Chapitre 5. Forums Impériaux et Urbanisme trajanien
p. 229-260
Texte intégral
« À l’arrivée du Griffon et d’Alice, le Roi et la Reine de Cœur étaient assis sur leur trône, entourés d’une foule nombreuse composée de bêtes de toutes sortes, ainsi que des figures du jeu de cartes au complet. Le Valet, enchaîné, se tenait devant eux, encadré par deux soldats en armes ».
Lewis Caroll, Alice au pays des merveilles
(trad. H. Parisot)
1Après l’avènement de l’Optimus Princeps à l’Empire, le thème (sénatorial) du retour de la Libertas républicaine joua un rôle prépondérant, au moins au niveau rhétorique. C’est dans ce contexte idéologique que doivent être insérés la colonne Trajane et le Forum alentour, érigés pour la memoria de l’empereur. Le complexe trajanien clôturant la séquence des Forums impériaux, il a été conçu par rapport à eux : il conviendra donc de s’interroger sur les articulations décelables dans cet ensemble.
1 – LE MONUMENTUM DE TRAJAN
Les précédents romains
2S’interrogeant sur l’origine des colonnes historiées1, avec en arrière-plan la volonté de cerner la fonction de ce type de monument dont la colonne Trajane est le premier exemple, Giovanni Becatti conclut que cette forme architecturale « n’est pas à mettre en relation avec la tradition de la colonne votive, mais avec celle, typiquement romaine, de la colonne honorifique »2. Ce jugement s’appuie sur un passage célèbre de Pline l’Ancien : « Les colonnes étaient le symbole d’une élévation au-dessus du reste des mortels ; tel est aussi le sens des arcs de triomphe, invention récente »3. On peut mentionner à nouveau une épigramme d’Ennius : « Quelle statue, quelle colonne le peuple romain dressera, qu’elle témoigne de tes actions ? »4. Or, au pied du Capitole, sur le Champ de Mars, se trouvait, non loin du Forum de Trajan, le monumentum du consul C. Publicius Bibulus. Érigé dans la première moitié du ier siècle avant J.-C., il le fut honoris virtutisque causa, sur un locus donné par le Sénat et le peuple romain5. Liée plus encore à la colonne historiée, une colonne fut dressée à Rome en l’honneur de la pietas de Trajan, en 99 après J.-C. : on en a retrouvé la base, portant la dédicace ex Senatus Consulte6. On sait que le bouclier d’Auguste lui fut également offert, pour ses qualités7, par le Sénat et le Peuple. La dédicace de la colonne Trajane attribue également l’initiative du monument au Sénat et au peuple romain. Comme les monumenta précités, elle honore les actions de l’empereur8. La démarche, comme le texte de l’inscription, se veulent républicains. Déjà responsables du surnom Optimus Princeps9, le Sénat et le peuple romain apparaissent comme les témoins privilégiés des labores du Premier des citoyens. Or, selon le principe que le « vocabulaire » d’un objet de sens renseigne sur ses lecteurs espérés, on peut constater que la colonne Trajane se présente comme une œuvre officielle, élaborée en fonction d’un public qui attendait un discours de tonalité républicaine.
3L’objectif était cependant plus vaste. La colonne Trajane, comme le Forum, étaient inscrits dans un projet qui devait, à terme, anticiper sur l’apothéose de Trajan. La base en forme d’autel et l’ambiguïté de sa décoration, souvent soulignée10, étaient elles aussi voulues. Signes de Jupiter, la couronne de chêne et les aigles de la base sont communs au triomphe et à l’apothéose, et le règne de Trajan vit précisément la convergence des deux cérémonies11 : l’Optimus Princeps bénéficia, grâce à Hadrien, d’un triomphe posthume à valeur d’apothéose12. La colonne Trajane avait bien, dans la pensée de l’empereur, cette double fonction : à terme fonction funéraire, et dès l’origine monumentum de ses vertus13.
4Déplorant l’inachèvement du tombeau de Verginius Rufus, Pline le Jeune est très précis quant à la fonction d’un monumentum :
J’ai eu aussi le désir de voir son tombeau (monumentum) et le regret de l’avoir vu. Car il est encore inachevé [...]. Il vous prend une indignation mêlée d’attendrissement en face de ses restes et de sa cendre, après dix ans, oubliés, laissés là sans inscription, sans nom, tandis que son souvenir (memoria) remplit l’univers de sa gloire (orbem terrarum gloria). Et cependant il avait donné des ordres et pris des précautions pour que le grand acte de sa vie, divin et immortel (diuinum illud et immortale factum), présent à toutes les pensées, fut gravé dans ces vers : « Ici repose Rufus qui, jadis, vainqueur de Vindex, revendiqua l’Empire non pour lui, mais pour sa patrie ». Si rare est la fidélité des amis, si assuré l’oubli des morts, qu’il nous faut construire nos sépulcres de nos propres mains et nous rendre d’avance les devoirs des héritiers. Qui ne redouterait ce qui est arrivé sous nos yeux à Verginius ?14.
5La fonction d’un monumentum est bien de « faire souvenir, faire songer à quelque chose » (monere). Il peut revêtir la forme d’un édifice, d’un poème15, ou d’un édifice portant texte et/ ou iconographie commémoratrice. Dans certains cas, comme le mausolée des Flavii à Kasserine, c’est l’association de l’architecture, du poème et du décor statuaire qui forme le monumentum16. Préservant les mérites d’un homme au-delà de son décés, il représente le défunt, mais aussi les valeurs auxquelles il adhérait17. Décors figurés et inscriptions concourent à cet objectif18, ces dernières établissant l’identité juridique du monumentum19, mais aussi l’identité et l’hérédité du défunt, et des précisions quant aux caractéristiques du monument (son prix par exemple)20. La dédicace de la colonne Trajane correspond à certaines de ces catégories. Le bénéficiaire du monument est nommé, son hérédité et ses magistratures énumérées, l’ampleur des travaux liés à la réalisation mentionnée : « pour indiquer à quelle hauteur s’élevait la colline (mons et locus) qui fut détruite par les travaux (tant[is oper]ibus) ». Telle est la causa officielle, pour laquelle fut dédiée la colonne Trajane. Rien n’est dit sur la destination posthume de l’œuvre. Il est vrai qu’à époque impériale, les inscriptions perdent de leur importance sur les tombeaux, la connotation funéraire étant directement marquée par le décor figuré21. Mais l’explication est plus profonde.
6La colonne Trajane est située entre Capitole et Quirinal, sans doute dans le pomerium. Ce fait, à lui seul, légitime la prudence de Trajan. Il fut le seul empereur à bénéficier de cette dérogation, décision prise par le Sénat après sa mort22. Cet honneur, César l’avait obtenu de son vivant, peut-être pour son malheur23, mais si une colonne de marbre lui fut dédiée, en tant que Parens Patriae, sur le Forum romain, à l’emplacement de son bûcher funèbre24, le conquérant des Gaules ne fut, en fin de compte, pas honoré d’un tombeau dans le pomérium25. Auguste, ses successeurs et membres de sa gens furent, eux aussi, inhumés hors pomérium, dans le Tumulus Iuliorum (n’y entrèrent pas Caligula, Néron, Galba, Vitellius et Othon, pour cause de damnatio memoriae ou en raison des circonstances de leur mort)26, et Domitien installa le Templum Gentis Flaviae sur le Quirinal : après son assassinat, ses cendres y furent déposées, parmi celles des Flaviens27. Pour marquer la rupture avec ces derniers, Nerva se fit ensevelir dans le Tumulus Iuliorum28.
7La colonne Trajane est bien unique, tant par sa situation que par sa fonction. La première de ses originalités est qu’elle n’a aucun caractère dynastique et qu’elle insiste délibérément, par la frise, sur les mérites de Trajan. La seconde est sa localisation spatiale, fondamentale. Elle justifie à elle seule la prudence de l’inscription, et donc l’accent mis sur les travaux entrepris.
8L’ouverture du passage entre le Champ de Mars et le cœur de Rome fut envisagée et entamée, peut-être par Domitien, plus sûrement par Trajan29. Le projet avait une origine plus ancienne. César avait songé à creuser la pente sud-est du Capitole pour y installer la cavea d’un théâtre, réponse au complexe pompéen du Champ de Mars dont le faîte (le temple de Vénus Victrix) culminait à la même altitude que l’Arx, soit quarante-cinq mètres30. Il ne le réalisa pas. Par contre, il occupa deux autres versants de la colline de Jupiter : le versant est avec son Forum31, et nord-est avec le projet de l’Atrium Libertatis. Réalisé ex manubiis32 en 39 avant J.-C. par Asinius Pollion33, ce dernier était orné d’œuvres grecques34 et considéré comme le monumentum d’Asinius Pollion35. Par l’érection d’un monumentum, Trajan s’incrivait dans une tradition républicaine, mais la filiation était plutôt, par le choix de l’emplacement, césarienne. Entaillant les flancs du Quirinal pour y bâtir ses Marchés36, il ménagea un espace qui lui permit d’inscrire son Forum dans la proximité convoitée du Capitole. On peut d’ailleurs remarquer que la hauteur de la colonne Trajane, statue de Trajan comprise, devait égaler, ou avoisiner, l’altitude de l’Arx. Portant la représentation des exploits de l’Optimus Princeps, la colonne commémorait, par son architecture, une autre œuvre de Trajan, digne de figurer parmi ses Res gestae, à savoir l’arasement d’un mons et la création d’un locus à la dimension exceptionnelle. Dans la rhétorique de la gloire procurée par le labor, l’érection du Forum et de la colonne Trajane était, en elle-même, un exploit qui légitimait l’apothéose finale de son créateur37. Ce point justifie d’ailleurs la frappe de monnaies portant une chouette, oiseau de Minerve, au sommet de la colonne38. Certes, le lien avec les bibliothèques était présent, mais la sapientia ou la ratio, nécessaire à la guerre comme à la paix, était affirmée tant par la frise historiée que par son support et les merveilles de technique qu’il avait exigées. Les deux concouraient à la gloire de Trajan, ce qui plaçait l’architecture de la colonne à la fois sous le signe de sa virtus (illustrée par la frise) et de sa sapientia (illustrée par la frise et par la colonne).
9L’importance de l’édifice, et des travaux pour lui nécessaires, rendait légitime la célébration du tour de force technique constitué par le projet. Ainsi, en concurrrence du théâtre de Pompée bâti de manière artificielle, César avait projeté de creuser le flanc du Capitole pour y installer une cavea. L’opposition technique est identique entre le Mausolée d’Auguste et la colonne Trajane. Tant le théâtre pompéen que le Tumulus Iuliorum sont des constructions humaines, remarquables par leur altitude et leur caractère de colline artificielle ; au contraire, le projet césarien et la réalisation trajanienne sont marqués par la transformation de la nature, en l’espèce le creusement d’un mons. Ce point peut n’être qu’anecdotique, vue le laps de temps séparant les deux conquérants, mais il semble opportun de revenir sur les mots de la dédicace, en l’occurrence le terme mons. En effet, le discours de l’excellence de Trajan passait, croyons-nous, par une rhétorique « géophysique » dont il existait, au-delà même de César, un modèle prestigieux.
Alexandre et le mont Athos
10Alexandre le Grand faillit disposer d’une œuvre colossale, à la mesure de ses conquêtes. Deux auteurs rapportent l’anecdote : Vitruve, et Plutarque. Rappelons en préalable qu’Apollodore de Damas connaît sans doute les écrits du premier39 et que Plutarque est contemporain de Trajan : la pensée et les écrits de l’auteur grec témoignent, sans aucun doute, de sa culture historique personnelle, mais peuvent également avoir été influencés par des thèmes diffusés à l’époque.
11Vitruve tout d’abord :
Alors qu’Alexandre était maître du monde, l’architecte Dinocratès, confiant dans ses idées et ses compétences, quitta la Macédoine pour l’armée, désirant la protection royale. [...] Il était de grande taille, d’un visage agréable, et d’un aspect général empreint de dignité. Confiant en ces dons de la nature, il enleva ses vêtements dans le logement, et s’enduit d’huile ; il se couronna de feuilles de peuplier, couvrit son épaule gauche d’une peau de lion, et tenant une massue dans la main droite, il se dirigea vers le tribunal où le roi rendait la justice. Lorsque ce spectacle nouveau eut attiré le peuple, Alexandre le vit. L’admirant, il ordonna qu’on le laisse approcher, et lui demanda qui il était. Il répondit : « Je suis Dinocratès, un architecte macédonien, qui t’apporte des idées et des plans dignes de toi, illustre prince. Car je modèlerai le mont Athos (Athon montem) en forme de statue masculine (statuae), dans la main gauche de laquelle je montrerai les remparts d’une très grande ville ; dans la main droite, une patère pour recevoir toutes les rivières de la montagne ». Alexandre, enchanté par ce projet, demanda s’il y avait des champs alentour, pouvant fournir la cité en grains. Constatant que ce n’était pas possible, sauf par transport maritime, il dit : [...] « Aussi, bien que je pense que ton projet soit digne d’approbation, dans mon jugement le site ne l’est pas [...] »40.
12L’extrait est riche et appelle de nombreux commentaires. Que Dinocratès se pare des attributs d’Héraclès pour proposer son projet à Alexandre, place d’emblée l’œuvre sous le signe des ponoi dignes du dieu. La statue qu’il envisage possède de surcroît des caractéristiques précises. Plutarque la décrit, ainsi que ses fonctions.
Parmi les artistes de son temps figurait aussi l’architecte Stasicratès. Celui-ci ne cherchait pas à flatter les yeux par les fioritures, l’agrément, le naturel : il travaillait selon des plans grandioses qui n’étaient réalisables qu’à l’aide de largesses vraiment royales. Ayant suivi Alexandre en Asie, il critiquait les portraits (ikonas) qu’avaient faits de lui peintres, graveurs et sculpteurs, œuvres, selon lui, d’artisans timorés et sans noblesse. « Moi, ô mon roi, disait-il, c’est dans une matière impérissable, vivante, enracinée pour toujours dans le sol, c’est dans une masse stable et inébranlable que j’ai choisi de fixer ton image (egnoka sou ten omoioteta katathesthai tou somatos). Cette masse, c’est le mont Athos, en Thrace. Là où il s’élève le plus haut et où il frappe du plus loin la vue, il comporte des replats et des saillies qui, à son échelle, font penser aux membres, aux articulations et aux proportions d’un corps humain. Travaillé et remodelé, il pourra devenir la statue d’Alexandre (ikon Alexandrou), de nom et de fait. Les pieds de la statue seront bordés par la mer. Au creux d’une de ses mains, elle portera une ville de dix mille habitants, et de sa dextre, qui tiendra une urne (phialis), s’écoulera dans la mer le flot d’un fleuve intarissable. Loin de nous l’or, le bronze, l’ivoire, le bois, les couleurs, tous ces matériaux vils qui s’achètent et qu’on peut voler ou fondre ! ». En entendant ces paroles, Alexandre ne fut pas sans admirer le génie audacieux de l’artiste et lui fit compliment de son projet, mais il ajouta : « Laisse l’Athos où il est. C’est assez pour lui de rappeller le fol orgueil d’un roi (Basileus enubrisantos). Quant à moi, j’aurai pour me représenter le Caucase, les Monts Emodiens, le Tanaïs et la mer Caspienne : car ils portent bel et bien, eux, l’empreinte de mes exploits »41.
13La statue du conquérant devait donc être taillée dans le mons. Tenant une ville fortifiée dans la main gauche, et une patère ou une phiale dans la droite, elle se voulait un résumé des qualités du souverain et une commémoration de ses exploits42. Or, Alexandre écarte le projet pour deux raisons. Chez Vitruve, il argue de l’absence de champs et de ressources pour subvenir aux besoins de la population, ce qui est à comprendre comme le troisième volet des qualités cardinales d’un roi, la prospérité. Le thème est ici celui de l’abondance que connaît la population sous le règne d’un bon souverain ou, pour parler latin, la Felicitas ou l’Abundantia ; son absence freine l’enthousiasme du Macédonien. Chez Plutarque, le souverain écarte le projet pour l’hybris dont il témoignerait. Là encore, l’argument obéit à une certaine cohérence puisqu’Héraclès entretient, dans la pensée grecque, des rapports étroits avec cette valeur négative43. Le refus d’Alexandre s’explique donc par référence et par comparaison au dieu, l’hybris en étant le côté négatif (l’équivalent latin étant bien sûr la superbia). En parallèle et pour gloser le texte, Alexandre laisse aux limites de l’oikoumène, qu’il a atteintes, le soin de préserver son kléos de l’oubli44. L’anecdote est reprise par Plutarque dans la Vie d’Alexandre, avec une fonction différente et un refus motivé par une autre raison :
C’est ce Stasicratès qui, dans une entrevue qu’il avait eue auparavant avec Alexandre, lui avait dit que, parmi toutes les montagnes, c’était l’Athos de Thrace qui se prêterait le mieux à revêtir l’aspect et la ressemblance d’une forme humaine ; si donc le roi l’ordonnait, il ferait de l’Athos la plus durable et la plus magnifique de ses statues (agalmaton) : on le verrait tenant dans sa main gauche une ville de dix mille habitants, et de la droite, versant en libation les flots abondants d’un fleuve qui s’écoulerait dans la mer. Alexandre avait écarté cette offre, mais à présent il s’occupait à inventer et imaginer avec ses artistes des projets beaucoup plus extraordinaires et onéreux que celui-là45.
