les reliques sont-elles détruites immédiatement, ou seulement lorsque l’or et l’argent sont fondus. Moins d’un mois plus tard, le lundi 20 octobre, une sédition aboutit à l’éradication, par l’espace de toute la ville, de l’idolâtrie.
32À Rouen, c’est l’effet d’entraînement de l’iconoclasme orléanais qui semble avoir joué, rencontrant une disponibilité collective. La ville tombe dans le camp condéen le 15 avril ; « de bonne heure », selon les formes que les calvinistes cherchent comme à préserver, inventaire est fait des trésors des églises. Le vendredi 1er mai seulement, à la nuit, des « incognus » profitent de l’obscurité pour venir ruiner les images et autels de trois églises situées hors de l’enceinte de la ville et donc dans un secteur plus sujet à l’agression, Saint-Nicaise, Saint-Gervais et Saint-Aignan. Ce n’est qu’un début, l’indice d’une pression de la base militante urbaine. Malgré les exhortations des autorités, le dimanche 3 mai, entre dix et onze heures, « ilz s’assemblèrent par diverses bandes » qui forcent successivement les portes de toutes les églises paroissiales et conventuelles43. « Ilz » envahissent la cathédrale dans laquelle était dite la grand messe dominicale, rompant les images « par grande viollence », les chanoines ayant tenté sans succès de se barricader dans le chœur. Toutes les croix de la ville et les images sur les portails des églises et sur les maisons sont cassées. Le lundi, les représentations de bois, les livres, les tapisseries, les coffres, les bancs et les stalles des églises sont brûlés. Puis la purification de la ville touche les intérieurs des demeures, dans un souci d’éradication absolu et de coupure avec un temps dont aucun vestige ou aucune trace ne doit subsister : « allèrent par toutes les maisons cherchans les ymages qu’ilz rompirent et les emporterent aux feux allumez par les rues, tous les ecclesiastiques estans si esperduz de la fureur du peuple que la pluspart s’enfuirent cedict jour hors la ville ». Le 8 juillet enfin et surtout, à l’issue de l’inventaire des joyaux et reliquaires qui avaient précédemment été entreposés à l’archevêché, la furie iconoclaste est encore active dans une violence symbolique d’une rupture de la ville-entité civique avec son patronage sacral, mais qui est finalement assez tardive : « gectèrent les ossementz et relicquaires du corps St Romain [...] et les feirent brusler en ung feu estant en ladicte esglise44 ». La cérémonie de crémation du corps du saint patron de la ville, ici, solennise comme l’achèvement de la durée de purification au cours duquel le procès de la Messe a été réalisé. Elle vient comme dire que le temps des superstitions est clos, que l’espace de la cité est désormais voué au seul amour spirituel de Dieu, alors qu’on devine qu’ailleurs elle a ouvert la séquence de purification. Mais il en ressort qu’elle est une cible privilégiée.
33Ce qui transparaît immédiatement, c’est que donc le travail des hommes de foi est un travail de destruction sémiologique ou linguistique. À la différence des militants catholiques qui, à partir de leur action, créent des signes sur les corps martyrisés des ennemis de Dieu, les protestants se vouent à abolir des signes qu’ils perçoivent comme autant d’offenses à Dieu, entravant la possibilité de faire revivre l’Alliance entre Dieu et son peuple. Le Dieu catholique, Dieu immanent présent réellement dans le sacrifice eucharistique, semble exiger alors un lien avec l’espace de vie des hommes à travers la production de signes manifestant l’éradication du mal, tandis que le Dieu calviniste, présent spirituellement et subjectivement dans la Cène, voit sa gloire honorée précisément dans un processus de destruction des signes qui est la condition une et unique d’un règne évangélique. Dans ce cadre, les images peuvent être traînées à travers la ville, subir un simulacre d’exécution capitale avec décapitation, comme pour signifier qu’il y a eu crime, dans cette dimension vivante conférée par la croyance en une virtus divina, à l’égard de Dieu, mais aussi à l’égard des hommes dont elles ont perdu les âmes à Dieu.
