Introduction à la quatrième partie
p. 203-205
Texte intégral
1La quatrième partie s’intéresse à ce qui se déroulait sur la scène et met l’accent sur les ornements du spectacle que sont les machines et la danse. Elle attire également l’attention sur l’existence de sources musicales que l’historiographie a longtemps considérées comme marginales : les parties séparées, lesquelles se révèlent pourtant fondamentales si l’on veut comprendre les pratiques orchestrales de l’époque. Dans ces analyses, l’approche par le biais de la culture matérielle, entendue comme l’ensemble des objets cités dans les sources d’archives et considérés sous l’angle socio-culturel, se révèle efficace : elle fournit des indications sur les techniques de production de spectacles, la danse, les costumes, la machinerie et, plus globalement, sur les effets de mode et les évolutions de goût.
2De l’enquête dans les archives de famille émergent de nombreuses informations sur la danse telle qu’elle était enseignée et pratiquée au sein des demeures aristocratiques ainsi que dans les collèges qui formaient de nombreux rejetons de la noblesse romaine (Gloria Giordano). Pour atteindre à la sprezzatura, cette élégance nonchalante en laquelle Castiglione, dans le Cortegiano, voyait la forme suprême du comportement de l’homme de cour, rompu aux règles du savoir-vivre, les jeunes aristocrates, en particulier les petits pages, fréquemment appelés à intervenir dans les intermèdes des opéras, prenaient des leçons dispensées par des maîtres de danse qui se spécialisaient dans différents styles, à l’italienne, à la française, à l’espagnole. Ces renseignements revêtent d’autant plus d’importance pour la période que nous étudions, qu’en Italie, il n’existe aucun traité spécifiquement consacré à la danse, entre les traités de Cesare Negri et Fabrizio Caroso d’une part, dont les ultimes éditions datent respectivement de 1604 et de 1630, et celui de Giambattista Dufort, publié en 1728.
3La danse, essentielle pour le dynamisme de la représentation et sa réussite visuelle, comptait parmi les agréments majeurs des spectacles de l’époque. À la fin du XVIe siècle, en Italie, les chorégraphies destinées aux représentations théâtrales ou aux bals qui se déroulaient dans les salles des palais, ont donné lieu à des descriptions détaillées – c’est le cas par exemple du ballet théâtral exécuté sur le chœur final des Intermedi de la Pellegrina (1589), attribué à Emilio de’ Cavalieri, ou du ballet pour le divertissement des dames de Ferrare, Martel d’amore (1582), de Leone Tolosa. Au XVIIe siècle les informations sont réduites aux canevas succincts de danses qui émaillent les livrets. Il faut attendre les années 1720 pour qu’apparaissent les premières partitions chorégraphiques notées selon le système Beauchamp-Feuillet. L’étude de six opéras montés entre 1683 et 1688 sur le théâtre que le connétable Lorenzo Onofrio Colonna avait fait construire en 1681 dans son palais piazza dei Santi Apostoli, montre comment les documents d’archives, et en particulier les sources comptables, interprétés à la lumière des livrets des spectacles et des traités de scénographie d’alors, fournissent des indications précieuses pour nous représenter les diverses mises en scène de l’époque, qu’il s’agisse du nombre de danseurs sur scène, des costumes, des figures et des pas pour autant qu’on peut les reconstituer (Valeria De Lucca). Dans l’économie générale des spectacles, les danses n’étaient pas reléguées au rang de simples ornements : elles contribuaient à l’action dramatique, qu’elles paraient de leurs grâces subtiles et éphémères.
4Autre agrément des spectacles du temps : les machines, voleries et autres « feintes », ainsi que les jeux pyrotechniques, qui reposaient sur un arsenal technique éprouvé et un personnel de machinistes capable de les mettre en œuvre. Au tournant du siècle, les drammi per musica multipliaient les effets de merveilleux – nous dirions aujourd’hui les « effets spéciaux » –, qui cherchaient à éblouir les spectateurs : changements de décor, envols de divinités, déchaînement d’éléments naturels (mouvement de la mer, éclairs…) se succédaient sur la scène pour le plus grand plaisir de l’assistance. Pour les lettrés de l’époque, cette débauche d’effets, associée à un mélange des genres jugé peu régulier, jetait le discrédit sur l’opéra. L’Académie de l’Arcadia développa une réflexion qui conduisit à réaffirmer le primat de la poésie dramatique et de sa portée morale, au détriment des effets spectaculaires. Les opéras qui furent montés au théâtre Alibert et au théâtre Capranica entre 1700 et 1730 portent la trace de ces tensions, entre recherche d’utilité morale et enchantement du spectateur (Diana Blichmann). À travers l’étude de la programmation respective de ces hauts-lieux du théâtre, le croisement du paratexte des livrets, des partitions, des sources iconographiques et des traités de scénographie de l’époque met au jour la co-existence, sur les scènes romaines du début du XVIIIe siècle, de deux modèles spectaculaires différents.
5Dans le domaine de la musique orchestrale enfin, l’enquête sur les pratiques d’exécution a tout intérêt à englober des sources jugées généralement marginales telles les parties séparées – parti cavate, disait-on à l’époque – d’opéras, de cantates et d’oratorios qui ont parfois subsisté (Alexandra Nigito). Ces copies manuscrites, destinées à l’exécution, contiennent des renseignements précieux pour l’interprétation. La confrontation de vingt-sept manuscrits de provenance romaine, contenant les parties séparées d’œuvres musicales composées, entre 1685 et 1733, par des artistes tels qu’Alessandro Scarlatti, Arcangelo Corelli ou encore Pietro Paolo Bencini, avec les partitions qui ont été préservées permet de reconstruire les événements musicaux de façon plus complète. Par-delà l’intérêt philologique évident qu’un tel travail présente, il fournit des indications sur les effectifs instrumentaux. On parvient à déterminer avec plus de clarté les alternances des soli et des tutti. On comprend mieux le rôle de certains instruments (hautbois, contrebasse), dont l’intervention n’était pas précisée dans les partitions. On perçoit des évolutions importantes, qui témoignent de changements de goût, comme la disparition progressive du concertino – ce petit groupe d’instruments solistes qui, dans le concerto grosso, dialoguait avec l’orchestre – au profit de deux groupes bien distincts de premiers et de seconds violons. L’investigation est parachevée grâce à la découverte de nombreuses justifications de paiement qui concernent la copie de ces manuscrits et qui renseignent d’une part sur les compositeurs, les librettistes, le lieu et la date de composition des œuvres, les effectifs et les circonstances d’exécution, et, d’autre part, sur le profil du commanditaire, ses goûts musicaux et ses moyens financiers.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002