14Si la ville n’est plus fortifiée, la phiale a bien une fonction religieuse : le fleuve qui en sort a valeur de libation perpétuelle offerte par Alexandre. Ce projet d’agalma du roi, à la fois soma et agalma du Macédonien, est pourtant écarté, pour divers motifs. S’il coïncidait, par les dimensions et les travaux à entreprendre, à un monument digne d’un nouvel Héraclès, la volonté d’imaginer un projet plus extraordinaire et onéreux encore est ici avancée (voir la fig. 46 pour un essai de synthèse et un commentaire de ces trois textes).
15La confrontation de ces sources et du Forum de Trajan peut éclairer ce dernier d’un jour nouveau, qui peut sembler lointain mais pourra déboucher sur une perspective nouvelle permettant d’assembler la totalité des éléments urbanistiques en notre possession.
Les Marchés de Trajan
16Les projets alexandrin et trajanien supposent tous deux la transformation d’un mons. Ce mons redessiné doit honorer les qualités des souverains révélées par leurs conquêtes et liées à leur piété, mais aussi marquer les conséquences positives de leurs conquêtes en insistant sur la Felicitas née de leurs exploits. Plus encore : d’après Vitruve, Alexandre était soucieux de marquer la prospérité issue de ses conquêtes et de son bon gouvernement. Or, l’Optimus Princeps compléta son Forum par un second ensemble, adjacent et cependant distinct : les Marchés de Trajan.
17On a voulu séparer les deux complexes46. L’absence de passage entre eux (fig. 1-2) et le choix du matériau (des briques pour les Marchés) ont poussé certains commentateurs à y voir une preuve de leur indépendance absolue, fonctionnelle et/ou chronologique. Il semble aujourd’hui que les Marchés ont été commencés au début du second siècle et qu’ils sont à ce titre un projet trajanien à part entière47, et qu’en outre le passage entre les deux complexes était possible48. De plus, la structure architectonique des Marchés de Trajan, comme celle des absides sud-ouest du Forum insérées dans les pentes du Capitole, a nécessité un empiètement dans les pentes du Quirinal. Les travaux d’arasement ont débuté en même temps, rompant avec les préparatifs d’époque domitienne49, et l’avancement des travaux fut contemporain dans les deux complexes. Autre argument en faveur de l’insertion des Marchés dans le projet trajanien : l’exèdre des Marchés épousait la forme extérieure de l’abside de l’area fori, les deux modules ayant été tracés à partir d’un même point central50. Certes, le matériau choisi, les briques, tranchait sur les marbres et le granit du Forum51. On peut cependant remarquer le bicolorisme de la façade des Marchés, les briques alternant avec des éléments de travertin blanc, pour les bases et chapiteaux des piliers ou les tympans dominant l’entrée des tabernae52. Bref, le principe d’alternance des couleurs est le même que sur le Forum, et cette nouvelle variation s’inscrit de manière cohérente dans la rhétorique perçue précédemment : sur le Forum, les matériaux utilisés signifient la richesse et l’étendue de l’Empire et sont empreints de dignitas ; dans les Marchés, le matériau est usuel et moins onéreux, mais il est utilisé, comme le marbre sur le Forum, avec une grande virtuosité, tandis que la variation matérielle reflète les différences fonctionnelles.
18On l’a vu, les activités décrites sur le Forum de Trajan nécessitaient la dignitas. On peut citer le tribunal du consul, qui se tenait dans la Basilica, la cérémonie de la manumissio, que suppose la présence de l’Atrium Libertatis dans l’une des absides, ou encore la présence des archives impériales, conservées dans les bibliothèques du Forum53. En regard, les activités abritées par les Marchés étaient diverses, mais les tabernae marquaient la fonction majeure de cet espace, la fonction commerciale. Cela n’empêchait pas certaines salles d’abriter des services officiels, semblables à ceux découverts dans le prolongement du portique nord-est de l’area Fori54 – et inversement, le Forum fut le théâtre d’un congiarium, action économique mais à dominante politique55. En fin de compte, ces espaces adjacents abritaient des activités proches, complémentaires, mais l’architecture comme le matériau tendaient à accorder aux Marchés (par les tabernae) une connotation économique marquée, ce qui complétait opportunément les fonctions du Forum de Trajan56.
19Les Marchés appartenaient au complexe trajanien tant par l’urbanisme que par l’idéologie. Pour preuve, leur appellation dans les sources antiques, qui les situent in foro Traiani57, mais le plus souvent ils ne sont pas nommés autrement que par l’expression : Forum Traiani58. À bien y regarder, cette articulation n’est pas surprenante. L’association basilique – place à portiques d’un côté, tabernae – marchés de l’autre, est un élément traditionnel du forum italique59. Le projet d’ensemble (marchés, Forum et Basilique) ressortirait donc d’un modèle d’inspiration républicaine et italique, ce qui distinguerait encore le Forum de Trajan des Forums impériaux antérieurs. Eux, s’inspiraient d’une tradition hellénistique centrée autour d’un sanctuaire60, tradition qui avait des implications dynastiques claires, lesquelles ne convenaient pas au discours de l’Optimus Princeps. En conséquence, Trajan choisit les structures et les composantes d’une place républicaine. Cette association fonctionnelle est confirmée par la diffusion, dans les provinces occidentales, de complexes urbanistiques copiés de la « formule » d’Apollodore61.
20L’aspect pratique n’était pas absent de cette réactualisation de structures italiques. Les divers emporia, autrefois situés autour du Forum romain, avaient disparu, remplacés par le Forum de Nerva62. La volonté de Trajan de creuser un Marché dans le flanc du Quirinal complétait remarquablement l’area Fori et la Basilica, aux noms et à l’aspect républicains, au même titre que sa « restauration » du Forum de César s’accompagnait d’une Basilica Argentaria à destination commerciale63. Dans les deux cas, espaces officiels et espaces commerciaux étaient juxtaposés, sans être confondus.
21Ce point établi, reprenons, à partir des caractéristiques accordées par les textes, la comparaison entre le projet du mont Athos refusé par Alexandre et les éléments du complexe réalisé par Trajan (fig. 46 et fig. 47)64.
Alexandre et Trajan
22Alexandre et Trajan sont assimilés, par leurs actions qui civilisent les Barbares, à Héraclès/Hercule. Le choix narratif de la Grande Frise, l’attitude de Trajan manteau au vent, dérivée de la représentation d’Alexandre à Issos, et sa proximité avec la frise de la colonne Trajane constituent, sur le Forum même, le point de raccord entre les deux personnages. Or, ce lien peut être confirmé par le type de monuments envisagés pour la commémoration de leurs exploits. La statue colossale d’Alexandre comme l’érection de la colonne Trajane passent par le creusement d’un mons, signe d’une maîtrise technique sur la nature. Les caractères prêtés à la statue du mons Athos, impérissable, stable et inébranlable, très haute et visible de loin, correspondent aux qualités reconnues au marbre (firmitas) de la colonne Trajane et à la grande hauteur du fût historié (résumée par l’expression columna centenaria). Quant à la frise longue de deux cents mètres, soit environ sept cents pieds romains, les commanditaires et concepteurs pouvaient la considérer comme un tour de force aussi extraordinaire que la taille d’une statue dans les pentes d’une montagne. L’inscription de la base établit peut-être ce parallèle, bien que de manière implicite65.
23Sur un autre plan, on peut remarquer que les fonctions des deux monuments étaient identiques. Le mont Athos, sculpté en statue d’Alexandre, aurait eu pour fonction de commémorer les exploits militaires du roi, mais aussi son bon gouvernement. Une connotation funéraire s’y ajoutait peut-être : dans le premier texte de Plutarque (Fortune d’Alexandre, 335c), Stasicratès utilise l’expression egnoka sou ten omoioteta katathesthai tou somatos pour indiquer la fonction qu’il veut assigner au mont Athos, ce que l’on peut traduire par : « j’ai choisi de déposer [là] l’identique de ton corps ». Katatithemi ayant le sens générique de « déposer », mais aussi le sens particulier de « déposer un mort », et soma le sens générique de « corps » mais encore le sens particulier de « cadavre », la connotation funéraire de la statue du mont Athos existe. On le sait, la colonne Trajane servit de tombe à l’empereur : ses cendres, conservées dans une urne d’or, furent déposées dans le socle en forme d’autel.
24Dans les deux cas, le parallèle avec Héraclès/Hercule justifiait l’apothéose des imitateurs du dieu. Ainsi Cicéron distinguait, parmi les divinités, ceux que l’on a toujours tenus comme dieux du ciel, et ceux que leurs bienfaits (merita) ont placés dans le ciel, Hercule, Liber, Aesculape, Castor, Pollux, Quirinus et ces [mérites] grâce auxquels est accordé aux hommes le pouvoir de s’élever au ciel : Mens, Virtus, Pietas, Fides66.
25Telles sont précisément les qualités que récompensent, à Rome, l’octroi d’un monumentum, et telles aussi celles qui permettent à certains hommes l’ascension divine : « Tous ceux qui ont contribué au salut, à la prospérité, à l’accroissement de leur patrie peuvent compter qu’ils trouveront dans le ciel une place bien définie qui leur est assignée, pour qu’ils y jouissent, dans le bonheur, d’une vie éternelle »67. Cette rhétorique est, dans le cas des deux conquérants, confirmée par un contre-exemple, Alexandre invoquant le côté hybristique que la mythologie grecque attribue à Héraclès tandis que Trajan s’oppose au règne récent de Domitien.
26De divers signes (voir le détail fig. 47, rubrique « Définition du monarque/de l’Optimus Princeps »), s’esquisse un portrait complet des deux chefs d’armée. Les conquêtes servent de révélateur à leurs virtus, pietas, iustitia et clementia ; Trajan, comme l’Alexandre de Vitruve, insistent sur la prospérité née de leurs conquêtes et de leur gouvernement : c’est l’absence de terroir agricole, apte à nourrir la cité, qui amène Alexandre à refuser le projet du Mont Athos. Et lorsque le Macédonien, sous la plume de ce contemporain de Trajan qu’est Plutarque, affirme que les limites de l’Oikoumène, qu’il a atteintes, témoignent de ses exploits, le parallèle avec les thèmes du Forum de Trajan est tentant : l’allusion aux fondateurs des provinces romaines, excentrés dans les absides, mais aussi le choix des matériaux originaires de la totalité de l’Orbis Terrarum, véhiculent, si l’on accepte notre lecture, un discours œcuménique. Si bien que la statue de Trajan au sommet de la colonne, main droite tenant le globe, main gauche la lance, devient en quelque sorte l’équivalent du portrait « en Athos » du Macédonien. Culminant à l’altitude du Capitole et dominant l’Urbs, la statue devint, à la mort de l’Optimus Princeps, son monument funéraire, le signe annonciateur de son apothéose. On peut d’ailleurs envisager un ultime parallèle avec Alexandre : si le tombeau du Macédonien se trouvait à Alexandrie, cité majeure du monde hellénistique, Trajan occupa lui-aussi une position centrale, unique dans l’histoire romaine : sa tombe était à l’intérieur du pomérium.
27Alexandre n’est cependant pas le seul à avoir inspiré Trajan68. Son complexe urbanistique, par l’architecture et le décor, emprunte beaucoup à ses prédécesseurs romains, et en premier lieu à César.
2 – LES FORUMS IMPÉRIAUX : REPETITIO ET VARIATIO
28Les liens entre Forum de Trajan et Forums antérieurs sont, par la planimétrie, évidents. Les renseignements fournis par la Forma Urbis sont lacunaires (fig. 48), mais l’observation d’un relevé cartographique (fig. 1-2) suffit à remarquer les reprises tout autant que les changements de plan et d’orientation69. D’autres éléments, plus précis, confirment cette impression : entre reprise et innovation, le Forum de Trajan développe une rhétorique originale. Ennius la résume ainsi. Expliquant le terme diaphora, il écrit : « C’est une figure de rhétorique qui intervient lorsque un mot, par répétition, prend un sens différent de celui qu’il avait lors de sa première apparition »70. C’est cet écart entre les modèles urbanistiques constitués par les Forums Impériaux et l’utilisation qu’en fit Trajan, que nous allons essayer de mesurer.
Le Forum de César : Vénus et les Iulii
29Si l’on fait abstraction de la Basilica Ulpia, l’orientation comme la proximité rapprochent le Forum de Trajan du modèle césarien. Or, le temple de Vénus Génitrix, sur le Forum de César, fut restauré par Trajan dans le temps où son propre Forum était en chantier, et plus encore : il fut inauguré le même jour que la colonne Trajane71.
30Auguste prisait ce type de relation, qui tressait entre bâtiments, pour qui savait les déceler, des associations qui, autrement, restaient invisibles72. Par les Fastes d’Ostie, la dédicace du temple de Vénus rénové et de la colonne Trajane est datée du 12 mai 11373. Or, le 12 mai correspond au jour de dédicace qu’avait choisi Auguste pour l’aedicula Martis Ultoris in Capitolio. Cette tholos, sise sur le Capitole, précéda le temple de Mars Ultor installé sur le Forum d’Auguste et abrita dans un premier temps les signa repris aux Parthes74. Ovide a expliqué l’épiclèse : Mars est à la fois le vengeur de César, qui poursuit les assassins du dictateur, et le vengeur de Crassus, qui veille à la récupération des enseignes perdues face aux Parthes75. Y a-t-il une relation avec le Mars Ultor capitolin d’Auguste, la colonne de l’Optimus Princeps et le temple de Vénus Genitrix ?
31L’aedicula Martis Ultoris était l’accomplissement d’un vœu d’Octave-Auguste :
Alors, levant la main, il prononça ces mots : « Si c’est pour mon père, pour le prêtre de Vesta, que j’ai entrepris cette guerre, si j’aspire à venger ces deux divinités, viens à mon aide, Mars [...] ! Tu auras un temple et si je suis vainqueur, tu recevras le titre de vengeur »76.
32Le temple de Vénus Génitrix avait été voué par César en 48 avant J.-C., lors de la bataille de Pharsale. La colonne Trajane montrait la transformation de la Dacie en province romaine, mais il s’agissait, selon Ammien Marcellin77, de l’accomplissement d’un serment, et non d’un vœu. En dépit de la présence de Mars Ultor parmi les divinités honorées par le monnayage trajanien après la première guerre dacique78, et malgré le choix du 12 mai pour dédicace, ce n’est pas avec Auguste ou Mars Ultor que la proximité paraît significative : par la proximité urbanistique, la concomitance des travaux de réfection et la coïncidence de dédicace en 113, c’est un lien privilégié entre César et l’Optimus Princeps qui est ainsi tressé. La raison est sans doute à chercher dans la politique parthe du premier. Le projet envisagé par César, peu avant son assassinat, était une conquête de la Dacie et de la Parthie79. Par la suite, Auguste s’était chargé de reprendre les enseignes de Crassus mais sur un mode uniquement diplomatique. Or, Trajan est, en ce 12 mai 113, à la veille de son expédition contre les Parthes, lancée fin 113-début 114. Que l’annonce (implicite ou officielle) en ait été faite lors de la dédicace du temple dominant le Forum Iulium, plaçait l’entreprise trajanienne dans l’imitatio de César et dans la continuité des guerres daciques, puisque Trajan avait reconquis en Dacie les signa perdus par Domitien80. Quant à la discrète relation colonne Trajane/tholos de Mars Ultor, elle évoquait peut-être, par le rappel aux enseignes de Crassus, l’antique projet césarien d’expédition en Orient et l’antagonisme latent, séculaire, entre Romains et Parthes. Le lien avec Auguste était cependant ténu : en cette année 113, Trajan se prévalait plus de l’actif César que de l’inerte Auguste : personne, en ce 12 mai 113, ne pouvait l’ignorer, alors que la colonne Trajane était inaugurée en même temps que le temple de Vénus Genitrix.
33Perceptible ailleurs, la préférence trajanienne envers César se retrouve donc dans l’urbanisme des Forums. Outre la réfection de l’aedes de Vénus, effectuée dans le respect de la « syntaxe originelle de l’édifice »81, Trajan réa-ménagea un portique, connu sous le nom de Basilica Argentaria, qui reliait le côté sud-ouest du Forum de César à la rue extérieure de l’abside sud-ouest de son area Fori. Aucun passage n’existait entre l’abside et la Basilica Argentaria, mais la réfection du complexe césarien complétait, sur le flanc nord-est du complexe trajanien, la symétrie appelée par l’exèdre des Marchés82. L’aménagement du locus nécessaire au Forum de Trajan avait de plus entraîné la destruction de l’Atrium Libertatis. Situé à l’origine dans la proximité du Forum de César, il fut déplacé dans l’une des exèdres de la Basilica Ulpia (fig. 41). Enfin, le décor statuaire et architectonique du Forum Iulium possède des échos dans le complexe trajanien.