34Mais ce refus d’un langage traditionnel des signes ne signifie pas que la relation à l’espace ne soit pas une relation de langage. Détruire les signes de l’abomination papiste, c’est parler de ce qui est contraire aux commandements divins, c’est dire que Dieu est pure spiritualité et que tout ce qui émane de l’imagination humaine est offense, profanation, péché. Adorer et faire adorer les images, les corps saints et les reliques, c’est transférer aux yeux de Calvin dans un « ailleurs » un honneur seulement dû au Christ, jusqu’à les disposer au plus haut et plus visible des autels pour que tous les regards et tous les désirs se focalisent sur eux. C’est être dans la « phantasie » qui est un sacrilège, parce qu’elle détourne du Dieu vivant, l’Évangile, en se laissant aller à adorer des « créatures mortes et insensibles ». Le langage de la dénonciation repose sur une assimilation olfactive que la symbolique des violents actualise. Le péché de l’homme est puant pour Calvin. Le culte des reliques, qui marque la domination du péché, est puant. Les reliques puent parce qu’elles profanent la grandeur de l’éternité du Christ. Calvin tourne en dérision la dévotion catholique qui, pour lui, concrétise l’univers de l’apparence et de la supercherie dans lequel les catholiques sont immergés. L’adoration est profanation parce qu’adoration dans les reliques de créatures mortes qui nient, dans la mort même, la gloire éternellement vivante du Dieu vivant. De là découle que, bien souvent, les reliques ou les corps saints sont jetés aux ordures, rejoignant ce qu’ils sont par derrière les apparences dont le péché humain les a parés.
35Et la violence des hommes se fond dans le langage même de Dieu dont Calvin s’était fait l’interprète ou le truchement.
La violence comme remède
36La destruction des reliques comme des images est l’instrument de cette guérison symbolique sur laquelle se fondent les pratiques violentes, la médecine tant attendue. Le théâtre de la violence est un théâtre thérapeutique, une dynamique qui conforte la conversion tout en l’inaugurant. Redisons-le. Le règne de l’inversion ou de la folie est providentiellement parvenu à son terme en même temps que la Vérité a été rendue aux hommes. L’homme, qui vénère les sacralités de l’Église romaine, vit dans le mal sans le savoir, il vit dans une violence inconsciente puisqu’il est conduit à agresser en tous les instants de sa vie la puissance de Dieu. Il s’agit de clore une histoire qui a pris naissance jadis et qui a imposé un ordre de folie aux hommes. La violence est le remède tant attendu. Les violents commencent alors par les reliques du saint patron protecteur de la cité, comme pour rompre avec un passé qui a plongé les hommes dans l’idolâtrie et la folie. Lors de la prise de Barjols par les comtes de Tende et de Crussol le 6 mars 1562, les reliques des saints, dont celle de Marcel, évêque de Die, sont par exemple jetées dans la rue, avant d’être brûlées. La désacralisation des corps saints, tout en ayant son propre champs signifiant, n’en est donc pas moins souvent intégrée dans une action de destruction globale qui vise à faire disparaître de l’espace la pollution.
37Le traitement que ces ossa sacra subissent est fondamentalement destiné à parler de leur vérité cachée. Ils sont créations du péché, ils sont ordure, rien qu’ordure, néant. Et le néant revient au néant. C’est le premier motif analysé précédemment qui paraît régir l’action des réformés, lui donner sa culture gestuelle et symbolique. Le rituel de désacralisation consiste donc, logiquement, pour rétablir un ordre de la raison, à mettre les corps saints au contact de ce qu’ils sont par-delà les apparences, par-delà les simulacres dont les prêtres les ont recouverts. Quand, en janvier 1563, Coligny prend la petite ville de Selles, la tête-reliquaire de saint Eusice est jetée ainsi dans une fosse d’aisances45. Encore le 22 février 1574, quand Sarlat tombe aux mains des huguenots, le corps de saint Sacerdos est abandonné à la voirie46. L’identification à l’ordure « puante » énoncée par Calvin, exprimée aussi dans les Satyres Chrestiennes de la cuisine papale à propos des « vents de fausses doctrines » qui exhalent à travers les reliquaires le « musc de latrines »47, se retrouve dans la bouche du cordonnier demeurant à Saint-Denis, Pierre Delahaye ; sur la foi de dépositions de témoins, le Parlement de Paris le condamne le 23 septembre 1563 à faire amende honorable et à douze livres d’amende : « Dauant à la Saincte Larme, a dict qu’il avoyt dict qu’elle sentoit meilleure que ung chien qui estoit mort ».
