Introduction à la troisième partie
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Texte intégral
1Les événements-spectacles se déroulaient dans des lieux très divers, du théâtre bâti à l’installation scénique provisoire, d’une salle de palais aristocratique à celle d’un collège, sans oublier les places et les rues adjacentes aux demeures des grandes familles. Les arts vivants s’inséraient dans des espaces variés et parfois multifonctionnels, qui avaient des incidences fortes sur la composition du public et les conditions d’écoute. La présente section propose un itinéraire qui emmène le lecteur dans l’antichambre de l’appartement d’un palais cardinalice, puis dans un collège de la ville, lequel, avant de s’installer définitivement dans un palais où, quelques années plus tard, on construisit un théâtre en dur, expérimenta divers lieux de représentation, et enfin dans un théâtre indépendant qui ouvrit ses portes au début du XVIIIe siècle. Dans les trois cas l’analyse des archives comptables se révèle particulièrement fructueuse pour comprendre les pratiques de production de spectacles propres à chaque institution.
2Au premier étage du palais de la Cancelleria, situé non loin de la piazza Navona, le cardinal Ottoboni avait fait aménager en 1690 l’antichambre de son appartement afin qu’elle puisse accueillir des oratorios montés avec décor, lumières et machines (Teresa Chirico). Cette salle permit des expérimentations spatiales qui exploraient les potentialités théâtrales du genre de l’oratorio. Du processus de spatialisation de la musique grâce à la surélévation du plafond de la pièce qui permit de construire des estrades diverses afin d’y placer les musiciens et le public, et qui augmenta peut-être aussi la capacité de résonance du lieu, un ami du cardinal vénitien, le prince Francesco Maria Marescotti Ruspoli, allait se souvenir lorsque serait montée La Resurrezione de Händel pour la Pâques de 1708, dans la grande salle du premier étage du palais Bonelli (aujourd’hui Valentini).
3Parmi les collèges romains qui pouvaient apparaître comme des centres de production théâtrale satellites du mécénat aristocratique, figurait le collège Nazareno, fondé en 1630 par les Pères Scolopi (contraction de Scuole Pie, les Écoles Pies). Ces derniers louèrent divers édifices successifs avant de s’établir, en 1689, dans le palais légué par le cardinal Michelangelo Tonti, alla Chiavica del Bufalo, dans le Largo del Nazareno. Grâce à l’Académie des Incolti, fondée en 1658 pour permettre aux pensionnaires et aux jeunes diplômés de se perfectionner dans le domaine des belles-lettres, le collège entretint une activité théâtrale régulière et très variée, pour les fêtes religieuses mais aussi pour les cérémonies de fin d’étude et les visites de hauts personnages de la hiérarchie ecclésiastique (Aldo Roma). La reconstruction et l’étude des spectacles montés avant que le collège, au XVIIIe siècle, ne devienne un centre artistique actif et réputé, permet de situer la production théâtrale au sein des mécanismes de contrôle de l’ordre des Scolopi et de montrer comment l’institution s’aligna progressivement sur les pratiques qui prévalaient alors à Rome, notamment celles des Jésuites. Cette démarche met également en lumière les relations que le collège Nazareno entretenait avec certains mécènes, tel le cardinal Ottoboni qui participa à plusieurs spectacles, contribuant à leur financement, fournissant le livret ou encore agissant en qualité de corago – nous dirions aujourd’hui de metteur en scène.
4À l’instigation de l’aristocratie romaine, plusieurs salles de théâtre publiques, auxquelles on accédait par l’achat d’un billet, ouvrirent dans le dernier quart du XVIIe siècle. Le modèle du patriciat vénitien, qui avait su tirer grand profit de la construction de salles de théâtre, avait fait florès. Les représentations de l’opéra de Pietro Metastasio et de Leonardo Vinci, Artaserse, monté au théâtre Alibert pour le carnaval de l’année 1730, fournissent l’exemple d’une gestion entrepreneuriale audacieuse et indépendante, encouragée par le succès que les œuvres des compositeurs napolitains connaissaient alors à Rome (Giulia Veneziano). Grâce à une documentation d’une très grande richesse, il est possible de dégager le rôle actif que jouèrent les sociétaires du théâtre dans le choix de l’œuvre et de la distribution artistique, puis de montrer comment les familles aristocratiques, par le biais de la location des loges, subventionnaient la production. Il est finalement possible de reconstituer l’ensemble du processus de la production, placé sous la responsabilité d’un imprésario, Francesco Cavanna, de l’établissement des contrats des artistes et des artisans au paiement des frais de bouche et de logement des interprètes.
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Spectacles et performances artistiques à Rome (1644-1740)
Ce livre est cité par
- Carrió-Invernizzi, Diana . Gómez, Consuelo . Aterido, Ángel . Roe, Jeremy . (2022) Madrid as an urban nexus for seventeenth-century diplomacy. Culture & History Digital Journal, 11. DOI: 10.3989/chdj.2022.001
Spectacles et performances artistiques à Rome (1644-1740)
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