34L’espace césarien était dominé par Vénus Génitrix, ancêtre de la gens Iulia. La statue de la déesse, due à Arkésilaos83, faisait face à une statue loricata de César84. En référence au Bucéphale d’Alexandre85, l’imperator y était figuré sur son cheval favori86. La disposition axiale fait bien sûr songer à l’equus Traiani, à la différence que ce dernier n’était pas situé devant une aedes à prétention gentilice. Le Forum de César était construit autour de, et en référence à, Vénus. Les frises disposées à l’intérieur de l’aedes montraient des Amours, issus de volûtes d’acanthes, de part et d’autre d’un candélabre. L’un versait une libation à l’aide d’un canthare, l’autre tenait une acerra et offrait du parfum ; un autre fragment de la frise met en scène des Amours préparant les ustensiles de la toilette de Vénus et les armes de Mars87. L’association de Vénus et des Amours va de soi, mais le sens réel du second fragment est moins aisé à cerner. Il se laisse deviner par l’objet que tiennent les deux Amours, au centre de la composition : un flambeau. Par ces détails, le temple de Vénus Genitrix présentait, semble-t-il, les préparatifs du mariage des deux divinités, Mars et Vénus, et de ce mariage divin descendaient tant les Romains au sens large, fils d’Énée et de Romulus, que Caius Iulius Caesar à titre personnel, gentilice. L’alliance de ces deux sphères (discours public / discours privé ; exaltation de Rome / exaltation de César) n’est pas pour surprendre, Auguste l’ayant systématisé quelques années plus tard.
35Le message fut confirmé le jour de l’inauguration par César lui-même. On sait qu’il inaugura le Forum et le temple de Vénus en 46, le dernier jour de son triumphus Africanus88, et ce alors que le complexe était inachevé. Pour cette cérémonie, il se costuma en parent de la déesse, sandales aux pieds et couronne de fleurs sur la tête. Ainsi conçu, le triomphe marquait la fin des guerres civiles et le retour à la paix et à la Concordia89, ce qu’expriment sans aucun doute les Amours sacrifiant.
36Mais une autre œuvre d’Arkésilaos est à mettre en relation avec les thèmes césariens de 46 avant J.-C., et la description qu’en donne Pline l’Ancien annonce de surcroît les frises du Forum de Trajan (Amours-acanthes abreuvant des griffons90) :
Varron exalte aussi Arcésilaos dont il possédait, nous dit-il, une lionne de marbre jouant avec des Cupidons ailés, les uns la tenant attachée, d’autres l’obligeant à boire dans une corne, d’autres enfin la chaussant de socques ; tout le groupe était tiré d’un seul bloc91.
37Cet ensemble constituait une transcription allégorique du triomphe de César sur l’Afrique, ce qui est confirmé par la continuité du texte de Pline : « La même source nous apprend aussi que Coponius est l’auteur des Quatorze Nations qui ornent l’enceinte du théâtre de Pompée »92. Ce passage de l’Histoire naturelle rend compte de la transcription iconographique des conquêtes des deux imperatores ennemis, Pompée et César, le premier par des allégories féminines, le second par un groupe lionne-Amours. Ce dernier révèle ainsi le discours sous-jacent des frises du temple de Venus Genitrix : c’est à la protection de Vénus (plus que de Mars) que César, son lointain descendant, doit ses triomphes exceptionnels, et c’est en hommage à la déesse qu’il dédie l’aedes. En concurrence avec Pompée (qui s’était paré de la chlamyde d’Alexandre, prise à Mithridate, lors de son triomphe de 61 et qui, de la sorte, s’était mesuré à Alexandre, Hercule et Dionysos dans son théâtre du Champ de Mars, allant jusqu’à disposer, dans un de ses portiques, une peinture de Nicias d’Athènes représentant le Macédonien93), César choisit d’évoquer ses triomphes de manière plus universelle encore. En apparence, il effaça de son Forum toute référence à des campagnes précises, préférant des scènes vénusiennes centrées sur la pietas et la fides plutôt que sur la virtus. Mais il évoquait de fait la protection dont sa gens et lui-même bénéficiaient de la part de leur génitrice divine. Ainsi, les Amours sacrifiant exaltaient-ils autant la victoire de la pieuse gens Iulia, protégée de Vénus, que le retour à la paix civile pour l’Empire. La célébration de la paix se doublait, sur le Forum, d’une affirmation à peine voilée de la supériorité ancienne et définitive de la gens des Iulii94.
38Les Amours se retrouvent sur le Forum de Trajan. Mais alors que, sur le Forum de César, la sphère vénusienne est au service d’un discours familial, sur celui de Trajan les Amours sacrifiant ou donnant à boire aux griffons sont le signe générique de la Felicitas qui règne sur le monde grâce à Rome95, laquelle assure la mise en ordre de l’orbis terrarum aux limites de laquelle renvoient les griffons, mais aussi la scène dionysiaque du cratère central. Ce décor trajanien, inauguré le premier janvier 112, jour d’entrée de Trajan dans son sixième consulat, amène à identifier un thème déjà présent chez César et plus encore chez Auguste : la fin d’une ère et le retour de l’Age d’Or96. Ce dernier apparaît cependant au début du iie siècle après J.-C. comme une citation traditionnelle, le discours étant centré sur la cause nouvelle de cette âge de félicité : l’excellence de l’Optimus Princeps choisi par Jupiter, garant de la puissance et de la prospérité de l’Empire.
39La repetitio thématique est donc au service d’une variatio rhétorique. Toute référence dynastique a disparu du discours trajanien. L’absence de temple dédié à la divinité tutélaire change, au sens propre comme au sens figuré, la perspective. Tout au plus peut-on déceler, par les multiples renvois au Forum rénové de César, l’affirmation d’une affinité ressentie et affirmée envers le conquérant des Gaules, dont la rédaction de Commentaires trajaniens relatifs aux victoires daciques n’est qu’un aspect ; remarquons cependant que, même dans ce cas, il y eut variatio puisque Trajan, en lieu et place de la troisième personne du singulier utilisée par César, emploie un « nous » plus modeste97 : voilà tout l’enseignement que l’on peut tirer des cinq mots rescapés du récit trajanien des guerres daciques... Et c’est ce principe de la diaphora que Trajan appliqua également au Forum d’Auguste.
Le Forum d’Auguste : mythes et histoire au service de l’Age d’Or
40Les citations d’Auguste sont nombreuses sur le Forum de Trajan98, en premier lieu par les absides99. Construit ex manubiis100, dédié en 42 avant J.-C. mais inauguré en 2 avant J.-C., le Forum d’Auguste et le temple de Mars Ultor (construit en marbre de Luni) exaltaient, comme les autres réalisations du princeps, le retour de l’Age d’Or101. Nous ne reprenons ici le dossier de son décor, bien exposé et commenté par d’autres, que pour l’envisager sous l’angle des repetitiones et variationes introduites par Trajan dans son propre complexe.
41Les portiques et exèdres du Forum Augustum abritaient deux séries de personnages (fig. 49), les uns guidés par Énée, ancêtre des rois d’Albe et de la gens Iulia, les autres par Romulus, descendant d’Énée, entouré par les grands hommes de l’histoire romaine (représentés en cuirasse, en toge, ou capite velata). Au centre de l’espace, sur l’axe visuel menant au temple dont le fronton associait Mars, Vénus, Fortuna, Romulus, Roma, le Palatin et le Tibre, était disposé un groupe statuaire présentant Auguste Pater Patriae sur son char triomphal102.
42Comme César, Auguste développait un discours gentilice, et tout comme les imperatores de la fin de la République il se comparait à Hercule et Liber-Dionysos103, mais aussi à Alexandre : imitant Pompée, il avait placé non pas un mais deux tableaux d’Apelle dans ses portiques104, et deux statues ayant soutenu la tente d’apparat du Macédonien105. Mais Auguste prétendait les surpasser tous trois par l’étendue de ses conquêtes (des tituli mentionnaient les noms des provinces conquises106, adaptation des Nations du complexe pompéen) et la pacification procurée au monde : des trophées d’armes ornaient les portes de l’aedes107 ; une frise, avec guirlandes de fruits et de fleurs, décorait le Forum (fig. 50)108 ; enfin, l’absence de toute scène de bataille était révélatrice du retour de la Pax, célébrée en maintes occasions par le Prince.
43Le thème était repris dans l’attique des portiques sur un mode allégorique. Y alternaient en effet des Caryatides, imitées de l’Érechtéion d’Athènes, et des clipei à l’effigie de Jupiter-Ammon109. D’autres motifs figuraient peut-être dans les clipei : soit des têtes de Méduse110, ce qui correspondrait à l’association Jupiter-Ammon / Méduse souvent constatée sur les cuirasses impériales ; soit des protomés de dieux barbares, qui renverraient aux nations soumises par Auguste111. La référence à la visite d’Alexandre à l’oasis de Siwa et à la conquête par Auguste du dernier royaume hellénistique, célébrée lors du triomphe de 29 avant J.-C., ne nous semble pas incompatible avec la lecture évoquée ci-dessus.
44Enfin, le Forum devint le théâtre de cérémonies auparavant situées dans le temple de Jupiter Capitolin. Le Sénat devait par exemple tenir séance dans le temple de Mars Ultor pour toute question relative à la paix ou la guerre, et pour décider de l’octroi du triomphe ; les consuls revêtus de l’imperium devaient y sacrifier avant de quitter Rome ; on devait élever sur le Forum les statues des triomphateurs à venir ; enfin, parmi d’autres prérogatives, le census s’y clôturait, et les enfants sortant de l’enfance devaient, outre la cérémonie sur le Capitole, passer par le temple de Mars Ultor ainsi que le précise Dion Cassius112 : « Que lui-même [Auguste] et ses descendants s’y rendent autant de fois qu’ils le voudront, et que ceux qui quittent le groupe des enfants pour être inscrits parmi les jeunes gens y aillent sans exception »113.
45De ce court descriptif du Forum Auguste, se détache le char triomphal du Prince. Le groupe statuaire central, autour duquel s’organisait le décor de l’ensemble, avait été dédié comme le Forum en 2 avant J.-C., année où le titre de Pater Patriae avait été accordé à Auguste114. Or, un décret du Sénat, inspiré par l’empereur, ordonna que l’inscription soit également gravée dans la demeure d’Auguste. Conviés depuis vingt-cinq ans à participer au culte de la domus du Princeps115, les Romains déambulant sur le Forum Augustum ne pouvaient manquer d’assimiler ses clipei et ses galeries d’ancêtres à une manifestation de puissance de la gens Iulia, à une représentation inspirée de l’atrium privé des Iulii. Détaillons-en les caractéristiques.
46Pline l’Ancien donne une description précieuse des éléments d’un atrium républicain116. Opposant les imagines clipeatae aux imagines funéraires des gentes républicaines, il écrit :
Il en allait autrement chez nos ancêtres : dans les atriums on exposait un genre d’effigies, destinées à être contemplées : non pas des statues dues à des artistes étrangers ni des bronzes ou des marbres, mais des masques moulés en cire, qui étaient chacun dans une niche [c’est nous qui soulignons] : on avait ainsi des portraits pour faire cortège aux convois de famille et toujours, quand il mourait quelqu’un, était présente la foule entière de ses parents disparus ; et les branches de l’arbre généalogique couraient en tous sens, avec leurs ramifications linéaires, jusqu’à ces portraits, qui étaient peints (stemmata uero lineis discurrebant ad imagines pictas). Les archives familiales étaient remplies de registres et de recueils consacrés aux actes accomplis dans l’exercice d’une magistrature. Au dehors et autour du seuil, il y avait d’autres portraits de ces âmes héroïques, près desquels on fixait les dépouilles prises à l’ennemi, sans qu’il fût permis à un acheteur éventuel de les détacher : ainsi, même si le propriétaire changeait, subsistait éternellement le souvenir des triomphes qu’avait connus la maison. C’était là un puissant stimulant, car les parois mêmes de la demeure reprochaient chaque jour à un propriétaire pusillanime son intrusion dans le triomphe d’autrui. [...] Mais [...] même le fait d’usurper les portraits d’hommes illustres était un témoignage réel d’amour pour leurs vertus et c’était bien plus honorable que de se conduire de telle sorte que personne ne cherchât à s’approprier nos portraits à nous117.
47La galerie d’ancêtres du Forum Augusti, portraits disposés dans des niches, honorés pour leurs vertus118 et commémorant leurs triomphes par les dépouilles militaires, était bien présente sur le Forum, véritable atrium Augusti, où se mêlaient généalogie, histoire et mythe, et où les regards convergeaient, tels la guirlande (stemma) d’un arbre généalogique, vers le groupe statuaire central119.
48Ces ancêtres étaient associés à un autre élément :
On ne doit pas non plus passer sous silence une invention récente, puisqu’on a coutume de dédier, dans les bibliothèques, des effigies, sinon en or ou en argent, du moins en bronze, en l’honneur de ceux dont les âmes immortelles nous parlent en ces endroits précis120.
49Ces imagines clipeatae débordèrent très vite des bibliothèques, mais conservèrent leurs fonctions véritablement gentilice, puisqu’elles visaient non seulement à perpétuer la mémoire des ancêtres, mais aussi à exalter l’avenir de la gens :
Mais le premier à consacrer à titre privé des écus en un lieu sacré ou public fut, d’après mes renseignements, Appius Claudius qui fut consul avec P. Servilius en l’an 259 de Rome. Il plaça en effet ses ancêtres dans le temple de Bellone et décida de les offrir aux regards en un emplacement élevé, avec les intitulés de leurs charges honorifiques destinés à être lus : spectacle magnifique, surtout si une foule d’enfants, représentés en portraits miniatures, les accompagne, révélant l’existence d’une sorte de couvée de rejetons [c’est nous qui soulignons] ; il n’est alors personne qui contemple de semblables écus sans plaisir et approbation121.
50On sait qu’Auguste dédia une imago clipeata de lui-même dans la Curia Iulia122, sans oublier le clipeus virtutis. La présence des clipei de Jupiter-Ammon sur son Forum n’est donc pas étonnante : s’ils exaltaient ses conquêtes, ils rappelaient également, sur un mode allégorique, les clipei suspendus ou peints dans les atria privés.
51Auguste alla plus loin. En sa qualité de Pater Patriae, il convoqua sur son Forum les membres de sa gens, mais aussi les triomphateurs du passé. Qu’ils soient historiques, tels les summi viri et Alexandre, ou mythiques, tels Dionysos et Héraclès, tous participaient d’un seul et unique discours : la glorification d’Auguste qui, par ses conquêtes, avait provoqué l’avènement de l’Age d’Or123. Si nul relief historique n’apparaissait, Énée et Romulus formaient en quelque sorte le lien entre les parties historique et mythique de la généalogie augustéenne.
52Plus encore : le dispositif prévu par le Prince devait, par son dynamisme, perpétuer sa mémoire au-delà de son saeculum. S’il avait incorporé les summi viri à ses ancêtres, transformant l’histoire de Rome en appendice de sa propre gens, il prit soin d’assurer, par les fonctions attribuées au temple de Mars Ultor, la pérennité de cette assimilation. Lors de la prise de la toge virile, la jeunesse romaine, en « couvée de rejetons », devait se rendre dans l’aedes pour honorer Mars Ultor, et bien sûr Auguste Pater Patriae et sa gens. De même était-il prévu que les triomphateurs à venir seraient honorés d’une statue sur le Forum124. On sait que la pratique réservait le triomphe aux généraux issus de la famille impériale125. En s’agrégeant aux summi viri disposés dans les niches, les « rejetons » d’Auguste étaient appelés à compléter la galerie des Iulii, assistant à perpétuité au triomphe du nouveau fondateur de Rome, seul au centre de la place.
53Au discours mythique et gentilice d’Auguste, aux œuvres hellénistiques ou au style classique, Trajan préféra un discours historique et des œuvres romaines. Les Caryatides, citations classicisantes, s’effacèrent devant les Daces prisonniers ; le rappel à Alexandre passa par une frise en marbre pentélique où il apparaissait dans l’attitude du Macédonien à Issos, et non par les statues de la tente du Macédonien ou des portraits maquillés126 ; les summi viri furent placés dans les clipei de l’attique : ce déplacement revenait à exalter en premier lieu leurs vertus, abolissant la connotation gentilice des exèdres du Forum d’Auguste. La perspective ouverte derrière l’equus Traiani confirmait ce décalage : en lieu et place d’une aedes gentilice, qu’il s’agisse du temple de Vénus Génitrix ou de celui de Mars Ultor, la façade de la Basilica Ulpia présentait une alternance de panneaux d’armes et de Daces127. Insérées dans l’escalier, les statues de Trajan réunissaient sur un seul homme, par leurs types (cuirassée, en toge, capite velata), les qualités réparties sur les summi viri du Forum d’Auguste.
54Plutôt que des galeries gentilices, et à la place des provinces de l’Empire mentionnées par des tituli, Trajan disposa, dans les absides de l’area Fori, les fondateurs de ces mêmes provinces. Il se plaçait ainsi dans une continuité marquée exclusivement par la conquête d’un territoire, la position centrale de son equus lui attribuant naturellement la supériorité dans cet exercice. Mais les références républicaines occupaient, dans sa rhétorique de l’excellence, une importance égale. On l’a vu, les absides de la Basilica Ulpia, bâtiment propice à abriter une référence républicaine, devait ménager un face à face non moins républicain, celui de la statue de Trajan et de la statue de Libertas.