38Mais il y a là plus qu’une simple pratique orale ou gestuelle de l’assimilation à l’impur, qui viserait à proclamer que les rites de baiser et de toucher étaient des rites de baiser et de toucher de l’immonde. La sainteté est une fama qu’il faut avant tout réduire à néant pour qu’elle cesse d’exercer son pouvoir attractif, elle est une fama dont il faut de toute urgence rendre manifeste la fiction entretenue par les prêtres et moines48. C’est-à-dire que la médecine huguenote procède par voie duale et se cible sur le contenu même de la dévotion catholique : elle évoque certes directement l’ordure de l’homme qui ose adorer la Majesté divine, infiniment grande et infiniment pure, à travers une création de son imagination et donc de son péché, à travers son ordure même. Mais en même temps, elle s’attaque dans sa ritualisation à toute une stratification de croyances supportant la quête des suffrages des saints et contre laquelle la doctrine calvinienne avait elle-même façonné son contre-langage : d’abord, il faut le souligner, vient la croyance que les corps saints peuvent émettre une « odeur de suavité propre à dissiper la corruption du péché »49, une odeur exprimant la continuation d’une vie dans le corps même et donc une vertu sacrée50.
39La violence se fait donc exposé doctrinal de la sola fide se nourrissant de la sola scriptura, utilisant la rhétorique catholique des signes pour la détruire de l’intérieur : elle dit qu’il y a superstition, et elle rend la superstition perceptible à travers une scénographie qu’elle agence et qui est censée rompre le charme diabolique de la fable olfactive des corps saints. À cette didactique qui s’adresse à l’odorat, s’ajoute une pédagogie de la supercherie visant alors le regard et le toucher. À Sancerre, le tombeau de saint Rouille, qui de plus avait réputation de guérir les fous, est proclamé révélateur du règne de folie qu’a été le règne de l’Église papale : « lequel sepulchre ouvert on ne trouva rien dedans que deux grosses pierres blanches enveloppées de vieux morceaux de soye comme de taffetas, avec force crottes de souris51 ». À Mâcon, les iconoclastes mélangent les reliques saintes avec des os d’animaux avant de les faire tomber dans une citerne, dans le but de rendre manifeste le scandale d’un culte qui fait adorer l’abomination de la matière et confond l’âme avec le corps, Dieu avec la bête52. À Lisieux, après que le capitaine Fervaques a fait déterrer et forcer la grande fierte, l’ouverture des sacs contenant les ossements de saint Ursin occasionne une dérision démythifiante qui, probablement, est destinée à évoquer la vertu miraculeuse attribuée au corps saint, devenu un corps animal, par effet de ce qui apparaît une parodie de miracle : « Voila des os de cheval ! et les autres disoient que c’estoient des os de chien et de mouton53 ». Les mêmes mots et les mêmes gestes reviennent, et surtout perce l’exigence d’une exhibition de l’impureté, de la théâtralisation de ce qui semble bien avoir été pensé par les acteurs de la profanation comme un miracle à l’envers. La ville de Montauban se purifie également des signes de l’abomination, quand les reliquaires sont ouverts « publiquement » et que les précieuses reliques sont « monstrées » au peuple, « où se trouvèrent des os de chevaux et autres bestes [...] » Plus fort encore dans l’animalisation du corps saint est le traitement réservé au corps de saint Fulcran qui aurait été traîné par les rues, démembré avant que ses débris soient comme mis en vente chez les bouchers de la ville54.