55L’exaltation des qualités de l’Optimus Princeps passait par les scènes historiques de la colonne Trajane, mais aussi par les frises allégoriques d’Amours et de griffons. Dans les deux cas, c’était à Trajan seul qu’il fallait attribuer l’ouverture de cette ère nouvelle, inaugurée un 1er janvier et marquée par la Securitas et la Felicitas. Nulle divinité ne dominait le Forum. Le surnom Optimus renvoyait tout au plus à la protection particulière dont il disait bénéficier de la part de Jupiter. Les travaux nécessaires au déblaiement du locus, le creusement du Capitole – et du Quirinal –, enfin l’érection d’une colonne de presque quarante-cinq mètres de haut disaient la volonté de Trajan de se rapprocher de son inspirateur divin. Plutôt qu’à une prédestination gentilice, c’est aux qualités personnelles du Princeps que Rome devait cet équilibre nouveau entre liberté et principat : que cette affirmation républicaine aille de pair avec une personnalisation plus forte du pouvoir impérial est un fait historique qui, sur le moment, ne paraît pas avoir inquiété les observateurs sénatoriaux les plus exigeants, tel Tacite...
Le Templum Pacis : otium et negotium
56Œuvre de Vespasien, le Templum Pacis n’est pas à proprement parler un Forum, et il ne reçut le nom de Forum de la Paix qu’à la fin de l’Antiquité128. Il faut dire qu’avant la construction du Forum Transitorium par Domitien, il n’était en rien lié aux Forums de César et d’Auguste (fig. 1 et 48). La connection urbanistique assurée, Apollodore prit en compte l’axe du Templum Pacis lorsqu’il définit l’orientation du Forum de Trajan. Mais les relations tressées entre les deux ensembles dépassent ce simple rapport géométrique.
57Le règne de Vespasien fut marqué par plusieurs réalisations : le Colisée ; un secteur de la via Sacra ; le temple de Jupiter Capitolin, brûlé pendant les guerres civiles de 68-69 ; le temple de Claude laissé inachevé par Néron129 ; enfin le Templum Pacis, dont les travaux commencèrent en 71 après J.-C. sur l’emplacement de l’ancien Macellum130. Dédié en 75, ce dernier fait partie pour Pline l’Ancien des « plus beaux ouvrages qu’ait jamais vus le monde »131. Il consistait en une place rectangulaire de cent dix mètres sur cent trente-cinq, non pavée132 et fermée vers le nord-ouest par une colonnade au rythme identique à la Colonacce du Forum de Nerva133, portiques aux colonnes de marbre africano avec couronnement de marbre blanc134 (ordre supérieur : colonne de granit rose et chapiteaux corinthiens de 1,20m de haut135). Séparé du portique périmétral par un gradin de cinq marches de marbre blanc (soit 1,50m de différence)136, l’espace intérieur était un vaste jardin comportant six bassins ou canaux (largeur : 4,70m), dont de substantiels vestiges ont été mis au jour, qui arrosaient peut-être des parterres de roses et alimentaient des fontaines137. S’y inscrivait peut-être une aedes (sans podium ?) pourvue d’une grande exèdre et consacré à la Paix (fig. 48)138. Divers bâtiments fermaient le témenos au sud-est, dont une bibliothèque139. La Forma Urbis séverienne fut précisément découverte dans la pièce adjacente à l’aedes, au sud, ce qui laisse supposer que l’ensemble du Templum devait servir de siège à la Praefectura Urbi140.
58Le Templum Pacis est surtout célèbre pour les œuvres d’art qui y furent exposées. Exaltant la paix, le témenos reçut pourtant les plus beaux objets pris lors du sac de Jérusalem141, mais aussi des peintures et des groupes statuaires confisqués en Grèce par Néron. Citons la vache de Myron, les Galates de Pergame142, des statues de Phidias, Naukydès, Léocharès, Polyclète, et des peintures de Protogénès, Nikomachos, Asclépiodore et d’autres, peut-être placés entre les bassins143. Au-delà, le complexe de Vespasien obéissait à une double préoccupation. C’était d’abord célébrer le retour à la paix après les guerres civiles et la guerre des Juifs. Dans cet exercice, le premier des Flaviens se recommanda d’Auguste. Le choix d’une aedes dédiée à la Pax s’inspire visiblement de l’Ara Pacis, élevé en lieu et place d’un triomphe ; d’autres indices, dont les restaurations monétaires de Vespasien, confirment cet état d’esprit144.
59La seconde préoccupation est la rupture avec la politique de Néron et l’urbanisme envahissant de la Domus Aurea145. La réaction flavienne fut spectaculaire : la tête du Colosse (qui dominait la ville), installé dans l’atrium de Néron, fut remplacée par celle de Sol146, mais surtout les œuvres grecques disposées dans la Domus Aurea furent rendues au public dans le cadre du Templum Pacis. La charge de censeur, assurée conjointement par Vespasien et Titus en 73, signifia de surcroît une remise en ordre de l’espace romain et un retour à une conception plus républicaine de son utilisation147, ce que Martial traduisit par : Reddita Roma sibi est148. Si la Domus Aurea avait confisqué l’espace et des œuvres d’art au profit d’un seul homme, la réaction flavienne les remit à la disposition des citoyens romains et Vespasien put opposer, à la luxuria que l’urbanisme et les mœurs de Néron avaient incarné aux yeux des Romains149, l’utilitas du Templum Pacis. Or, il semble que Trajan ait repris cette rhétorique dans les rapports établis entre son Forum et le Templum Pacis.
60La paix flavienne avait été obtenue, comme celle d’Auguste, après une guerre civile150. Qu’il s’agisse de Vitellius ou des Juifs, peuple inclu dans l’Empire, la victoire n’avait pas le retentissement des conquêtes extérieures d’Alexandre ou de César. L’aedes Pacis se présentait certes comme le réceptacle du butin du triomphe judaïque, mais le témenos alentour avait plutôt l’aspect d’une promenade, dans un jardin orné d’œuvres d’art exceptionnelles. Le Forum de César et le Forum d’Auguste recelaient également des pièces d’art grec, mais elles étaient plus rares et, surtout, elles avaient été sélectionnées en fonction d’un programme politique. Ce n’était pas le cas sur le Templum Pacis, qui regroupait des œuvres choisies par Néron et les disposait selon des obligations minimales : le Templum était ainsi, grâce à ses portiques et par opposition à la Domus Aurea, un espace ouvert au public sous le patronage de la Paix restaurée par les Flaviens. Rappelons que le Templum n’était pas un Forum : s’il était ouvert aux citoyens, il n’était en rien réservé à des activités judiciaires ou politiques.
61La présence d’une bibliothèque, dans la proximité immédiate de l’aedes, permet de dresser un parallèle avec un ensemble bien connu de la fin de la République, la villa des Papyrus à Herculanum151. Le concepteur de ce complexe privé avait opposé deux sphères distinctes de l’activité humaine, telle du moins que les Romains la concevaient : l’otium, et le negotium. Pour signifier l’otium, il avait installé, dans une partie du péristyle (au nord et au sud), des représentations d’Hestia et Hermès, tandis que le negotium était incarné par des statues d’Athéna (à l’est) et d’Héraclès (à l’ouest), tous deux capables de métis ou, pour traduire : de sapientia dans l’action. À n’en pas douter, le décor et les inscriptions dédicatoires (ex manubiis) du Forum de Trajan renvoyaient au domaine du negotium, de l’action politique et militaire au service de la République. Minerve comme Hercule y intervenaient, on l’a vu, en tant que modèles de l’excellence du souverain, inspirateurs de ses exploits. Enfin, la présence de la Basilica Ulpia était un cadre offert aux citoyens pour qu’ils exercent leur liber-tas, un aménagement qui complétait l’area Fori selon des dispositions républicaines traditionnelles.
62Il est clair qu’en regard de cette thématique trajanienne, les œuvres disposées sous les portiques et dans les jardins du Templum Pacis prenaient un sens qui n’était peut-être pas le leur à l’origine, mais qui devait être évident aux observateurs contemporains de l’Optimus Princeps. Aux plaisirs de l’otium sous le patronage de la Paix152, Trajan opposait le labor du negotium, qui se traduisait par les conquêtes à l’extérieur de l’Empire. En résultaient la Felicitas obtenue, non par des guerres civiles, mais par la civilisation des peuples barbares, et la Libertas pour les citoyens de Rome. Bref, Trajan a employé à l’égard des Flaviens, surtout de Domitien mais, dans une moindre mesure, également de Titus et de Vespasien, les pratiques rhétoriques qu’ils avaient eux-mêmes expérimentées à l’encontre de Néron : critique des limites de l’action du (ou des) prédecesseur(s) et de son (leur) appropriation injustifiée de l’espace public et d’œuvres d’art prestigieuses. Rappelons que le Laocoon, situé par Pline l’Ancien dans la domus privata de Titus, fut retrouvée en 1506 sur le site des thermes de Trajan153 : de Néron à Titus, l’œuvre était demeurée propriété privée des princes ; il est envisageable de considérer que ce fut l’Optimus Princeps qui, le premier, l’offrit à l’admiration de ses concitoyens dans le somptueux édifice public de loisirs que constituaient ses bains.
63Dernier point : la Forma Urbis séverienne a sans doute été précédée, dans le Templum Pacis, par un relevé de l’espace romain, peut-être effectué lors de la censure de Vespasien et Titus en 73, et dont les registres étaient conservés à proximité ou à l’intérieur de la bibliothèque du Templum154. Si tel était le cas, la référence aux provinces de l’Empire, que nous plaçons dans les absides de l’area Fori de Trajan, serait à comprendre comme une mise en ordre comparable de l’espace romain. Simplement, l’opposition otium/negotium s’exprimerait ici par la zone d’action revendiquée par Trajan : aux Flaviens, l’intérieur de l’Empire (Rome) ; à l’Optimus Princeps, l’extérieur (les frontières du monde). Cette répartition serait de plus conforme à la distinction sémantique Templum/Forum que véhiculent les deux complexes, le premier étant par définition un espace clos, délimité, ce que n’est pas le second. Le fait que ces espaces soient disposés sur un même cardo favoriserait cette association.
Le Forum Transitorium : de Domitien à Nerva
64Il peut paraître surprenant de mentionner Domitien parmi les inspirateurs de Trajan. Après avoir souligné, dans le chapitre précédent, le jeu rhétorique instauré par Pline le Jeune entre le dernier des Flaviens et l’Optimus Princeps, nulle référence au tyran, assassiné et frappé de damnatio memoriae, ne devrait être décelable. Ce n’est pas le cas, et l’explication en est simple : le Forum Transitorium fut inauguré par Nerva en 97, déplaçant de la sorte l’attribution du complexe de Domitien à son successeur. Qu’importait, dès lors, que l’édifice ait été conçu, et en grande partie réalisé, sous l’autorité de Domitien. Il était officiellement œuvre de Nerva, comme le proclamait l’inscription de dédicace occupant la façade du temple155.
65Le complexe avait une double destination : servir de passage entre le Forum républicain et les quartiers de l’Argilète et de Su-bure ; constituer l’écrin d’un temple de Minerve, protectrice de l’empereur156. Ce temple corinthien hexastyle était flanqué de deux arcs de triomphe : on en ignore la décoration.
66La place du forum était circonscrite par une colonnade, dont seule demeure l’extrémité orientale157. Le mur, qui permettait à l’est le passage vers le Templum Pacis, était de péperin ; l’attique de la colonnade était de marbre blanc, les colonnes de pavonazzetto. Des avant-corps en rythmaient la façade, identiques à ceux du Templum Pacis voisin et de l’Aula Regia dans la domus Flavia, due à l’architecte Rabirius158.
67À propos de cette partie flavienne du palais impérial, on peut d’ailleurs remarquer que le rythme des colonnades de l’Aula Regia était identique à celui du mur d’entrée du Forum de Trajan : des frises de Victoires et trophées l’ornaient, ainsi que des frises d’Amours-acanthes abreuvant des fauves159, deux thèmes annonçant fortement les motifs du forum trajanien. On y a reconnu des armes de guerre daces, germaines et gauloises, thèmes qui renverraient aux triomphes de Domitien de 86 et 89 et célèbreraient la paix revenue160. Le programme était donc très proche de celui adopté quelques années plus tard par Trajan, à une nuance près : l’Optimus Princeps mit ses victoires en scène sur son Forum, espace public offert ex manubiis aux citoyens, alors que Domitien les inscrivit dans le cadre de son palais. L’un, Trajan, choisit un espace à connotation républicaine ; l’autre, le Flavien, un espace dont le nom même renvoyait à l’idée dynastique et au lieu, solitaire, d’exercice du pouvoir161.
68Le décor sculpté du Forum Transitorium est essentiellement connu par la partie de colonnade demeurée intacte. Il s'agit du mythe d'Arachné, bien évidemment lié à Minerve. Nous reprenons ici les analyses de Ève d'Ambra162, qui a interprété la frise en la confrontant aux autres thèmes idéologiques du règne de Domitien. Sa démarche étant proche de celle entreprise à propos de la colonne Trajane, nous partirons de ses conclusions pour comprendre le discours officiel du dernier des Flaviens163. Héritier de Vespasien, Domitien a affirmé sa filiation en poursuivant la politique paternelle. Il a dénoncé les méfaits du règne néronien en inaugurant des Arae Incendii Neronis dans les régions dévastées par l'incendie de 64164, tout comme Vespasien avait construit le Colisée à l'emplacement du lac de la Domus Aurea; fut célébré aussi le sacrum septimontiale, rituel en mémoire de la Rome des origines, rappel bienvenu pour qui entreprenait une opération de refondation de la Ville165. Car, toujours en digne héritier de son père, Domitien a développé les références à Auguste et s'est présenté comme renovator urbis166. En témoignent :
les reprises monétaires de nombreux types julio-claudiens167, et les restaurations d'édifices augustéens168;
l'emplacement de son Forum, qui unit le Templum Pacis au Forum d'Auguste169;
la remise en vigueur, en 89-90, de la lex Iulia sur l'adultère170, que le titre de censeur perpétuel exercé par Domitien renforçait; elle alla de pair avec une sévérité exemplaire à l'égard des Vestales (la Grande Vestale Cornelia fut enterrée vive en 91 pour rupture de ses vœux de chasteté)171;
comme Auguste, Domitien prit possession en 88 du temps civique, en changeant le nom des mois de Septembre en Germanicus et d'Octobre en Domitianus172;
la célébration des Jeux Séculaires en 88, qui le plaçait en successeur direct du fondateur du Principat173; l'empereur, accompagné de matrones, y a invoqué les dieux pour la paix et la prospérité de l'Empire : une monnaie diffusa l'image de la cérémonie174.
enfin, Domitien restaura, outre les bibliothèques du temple d'Apollon Palatin, l'horologium solarium Augusti175.
69Comme Auguste fondateur de dynastie, Domitien fit preuve de piété filiale et familiale (donc dynastique) vis-à-vis des siens. En témoignent diverses réalisations :
le temple du Divin Vespasien sur le Forum républicain, ainsi que l’arc de Titus176 ; Domitien acheva également les thermes de son frère177 ;
la Porticus Divorum sur le Champ de Mars, dédiée à Vespasien et Titus réunis, sur le lieu où ils dormirent la veille de leur triomphe judaïque de 70178 ;
le Templum Gens Flaviae sur le Quirinal, dans la demeure de son oncle Titus Flavius Sabinus : l’édifice devint sacrarium de la famille, à l’imitation de la maison d’Auguste qui transforma une partie de sa demeure en temple (d’Apollon Palatin)179 ;
la célébration annuelle des Quinquatries en l’honneur de Minerve, organisées « dans sa villa [de Domitien] du mont Albain »180. La célébration de ces jeux renvoyait aux ancêtres sabins de la famille flavienne181, donc à l’origine de Rome. En cela, Domitien revendique un héritage aussi ancien et honorable que celui de la Gens Iulia182. Si Auguste mit en valeur Romulus sur son Forum, Domitien restaura des cultes institués par le Sabin Numa, respectant par exemple le temple de Janus Geminus fondé par le second roi de Rome183.
70Par cette filiation à Numa, Domitien exaltait donc la pietas, mais une pietas légitimée par l’appartenance à une gens réputée sabine et rattachée à la plus ancienne histoire romaine. Cette coloration religieuse, associée à la comparaison avec Auguste, amènent à interpréter le règne de Domitien comme l’avénement légitime de la seconde « branche » des fondateurs de l’Urbs, celle de Numa. Après les Iulii, descendants d’Énée, de Iule et de Romulus mais dont Néron fut le tyrannique dernier représentant, Vespasien instaurait une seconde dynastie, dans la lignée du pieux Numa. La succession était dans l’ordre des destins (à Romulus succédait Numa) et le nouveau siècle, inauguré en 88, était marqué par la pietas de Domitien, restaurateur de nombreux rites archaïques. Pour preuve, le culte de Semo Sancus Dius Fidius, à la fois géniteur des Sabins et gardien des traités, qui apparaît sur la frise du Forum Transitorium184... Et, toujours sur le Forum, l’instauration par Domitien d’un nouvel édifice consacré à Janus Quadrifrons, face au temple de Minerve185.
71Un second fait demeure, relevé par R. Turcan, fait qui plaide pour une conception d’ensemble des Forums impériaux et du Templum Pacis :
[...] que l’on restitue au sud du Forum Transitorium un temple [de Janus Quadrifrons] proprement dit ou un tétrapylon, l’édifice se trouvait sur le chemin qui menait de Mars Ultor au Forum Pacis : le Janus de Domitien servait donc réellement de passage de la guerre à la paix186.
72Le dessein urbanistique de Domitien, fort cohérent, a été intégré par Trajan sans difficulté. Inauguré par Nerva, le Forum Transitorium avait, de facto, perdu la connotation dynastique qui était la sienne à l’origine.
73De la frise du Forum de Domitien, très lacunaire (sur trente-huit baies, une seule est conservée, soit vingt-et-un mètres de reliefs sur un total de deux fois cent-soixante187), se dégagent les mêmes thèmes : Domitien met en scène un mythe (Arachne, exemplum impietatis188, contre-modèle des vertus romaines) et des personnifications qui, d’après Ève d’Ambra, renvoient aux préoccupations morales, « restauratrices », du règne : vertus féminines189, domestiques certes, mais liées aussi à la dimension dynastique du pouvoir190 et à l’entreprise impériale du retour aux mores maiorum191. Grand Pontife, mais surtout censeur perpétuel, Domitien pouvait user de ce titre en permanence pour surveiller la moralité des sénateurs et chevaliers : le titre était inédit et rappelait celui de César, dictator perpetuus192. Il n’est sans doute pas pour rien dans l’assassinat du dernier des Flaviens, puisque Trajan prit bien soin de ne jamais exercer la censure193 : preuve qu’elle était, aux yeux des sénateurs, le principal instrument de la tyrannie de l’empereur à leur endroit.
74De par les circonstances de son accession à l’Empire, Trajan, qui dans bien d’autres domaines est le continuateur de Domitien, a :
rompu avec les références dynastiques. Nous avons déjà évoqué, après bien d’autres commentateurs, cet aspect de l’idéologie trajanienne ; nous ajouterons ici un seul exemple. Sous le règne de Domitien, fut frappé un aureus à l’honneur de son fils mort jeune ; il montrait un enfant nu, assis sur un globe, levant les bras et la tête en direction de sept étoiles194. L’inscription était DIVVS CAESAR IMP(erator) DOMITIANI F(ilius) (sur le droit, un buste de DOMITIA AVGVSTA IMP DOMIT). Seul Trajan reprit le type : sur une monnaie crétoise, lieu de naissance de Jupiter, l’enfant assis sur le globe est accompagné de l’aigle (ou de la chèvre Amalthée). Il figure donc le jeune Jupiter, qui « tend les bras vers le ciel sur lequel il est appelé à régner »195. D’un motif dynastique, la monnaie devient motif jupitérien, et l’on sait combien Trajan a usé, à la suite d’ailleurs de Domitien mais dans une toute autre optique, de ce patronage jovien196. La transformation du motif iconographique, « inventé » pour l’héritier de Domitien et réutilisé uniquement sous le règne de Trajan, est révélatrice de l’évolution du discours officiel durant cette période197. Rappelons que Jupiter avait, par un signe fort, signifié son « congé » à Domitien : son foudre frappa, la même nuit, le Capitole, le temple de la Gens Flavia et le palais de Domitien198 ; par contre, Trajan fut adopté devant le même Capitole...
substitué à un discours, centré sur les vertus féminines et la restauration morale, un discours de virtus militaire et, surtout, de libertas républicaine. Hélas, si le programme décoratif du Forum de Trajan est aujourd’hui à peu près connu, celui du Forum Transitorium ne l’est que trop partiellement pour que l’on puisse pousser plus loin la confrontation.
75Diverses études ponctuelles sur la politique dynastique du dernier des Flaviens fournissent, à côté des sources littéraires, un riche matériau de comparaison. L’ampleur de la matière mériterait que l’on s’y attarde plus longuement, les rapports contrastés entre Domitien et Trajan étant, au début du règne tout au moins, un point central du discours politique impérial et sénatorial. Mais nous avons voulu privilégier l’étude de la colonne Trajane, et il nous a semblé opportun de confronter les conclusions tirées de cet ensemble iconographique à l’ensemble architectural dont elle faisait partie, le Forum de Trajan. L’élargissement qui suivit, aux complexes urbanistiques antérieurs, servit de vérification à ces premières conclusions. Qu’il exclut d’autres édifices, par exemple les bibliothèques augustéennes du temple d’Apollon Palatin199, les réalisations d’Hadrien200 et bien sûr les autres réalisations de Trajan, à Rome ou dans l’Empire, ne nous paraît pas, en méthode, rédhibitoire.
3 – CONCLUSIONS
76L’étude comparative du Forum de Trajan et de ces quatre prédécesseurs a permis de mettre en évidence les citations architecturales et thématiques qu’Apollodore a emprunté à César, Auguste, Vespasien et Domitien. Au-delà des critiques à l’encontre du dernier des Flaviens, il faut voir dans ces citations un honneur rendu aux prédécesseurs. La démarche est en effet identique à celle décrite par Pline l’Ancien : « [...] même le fait d’usurper les portraits d’hommes illustres était un témoignage réel d’amour pour leurs vertus et c’était bien plus honorable que de se conduire de telle sorte que personne ne cherchât à s’approprier nos portraits à nous »201. La présence de portraits de César et Vespasien, dans les clipei de l’attique de l’area Fori, confirme l’état d’esprit de ces citations.
77La repetitio s’accompagna pourtant d’importantes variationes, perceptibles tant dans l’architecture que dans le décor. Toutes participaient de la rhétorique de l’excellence développée par l’Optimus Princeps, et en premier lieu les dimensions de son Forum et de sa colonne. Cette diaphora facilitait également la compréhension du discours trajanien. La référence à des formes architecturales et iconographiques traditionnelles permettait aux spectateurs romains d’en percevoir à la fois les permanences et la nouveauté, ce qui était particulièrement adapté aux valeurs véhiculées par le complexe trajanien.
Notes de bas de page
1 La tradition dont émane la colonne honorifique, et l’iconographie qu’elle porte, ont fait l’objet de nombreuses recherches. Outre Becatti 1982, p. 548, qui évoque une origine dérivée de la peinture triomphale, on peut consulter : Torelli 1982, p. 119-135, qui s’intéresse au mode de lecture – et d’élaboration – des peintures véhiculées lors de la pompa triumphalis ; Brilliant 1986, p. 90-123, qui replace la colonne Trajane dans la tradition des reliefs narratifs étrusques et romains, parmi lesquels les Tables Iliaques ; Settis 1988a, p. 93-100 ; Picard 1992, p. 135, se référe à la peinture triomphale et aux itineraria picta et ajoute, comme antécédents italiques à la frise de la colonne, les Tables Iliaques et la peinture de la maison I.3, 23 de Pompéi, conservée au Musée de Naples, qui représente la rixe dans l’amphithéâtre. Citons encore Coarelli 1976, qui décrit les fresques superposées de l’Esquilin ; et Coarelli 1992b, qui s’intéresse aux origines des tabulae triumphales. Kenner 1985, p. 226, penchait pour une origine orientale, alexandrine, de la frise à spirale. Sur le sujet des itineraria picta, se reporter à l’ouvrage classique d’A. et M. Lévi (Lévi 1967) et aux travaux de Cl. Nicolet sur les cartes à Rome (Nicolet 1988 ; Nicolet 1991, par exemple, p. 103-131 sur la carte d’Agrippa ; voir aussi Trousset 1993a, pour une mise en espace différente et pertinente de la carte d’Agrippa ; enfin, le colloque de l’Ecole Française de Rome : L’Urbs 1987).
2 Becatti 1960, p. 30.
3 Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 27 (trad. H. Le Bonniec et G. de Santerre). Becatti 1982, p. 544.
4 Ennius, Épigrammes 10-11 (à propos d’un passage de l’Histoire Auguste. Claude, 7, 6) : « Quelle statue, quelle colonne érigera le peuple romain, qui soient assez élevées pour narrer tes exploits ? » (trad. A. Chastagnol).
5 CIL VI, 1319 : C. POPLICIO. L. F. BIBVLO. AED. PL. HONORIS / VIRTVTISQVE. CAVSSA. SENATVS. / CONSVLTO. POPVLIQVE. IVSSV. LOCVS / MONVMENTO. QVO. IPSE. POSTEREIQVE / EIVS. INFERRENTVR. PVBLICE. DATVS. EST. L’inscription était répétée sur la face principale et sur le côté. Gauer 1981, p. 182-183 ; Fris-cher 1982-1983 ; et Hesberg 1992, p. 13 et 151.
6 CIL VI. 1, 563 (= DESSAU 1892, p. 283) : PIETATI IMP. CAESARIS. DIVI. NERVAE. FIL. NERVAE. TRAIANI. AVG. GERM. P. M. TR. P. III. COS. II. P. P. EX. S. C.
7 SENATVS. POPVLVSQVE. ROMANVS. IMP. CAESARI. DIVI. F. AVGVSTO. COS. VIII. DEDIT. CLVPEVM. VIRTVTIS. CLEMENTIAE. IVSTITIAE. PIETATIS. ERGA. DEOS. PATRIAMQVE. (d’après Hölscher 1967, p. 102-120, ou Hölscher 1988, p. 387-390).
8 Voir Chapitre Trois note 55 pour le texte de la dédicace.
9 Pline le Jeune, Pan. LXXXVIII, 4 ; voir la citation Chapitre Quatre note 244.
10 Zanker 1970, p. 531-533, conclut qu’Apollodore avait fixé l’iconographie de la base et choisi sa forme (un autel) de telle sorte qu’après la mort de Trajan elle apparaisse comme un locus religiosus. Settis 1988a, p. 53-55, en convient et distingue, pour la colonne, des fonctions indicatrice des travaux (par la dédicace), funéraire (par le décor) et honorifique (par l’architecture, la frise et la statue au sommet). Turcan 1995, p. 153, reprend cette analyse. Les frises de sphinx et de griffons entourant la colonne Trajane avaient également une double valeur.
11 L’aigle apparaît sur les monnaies trajaniennes consacrées à DIVA AVGVSTA MARCIANA (après 113) : elles portent au revers, soit le carpentum, soit un aigle, et la légende CONSECRATIO (BMC Emp. III, p. 125-126, numéros 647-655 et planche 21.2 à 9 ; ibid., p. 230-231, numéros 1083-1087 et planche 44.6 à 8). Sur l’apothéose, consulter Brelich 1938, et surtout Richard 1966a, et Richard 1978.
12 Richard 1978, p. 1123, sur les textes antiques (Epitome de Caesaribus XIII, 11 ; H.A., Hadr., VI, 3), et Richard 1966b. Trajan est le seul empereur à avoir conservé, après sa mort, le titre de Parthicus en sus de celui de Diuus (Richard 1978, p. 1124 ; voir BMC Emp. III, p. 237, numéros 5-8). Citons encore le relief de Palestrina, publié et commenté par Musso 1987 et interprété comme représentant le triomphe posthume de Trajan.
13 La chambre ménagée dans le socle de la colonne (Boni 1907 ; Zanker 1970, p. 532) devait avoir une fonction précise, qui se révéla pour le moins adaptée à la réception des urnes funéraires de Trajan et son épouse. L’Optimus Princeps avait donc suivi le conseil de Pline le Jeune (voir note ci-après) et prévu son sépulcre à l’avance – il eut la chance que son héritier s’en acquittât. Il est vrai que les conditions d’accession d’Hadrien à l’Empire, contesté, l’incitaient à honorer la mémoire et les actes de celui qui ne l’avait désigné – dernier acte de sa vie – que sur son lit de mort (sur l’apothéose de Trajan et la succession d’Hadrien, consulter Den Boer 1975).
14 Pline le Jeune, Ep. VI, 10 (trad. A.-M. Guillemin). Sur ce texte, Valette-Cagnac 1997, p. 78 note 27.
15 Hesberg 1992, p. 21.
16 Les Flavii de Cillium 1993.
17 Hesberg 1992, p. 9-12.
18 Veyne 1985, p. 56, sur l’objet et la « réception » des inscriptions et iconographies funéraires à l’époque antique.
19 Une tombe est un locus religiosus (Hesberg 1992, p. 25). Il faut avoir l’autorisation du Pontifex Maximus pour la détruire ou la déplacer, comme s’en fait l’écho Pline le Jeune, Ep. X, 68, s’adressant à Trajan : « Quelques personnes me demandent de les autoriser à déplacer, suivant l’exemple des proconsuls, leurs tombes de famille que menacent l’injure du temps ou les débordements du fleuve ou d’autres raisons toutes de cette sorte ; sachant qu’à Rome on a pour des questions de ce genre l’habitude de s’adresser au collège des pontifes, j’ai pensé que je devais te consulter, maître, toi le grand pontife, sur la règle que tu voulais me voir suivre » (trad. M. Durry).
20 Hesberg 1992, p. 231-232. Également : Valette-Cagnac 1997, p. 73-109.
21 Hesberg 1992, p. 232.
22 Comme l’indique la mention laconique de Dion Cassius LXIX, 2, au détour d’un passage concernant le début du règne d’Hadrien : « Hadrien écrivit au Sénat pour prier cette assemblée de lui confirmer l’empire, protestant qu’il ne voulait, ni en ce moment ni dans un autre, qu’on lui décernât aucun honneur, comme c’était auparavant la coutume, qu’il ne l’eut demandé. Les os de Trajan furent mis sous sa colonne » (trad. E. Gros et V. Boissée).
23 Dion Cassius XLIV, 7, 1 : « Mais, et c’est ce qui mit le mieux en lumière l’intention de ses flatteurs, en même temps qu’ils lui décernaient ces distinctions, ils permirent de lui construire un tombeau dans l’enceinte du pomérium [...] » (trad. E. Gros et V. Boissée). L’autorisation d’ensevelir César dans le pomérium appartient clairement, dans le texte de Dion, aux honneurs excessifs décernés au dictateur pour le rendre odieux au peuple.
24 Suétone, César LXXXV : « Plus tard, [la plèbe] fit dresser sur le forum une colonne massive de vingt pieds environ, en marbre de Numidie, avec l’inscription : ‘Au Père de la Patrie’. L’usage se conserva longtemps d’offrir des sacrifices au pied de cette colonne, d’y former des vœux et d’y régler certains différends en jurant par le nom de César » (trad. H. Ailloud). Liou-Gille 1988.
25 Il fut enterré, avec sa fille Julia, sur le Champ de Mars : Hesberg 1992, p. 13.
26 Hesberg 1992, p. 266. Voir Kraft 1967, Richard 1970. Sur les origines et le sens (dynastique) de la forme architecturale dont émane le Mausolée d’Auguste : Reeder 1992, p. 301, explique qu’il subit l’influence conjointe du Philippeion d’Olympie, du tumulus traditionnel des rois macédoniens et du sema d’Alexandre à Alexandrie.
27 Suétone, Dom., XVII.
28 Hesberg 1992, p. 266-267.
29 La bibliographie sur le sujet est vaste : consulter Boni 1907 ; De Angelis d’Ossat 1946 ; Blanckenhagen 1954 ; Lugli 1965b donne la totalité des sources antiques ; Lugli 1967 ; Lugli 1970, p. 355-364 ; Anderson 1984, p. 141-151 ; Giuliani 1987 ; Packer 1988, p. 306-308 ; Richardson Jr 1992, p. 175-178. Gros-Torelli 1992, p. 194, reprennent la datation domitienne des travaux de déblaiement nécessaires au Forum (sous les ordres de l’architecte Rabirius), affirmée par Aurélius Victor, Caes. XIII, 5 (« À Rome, Trajan entretint et embellit plus que somptueusement les monuments commencés par Domitien, le forum et bien d’autres édifices » ; trad. P. Dufraigne), et confirmée, selon Bloch 1947, par les estampilles de briques retrouvées sur le site. Lire cependant Lancaster 1995 sur la datation de ces estampilles, qui conclut différemment : « The assumption that either of the stamps (258a and 697) at the base of the Hemicycle wall can be dated to the Domitianic period is unjustified. Every indication is that they both date to the early second century ». Nous adoptons cette datation. Plus récemment : Bianchi-Meneghini 2002, p. 398-399 (excavation d’une quarantaine de mètres pour les Mercati Traiani) ; Rizzo 2001a, p. 218-219, estime à trente mètres la hauteur des sédiments retirés pour ériger le Forum : la colonne Trajane aurait nécessité un dégagement d’environ 15 m, le maximum se situant au niveau de l’equus Traiani. Enfin Ungaro 2001, p. 66-67 (projet entamé par Domitien, mais radicalement modifié par Trajan).
30 Le théâtre de César devait être creusé sous la roche tarpéienne : Suétone, Diuus Iulius XLIV, 2 : « [...] il [César] se proposait avant tout de construire un temple de Mars, le plus vaste qui fût au monde, en comblant et nivelant la pièce d’eau sur laquelle il avait donné le spectacle d’une naumachie, et un théâtre immense, adossé à la roche tarpéienne [...] ; de mettre à la disposition du public des bibliothèques grecques et latines aussi riches que possible » (commentaire dans Gros 1987, p. 326). Sur l’altitude du temple de Vénus Victrix, consulter Gros 1987, p. 324.