40Mais cet imaginaire d’une maladie dont il faut guérir le monde est encore actif au plus fort quand, de la guerre aux idoles, les huguenots passent à la guerre aux « rasés », les prêtres serviteurs de Lucifer et persécuteurs de Jésus Christ, les « prestres bourreaux » du Fils de Dieu. Ce sont eux qui deviennent, comme lors de la prise de Mortagne en mars 1563, « la cause de tout le mal » et et qui s’étant réfugiés dans un clocher, « en descendirent autrement qu’ils en estoient montez »55. Deux prêtres pendus, selon Georges Bosquet, au clocher d’une église de Lavaur et quatre cordeliers tués ; le père gardien du couvent est mis à mort, dont le nez est mutilé ; ses testicules sont « fichées en sa chaste et vénérable bouche », tandis que sa verge est attachée à sa main droite, « appelé hypocrite en haine de la piété et religion56. Le châtiment le plus fréquemment appliqué est la pendaison, parce qu’infamante. Lors du deuxième sac de Mâcon par les huguenots, en septembre 1562, le prieur des Jacobins est étranglé avec un licol ; mais surtout le gardien des Cordeliers fait, comme un criminel, la corde au cou, un tour de ville macabre qui, par une succession de stations mutilatrices, le punit des forfaits dont il s’est rendu coupable devant Dieu et les hommes – fornication et luxure dans le culte d’un Dieu identifié à Baal : il a l’oreille droite sectionnée à la porte Saint-Antoine, la gauche à la porte de la Barre ; à la porte de Bourgneuf, le bout des doigts est coupé. Ensuite, il a le nez mutilé dans la cour de la prévôté, des flammes lui lèchent les jambes sur la place de l’ancien marché. Enfin, il est châtré sur le pont sur la Saône et ses parties honteuses sont lancées dans la rivière. Il s’agit de mutilations qui concernent traditionnellement les prostituées, les profanateurs et qui pourraient avoir le sens d’évoquer, précisément, les lépreux aux visages rongés par la maladie... Des mutilations qui se rapportent à ce qui qualifie, dans les pièces poétiques ou les libelles huguenots, les clercs : ils sont la lèpre ou la « peste du monde », la maladie la plus dangereuse qui court parmi les humains et qui est la plus meurtrière des âmes. Pour cette raison, ils doivent tous mourir pour qu’avec eux disparaissent le mal et que Babylone aussi ne soit plus. Pour que la conversion advienne.
41Il faudrait cependant conclure en isolant une certaine particularité de ces procédés de symbolisation auxquels recourent les fidèles de l’Évangile, avant ou après 1562, dans les deux séquences d’annonce et d’accomplissement de l’Évangile succédant au règne de la chair. Les coupables sont parfois comme mis face à ce par quoi ils entretenaient ce règne de la chair : les images et les reliques de la collégiale Saint-Étienne sont brûlées en la présence des prêtres eux-mêmes, dans un grand rituel de glorification de Dieu, les enfants chantant « à haute voix les commandements de Dieu », ce qui est « une très parfaicte reigle de toute justice, laquelle par bonne rayson on peult appeler l’eternelle volunté du Seigneur ». Le vocable « rayson » est ici, bien évidemment, à isoler. Il y a une raison des gestes et des mots de ceux qui veulent participer de la mise à bas providentielle de l’Antéchrist romain et cette raison est l’Évangile. Une raison qui guide alors les religionnaires et qui n’est pas sans déterminer l’application de modalités spécifiques de symbolisation gravitant autour de l’image d’une maladie qui est une folie à Dieu. Cette maladie exige un traitement qui va de la nomination à l’éradication et qui use des mécanismes signifiants du carnaval. Si le rire, nécessairement, accompagne l’acte de désignation puis de destruction du mal, c’est parce qu’il faut mettre en scène la « farce » de l’Église papale, la faire jouer pour qu’après cette théâtralisation un temps nouveau de Vérité puisse naître ou renaître. De même que, dans les jours de carnaval, il était d’habitude de jeter de l’ordure sur les visages des hommes, de les « crotter », pour les faire participer de l’inversion des valeurs à travers le haut de leur corps rabaissé au niveau de son bas, en les inversant eux-mêmes dans l’inversion du monde nécessaire à un renouvellement de la durée, de même à Mâcon en 1562 les protestants processionnent, habillés des ornements sacerdotaux qu’ils ont pillés dans les églises. L’un, précisément, porte des reliques, l’autre une croix, l’autre un bénitier rempli d’urine dont il asperge les visages des catholiques rencontrés57. Il s’agit de rituels qui proviennent du registre de la folie carnavalesque et qui tendent à traiter par la folie ce qui est de l’ordre de la folie d’hommes qui s’imaginent que Dieu peut être corps ou matière. À Grenoble encore, les soldats miment encore une procession en portant des reliques, dont le corps de saint Hugues et la tête de saint Vincent qui sont finalement brûlés sur la place de la cathédrale58. Leur procession parodique se confond avec un convoi funèbre : la superstition parachève sa mort dans le brasier. Mais le jeu de folie doit, une fois qu’il a été joué, s’achever parce que, quand il s’achève, c’est le règne de l’Évangile qui débute. C’est du moins ce à quoi rêvaient ces hommes et ces femmes remplis d’un optimisme providentialiste, avant que les effets de la répression et de la violence catholiques ne leur redonnent à penser que les malheurs demeurent ce par quoi Dieu éprouve les siens...
Notes de bas de page
1 Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique des Églises reformées au Royaume de France..., De l’Imprimerie de Jean Remy, I, Anvers, 1580, p. 57.
2 C. Haton, Mémoires contenant le récit des événements accomplis de 1553 à 1587, principalement dans la Champagne et la Brie, éd. F. Bourquelot, I, Paris, 1957, p. 19.
3 E. Gaullieur, Histoire de la Réformation à Bordeaux et dans le ressort du Parlement de Guyenne, I, Les origines et la première guerre de Religion jusqu’à la paix d’Amboise (1523-1563), Paris, 1884, p. 110-111.
4 Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique... cité n. 1, I, p. 93.
5 G. Huppert, Classes dangereuses, école et Réforme en France 1530-1560, dans B. Chevalier et R. Sauzet (dir.), Les Réformes Enracinement socio-culturel, XXe colloque d’études humanistes, Tours, 1-13 juillet 1982, Paris, 1985, p. 209-217.
6 Th. de Bèze, Histoire ecclesiastique... cité n. 1, I, p. 28.
7 Cité in D. Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de Religion vers 1525-vers 1610, Seyssel, 2 vol., I, 1990, p. 496.
8 J. de Metivier, Chronique du Parlement de Bordeaux..., éd. A. de Brezetz et J. Delpit, Bordeaux, 1887.
9 Voir l’estampe reproduite dans P. Benedict, Rouen during the Wars of Religion, Cambridge, 1981, p. 55, « Le renversement de la grande marmite ».
10 J. Pannier, Études historiques sur les églises réformées de Picardie-Laon et Crépy. Origines de la Réforme dans le Laonnais, dans B.S.H.P.F., 74, 1925, p. 227 s.
11 L. de Perussiis, Discours des guerres du comté de Venayscin et de la Provence. Ensemble quelques incidentz, imprimé en Avignon par Pierre Roux, Avignon, 1563, p. 503.
12 J. Le Vasseur, Annales de l’Église de Noyon jadis dite de Vermand, III, Paris, 1633, p. 1173.
13 J. Pillard, Mémoires de ce qui s’est passé dans la ville de La Rochefoucauld du temps des troubles de religion, E. Castaigne éd., Angoulême, 1853, p. 4.
14 Relation de ce qui s’est passé à Rouen, pendant les troubles arrivés l’an 1562, au sujet des Calvinistes ; dont le manuscrit a été communiqué par le sieur Pellehaistre, bibliothécaire de la Cathédrale de Rouen, éd. A. Pottier, Rouen, 1837, p. 7-8.
15 J. Burel, Mémoires de Jean Burel journal d’un bourgeois du Puy à l’époque des Guerres de religion publiés et annotés par A. Chassaing, 2 t., I, éd. B. et P. Rivet, Saint-Vidal, 1983, p. 9.
16 Ibid., I, p. 461.
17 Relation [...] Rouen... cité n. 14, p. 6.
18 N. Zemon Davis, Les rites de violence, dans Les cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au xvie siècle, Paris, 1979, p. 259.
19 P. Viret, La Physique papale, faite par maniere de devis et les tiltres des dialogues, Genève, De l’imprimerie de Jean Gerard, 1552, p. 337.
20 J. Burel, Mémoires... cité n. 15, I, p. 9.
21 J. Gueraud, La chronique lyonnaise, 1536-1562, éd. J. Tricou, Lyon, 1929, p. 65.
22 Père B. de Saint-Amable, Histoire de Saint-Martial apôtre des Gaules et principalement de L’Aquitaine et du Limousin, III, Limoges, 1685, p. 780.
23 Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique... cité n. 1, I, p. 197.
24 N. Weiss, Épisode de la réforme à Paris. Une victime inconnue sous Henri II (Jean Thuret, 11 décembre 1550), dans B.S.H.P.F., 35, 1886, p. 97-111.