31 Cicéron Ad. Att. IV, 16, 8 : « Aussi les amis de César (c’est Oppius et moi que je veux dire, dusses-tu en crever de dépit) nous avons dépensé sans compter, pour ces travaux que tu portais aux nues, et qui consistent à élargir le forum et à l’étendre jusqu’à l’atrium libertatis, 60 millions de sesterces » (trad. L.-A. Constans).
32 Le Forum de Trajan s’inscrivait donc dans cette tradition d’évergétisme, inspirée en quelque sorte par César, offrant ex manubiis son Forum (Westall 1996, p. 89).
33 Pline l’Ancien, H.N. VII, 115 : « Dans les bibliothèques qu’Asinius Pollion a construit à Rome, pour les ouvrir au public, grâce au butin de guerre, fut disposé un portrait de Varron, unique parmi les vivants » (trad. E. Ernout).
34 Sur l’Atrium Libertatis, se reporter à la bibliographie donnée en note 74 Chapitre Quatre, dont Makowiecka 1978, p. 23-39, et Tortorici 1991, p. 95-97. Sur le projet de César, lire Suétone, Diuus Iulius XLIV ; et sa réalisation par Asinius Pollion dans Ovide, Tristes III, 1, 71. Sur le décor des biliothèques, consulter Pline l’Ancien, H.N. XXXV, 10 ; et ibid., XXXVI, 23-25 ; et 33 (voir note suivante).
35 Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 23 : « (De Praxitèle) les Ménades, les divinités appelées Thyiades, les Caryatides et les Silènes dans les monuments d’Asinius Pollion ». Et aussi Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 33 : « Asinius Pollion, qui était vif et fougueux, voulut aussi donner un lustre particulier à ses monuments (monumenta) » (trad. J. André, R. Bloch et A. Rouveret). Rouveret 1981, p. 145-146 note 3, pour un commentaire du passage et une bibliographie.
36 Outre la bibliographie donnée ci-dessus note 29 : Ricci 1928 ; Ricci 1929 ; Boethius-Riefstahl 1931-1932 ; Pernier 1940 ; et plus récemment, Bernacchio 1995 ; Ungaro 1995c ; Meneghini 1995c et Meneghini 1995d. Voir également Tummarello 1989a, qui fait le point sur le problème du mons entre Capitole et Quirinal, et ci-dessous sur les liens rhétoriques entretenus par les deux complexes.
37 Zanker 1970a, p. 530, attribue cette mention à la volonté de glorifier l’architecte. Mais à travers Rabirius, qu’il cite en exemple pour l’époque de Domitien (ibid., p. 530 note 110), c’est bien l’empereur qu’exaltaient Martial et Stace dans leurs écrits.
38 Bonnes reproductions dans Stucchi 1989, p. 250-251, et datation de Pensa 1969-1970, p. 281-284.
39 Surtout si on retrouve, comme Packer 1988 le propose, des proportions vitruviennes sur le Forum de Trajan.
40 Vitruve II, Praef. 1-4 (d’après la traduction anglaise de F. Granger).
41 Plutarque, Fortune d’Alex. 335c-e (trad. F. Frazier et Chr. Froidefond). Lucien, Essais IX, mentionne qu’Alexandre refusa de sculpter le mont Athos à son image, une cité dans chaque main, « pour ne pas diminuer une si grande montagne en la sculptant à l’image d’un frêle corps » (d’après la traduction anglaise de A. M. Harmon). Ce qui permet à Lucien de vanter la grandeur d’âme d’Alexandre. Même anecdote dans Lucien, Comment écrire l’histoire XII. L’anecdote est encore rapportée par Strabon, Géogr. XIV, 1, 23, avec le mont Athos sculpté en Alexandre offrant une libation, et deux cités, une à droite, l’autre à gauche du mont, reliées par une rivière. L’architecte est là nommé Cheirocratès.
42 Le rapprochement avec les trois fonctions canoniques du souverain indo-européen décrites par Georges Dumézil (se reporter dans la bibliographie aux ouvrages classés sous Dumézil) nous paraît possible, puisque d’une main la statue offrirait une libation perpétuelle, de l’autre elle porterait une cité fortifiée (et non, c’est vrai, une arme ou une massue comme c’est le cas par exemple pour la statue de Commode en Hercule), enfin (et c’est l’absence de cet élément qui, chez Vitruve, motive le refus d’Alexandre) elle devrait dominer un terroir agricole fertile. Pour un commentaire différent du projet refusé par Alexandre : Meyer 1986.
43 Sur l’Héraclès grec, Jourdain-Annequin 1989.
44 Sur le kléos en Grèce archaïque : Svenbro 1988.
45 Plutarque, Alex. LXXII, 6-7 (trad. R. Flacelière et E. Chambry).
46 Lugli 1965b, p. 238 (par les marques de fabrique, il date entre 94 et 108 les travaux du Forum et des Marchés) ; Zanker 1970a, p. 503 (construction des Marchés contemporaine du Forum de Trajan) ; Giuliani 1987 (discussion et bibliographie antérieure ; l’auteur souligne les différences de mise en espace et de lumière, et conclut à la possibilité de deux projets successifs, et d’un autre architecte qu’Apollodore pour la réalisation des Marchés) ; La Regina 1988, p. 31-36 (description) ; Packer 1988, p. 306-308 (il attribue le début des travaux à Rabirius, et l’achèvement des quatre terrasses creusées dans le Quirinal à Apollodore) ; Gros-Torelli 1992, p. 194 (travaux commencés par Domitien, mais menés à bien par Trajan) ; Coarelli 1994a, p. 86 (datation « des dix premières années du iie siècle après J.C. ») ; Milella 1995, p. 91 (arasement commencé par Domitien) ; en dernier lieu Ungaro 2001, p. 66 (début des travaux entre Domitien et 96-106) et 67 (projet de Domitien radicalement modifié par Trajan).
47 Lancaster 1995, p. 40 : « The evidence from the brick stamps shows clearly that the top course of the foundations and all of the superstructure of Trajan’s Markets were built at least a decade after Domitian’s death ».
48 Ungaro 2001, p. 68, qui affirme de surcroît (p. 72) : « En définitive, le Corps Central [des Marchés] abritait l’Autorité qui administrait le Forum de Trajan (...) ». Elle évoque plus loin (p. 76) un procurator fori Traiani qui avait son siège dans le Corps Central des Marchés (pour les autres fonctions des divers espaces des Marchés : ibid., p. 76-77).
49 Lancaster 1995, p. 40 : « [...] the modifications made to the Terazza Domiziana suggests that the Trajanic design was different from that intended by Domitian ».
50 Lugli 1965b, p. 238 : « l’étroite connexion existante entre Marchés et Forum apparaît du fait que les deux exèdres [...] ont le même centre ; ce qui démontre qu’elles ressortent du même plan ». Gros-Torelli 1992, p. 196-197, soulignent par contre l’absence de rapport entre les deux parties du complexe : « Nonostante l’intimo rapporto planimetro, la ‘facciata’ marmorea sembra deliberamente ignorare il ‘retrocortile’ rivestito di mattoni [...] : essa dimostra che, a quel punto dell’evoluzione delle strutture urbane, gli architetti ufficiali non sapevano o non potevano più concepire per Roma una piazza pubblica la cui funzione non fosse esclusivamente celebrativa e sacralizzante ». Ungaro 2001, p. 78, attribue au contraire les Marchés à Apollodore.
51 Gros-Torelli 1992, p. 196-197, insistent sur le choix de l’opus caementicium par Apollodore, qui marque une rupture avec le Forum adjacent. Milella 1995, p. 94, souligne de même la séparation nette entre Forum et Marchés, par la rue pavée, mais aussi la « scenografia facciata dell’Emiciclo dei Mercati ». Elle pense les deux complexes contemporains, mais différents par leurs fonctions et leur technique de construction : « in marmo il compleso forense, spazio celebrativo e di rappresentanza ; in mattoni gli edifici dei cosidetti Mercati ».
52 Packer 1988, p. 319 ; Ungaro 1995c, p. 127.
53 Sur les fonctions des Forums, Gros 1976, p. 93 note 103, qui cite Appien, BC II, 102, décrivant le Forum de César : « [...] ce forum qui devait être réservé aux affaires publiques, à l’enseignement et à l’exercice de la justice, à l’exclusion des opérations commerciales ».
54 Ibid., p. 31-36 et 43, avance l’hypothèse que les Marchés accueillirent l’administration du fisc impérial, avec les arcae du Sénat. La Rocca 1995a, p. 11, pense que le cinquième niveau des Marchés, orné de marbre, a servi de do-mus au curator des Marchés, lesquels ne seraient pas véritablement des marchés. Ungaro 1995c, p. 127-130, évoque la possibilité que les Marchés servirent, entre autres, à des distributions de vivres aux citoyens romains, ce qui implique la présence de services administratifs à proximité. Ungaro 2001, p. 76-77, hésite entre activités commerciales et activités plus « officielles ». Sur les salles proches de l’area Fori, voir Chapitre Quatre note 31.
55 La Regina 1988, p. 43-44 ; Ungaro 2001, p. 76.
56 Giuliani 1987, p. 26, propose de séparer l’espace du Forum en un espace civil (la Basilica) et un espace sacré (le Temple), tandis que Packer 1988, p. 309, conclut qu’Apollodore aurait réservé aux Marchés des fonctions commerciales, faisant de Trajan « the great provider ».
57 La Regina 1988, p. 36.
58 Morel 1987, p. 139, souligne que, pour les Marchés de Trajan, « on ne connaît pas d’autre nom que celui de Forum Traiani » (les références sont données dans sa note 59). Il définit ainsi les relations entre Forum et Marchés : « À la fois indissociables et distincts, ils sont aussi étroitement imbriqués qu’ils sont différents et même opposés par leur situation, leur plan, leur élévation, leurs matériaux et leur destination ».
59 Martin 1972, p. 923 : « La nécessaire présence de la basilique, son association avec les places à portiques et les séries de tabernae, le rôle des marchés, l’association avec les cultes municipaux et impériaux se trouvent dans la série des fora d’époque républicaine ». Il cite Pompéi, Cosa ou Alba Fucens : leur disposition juxtapose ces éléments, alors que le Forum de Trajan les intègre : « L’originalité d’Apollodore fut de fondre ces diverses structures en une conception unifiée et très étroitement associée à la topographie du site et à un vaste plan d’urbanisme » (ibid., p. 925).
60 Ibid., p. 925 : « Ceux-ci [les forums de César, Auguste et Nerva] n’étaient, par leur caractère religieux, que la transcription du sanctuaire à portiques [...] ». Les archéologues italiens, à la recherche du temple du Divin Trajan, avaient un temps évoqué la possibilité que l’aedes ait été érigée au centre de l’area fori (Meneghini 1998 ; La Rocca 1998) ; les fouilles récentes n’ont pas confirmé leur hypothèse (ci-dessus, Chapitre Quatre).
61 Martin 1972, p. 930-931, pour de nombreux exemples. Très souvent, c’est une rue qui sépare les deux complexes adjacents (cour à portique-basilique ; temple-portique et marchés), ce qui est conforme à la « formule » mise en place à Rome. Gros 1990b, présente un certain nombre de Forums d’Italie, Narbonnaise et Tarraconnaise, datés des premiers siècles avant et après J.-C. dont les structures sont proches du Forum de Trajan (par exemple Gros 1990b, p. 55-58, pour le Forum d’Arles). Soulignons que Ungaro 2001, p. 77-78, identifie une influence syrienne dans la structure des Marchés.
62 Morel 1987, p. 137-139, sur les marchés à Rome ; Tortorici 1990, et Tortorici 1991, pour un compte-rendu des fouilles à proximité du Forum de Nerva, et une présentation succincte avec bibliographie : Santangeli 2000.
63 La Rocca 2001. Sur le Forum de César, voir ci-dessous.
64 La démarche se justifie par divers documents qui rapprochent explicitement Alexandre et Trajan par le biais de César, d’Héraclès/Hercule et des vertus stoïciennes : voir notre Chapitre Quatre.
65 Coarelli 1999, p. 6, insiste sur la dimension religieuse de la colonne, qui serait un gigantesque piaculum destiné à compenser la disparition du mons, éliminé pour la construction du Forum et des Marchés de Trajan. Cette thèse nous paraît compatible avec celle du mont Athos : Alexandre refusa le projet en raison de sa superbia et par respect de l’ordre naturel, Trajan en réalisa l’équivalent mais en y associant une inscription délibérément modeste, car signée par le sénat, en regard de l’énormité des travaux entrepris. Terminons en précisant que Filippo Coarelli (ibid., p. 6) rapproche la colonne d’une colline artificielle érigée à Alexandrie (décrite par Strabon, XVII, 1, 20) : celle-ci peut avoir servi d’intermédiaire entre le mont Athos et la colonne romaine.
66 Cicéron, De Legibus II, 19 ; cité et commenté par Sauron 1995, p. 234.
67 Cicéron, De Republica VI, 13 ; cité et commenté par Sauron 1995, p. 234.
68 L’imitation d’Alexandre a une longue histoire à Rome (Coarelli 1994a, p. 213). Mais Fears 1981b, p. 924, met bien en exergue le caractère systématique de la relation établie par Trajan : « Under Trajan Hercules and Alexander emerged as central figures in imperial ideology ».
69 Divers auteurs se sont attachés à l’analyse des Forums impériaux : Blanckenhagen 1954, pour une étude comparative des fonctions et des axes des Forums ; il conclut (ibid., p. 26) qu’Apollodore conçut le Forum de Trajan comme l’élément final du complexe ; Drerup 1966, sur l’utilisation de l’architecture dans l’Antiquité (sur ce point, se reporter aux travaux de Pierre Gros, dont Gros 1976) ; Linfert 1979 présente une synthèse des relations spatiales entre Forums, mais aussi des liens qu’entretiennent les divinités convoquées dans cet espace ; Verduchi 1981, pour une courte notice ; Mansuelli 1982, pour une présentation de l’urbanisme impérial ; Zanker 1989, analyse les Forums de César et Auguste dans l’urbanisme augustéen ; Belloni 1990, comporte des remarques intéressantes sur les Forums impériaux, qui s’appuient sur une analyse des reliefs de la colonne Trajane ; Patterson 1992, p. 207-210, pour une présentation synthétique de l’espace romain ; Gros-Torelli 1992, p. 167198 ; Coarelli 1994a, p. 75-90 ; sur les Forums d’Auguste et de Trajan, les deux catalogues I luoghi del consenso imperiale 1995a et 1995b ; LTUR II ; Packer 1998 ; La Rocca 2001 ; Rizzo 2001a et 2001b.
70 Ennius, Fragments 417 (d’après la traduction anglaise de E. H. Warmington).
71 Amici 1991 reste l’ouvrage le plus récent sur le Forum de César et ses diverses phases. S’y reporter pour la bibliographie antérieure. Les sources sont réunies dans Lugli 1965a ; on peut également consulter Morselli-Tortorici 1990, p. 93-132 (sur les sources), et p. 211-251 (compte-rendu et commentaire des fouilles). Consulter Ulrich 1993 sur les circonstances de la création du Forum Iulium (Hastrup 1962 portait sur le même sujet) ; LTUR II, p. 299306 (article de C. Morselli) ; et La Rocca 2001, p. 174-184 (et sa bibliographie ; E. La Rocca fait le point sur les récentes découvertes archéologiques provenant du Forum de César, essentiellement d’époque archaïque et tardo-antique).
72 Se reporter au tableau de Gros 1976, p. 32-36, qui donne les dates anniversaires des bâtiments édifiés ou restaurés par Auguste, synthèse précieuse pour saisir le mode de fonctionnement de l’urbanisme augustéen.
73 Degrassi 1947, XXII, 54-56 : [paribus] IIII id. Mai. imp. Traianus / [Templum Ve]neris in foro Caesaris et / [columna]m in foro suo dedicavit. Pr. id. Mai. César avait inauguré le temple, inachevé, le 26 septembre 46 avant J.-C. (Lugli 1965a, p. 10 ; Amici 1991, p. 29-46 ; Ulrich 1993, p. 66).
74 Gros 1976, p. 127-128 (qui s’appuie sur les Res Gestae XXIX) précise que les enseignes furent déposées en 2 avant J.-C. dans le temple de Mars Ultor sur le Forum d’Auguste (contra : Bustany 1994). Il donne (ibid., p. 33) la date du 1er août pour la dédicace du temple ; mais Sauron 1995, p. 525 note 193, précise que la date du 12 mai, donnée par Dion Cassius LX, 5, 3, pour la tholos du Capitole, pourraît en fait être (aussi ?) celle de l’aedes du Forum d’Auguste. La question n’étant pas tranchée, nous conservons la datation traditionnelle.
75 Ovide, Fastes V, 551-598 : « Mais ce n’est pas assez que Mars ait mérité une fois son surnom : Auguste va reconquérir les enseignes restées aux mains des Parthes » (trad. E. Ripert). Gros 1976, p. 128, cite Dion Cassius LV, 10, 4, qui explique que le temple de Mars Ultor sur le Capitole fut construit à l’imitation de celui de Jupiter Férétrien. Zanker 1989, p. 117 et figure 89b, montre Mars juvénile avec les enseignes prises aux Parthes. Cet auteur souligne (ibid., p. 199-200 et figure 145) la proximité de la tholos capitoline de Mars Ultor avec le temple de Jupiter Feretrius, dévolu aux dépouilles opimes, et rappelle que le temple de Jupiter Tonans, également situé sur le Capitole, est aussi une tholos.
76 Ovide, Fastes V, 572-577 (trad. E. Ripert).
77 Voir ci-dessus, Chapitre Un, note 151, le texte d’Ammien Marcellin.
78 Note 26 de Richier 1997. Ibid., note 59, donne les références de monnaies trajaniennes de 113 ou 114 avec des « images de Mars portant un trophée ».
79 Voir Chapitre Quatre, note 287.
80 Un aureus d’Auguste, restitué par Trajan, montrait un aigle légionnaire entre deux étendards (pl. LXXXId). C’est la seule monnaie d’Auguste restituée par Trajan (deux autres ont pour thème Agrippa : voir RIC II, p. 311 numéros 817-818 ; une troisième présente au revers un crocodile, ce que l’on peut comprendre comme une allusion à la conquête de l’Egypte : ibid., p. 311 numéro 819), et son émission est postérieure à 107. Elle peut donc faire allusion à l’épisode des enseignes de Crassus et s’ajouter à la thématique « parthique » esquissée ici, un plus traditionnel « hommage aux légions » n’étant bien sûr pas à écarter. Trajan restitua deux autres monnaies avec enseignes : l’une datée de 84 avant J.-C. (BMC Emp. III, p. 133 numéro 679, planche 22.12), l’autre de Nerva (ibid., p. 145, 23).
81 Sur la phase trajanienne du Forum de César, se reporter à la description et à la reconstitution de Amici 1991, p. 75-136, que nous suivons (la citation est de Amici 1991, p. 87). Ce point est important, car il permet d’affirmer que les fragments du décor architectonique, qui datent de la période trajanienne, reprennent fidèlement les thèmes originaux.
82 Ibid., p. 101-116, propose une description des vestiges archéologiques et une reconstitution de la Basilica Argentaria. Elle possédait un pavement en opus spicatum et des pilastres de péperin. Par ailleurs, les tabernae sises dans le portique du Forum de César furent modifiées par Trajan (fig. 2). Une exèdre semi-circulaire fut ouverte dans les portiques, elle possédait un système de voûte identique à celui employé dans les Marchés de Trajan, avec une intention : reproduire sur le clivus Argentarius la structure de la via Biberatica qui courait à l’intérieur des Marchés de Trajan (ibid., p. 122-127). En dernier lieu, Rizzo 2001a, p. 224.
83 Sauron 1995, p. 298, d’après Pline l’Ancien, H.N. XXXV, 156. Trajan restitua une monnaie de César qui, sans forcément figurer la statue cultuelle (Sauron 1995, p. 254 sur ce point), représentait Vénus : voir Chapitre Quatre, note 259.
84 Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 18 ; cité par Sauron 1995, p. 247. LTUR II, p. 306-307 (notice de P. Gros) ; et Westall 1996.
85 Parallèle que confirme César, qui installa un bronze de Lysippe représentant Bucéphale dans les portiques de son Forum (La Rocca 1995b, p. 76).
86 Suétone, Divus Iulius LXI : « Il [César] montait un cheval remarquable, aux pieds presque humains et aux sabots fendus en forme de doigts. Ce cheval était né dans sa maison et les haruspices en avaient conclu que son maître était désigné pour l’empire du monde. [...] Dans la suite pour en conserver le souvenir, il plaça sa statue devant le temple de Vénus Génitrix ». Voir aussi Pline l’Ancien, H.N. VIII, 154-155, qui ajoute qu’Auguste dédia, lui-aussi, un tombeau à son cheval.
87 Strong 1961, figure 65 ; Hesberg 1981, p. 1174.
88 Nous suivons ici Sauron 1995, p. 247.
89 Westall 1996, p. 96, interprète cependant dans un sens de vengeance les deux tableaux de Timomachos choisis par César pour décorer son Forum : le suicide d’Ajax renverrait à la mort de Pompée, et Médée tuant ses enfants punirait l’infidélité de Jason, assimilé ici à Pompée, traître à César après la mort de Iulia.
90 Piazzesi 1989, figure 94
91 Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 41 (trad. R. Bloch).
92 Ibid., 41
93 Sauron 1987, p. 463-464, qui cite Pline l’Ancien, H.N. VII, 95 : [...] aequato non modo Alexandri Magni rerum fulgore, sed etiam Herculis prope ac Liberi patris ; et Sauron 1995, p. 253-266. LTUR II, p. 306-7, et Westall 1996, montrent que la concurrence entre les deux imperatores républicains passa aussi par les collections de camées, Pompée ayant offert à Jupiter Capitolin la collection de Mithridate, César sans doute celle des Ptolémées à... Vénus Génitrix.
94 César ne procéda pas de manière identique dans le monnayage public : si l’on retrouve une lionne « agenouillée » sur un denier de 46 avant J.-C., dû à Lucius Papius Celsus, célébrant les victoires africaines du dictateur – et le triomphe : l’avers, un homme barbu couronné, est inscrit TRIVMPHVS –, c’est devant un aigle, non un Amour, que le fauve s’incline (Zehnacker 1973, figure 965).
95 Il semble qu’à l’époque d’Hadrien, l’association de Vénus et de Rome soit devenu un thème dominant. L’anonyme auteur de la Veillée de Vénus, que Robert Schilling (Schilling 1961, p. XXII-XXXII) identifie à Florus, attribue ainsi la création de Rome et des Romains à l’action de la déesse : « C’est Vénus qui changea en Latins les descendants Troyens ; c’est elle qui donna pour épouse, à son fils, la jeune Laurentine et, plus tard, enleva pour Mars, une Vierge pudique au sanctuaire ; c’est elle qui conclut les noces des Romains avec les Sabines : ainsi elle devait créer les Ramnes et les Quirites et les héritiers de Romulus, les Césars, père et neveu ».
96 Lewis 1993.
97 Sauron 1995, p. 494 ; sur Auguste, consulter Zanker 1989, p. 179-205 ; sur la puissance du thème du renouveau de l’Empire sous Trajan, se reporter à la synthèse sur Tacite et Florus dans Havas 1992.
98 Pas plus que nous n’avons décrit en détail le Forum de César, nous ne nous attarderons sur celui d’Auguste, à l’exception des éléments qui nous paraissent expliquer quelques points de la disposition ou du décor du Forum de Trajan. Pour des études exhaustives sur ce Forum, on peut consulter, dans une vaste bibliographie : Zanker 1970b, qui reste l’étude de base ; Gros 1976, p. 92-95 ; Colini 1978 ; Ganzert-Kockel 1988 ; Zanker 1989, p. 206-229 ; Wegner 1990 ; Gros-Torelli 1992, p. 169-171 ; Coarelli 1994a, p. 7982 ; les catalogues I luoghi del consenso imperiale 1995a, p. 38-87 (pour une étude synthétique et des indications bibliographiques), et I luoghi del consenso imperiale 1995b, p. 20-96 (pour une étude des éléments retrouvés par l’archéologie) ; Sauron 1995, p. 525-536 ; LTUR II, p. 289-295 (article de V. Kockel) ; La Rocca 2001, p. 184-195 (et sa bibliographie).
99 Bianchi Bandinelli-Torelli 1976, p. 63-67, et Bauer 1985, rapprochait également le mur périmétral courbe de celui du Forum de Trajan : les fouilles récentes ont montré que cette reconstitution était erronée.
100 Res Gestae XXI, 1 : In priuato solo Martis Vltoris templum forumque Augustum ex manubiis feci.
101 Sauron 1995, p. 536 ; également Linfert 1979.
102 Sauron 1995, p. 526-528. Également : La Rocca 1995b, sur le décor figuratif du Forum d’Auguste ; et Ungaro-Milella 1995b, p. 52-75, pour les fragments des summi viri ; La Rocca 1995b, p. 81-85 ; Sauron 1995, p. 527, dénombre deux fois sept statues dans les niches. Rappelons que La Rocca 2001, p. 184 (et Rizzo 2001a, p. 230-234), indique la découverte récente de fondations de deux autres exèdres au sud-ouest du complexe, d’époque augustéenne mais détruites sous Domitien, lors de la construction du Forum Transitorium et des substructions du futur Forum de Trajan ; il propose également de réfléchir à l’hypothèse d’une basilique à double exèdre (ibid., p. 193-195). Cet ensemble ayant été détruit sous Domitien, l’imitatio trajanienne nous paraît aléatoire, cependant il convient de souligner cette présence de doubles exèdres affrontées et, peut-être, d’une basilique sur le Forum d’Auguste (premier état) : le complexe trajanien n’est pas si différent, ce qui devrait amener à nuancer les commentaires contemporains quant à la « militarisation » de l’urbanisme trajanien, phénomène « nouveau » qui serait perceptible par l’importation de structures castrales au cœur de Rome (en dépit de ses prudences et d’autres remarques fort justes, Gros 1998, p. 247-249, exprime avec force cette vision « militariste » du Forum de Trajan).
103 Sauron 1995, p. 528, dresse (après d’autres) un parallèle entre les galeries de personnages du Forum et le passage de Virgile (En. VI, 791-805) où Énée, aux Enfers, voit défiler les grands hommes de l’histoire romaine.
104 Sauron 1995, p. 528. Le premier montrait Castor et Pollux avec la Victoire et Alexandre le Grand ; le second Alexandre sur un char de triomphe, avec la Guerre les mains liées derrière le dos. Voir La Rocca 1995b, p. 86-87.
105 Sauron 1995, p. 529 ; La Rocca 1995b, p. 84-87.
106 La Rocca 1995b, p. 76-77.
107 Sauron 1995, p. 529.
108 La Rocca 1995b, p. 78 ; Ungaro-Milella 1995b, p. 82.
109 Sauron 1995, p. 530-531 ; La Rocca 1995b, p. 77 ; Ungaro 1995b, p. 46.
110 Ungaro 1995b, p. 46.
111 Sauron 1995, p. 530-534, y a reconnu un symbolisme astral, faisant de Jupiter-Ammon l’exaltation de la victoire de l’Occident sur l’Orient et une réponse à la propagande solaire des Parthes. Il précise cependant : « Nous ne prétendons pas certes qu’une telle lecture astrologique de cet ensemble architectural et décoratif était comprise universellement des visiteurs du forum Augustum [...] » (contra, La Rocca 1995b, p. 77).
112 Dion Cassius LV, 10, 2 (trad. E. Gros et V. Boissée).
113 Bonnefond 1987, a parfaitement analysé et commenté l’ensemble de ces dispositions, soulignant que c’est « la spécificité du nouveau régime qui s’inscrit ici, d’une certaine manière, dans la topographie ». Nous essaierons de faire ressortir ci-dessous un élément qu’elle n’a pas souligné.
114 Sauron 1995, p. 527-528.
115 Ibid., p. 507, cite les autels des vicomagistri qui portaient en décor, depuis 27 avant J.-C, les lauriers et la couronne de chêne ornant la porte de la maison d’Auguste. Pour une description archéologique et une analyse idéologique des édifices du Palatin, colline remodelée par Auguste, consulter Royo 1999, p. 150-172.
116 Voir Chapitre Trois, notes 176-182. Nous reprenons ici l’intégralité de la citation.
117 Pline l’Ancien, H.N. XXXV, 6-8 (trad. J.-M. Croisille).
118 Les tituli rédigés par Auguste jouaient le rôle des archives familiales, en justifiant les honneurs accordés aux summi viri.
119 Il est possible de voir, dans les guirlandes de fruits du Forum d’Auguste (fig. 50), une référence gentilice aux Iulii, célébrés de manière ostentatoire sous les portiques du complexe et dont l’ultime rejeton, Auguste, avait provoqué l’Âge d’Or.
120 Pline l’Ancien, H.N. XXXV, 9 (trad. J.-M. Croisille).
121 Ibid., 12. Pline poursuit en décrivant les boucliers de la Basilica Aemilia : voir Chapitre Trois, note 180.
122 À propos d’une imago de Trajan du musée d’Ankara, Budde 1965, p. 116, cite un texte de Charisius, Art. Gram. Lib. II, 222 : a vobis P. C. peto in impetratum valdissimeque cupio, ut proxime imaginem Augusti argenteum potius clupeum sicut Augusto ponatis. Corbier 1992, p. 894897, sur les images disposées dans la Curie sur le Palatin.
123 Le très beau chapiteau sculpté en pégases issus de feuilles d’acanthe, appartenant à la cella du temple de mars Ultor, a été interprété par Sauron 1995, p. 535, comme le signe de l’apothéose d’Auguste : Romulus avait en effet rejoint les Immortels sur le char de Mars, tiré par des chevaux ailés, et Auguste devait bien sûr imiter son ancêtre. On peut ajouter que la présence du Pégase, « domestiqué » car devenu élément porteur au Forum, peut renvoyer à l’idée, chère à Auguste, de la pacification du monde et de la maîtrise, définitive, des désordres des guerres civiles : le monstre né de Méduse devenant ici l’instrument docile de la réorganisation de l’Orbis Terrarum. Pour une reproduction du chapiteau : Ungaro-Milella 1995b, p. 20-23.
124 La Rocca 1995b, p. 84, signale la découvertes de plusieurs bases de statues attestant que la pratique se poursuivit. On a ainsi la preuve que deux triomphateurs du règne de Trajan, à savoir Volusius Saturninus et Cornelius Palma, entrèrent dans la galerie (pour avoir conquis l’Arabie Nabatéenne en 106 : Cizek 1994, p. 380). Trajan lui-même y figurait.
125 Bonnefond 1987, p. 259.
126 Sauron 1995, p. 550, indique que « Claude avait fait remplacer le portrait d’Alexandre par celui d’Auguste sur deux tableaux d’Apelle exposés au forum Augustum ».
127 Rappelons que le temple du Divin Trajan, un temps cherché au contact du Forum d’Auguste, ne s’y trouve pas : l’area fori du complexe trajanien comportait bien un forum à air libre et une basilique, et pas d’aedes, ce qui rompait avec la tradition antérieure.
128 À l’époque de Constantin : Bianchi Bandinelli-Torelli 1976, p. 63-67. Nos connaissances sur le Templum sont essentiellement littéraires, mais le site a fait l’objet de fouilles récentes, qui ont éclairé par exemple la nature des éléments rectangulaires figurés sur la Forma Urbis (fig. 48) : Castagnoli-Cozza 1956-1958, et Anderson 1982, pour un état des connaissances antérieur aux fouilles des années 2000. Sur l’urbanisme des Flaviens, consulter Castagnoli 1981 ; Kraus 1985 ; Torelli 1987 ; Coarelli 1990b ; et Gros-Torelli 1992, p. 184-187. Pour un court compte-rendu de fouilles, voir BCAR 1985, numéro 90.2, p. 314-321 ; La Rocca 2000a et La Rocca 2001, p. 195-207 ; Rizzo 2001a, p. 234-243.
129 Sur le Colisée, commencé en 69 et inauguré par Titus en 80 après J.-C. : Castagnoli 1981, p. 264-267 ; Gros-Torelli 1992, p. 184-185 ; Coarelli 1994a, p. 131-135. Sur la via Sacra : Castagnoli 1981, p. 267-270 ; Coarelli 1994a, p. 62-63. Sur le temple de Jupiter : Castagnoli 1981, p. 273 ; Gros-Torelli 1992, p. 184 ; Coarelli 1994a, p. 30-31. Et le temple de Claude : Castagnoli 1981, p. 267-270 ; Gros-Torelli 1992, p. 184-186 ; Coarelli 1994a, p. 118-119.
130 Pour le descriptif qui suit, nous renvoyons à : Castagnoli 1981, p. 271-273 ; Gros-Torelli 1992, p. 184 et 186187 ; et Coarelli 1994a, p. 89-90.
131 Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 102 (trad. R. Bloch), range dans cette catégorie, à côté du Templum, la basilique de Paulus et le Forum du Divin Auguste.
132 Rizzo 2001a, p. 237-238, précise que le pavement de l’espace central, large de 12 m et constitué de marbre blanc, était limité à la zone proche du futur Forum de Nerva. Le pavement s’interrompait par la suite.
133 Rizzo 2001a, p. 237 ; La Rocca 2001, p. 195.
134 La Rocca 2001, p. 195 ; Rizzo 2001a, p. 236-237, identifie des chapiteaux corinthiens de 1,65m de hauteur au premier niveau.
135 Ibid., p. 237.
136 Ibid., p. 236.
137 Rizzo 2001a, p. 238-239 ; La Rocca 2001, p. 195-196.
138 Ibid., p. 202-203, considère que la présence d’un autel, attesté sur le fragment de la Forma Urbis, suffit à faire du complexe un templum : en ce cas, la pièce rectangulaire du sud-est pourrait être, non une aedes, mais un lieu fonctionnel, dépôt du trésor des Juifs par exemple.