25 O. Christin, Une révolution symbolique. L’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, 1991, p. 25.
26 P.-J. Grosley, Mémoires historiques et critiques pour l’histoire de Troyes, II, Paris, 1774-1812, p. 128.
27 D. Crouzet, Les guerriers de Dieu... cité n. 7, I, p. 576.
28 E. Gaullieur, Histoire de la Réformation... cité n. 3, I, p. 171-172.
29 O. Christin, Une révolution symbolique... cité n. 25, p. 147.
30 Ibid., p. 174.
31 J. Calvin, Institution de la Religion chrestienne, éd. J. Pannier, 2 t., I, Paris, 1936, Livre I, chap. XI.
32 Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique... cité n. 1, I, p. 599.
33 Ibid., I, p. 353.
34 D. El Kenz, Les bûchers du roi. La culture protestante des martyrs (15231572), Seyssel, 1997, p. 125-132 et 145.
35 Cité in S. Deyon et A. Lottin, Les « Casseurs » de l’été 1566. L’iconoclasme dans le Nord, Paris, 1981, p. 126-128.
36 F. le Maire, Histoire et antiquitez de la ville et duché d’Orléans, Orléans, 1645, p. 341.
37 H. Hauser, Petits livres du xvie siècle, dans Études sur la Réforme française, Paris, 1909, p. 293.
38 L’adieu de la Messe à Lyon, dans ibid., XIII, p. 359.
39 Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique... cité n. 1, III, p. 849.
40 Abbé Galabert, Documents inédits sur l’histoire de Caylus. Chronique manuscrite anonyme du xviie siècle, dans Bulletin archéologique et historique de la société archéologique du Tarn-et-Garonne, 7, 1879, p. 21-22.
41 J. Pillard, Mémoires de ce qui s’est passé dans la ville de La Rochefoucauld du temps des troubles de religion, éd. E. Castaigne, Angoulême, 1853, p. 10.
42 Cl. Devic-J. Vaissette, Histoire générale du Languedoc, XII, Toulouse, 1874-1905, p. 585.
43 Relation de ce qui s’est passé... cité n. 14, p. 198-199.
44 Ibid., p. 229.
45 Th. de Brimont, Le xvie siècle et la Réforme en Berry, 2 vol., I, Paris, 1905, p. 365.
46 J. Tarde, Les chroniques de Jean Tarde, chanoine théologal et vicaire général de Sarlat..., éd. G. de Gérard, Paris, 1887 p. 254.
47 [C. Badius], Satyres Chrestiennes de la cuisine papale, éd. G. Revilliod et J. G. Fick, Genèse, 1857, p. 50.
48 J. Paul, La perception du caractère populaire du fait religieux au début du xive siècle d’après l’enquête sur les miracles de Louis d’Anjou, dans La religion populaire. Paris 17-19 octobre 1977, Paris, 1979, p. 77-84.
49 Cité dans C. Vincent, Les confréries médiévales dans le royaume de France xiiie-xve siècle, Paris, 1994, p. 88.
50 A. Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques, Rome, 1981, p. 499-501.
51 Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique... cité n. 1, II, p. 513.
52 E. Dumonet, Histoire des révolutions de Mâcon sur le fait de la religion, Avignon, 1760, p. 49.
53 R. N. Sauvage, L’abbaye de Saint-Martin de Troarn au diocèse de Bayeux au seizième siècle, dans Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, 4e série, XXXIV, Caen, 1911, p. 58.
54 Cité dans O. Christin, Une révolution symbolique... cité n. 25, p. 134-135.
55 L. Voisin, sieur de La Popelinière, L’histoire de France, enrichie des plus notables occurrances survenues ez provinces de l’Europe et pays voisins, depuis l’an 1550 jusques à ces temps, [La Rochelle] de l’imprimerie par Abraham H., 2 t., I, 1581, p. 362.
56 G. Bosquet, Histoire sur les troubles advenus en la ville de Tolose, l’an 1562, le 17e may..., sur l’imprimé à Tolose, par Colomiez, Toulouse, 1595, p. 138-144.
57 E. Dumonet, Histoire des révolutions... cité n. 52, p. 55.
58 S. Gal, Grenoble au temps de la Ligue. Étude politique, sociale et religieuse d’une cité en crise (vers 1562-vers 1598), Grenoble, 2000, p. 193.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002