139 Makowiecka 1978, p. 41-49, supposait que l’aedes n’en est pas une et abritait les bibliothèques.
140 Coarelli 1994a, p. 90 ; à ce propos, La Rocca 2001, p. 206-207.
141 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs VII, 158-162, indique que Vespasien disposa dans le sanctuaire de la Paix, outre des chefs d’œuvres de la sculpture et peinture grecques, la vaisselle d’or du Temple de Jérusalem, mais conserva dans son palais la Loi et le voile qui masquait le Saint des Saints.
142 Coarelli 1978, p. 233-234.
143 Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 84 ; XXXV, 74 ; 102 ; et 109. Lire également Castagnoli 1981, p. 271-272 ; Coarelli 1994a, p. 90 ; La Rocca 2001, p. 196-201.
144 Consulter Isager 1976, p. 64, sur le monnayage de Vespasien qui reprit des modèles augustéens, mais aussi une monnaie avec une vache (en 74), rappel possible de celle de Myron sur le Templum Pacis. Également : Blamberg 1976 ; Pera 1981 ; et Coarelli 1990b, p. 34.
145 On pense bien sûr à l’épigramme de Suétone, Vie de Néron XXXI : Roma domus fiet : Veios migrate, Quirites, / si non et Veios occupat ista domus : « Rome est désormais sa maison : émigrez à Véies, ô Quirites, si du moins cette maison n’en vient pas à occuper Véies » (trad. H. Ailloud). Analyse synthétique du complexe par Kerrigan 1996 ; Royo 1999, p. 203-204, sur la partie palatine de la Domus Aurea et les transformations « vespasianiques » de l’urbanisme néronien.
146 Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 45. Castagnoli 1981, p. 262 ; Gros-Torelli 1992, p. 186 ; Coarelli 1994a, p. 134-135. Rappelons que cette tête était un portrait de Néron.
147 Coarelli 1990b, p. 34-37.
148 D’après Castagnoli 1981, p. 272-73. Vespasien reprit aussi le titre de César, abandonné pendant les guerres civiles : Isager 1976, p. 64.
149 Castagnoli 1981, p. 273-274, insiste sur la pietas de Vespasien et l’utilité de ses réalisations urbanistiques, opposées à l’esthétisme et aux réalisations privées de Néron. Sur l’opposition des concepts d’utilitas et de luxuria à Rome : La Rocca 1990, p. 290-293.
150 Fears 1981b, p. 899.
151 Nous utilisons, pour ce qui suit, l’analyse de Wojcik 1986, p. 259-284. Par la présence d’une statue d’Athéna Promachos dans le tablinum de la villa, et divers indices archéologiques, Maria Rita Wojcik a pu restituer là une bibliothèque. Elle date la villa entre le milieu et la fin du ier siècle avant J.-C. Sur la bibliothèque : Gigante 1987.
152 Sur le thème de la « mauvaise paix » pendant le règne de Domitien, consulter Waters 1974, p. 244-249, qui donne les références à Tacite, Ann. IV, 32 ; Agr. XXXIX, 40 ; et Juvénal, VI, 92. Remarquons que le discrédit (c’est un euphémisme) qui toucha Domitien à la fin de son règne, ne concerna ni Vespasien ni Titus.
153 LTUR II, p. 199 (notice de E. Papi) ; sur le Laocoon : Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 37 ; et Haskell-Penny 1988.
154 Castagnoli 1981, p. 264-265, avance la possibilité que ce relevé fut matérialisé par une première carte, ancêtre de la Forma Urbis.
155 Girard 1981, p. 237 ; LTUR II, fig. 147 (= CIL VI.953 = 31213) : IMP(erator) NERVA CAES(ar) AVG(ustus) (sc. Germanicus) PONT(ifex) MAX(imus) TRIB(uniciae) POTEST (atis) II CO(n)S(ul) IIII P(ater) P(atriae) AEDEM MINERVAE FECIT. Même attestation dans Suétone, Dom. 5, 2.
156 Nous suivons ici LTUR II, p. 307-311 (notice et bibliographie antérieure de H. Bauer et C. Morselli). Sur Domitien et Minerve : Girard 1981.
157 Sur le Forum (entre autres) : Lugli 1970, p. 352-355 ; Bauer 1976-1977 ; Bauer 1977 ; Bauer 1983 ; Bauer 1988 ; Anderson 1982 ; un court compte-rendu de fouilles dans BCAR 1985, numéro 90.2, p. 321 ; Morselli-Tortorici 1990 ; Tortorici 1991 ; Gros-Torelli 1992, p. 187-194 ; Coarelli 1994a, p. 82-83.
158 Wataghin Cantano 1966, p. 65-82 ; Giuliani 1977 et 1982 ; Carandini 1986 ; Wataghin Cantano 1991 ; LTUR II, p. 43-44 ; Royo 1999, p. 303-368, sur le Palatin à l’époque de Domitien.
159 Pensabene 1979, p. 74-75 ; Pensabene 1981 ; Royo 1999, p. 310 et note 44 : le palais flavien aurait été achevé entre 92 et 96 ; la dite Aula Regia – l’appellation est très récente, les sources antiques utilisant les termes Domus Fla-via et Domus Augustana, ou aula parrhasia (ibid., p. 303) ; puis, dans l’Histoire Auguste, apparaissent les termes : atrium regium et cenatio Iovis – (ibid., p. 361 note 254) – aurait, elle, été achevée vers 90-91. Outre les frises déjà évoquées, l’Aula Regia ou salle de réception (ibid., p. 328), était rythmée de niches ornées de statues : deux ont été retrouvées par le passé, et il s’agissait de statues d’Hercule et Dionysos (ibid., p. 357). Le choix ne nous paraît pas, au vu des ensembles urbanistiques décrits ci-dessus, surprenant.
160 Pensabene 1981, p. 74 ; Royo 1999, p. 310.
161 Ibid., p. 303, décrit ainsi le palais de Domitien : « [...] l’évocation du palais [chez Stace et Martial] est toute entière contenue dans l’image de la salle d’audience [Aula Regia], ou de banquet [le triclinium], représentée à l’égal de l’Univers et où siège Jupiter ». Plus loin, Manuel Royo cite (ibid., p. 347) un extrait de Plutarque comparant la demeure de Domitien et le temple de Jupiter Optimus Maxi-mus, et critiquant le luxe de la première ; et (ibid., p. 356) un poème de Stace comparant le palais au temple, proche, de Jupiter Victor, que surpasse la demeure de Domitien ; le tout transforme, à l’époque de Domitien, le palais impérial en « demeure divine » (ibid., p. 376).
162 D'Ambra 1991 et 1993; et LTUR II, p. 309, pour une courte présentation.
163 Précisons, une nouvelle fois, que nos remarques ne visent pas à condamner ou à réhabiliter le règne de Domitien, qu'elles ne visent pas non plus à dégager, entre le règne du Flavien et celui de l'Antonin, des permanences institutionnelles, religieuses, juridiques, etc. – ou, au contraire, à affirmer la rupture entre deux conceptions du Principat, l'une tyrannique, l'autre libérale. Ce qui est en cause ici est, uniquement, l'évolution des discours officiels. Ces discours, toujours favorables à l'empereur régnant, présentent cependant des nuances d'octave – si j'ose dire – dans le concert habituel de louanges. Ce sont ces nuances qui constituent à nos yeux un objet historique : nous les observons avec pour but de comprendre comment, et pourquoi, le Prince a mis en scène son pouvoir de telle ou telle manière.
164 D'Ambra 1993, p. 35 et 44-45 : trois autels ont été retrouvés.
165 Ibid., p. 45 et 65. Gély 1994, p. 215.
166 Kraus 1985, p. 23 figure 12, et Torelli 1987, p. 580- 581, proposent une mise en espace cartographique des principales réalisations de Domitien. Si l'on y joint les réalisations de Vespasien et le Temple de la Gens Flavia sur le Quirinal, on constate que le Flavien avait entrepris l'encerclement urbanistique du Forum romain.
167 Alexandropoulos 1994, p. 84, en donne les références.
168 Sablayrolles 1994, p. 125-127, pour la liste.
169 Rizzo 2001a, p. 240, mentionne l'édification, sous Domitien, d'un nymphée entre templum Pacis et Forum (dit) de Nerva, vers la Basilique Émilienne, unifiant ainsi forum républicain et forums impériaux; un décor de Victoire tauroctone l'accompagnerait.
170 D'Ambra 1993, p. 5, 36 et 95-96. La loi était entrée en vigueur au moment de la célébration des Jeux Séculaires par Auguste.
171 Ibid., p. 10.
172 D'Ambra 1993, p. 8 et 29. Il avait reçu l'Empire en septembre et était né en octobre (Suétone Dom., XIII, 3).
173 D'Ambra 1993, p. 4.
174 Hannestad 1988, p. 141; D'Ambra 1993, p. 41 et figure 27. Alexandropoulos 1994, p. 85, précise que Domitien s'inpira pour sa monnaie d'un type de Caligula qui montrait l'empereur sacrifiant devant le temple du divin Auguste. Le sens dynastique de la monnaie julio-claudienne est évident, et la volonté de se présenter comme «héritier» d'Auguste transparaît dans la monnaie flavienne : on sait que Domitien choisit de célébrer les Jeux Séculaires en référence à ceux d'Auguste en 17 avant n.è. puisqu'il écarta, pour ce faire, ceux organisés par Claude en 47.
175 D'Ambra 1993, p. 29; sur les bibliothèques : Corbier 1992, p. 900. Cet exercice de rapprochement avec Auguste n'exclut bien sûr pas l'effacement, sur le Palatin, des espaces augustéens : Royo 1999, p. 303-368, sur les transformations – et les transferts – réalisés par le Flavien sur la colline de Romulus.
176 Di Angeli 1992 ; D’Ambra 1993, p. 8 ; Royo 1999, p. 354-355.
177 D’Ambra 1993, p. 33.
178 Coarelli 1984, p. 153 ; D’Ambra 1993, p. 33 ; Sablayrolles 1994, p. 133 ; LTUR II, p. 19-20 ; Royo 1999, p. 354-355.
179 Coarelli 1984, p. 147-153 ; Rodriguez-Almeida 1986, p. 56-58 ; D’Ambra 1993, p. 8 et 33 ; Sablayrolles 1994, p. 133-134 ; LTUR II, p. 102 et 368 : l’édifice est à la fois un sacrarium et un mausolée ; il fut réalisé entre 89 et 95 et paraît avoir comporté un arc ; on attribue à celui-ci les reliefs Hartwig. Royo 1999, p. 352-354, reprend une proposition de Mario Torelli et reconnaît, dans une monnaie de Domitien souvent comprise comme façade de la Domus Flavia (voir sa planche XVI), la façade étagée du Templum Gentis Flaviae.
180 Suétone, Dom., 4 (trad. H. Ailloud). Les Quinquatries se déroulaient traditionnellement à Rome, mais Domitien choisit d’organiser les cérémonies dans sa villa. Sur les domaines de Domitien, Darwall-Smith 1994. Sur le caractère privé du festival (et la dévotion à Minerve) : Fears 1981c, p. 78 ; Girard 1981, p. 239-240.
181 Gély 1994, p. 210-211 : « La gens Flavia tirait ses origines de Réate, comment ne pas être tenté, en effet, d’imaginer les années de pouvoir [des Flaviens] comme une sorte de règne de l’Italie profonde, sabine [...]. Ce qui domine dans la « Sabine legacy » à Rome et selon les Romains, c’est une piété à la fois mystique et terrienne, l’austérité des mœurs, la compétence dans l’économie agraire [...] », etc. Lévi 1975, p. 197, indique que Vespasien fit construire, en Sabine, un temple à la Victoire. Sur la villa de Domitien, consulter le toujours précieux article de Lugli 1978 ; et plus récemment Hesberg 1981, et Crescrenzi 1981. Sur les derniers temps de Domitien : Syme 1983.
182 D’Ambra 1993, p. 11. Darwall-Smith 1994, p. 148, précise : « the gens Iulia claimed that it originated there [la Sabine], and games in its honour were held at Bovillae in 63 on the birth of Nero’s daughter (Annals XV, 23). Julius Caesar is said to have gone further, and worn the dress and shoes of the Alban kings (Dio XLIII 43.2) ». Le lieu choisi par Domitien pour la tenue du festival était donc doublement signifiant, car chargé de réminiscences archaïques et julio-claudiennes. Sur Gens Iulia / Gens Fla-via : bibliographie dans Royo 1999, p. 354.
183 D’Ambra 1993, p. 29. Sur la volonté de Domitien de restaurer d’anciens cultes, dont beaucoup situés sur le Quirinal : Lugli 1978 ; Rodriguez-Almeida 1986 ; Torelli 1987. Sur le panthéon flavien : Traglia 1981.
184 D’Ambra 1993, p. 64-65.
185 Sur ce sujet, Turcan 1981, p. 386-387, a émis l’hypothèse suivante : « la tradition faisait du vieux Janus Geminus la première institution du règne de Numa, et dans le récit livien la construction du « temple » suit immédiatement l’avènement du deuxième roi de Rome qu’on datait de -715 [...]. En 86, on pouvait donc fêter le huitième centenaire du Janus Geminus, et l’on peut se demander si Domitien n’a pas voulu faire coïncider l’inauguration de son Janus Quadrifrons avec cet anniversaire. Deux ans plus tard, il célèbrera (avec six ans d’avance) les Jeux Séculaires, fête du renouvellement et de la régénération du Peuple Romain qui sacralise un nouveau bail avec les dieux ». À la différence de Robert Turcan (ibid., p. 387), qui concède qu’« aucune allusion monétaire [de Domitien] ne confirme sur ce point les intentions du pouvoir », rappelons que Trajan a restitué une monnaie républicaine à l’effigie du dieu bicéphale.
186 Ibid., p. 387.
187 D’Ambra 1993, p. 13 et 73.
188 Ibid., p. 13.
189 Ibid., p. 56.
190 Mikocki 1995, p. 50-53. L’étude des impératrices assimilées à des divinités permet de comparer pratiques domitiennes et période trajanienne. On peut noter que Plotine refusa en 100 le titre d’Augusta, qu’elle accepta en 105. L’auteur conclut : « La propagande [trajanienne], au caractère plutôt social et militaire, se concentre surtout sur la personne même de l’empereur, laissant de côté les membres de sa famille. [...] Incontestablement, cela découla de l’absence d’une politique dynastique ». La fin du règne trajanien oblige à nuancer ce jugement.
191 D’Ambra 1993, p. 104-105.
192 Hannestad 1988, p. 136. Sur la conception de l’État sous Domitien, consulter André 1982, p. 23-29 ; sur les résistances à l’idée monarchique sous Vespasien et ses fils, et la répression (en tant que censeur sans doute) par Domitien de certains philosophes : Béranger 1975, p. 142 ; Syme 1983, p. 123-124.
193 Lévi 1975, p. 197, indique que la censure de Vespasien et Titus, en 73-74, « permise una battaglia contro l’opposizione senatoria [...] ». Il en fut de même pour Domitien, d’où l’abstention de Trajan.
194 Description et commentaire repris de Desnier 1979, p. 55.
195 Ibid., p. 59.
196 À juste titre, Desnier 1979, p. 62, remarque que l’association de Domitien à Jupiter fut dénoncée par ses contemporains, lesquels ne protestèrent pas lorsque Trajan adopta le surnom d’Optimus. Sur ces utilisations nuancées mais comparables de Jupiter, consulter la mise au point toujours pertinente de Fears 1981c, p. 74-85. Sur des preuves de dévotions de Trajan à Jupiter : ibid., p. 92-95.
197 Ibid., p. 85, cite un poème, attribué à Hadrien, dans lequel Trajan est nommé « fils d’Énée ». À la différence d’un Domitien, « fils et frère de divi », l’appellation vaut, croyons-nous, pour « fils de la Louve » ou « Romain ».
198 Royo 1999, p. 353 : ce fut « la chambre à coucher de l’empereur et le sacrarium domestique » qui furent frappés (Suétone, Domitien 15, 2).
199 De cette division bibliothèque grecque-bibliothèque latine, Pecere 1990, p. 320, déduisait : « En somme, avec sa symétrie parfaite des deux aulae, la bibliothèque augustéenne devait légitimer, à l’intérieur, la souveraineté absolue du princeps dans tous les champs de la vie civile et, à l’extérieur, le primat politique et culturel de Rome sur le monde » (également : Fedeli 1989a). La comparaison avec les deux bibliothèques du Forum de Trajan et le discours qu’elles sous-tendent (réunion des deux koiné majeures de l’Empire) est, déjà, fructueuse.
200 La Villa Adriana est un résumé architectural du monde, avec juxtaposition de sites prestigieux (ou, pour Hadrien, douloureux) de l’Empire. Nous ne sommes pas si loin du discours du Forum de Trajan tel que nous le reconstituons (sur la villa Adriana, lire Boatwright 1987 ; Grenier 1989 sur le Canope ; De Franceschini 1991 ; sur la comparaison entre les deux complexes, voir notre communication Galinier 2001).
201 Se reporter à la note 117 ci-dessus.
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